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1. Non seulement la première partie était devenue plus longue, mais le semestre d’été est
traditionnellement plus court que celui d’hiver. Husserl lui-même le signale dans les leçons,
p. [69], où il déplore de n’avoir pas encore traité du problème central (de la deuxième partie des
leçons de 1908/1909), celui de la relation entre actes logiques et actes affectifs, dans le cadre
d’une « phénoménologie qui élucide de façon ultime les structures de la raison » et de devoir
remettre ce travail à plus tard, « s’il reste encore du temps ».
2. Vorlesungen über Ethik und Wertlehre, Husserliana, XXVIII, Ergänzende Texte, Nr. 1,
p. [381-382] (Fragment des leçons sur « Éthique et philosophie du droit », de 1897).
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quelque temps d’une attention qui, comme le désintérêt relatif qui l’a pré-
cédée, continue peut-être de se placer sous le signe du paradoxe.
Si l’on excepte en effet quelques allusions sporadiques, la phénomé-
nologie en France – dans le sillage des figures pionnières de Levinas,
Sartre, Merleau-Ponty ou Ricœur – s’inscrit sous le signe de ce qu’on
pourrait appeler « la phénoménologie au risque de l’éthique », plutôt que
celui d’une phénoménologie travaillant à une critique de la raison axiolo-
gique et pratique. Or, tel est le premier paradoxe, malgré une telle préten-
tion à assigner ainsi des limites au phénoménologique comme tel, on n’a
guère pris appui sur le matériau (pourtant immense) des recherches hus-
serliennes en la matière, on n’y a même vu, après Heidegger1, qu’un
repoussoir (ce qu’il est convenu d’appeler l’ « intellectualisme husser-
lien »). Pouvait-on imputer cela à l’indisponibilité des textes sur le sujet ?
Pourquoi en ce cas, alors même qu’ils commençaient à devenir accessi-
bles, est-ce dans les marges de ce courant (certes multiforme, mais domi-
nant) de la « phénoménologie en France » que l’on trouve les études pre-
nant au sérieux – ne fût-ce que pour les critiquer – les investigations
husserliennes sur l’éthique ? En effet, même lorsqu’elles ressortissent à la
littérature en langue française sur le sujet, ces études émanent le plus sou-
vent de chercheurs ou de courants étrangers, sinon hostiles, à la phéno-
ménologie (déontique, logique des normes, positivisme juridique)2.
1. Cf. Einführung in die phänomenologische Forschung, Gesamtausgabe, vol. 17, Francfort, Klos-
termann, p. 271-272.
2. Mentionnons, entre autres, l’étude ancienne de Carlos Cossio, La norma y el Imperativo en
Husserl (Revista de la Facultad de Derecho, Buenos Aires, 23 [1951]), traduite dans les Mélanges en
l’honneur de Paul Roubier, t. I, Dalloz & Sirey, 1961, p. 145-198. Mais surtout Jerzy (alias Georges)
Kalinowski, dont les premières recherches remontent à 1953, mais ne prennent en compte
Husserl qu’à partir de 1965, avec un article sur « La logique des normes d’Edmund Husserl »,
Archives de Philosophie du Droit, 10, p. 107-116 (en se fondant principalement sur les Recherches logi-
ques, et les Prolégomènes en particulier), bientôt suivi, en 1968, d’une étude critique de « La
logique des valeurs d’Edmund Husserl », Archives de Philosophie du Droit, 13, p. 267-282, sous
l’impulsion du livre d’Alois Roth, Edmund Husserls ethische Untersuchungen, avec présentation des
manuscrits de ses leçons de 1908-1914 (La Haye, Martinus Nijhoff, 1960). Voir La Querelle de la
Science normative, Librairie générale de droit et de jurisprudence (LGDJ), Paris, 1969, p. 20. Cette
tentative sera suivie de peu par la thèse de Jean-Louis Gardies, Essai sur les fondements a priori de la
rationalité morale et juridique, LGDJ, 1972, sur un corpus phénoménologique plus large, qui prend
en compte principalement l’apport d’Adolf Reinach, Die apriorischen Grundlagen des bürgerlichen
Rechts, publié par Husserl dans son Jahrbuch für Philosophie und phänomenologische Forschung, à Halle,
en 1913.
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1. Die Krisis der europäischen Wissenschaften und die transzendentale Phänomenologie, Husserliana,
VI, Nijhoff, 1976, p. [127], trad. fr. G. Granel, La Crise des sciences européennes et la phénoménologie
transcendantale, Gallimard, p. 141.
2. Prolegomena, § 13 sq., en particulier A/B [48], Logische Untersuchungen. Erster Band, Husser-
liana, XVIII, Nijhoff, 1975, p. 60. Cf. ici même p. [5], p. [49], cf. mention des Prolégomènes,
p. [285].
3. C’est, dans les Recherches logiques, la vieille question litigieuse qui ouvre la Sixième
Recherche au § 1 concernant l’expression des souhaits, des volitions, des ordres, etc., et trouve sa
solution, au § 70. Cf. Logische Untersuchungen, Zweiter Band ; zweiter Teil, Husserliana XIX/2,
Nijhoff, 1984, p. 749 [A 691, B 219]. Cf. ici même, p. [60], ainsi que les références dans la
Partie C.
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ment, un ensemble d’actes du moi qui l’établissent, tels que « les expérien-
ces actives » ou les « jugements d’expérience »1, devait être distinguée de
la réduction phénoménologique transcendantale. On pouvait également
apprendre, grâce à une note infrapaginale au § 50 de Logique formelle et
logique transcendantale, que Husserl s’était essayé depuis 1902, dans le cadre
de son enseignement, à l’élaboration systématique de « l’idée d’une axio-
logie et d’une pratique formelles »2, et que celle-ci importait, comme le
signalait le § 35, particulièrement dans l’optique d’une critique de la
logique formelle, au double motif que (1) « l’élargissement nécessaire d’une
logique formelle est déterminé par ceci que les modifications modales du juger et des juge-
ments entrent dans la logique de la certitude ou de la vérité en tant que possibilités for-
melles générales, étant donné que toute modification de cette sorte peut
entrer dans la teneur prédicative du jugement et ne peut pas dès lors être consi-
dérée comme extra-formelle », les « modalités de la vérité » et de la « la probabi-
lité comme une de ces modalités » faisant donc partie intégrante de la
logique formelle ; et (2) qu’un « élargissement apparenté, quant à son
sens, à celui que nous venons de mentionner, se produit en outre quand
on prend en considération le fait que l’affectivité apporte des modalités
du quelque chose en général qui sont insérées de même dans la sphère
doxique (cf. sur ce point Ideen I, p. 243 sq. et plus loin ci-dessous, § 50,
p. 184) »3.
Cependant, ce pan du travail de Husserl a été, de son vivant aussi bien
que de façon posthume, moins sollicité, ou l’a été selon d’autres modali-
tés, dont l’ « emprunt dissimulé », comme en témoigne exemplairement
l’affaire Theodor Lessing4. S’il est probablement excessif d’abonder dans
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Hume, Spinoza, Fichte, etc.) ou sur des essais plus contemporains aux-
quels il se réfère plus ou moins explicitement (Brentano, Drobisch1, Mei-
nong2, Lipps3, Münsterberg4, etc.), Husserl dispense des cours sur les
« Problèmes fondamentaux de l’éthique » en 1891, 1892, 1893, 1895.
En 1897, dans ses Leçons sur « Éthique et philosophie du droit », il s’at-
taque pour la première fois à la réfutation de la skepsis éthique. Les
« Questions fondamentales de l’éthique » de 1902 marquent la première
tentative « pour développer de façon critique et concrète l’idée d’une
axiomatique [des valeurs] et d’une pratique formelles »5. Parallèlement, il a
tenu sans discontinuer de 1892 à 1905 un cours sur « la liberté de la
volonté », qui cède peu à peu la place, à partir de 1906, à une investigation
phénoménologique sur la volonté et l’affectivité. Ces investigations, dont
on trouvera un aperçu dans la section III de la partie A des Leçons ici pré-
sentées, ont pour objectif une « critique non psychologique (bien que non
hostile à la psychologie) de la connaissance et de la volonté »6, critique de
la raison théorique et pratique qui passe par une réfutation du « psycholo-
gisme dans la logique » et du « psychologisme dans l’éthique »7. Bien que
Ludwig Landgrebe, assistant de Husserl, ait transcrit, sous forme dactylo-
graphiée, des manuscrits de recherche sous le titre « Wertkonstitution,
Gemüt und Wille »8, ces investigations phénoménologiques sur l’affecti-
vité et la volonté (ses formes et ses modalités) restent inédites, et corres-
pondent au volume d’Analyses de l’affectivité et de la volonté (Études de la struc-
ture de la conscience) [Analysen zu Gemüt und Wille (Studien zur Struktur des
1. Moritz Wilhlem Drobisch, Die moralische Statistik und die menschliche Willensfreiheit, Leip-
zig, Leopold Voss, 1867.
2. Alexius Meinong, Psychologisch-ethische Untersuchungen zur Werttheorie, Graz, Leuschner
& Lubensky, 1894. Husserl mentionne ces « recherches psychologiques et éthiques sur la
théorie de la valeur », Ms. K II 3/2 b, cf. Husserl-Chronik, p. 70.
3. Theodor Lipps, Vom Fühlen, Wollen und Denken, Leipzig, Barth, 1902.
4. Hugo Münsterberg, Philosophie der Werte, Leipzig, Barth, 1908.
5. Ms. F III I/161 ; cf. note infrapaginale in Ideen, I, Husserliana, III/1, La Haye, Nijhoff,
1976, p. 279 (p. [250]), trad. fr. Ricœur, Paris, Gallimard, p. 410. Références signalées dans la
Husserl-Chronik, p. 72.
6. Lettre à Brentano, 22 août 1906.
7. Cf. le plan de travail conservé avec la lettre de Hocking à Husserl du 11 octobre 1903,
cité par U. Melle, Husserliana, XXVIII, Introduction, p. XXII.
8. Il s’agit de la deuxième des trois études transcrites en 1926/1927 sous le titre global Stu-
dien zur Struktur des Bewusstseins (cf. n. 2, p. XXXVIII de l’introduction d’U. Melle).
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Bewusstseins)] annoncé en 1988 par Ullrich Melle lors de l’édition des Vor-
lesungen über Ethik und Wertlehre, et toujours en préparation1. Les leçons
dont nous présentons ici la traduction correspondent donc principale-
ment au volet formel de ces investigations.
II
1. Les éditeurs (Ullrich Melle et Thomas Vongehr) en prévoient la publication pour 2008
ou 2009.
2. Ce cours n’a été publié qu’en 1952 par les soins de Franziska Mayer-Hillebrand, sous le
titre Grundlegung und Aufbau der Ethik (Berne, Francke), mais Husserl en possédait une copie,
aujourd’hui conservée aux Archives Husserl de Louvain.
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ment « n’objective pas »1) se révèle en cela bien plus qu’un simple artifice
méthodologique. Par valeur2, il convient en effet d’entendre rigoureuse-
ment le corrélat ou noème d’un acte affectif qui, en tant que tel, n’avise
pas la valeur en tant qu’objet, mais l’éprouve et par suite la constitue selon le
mode de l’affectivité à chaque fois en jeu (en tant que valeur relative ou
absolue, indéterminée ou déterminée, non existentielle ou existentielle,
volitive, optative, etc.). Tout acte affectif est un acte d’évaluation (Wer-
tung), une tenue-pour-valable (Werthaltung)3, qu’il faut se garder de
confondre avec le « jugement de valeur » (Werturteil)4, qui, en tant que juge-
ment (prédicatif ou non) implique, présuppose et exprime, lorsqu’il est
énoncé, une objectivation de la valeur, en même temps qu’il manifeste un
acte affectif, sincère ou feint, éprouvé ou non5. Et tout comme la noéma-
tique des actes objectivants s’accompagne d’un élargissement du sens de
l’être – puisque les modes (ou le comment) de la donation font intégrale-
ment partie de son sens –, de même la noématique des actes affectifs sup-
pose un élargissement de la sphère des « valeurs », au terme duquel il faut
compter comme valeur non seulement ce qui est digne d’être réalisé prati-
quement, voulu, ce qui est digne d’être aimé, souhaité, goûté esthétique-
ment, etc. (donc le pratiquement bon, l’aimable, le souhaitable, le beau, le
plaisant, etc.), mais également l’ensemble des valeurs modifiées : ce qui
est clairement, obscurément, de façon déterminée ou non, dérivée ou
non, etc. peut-être, apparemment, probablement, certainement, etc. digne
d’être réalisé, voulu, souhaité, etc. selon la multiplicité des lignes de modi-
fication (Abwandlung) en général, et de modalisation (Modalisierung) en
particulier6.
1. Infra, p. [253].
2. Cf. la note de mise en garde, p. [89]. Les leçons de 1920-1924 reprennent et prolongent
cette mise en garde en attirant l’attention sur la différence qu’il y a entre l’évaluer (werten, werthal-
ten) inhérent à tout acte affectif (à tout sentiment), l’évaluer (auswerten, nachwerten) qui recourt à
une norme et l’évaluer en tant que mesurer (ausmessen). Cf. Einleitung in die Ethik, Husserliana,
XXXVII, p. 315-316.
3. Cf. infra, p. [152], [174], [205], [337].
4. Cf. infra, p. [168-169], [253-255].
5. Cela en rapport étroit avec les divers sens de la locution « expression d’acte » distingués
au début de la Sixième Recherche logique, § 2-3 (A[482]-[486], B2 [10]-[14]), Husserliana XIX/2,
p. 548.
