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Métropoles

3 | 2008
Varia

La ville comme machine à mobilité


Capitalisme, urbanisme et gouvernement des corps

Max Rousseau

Éditeur
ENTPE - École Nationale des Travaux
Publics de l'État
Édition électronique
URL : http://metropoles.revues.org/2562
ISSN : 1957-7788

Référence électronique
Max Rousseau, « La ville comme machine à mobilité », Métropoles [En ligne], 3 | 2008, mis en ligne le
12 septembre 2008, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://metropoles.revues.org/2562

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2008, n° 3

La ville comme machine à mobilité.


Capitalisme, urbanisme et gouvernement des corps1
Max Rousseau, ATER en science politique – Université de Saint-Étienne,
max.rousseau@univ-st-etienne.fr

Résumé : L’industrialisation s’est effectuée autour d’un urbanisme de l’immobilité : les


cités ouvrières permettaient notamment au patronat de fixer dans l’espace une main
d’œuvre d’origine agricole, la stabilité spatiale étant une condition indispensable
pour le développement du capitalisme industriel. Parallèlement, le vagabond, qui
personnifiait la mobilité, se voyait construit comme ennemi public. Au cours des
trente dernières années, la crise du capitalisme a entraîné l’apparition d’un nouveau
régime d’accumulation flexible du capital ; celui-ci nécessite cette fois une extrême
mobilité de la main d’œuvre. Il semble dès lors que l’on puisse lire les transformations
actuelles des paysages urbains et la multiplication d’ « espaces de mobilité » au sein
des villes françaises comme résultant de l’influence croissante des groupes sociaux
nés des recompositions économiques, mais aussi du changement de rôle d’un Etat
néolibéral promouvant désormais la mobilité de la main-d’œuvre. Enfin, ce sont
désormais les divers corps immobiles dans l’espace urbain qui sont désignés comme
ennemis.

Mots clés : Urbanisme, corps, mobilité, néolibéralisme, espace public

Summary : Industrialization was accompanied by a urbanism of immobility: the


workers’ housing estates made it possible in particular for employers to spatially fix
a laborforce of rural origin, spatial stability then being an essential condition for the
development of industrial capitalism. In parallel, the vagrant, who personified
mobility, found himself being set up as the public enemy. During the last thirty
years, the crisis of capitalism has meant the appearance of a new regime based on the
flexible accumulation of capital; this, on the contrary, requires an extreme mobility of
labor. One might therefore see the current transformations of urban landscapes and
the multiplication of “spaces of mobility” within French cities as resulting from the
increasing influence of the social groups who are emerging with globalization, but

1 Merci à Gilles Pinson pour sa lecture critique d’une première version de ce texte.

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also from the changing role of a neoliberal State now promoting the mobility of labor.
Finally, the motionless bodies in urban space are now designated as the new public
enemies.

Key words : Urbanism, body, mobility, neoliberalism, public space

Comprendre le néolibéralisme par la métaphore du corps mobile

Il est frappant de constater à quel point il est devenu récemment de plus en plus

difficile de rester immobile dans l’espace public des grandes villes. S’arrêter dans la

rue signifie désormais stationner debout, ou s’asseoir à des endroits non prévus pour

cet usage (rebords de trottoir, pas de porte…) puisque les aménités urbaines qui

remplissaient auparavant cette fonction disparaissent rapidement – la plupart des

bancs publics, par exemple, étant en voie de suppression. Tenter l’expérience de

rester immobile dans l’espace urbain de nos jours signifie se glisser dans la peau d’un

suspect aux yeux des passants qui détournent leur chemin ou des policiers qui

interviennent pour remettre le corps immobile en mouvement2.

Au fil de sa pénétrante étude de la Révolution Française sous l’angle des

représentations, dans les brochures et les caricatures révolutionnaires, des corps –

ceux, dégénérés, du roi, de la noblesse et du clergé, s’opposant à ceux, magnifiés, des

révolutionnaires – l’historien Antoine de Baecque démontre qu’« à la fin du XVIIIe

siècle, la métaphore corporelle dit l’état d’un système politique, sa mort, puis la

2 L’idée de cet essai vient de deux aventures récentes vécues par l’auteur dans les rues de Paris. La première
fois, j’attendais un ami, debout dans les couloirs de la station de RER des Halles lorsque trois policiers m’ont
demandé de « circuler » ; ce n’est que plus tard que j’ai compris que dans cette partie de Paris, les policiers
assimilent les individus immobiles aux dealers. La seconde, je discutais avec des amis, assis sur la promenade
des quais de la Seine, lorsque des policiers ont contrôlé notre identité avant de nous demander, là encore, de
« circuler ». Je précise que je suis blanc et que mon apparence extérieure est plutôt « neutre » (disons, jeune issu
de la classe moyenne) afin de neutraliser des interprétations du comportement de ces policiers en termes de
discrimination contre les pauvres et/ou les minorités ethniques.

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naissance d’un autre » (De Baecque, 1993 : 14). Peut-on appliquer cette réflexion aux

représentations du corps urbain, contemporaines cette fois, que donnent à voir les

prescripteurs sociaux que sont par exemple la loi, les hommes politiques,

l’architecture et l’urbanisme contemporains ?

