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Les recherches en neurosciences ont connu un développement fulgurant au cours des


dernières années. Pour le meilleur… et malheureusement aussi pour le pire. Car si ces
recherches permettent de mieux comprendre l’être humain, leur propos peut être détourné
et déformé, à tort et à travers. C’est ce que nous allons voir dans le cas des neuromythes.

Mais avant de plonger directement dans le sujet, je vous propose de répondre


par “Vrai” ou “Faux” aux propositions suivantes. Prêts ? C’est parti :

 Les individus apprennent mieux si l’information leur est communiquée en fonction de leur
style d’apprentissage préféré (ex. auditif, visuel, kinesthésique…).
 Les personnes à dominance hémisphérique droite sont plus créatives que les personnes à
dominance hémisphérique gauche.
 On utilise que 10% de notre cerveau.
 L’âge de 3 ans constitue une période critique au-delà de laquelle les enfants éprouvent des
difficultés à apprendre de nouvelles choses.
 Parmi les différents types de personnalités existants, les individus peuvent être catégorisés
comme étant soit introvertis, soit extravertis.

Si vous avez répondu “Vrai” à l’ensemble (ou à la majorité) des propositions ci-dessus,
félicitations… car vous êtes tombé dans le panneau ! En effet, toutes ces propositions sont
fausses. Et si vous y avez répondu positivement, c’est bien la preuve que OUI, les
neuromythes sont parmi nous.

À priori rien de grave, me direz-vous. Pourtant, si nous n’y prêtons pas attention, ces
neuromythes peuvent avoir des effets pour le moins… insidieux.
Pourquoi s’intéresser aux neuromythes ?

Il y a de cela plusieurs mois, Marie-Louise travaille comme avocate au sein d’une


multinationale. Son entreprise est en cours d’acquisition par une autre firme. Elle est donc
naturellement préoccupée et inquiète à l’idée de savoir ce qu’il adviendra de son poste. Pour
répondre aux interrogations et aux inquiétudes des membres du personnel, les nouveaux
patrons décident d’organiser une retraite. Avant celle-ci, ils demandent à chacun de passer
un test de personnalité.

Le jour J, Marie-Louise se présente, et se voit remettre un t-shirt qu’on lui demande de


porter. En fait, pour situer les employés et savoir “qui est qui”, les patrons ont fait imprimer
un t-shirt pour chacun… sur lequel ils ont fait inscrire le type de personnalité de chacun suite
à la passation préalable du test.

Et un des nouveaux seniors exécutifs d’en rajouter une couche en rigolant : « For everyone
who doesn’t match my personality type, don’t worry, you won’t be fired, but you’ll slowly
be weeded out. »

Cette histoire pourrait vous sembler énorme et tirée par les cheveux. Il s’agit pourtant d’une
réalité : Marie-Louise existe vraiment, et vous pouvez retrouver son témoignage sur le
podcast “Work/Life” de Adam Grant, psychologue américain et professeur à la Wharton
School. Ce témoignage révèle que, à l’heure actuelle, des personnes se font virer du jour
au lendemain pour avoir un “mauvais” type de personnalité. Et c’est pourquoi, de mon point
de vue, il est CRUCIAL de s’intéresser à la question des neuromythes, car ils peuvent
potentiellement causer de graves dégâts humains !

Un neuromythe, c’est quoi ?

D’après Steve Masson – professeur à l’UQAM et directeur du Laboratoire de Recherche en


Neuroéducation – un neuromythe est une “croyance erronée à propos du fonctionnement
de notre cerveau.”