6. Cf. infra, p. [102], [124-125], [208-212], [237].
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La question critique, celle qui doit faire l’objet d’une critique de la raison
axiologique au sens large, ne saurait donc se réduire à celle, trop équivoque,
de l’ « objectivité des valeurs », mais doit plutôt être formulée, selon la
même « analogie intime »1, comme celle de leur validité axiologique (Wert-
geltung)2, c’est-à-dire de leur justesse (Richtigkeit), ou corrélativement de la
fondation ou justification (Begründung) proprement affective3. Le déploie-
ment d’une telle critique s’opère sur deux niveaux, formel et matériel. Sur
le plan formel, ce qui entre en jeu c’est l’ensemble des lois de l’axiologie
formelle, auxquelles correspondent des lois formelles de la justesse de
l’évaluer (lois du quart exclu, de la dérivation de valeur, de la sommation,
de la production de valeur, de l’absorption de valeur, etc.), y compris cel-
les de la pratique formelle (lois du choix conséquent, du bien pratique
suprême, etc.). On s’engage dans le volet matériel d’une telle critique avec
la description phénoménologique des structures de fondation d’actes et
de fusion noématique, des dynamiques et téléologies de remplissement
d’intentions (affectives), et par suite des modes de validation effectifs des
valeurs (depuis le renforcement de la présomption jusqu’à l’évidence
affective ultime).
Husserl relève un à un les paradoxes qui jalonnent une telle entreprise
et qui semblent provenir d’un rejet de l’existence d’un parallèle axiologique
au doxique pris en son sens strict ou, ce qui revient au même, par le refus
de principe d’un élargissement de l’intentionnalité à une sphère non
doxique. Outre le paradoxe que représente l’idée même d’une raison
affective, comment comprendre que cette raison qui est « muette et, pour
ainsi dire, aveugle »4, « dissimulée pour ainsi dire à elle-même »5, incapable
donc de se réfléchir elle-même, puisse néanmoins prétendre à une évi-
dence propre, purement axiologique6 ? Est-ce par les lumières de la raison
logique, grâce aux yeux de l’entendement que les valeurs (y compris prati-
ques) se donnent dans une pleine évidence intuitive ? La suprématie
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1. Infra, p. [68-69].
2. Infra, p. [202].
3. Husserliana, XXXVII, p. 255.
4. Infra, p. [140-141].
5. Cf. infra, p. [347].
6. Infra, p. [202].
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Conformément à l’usage, nous avons indiqué entre crochets obliques < > les
interventions de l’éditeur dans le texte, et entre crochets droits [ ] celles des traduc-
teurs. Nous utilisons les abréviations N.d.A. pour « note de l’auteur », N.d.E. pour
« note de l’éditeur », N.d.T. pour « note des traducteurs ».
La traduction de la partie A a été réalisée par Carlos Lobo, puis retravaillée par
Patrick Lang. Pour la partie B, Philippe Ducat a traduit les § 1 à 4, Patrick Lang
les § 5 à 8 de l’introduction ainsi que la partie finale. Patrick Lang et Philippe Ducat
se sont partagé, respectivement pour moitié (§ 1 à 8, § 9 à 12), la traduction de la
partie C. Les annexes VIII et IX ont été traduits respectivement par Ph. Ducat et
C. Lobo. Indépendamment de cette division pratique des tâches, la totalité de la tra-
duction a été relueet retravaillée en détail par les trois traducteurs, qui se sont étroite-
ment concertés sur les solutions retenues. Le glossaire en fin de volume et quelques notes
de bas de page matérialisent une partie de ces échanges. Enfin, Dominique Pradelle et
Patrick Lang ont procédé à une révision d’ensemble de la traduction.
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A. LEÇONS
SUR DES QUESTIONS
FONDAMENTALES
CONCERNANT L’ÉTHIQUE
ET LA THÉORIE DE LA VALEUR
(1914)
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loppés plus en détail dans le premier livre de mes Idées pour une phénoméno-
logie pure.
Si l’on suit à présent les parallèles entre la logique et l’éthique, ou
encore le parallèle entre les types d’actes et les types de raison auxquels se
rapportent essentiellement ces disciplines – à savoir la raison judicative
d’une part, et la raison pratique d’autre part –, la pensée s’impose alors
qu’à la logique, au sens précisément et étroitement délimité d’une logique
formelle, doit aussi correspondre en parallèle une pratique [Praktik] for-
melle et également apriorique en un sens analogue. Il en va à peu près de
[4] même pour le parallèle avec la raison évaluative [wertend], évaluante au
sens le plus large, et non pas simplement évaluante esthétiquement, par
exemple. Cela conduit à l’Idée d’une axiologie formelle en tant que disci-
pline formelle apriorique de valeurs, ou encore de contenus de valeur et
de significations de valeur – discipline qui, pour des raisons essentielles,
est intimement entrelacée à celle de la pratique formelle. Délimiter ces
Idées de nouvelles disciplines formelles, que la tradition philosophique a
toujours ignorées, et en réaliser effectivement des échantillons, tel est le
thème principal de ces leçons. Il nous faudra ensuite, s’il nous reste du
temps, passer aux grands groupes de problèmes de la phénoménologie et
de la critique de la raison, qui s’orientent d’après ces disciplines formelles
radicales. À la logique formelle correspond un système de structures fon-
damentales de la conscience-de-croyance (de la conscience doxique,
comme j’ai coutume de dire), et par suite une phénoménologie et une
théorie de la connaissance formelle ; il en va de même pour l’axiologie et
la pratique formelles eu égard à la discipline phénoménologique qui leur
est principiellement associée, c’est-à-dire la théorie de l’évaluation et la
théorie de la volonté (termes qu’il faut entendre ici en un sens analogue à
celui de l’expression de « théorie de la connaissance »). Venons-en à pré-
sent aux choses !
Pour ce qui est de la logique, on sait qu’elle provient de besoins pra-
tiques de la vie du jugement et de sa normation conformément aux Idées
de justesse ou encore de vérité. Historiquement, elle a surgi du combat
contre la skepsis qui, par ses excès subjectivistes et sceptiques, menaçait la
science grecque nouvellement apparue. Elle a été fondée par Aristote, le
père de la logique, comme une méthodologie de la connaissance scienti-
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fique. Nous pouvons dire à juste titre qu’elle vaut à ses yeux comme une
technologie [Kunstlehre] de la connaissance scientifique, et ce point de vue
technologique a dominé une tradition millénaire. Jusqu’à ce jour, la majo-
rité des philosophes est acquise au point de vue que les matières traitées
depuis l’Antiquité sous le titre de « logique » n’acquièrent d’unité et ne se
regroupent légitimement en une discipline scientifique propre, face aux
sciences particulières, que dans la mesure où, en tant que technologie de
la connaissance, elle cherche à découvrir toutes les normes et toutes les
prescriptions pratiques requises pour la direction pratique de la connais-
sance et, en particulier, pour la direction du connaître scientifique. Avec
le développement de sciences rigoureuses toujours nouvelles, le champ
de cette logique méthodologique s’est sans cesse élargi. De nos jours, on
lui assigne de préférence pour but la réalisation de l’Idée d’une méthodo- [5]
logie de la connaissance scientifique en général et, par suite, l’ébauche de
méthodologies particulières pour les groupes de sciences particuliers et
jusque dans les sciences singulières. Bien entendu, cette technologie
logique est, quant à ses fondements théorétiques, dépendante de la psy-
chologie.
Assurément, l’Idée d’une technologie logique générale fondée psy-
chologiquement est pleinement légitime, tout comme le sont des techno-
logies spéciales adossées à divers groupes de sciences et à des sciences
singulières. D’un autre côté, on a souvent et avec raison contesté que le
point de vue d’une technologie, d’une méthodologie de la connaissance,
fût le seul capable de conférer une unité aux vérités traitées sous le titre de
« logique », face à celles de toutes les sciences particulières. Il est cepen-
dant plus correct d’exprimer et de signifier les choses ainsi : le but de la
normation de la connaissance humaine et de l’avancement pratique de la
connaissance dans le sens des normes unit sans doute de multiples élé-
ments théorétiquement hétérogènes, comme c’est le cas en général pour
des technologies, c’est-à-dire pour des disciplines qui se proposent de ser-
vir non pas l’exploration d’un domaine concrètement [sachlich] unifié,
mais la réalisation la plus parfaite possible d’un but universellement direc-
teur. Mais si nous considérons le contenu de la logique traditionnelle, et
plus précisément de la logique générale et « formelle », nous pouvons
alors mettre hors circuit tout ce qui est affaire de finalité [Abzweckung]
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l’ontologie formelle, pour autant qu’elle explore l’a priori inhérent à l’Idée
formelle « objet en général », donc sans considération d’aucune particula-
rité matérielle, trouve une application possible dans toute science pen-
sable. C’est ainsi, par exemple, qu’il ne peut y avoir aucune science où des
objets ne puissent être rassemblés en groupes et dénombrés, de sorte que
la théorie ontologique formelle des ensembles et des nombres doit être
nécessairement applicable à toute sphère scientifique.
En dépit de cette unification d’essence qui se manifeste entre la
logique apophantique et l’ontologie formelle et qui requiert une science
englobante dans laquelle toutes deux puissent être intégrées, il est pour-
tant clair qu’une logique apophantique, en tant que science des formes de
propositions possibles et des lois de vérités possibles (de propositions
vraies) sur le fond de leur seule forme, peut être saisie pour elle-même et
purement délimitée dans son Idée propre. Cette discipline fera plus parti-
culièrement l’objet de nos considérations ultérieures. Pour l’heure, il faut
encore considérer qu’en vertu de la corrélation du juger et du jugement
(en tant que le « jugement rendu » dans le juger), toute proposition
logique apophantique doit être convertie en une proposition noétique
formelle, c’est-à-dire en une proposition qui se prononce a priori sur la
justesse ou la non-justesse formelles du juger.
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véritablement être des nombres ; de même que ces lois prescrivent donc
des normes rationnelles à tout dénombrement empirique, de même doit-
il en être ainsi pour les lois éthiques pures par rapport aux corrélats purs
des concepts éthiques, aux décisions et aux actions rationnelles. De
[13] même que l’arithmétique pure est le fondement essentiel de l’art pratique
du calcul [praktischen Zählkunst], de même une éthique pure devrait donc
être le fondement essentiel d’un art ou d’une technologie de l’agir humain
rationnel. C’est donc ainsi que se présente d’emblée, par analogie avec la
logique pure et l’arithmétique pure, l’Idée d’une éthique pure. Mais du
côté opposé se dresse l’empirisme éthique, en tant que psychologisme ou
biologisme, qui réfère tout ce que l’aprioriste revendique comme principe
pur, à la particularité de la nature humaine et de la vie du sentiment et de
la volonté humains, et qui, par suite, ne considère et ne tient pour valable
l’éthique que comme une technologie adossée à la psychologie et à la
biologie.
Ce conflit, tout comme le conflit parallèle en logique, touche manifes-
tement à des enjeux philosophiques suprêmes. De même que la consé-
quence du psychologisme logique et de l’anthropologisme en général est
le scepticisme théorétique, de même l’anthropologisme éthique nous
conduit au scepticisme éthique. Or, cela revient à renoncer à la validité
véritablement inconditionnée des exigences éthiques, à nier, pour ainsi
dire, tout devoir effectivement obligatoire [verpflichtenden Pflicht]. Des
concepts comme « bien » et « mal », « rationnel » et « irrationnel d’un
point de vue pratique », deviennent de simples expressions de faits empi-
rico-psychologiques de la nature humaine, telle qu’elle se trouve être en
fait, telle qu’elle s’est formée au cours de l’histoire de la culture, dans les
circonstances contingentes du développement culturel humain et, plus en
amont, telle qu’elle s’est développée biologiquement dans l’évolution de
l’espèce humaine dans la lutte pour l’existence, etc. Si l’empiriste a raison,
ces concepts n’expriment aucunement des Idées absolues, qui auraient le sens
universel de devoir [Sollenssinn] pour tout être doué de volonté et de sensi-
bilité, à quelque monde, réel ou pensable de façon cohérente, qu’il appar-
tienne. Conformément à cela, toutes les normes éthiques, telles qu’elles
doivent être tirées des principes éthiques en tant que conséquences, n’au-
ront qu’une simple validité de fait. « Des normes éthiques valent », cela
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veut dire que des hommes se sentent, de fait, obligés de telle ou telle
façon, qu’ils sentent en eux, pour des raisons relevant de la causalité psy-
chologique, une certaine pression et contrainte intime à se comporter
pratiquement d’une certaine manière et d’échapper ainsi à un malaise qui
serait sinon psychologiquement inévitable. C’est une affaire d’utilité bio-
logique, que se soit développé chez les humains quelque chose comme
une fonction de conscience morale [Gewissensfunktion], une forme de jugement
consistant à approuver ou réprouver éthiquement des actions, des inten-
tions, des caractères, selon les catégories du « bien » et du « mal ». Com-
ment se déroulera l’évolution ultérieure, nous ne le savons pas ; il se pour-
rait qu’à terme cette fonction se révèle biologiquement superflue, qu’elle [14]
s’étiole et qu’à sa place apparaisse une autre fonction, qui, tout en conser-
vant une certaine communauté de forme, aurait pourtant des principes
divergents, de sorte que bien et mal, par exemple, permuteraient leurs
positions respectives.
Naturellement, ces Idées et idéaux absolus, comme tous les autres,
perdent de la sorte la signification métaphysique qui leur est attribuée, du
côté des idéalistes, pour la totalité de la réalité effective. L’homme pro-
jette ses Idées et idéaux, apparus de façon contingente et temporaire, sur
l’Univers infini, il se forge une raison absolue comme ultime principe
téléologique de l’être, et, dans sa filiation divine, il se sent désormais à
l’abri. Cette hypostase et absolutisation des Idées qui lui sont biologique-
ment utiles peut elle-même avoir une valeur biologique, et peut-être
même revêtir une utilité biologique d’une dignité particulièrement élevée ;
mais prendre au sérieux l’hypostase, ce serait tomber dans une mytho-
logie de concepts. Ici comme partout, comme le dit Vaihinger, la véri-
table philosophie serait la philosophie du « comme-si ». Il est bon de pro-
céder en pratique comme si ces fictions avaient une validité absolue, mais
d’un point de vue théorétique, on doit se rendre à l’évidence que tout cela
ne vaut que relativement, anthropologiquement, du point de vue de l’éco-
nomie de la pensée, de l’économie de la conservation, que tout cela ne
possède qu’une utilité relative.