Il semblerait que l’on assiste en effet depuis peu à la mort d’un système non

seulement politique, mais aussi social, économique et culturel, et à la naissance d’un

nouveau. Certains auteurs ont qualifié ce moment de l’histoire présente de « tournant

néolibéral » (Jobert, 1994). Le néolibéralisme est une doctrine théorisée par le

philosophe Friedrich Hayek (Hayek, 1944) et l’économiste Milton Friedman

(Friedman, 1962) mise en pratique par Margaret Thatcher et Ronald Reagan

(Feigenbaum et Henig, 1994) avant de se diffuser à l’échelle mondiale – ce qui donne

à penser à ses laudateurs que le triomphe du marché signifie « la fin de l’histoire »

(Fukuyama, 1993). En France, comme l’a récemment montré François Denord, l’essor

du néolibéralisme puise ses racines dans l’entre-deux-guerres, au moment où des

membres de l’élite réfléchirent à la manière d’utiliser l’État pour étendre le domaine

d’action du marché et inventèrent pour ce faire un nouvel « art de gouverner »

(Denord, 2007).

En effet, comme l’avait déjà montré Marx, la société de marché ne peut se réaliser

d’elle-même : elle suppose que les individus changent leur comportement, ce qui

nécessite un redéploiement de l’ État vers la régulation de celui-ci (Polanyi, 1983).

Margaret Thatcher elle-même expliquait que « l’économie est la méthode, l’objectif

est de changer l’âme ». S’appuyant sur la notion de gouvernementalité – la

« conduite des conduites » – forgée par Michel Foucault, la politiste américaine

Wendy Brown se propose dès lors d’analyser le néolibéralisme non comme un

simple ensemble de politiques publiques visant l’extension des principes du marché

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à l’ensemble des sphères économiques, mais comme une véritable rationalité

politique :

« Le néolibéralisme n’est (…) pas uniquement un ensemble de mesures


économiques ; il ne s’agit pas seulement de faciliter le libre-échange, de
maximiser les profits des entreprises et de remettre en cause les aides
publiques. En effet, de l’esprit du sujet-citoyen aux pratiques impérialistes
en passant par l’Education, rien n’échappe à l’analyse néolibérale, quand elle
est traduite en gouvernementalité. Si la rationalité néolibérale met le marché
au premier plan, elle n’est pas seulement – et n’est même pas d’abord –
centrée sur l’économie ; elle consiste plutôt dans l’extension et la dissémination
des valeurs du marché à la politique sociale et à toutes les institutions. » (Brown,
2003 :7).

La figure centrale portée par le néolibéralisme est l’entrepreneur : l’État néolibéral

« cherche à créer un individu qui soit un entrepreneur compétitif »

(Olssen, 1996 : 340) dont l’une des caractéristiques principales est la mobilité spatiale.

Dans cette perspective, l’étude de la « production de l’espace » (Lefebvre, 1974)

constitue un angle d’approche intéressant du gouvernement de la mobilité

corporelle. En 1972, Henri Lefebvre écrivait :

« Les classes dominantes se servent aujourd’hui de l’espace comme d’un


instrument. Instrument à plusieurs fins : disperser la classe ouvrière, la
répartir dans des lieux assignés, organiser les flux divers en les
subordonnant à des règles institutionnelles – subordonner donc l’espace au
pouvoir – contrôler l’espace et régir technocratiquement la société entière, en
conservant les rapports de production capitalistes. » (Lefebvre, 2000).

Cette citation ouvre une réflexion sur un thème peu étudié par la recherche urbaine :

le contrôle de l’espace permet le contrôle de la mobilité des corps. Cet essai a pour

objectif, par une mise en perspective historique, d’illustrer cette proposition en

éclairant la période actuelle. Plus précisément, mon hypothèse est double : d’une

part, l’action du pouvoir sur l’espace urbain produit des conséquences en terme de

mise en mouvement des corps ; d’autre part, les instruments de cette politique de la

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mobilité corporelle peuvent être observés dans les transformations actuelles des

paysages urbains. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi.

Capitalisme industriel et mécanismes d’immobilisation spatiale

Au XIXe siècle, la révolution industrielle résulte, selon l’historien Arnold Toynbee, de

« la substitution de la libre concurrence aux réglementations qui, depuis le Moyen

Âge, étaient imposées à la production » (cité in Brasseul, 1998 :4). Le capitalisme

industriel repose alors sur la production de masse, celle de biens standardisés. Celle-

ci nécessite elle-même une organisation du travail de plus en plus rigoureuse, qui

trouve son aboutissement au début du XXe siècle, avec la généralisation des lignes

d’assemblage taylorisées sur lesquelles les ouvriers exécutent un nombre de tâches

limité et sont séparés tant de la conception du produit que de son résultat final.

Les progrès de l’ « organisation scientifique du travail » nécessitent une régulation

progressive des comportements. Ils impliquent par exemple un profond changement

de la temporalité du travail (Veltz, 2000 : 77-82) : c’est ainsi que la généralisation de

l’usage de la montre marque le passage d’une société paysanne à une société

ouvrière qui intègre la contrainte temporelle (Thompson, 2004). Après 1860, l’ouvrier

devient un « consommateur » qui « se nourrit mieux et (…) aspire à bien se vêtir et à

s’affranchir ainsi du ghetto prolétaire » (Perrot, 1974 : 239) : l’ouvrier devient ainsi

disposé à consommer les biens que lui-même a contribué à fabriquer, condition

essentielle de l’accumulation du capital industriel.

