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Le présent article propose une incursion inhabi- en évidence par Peterson et Park (2005). L’analyse
tuelle dans le monde de l’humour, l’humour étant factorielle effectuée sur les données issues de
considéré, ici, comme facteur de protection et l’évaluation des 24 forces, effectuée suite à la
moyen d’intervention pour les enfants à risque et passation de l’instrument Values/virtues in action
leur famille. Les évolutions sociétales qui expli- à des milliers d’Américains et de Canadiens, a
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quent l’intérêt pour l’humour, la définition de ce permis à Peterson et Park (2005) de dégager cinq
concept, son développement chez les humains, ses forces, qui se retrouvent chez tous les individus et
effets positifs et les caractéristiques de l’humour peuvent se développer. Parmi celles-ci, on note les
chez les enfants à risque, seront brièvement forces émotionnelles, qui comprennent l’humour,
exposés dans cet article, avant d’en venir à ses connu depuis longtemps comme mécanisme de
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applications en tant que facteur de protection et à défense sain (Freud, 1905/1988 ; Ionescu, Jacquet,
la présentation des quelques programmes d’inter- Lhote, 1997 ; Martin, 2003), par la distance prise
vention disponibles, fondés sur l’humour. face aux affects douloureux en les renversant
(Kamieniak, 2002).
Le monde actuel se caractérise par un climat
plutôt sombre : anxiété générée par les attaques
terroristes, mondialisation et perte de spécificité DÉFINITION DE L’HUMOUR
culturelle, développement du monde virtuel et perte
L’humour est un mécanisme de défense de
des relations humaines authentiques, crise écono-
niveau supérieur (Jourdan-Ionescu, 2004a), qui
mique, difficultés des services de santé (notamment
facilite la résilience. Au sens freudien, l’humour
en lien avec le vieillissement de la population des
consiste à présenter une situation vécue comme
pays développés), nouvelles pandémies (sida,
traumatisante, de manière à en dégager les aspects
grippe aviaire, etc.), réchauffement de la planète et
plaisants, ironiques, insolites. C’est dans ce cas
phénomènes climatiques extraordinaires (tsunami,
seulement (l’humour appliqué à soi-même) qu’il
ouragans, etc.). Tous ces constats font craindre une
peut être considéré comme un mécanisme de
évolution vers un monde plus difficile.
défense (Ionescu, Jacquet et coll., 1997).
Face à cette morosité, l’intérêt de l’intervention L’humour est un état d’esprit positif (Argyle,
psychologique s’est déplacé, heureusement, des 2001), qui peut être vu comme un phénomène
déficits/vulnérabilités (comme dans le modèle complexe, un concept parapluie pour une série de
médical) vers les forces/capacités de résilience phénomènes en relation (Martin, 2003). Selon les
(Jourdan-Ionescu, 2001). L’intervention, centrée publications disponibles (Martin, Lefcourt, 1984 ;
sur les capacités de résilience de l’enfant et de son McGhee, 1986 ; Thorson, Powell, 1993 ; Ruch,
système familial, s’appuie sur des concepts comme 1998 ; Argyle, 2001), en parlant d’humour, on fait
l’appropriation ou l’habilitation (Dunst, Paget, référence :
1991 ; Dunst, Trivette, Deal, 1988), prônant la
responsabilisation de la personne qui bénéficie de – au fait d’apprécier l’humour, à l’habileté à
l’intervention. Cette orientation ne disqualifie plus percevoir ce qui est drôle dans l’environnement, à
les parents au nom de l’intervention auprès de la capacité de se réjouir d’un matériel humoristique
l’enfant, mais leur donne un rôle de vrais (film, bande dessinée, histoire drôle, caricature,
partenaires. etc.), à une attitude positive envers l’humour et les
humoristes, à la tendance à rire des « blagues » des entre l’humour et le bonheur, les gens heureux riant
autres ; plus et ayant un meilleur sens de l’humour. Selon
– au fait de créer l’humour, de faire des Martin et Kuiper (1999), les personnes sourient et
commentaires humoristiques, de se conduire de rient en relation avec quelque chose de drôle,
façon drôle, d’amuser les autres, de saisir les environ 18 fois par jour ;
« blagues », de s’en rappeler ; – l’humour augmente la créativité et permet
– au sens de l’humour, en tant que trait de ainsi de transformer un obstacle en un défi (Ziv,
personnalité, à la propension à rire de diverses 1976, 1988) ;
choses et même de soi, à la capacité de faire face – l’humour opère comme un catalyseur pour
aux problèmes avec humour, à la tendance à endurer et soulager toutes sortes de douleurs, mala-
conserver une perspective teintée d’humour face à dies ou souffrances (Cousins, 1979 ; Bellert, 1989 ;
l’adversité. Il existe, évidemment, des différences Erdman, 1991 ; Fry, 1992) ;
individuelles quant au sens de l’humour.
