nés dans cet article, je renvoie à mes Deux chapitres de l’histoire des
Turcs de Roum, dans Byzantion, XI, 1936, p. 285-319, et au chap.
2 de mon The Rise of the Ottoman Empire, London, 1938.
(1) J. V. Hammer, Des osmanischen Reiches Staatsverfassung und
Staatsverwaltung, Vienne, 1815, II, p. 449.
(2) ‘Ayn-i ‘Alî Efendinin Qavānīn risalesi, sene 1018, Constanti
nople, 1280, p. 22.
(3) Hāğği Halīfa (Kūtib Čelebi), Ğihānnumā, Istanbul, 1145/
1732, p. 622’: cJU cJO. Là, aux endroits
cités dans les deux notes ci-dessus, et également chez Ferīdūn,
Munša’āt as-salātīn2, Istanbul, 1274-75, II, p. 405, on trouve l’énu
mération des 7 sanğaq qui composent le vilayet Sivâs.
(4) Voir la lettre du Grand-vizir Ibrahim Paša à Charles-Quint, da
tant de 1530 (F. Babinger dans Der Islam, X, 1920, p. 140 ; p. 144,
n. 1, J. H. Mordtmann constate que « Rûm » signifie ici « Sivâs »),
et çelleş de Soliman le Magnifique à Ferdinand Ier, datant des ah-
LE SULTAN DE RŪM 365
droit même où les pièces des xvne et xviue siècles font figu
rer celle de Sivâs (x). Nous trouvons d’autres témoignages
chez les historiens. Ainsi, dans les chroniques anonymes du
xve s., nous lisons qu’après la défaite d’Ancyre en 1402 le
futur Sultan Mehmed Ier s’enfuit avec le contingent de Rûm
(Rūm čerisi) à Amasia (2). Or, il avait pris part à la ba
taille comme chef des troupes d’Amasia dont il était le gou
verneur : le rūm čerisi n’est donc rien d’autre que le con
tingent de son vilayet de Rûm, c. à d. d’Amasia-Sivas (3).
Chez Sa'deddîn (xvie s.) en plusieurs endroits la même con
trée est appelée la petite Rûmîya (4), « petite » évidemment
(1) Op. cit., II, p. 418. Ibn Battūta décrit son arrivée à la forteresse
de Mahtūlī où commence le territoire de Rūm. Cette localité doit être
cherchée sur la route terrestre qui conduit de la Russie méridionale
à Constantinople. Ne nous cachons pas que toute cette partie du
récit est bien suspecte : qu’on se rende à Constantinople, non pas
de Brousse ou de Nicée, que notre auteur avait visitées auparavant,
mais de Soudak, et cela non par mer mais à travers les steppes, que
la princesse byzantine mariée au Khan de la Horde d’Or, en compa
gnie de laquelle Ibn Battūta voyage, porte le même nom de ùAî
que la femme de l’Ottoman Orkhan — tout cela est trop invraisem
blable. Surtout ritinéraire entre Mahtūlī et Constantinople est ab
solument fantaisiste. Dans ces conditions je n’ose pas chercher l’em
placement de (on est tenté de corriger en Nicopolis
sur le Danube). Néanmoins il reste vrai que pour notre auteur, il
existait en Europe un territoire de Rūm qui était l’empire byzantin.
(2) F. Taeschner, Al-Umarī’s Bericht über Anatolien, etc.,
I, Leipzig, 1929, p. 1.
(3) Op. cit., p. 53 s. :
ÂSX. UU* (Bīzāntānīya) Uüaî Ци U>a.5 j
(4) Curchi = Κούρικος, le Korkene de Bertrandon de la Bro-
quière (1432), éd. Ch. Schefer, Paris, 1892, p. 100 (p. 116 : Corco),
aujourd’hui Čokôren (le toponyme moderne s’explique par la mé-
tathèse d’une forme Korikon, avec palatalisation du к initial) à la
côte de Cilicie, à l’Est de Selefke = Σελεύκια ; cf. Tomaschek, Zur
hist. Geographie von К. Ä. im M. A., dans Sb. Ak. d. W. Wien,
Ph.-h. Cl., CXXÎV, 1891, p. 65. Encore Sa'deddīn, H, p. 23, 1. 8
écrit u-XX' Korikos.
