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Bruno Maurer
ENSEIGNEMENT DES LANGUES ET CONSTRUCTION EUROPÉENNE - LE
PLURILINGUISME, NOUVELLE IDÉOLOGIE DOMINANTE - 2011
 

 Françoise Demaizière  (26 juin 2012)

Éditions des archives contemporaines

163 pages

ISBN : 9782813000668

25,50 €.

Présentation sur le site de l’éditeur

A fin des années quatre-vingt-dix, le Cadre européen commun de référence proposait à


l’enseignement des langues deux perspectives : perspective actionnelle et didactique du
plurilinguisme. Dix ans après, on dispose d’assez d’éléments pour dresser un bilan critique de
l’évolution de l’enseignement des langues sous l’influence du Conseil de l’Europe.

Le premier constat est que didactique du plurilinguisme et didactique des langues ne sont pas
synonymes et pourraient même être antinomiques. Avec l’éducation plurilingue et interculturelle,
il ne s’agit plus en réalité d’enseigner les langues, mais de construire de toutes pièces l’identité
du futur citoyen européen. L’examen des compétences visées, des dispositifs de formation des
enseignants, des curriculums montre que les aspects linguistiques sont considérablement minorés.
Dans le même temps, le rôle de l’institution scolaire dans l’enseignement des langues et la
professionnalité d’enseignant de langue sont profondément remis en question.

Ces mutations très profondes s’opèrent pourtant sans bruit : c’est que le plurilinguisme fonctionne
comme nouvelle idéologie dominante, se présentant comme un horizon désormais indépassable.
Un examen minutieux des textes de référence de l’éducation plurilingue et interculturelle permet
de démonter les mécanismes de cette domination.

Pourquoi l’Europe s’intéresse-t-elle tellement à l’enseignement des langues  ? Au service de quel


projet politique celui-ci est-il enrôlé ? Si la critique se fait politique, c’est parce que
l’enseignement des langues est aujourd’hui partie prenante d’un projet politique dont chercheurs
et enseignants ignorent largement les enjeux... alors qu’ils sont invités à le développer et à le
mettre en œuvre.

Site de l’éditeur.

Cet ouvrage a suscité des critiques élogieuses et ouvert un débat.

Christian Puren en fait l’éloge sur son site.

Voici quelques extraits.

"Je retrouve dans cet ouvrage de B. MAURER (...) les deux critiques les plus importantes que
j’adresse depuis 10 ans au Conseil de l’Europe (...) elles correspondent toutes deux à une absence
de débat : 
  absence de débat démocratique concernant les orientations de politique linguistique
préconisées par cette institution 
  absence de débat scientifique sur les textes rédigés par ses « experts »

(...) c’est moins la compétence scientifique des experts qui est en cause, en réalité, que leur
enrôlement dans un projet qui est fondamentalement de type idéologique"

Plus loin dans le texte de C. Puren.

" ce projet provoque déjà des effets désastreux qui n’étaient pas encore très visibles dans le CECR,
tels que ceux annoncées par B. MAURER dans les titres de chapitre suivants : « Minoration des
compétences linguistiques dans l’apprentissage des langues » (p. 26), « Minoration du rôle de
l’école dans le développement des compétences en langues » (p. 31), « Minoration du linguistique
dans la formation des enseignants » (p. 47)."

Et encore ceci.

"Je crois avoir compris, du coup, chez bon nombre d’universitaires français recrutés sur des postes
de didactique du Français langue étrangère, leur intérêt particulier pour se réclamer de la
sociolinguistique, qui tourne à l’épidémie. Cette discipline permet en effet de relier directement
deux positionnements « méta-didactiques », c’est-à-dire de « domination symbolique » en termes
de hiérarchie universitaire"

Deux citations de B Maurer reprises par C. Puren.