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quoi l’on ne peut renoncer qu’en renonçant au sens, est valide. Et cette
validité n’est pas théorétique, mais pratique. De même qu’à la vérité, et
par suite aussi à la vérité éthique, correspond une reconnaissance théo-
rétique dans la croyance, de même au bien correspond une approbation
[Billigung] évaluative et, le cas échéant, une volition, une réalisation pra-
tique ; d’autre part, au mal correspond une réprobation, et cela, de part
et d’autre, en un sens idéal et non pas en un sens empirique. Un acte de
jugement qui reconnaît comme vrai quelque chose de non-vrai est tout
à la fois incorrect et sans valeur ; un agir qui réalise ce qui n’est pas bon,
est tout à la fois incorrect, irrationnel et sans valeur. Ce que ce genre de
convictions et d’avis [Ansichten] signifient pratiquement, est clair. Saisir
le vrai dans l’évidence, c’est, du moins au moment de l’intuition évi-
dente, le poser comme vrai et, ce faisant, juger correctement. Avoir
l’évidence pleine et entière du bien pratique, l’avoir clairement devant
les yeux comme quelque chose qui, le cas échéant, s’impose [Gebotenes],
cela signifie, du moins au moment de l’intuition évidente, se tourner
vers lui en le voulant. Et saisir avec évidence en général, et même être
seulement fermement convaincu que, dans tout agir, il y a une norme
absolue qui est directrice, d’après laquelle il doit précisément se diriger,
cela veut dire d’emblée, d’une façon générale, tendre la volonté dans
cette direction, vouloir suivre l’orientation générale vers le bien. Cela ne
veut certes pas dire qu’il parvienne à une réalisation effective et
complète.
2 / Il en va tout autrement pour celui qui tire les conséquences de [16]
l’anthropologisme sceptique. Pour lui, parler de bien en soi ou de mal
en soi se réduit à un simple préjugé. Pourquoi donc devons-nous, si
telle est notre conviction, nous laisser déterminer par les modes d’éva-
luation si prétentieux qui, sous les titres de « bien » et de « mal », font
tant parler d’eux alors qu’ils n’expriment que des contingences de la
culture et de l’évolution humaines ? Pourquoi ne devrions-nous pas, si
nous en avons envie sur le moment, nous opposer aux sentiments qui
découlent de ces sources, et montrer à cette conscience morale dont on
fait tant de cas, et qui n’est pourtant qu’une voix d’instincts historiques,
la prépondérance de notre puissance subjective ? Pourquoi nous laisser
enchaîner par elle ? Faisons ce qui nous plaît et montrons ainsi que
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1. Recte : « Video meliora proboque, deteriora sequor » (Je vois le meilleur et je l’approuve, mais je
fais le pire) : Ovide (Métamorphoses, VII, 20-21) place ces mots dans la bouche de Médée. Brentano
cite fréquemment ces vers dans ses cours et ouvrages, par exemple au § 25 de l’Origine de la connais-
sance morale, en remplaçant video par scio (ce qui atteste que Husserl cite d’après Brentano). (N.d.T.)
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pas de sens, se proposer comme but sa découverte, aspirer à connaître les [19]
choses telles qu’elles sont en vérité, ce serait là un but chimérique,
absurde du point de vue pratique.
Toutefois, les argumentations à partir des conséquences peuvent et
doivent être saisies d’une autre manière encore, plus aiguë et plus pro-
fonde. Il est d’un intérêt capital de remonter jusqu’à l’ultime et radical
contresens [Widersinn] qui affecte le scepticisme. En particulier, il est d’un
grand intérêt de voir si et jusqu’à quel point ce qui a été accompli dès
l’Antiquité, à cet égard, à l’encontre du scepticisme logique, peut l’être
aussi et avec la même force contraignante contre le scepticisme éthique.
Celui qui connaît les analyses platoniciennes et aristotéliciennes du sub-
jectivisme et du scepticisme sophistiques, finit par acquérir l’évidence que
tout négativisme logique se détruit lui-même par contradiction, et cela
abstraction faite de toute praxis.
Or on est en droit de douter qu’une argumentation à partir des consé-
quences pratiques, que la déduction d’une praxis anti-éthique à partir d’un
négativisme éthique représente une réfutation aussi vigoureuse, ou qu’en
procède quelque chose comme un contresens. Quelque chose comme un
contresens pratique ? Mais qu’est-ce qu’un contresens pratique ? Un
contresens n’est-il pas quelque chose de théorétique, une contradiction,
une incompatibilité dans les choses mêmes ? Le « contresens pratique »
ne consiste-t-il pas simplement, à la fin, en des conséquences désagréa-
bles, fatales, devant lesquelles nous reculons, contre lesquelles notre sen-
timent [Gefühl] se cabre ? Cependant, des sentiments ne peuvent rien
prouver. Et qui dit que d’autres êtres vivants ne sont pas dotés d’autres
sentiments, de sorte que les mêmes conséquences pourraient leur appa-
raître fort aimables ? En tout cas, la méthode de l’analogie que nous vou-
lions suivre requiert que l’on commence d’abord par ce point et que l’on
cherche à établir par une analyse précise si, et dans quelle mesure, l’auto-
suppression propre au scepticisme logique possède véritablement un ana-
logon dans une autosuppression du scepticisme éthique1 et en quoi
consiste cette autosuppression.
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tion en tant que telles, quel que soit par ailleurs leur contenu. En cela
consiste, comme l’a remarqué Platon, le contresens caractéristique du
scepticisme.
Si nous procédons à une généralisation adéquate, ce type de contra-
diction est également caractéristique d’une classe entière de théories scep-
tiques en un sens plus large, comme vous le trouverez exposé dans le pre-
mier tome de mes Recherches logiques1. Car si une thèse est fondée par une
théorie d’un certain type logique, et si l’état de choses est tel que la vali-
dité de cette théorie, en tant que théorie d’un tel type logique, présuppose
précisément, conformément à son sens essentiel, ce que la thèse nie et ce
que cette théorie, d’après son contenu, fonde prétendument, alors la [21]
théorie se supprime elle-même par un contresens, d’une manière tout à
fait semblable à celle du scepticisme extrême. Par conséquent : sont scep-
tiques toutes les thèses et théories qui nient de quelconques conditions de
possibilité sensée de la vérité en général, d’une théorie en général ; sont
sceptiques des théories déductives visant à établir des thèses qui nient ce
sans quoi des théories déductives seraient tout simplement absurdes ;
mais sont également sceptiques des théories inductives établissant des
thèses qui nient ce sans quoi des théories inductives seraient tout simple-
ment absurdes, et il en va ainsi par suite en général pour n’importe quelles
théories établissant des thèses qui nient ce sans quoi des théories de ce
type logique général seraient tout simplement absurdes. Toutes les thèses
et théories de ce genre, dis-je, sont, au sens élargi, sceptiques, et se détrui-
sent par contradiction.
Ainsi, les théories psychologistes de l’expérience de l’école de Hume,
par exemple, relèvent du type suivant : les principes dont dérive la validité
de toutes les inférences empiriques, de la validité desquels dépend par
conséquent la validité de toute théorie empirique et de toute science
empirique, sont dépourvus de toute rationalité. Ils ne se laissent pas saisir
dans l’évidence comme des nécessités, mais tout au plus fonder psycholo-
giquement. Ce sont de simples indices pour certaines propriétés de la
nature humaine, telle qu’elle est de fait, propriétés qui s’expriment sous la
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mitées, bien entendu, non de façon arbitraire, mais sur la base de motifs
principiels – qu’ici aussi les théories psychologistes et anthropologistes
de la validité sont contradictoires. Peut-être qu’il est possible de mon-
trer, ici comme dans la sphère logique, que l’examen des Idées les plus
générales de validité logique et pratique permettrait d’emblée de mettre
en évidence qu’idéalité et objectivité sont inséparablement liées, qu’on
ne peut ainsi abandonner aucune des deux, et que par suite on peut se
dispenser d’une analyse spéciale des théories psychologistes et anthropo-
logistes, en tout cas pour les réfuter – une telle analyse pouvant à la
rigueur servir à mettre en lumière les motifs qui inspirent les tentations
psychologistes. À partir de là l’investigation aborderait ensuite, de part et
d’autre, les problèmes radicaux de la conscience, les problèmes de
théorie de la connaissance et de théorie de la volonté, qui cependant ne
sont pas ici d’emblée visibles.
Si nous poursuivons ces analogies de cette façon, nous devons poser la
question : qu’est-ce donc que l’éthique au sens le plus large pensable,
censée correspondre au logique au sens le plus large ? Il est manifestement
réducteur d’identifier l’éthique à la morale. En quelque sens que ce soit,
l’éthique se rapporte à l’agir, tout comme la logique se rapporte au penser ;
de même que celle-ci porte sur le penser juste ou rationnel, celle-là porte
sur l’agir juste ou rationnel. L’agir moral, de quelque façon plus précise
qu’on le détermine, est une sphère restreinte de l’agir en général ; par
conséquent, l’éthique doit, si nous voulons obtenir le concept le plus
englobant, être ordonnée à la raison dans la praxis en général. « Scepticisme
éthique extrême » doit, par la suite, signifier d’abord négation d’une raison
pratique en général, négation de toute valeur objective inconditionnée
quelle qu’elle soit, dans le champ entier de la praxis. C’est ici que nous
découvrons l’analogie. Des assertions sceptiques auraient ceci de caractéris-
tique qu’elles nieraient généralement dans leur contenu ce qu’elles présup-
posaient de façon sensée en tant qu’assertions. Des exigences sceptiques [34]
seraient par suite, et de façon strictement parallèle, des exigences qui nie-
raient généralement dans leur contenu ce que suivant leur sens elles pré-
supposaient rationnellement en tant qu’exigences. Les exigences, elles
aussi, peuvent être négatives, et non pas simplement les énoncés ; au « cela
n’est pas » correspond un « ne fais pas cela ! ». Or, lorsqu’un « ne fais
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pas ! » général veut empêcher ce qui est présupposé par toute exigence
rationnelle en tant que telle, nous avons un contresens sceptique.
De cette manière, ce serait donc <un contresens>1 si le sceptique
disait – comme le voulait au fond la célèbre proposition protagoréenne
« est bon ce qui semble bon à chacun » : ne te laisse pas persuader qu’il y a
quelque chose comme une action qui l’emporte sur une autre action par
sa prétendue rationalité ; agis de telle sorte que jamais tu n’accordes à ton
action une préférence du point de vue de la rationalité ; ou peut-être
mieux encore : n’agis jamais en sorte d’accorder à une quelconque action
possible une préférence du point de vue de la rationalité et de te laisser
déterminer pratiquement par cela. Le « n’agir jamais ainsi » exigé est lui-
même une exigence pratique, et cette exigence se présente avec une pré-
tention à la rationalité. C’est comme si le sceptique disait théoriquement :
« La seule action rationnelle est de ne reconnaître aucune rationalité dans
l’action. » Si le sceptique énonce théoriquement : « Reconnaître (théori-
quement) dans l’action une différence entre le rationnel et l’irrationnel est
irrationnel (i.e. théoriquement irrationnel) », il n’y a alors aucun contre-
sens sceptique in forma. Mais s’il parle sur le plan pratique, s’il dit qu’il
serait pratiquement rationnel de ne laisser aucune place dans l’action à la
moindre raison pratique, et s’il formule cela sous la forme de la règle : agis
de sorte que jamais aucune différence rationnelle pratique n’exerce le
moindre effet – il y a alors bel et bien un contresens sceptique. Manifeste-
ment, il en serait de même si l’on énonçait très généralement l’exigence
suivante : « Ne reconnais aucune exigence comme valable. » Ce qui est
ainsi exprimé est précisément une exigence, qui en son sens élève une
prétention à être reconnue, une prétention à la validité, laquelle entre en
conflit avec son contenu inconditionnellement universel.
Bien entendu, tout cela concerne les propositions normatives qui
sont formulées avec le sens de la validité rationnelle. Il en va autrement
pour des propositions impératives qui expriment des exigences sous
forme de suggestions. Le locuteur attend que l’expression de l’ordre
exerce psychologiquement un effet, mais il n’élève pas de prétention à la
validité rationnelle ni à sa reconnaissance.
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À l’issue de cette investigation, nous pouvons donc dire : il y a des exi- [35]
gences pratiques, des normes pratiques qui sont sceptiques à l’extrême, qui
se suppriment en tant que « formellement contradictoires » d’une manière
rigoureusement analogue à celle dont s’auto-invalident des énoncés
« théorétiques » sceptiques à l’extrême. Les unes le font par une contradic-
tion pratique, une contradiction entre le contenu de l’exigence pratique et
ce que présuppose le sens formel d’une exigence pratique en tant que telle ;
les autres, par une contradiction théorétique entre le contenu de l’énoncé
et ce que présuppose en son sens la forme logique d’un énoncé en tant que
tel. Si nous avons découvert une analogie authentique en un point qui est
vraiment radical, alors nous devons chercher à la prolonger et à la générali-
ser. Mais ce qui nous frappe, c’est que, dans le conflit traditionnel entre
scepticisme éthique et absolutisme ou idéalisme éthique, il manque toute
la couche de discussions qui devrait fournir le parallèle rigoureux avec le
conflit entre scepticisme théorétique et idéalisme théorétique ; et cela ne
concerne pas seulement le parallèle entre scepticisme éthique et scepti-
cisme théorétique extrêmes. Manquent également toutes les discussions
qui devraient se présenter comme strictement parallèles aux interpréta-
tions psychologistes de la teneur de la logique traditionnelle.