– il constitue une bonne façon d’affronter le
Ces éléments constituent un mécanisme de
stress ou n’importe quelle situation difficile
défense de niveau élevé, une bonne stratégie de
(Martin, Dobbin, 1988 ; Lefcourt, Davidson-Katc,
faire face essentielle pour favoriser la résilience
Kueneman, 1993 ; Rieger, 2004).
(Jourdan-Ionescu, 2004a).
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DÉVELOPPEMENT DE L’HUMOUR ENFANTS À RISQUE ET HUMOUR
signes emploient des expressions humoristiques pour les membres de la famille, d’exprimer leurs
(Argyle, 2001). L’humour relève donc de la compé- sentiments par rapport à la maladie, une façon de
tence particulière de l’homme et se développe au réagir à la sévérité de la maladie, un outil pour
cours de l’enfance. En effet, chez les enfants, le changer le climat et l’humeur, une forme de soutien
sourire apparaît très tôt (dès les premières dans la gestion de la maladie (Jourdan-Ionescu,
semaines) et le rire aux environs de quatre mois Méthot, Saint-Arnaud, 2006).
(en réponse au fait d’être chatouillé ou de jouer à
cache-cache). En grandissant, les enfants compren- Par exemple, l’humour aide les enfants souffrant
nent de plus en plus de blagues correspondant à du cancer à faire face à leur anxiété, leur peur, la
leur niveau de développement cognitif (Klein, perte de contrôle de la situation, leur souffrance et
1987 ; McGhee, 1989a et b ; Bergen, 1998). à l’incertitude du résultat des traitements (Hammer,
L’humour est un élément important permettant de Miles, 1988 ; Bombeck, 1989 ; Frankenfield,
relever des défis développementaux, de se défendre 1996). Bombeck (1989) souligne qu’avoir le sens
contre les expériences envahissantes. Le rire peut de l’humour aide les enfants à affronter l’expé-
agir comme une sorte de catharsis. Les blagues ou rience quotidienne du cancer. Souvent, une pers-
jeux de mots des enfants sont en relation avec les pective ludique ou humoristique permet à l’enfant
conflits émotionnels qu’ils vivent. Chez les enfants de coopérer et de participer à son traitement
d’âge préscolaire, les blagues « caca-boudin » médical, c’est donc une habileté de communication
(Soulé, 1987) sont les plus populaires (en lien avec et de faire face essentielle aux membres d’une
le stade anal freudien). équipe de service d’oncologie, aussi bien pour les
enfants que pour leur famille (Bellert, 1989 ; Lee,
1990 ; Erdman, 1991). L’humour et le rire ont donc
EFFETS POSITIFS DE L’HUMOUR une valeur thérapeutique importante, pouvant aider
L’humour a plusieurs effets positifs : les enfants et leur famille à prendre de la distance
avec la situation, grâce à des souvenirs drôles et
– il améliore la santé et le bien-être. Rire 1 a des heureux (Bluebond-Langner, 1978 ; Le Vieux,
effets sur le cœur, la respiration, la sécrétion 1990).
d’endorphines, le sommeil et la digestion (Cousins,
1980 ; Rubinstein, 1983 ; Mooney, 2000 ; Argyle, Enfants déficients auditifs, autistes, présen-
2001 ; Provine, 2003). On a relevé une relation tant le syndrome d’Asperger ou une déficience
intellectuelle
Il est nécessaire d’employer des expressions
1. Causé par l’humour et exprimant généralement un
sentiment de gaieté, le rire peut être défini comme un
faciales et corporelles exagérées face aux enfants
comportement réflexe, qui se manifeste par un enchaine- sourds, ce qui rend l’humour moins subtil ; leurs
ment de petites expirations saccadées, accompagné d’une blagues tendant à faire référence surtout à des
vocalisation inarticulée plus ou moins bruyante. concepts concrets.