"En guise de conclusion sur ce point [2.2.1 Des textes au statut ambigu : textes scientifiques ou
communication politique ?], on peut affirmer que tant du point de vue du statut des auteurs que
des caractéristiques textuelles, les études publiées par le Conseil de l’Europe ne sont pas des
textes scientifiques. Elles entrent dans le cadre de ce que l’on appelle, selon la représentation
plus ou moins démocratique que l’on a des régimes, soit de la communication politique soit de la
propagande. (p. 92)"

"On va déplacer les problèmes, mettre l’accent sur de nouvelles compétences, et considérer que
les compétences linguistiques viendront par surcroît. Mais rien n’est moins sûr. (p. 31)"

Pierre Frath dans Les langues modernes, n°1, 2012, est également favorable. Son texte
est consultable en ligne. Il commence ainsi.

" Voilà un livre à mettre entre les mains de tous les enseignants et de tous les didacticiens des
langues"

Et plus loin.

" On constate une minoration explicite du rôle de l’école et des apprentissages linguistiques, et un
remplacement des savoir et des savoir-faire par des savoir-être consensuels et conventionnels".

Dans Langage et Société n° 140 (juin 2012), pp. 105-114, Gilles Forlot est, lui, très critique de
l’ouvrage et des analyses de Puren et Frath. Son texte apparaît dans la rubrique "Débat" et
s’intitule "Critique de l’éducation plurilingue et interculturelle, ou comment ne pas se tromper de
cible.

Quelques extraits ci-dessous.

"L’ouvrage, fortement marqué par une rhétorique axiologique, révèle des craintes un peu
paradoxales : en même temps que l’auteur explique les bienfaits de la pluralité et de la diversité,
il stigmatise une éducation dont il présente les objectifs comme étant, linguistiquement parlant,
ceux de la dilution du structurel dans une philosophie interculturelle floue. (...) En France, le
retour à une pédagogie de l’enseignement dit rigoureux de la langue, dans ses aspects
morphosyntaxiques et lexicaux, ainsi que le débat récent autour du français langue d’intégration,
ne devrait-il pas faire disparaître les craintes de Maurer et Puren au sujet d’un affaiblissement du
structurel au profit de l’interculturel ?"

"si l’auteur fait souvent des louanges aux écrits de Puren (...) on serait en droit d’exiger en
contrepartie des références aux travaux de D. Coste, de V. Castellotti, de M.  Matthey, de
M. Candelier, de N. Auger, de J. Billiez, de Ch. Perregaux, de D. Moore et de tant d’autres
chercheurs, avec lesquels on peut ne pas être d’accord, mais dont on ne peut questionner la
légitimité scientifique."

"le lecteur devinera des tendances souverainistes et jacobines, notamment lorsque qu’il tente de
démontrer que le projet plurilingue est inscrit dans une acception multiculturaliste, donc
communautariste et « anti-Lumières » (p. 84-85). Il est étonnant, dans un ouvrage universitaire,
de voir aborder avec tant de légèreté un concept philosophique et sociopolitique aussi complexe
que celui de multiculturalisme"

"cet ouvrage, en liant de façon trop mécanique l’éducation plurilingue et la construction d’une
Europe libérale, contribue à déformer le projet de nombreux chercheurs et didacticiens dont le
but n’est pas de démontrer une quelconque supériorité du plurilinguisme, mais plutôt, au travers
de diverses approches ou techniques pédagogiques innovantes (intercompréhension, éveil aux
langues, didactique intégrée, contrastivité métalinguistique, interculturel...), d’ouvrir la porte à
la prise en compte de la nature plurielle - linguistiquement et culturellement parlant - de nos
sociétés contemporaines. En ce sens, je pense, contrairement à Pierre Frath (2012), qu’il serait
imprudent de mettre cet ouvrage entre les mains de tous les enseignants de langues, qui n’y
verraient, en toute bonne foi sans doute, que la confirmation de représentations et pratiques
pédagogiques inscrites dans l’évidence de la nécessaire séparation et imperméabilité des langues."

Le débat est donc ouvert !

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