Au-delà du fonctionnement de notre cerveau, on retrouve également sous


l’appellation “neuromythe” une série de mythes liés à des croyances erronées à propos
de notre fonctionnement psychologique en général. En anglais, nombreux sont les
mots-clés qui regroupent, au final, des mythes divers et variés : “brain myths”, mais
aussi “learning myths”, “psychological myths”, “developmental myths”…

On trouve une littérature assez abondante sur ce sujet dans le domaine de la formation et
de l’éducation. Mais, comme l’exemple de Marie-Louise ci-dessus nous le fait comprendre,
les neuromythes sont aussi présents dans d’autres contextes organisationnels : RH
(notamment en recrutement), management, leadership…

En fait, les neuromythes sont devenus une légende des temps modernes. Tout comme
une légende trouve ses origines dans des faits historiques, un neuromythe possède
généralement (mais pas toujours) une part de vérité scientifique.
Globalement, les neuromythes peuvent prendre plusieurs formes :

UN FAIT SCIENTIFIQUE DÉPASSÉ

Il peut s’agir d’un fait scientifiquement avéré dans le passé, mais invalidé par des recherches
plus récentes : la recherche évolue constamment, et ce qui était établi comme un fait ou
consensus scientifique il y a de cela 20 ans n’est plus forcément considéré comme tel à
l’heure actuelle. De plus, les méthodes de recherche évoluent grâce aux évolutions
technologiques, et nous disposons maintenant d’outils de mesure dont nous ne disposions
pas il y a quelques dizaines d’années : IRM, PETscan, électro-encéphalogramme, outils de
tracking visuels… Tous ces outils sont finalement très récents dans l’histoire de la science.
Il est donc primordial de comprendre que LA vérité scientifique n’existe pas.

UNE SIMPLIFICATION EXCESSIVE

Il peut s’agir d’une mauvaise vulgarisation, ou d’une simplification excessive d’un processus
(neuro)psychologique. Malheureusement, quand on cherche à s’intéresser sérieusement à
ces sujets, RIEN n’est simple. Alors pourquoi avons-nous tendance à simplifier autant les
choses, et parfois à outrance ? Parce que en tant qu’êtres humains, nous sommes entourés
d’une masse incalculable d’informations, et nous avons besoin d’apporter de l’ordre dans le
chaos qui nous entoure. C’est pourquoi nous raffolons des modèles, des typologies, qui
permettent de ranger dans des cases. Cela nous rassure et nous permet de simplifier le
traitement des informations qui nous parviennent. Mais il faut se rappeler que les modèles,
en tant que tels, n’existent pas : ils sont créés artificiellement pour nous permettre de donner
du sens à nos observations, nos expériences.
ABSENCE DE SOURCES

Enfin, ni l’un ni l’autre. Certains mythes ont juste une origine peu claire, peu définie, voire
carrément inexistante, on n’en trouve aucune source. Mais ils ont une apparence sexy et on
a remis une couche scientifique par-dessus pour qu’ils aient l’air crédibles.

On pourrait représenter ces critères au moyen d’une équation simple :

(Fait / Typologie x Sexyness) + Allure (neuro)scientifique = Neuromythe

Rajoutez à cela un bon relais de communication (réseaux sociaux, influenceurs…), et le


mythe prolifère. Un peu à la manière des “fake news” qui se trouvent au centre de l’actualité
depuis quelques temps, notamment sur Facebook.

Quelques neuromythes parmi les plus populaires

Je me permets de faire ici un retour en arrière par rapport aux affirmations proposées au
début de cet article. Il est vraisemblable que vous ayez déjà croisé la route de certains de
ces neuromythes, et je m’attacherai ici à essayer de déchiffrer ce qui relève de la légende
et du “fait” scientifique.

TOUT SE JOUE AVANT L’ÂGE DE 3 ANS

Autrement dit : l’âge de 3 ans constituerait une période “critique” au-delà de laquelle les
enfants auraient des difficultés à apprendre de nouvelles choses. Ce qui est vrai, c’est que le
développement des connexions neuronales est particulièrement intense durant les 3
premières années de la vie, et que ce rythme a tendance à ralentir au fil des années.