La réfutation radicale du psychologisme et sa caractérisation comme
une forme de scepticisme en un sens élargi, qui se supprime précisément
a priori comme intrinsèquement absurde et laisse apparaître comme une
aberration l’édification d’une doctrine logique des normes sur un fonde-
ment psychologique empirique – une telle réfutation procède par recours
à l’analyse du sens des principes logiques formels. Ceux-ci ont été trans-
mis par la tradition et il était facile par conséquent de s’y rattacher et d’ex-
poser proprement, avec évidence, précisément par un simple appel à leur
sens, l’aberration sceptique du psychologisme. Or, nous ne nous trou-
vons pas dans une situation aussi favorable en éthique, avec le psycholo-
gisme éthique. Nous ressentons ici une grande lacune. Examinons plus
exactement la situation générale dans une réflexion méticuleusement
paralléliste !
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Nous nous sommes entendus dans la dernière leçon sur le sens des
« principes logiques » et des « lois logiques ». Ce sont des lois qui se rap-
portent aux simples formes de signification (formes de proposition, de
concept, d’inférence et de démonstration), lesquelles expriment précisé-
ment les conditions de possibilité de la vérité qui se fondent dans la
simple forme, et de même, de façon modalisée, pour la non-vérité, la
possibilité, la probabilité, etc. Nous pouvons dire aussi : a priori ce qui est
pensé en tant que tel dans un penser possible, ce qui est jugé en tant que
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tel dans un juger possible est constitué de telle sorte que, dans la simple
forme catégoriale des objectités jugées, abstraction faite de la particula-
rité matérielle de ce qui est jugé, résident des conditions de possibilité de
la vérité, ou, si l’on veut, de la justesse du juger qui s’y rapporte. Quelle
que soit la chose que je puisse juger, le jugement ne peut être valide que
s’il ne comporte aucune contradiction manifeste ou latente in forma. La
forme de la contradiction dans ses diverses configurations possibles
exclut le « vrai » et prescrit le « faux », abstraction faite de la matière du
jugement. Quel que soit le domaine de connaissance matérielle, des syl-
logismes peuvent entrer en jeu, et ils peuvent entrer en jeu en tout et
sous toutes les formes. Mais si l’on veut que l’inférence soit valide, il ne
faut pas qu’elle ait, par exemple, la forme « Tous les A sont B et tous les
B sont C, donc aucun A n’est C. » La vérité possible dépend légalement
de certaines formes d’inférence. La possibilité de la vérité accomplit,
pour ainsi dire, une sélection dans la totalité des formes d’inférence pos-
sibles. Celles qui sont exclues exigent légalement l’adjudication de la
fausseté ; et cela partout.
Ce qui est vrai ou faux dans une sphère concrète, la logique formelle [41]
n’en préjuge [präjudiziert] que sous la forme de nécessités analytiques.
Naturellement, l’universalité des lois logiques formelles se laisse particu-
lariser dès lors qu’on détermine materialiter les termes algébriques des lois,
donc exactement de la même manière que la pure proposition arithmé-
tique 3 + 3 = 6, dans l’application à des pommes, acquiert la forme :
3 pommes et 3 pommes font 6 pommes. Je peux donc, par exemple, dire
analytiquement de deux propositions chimiques, optiques, ou philolo-
giques, dont l’une affirme ce que l’autre nie, que l’une est vraie et l’autre
fausse, et autres choses du même genre. Mais personne ne croira que, par
ces transpositions triviales de lois logiques formelles à la chimie, à la phy-
sique et de même à d’autres domaines matériels de connaissance, on fasse
quelque chose comme de la chimie, de la physique, etc. Les nécessités
analytiques résultent d’elles-mêmes du logico-formel par simple transpo-
sition, par simple introduction de termes matériels. Mais ce que veut une
connaissance matérielle, plus particulièrement ce qu’elle veut établir sous
une forme de science, qu’il s’agisse de physique, de chimie, de philo-
logie, etc., ce sont les vérités spécifiquement matérielles, des vérités qui,
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pour ce qui regarde le matériel, ne sont pas vraies sur la base de sa simple
forme catégoriale mais sont vraies précisément pour ce matériel, ou sont
vraies pour le matériel sur la base de ses genres et espèces matériels géné-
raux. Les nécessités analytiques laissent donc intacts des champs de vérité
infinis qui, par opposition, sont nommés synthétiques, et ce sont là les
champs des sciences extra-logiques. Ce n’est qu’en tant qu’auxiliaires, en
tant que chaînons de la méthode [Kette in der Methode], selon l’expression
de Kant, que des lois logiques et des nécessités analytiques entrent en jeu
dans les sciences matérielles. C’est donc à bon droit que l’on dit que de ce
qui est vrai dans une quelconque sphère de connaissance (en excluant
bien évidemment la sphère analytique), nous ne pouvons décider par les
seules lois logiques. Elles ne nous fournissent que des remparts contre la
fausseté formelle ; donc non pas contre toute forme de fausseté, mais
seulement contre celle qui dépend de la simple forme logique.
Passons maintenant à la sphère pratique. On a cherché ici à formuler
sous [le titre de] principes éthiques et par suite [de] lois éthiques, précisé-
ment des lois normatives qui prescrivent positivement, d’une façon
universellement valide, ce qu’est le bien, ce à quoi il faut rationnellement
aspirer. Puisque, dans le domaine des biens pratiques (comme, analogi-
quement, dans celui des valeurs en général), se présentent des distinctions
[42] entre « bon » et « meilleur » et en outre, entre bon en soi et bon en vue
d’autre chose, les « principes » voulaient dire quels sont les biens suprêmes
ou quel est le souverain bien. On cherchait donc par eux à mettre en
lumière positivement quel est, dans le domaine total des biens pratique-
ment accessibles, le bien qui mérite rationnellement d’être poursuivi pour
lui-même et non pas simplement en vue d’un autre [bien], et qui occupe un
rang si privilégié par rapport à tous les autres biens accessibles que tous ces
autres biens, à supposer qu’ils puissent entrer en ligne de compte, ne le
pourraient que comme moyens au service de ce bien désigné comme le
bien suprême. La situation est ici par conséquent autre qu’en logique.
Celle-ci avec ses principes logiques (dans lesquels sont analytiquement
incluses toutes les autres lois logiques) ne veut ni ne peut jamais décider
positivement de ce qui est le vrai dans chaque sphère de connaissance pos-
sible. Elle ne peut préjuger, dans ses légalités [Gesetzmäßigkeiten], que de la
vérité analytique et non de la vérité synthétique.
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1. Cet antonyme (dont l’usage s’est raréfié) de « bonté » est l’équivalent exact de l’alle-
mand Schlechtigkeit. Bien qu’au XVIIe siècle, « mauvais » et « méchant » aient été synonymes
( « une méchante étoffe » ), il n’est plus possible aujourd’hui de recourir à « méchanceté », qui
connote trop massivement un vice moral chez les personnes ; la suite (cf. par ex. § 5 d, p. [50])
montrera encore plus clairement qu’il n’est pas question de cela. (N.d.T.)
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moral, rien sur la valeur du vouloir réel eu égard à ses buts, ni sur la hié-
rarchie des biens, ni rien enfin sur le contenu du souverain bien pratique
qui doit, en tant que but, éclairer tout vouloir de sa lumière.
Toute cette considération qui vient d’être mise en œuvre requiert un
élargissement qui vient facilement à l’esprit et qu’il faut exposer de
[47] manière succincte. Manifestement, ce que nous avons développé à pro-
pos de l’Idée d’une éthique ou d’une pratique au sens le plus large (et
donc en dépassant la sphère spécifiquement morale), concernant la divi-
sion entre une éthique analytique ou simplement formelle et une éthique
matérielle, peut être transposé tel quel au domaine de l’axiologie, et il est pré-
visible que si une pratique formelle existe, elle devrait être essentiellement
entrelacée à une axiologie formelle en général. Tant qu’on parlera à bon
droit d’une raison, la question se posera de la distinction entre sphère
rationnelle analytico-formelle et sphère rationnelle matérielle, et donc
aussi entre une axiologie analytique ou formelle et une axiologie maté-
rielle. Il est en outre facile de comprendre que ce domaine soit intime-
ment uni au domaine pratique formel, et qu’il y ait donc une unité supé-
rieure qui embrasse encore, outre l’éthique, d’autres domaines partiels,
comme par exemple l’esthétique ; et ce type d’unité fait même entrevoir la
possibilité d’une axiologie formelle en un sens élargi.
Isolons, en excluant d’abord le domaine du désirer et du vouloir, un
domaine de valeurs non existentielles en tant que domaine des valeurs de beauté
au sens le plus large ; incluons-y les valeurs pour lesquelles l’existence ou
la non-existence de l’objet porteur de valeur est sans importance pour le
sens et la validité de la prédication de valeur ; opposons-lui la sphère des
évaluations existentielles, dans lesquelles c’est le contraire qui se produit, et
nommons « biens » les valeurs qui forment le corrélat d’évaluations exis-
tentielles conformes à la raison ressortissant au genre « joie », et « maux »
les valeurs négatives correspondantes. Cela présupposé, il est clair que
chaque objet beau est en même temps un objet bon ; c’est dire que ce qui,
dans une évaluation esthétique rationnelle, s’atteste comme beau doit
aussi, dans une évaluation existentielle rationnelle, nécessairement s’attes-
ter comme bon ; c’est-à-dire que s’il existe ou se présente comme existant
dans la conviction, alors il est nécessairement, c’est-à-dire universelle-
ment et conformément à la raison, objet d’une joie légitime ; de même
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1. Husserl joue ici sur les ressources de la langue allemande qui qualifie l’ensemble du
domaine des possibilités axiologiques au moyen du suffixe -wert, par exemple, begehrenswert (ou
begehrenswürdig), Begehrungswert, le désirable, le convoitable au sens de ce qu’il est affectivement
possible de désirer, de convoiter et, par implication, de ce qui mérite de l’être. Le possible éthi-
que est un possible axiologique. Au lieu de « valeurs de désir », de « valeurs de volonté », il fau-
drait parler du « désirable », du « praticable », etc., en laissant résonner dans le suffixe -able, les
possibilités affectives et à partir d’elles l’ensemble des modalités affectives. (N.d.T.)
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en général, repose sur le fait que tout jugement possède un contenu idéal,
à savoir ce que l’on nomme proposition au sens logique, et sur le fait que
des conditions légales idéales de possibilité de la justesse du jugement,
donc de la possibilité d’un juger évident, se fondent sur ce qu’il y a de plus
universel dans le contenu du jugement en général.
Si nous suivons à présent l’analogie directrice, il devrait en aller de
même dans la sphère pratique et axiologique. Il devrait y avoir là aussi
des lois formelles aprioriques et, parallèlement à elles, des normes aprio-
riques qui leur sont évidemment équivalentes : non pas cette fois des
normes du juger rationnel, mais des normes de l’évaluer rationnel, du
souhaiter ou du vouloir rationnels. L’analogie exigerait par suite que,
conformément à la distinction entre juger et contenu de jugement (entre
penser et contenu de signification de la pensée), nous puissions et
devions distinguer dans la sphère pratique entre le vouloir en tant qu’acte et
le contenu de volonté, pour ainsi dire en tant que signification de volonté, ou
en tant que proposition pratique. À la forme du contenu de volonté,
c’est-à-dire aux configurations fondamentales qui résident dans l’essence [50]
d’un tel contenu en général, devraient appartenir les lois théorétiques qui
courraient parallèlement aux lois analytiques, aux lois logiques formel-
les ; et la tournure normative de ces lois devrait produire des règles équi-
valentes du vouloir rationnel en général, autrement dit des normes qui
ne pourraient pas être transgressées si l’on ne veut pas que le vouloir soit
irrationnel pour la raison la plus radicale de toutes – à savoir parce qu’il
irait contre le « sens » du vouloir en général, contre ce qu’exige sa
« teneur de signification » en général. Néanmoins, le vouloir relève d’une
sphère plus vaste, et c’est bien plutôt pour la sphère la plus vaste – celle
de l’axiologique – qu’il faudrait distinguer tout cela ou, du moins, qu’une
telle distinction devrait être possible.
Pour rendre un peu plus clair le sens de l’exigence, attardons-nous
encore un instant. Juger, c’est avoir un avis [meinen], au sens d’être
convaincu. L’avis judicatif [Urteilsmeinung] a nécessairement une teneur de
signification ou, comme on disait aussi, un contenu, à savoir la proposi-
tion logique. Lorsqu’on oppose le juger et le jugement, ce dernier n’est
alors rien d’autre que la proposition logique indépendante. Juger, c’est
être d’avis relativement au contenu « ce S est P », « S en général
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1. Trad. fr. de V. Delbos revue par F. Alquié : Kant, Œuvres philosophiques, éd. sous la
direction de F. Alquié, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1985, t. II, p. 280.
(N.d.T.)
2. Trad. fr., p. 284 en note. (N.d.T.)
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prement pensé avec ? Certes non. Il peut se faire que nous voulions un
but, sans avoir la moindre idée des moyens, et donc non plus d’un moyen
qui serait « seul nécessaire ». Bien entendu, le vouloir est impossible sans
une certaine conviction de réalisabilité [Erreichbarkeit], encore qu’il y
aurait tout lieu de se demander à quoi ressemble une telle conviction. Un
vouloir quel qu’il soit, pouvons-nous dire pour le moins, se dirige sur un
but, et dans la représentation du but est co-donné – et ce, nécessaire-
ment – qu’il doit être le terme [Ende] d’un chemin qui y conduit. La
volonté du but est nécessairement volonté du but par le biais du chemin.
Mais cela ne revient pas à dire que le chemin soit représenté en tant que
chemin déterminé. Il y a des représentations déterminées et des représen-
tations indéterminées, et les deux sortes de représentations peuvent sous-
tendre la volonté. Par conséquent, même la représentation d’un but
comme devant être atteint « n’importe comment » peut fonder un vou-
loir, et le « n’importe comment » y reste éventuellement fort indéterminé.