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déficience, n’est habituellement interprété que ments négatifs, afin de favoriser la protection face
comme une forme de déni des problèmes. aux facteurs de risque.
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(Adams, 2000 ; Simonds, 2004 ; Vagnoli, Caprilli eux présentaient un degré de déficit léger et le
et coll., 2005 ; Kohler, 2008). cinquième un degré de déficit moyen. Les dix
séances (de 90 minutes par semaine), du programme
Désensibilisation systématique face à la peur fondé sur l’humour, ont la même structure, incluant
Le principal objectif de ce programme est de un rituel pour l’expression des émotions, un défi
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modifier les émotions négatives. Dans la technique individuel (par exemple, raconter une blague), des
de Prerost (1994), le psychothérapeute emploie des activités proposées au groupe, une auto-évaluation
situations humoristiques illustrées. Pour dépasser du comportement. En plus de l’amélioration de la
des peurs, Ventis, Higbee et Murdock (2001) communication, de la capacité de résolution scolaire
proposent d’encourager le patient à percevoir avec et l’expression adéquate des émotions, à la fin du
humour la situation qui lui fait peur, et à en rire programme, les participants ont une meilleure
(par exemple, des araignées). Toutefois, malgré les estime d’eux-mêmes et une plus grande maturité.
améliorations notées envers les peurs ou anxiétés Une fois le programme terminé, les résultats de
ciblées, il n’y a pas de généralisation. l’évaluation mettent en évidence : une facilité à
percevoir l’humour chez les autres participants du
Entraînement thérapeutique formel à l’humour
groupe, une meilleure capacité de rire de soi-même,
La première étape est l’évaluation du quotient une meilleure appréciation des situations qui génè-
d’humour du patient (Sultanoff, 1994), compte tenu rent l’humour, une plus grande compréhension de
de son quotient intellectuel. Il est courant de l’humour, un humour plus adéquat et la capacité
rencontrer des psychologues, qui rapportent utiliser d’encourager les autres à faire de l’humour (prin-
l’humour dans le cadre thérapeutique et constatent cipalement lors des trois dernières rencontres).
des effets positifs sur leurs patients Afin de L’humour a permis aux jeunes de s’intégrer plus
permettre l’augmentation du quotient d’humour des facilement et de participer plus intensivement aux
patients, il est nécessaire que les thérapeutes soient activités, d’entrer en relation de façon réciproque,
formés pour employer l’humour dans la psychothé- de communiquer plus aisément, et a favorisé la
rapie (Killinger, 1987 ; MacHovec, 1991 ; Olson, compréhension des objectifs des activités portant
1994 ; O’Maine, 1994 ; Yonkovitz, 1997 ; Fran- sur les habiletés interpersonnelles. Malgré les
zini, 2001 ; Klein, 2003). Ceci inclut l’apprentis- limites de cette première application du programme
sage de techniques d’humour thérapeutique, le (petit nombre de sujet, hétérogénéité des diagnos-
modelage et le fait d’être supervisé. tics 2, nécessité d’adapter continuellement le
programme, etc.), il est possible de conclure qu’en
plus de l’augmentation des connaissances sur
UN NOUVEAU PROGRAMME VISANT
l’impact de l’humour, les habiletés interperson-
L’ACQUISITION D’HABILETÉS
nelles des participants se sont améliorées. De plus,
INTERPERSONNELLES
des recommandations d’intervention peuvent être
L’humour peut constituer une façon d’aborder
l’acquisition d’habiletés relationnelles entre jeunes
présentant des difficultés de socialisation.
3. Certains participants présentaient un double
Un nouveau programme, fondé sur l’humour, diagnostic : déficience intellectuelle et trouble envahis-
s’adresse aux adolescents présentant une déficience sant du développement.
bulletin de psychologie 453
données aux parents et aux intervenants. Il serait, Le présent article présente un état des lieux sur le
donc, intéressant de développer des programmes rôle de l’humour comme facteur de protection favo-
semblables, pour permettre, à d’autres personnes, risant la résilience des enfants à risque et de leur
d’employer l’humour comme facteur de résilience. famille. Les résultats des quelques programmes
disponibles semblent prometteurs. Il est, donc,
* nécessaire de développer de nouveaux programmes,
* * adaptés aux diverses situations de risque, d’adver-
sité, que peuvent rencontrer les enfants et leurs
familles.
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