Ce qui est faux, c’est de croire que “tout est joué” et qu’on est dans l’incapacité d’apprendre
de nouvelles choses par la suite. En effet, même si le développement des connexions
neuronales ralentit, il ne s’interrompt pas pour autant. Des recherches menées à
Stanford montrent d’ailleurs que, contrairement à ce qu’on pensait encore il y a plus de 10
ans, certaines zones du cerveau continuent à produire des neurones, même à l’âge adulte.

LE PRINCIPE DE DOMINANCE HÉMISPHÉRIQUE

Notre cerveau est constitué de 2 grandes parties, de 2 hémisphères : l’hémisphère gauche


et l’hémisphère droit. Le principe de dominance hémisphérique (autrement connu sous le
nom de “Cerveau gauche / Cerveau droit”) part du principe que les personnes utilisant
davantage leur hémisphère gauche auraient des capacités plutôt analytiques, logiques et
rationnelles, alors que les personnes utilisant davantage leur hémisphère droit auraient des
capacités plutôt artistiques, créatives et émotionnelles.

La réalité est beaucoup plus nuancée que cela et est loin d’être aussi simple. Les techniques
d’imagerie cérébrale montrent que l’ensemble des tâches cognitives est effectué de
façon bilatérale et que les 2 hémisphères travaillent de concert. Une des rares fonctions à
être latéralisée majoritairement à gauche est le langage. Mais même dans ce cas, on
observe, aussi une activation (certes moindre) de certaines zones localisées dans
l’hémisphère droit.

En ce qui concerne la créativité, on observe que certaines tâches de résolution de


problèmes font intervenir des zones localisées dans l’hémisphère droit… mais la résolution
de problèmes n’est qu’une forme de créativité parmi d’autres, et le fait de raconter des
histoires (le storytelling), par exemple, active des zones situées dans l’hémisphère gauche.
La stricte distinction et opposition entre les 2 hémisphères est donc un pur non-sens.

L’EFFICACITÉ DES STYLES D’APPRENTISSAGE

Ce mythe part du principe que nous développons tous des préférences d’apprentissage
(certains seraient plus visuels, d’autres plus auditifs, ou encore kinesthésiques), et que le
fait de nous enseigner en utilisant notre canal préféré améliorerait et renforcerait nos
apprentissages. En somme, plus on s’adresserait à nous dans notre canal favori, mieux on
apprendrait.

Ce qui est vrai, c’est que nous pouvons avoir effectivement des préférences. Par contre, ce
qui est plus que remis en question, c’est le fait que nos préférences renforceraient d’emblée
la qualité de nos apprentissages. En effet, nous autres pauvres mortels sommes TRÈS
mauvais en matière de connaissance de soi (“self-awareness”) : ce que nous croyons et
ce que nous pensons de nous-même ne traduit pas nécessairement une réalité
objective. En somme, ce n’est pas parce que nous croyons être visuels, ou auditifs, ou
kinesthésiques, que c’est effectivement ce canal là qui est le meilleur pour nous.
D’autre part, la grande majorité des études menées au cours des dernières années a
tendance à montrer que ce n’est pas la mobilisation d’un seul canal, mais bien de
PLUSIEURS canaux, qui consolide nos apprentissages. Si on présente un même
message à 3 groupes différents :

 Groupe 1 : message présenté sous forme visuelle,


 Groupe 2 : message présenté sous forme verbale,
 Groupe 3 : message présenté sous forme visuelle ET verbale,

Dans la grande majorité des cas, c’est le groupe 3 qui montrera un meilleur taux de
compréhension et de mémorisation sur le long terme.

Enfin, si on devait vraiment retenir un seul sens, c’est la vision qu’il nous faudrait
privilégier car elle l’emporte sur tous les autres sens. Dans la grande majorité des cas,
nous aurons toujours un meilleur souvenir et un meilleur rappel des images qui nous auront
été présentées, en comparaison à des éléments verbaux ou textuels.