Il se peut que la connaissance après coup d’un chemin déterminé comme
étant l’unique chemin actuellement possible devienne ultérieurement un
soubassement de la volonté. La volonté antérieure à présent reproduite
en se « déterminant » de plus près, se transforme en la nouvelle volonté :
l’action indéterminée posée dans la décision se transforme en l’action à
présent posée dans la déterminité du chemin. Il se peut qu’on dise
alors qu’il s’agit de « la même » volonté, simplement déterminée plus pré-
cisément, et que la volonté du but ait « impliqué » nécessairement un che-
min à suivre, qu’elle ait donc également « impliqué » l’unique chemin à
suivre. Mais il faut comprendre tout cela comme une façon impropre de
parler.
En fait, il en va exactement comme dans l’inférence analytique : les
jugements qui servent de prémisses doivent, comme on dit, inclure « ana-
lytiquement » le jugement de conclusion. Or il serait radicalement aber-
rant de croire qu’on trouverait réellement [reell] le jugement de conclusion
dans les jugements-prémisses en tant que vécus ou corrélats des vécus,
phénoménologiquement ou psychologiquement. La relation n’est pas psy-
chologique, mais logique. Selon la raison, on ne peut pas juger les prémisses et
nier la proposition de conclusion, car celle-ci réside « logiquement » dans
les prémisses, c’est-à-dire purement dans les propositions ; la validité de
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d’un moyen et d’une fin ou d’une raison. Même si l’on considère spéciale-
ment les actes de volonté en question, il reste beaucoup à faire, s’il s’agit
de [se] rendre compte [gerecht werden] effectivement des raisons pour
lesquelles il faut rationnellement vouloir le moyen si l’on veut la fin. Sous
le simple aspect de la considération logico-empirique, c’est-à-dire des
considérations psychologiques, physiques, et psychophysiques, nous
avons élargi la sphère des factualités en y incluant les actes de volonté,
mais nous n’y trouvons pas la raison de volonté. Les faits physiques, les
mouvements des jambes, les mouvements dans l’organe vocal et autres
choses de ce genre, s’intègrent à l’ordre de la nature physique d’après des
lois physiques, les processus psychiques du communiquer et du vouloir-
communiquer, de vouloir-aller, etc., dans la sphère de la nature psy-
chique, et toutes deux ensemble, dans la sphère de la nature psychophy-
sique. Ce qu’est ici une vérité, c’est la raison empirico-logique qui le
détermine. Mais que la volonté-de-communiquer, que le vouloir du
moyen, que le vouloir me-rendre-chez-mon-ami, etc. exige que, si je veux
cela, je doive vouloir de manière rationnelle ceci, cela la raison logico-
[56] empirique ne peut pas me le dire. Le devoir conforme à la raison n’est pas
un fait empirique ; la volonté de fait, qui entre en jeu dans l’enchaînement
psychologique, n’est pas un devoir-vouloir.
Même la conscience du devoir-vouloir entrant en jeu dans la considéra-
tion du but ne nous est d’aucun secours, n’est pas elle-même un devoir-
vouloir. Plus généralement, valeur et conscience d’une valeur se distin-
guent de la même façon que vérité et tenir-pour-vrai, juger. Le surgisse-
ment et la disparition de jugements dans l’enchaînement de conscience
[Bewußtseinszusammenhang], la constatation qui fonde causalement le fait
que, le cas échéant, c’est précisément ce jugement, cette conscience de
vérité (et même conscience d’évidence) qui doit surgir dans la conscience
– cela n’est pas la fondation rationnelle de la vérité. En l’occurrence, il en
va exactement ainsi : la considération logico-empirique peut seulement
établir que la conscience de volonté et la conscience de devoir entrent en
jeu, elle peut établir que, dans ces circonstances, elle doit entrer en jeu
d’après une nécessité empirique, à savoir en tant que fait réel-causal. Mais
elle ne peut établir que vouloir un tel moyen soit rationnellement exigé au
regard du but qui est voulu. La rationalité de cette exigence a ses fonde-
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ments dans une tout autre dimension que celle des faits. La fondation du
fait que le vouloir s’exerce de telle sorte [daß so gewollt wird] qu’une telle
conscience d’exigence est vécue – cette fondation de matter-of-fact est
quelque chose de tout autre que la fondation de l’exigence elle-même, en
tant qu’exigence rationnelle, qu’exigence qui serait encore rationnelle si
l’agent venait à la négliger, si elle n’entrait pas en jeu en tant que fait. Il est
clair en effet que la loi du devoir « Qui veut la fin, doit rationnellement
vouloir le moyen nécessaire » est une loi a priori, qu’elle vaut de façon évi-
dente dans une universalité et une nécessité inconditionnées, tandis que
tous les faits établis par expérience et toutes les lois à découvrir par expé-
rience sont précisément empiriques.
Mais on pourrait précisément enchaîner sur ce point pour prouver
qu’il n’y a qu’une seule raison, à savoir une raison logique et que, par suite, raison
pratique et raison axiologique en général ne sont qu’un domaine d’application
particulier de la raison logique. Il est certain, pourrait-on dire, qu’une considé-
ration logico-empirique, relevant donc des sciences de la nature au sens le
plus large, ne produit pas le devoir conforme à la raison ni la loi-du-
devoir. Mais n’avons-nous pas parlé de loi ? Ne parlons-nous pas de sa
validité apriorique, et de sa fondation, qui peut assurément se situer sur
une tout autre ligne qu’une fondation relevant des sciences de la nature ?
Or, une loi est un énoncé et, partant, quelque chose de logique ; et c’est la [57]
raison logique qui établit sa vérité, qui prouve sa validité apriorique, qui
fonde. De même qu’elle se réfère à d’autres domaines, la pensée logique
se réfère au domaine de l’évaluer et du vouloir ; et de même que, par ail-
leurs, elle découvre et fonde des vérités – soit analytiques, soit empi-
riques, soit synthétiques a priori –, elle le fait aussi dans ce domaine. C’est
tout de même sans réplique ! Eh bien, ce qui est en effet démontré ainsi
sans appel, et qui va de soi, c’est que, pour autant qu’une chose quel-
conque est connue, elle est justement connue ; c’est que, pour autant que
des objets sont posés dans un domaine quelconque, que des prédicats
leur sont attribués, que des lois universelles sont établies, ce sont des acti-
vités de connaissance au sens d’une raison logique qui se déroulent en
tout cela. Par conséquent, si nous discourons sur des exigences et des lois
d’exigence axiologiques, et que nous en discourons rationnellement, nous
discourons et jugeons alors logico-rationnellement, et si nous opérons
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1. Le style soutenu allemand affectionne les litotes et les euphémismes ; aussi Husserl
emploie-t-il souvent unrichtig, unschön, ungut, etc., ainsi que les substantifs correspondants, qui
sont couramment utilisés comme synonymes élégants de falsch, hässlich, schlecht, etc. Pourtant,
par souci de cohérence, nous avons évité de traduire unschön par « laid », etc. En effet, on verra
plus loin (§ 11 a, p. [85]) que Husserl lui-même remet en question l’usage courant en stipulant
une trivalence axiologique : le non-beau n’est pas forcément laid, mais peut être indifférent
(adiaphoron). (N.d.T.)
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mettre cette sphère à une exploration d’essence, tant du côté des actes
que du côté de leurs « contenus » et de leurs « objets ». Nous pratiquons
alors une phénoménologie de la conscience de connaissance, de ses
niveaux les plus bas jusqu’aux plus élevés, parmi lesquels les niveaux spé-
cifiquement logiques, et par ailleurs, à l’égard des teneurs-de-signification
de cette conscience et de ses objets en général (eux-mêmes saisis dans
une universalité formelle), nous faisons de la logique pure, au sens le plus
large, de la logique apophantique et de l’ontologie formelle.
Mais au lieu diriger notre connaissance sur la conscience de connais-
[61] sance et ses corrélats, nous pouvons également la diriger sur les configu-
rations universelles de la conscience affective et de la conscience de
volonté, et ici la seule question est de savoir si l’on s’est analytiquement
rendu compte de ce que les premiers éthiciens avaient omis de mettre en
lumière, à savoir que, dans les actes eux-mêmes en tant que prises de position,
existe effectivement cette analogie radicale que nous avons brièvement signalée
précédemment ; que par conséquent évaluer c’est également tenir-pour,
présumer – et nous parlons de l’évaluer en tant que conscience affective
en elle-même, avant tout juger qui s’y ajouterait. Aux actes de jugement,
plus généralement aux actes de croyance, appartiennent des estimations
idéales selon des Idées de la validité et de la non-validité, et corrélative-
ment leur appartiennent les Idées d’être véritable et de non-être ; de
même, aux actes affectifs en tant que prises de position, appartiennent
des estimations idéales selon des Idées de la validité et de la non-validité
et, corrélativement, des Idées du beau et du bon, ou bien de non-beau et
de non-bon, au sens de la validité.
Tout comme, dans la sphère du jugement, le juger en tant que fait
psychologique peut être envisagé dans des enchaînements de réalité psy-
chophysique, il est possible de faire de même pour le sentir, le désirer, le
vouloir, avec les prises de position qui leur sont propres. De part et
d’autre, la considération réelle-causale se situe dans une tout autre pers-
pective que la considération par une estimation idéale, qui explore dans
les différentes sphères différents enchaînements de l’a priori. A priori le
juger se distingue, en tant que tenir-pour-vrai en général, du juger juste,
du juger qui, pour ainsi dire, atteint le but idéal de la vérité. Que tout juger
en général, à parler dans une universalité inconditionnée (donc a priori),
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Résumons les considérations qui nous ont occupés dans les dernières
semaines avant les vacances. Depuis longtemps, on met en parallèle le
scepticisme théorétique et le scepticisme éthique, tout comme on met en
parallèle l’éthique et la logique elles-mêmes. Nous avons suivi ces analo-
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gies ; nous avons recherché ses sources les plus profondes ; nous avons
cherché sa formulation la plus authentique et la plus prégnante ; nous
avons distingué les analogies authentiques des analogies inauthentiques et
nous avons découvert effectivement de telles analogies authentiques.
Dans ces considérations se trouvaient déjà de profonds motifs pour sup-
poser qu’il devait y avoir une discipline parallèle à la logique purement
formelle, une éthique formelle apriorique, généralement parlant, une
axiologie et une pratique formelles. En effet, les démêlés avec le scepti-
cisme éthique nous renvoyaient spécialement au domaine scientifique de
la logique en un sens étroit et fermement délimité, à savoir précisément à
la logique analytique, à ladite logique formelle ; et, de même, le scepti-
cisme éthique, en tant qu’il a été construit comme un analogon exact du
scepticisme logique, nous indiquait une éthique formelle en un sens cor-
respondant.
Même si, depuis l’Antiquité, l’on avait considéré la logique et l’éthique
comme des disciplines philosophiques parallèles, il s’en fallait de beau-
coup que le parallélisme eût été effectivement mis en œuvre de façon
rigoureusement scientifique. La division qui s’était accomplie historique-
ment dans la sphère logique, à savoir entre logique apriorique et aposté-
riorique, logique formelle et matérielle – une distinction qui, assurément,
a sans cesse été brouillée par les philosophies empiristes –, ces divisions
fondamentales, dis-je, en ce qui concerne l’éthique, n’avaient jamais été
accomplies parfaitement et de la manière scientifiquement requise. Kant,
qui avait donné ici les impulsions décisives et avait, comme nul autre,
reconnu la signification fondatrice des divisions radicales à accomplir,
avait certes cherché à fonder une éthique formelle apriorique. Mais nous
nous sommes convaincus que cette éthique kantienne formaliste ne pou-
vait valoir comme analogon de la logique formelle. Si Kant avait raison,
l’analogie entre conscience théorétique (connaissante) et conscience pra-
tique, entre le logique en général et l’éthique en général serait bien plutôt
réduite à néant, et à sa suite s’effondrerait également l’analogie entre le
logico-formel et le pratico-formel. L’éthique matérielle, l’analogon de la [66]
logique matérielle, était en effet abandonnée ; et l’éthique formelle se
réduisait à un principe formel, à l’impératif catégorique, qui, bien qu’il ait
éliminé toute matière de l’évaluer et du vouloir, devait cependant être
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motivé par le juger des prémisses – nota bene, quand la conclusion est
précisément une conclusion effectuée rationnellement. Ou, pour parler
de façon plus générale : le juger d’une conclusion est théorétiquement
motivé par le juger des prémisses, et cette motivation est ou n’est pas
une motivation rationnelle. Elle est soumise à la question théorétique de
droit [der theoretischen Rechtsfrage]. Pour ce jugement de droit [Rechtsbeurtei-
lung] valent les lois logiques formelles qui se fondent sur la forme des
contenus de jugement (des propositions logiques) ; elles fonctionnent
normativement par rapport au juger rationnel en général, dans la mesure
où, précisément, il est déterminé dans sa rationalité par la forme des
contenus de jugement.
Parallèlement, on dira dans la sphère pratique, à propos des enchaî-
nements d’actes de volonté, que le vouloir du moyen est motivé prati-
[71] quement par le vouloir des prémisses. À la motivation du jugement cor-
respond ici la motivation de la volonté, qui doit également subir le
jugement de droit et se tient sous des règles d’une rationalité pratique.
Ces normes, elles aussi, doivent reposer dans un « contenu », dans l’ana-
logon du contenu de jugement ou de la proposition logique. Lorsque
l’acte logique de la prédication-du-droit extrait ici des fondements de
droit [Rechtsgründe], il ne les obtient précisément que parce qu’ils résident
dans le domaine de la volonté en tant que droit de la volonté qui lui est
propre.