Surtout, la hantise de la défection de la main d’œuvre et des coûts de formation

afférents nécessitait des dispositifs à même d’immobiliser la force de travail. Pour ce

faire, différents moyens de sédentarisation ont été employés. Les premiers étaient

plutôt répressifs : ainsi, le livret ouvrier instauré par Napoléon limita la libre

circulation des ouvriers sur le territoire national français jusqu’en 1890. Les suivants

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étaient plus incitatifs : ces techniques de sédentarisation et de fidélisation au patronat

qui se développèrent à la fin du XIXe siècle sont désignées par le terme de

« paternalisme » (Philippon, 2007 : 37). Concrètement, il s’agissait pour le patronat

d’accorder diverses protections à la main d’œuvre, allant de la création de systèmes

de retraite et d’assurance jusqu’à la construction de quartiers autosuffisants autour

des usines (avec leurs lotissements pour les travailleurs, leurs commerces, écoles et

hôpitaux), voire de véritables villes dédiées au patronat (comme Le Creusot, modelée

par la famille d’industriels Schneider).

Le lien entre les utopies socialistes du XIXe siècle – qui cherchaient de manière

désintéressée à améliorer les conditions de vie des ouvriers – et le paternalisme – qui

voyait en l’amélioration des conditions de travail un moyen d’accroître la

productivité – semble plus ténu qu’on ne le pense généralement. En tant qu’ « utopie

réalisée », le familistère de Guise représente ainsi l’archétype de l’urbanisme de

l’immobilité que le capitalisme industriel cherchait à mettre en œuvre. Le concepteur

de ce « Palais social », l’industriel Jean-Baptiste Godin, conciliait le paternalisme

capitaliste avec un réel intérêt pour le socialisme utopique de Charles Fourier. On

trouve dans le familistère de Guise les principaux mécanismes de diffusion de

l’immobilité, tant incitatifs que dissuasifs, qui sous-tendront par la suite la plupart

des quartiers industriels. Comme l’écrivent ainsi Michel Capron et Jean-François

Draperi :
« Le Familistère avait (…) pour première finalité de loger de façon novatrice,
confortable, attrayante et à moindre coût les ouvriers à côté de leur lieu de
travail. (…) Des espaces de jeux pour les enfants, de rencontre pour les
adultes, mais aussi d’autosurveillance, des espaces pour la garde des très
jeunes enfants, la lessive, les courses, les conférences, les bals, les fêtes… y
étaient aménagés » (Capron et Draperi, 2003 : 4).

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Rêver de l’immobilité. Plan du familistère de Guise, vers 1860

À partir de la fin du XIXe siècle, la construction de cités ouvrières se multiplie dans

l’ensemble des pays industrialisés. Ainsi, la rapide expansion des mines de fer et de

la sidérurgie en Lorraine au tournant du XIXe siècle s’accompagne d’un recours

massif, de la part du patronat, à un urbanisme de l’immobilité, toujours au nom de la

réduction des coûts de production. En effet, comme l’explique Louis Bergeron :

« Jusque dans les années 1930, la pénurie d'effectifs fut, dans ce secteur et
cette région, une hantise permanente, liée tant à l'accroissement rapide des
besoins des entreprises qu'à l'extrême instabilité des ouvriers. La pratique
d'une politique sociale paternaliste apparut donc comme une condition sine
qua non de la croissance et, tout simplement, de l'existence de l'activité
économique. (…) Créer une cité ouvrière de qualité réduit considérablement
le turnover de la main d'œuvre » (Bergeron, 2001 : 1).

L’immobilité ne constituait pour autant évidemment pas l’unique norme sociale que

l’urbanisme de l’industrialisation cherchait à construire. Au cours de ses analyses de

la « société disciplinaire », Michel Foucault (1975) s’est ainsi interrogé sur la large

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contrainte des corps et des mentalités que permettait la cité ouvrière3. Selon lui, cette

dernière :
« articule (…) des mécanismes disciplinaires de contrôle sur le corps, sur les
corps, par son quadrillage, par le découpage même de la cité, par la
localisation des familles (chacune dans une maison) et des individus (chacun
dans une pièce). Découpage, mise en visibilité des individus, normalisation
des conduites, sorte de contrôle policier spontané qui s’exerce ainsi par la
disposition spatiale même de la ville : toute une série de mécanismes
disciplinaires qu’il est facile de retrouver dans la cité ouvrière »
(Foucault, 1997 : 224).

Construire l’immobilité. Le Creusot vers 1840

Industrialisation, urbanisation et désignation de l’ennemi mobile

Si le capitalisme industriel nécessitait – et créait – ainsi une main d’œuvre immobile

par la construction de formes urbaines spécifiques, il n’est pas étonnant de constater

que la figure majeure de la répression juridique et policière française de l’époque

était a contrario la figure mobile par excellence : celle du vagabond. Obsession de la

société française pendant la période moderne, le « traitement » du vagabondage

3 M. Foucault a consacré plusieurs réflexions à la manière dont l’espace pouvait modeler les comportements.
Voir ses analyses fameuses sur la manière dont l’architecture organise le contrôle social, notamment à travers
l’exemple de la prison panoptique développé dans Surveiller et punir (1975).