ON UTILISE QUE 10% DE NOTRE CERVEAU

Ce mythe là, on ne sait pas trop d’où il sort. Certains l’attribuent à un neurochirurgien italien
qui, au 19ème siècle, traitait ses patients en leur prélevant des morceaux de cerveau pour
mieux déterminer les causes de leur maladie. D’autres l’attribuent à Albert Einstein qui se
serait moqué d’un journaliste en lui disant que le niveau de ses questions était tel qu’il ne
devait utiliser que 10% de son cerveau. Et le monde du cinéma n’a fait que renforcer cette
croyance lors de la sortie du film “Lucy” de Luc Besson.

Quoiqu’il en soit, l’ensemble des études sur le cerveau n’a JAMAIS trouvé une portion non
utilisée. Certes il existe des zones pour lesquelles on a pas encore réussi à déterminer la
fonction. Mais les travaux en imagerie cérébrale confirment que le cerveau est actif à
100% et que l’ensemble des zones cérébrales est en constante interaction.

Quels sont les risques posés par les neuromythes ?

Si certains mythes peuvent sembler inoffensifs de prime abord, ils posent chacun à leur
manière des risques concrets :

RISQUE 1 : PRENDRE DE MAUVAISES DÉCISIONS

Imaginez que vous prévoyez de faire un tour d’Europe en voiture et que vous chargiez une
map d’Amérique dans votre GPS. À moins d’avoir une excellente connaissance des routes
et de la géographie, il y a de fortes chances que vous vous plantiez à un moment donné et
que vous vous retrouviez en rade. Que ce soit au sein de notre société, de nos
organisations, dans nos familles, nous prenons chaque jour des décisions, nous faisons
chaque jour des choix, certains plus importants et stratégiques que d’autres. Si les faits, les
mesures, les outils sur lesquels vous vous basez ne sont pas suffisamment précis, quelle
est, à votre avis, la probabilité de prendre la meilleure décision ?

Le problème des neuromythes, c’est que malgré leur apparence parfois naïve, ils peuvent
nous amener à faire de mauvais choix qui pourraient être évités. C’est le cas du mythe
du “Tout se joue avant l’âge de 3 ans”. En Angleterre, des politiques ont détourné
ce “fait” pour justifier des ré-allocations budgétaires en faveur de l’enseignement maternel
au détriment de l’enseignement universitaire, prétextant que le retour sur investissement
serait meilleur.

Idem pour les mythes “cerveau gauche / cerveau droit” et les “styles d’apprentissage” pour
lesquels on conçoit à l’heure actuelle des programmes de formation destinés aux
enseignants, aux éducateurs, aux formateurs, et qui génèrent donc un business important…
mais scientifiquement parlant infondé.
RISQUE 2 : COINCER LES INDIVIDUS DANS DES CASES

Imaginez un instant que votre taille de vêtements soit “L” et que les magasins ne proposent
plus désormais que la taille “S” pour leurs t-shirts. De la même manière, il est impossible de
réduire les individus à des “types” ou des “cases” bien précises et bien définies : chaque
être humain est à la fois unique et semblable aux autres, et chaque cerveau est à la
fois unique et différent. Méfiez-vous des raccourcis ou des simplifications excessives.
Comme le dit l’adage : “One size does not fits all.”

Ainsi dans le cas des modèles en psychologie de la personnalité, on ne parlera pas


de “types”, mais de “dimensions”. Par exemple, une des dimensions les plus connues de la
personnalité, à savoir “introversion – extraversion” est en réalité un continuum sur lequel
nous nous positionnons quelque part entre les deux, mais très rarement à l’une des
extrémités (il existe d’ailleurs des personnes qui se trouvent quasi pile au milieu et qu’on
appelle les “ambivertis”).

Or, s’ils sont mal utilisés ou utilisés à de mauvaises fins, certains modèles et outils tels que
le MBTI ont tendance à renforcer le fait de mettre les individus dans des cases. D’autant
plus que cet outil se base sur les théories psychanalytiques de Jung, qui datent maintenant
d’il y a plus d’un siècle et qui sont plus que remises en question. Quand on étudie le MBTI
d’un peu plus près, on se rend compte également de ses limites au niveau validité et fiabilité
: un individu qui passe le MBTI aujourd’hui et qui le repasse un mois plus tard peut voir son
profil changer du tout au tout. À utiliser donc avec beaucoup de précautions, surtout si vous
l’utilisez en contexte RH et management.