Et tout cela vaut manifestement pour la sphère axiologique la plus univer-
selle : partout où l’on peut parler en quelque façon d’évaluer et de valeur,
règne la différence entre antécédents-de-valeur et conséquences-de-valeur, entre
valeurs présupposées et valeurs qui reposent sur elles ou en dérivent. Ces
dernières sont des valeurs en vue d’autres valeurs, les premières sont pour
ainsi dire des valeurs-prémisses ou des valeurs-fondements. Les fonde-
ments ne sont nulle part, en ce domaine, des fondements logiques, mais
des fondements de valeur. Et pour ce qui concerne les enchaînements
d’actes d’évaluation, des enchaînements de la motivation existent dans
toutes les sphères : l’évaluer fondateur motive l’évaluer en faveur des
valeurs dérivées. Et la motivation, sous toutes ses formes, est soumise au
jugement de droit ; elle est rationnelle ou irrationnelle et elle est soumise à
des lois normatives, mais plus particulièrement à des lois normatives for-
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mesure où il est probable, est digne d’espoir [hoffenswert] et, dans le cas
inverse, digne d’être déploré [bedauernswert]1. Si un non-beau est probable-
ment existant, alors il est digne d’être déploré, il est un digne objet de tris-
tesse [ein Trauernswertes], etc. Bien sûr, il nous manque ici des expressions
suffisamment empreintes d’objectivité. Poursuivons : le degré objectif de
l’espoir légitime est déterminé par le degré de la probabilité du beau, et il
en va exactement de même pour la crainte légitime (dans laquelle la non-
valeur objective constitue le corrélat du craindre lorsque celui-ci est
rationnel) : son degré objectif est rationnellement déterminé par les
degrés de la probabilité du non-beau. En outre : le non-être de quelque
chose de beau justifie la valeur-de-souhait objective ou, si l’on veut, la jus-
tesse de la proposition de souhait : « Si seulement cette beauté existait ! » ;
l’être d’un non-beau, la valeur-de-souhait négative objectivement consis-
tante ou, si l’on veut, la proposition de souhait négative : « Si seulement
elle pouvait ne pas exister ! », etc.2.
Considérons à présent les modifications hypothétiques (et causales)
des actes affectifs qui sont les parallèles des modifications hypothétiques
des actes intellectifs3. Voici une nouvelle loi : si quelqu’un se réjouit hypo-
thétiquement, à savoir à l’idée que V4 soit et s’il tient compte du fait que V
serait si A était, alors la joie portant sur V se transfère rationnellement
à A, A acquiert pour lui de la valeur. La pensée hypothétique que A soit
motive par suite une joie également hypothétique : celle qui considère
que, à la suite de A précisément, V aussi serait. Cela aussi est une légalité
de raison. Ainsi la joie se transfère hypothétiquement et par suite aussi
thétiquement. Si l’on se réjouit réellement de V et si l’on sait que, puisque
1. Nous touchons ici à la fois à l’une des ressources de la langue allemande en même
temps qu’à l’une de ses limites, qui ne lui est pas propre cependant. Une ressource : puisque le
suffixe -wert (ou -würdig) permet de forger l’ensemble des corrélats noématiques des actes affec-
tifs. Une limite ce faisant : car pour des raisons qui tiennent à la nature de la chose elle-même,
comme le dit Husserl, des expressions portant l’empreinte objective adéquate font nécessaire-
ment défaut. (N.d.T.)
2. Ici aussi des « degrés ». (N.d.A.)
3. De manière générale, catégoriquement-hypothétiquement-disjonctivement : « rela-
tion ». Positivement-négativement : « qualité » ; aussi affirmer, approuver, agréer, refuser
c’est.à.dire désapprouver. (N.d.A.)
4. Husserl emploie la lettre W pour désigner la valeur (Wert). Pour des raisons compré-
hensibles, nous lui substituons la lettre V. (N.d.T.)
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l’un des deux, A ou V, peut être, A est une non-valeur. Nous maintenons
dans ce dernier cas que, si A, alors non-V. Si V est une valeur, alors, en
présupposant que V et A ne peuvent venir à l’existence qu’ensemble (que
tous deux sont nécessairement liés l’un à l’autre dans l’existence), A est
lui-même une valeur dérivée de même signe. Mais alors, les lois incluent
manifestement des composantes redondantes.
Nous pouvons bien sûr, abstraction faite de la causalité, énoncer aussi
l’application suivante des deux lois générales : s’il est valable que S est P,
alors il est non valable que S n’est pas P. Si un état de choses est valable,
alors un état de choses incompatible avec lui, l’excluant, voire l’excluant
logiquement, est non valable. De même, si un état de choses est valable,
alors tout état de choses équivalent est aussi valable, avec le même signe [79]
[Vorzeichen]. Cependant, nous ne pouvons pas dire que tout état de choses
qui s’y trouve contenu analytiquement soit valable, car il n’est pas certain
que chacun contienne en général les moments fondateurs de valeur.
Nous trouvons donc ici des lois formelles qui se fondent sur l’essence
de la valeur. Du moins au sujet des formules les plus générales – dans les-
quelles il est question seulement en général (sans immixtion de choséité
réelle) de valeur et de non-valeur, d’être-conditionné, d’être-compatible,
d’être-incompatible, etc. –, nous pouvons dire que ce sont des lois pure-
ment formelles, fondées purement sur l’Idée la plus universelle de valeur et
d’état de choses de valeur ; et les lois énoncées traitent, dans une telle
généralité, de valeurs dérivées, qui sont des valeurs grâce à d’autres
valeurs, c’est-à-dire sur la base de la présupposition que quelque chose
soit déjà une valeur. Il y a donc des lois évidentes de la consécution-de-valeur, des
lois évidentes sur des inférences de valeur, et corrélativement leur correspon-
dent des normes de l’inférer évaluatif, des normes qui disent : si l’on tient
déjà V pour une valeur, et si l’on prend en compte tels ou tels enchaîne-
ments existentiels, on doit alors, si l’on est conséquent, se comporter de
telle ou telle façon dans la poursuite de l’évaluation. En cela, parmi les
présuppositions axiologiques, se présentent toujours aussi des jugements
motivants, des convictions ou des conjectures motivantes ; éventuelle-
ment aussi d’autres actes intellectifs.
À ces lois appartient aussi celle selon laquelle tout enchaînement de moti-
vation – ou, si l’on veut, tout enchaînement entre valeurs fondatrices et
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Si, conformément aux lois que nous avons appris à connaître, nous
distinguons des valeurs non-dérivées et des valeurs dérivées, il faut
prendre garde au fait qu’un seul et même A, en fonction des dérivations
de valeur dans lesquelles il se tient (et subjectivement, en fonction des
enchaînements-de-motivation dans lesquels se tient son évaluer), peut
prendre une valeur tantôt positive, tantôt négative. Il faut, dans le
domaine de la valeur, prendre garde à ce fait fondamental que des valeurs [81]
peuvent entrer en collision les unes avec les autres ; par exemple, si A est
une valeur, alors, relativement à cela, tout ce qui exclut l’existence de A
est une non-valeur. Ce qui exclut de la sorte peut cependant, pour d’au-
tres raisons, être une valeur. Partout où deux valeurs se heurtent dans
l’existence, l’une est relativement à l’autre – en tant qu’elle la supprime
existentiellement – non-valable. D’un autre côté, elle est, en elle-même,
valable. La conciliation est obtenue ici par les lois de la liaison de valeur et
de la comparaison de valeur [Wertabwägung], auxquelles nous n’avons pas
encore eu affaire.
Mais d’abord, il faut énoncer une loi fondamentale qui, à peu de cho-
ses près, ressemble au principe de contradiction, surtout lorsque nous
l’énonçons crûment ainsi : si A est une valeur positive, il n’est pas une
valeur négative. S’il est une valeur négative, il n’est pas une valeur posi-
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1. Non. (N.d.A.)
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puisse affirmer a priori de toute chose qu’il doit y avoir des relations dans
lesquelles elle acquerrait, d’une façon dérivée, par transfert, de la valeur ;
et d’autre part, il n’est nullement exclu que la même chose, selon la réfé-
rence, soit positivement dotée de valeur, négativement dotée de valeur ou
totalement dénuée de valeur.
Après ces précisions, il faut cependant insister sur le fait que nous
devons énoncer, en référence au cas des adiaphora1 propres au domaine de
l’évaluation, des axiomes propres. Il faut prendre garde au fait que l’adia-
phorie est un cas que la raison évaluative doit établir en tant que tel.
Qu’un état de choses donné possède des prédicats de valeur spécifiques
ou qu’il soit exempt de valeur, il n’est possible de l’établir que grâce à des
examens axiologiques rationnels ; et d’un autre côté, dans toute critique
axiologique, il faut nécessairement prendre en compte le cas d’une pos-
sible exemption de valeur. Une critique d’évaluations effectuées peut tou-
jours et a priori fournir deux sortes de résultats : 1 / l’état de choses n’est
absolument pas un état de valeur ; 2 / il en est un, et alors seulement se
pose la question de savoir si c’est le prédicat positif ou le prédicat négatif
qui est juste. Il en va ainsi, manifestement, pour toute région axiologique,
donc à l’intérieur de toute catégorie d’évaluation.
Nous formulons à présent, puisque le cas de l’exemption de valeur est
décidé par une raison évaluative, des axiomes y afférents. Certes, ils pré-
supposent de difficiles formations de concepts, pour être tout à fait
exacts et suffisamment universels, surtout le concept de matière. Dans le
domaine intellectif, nous distinguons, aussi bien noétiquement qu’onti-
quement, matière et qualité ; dans le domaine spécifiquement logique
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une lumière terne et ainsi de suite. Mais que nous puissions conformé-
ment à cela aller plus loin et assigner aux états de choses évalués un prédi-
cat qui leur revient indépendamment de l’évaluer contingent, c’est là
quelque chose de nouveau et c’est cela même que la raison évaluative
apporte avec ses légalités. Ainsi, c’est certainement un fait, par exemple,
que des actes de l’affectivité peuvent se fonder sur des représentations
générales. Nous éprouvons du déplaisir non seulement au singulier, mais
aussi dans une conscience de généralité : par exemple, la bassesse en
général déplaît. Mais le déplaisir que nous éprouvons alors est bien un
phénomène singulier, toute comme la conscience de généralité fonda-
trice. Mais que la conscience affective, dans la mesure où la conscience
d’universalité intellective la fonde, possède elle-même son universalité
affective, et que cet acte de la conscience évaluant universellement (com-
prise intellectivement, i.e. comme objectivante) possède le caractère de
l’être-donné, voire de l’être-donné évident d’une valeur universelle ou
d’une non-valeur universelle, c’est là quelque chose de totalement nou-
veau. C’est ce qui est présupposé si nous voulons énoncer des lois de
valeur universelles.
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1. Nous n’avons ici malheureusement pas de mots qui correspondent exactement aux
mots de vérité et de fausseté. Le mot « valable » [wert] est plurivoque : sa signification se déplace
selon que, par lui, nous nommons valables des objets ou que nous désignons ainsi des matières.
Dans le domaine intellectif, nous rapportons vérité à la matière, et nous disons des objets qu’ils
existent, et des états de choses, qu’ils subsistent. Dans le domaine axiologique, nous nous heur-
tons à la complication qui veut que l’on distingue, d’un côté, les objets qui ont valeur et qui,
éventuellement, sont posés comme étant ou n’étant pas, et d’un autre côté, les valeurs elles- [90]
mêmes. En outre, nous avons ici les matières en tant que contenus axiologiques ainsi que leur
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Nous passons à présent à une autre série de lois formelles, qui n’ont
aucun analogon dans la sphère logico-apophantique plus restreinte (mais
plutôt dans la sphère de la logique formelle des probabilités). Je veux par-
ler des lois qui se réfèrent à des relations ordinales des valeurs. Nous pouvons ici
nous reporter à l’écrit génial de Brentano, De l’origine de la connaissance
morale (1889), qui, le premier, a formulé de telles lois, comme d’ailleurs cet
écrit a donné en général l’impulsion à toutes mes tentatives d’axiologie
formelle. Brentano se tient, certes, sur le terrain de la psychologie et, pas
plus qu’il n’a reconnu [erkannt] la possibilité et la nécessité d’une logique
formelle de la signification dans la sphère logique, il n’a reconnu, en l’oc-
currence, celles d’une éthique et d’une axiologie idéales et formelles. Mais
cela n’empêche pas que l’on trouve chez Brentano les germes féconds qui
ont vocation à être développés ultérieurement.
Entre des valeurs peuvent exister des relations de gradation, et celles-
ci comportent, comme toutes les relations de ce genre, trois possibilités
exclusives, les types de relation « égal », « supérieur », « inférieur ». Mais il
faut dire d’emblée que nous ne pouvons pas prétendre que des valeurs au
sens le plus large soient comparables sous tous les rapports, mais nous
nous limitons plutôt aux valeurs d’une région de valeur (ou si vous voulez,
d’une catégorie de valeur). Il me semble qu’il n’y a aucun sens viable à
qualité axiologique. Toutes deux conjointes donnent la proposition axiologique, qui peut être à
son tour une proposition valide ou non valide (une vérité ou une fausseté axiologique). Tout
comme nous distinguons, dans le domaine intellectif, proposition et état de choses (ou objet),
de même nous devons distinguer, dans les domaines parallèles, proposition axiologique et état
axiologique ou, si l’on préfère, valeur. Il faut renvoyer à ces différences afin que ne subsiste pas
le soupçon que, si nous préférons, assez souvent, à cause de la commodité et de la tournure
naturelle, [employer] les expressions équivoques de « valeur positive et négative », nous pour-
rions avoir été victime de confusions. Nous veillerons bien à éviter totalement de telles
confusions. (N.d.A.)
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comparer une valeur de souhait à une valeur de plaisir et une valeur exis-
tentielle à une valeur non existentielle (une valeur de bien avec une valeur
de beauté) et à dire que l’une serait davantage digne de souhait que l’autre [91]
n’est digne d’être goûtée, et autres choses semblables. Si nous nous en
tenons aux limites d’une catégorie, il existe alors des relations de compa-
raison universelles et, en tout cas, pour autant qu’elles existent, valent
des axiomes qui appartiennent absolument à l’essence de toutes les
formes de comparaison. Donc, par exemple (a = b) ⇒ (b = a) ; de même
pour < et >. [Si] a ! b, b ! c, ⇒ a ! c. L’égal substitué à l’égal donne l’é-
gal, mais uniquement dans des relations de sommation (de touts [obte-
nus] par sommation). C’est pourquoi l’ « égal » ne peut pas être effective-
ment considéré en général comme une égalité, mais bien comme ni plus
grand ni plus petit.