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consistait alors, la plupart du temps, en l’ « enfermement et l’obligation du travail

dans l’espace clos des institutions » (Procacci, 1993 : 38). Certes, la figure du

vagabond était alors associée, comme le montrent les travaux des historiens, à la

hantise de la tuberculose, de l’alcoolisme, de la dégénérescence. Mais, comme le note

Robert Castel, « la catégorie générale du vagabond, être totalement asocial et

dangereux, est une construction. » (Castel, 1995) La crainte du vagabond atteint son

apogée à la fin du XIXe siècle, et la loi de 1885 prévoyant la déportation des

vagabonds multirécidivistes ou leur interdiction de séjour consacre

l’institutionnalisation de la construction symbolique du corps mobile comme ennemi

urbain4. En effet, parmi les localités qui leur sont alors interdites, il est intéressant de

noter qu’« il y a d’abord les grandes zones urbaines ou industrielles (Nice, Marseille,

Bordeaux et sa banlieue, Saint-Étienne, Nantes, Lille, Lyon et l’agglomération

lyonnaise, Le Creusot, les départements de la Seine, Seine-et-Marne et Seine-et-

Oise) » (Wagniart, 1999 : 119).

Il est donc tentant de lire la montée de la lutte contre le vagabondage comme

résultant en partie du développement du couple industrialisation/urbanisation. La

construction des cités ouvrières et celle, sociale cette fois, du vagabond en ennemi

public, constitueraient en fait les deux facettes d’une même pièce : si la cité ouvrière

encourage l’immobilité, la répression du vagabondage décourage la mobilité. En

effet, comme l’écrit Jean-Claude Beaune :


« Constituer en destin une condition historique et sociale (…) implique de
fournir à l’ouvrier non seulement des règles, des ordres – ceux du travail
effectif, usinier – mais d’abord, dans sa vie réglementée de tous les jours, un
pathologique utile, un ensemble d’images-repoussoirs assez dures pour qu’il
s’y oppose et assez voisines de lui pour qu’il reconnaisse directement leur

4 Le rapporteur de la loi de 1885 au Sénat parle alors d’ « incurables du vagabondage » (cité in


Wagniart, 1999 :118) ; plus généralement, cette loi marque le paroxysme de la construction du vagabond comme
élément potentiellement déstabilisateur, comme profondément pathologique dans une société souvent analysée
au prisme de la métaphore organique.

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signification. Parmi celles-ci, le vagabond constitue l’image la plus froide, la


plus archétypique » (Beaune, 1983 : 314).

Selon la philosophe Nancy Fraser, tentée de lire Foucault au prisme de l’École de la

régulation, la « société de discipline », dans laquelle les comportements sont régis par

le biais de l’enfermement des individus dans des lieux successifs – prisons, écoles,

hôpitaux, universités, cités ouvrières – correspondrait typiquement au « mode de

régulation sociale fordiste » (Fraser, 2003). Toutefois, il semble qu’identifier de la

sorte fordisme, discipline et enfermement revient sans doute à pousser la

théorisation trop loin, à oublier par exemple la fascination des artistes modernes

pour la vitesse – et à oublier que l’archétype de la production fordiste était

l’automobile, symbole de liberté. Sans aller jusque-là donc, on peut se contenter pour

l’instant de constater qu’aux yeux des industriels, l’urbanisme a longtemps constitué

un instrument visant à réguler les déplacements de la main d’œuvre et à constituer

l’immobilité spatiale en une norme sociale dominante dans des villes alors

majoritairement constituées d’ouvriers déracinés.

Néolibéralisme et culte de la mobilité

A la suite de la crise rencontrée par le régime fordiste à partir des années 1970

(Aglietta, 1976), le capitalisme subit une mutation majeure. Un nouveau régime,

qualifié d’ « accumulation flexible du capital » se met en place qui se caractérise

notamment par la mobilité spatiale accrue du capital en réponse aux crises nées de la

suraccumulation de celui-ci (Harvey, 1985). Ce nouveau régime nécessite une

nouvelle adaptation de la main d’œuvre. Mais, a contrario du régime d’accumulation

précédent, il s’agit cette fois d’accroître la mobilité de ce que nombre d’économistes,

à la suite de Jacob Mincer, qualifient de capital humain, désignant par là la main

d’œuvre hautement qualifiée et flexible (Mincer, 1958).

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Le néolibéralisme se traduit ainsi par la célébration – notamment grâce à la puissance

des médias et de la publicité – de la mobilité des hommes : par un étonnant

retournement des valeurs dominantes, le vagabondage est devenu non seulement

accepté, mais encouragé. Comme l’indique Laurent Jeanpierre, l’éloge de la mobilité

devient ainsi une idéologie caractéristique de l’âge postmoderne :


« Parce qu’il incarnerait l’opposition à tout enracinement comme à toute
nostalgie de l’âge d’or, le déplacement est loué pour permettre la rencontre
des cultures, l’émergence d’un universalisme concret et d’un
cosmopolitisme nouveau. (…) Issues pourtant d’une autre époque
historique, les théories modernes de l’expérience urbaine qui associent la
« flânerie » (Baudelaire, Benjamin) ou la « dérive » (Debord) à la
souveraineté ou l’émancipation du sujet métropolitain ont été re-
découvertes ou réactualisées pour renforcer encore cette nouvelle
configuration idéologique » (Jeanpierre, 2005 : 330-331).