Neuromythes, neurobullshit ? Comment construire son propre détecteur

Même s’ils sont bien présents dans notre quotidien, il existe heureusement plusieurs
manières de les identifier. Pour ce faire, je vais vous proposer d’examiner 3 ensembles de
données :

1. des données relatives à l’auteur qui avance un fait neuroscientifique (ou le prestataire),
2. des données relatives aux sources mentionnées et utilisées,
3. et enfin, le fait scientifique avancé en tant que tel (ou l’outil).
L’AUTEUR DU FAIT SCIENTIFIQUE AVANCÉ (OU LE PRESTATAIRE)
 Renseignez-vous a minima sur son background : a-t-il suivi une formation en psychologie,
en neurosciences, en sciences cognitives ? De quelle(s) compétence(s) ou expérience(s)
fait-il preuve pour avancer les faits ou les outils dont il parle ?
 Intéressez-vous également aux outils et méthodes qu’il utilise : travaille-t-il exclusivement
avec un seul outil, ou utilise-t-il un panel diversifié ?
 Enfin, posez-vous la question de son intérêt : a-t-il un point de vue indépendant ou
commercial ? S’il a un point de vue commercial, il a de fait un intérêt à vous vendre sa
prestation, son outil.

N.B. Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : tous les prestataires ayant un intérêt
commercial ne sont pas des charlatans. Il s’agit juste d’un critère, parmi d’autres, à
prendre en compte.

LES SOURCES MENTIONNÉES ET UTILISÉES


 Si aucune source ou référence n’est citée ou mentionnée, il s’agit d’un carton rouge
d’emblée : d’où viennent alors les informations avancées, et comment ont-elle été obtenues
et collectées ? À priori, on peut difficilement tout sucer de son pouce et avoir tout inventé
par soi-même.
 Si des sources sont mentionnées, il sera important aussi d’évaluer la qualité et
la pertinence de celles-ci. Sans vouloir être trop caricatural, un article provenant
de “Psychologie Magazine” aura probablement moins de poids qu’un article publié
dans “Harvard Business Review”.
 Méfiez-vous aussi des formateurs ou des conférenciers qui vous présentent des images du
cerveau, sous forme de coupes anatomiques, ou des images d’IRM pointant des zones du
cerveau, et qui permettraient soi-disant de “prouver” leurs propos. Le simple fait de
présenter des images du cerveau a une influence sur le public, qui tend du coup à croire
que l’information présentée possède un côté véridique et incontestable.

LE FAIT SCIENTIFIQUE (OU L’OUTIL) EN TANT QUE TEL


 La simple présence de jargon ou de certains mots-clés devrait attirer votre attention
: “neuro-marketing”, “neuro-management”, “neuro-leadership”, “neuro-whatever”… les
neurosciences sont utilisées à toutes les sauces de nos jours. Autant de signaux qui
devraient susciter votre curiosité à vous renseigner sur l’auteur et les sources (surtout s’il
s’agit en prime d’un concept sous marque déposée ®).
 La date de publication est aussi un facteur déterminant à prendre en compte : quand l’outil
ou le modèle a-t-il été développé ? De quand date sa dernière mise à jour ? Si la publication
ou la création date d’il y a plus de 20 ans, cela peut être un signe d’absence de mise à jour.
Quelle est alors la garantie que l’information délivrée soit cohérente ?
 À ce propos, et particulièrement dans le cas des questionnaires, quel est leur degré
de validité et de fiabilité ? Autrement dit : le questionnaire mesure-t-il bien ce qu’il est censé
mesurer, et mesure-t-il la même chose à un moment T que 6 mois ou un an plus tard ?
Concevoir un questionnaire est un exercice extrêmement périlleux, et qui ne se pond pas
du jour au lendemain.