Ces lois doivent donc également être énoncées au sujet des relations
de comparaison de valeurs. S’y ajoutent les lois propres au domaine de la
valeur. Chez Brentano, nous trouvons énoncée d’abord la proposition :
« Un bien reconnu comme bien doit être préféré à un mal reconnu
comme mal »1. Je distinguerais ici, comme partout ailleurs, lois noétiques
et lois ontiques. Noétiquement, on peut dire de façon plus générale que
ne l’a fait Brentano : « Il est rationnel de préférer un tenu-pour-bon à un
tenu-pour-mauvais ». Mais cela appelle des restrictions. Si le tenu-pour-
bon (ou pour mauvais) se révèle n’être pas bon (ou pas mauvais), alors la
préférence n’est pas objectivement juste. Comment résoudre l’antinomie,
qui existe manifestement pour toute espèce de valeurs ? Dès que j’ai tenu
quelque chose pour bon ou pour mauvais, c’est une exigence de la consé-
quence rationnelle que de préférer ce qui est tenu pour bon à ce qui est
tenu pour mauvais. Une raison [Vernunft] de la préférence est motivée par
les actes de tenir pour bon et de tenir pour mauvais en tant que tels. Cette
raison subsiste, même si les actes de tenir pour bon [Guthaltungen] et les
actes de tenir pour mauvais [Schlechthaltungen] sont irrationnels. Le fait que
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tique, considéré en soi et pour soi, est pratiquement meilleur que tout mal
pratique considéré en soi. Il est clair cependant que nous pouvons rester
aussi dans la sphère plus générale et énoncer la loi pour des valeurs en
général, dans des relations de comparaison de valeur ou de préférence [der
Wertvergleichung bzw. Bevorzugung] : tout ce qui a valeur en soi à l’intérieur de
sa catégorie est plus valable que tout ce qui est en soi non-valeur [Unwert]
(toute belle chose en soi a plus de valeur que toute chose non belle, etc.).
Par suite, dans le cadre d’une dérivation de valeur déterminée, référée à
une valeur fondamentale qu’il faut maintenir dans son identité, nous
pourrons également dire : le beau dérivé est meilleur que le laid
dérivé, etc. Partout, le beau en tant que tel (en maintenant ses présupposi-
tions) a plus de valeur que le laid.
Une autre loi énoncée par Brentano pose que l’existence d’un bien est [93]
meilleure que l’existence d’un mal, et inversement pour la non-existence.
En généralisant quelque peu, j’énoncerais la loi suivante : si une valeur de
beauté est plus valable qu’une autre valeur de ce type (peu importe quels
en sont les signes), l’existence de la première valeur est plus valable que
celle de l’autre : B1 > B2 ⇒ (E(B1) > E(B2)), et inversement, la non-exis-
tence de B2 > N(B1)1.
Brentano pose en outre la loi : un bien tout seul est meilleur que le
même bien mélangé à un mal B > B + M2. Je préfère être plus précis et
exclure dans un premier temps le mélange proprement dit, c’est-à-dire la
composition. Je pose [la loi] : l’existence d’un bien seul est meilleure que
l’existence conjointe de ce bien et simultanément d’un mal. De même :
l’existence de deux biens est meilleure que l’existence d’un seul d’entre
eux. En outre : l’existence conjointe d’un bien et d’un mal est meilleure
que celle du mal tout seul. Donc : E(B) > E(B + M) ; E(B + M) > E(M) ;
E(B + B1) > E(B) ; E(B + B1) > E(B1). De là découle par déduction la
1. Husserl emploie les symboles suivants : S pour Schönheitswert ; E pour Existenz ; N pour
Nicht-Existenz. Nous employons donc les symboles B (beauté) et E (existence), N (non-exis-
tence). De même nous substituons ci-dessous les symboles B (bon, bonté) et M (mauvais, mal)
à G (Gut, Güter) et U (Übel). (N.d.T.)
2. Cf. ibid. (N.d.E.) Trad. fr., p. 70 : « Nous préférons rien que pour lui-même un bien à ce
même bien mêlé de mal, ou, au contraire, un mal mêlé de bien à ce même mal purement en
soi. » (N.d.T.)
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tiels. Si une partie a en soi et par soi de la valeur, si en tout cas elle a une
valeur qui n’est pas exactement conditionnée par l’être-partie dans ce tout
mais est cependant efficace dans cet être-partie, alors elle importe a priori
pour la valeur du tout. Toute modification qui l’altère intrinsèquement
dans son caractère de valeur, influence également la valeur du tout ; nous
incluons ici sous le titre de « modification » la fragmentation [Abstückung]
et la suppression éventuellement possibles. Nous appellerons de telles
parties des composantes axiologiques du tout de valeur. Si, inversement,
nous partons du tout, nous pouvons dire aussi que sa valeur peut
dépendre de la valeur propre de n’importe laquelle de ses parties. Ces
valeurs propres, dans la mesure où elles déterminent la valeur du tout,
forment ses composantes axiologiques ou composantes de valeur.
Par ailleurs, le tout peut lui aussi avoir, et en général aura des parties
qui n’ont pas en elles-mêmes de valeur, mais sont des pré-conditions
pour sa constitution ou pour la constitution de parties ayant, quant à elles,
de la valeur en elles-mêmes. Pour autant que ce sont des pré-requis de la
valeur, elles ont aussi une valeur, à savoir une valeur de conséquence,
mais elles ne sont pas des composantes de valeur. Nous disons par
exemple qu’elles ont « simplement une valeur de condition préalable ».
Des composantes de valeur, telles que nous les avons définies, pourraient
elles-mêmes être à leur tour des touts dont la valeur dépend de compo-
santes de valeur, et ces touts pourraient par ailleurs comporter d’autres
composantes qui n’ont pas vraiment de valeur en soi. Dans la sphère des
valeurs en soi, nous aboutissons manifestement ainsi à de pures composantes
de valeur, à des propriétés authentiques et purement fondatrices de valeur.
Si nous considérons les relations entre des touts de valeur et leurs
composantes de valeur, il faut distinguer alors deux cas de figure. Il peut
se faire que le tout n’ait de la valeur que par la prise en compte axiolo-
gique du fait qu’il possède précisément ces parties qui composent la
valeur, et de telle sorte que la simple possession en général de ces parties
[96] détermine la valeur du tout, exclusivement sur le mode du transfert de
valeur. Donc, la liaison des parties fondatrices de valeur ne doit avoir
aucune autre signification axiologique que celle d’être précisément liées ;
de la liaison en tant que liaison précisément d’une telle espèce, ne doit
résulter aucun produit axiologique de nature spécifique.
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[97] Il y a donc bien des distinctions essentielles dans les touts axiologi-
ques, selon qu’ils ont ou non le caractère de touts de valeur par somma-
tion ou, ce qui revient au même, selon qu’ils sont des touts formés de
composantes de valeur qui sont des valeurs dans le tout autant que pour
elles-mêmes isolément, qui ne s’influencent donc pas dans l’unité du tout
et ne fondent [fundieren] pas de nouvelle valeur d’unité, ou bien selon que
ce n’est précisément pas le cas. Dans ce dernier1 cas, le tout de valeur est,
d’après sa valeur, une simple valeur dérivée des composantes fondatrices
de valeur [wertbegründenden] et, pour cette espèce de touts, valent manifes-
tement les lois de sommation, c’est-à-dire formellement les mêmes lois
que celles que nous avons précédemment énoncées pour des collections
de valeurs, pour des valeurs d’existence collective de valeurs. La coexis-
tence d’une pluralité de valeurs et l’existence d’un tout de plusieurs
valeurs n’ayant pas d’influence mutuelle sont équivalentes. Donc, par
exemple, pour une liaison de valeurs par sommation vaut la loi qui pose
qu’une somme de biens est meilleure qu’un seul bien de cette somme et
que toute diminution de cette somme ; ou encore : le bien partiel qui
entre dans la somme de biens est moins valable que le tout par somma-
tion de simples biens. De même, l’immixtion par sommation [summato-
rische] d’un mal diminue toujours la valeur, etc. Dans tout jugement de
valeur sur des touts, il faut naturellement prendre garde (cela s’applique
aussi à la question des valeurs dérivées) à ces différences fondamentales
entre sommation de valeur et production de valeur. Et grâce à notre distinction,
les lois brentaniennes se trouvent aussi améliorées substantiellement ;
elles ne peuvent et ne doivent être maintenues que dans la restriction aux
valeurs [obtenues] par sommation.
Cette restriction faite, il faut ensuite ajouter également que l’étalement
temporel d’un bien ou d’un mal, eu égard à la possibilité de la division du
temps, doit être traitée comme une somme de valeurs partielles corres-
pondant aux parties de temps. Brentano, lui aussi, a déjà mentionné l’éta-
lement temporel dans le contexte des lois de sommation2. Si nous dési-
1. Le sens du raisonnement qui précède et qui suit suggère : « dans le premier cas » (celui
de la simple addition de valeurs). (N.d.T.)
2. Cf. ibid. (N.d.E.) Trad. fr., p. 70. (N.d.T.)
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que « quelque chose est plus digne de souhait qu’autre chose » ne signifie
pas que le souhaiter soit ou doive être plus vif. Naturellement, il y a aussi
des normes de la vivacité d’évaluations, comme, par exemple, celle qu’il
est non juste [unrichtig] de se réjouir moins vivement d’une valeur plus
haute que d’une valeur plus basse.
Par ailleurs, je suis tenté de penser qu’avec la prise en compte du
temps et de l’intensité, on déborde de la sphère de lois proprement analy-
tique. Dans cette sphère, il est question de valeurs en général, et que du
temporel ou de l’intensif existe et soit évaluable, cela ne concerne précisé-
ment pas la sphère de la valeur ou alors la restreint.
Une loi capitale est, en outre, la suivante : si D1 est une valeur dérivée
par rapport à V1 et si D2 est une valeur dérivée par rapport à V2, alors, si
V1 > V2, « eu égard à cela », D1 > D2 également. Cette loi inclut, comme [100]
on le voit immédiatement, la loi de la sphère de la volonté : si M1 est une
valeur en tant que moyen par rapport à V1 et si M2 est une valeur en tant
que moyen pour V2, alors, si le but de la volonté V1 > V2, en référence à
cela le moyen M1 > M2 également.
On pourrait élever contre cette loi une objection qu’un monsieur
m’avait effectivement faite, il y a quelques années, à savoir que si la loi
était valide, il faudrait que toutes les dérivations de la même valeur soient
équivalentes, ce qui n’est manifestement pas le cas. Mais cette consé-
quence, après plus ample réflexion, ne s’impose pas. Par exemple, diffé-
rents moyens d’un même but ne sont effectivement pas égaux ; mais on
n’en peut pas moins rétorquer que, quel que puisse être le niveau hiérar-
chique [Rangstufe] des valeurs des moyens d’une seule et même fin, il reste
que si l’on considère celles-ci précisément comme des valeurs dérivées de
leur but, elles peuvent toutes être équivalentes en cela qu’elles sont toutes
de moindre valeur par rapport à tous les moyens d’une fin ultime de plus
grande valeur. Qu’elles soient carrément à rejeter d’un point de vue pra-
tique, cela résulte encore d’une autre loi qui nous occupera tantôt.
Avant d’aller plus loin, je dois à présent signaler aussi que les lois que
nous avons énoncées étaient des lois ontiques. Elles se rapportaient, en
tant que lois formelles, à du « plus valable » et du « moins valable ». Or, la
comparaison de valeur s’effectue sur la base d’actes originaux de préfé-
rence et de négligence, qui sont eux-mêmes des actes affectifs. Il faut
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prendre garde au fait que tous les énoncés logiques, tous les jugements à
leur propos, ont besoin pour leur attestation de l’effectuation de ces actes
affectifs et ne doivent pas être confondus avec ceux-ci. Nous incluons
donc la comparaison de valeur, en tant que titre commun pour la préfé-
rence et la négligence, dans la sphère de l’affectivité. Au lieu de comparai-
son, nous disons aussi examen de valeur [Wertabwägung]. Si nous considé-
rons à présent ces actes d’examen de valeurs eux-mêmes et les évaluons,
ils sont soumis tout comme de simples actes à la juridiction de la raison.
Nous avons donc ici, parallèlement aux lois ontiques, des lois noétiques,
c’est-à-dire des lois de la préférence et de la négligence rationnelles. Ainsi,
c’est une loi de la conséquence au sens propre que si, lors d’un examen
axiologique, on a préféré V1 à V2, on doit, rationnellement, placer plus
haut toute valeur dérivée de V1 que toute valeur dérivée de V2, etc. Il faut
en outre noter que préférer et négliger se comportent l’un vis-à-vis de
l’autre comme des actes affectifs respectivement positif et négatif ; que,
[101] pour cette positivité et négativité, vaut comme pour toutes les autres la loi
[qui pose] que si le préférer est rationnel, le négliger de la même matière
est irrationnel, et réciproquement ; ou corrélativement, que si la préfé-
rence existe, la négligence – la post-position [Hintansatz] – (je ne trouve
pas, en effet, de mot adéquat) n’a pas lieu, et réciproquement. Tout cela
relève d’une noétique détaillée des actes affectifs dont, comme pour la
noétique des actes logiques, on ne s’acquitte nullement avec les lois noé-
matiques et ontiques correspondantes, par exemple par une simple
conversion de celles-ci.
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Vouloir au sens courant, qui est plus étroit, c’est vouloir positivement
et dans la certitude-de-volonté. Je suis purement et simplement décidé,
ou bien même je fais, j’agis : le vouloir qui y est inclus est toujours un
vouloir positif et une certitude-de-volonté. Or, il y a également d’autres
occurrences dans la sphère spécifique de la volonté qui se détachent, ne
serait-ce que par les expressions marquantes choisies à l’instant.