Le corps mobile ainsi célébré par la (post) modernité est celui de l’homme d’affaires

en transit dans l’espace mondial, du jeune urbain se pressant dans les lieux de

consommation de l’espace urbain, du sportif starisé se mouvant dans l’enceinte

sportive, bref, de toutes les figures participant à la construction du nouveau

capitalisme. Comment celui-ci parvient-il à mettre en pratique cette révolution des

consciences, d’autant que, comme Foucault lui-même le déclarait, les institutions de

surveillance qu’il avait décrites sont en crise, et « la discipline, qui était si efficace

pour maintenir le pouvoir, a perdu une partie de son efficacité » ?

(Foucault, 2004 : 532) Prolongeant les travaux foucaldiens pour les adapter à l’époque

contemporaine, Gilles Deleuze forge le concept de « société de contrôle » pour

signaler que les mécanismes disciplinaires auparavant confinés dans des milieux clos

se diffusent désormais dans l'espace public et peuvent ainsi s'appliquer à une

multiplicité d’individus désormais mobiles : « l’homme des disciplines était un

producteur discontinu d'énergie, mais l'homme du contrôle est plutôt ondulatoire,

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mis en orbite, sur faisceau continu » (Deleuze, 1990 : 244). Les dispositifs incitatifs et

répressifs favorisant la mobilité changent de nature ; les identifier est plus délicat en

raison de leur diffusion et de leur éparpillement. Il me semble néanmoins que les

grandes villes constituent désormais un terrain privilégié pour leur étude.

En effet, les bouleversements liés à la mondialisation naissante dérégulent le système

hiérarchique des villes jusqu’alors organisées sur un modèle national pyramidal et

hiérarchique (Veltz, 2002). Au sein de l’ « économie d’archipel » (Veltz, 1996)

naissante, certaines villes apparaissent comme les grandes gagnantes : les « villes

mondiales », qui parviennent à centraliser le capital, les lieux de pouvoir et

l’innovation économique (Sassen, 1991), et qui constituent ainsi les « chemins pour

des nouvelles formes de concentration de croissance économique et des nouvelles

formes associées d’inégalités économiques » (Sassen, 1988 : 168). En raison de leur

précocité dans le processus de transition économique vers la « société de la

connaissance » (Bell, 1973), ces villes post-industrielles voient apparaître en leur sein

une « nouvelle classe moyenne », jeune, urbaine, individualiste et diplômée

(Ley, 1980). Or l’une des caractéristiques les plus importantes de ce groupe est la

mobilité, à laquelle celui-ci confère une importance cruciale5. Les valeurs de ce

nouveau groupe sont souvent interprétées comme conciliant les valeurs du nouveau

capitalisme avec celles issues du mouvement contre-culturel des années 1950-19606,

5 De nombreux travaux montrent ainsi que les jeunes professionnels urbains à haut niveau de diplôme employés
dans les secteurs de la nouvelle économie (banque, finance, culture) ont compris les avantages, notamment en
termes d’augmentation de salaire, que leur conférait une stratégie basée sur une forte mobilité professionnelle et
donc spatiale. Voir, par exemple, Hjalager (2003).
6 Ces mouvements contre-culturels critiquaient fortement la vie en banlieue qui semblait alors un horizon
indépassable dans l’Occident fordiste. En célébrant les vertus du vagabondage et de la mobilité spatiale, la Beat
Generation, mouvement d’écrivains et de poètes bohèmes et marginaux des années 1950 influença profondément
le retour en ville et le désir d’exotisme qui caractérisent la culture occidentale du tournant du XXe siècle. Son
manifeste est le célèbre roman On the road de Jack Kerouac (1957).

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notamment la « critique artiste »7 d’un capitalisme perçu comme source de

désenchantement, d’inauthenticité et d’oppression : les voyages toujours plus

lointains et exotiques, par exemple, sont très appréciés par ce nouveau groupe urbain

(Heath et Potter, 2005).

Du fait de sa forte présence dans les secteurs de l’information, de la communication

et du marketing, la « nouvelle classe moyenne » vivant dans les centres-villes joue un

rôle de prescripteur culturel et politique (Guilly, 2007), et son apport à la montée en

puissance de la rationalité politique néolibérale semble trop souvent sous-estimé. Ce

groupe social, qui s’est vue récemment qualifier de « classe créative » (Florida, 2002)

possède du fait du statut symbolique que lui confère son style de vie, une influence

de plus en plus prégnante sur les politiques urbaines (Boschken, 2003), notamment

en termes d’esthétisation croissante des centres-villes (Ley, 1996). C’est ainsi que si

« assurément, en 1960 c’était l’ouvrier de l’industrie de masse qui constituait le

référent implicite des conceptions urbanistiques », à partir des années 1980 « les

attentes et les pratiques (postulées plus qu’objectivées) propres aux “cadres

dynamiques” des entreprises high-tech constituèrent le modèle qui guidait les

réflexions et avec lequel on calibrait les actions des aménageurs »

(Genestier, 1996 : 176-177). Si l’influence croissante de la « nouvelle classe moyenne »

sur l’urbanisme et l’architecture contemporains est surtout appréhendée par la

recherche urbaine en termes de gentrification (Bidou-Zachariasen, 2003) et de montée

en puissance du « New Urbanism »8, il reste que ce groupe émergent se caractérise

7 Par opposition à une « critique sociale » qui met davantage l’accent sur la misère, les inégalités,
l’opportunisme et l’égoïsme produites part le capitalisme. Voir les analyses incisives proposées par
Luc Boltanski et Eve Chiapello (1999) dans Le nouvel esprit du capitalisme, notamment pp. 82-86 et 282-284.
8 Le New Urbanism est un courant architectural américain qui se donne pour but de restaurer des espaces publics
de qualité, un sens de la communauté à travers une ville « à l’échelle humaine ». L’archétype de ces conceptions
est la ville de Celebration en Floride, construite par Disney et critiquée pour le repli sur soi qui semble y régner
(MacLeod et Ward, 2002).