N.B. Un outil reste un outil. Même un « bon » outil peut donner lieu à une mauvaise mise
en oeuvre. Il est donc indispensable de croiser les sources d’informations, et aussi
d’évaluer les compétences et la qualité de la relation avec le praticien qui l’utilise.

“The truth is out there!”

Comme vous pouvez le constater, identifier un neuromythe n’est pas une tâche aisée.
Pourtant si vous voulez augmenter vos chances de prendre les bonnes décisions, tout en
respectant les être humains qui composent vos équipes et organisations, il s’agit d’un défi
à relever. Comme le disait Mulder à Scully dans la série X-Files : “The truth is out there!” (“La
vérité est ailleurs !”). Mais cela nécessite de votre part d’arrêter de croire aux baguettes
magiques et aux méthodes miracles qui se présentent à vous : il n’existe PAS de solution
universelle qui puisse répondre à toutes vos demandes et à tous vos problèmes !

Pour clôturer, j’aimerais vous inviter à considérer 3 points qui me semblent essentiels dans
notre chasse aux neuromythes :

1. ACCEPTEZ LES LIMITES DE LA SCIENCE (ET DES NEUROSCIENCES)

Nous l’avons vu : LA vérité scientifique n’existe pas. Les résultats de recherches évoluent,
les méthodes de recherche évoluent, et ce qui fait l’objet d’un consensus scientifique
aujourd’hui ne le sera plus forcément dans 20 ans. De plus, en tant qu’êtres humains nous
sommes imparfaits par nature. Nous faisons naturellement des erreurs. Même des
sources “scientifiques” et “evidence-based” dignes de confiance ont leurs propres limites et
peuvent potentiellement se tromper.

2. DÉVELOPPEZ VOTRE ESPRIT CRITIQUE

Evitez de prendre tout ce qu’on vous vend, tout ce qu’on vous raconte, pour argent
comptant. Continuez à apprendre et à développer vos connaissances pour rester vous-
même à jour et challenger le statu quo. Acceptez aussi de vous remettre en question : nous
sommes tous sujets à nous laisser berner par les neuromythes, moi y compris. Il est très
facile de tomber dans le panneau si on y prend pas garde. Rester dans une démarche
d’apprentissage et d’amélioration continue est donc essentiel, et cela passera aussi par le
choix des sources auxquelles vous porterez votre attention.
3. PRIVILÉGIER DES REGARDS MULTIPLES

Enfin, adoptez des points de vue multiples, des paires de lunettes différentes. Même si c’est
difficile, essayez de vous forger une opinion la plus objective possible sur ce que vous
voyez, sur ce que vous lisez, sur ce que vous entendez. Basez-vous sur vos propres
expériences, et aussi sur l’expérience d’autres collaborateurs : dans votre entreprise, et en
dehors de votre entreprise. N’hésitez pas à créer le plus de ponts possibles avec d’autres
organisations, avec d’autres prestataires de services, et aussi avec les associations
professionnelles et le monde académique.

Des sources scientifiques et “evidence-based” relativement bien vulgarisées, il en existe.


Elles ne sont pas nécessairement évidentes au premier coup d’oeil, mais elles sont là. À
condition que vous vous donniez la peine de chercher un peu, vous trouverez des auteurs,
des publications, qui vous permettront de faire évoluer vos pratiques avec un regard critique.
De mon point de vue, je suis convaincu que c’est grâce à la pluralité des regards et des
disciplines que nous pourrons, tous ensemble, prendre de meilleures décisions, pour
notre société, pour nos organisations, pour nous-mêmes, pour nos enfants, et ainsi créer
un monde meilleur !

Sources & Références

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Dossier d’actualité veille et analyses n°86, Institut Français de l’Education. http://veille-et-
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Howard-Jones, P. (2014). Neuroscience and education: myths and messages. Nature


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