LE SULTAN DE RŪM 373
(1) Nous avons déjà rencontré ce titre dans le passage d’Ibn Bat-
tūta (v. supra, p. 372). Cf. P. Witter, Das Fürstentum. Mentesche,
Istanbul, 1934, p· 39, n, 1. Citons le passage particulièrement expli-
380 P. WITTER
que celui d’un βασιλεύς 'Ρωμαίων et qui dans ses plus hardis
rêves de gloire et de puissance se soumettait à l’idée de l’em
pire romain Q). La situation n’est pas la même, non plus,
que dans le cas des Latins de la quatrième croisade, pour
lesquels ne pouvait entrer en ligne de compte d’autre empire
que Y Empire Romain, Ylmperium Romaniaé, Y Imperium Ro-
manorum..... (12) « Les nouveaux-venus, ceux qui appartiennent
à ce monde que Byzance qualifiait de « barbare », ne font
que donner une dynastie ou essayer de donner une dynastie,
et des soldats aussi, à un Empire qui reste toujours de la
même essence » (3). Cette constatation, si juste pour les La
tins de 1204, ne vaut certainement pas pour les Turcs otto
mans. Leur« Sultanat de Rûm» était d’une tout autre autre
essence que l’Empire auquel il se substitua (4). Il était impos
sible que cette théocratie musulmane, issue de l’union des
traditions politiques des Ghâzî avec celles de l’islam classi
que, continuât sans rupture les traditions politiques et cul
turelles de la Byzance chrétienne. C’est aux Occidentaux seu
lement que les sultans ottomans, regardés de très loin et
d’une manière superficielle, pouvaient apparaître comme
des imperatores Constantinopolis dans le sens de vrais
successeurs des βασιλείς — aux occidentaux ou encore aux
chrétiens devenus sujets de l’empire ottoman, qui, maltraités
déjà par l’état byzantin et abaissés à la condition de « raya »
bien avant la Τουρκοκρατία, n’avaient plus eu aucune part
active au gouvernement sous lequel ils devaient vivre :
(1) Voir Byzantion, XI, 1936, p. 310 sur les deux groupes dans
lesquels l’islam se divise selon 'Āšiqpašazūde, éd. Giese, p. 220,
1. 2 (dans la n. 2 de la page citée de mon article il faut lire : p. 201,
1. 16).
(2) Voir KöPRÜLüzADE Μ. Fuat, op. cit., chap. XII : Imperatorluk
ve hakimiyet telâkkileri.
(3) Voir notre The Rise of the Ottoman Empire, p. 7-11.
(4) Pour n’en donner qu’un exemple: Sa‘deddīn, I, p. 429, nomme
Istanbul « la fine et belle des pays de Rûm, qui, dès les temps anciens,
avait toujours été la résidence des souverains et le siège des Qayşar».
(5) Cf. le diplôme d’investiture de 1608, publié par F. Behrnauer
dans Archiv für Kunde österr. Geschichtsquellen, XVIII, 1857, p.307 :
<--> jUaL 4L « Moi qui
suis le sultan des sultans de l’Orient et de l’Occident, des pays de
Rūm, de la Perse et de l’Arabie ».
LE SULTAN DE RŪM 387
tôt « le Grec ». C’est à juste titre que Meninski2 donne pour « rūmge,
pro rūmīğe, vulg. urūmğe » « graece, graeco idiomate ». Rūmğe (au
jourd’hui rumğa ou urumğa), en effet, égale ρωμαίικα ; cf. Χλωρός :
rūmge, lisān-i rūmī — νεοελληνική γλωσσά.
(1) Voir Jan Rypka, Bāqī als Ghazeldichter, Prague, 1926, p.
49 s., le passage de eAtā’ī : mu'addil-i mīzān-i zebān-i Rūm, traduit
par Rykpa : der Ausgleicher (gegenüber den anderen poetisch hoch
entwickelten Sprachen, namentlich der persischen) der Wage der
türkischen Sprache.
(2) Öğrendi ghazel tarzını Rūmuñ šu'arāsi (cité d’après Rypka, op.
cit., p. 50).
(3) Voir M. Fuad Köprülü dans Türk Halkedebiyati Ansiklopedi
si, Istanbul, 1935, p. 29.
(4) Quant à l’usage pratique citons encore comme exemples le
calendrier ottoman dit ta’rīh-i Rūmī (MÜNEğğiMBAŠi, I, p. 27), et
aussi sāl-i Rūmī, έτος οίκονομικόν (X λ ω ρ ό ς ), et la monnaie d’or
ottomane appelée Rūmī, et cela au xixe s., sous Mahmud II
(IsMāhL GHāLiB, Taqvīm-i meskūkāt-i ‘osmānīye, Istanbul, 1307,
p. 504).
(5) Encore en 1867 un poète persan parle de l’empire ottoman
sous le nom de Rum : voir A. Bricteux, Mirza Dja‘faT Qaradja-
daghi, L’Avare, Liège, 1934, p. 5 et 9 : bji o'j
« frühchissant lą męr, j’ąi fait un voyage dans l’empire ottoman »,
390 P. WITTER
(1) A mon vif regret mes amis turcs semblent ne pas approuver
le terme que je propose ici et que j’emploie moi-même depuis quel
que temps déjà. J’espère qu’ils ne m’en voudront pas, au moins. Car
comment juge-t-on la Turquie dans le monde selon Ibn BAttūtA
(II, p. 255)? : Aš-šafaqat fi’r-Rūm, « la bonté se trouve en Rūm ».
UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
ANNUAIRE
DE L’INSTITUT DE PHILOLOGIE
ET D’HISTOIRE ORIENTALES
ET SLAVES
TOME Vï (1938)
MÉLANGES
ÉMILE BOISAGQ
BRUXELLES
Secrétariat des Éditions de l’Institut
IMPRIMERIE
D E МЕЕ STER
WETTEREN
(BELGIQUE)