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par son extrême mobilité. On peut dès lors poser l’hypothèse que ce phénomène n’est

pas sans conséquence sur l’évolution de la ville contemporaine.

Néolibéraliser l’espace, néolibéraliser les corps : gouverner la mobilité


dans la société de contrôle urbaine

De plus en plus, la ville se présente comme un processus de flux : les réseaux

technologiques et les infrastructures de mobilité caractérisent la ville contemporaine

(Merrifield, 1993, Harvey, 1996, Kaika et Swyngedouw, 2000). Manuel Castells les

définit comme des « espaces symboliques culturels de la domination », c’est-à-dire

des « espaces des élites (…), extrêmement spécifiques au plan architectural, avec un

design abstrait, banalisé, identique en Europe, à Hong-Kong ou aux Etats-Unis. »

(Castells in Pfliger, 2007 : 192-193). Il semble dès lors que ces transformations

actuelles de l’espace public urbain qui seront traitées ci-après résultent de l’influence

croissante, au sein des villes mondiales, des groupes issus de la mondialisation : la

« nouvelle classe moyenne » et l’élite mondialisée, le groupe des entrepreneurs,

financiers et cadres transnationaux qui composent ce que Leslie Sklair (2001) nomme

la « classe capitaliste transnationale » dont il met en lumière le rôle dans les

transformations architecturales contemporaines des villes mondiales (Sklair, 2005).

Ceux-ci représentent en effet les « grands » de la « cité par projets » dont

Luc Boltanski et Eve Chiapello dessinent le modèle à partir d’une étude des textes de

management des années 1990. Selon eux :


« Dans une cité par projets, l’accès à l’état de grand suppose le sacrifice de
tout ce qui peut entraver la disponibilité, c’est-à-dire la capacité à s’engager
dans un projet nouveau. Le grand renonce à n’avoir qu’un projet qui dure
toute la vie (une vocation, un métier, un mariage, etc.). Il est mobile. Rien ne
doit entraver ses déplacements. C’est un « nomade » (Deleuze,
Guattari, 1980). (…) L’exigence de légèreté suppose d’abord le renoncement
à la stabilité, à l’enracinement au local, à la sécurité des liens frayés de
longue date. » (Boltanski et Chiapello, 1999 : 183).

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Les transformations récentes de l’espace public urbain peuvent être lues dans la

perspective ouverte par Deleuze, celle d’une diffusion progressive d’un pouvoir

auparavant confiné dans des espaces relativement clos. Plus la ville est de taille

importante, plus elle est insérée dans l’espace mondial, et plus l’espace public qu’elle

offre aux corps des passants semble conçu pour inciter ceux-ci au mouvement. C’est

ainsi que, comme l’expliquent Stephen Graham et Simon Marvin :


« Les réseaux d’infrastructures sont révélés, célébrés et construits comme des
repères urbains iconiques. (...) Tel est le cas par exemple, des stations de
métro satellites contemporaines (Rio, Cologne, Tokyo, London Docklands,
Roubaix, Bangalore), des aéroports internationaux (Hong-Kong, Osaka,
Denver et bien d’autres), des ponts high-tech (Boston, Newcastle, Istanbul),
des autoroutes privées constellées d’“art public” (Melbourne), des réseaux et
des gares de trains à grande vitesse (les TGV européens) et des tours de
télécommunications (Barcelone). De telles constructions font partie de ce que
Castells appelle “une nouvelle monumentalité capable de fournir une
signification symbolique aux formes spatiales” en des temps de fluidité et
d’étalement métropolitains ainsi que de diffusion de paysages urbains
“génériques” relativement similaires et indiscernables sans précédents »
(Graham et Marvin, 2001 : 34).

Par ailleurs, le désengagement croissant de l’Etat, le développement de l’autonomie

des villes dans leur poursuite du développement local ainsi que la montée de la

concurrence interurbaine expliquent que les métropoles régionales aspirent à leur

tour à se doter des attributs des villes mondiales. C’est pourquoi les infrastructures

destinées à favoriser la mobilité, apparues initialement dans les villes mondiales, sont

de plus en plus adoptées par des métropoles régionales souhaitant par des

opérations d’urbanisme s’apparentant à du marketing démontrer qu’elles aussi

jouent désormais dans la « division supérieure ». C’est ainsi que la « néolibéralisation

de l’espace » (Peck et Tickell, 2002 ; Béal et Rousseau, 2008) débouche sur la

« néolibéralisation du corps » de l’urbain, c’est-à-dire sa mise en mouvement, encore

une fois condition indispensable pour le développement du régime d’accumulation

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flexible du capital. En effet, en prolongeant les travaux de Foucault sur le

gouvernement des corps et des consciences au moyen, notamment, de l’organisation

spatiale, il semble permis de considérer ces espaces urbains non seulement comme

des marqueurs symboliques d’une « ville qui gagne », mais comme des instruments

de gouvernement de la mobilité des hommes, comme des lieux dont la fréquentation

répétée, quotidienne, pour le travail ou les loisirs, permet d’inscrire la nécessité de la

mobilité dans les pratiques corporelles. Dans Corps et âme, Loïc Wacquant montre

comment la fréquentation quotidienne du club de boxe conduit l’apprenti boxeur à

intérioriser progressivement l’habitus du boxeur (Wacquant, 2000). Pourquoi ne pas

tenter d’appliquer cette analyse aux espaces de mobilité dont les villes françaises se

dotent de plus en plus ? Ne peut-on dire que leur pratique quotidienne grave dans

les corps urbains l’ethos de la mobilité, inscrit dans les consciences l’habitus de

l’entrepreneur ?

Néolibéraliser les corps urbains. Espace de mobilité dans une ville globale (Gare du
Nord, Paris) et publicités pour la mobilité urbaine dans une capitale régionale (Gare
Part-Dieu, Lyon) et une ville de taille moyenne (Place d’Erlon, Reims) (photographies
de l’auteur)

Néolibéralisme, design urbain et désignation de l’ennemi immobile

Le capitalisme industriel modelait les consciences et promouvait l’immobilité par des

mesures incitatives (le patronage et les cités ouvrières), mais aussi par des mesures

répressives, avec la désignation du vagabond comme ennemi public. Le

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néolibéralisme, afin de diffuser la mobilité, n’échappe pas au second volet des

mesures.

Une loi promulguée en 2003 est ainsi importante pour prendre la mesure du

processus de néolibéralisation dans lequel l’Etat français s’est profondément engagé

durant les trente dernières années. Cette loi dite de « sécurité intérieure » crée de

nouveaux délits et de nouvelles sanctions pour le racolage, les rassemblements dans

les halls d’immeubles, les squatteurs, la mendicité. L’ennemi est ainsi désigné : il

s’agit des prostitué(e)s, des mendiants, des sans-abris et des « jeunes de banlieue »

(en France, des minorités ethniques), bref, des marginaux, des laissés-pour-compte

de la France contemporaine que le politique et le droit font ainsi passer de la

catégorie « exclus sociaux » à celle de « délinquants ». A l’époque, cette loi a ainsi été

dénoncée à juste titre en France par nombre d’intellectuels, d’associations et de

mouvements sociaux comme l’expression du « revanchisme » néolibéral

(Smith, 1996) visant à criminaliser la misère, à « punir les pauvres » pour reprendre

l’expression de Loïc Wacquant (2004). Elle semblait ainsi parfaitement correspondre

avec le tournant répressif d’une politique de la ville désormais pilotée par ce que

Mustafa Dikeç appelle « l’Etat pénal républicain » (Dikeç, 2006). Si cette

interprétation est évidemment pertinente, il semble qu’un élément présent dans la loi

a été mis de côté dans ces critiques. En effet, une caractéristique physique, corporelle,

commune à ces « nouveaux ennemis » regroupés dans la même loi est notable : qu’il

s’agisse des prostitué(e)s, des jeunes des quartiers déshérités se regroupant au pied

de leur immeuble, des SDF ou des mendiants, ces groupes partagent la même

immobilité spatiale : fort logiquement, l’antithèse du corps mobile se trouve construit

comme le nouvel ennemi.

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De même, la plupart des chercheurs qui s’interrogent sur l’urbanisme défensif et

l’architecture répressive considèrent que les principales cibles de ces transformations

urbaines récentes et mondiales sont les groupes sociaux défavorisés. La focalisation

de la recherche sur le phénomène des « gated communities » (par exemple,

Flusty, 1994 ; Low, 2003), sur la privatisation de l’espace public (par exemple,

Mitchell, 2003 ; Low et Smith, 2006) et sur le développement de la télésurveillance

urbaine exclusivement interprétés en termes de privatisation de la sécurité (par

exemple, Davis, 1990 ; Ellin, 1996) teintée de paranoïa contre les « nouvelles classes

dangereuses » empêche peut-être de voir comment le design de l’espace public de la

ville déclare de plus en plus ouvertement la guerre à un groupe plus vaste : les corps

immobiles. Ainsi, la disparition des bancs publics et la prolifération du mobilier

urbain dissuasif dans les endroits permettant auparavant de s’asseoir sont peu

étudiés, ou bien uniquement, là encore, sous le seul prisme de la guerre contre les

plus pauvres, et en particulier les SDF9 (par exemple, Gardella et Le Méner, 2005 ;

Soutrenon, 2001). Là encore, il ne s’agit pas de discuter cette interprétation qui

semble fort juste, mais de déplacer le regard : à travers la lutte contre les mendiants

et les sans-domiciles fixes, c’est également la lutte contre l’immobilité dans l’espace

urbain qui se joue avec la diffusion mondiale de ces nouveaux designs d’espace

public. Il s’agit d’empêcher le corps de rester immobile dans les « espaces de flux »

(Castells, 1989) qui traversent la ville, de graver dans les consciences la nécessité

9 S’il est ainsi constitué en ennemi par les designers de l’espace public, le sans-abri ne disparaît pas pour autant
de nos rues ; c’est que, pour Patrick Declerck, il remplit une fonction déterminante : « Curieusement, le SDF,
exclu parmi les exclus, se révèle à l’analyse, au contraire, tout ce qu’il y a de plus inclus. Il occupe position et
fonction dans la société. Il joue sur la scène du théâtre social un double rôle essentiel. Celui de la victime
sacrificielle. Et celui du contre-exemple. (…) Derrière nos bienveillantes démocraties, se cache, mutique, mais
vigilante, une totalitaire obligation : Citoyen sera productif ou, lentement, et passivement, et sans bruit, mis à
mort. Que l’on ne s’y trompe pas. La souffrance des pauvres et des fous est organisée, mise en scène, et
nécessaire. L’ordre social est à ce prix. » (Declerck, 2005 : 81-82).

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d’une mobilité désormais inscrite dans le code génétique de la ville. Un bon urbain

est un urbain mobile.

Extraits du travail de l’artiste Gilles Paté sur l’espace public parisien, Le repos du fakir
(Actes de la recherche en sciences sociales, 159, 2005)

Pour montrer à quel point l’empêchement de l’immobilité corporelle en ville n’est

pas qu’un simple « dommage collatéral » de la guerre urbaine déclarée aux pauvres

et aux marginaux, mais résulte d’un processus de changement culturel profond

aboutissant à glorifier le corps en mouvement, il suffit d’observer l’imagerie

déployée par le nouveau président français, architecte de la loi de 2003 lorsqu’il était

encore ministre de l’Intérieur, lors de ses premiers jours au pouvoir. Alors que les

Français étaient encore habitués à la traditionnelle symbolique déployée par le

pouvoir présidentiel, à la mystique majestueuse d’un pouvoir prenant ses sources

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dans la monarchie des siècles passés, l’activisme débordant du nouveau président à

provoqué les réactions étonnées des médias nationaux qui soulignaient la mobilité

du nouveau président dès le lendemain de son élection : voyage en avion, en voiture,

sur un yacht, puis retour en France et composition du nouveau gouvernement entre

deux joggings10. C’est ainsi que désormais l’imagerie de l’homme en mouvement, de

l’entrepreneur, domine les représentations du pouvoir présidentiel en France.

Conclusion

Par un étonnant renversement historique principalement causé par les mutations

internes du capitalisme, la normalité du corps urbain passe ainsi de l’immobilité à la

mobilité. La disciplinarisation des corps et des consciences est régie par le pouvoir et

les techniques de gouvernementalité (Foucault, 1977) qui utilisent la technique de la

carotte et du bâton : si d’un côté, la mobilité corporelle est célébrée, si les puissantes

techniques de communication contemporaines sont mobilisées pour diffuser dans

l’espace urbain la conception selon laquelle être mobile c’est être (post)moderne,

l’autre face de la pièce voit le corps immobile être en retour criminalisé. La création

de l’espace urbain, rappelle Henri Lefebvre, a toujours été le fait des classes

dominantes. Mais l’utilisation de la métaphore corporelle appliquée à l’urbanisme

montre que les cibles, et les objectifs de celui-ci ont changé. Au temps de

l’industrialisation, la création de l’espace urbain était le fait du patronat, puis de

l’Etat ; elle était dirigée autour de l’immobilisation du moteur du capitalisme que

constituait alors la classe ouvrière. Désormais, la création des espaces publics de la

ville post-industrielle semble constituée autour d’un nouvel objectif et d’une

10 L’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné titrait ainsi dans son édition du 23 mai 2007, à propos du
président nouvellement entré en fonction : « Il a passé sa première semaine à cavaler partout – A ce rythme,
Sarko risque de vite nous courir ! ».

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nouvelle cible : la mobilité des classes moyennes et supérieures issues de la

mondialisation, désormais les pièces maîtresses du nouveau capitalisme.

La mise en œuvre de cette deuxième phase du gouvernement des corps est facilitée

par les multiples possibilités qu’offre la ville d’instituer cette « société de contrôle »

dont parle Deleuze. Sans-abris, prostitué(e)s, mendiants, « jeunes de banlieues »

regroupés au pied de leurs immeubles : tous ces groupes font certes partie des

« exclus » de la France actuelle. Mais leur exclusion sociale, leur inutilité pour le

capitalisme qui en font, selon les auteurs, des « surnuméraires » (Castel, 1995), voire

des « déchets humains » (Bauman, 2007), se double d’un rejet culturel à l’ère de la

mobilité célébrée : c’est que tous partagent également une même immobilité

corporelle au beau milieu d’un espace public urbain pensé toujours davantage, à l’ère

du capitalisme mondialisé, comme un « espace de flux » perpétuel. Le modèle d’Etat

« schumpeterien » (Jessop, 1999) qui semble se diffuser actuellement trouve ici son

aboutissement : parmi les mécanismes substituant progressivement au « welfare » le

« workfare », c’est-à-dire des politiques d’offre agissant sur la flexibilité de la main

d’œuvre (Peck, 2001 ; Jessop, 2002), la mise en mouvement des corps ne doit pas être

mise de côté. Dans un article fondateur, Harvey Molotch qualifiait la ville de

« machine à croissance » pour décrire l’intensification de l’usage des sols sous l’égide

de coalitions d’acteurs publics et privés en vue de maximiser la rente foncière

(Molotch, 1976). Plus récemment, Terry Nichols Clark l’a qualifiée de « machine à

divertissement » pour signifier le rôle croissant de la culture comme enjeu

économique de la ville post-industrielle (Clark, 2004). Pour interroger le rôle de

l’urbanisme dans la tournure que semble prendre la régulation de la mobilité

corporelle, peut-être la recherche urbaine pourrait-elle également désormais

envisager la ville sous l’angle d’une « machine à mobilité ».

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