Tout d’abord, il est clair que nous avons également un vouloir négatif
et, de même, des modes de l’incertitude-de-volonté. À l’égard de ces der-
niers, la distinction entre vouloir et souhaiter, aspirer, désirer devient sou-
vent confuse. Le simple souhaiter ne comporte rien de l’ordre du vou-
loir ; il ne comporte rien de l’ordre des modalités pratiques et n’est pas
lui-même un acte pratique, un acte de la volonté au sens le plus large. Il y
a pur et simple souhait là où le souhaité n’est pas conscient, à quelque [104]
degré que ce soit, comme quelque chose de pratiquement réalisable, là où
il n’est conscient comme tel ni sur le mode de la certitude, ni de façon
entièrement problématique, donc pas même sur le mode de ce qui peut
être réalisable – ou bien là où il est directement conscient comme irréali-
sable. « Tout possible » [alles Mögliche] peut être souhaité, et non pas seule-
ment tout ce qui est possible en pratique. Un marchand aspire à être
riche. On ne peut pas dire qu’il le veut au sens le plus restreint du terme.
Il ne peut vouloir que ce dont il est conscient, dans la certitude ou la pro-
babilité, comme d’une fin pratique d’un chemin-de-volonté qui y mène.
Dans toute affaire à laquelle il se décide ou qu’il réalise vit une volonté en
ce sens étroitement déterminé. D’un autre côté, son aspiration à la
richesse n’est cependant pas un simple souhait, bien qu’elle soit aussi un
souhait. Il tient bien le but de l’aspiration pour un « but possible ». Il ne
peut certes pas se dire que ses forces suffiront, que les circonstances de la
fortune [Glücksumstände] soumises au hasard, etc., seront suffisamment
favorables, mais cela pourrait bien se faire, peut-être que cela réussira.
Aussi incertain et indéterminé qu’on suppose le chemin conduisant à ce
but et aussi indéterminée que soit la position du but lui-même, ce dernier
est et a pu être posé en tant que but. Cette aspiration à la richesse est déjà
un mode de la volonté qui dépasse le souhait, et même un mode positif.
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même, qui de son côté est au-delà de tout vouloir et de tout faire. L’inté-
rêt pour l’établissement de la vérité peut mener, par transfert, à l’intérêt
pour l’être d’une prétendue vérité elle-même. Quelqu’un peut ressentir en
soi-même : il est dommage que cette vérité par moi présumée et affirmée
n’en soit pas une ; j’aurais pu m’épargner ce ridicule, et autres choses
semblables. Mais la volonté se trouve ici liée. La sphère idéale lui reste
close, tout comme celle du passé. Cette limitation de la volonté est sans
doute, une fois de plus, une limitation de la raison. Qu’un fou ne puisse
en définitive produire des actes de volonté rapportés à du passé ou à de
l’idéal, c’est ce que nous ne saurions affirmer.
Si la volonté porte sur un futur, elle le fait sur un mode propre, qui la
distingue de tous les autres actes se rapportant à du futur. Par exemple, la
joie au sujet d’un futur présuppose la croyance en l’être futur, l’attente du
futur la sous-tend en tant que soubassement. L’évaluation en tant que joie
[Freudenbewertung] ou encore la position en tant que bien [Gutsetzung] porte
sur ce qui est déjà posé comme une réalité future, posé dans la croyance
sous-jacente. La volonté dirigée sur un futur implique aussi d’une certaine
façon la croyance en ce futur, mais elle ne présuppose pas cette croyance ;
elle ne l’implique pas en tant que soubassement [als Unterlage]. Car celui
qui veut et, disons plus exactement, qui veut positivement (et qui veut sur
le mode de la certitude de volonté) que quelque chose arrive [geschehen
[107] solle], croit par là même aussi que cela arrivera. La décision d’aller à Paris
implique d’une certaine manière, naturellement, que le voyage à Paris sera
une réalité [Wirklichkeit], à plus forte raison dans la volonté d’agir qui vit
dans l’accomplissement en acte [handelnden] du voyage. Mais le voyage
futur, ou encore, le séjour futur à Paris n’est pas en premier lieu une réa-
lité certaine, et n’est pas non plus voulu en tant que certain d’avance, mais
tout au contraire : s’il était déjà d’avance certain qu’il soit, il ne pourrait
pas du tout être voulu. Au lieu d’être d’avance certain, il n’est certain
qu’en vertu de la certitude de volonté. La volonté en tant que certitude de
volonté pose le futur d’une manière telle qu’elle lui confère seulement,
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l’agir futur pose aussi par là même, mais seulement au moyen d’une
connexion apriorique, l’événement futur, lui confère implicitement, à lui
aussi, l’ « adviens ! ». Si la volonté porte effectivement sur l’agir futur,
c’est alors l’agir lui-même, la réalité future qui reçoit dans la décision
actuelle sa position pratique, et si tout vouloir dirigé sur un futur était un
vouloir d’un agir futur, nous tomberions manifestement dans une régres-
sion à l’infini. Ce qui existe ici, ce sont précisément des implications
rationnelles : celui qui veut quelque chose de futur, plus précisément
quelque chose dont le devenir n’a pas son commencement dans le pré-
sent, ne pourrait pas le vouloir s’il ne voulait l’action future. C’est un dis-
cours équivoque, qui dit cependant que le vouloir du futur exclut le ne-
pas-vouloir, le refus de l’action future.
Assurément, le vouloir dirigé sur un événement futur et qui n’a pas
son commencement dans le point du maintenant, implique [schließt ein]
aussi, quant à la conscience, l’agir réalisateur futur, et même, entendue au
sens réel [reell verstanden], une conscience de certitude de l’agir futur. Le
voyage futur que je projette et que j’ai maintenant décidé, je n’en ai pas
conscience seulement comme d’un processus, mais précisément comme
d’un voyage, c’est-à-dire d’une action, et cela de façon absolument néces-
saire. Mais la volonté présente, en tant que volonté, en tant que position
spécifique de la réalité du « que cela soit ! », ne pose pas la volition ou
encore l’action futures, mais envoie à travers elles [sendet durch sie hindurch]
la thèse « que cela soit ! » ; ou, comme nous pourrions encore dire : la
thèse de la volonté s’étend sur un intervalle de temps [Zeitstrecke] futur et y
exige un intervalle de volonté [Willensstrecke] rempli, à travers les phases
duquel elle s’étend, et dès lors, ce que la volonté future fait parvenir, dans
chaque phase, à la position de volonté, à la création future, est aussi le
positum-de-volonté de la volonté décisionnelle actuelle ; ce qui est ainsi
posé, c’est donc le processus à réaliser et non pas la volonté, ou encore
l’action. Mais bien sûr, nous avons [là] ceci d’original que la volonté
future, elle aussi, dans tout son déroulement continu, et corrélativement à
[109] l’action future, se caractérise comme un réel futur et un réel qui prend sa
source, pour ce qui est de son être réel futur, dans la volonté décisionnelle
actuelle. Conformément à cela, c’est quelque chose qui ne vient à l’être
que par la volonté et ce n’est que par elle qu’il a le caractère de certitude
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d’un être futur. Mais pour cette raison même, il reste que la thèse de
volonté n’est pas dirigée sur cela, mais précisément sur le processus
voulu, et seule la réflexion nous apprend que le caractère créateur [das
Schöpferische] de la volonté dirigée sur un intervalle de temps futur va
nécessairement plus loin que le thème propre de la volonté. (Ce sont là
des relations très difficiles, que l’on doit toujours et encore repenser à
fond.) La volonté dirigée sur le futur est, en un certain sens, une intention
créatrice, et celle-ci se « remplit » dans l’action réalisatrice.
Nous insérons ici un point important. La volonté porte sur une effec-
tivité, non pas idéale, mais individuelle, réelle [reale] (par quoi il ne faut pas
penser directement à une réalité au sens spécifiquement substantiel-cau-
sal, encore que les cas ordinaires relèvent de cette sphère). En cela, toute
volonté présuppose non seulement en général une représentation du
voulu, mais elle possède nécessairement un vaste soubassement de repré-
sentation et par suite, en dépit de l’absence de présupposition en ce qui
regarde la croyance en l’être du voulu, elle possède aussi un soubasse-
ment de croyance rapporté à de l’être réel [reales]. Là où une réalité n’est
pas déjà posée ou, si l’on préfère, n’est pas consciente doxiquement sur
un mode quelconque, une réalisation créatrice ne peut surgir. Par
exemple, dans cet environnement concret, je veux quelque chose :
quelque chose qui ne s’y trouve pas encore doit y advenir. La volonté se
dirige sur un maintenant déterminé en tant que commencement d’une
série temporelle remplie, et ce maintenant, dans sa déterminité, nous
renvoie déjà à un champ d’effectivité.
Or, l’agir est un agir originaire ou un agir réalisant un dessein [Vor-
satz]. La volonté réalisatrice fait suite, au niveau de la conscience, à la
volonté de décision ; et de son intervalle de temps découle, dans le cours
du temps et à l’intérieur de la conscience du temps, le maintenant déter-
miné auquel, en tant que point de départ du processus à réaliser, il était
rapporté. Si elle n’a pas été maintenue de façon vivante dans l’intervalle
de temps depuis la décision, la volonté peut cependant entrer en jeu en
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tant que volonté réitérée et ne faire qu’un avec la volonté antérieure pré-
[110] sentifiée à nouveau par souvenir, et entrer en jeu comme elle le doit en
l’occurrence, c’est-à-dire comme volonté d’action remplissante. Sa pre-
mière phase est immédiatement créatrice en acte ; ce qui, en elle, est
donné comme étant maintenant et constitué perceptivement surgit
comme advenu à partir du fiat, comme quelque chose de créé. Mais en ce
point de temps est en même temps présent à la conscience un horizon de
futur de ce qui reste encore à réaliser. C’est un horizon dont on est d’ores
et déjà conscient comme d’un horizon de la volonté, et ce dans une conti-
nuité de volonté anticipée. La thèse de volonté ne se dirige pas seulement
sur le maintenant avec son commencement créateur, mais sur l’intervalle
de temps ultérieur et sur son contenu. Au présent créateur est uni un
futur créateur qui est ici, dans l’action, constitué en tant que tel dans son
originarité particulière. Or, le maintenant se change en un maintenant
toujours nouveau ; continûment le futur qu’on s’est proposé [vorgesetzte]
se convertit en un présent créateur et devient par conséquent un créé
effectif. Ce qui vient d’être créé reçoit le caractère du passé créateur, tan-
dis que, d’un autre côté, l’horizon de futur continue à subsister [weiter
fortbesteht], mais se rétrécit toujours davantage en vertu de la limitation de
l’intervalle de temps de l’opération envisagée. À la fin, l’action est ter-
minée, elle touche à son terme, et en tant que tout elle n’est elle-même
qu’un passé créateur, qui éventuellement laisse un résultat subsistant en
tant qu’œuvre, c’est-à-dire quelque chose qui est advenu par un tel pro-
cessus créateur et se caractérise comme tel.
Pendant l’action, nous avons une structure caractéristique du vouloir ;
à chaque phase d’action correspond un point du créer actuel : le point de
l’à-chaque-fois-maintenant avec son actuelle opération-de-maintenant
[Jetzt-Leistung] ; à celle-ci correspond une phase de volonté insigne dans
laquelle la volonté manifeste son originalité créatrice. Mais à chaque point
correspond aussi un horizon, en général double, de changements de la
volonté caractéristiques, dans lesquels se constituent, au niveau de la
conscience, le passé créatif et le futur créatif, le terminé et ce qui reste
encore à accomplir. En outre, [il y a] les deux points insignes : le point ini-
tial avec le premier fiat qui, en quelque sorte, octroie l’impulsion créatrice ori-
ginaire, et le point final avec le caractère « c’est achevé » – deux points se dis-
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des deux. Mais chaque membre de la disjonction n’est pas pour autant
simplement représenté, mais voulu, et non pas simplement voulu, mais
voulu d’une manière modalisée.
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Et il va de soi que l’analyse entière vaut pour toutes les espèces d’actes,
car partout nous trouvons les analoga des questions, des réflexions, des
réponses, qui, en outre, peuvent partout être positives ou négatives.
Pour être complet, il faut ici considérer encore un point. La décision
en faveur du membre A de la disjonction donne une réponse positive.
Or, par essence, [il] lui appartient la possibilité d’envisager l’un quel-
conque des autres membres de la disjonction, ceux-ci étant caractérisés
comme à refuser – à refuser théorétiquement dans la question théoré-
tique, à refuser pratiquement dans la question pratique, et ainsi de suite
partout ailleurs.
Les relations dans tous les domaines parallèles possèdent cependant
encore leurs délicates complications. Dans la sphère doxique, la réflexion,
éventuellement comme réflexion rationnelle menant à un approfondisse-
ment continu des raisons qui viennent à être données [zur Gegebenheit kom-
menden Gründe], conduit à différentes conclusions possibles ; pour la ques-
tion « est-ce A, ou B, ou C qui est ? », la décision peut être : c’est A ! L’être
de A se présente peut-être dans une démonstration évidente [einsichtigen],
voire dans une fondation d’expérience parfaitement motivée. Il peut aussi
se faire, naturellement, que dans la réflexion [il] s’avère d’abord que
C n’est pas, que B n’est pas, et que dès lors, en vertu de la conviction qui
domine souvent implicitement la question disjonctive, celle que « de A
ou B ou C..., l’un est », l’on en vienne à décider que A est.
Mais il peut aussi en aller tout autrement. Dans la réflexion, je ne par-
viens à être certain d’aucun membre, et pourtant j’en viens à une décision.
Les « raisons » pour A, B ou C ont un poids différent, et le poids en faveur
de A l’emporte sur celui des membres restants. Je prends pour ainsi dire
[121] parti pour lui. Si je me plonge dans les impressions [Anmutungen] et dans ce
qui parle en faveur de A, en faveur de B, en faveur de C, si j’explicite, noéti-
quement parlant, les motivations, alors se présentent des différences plus
ou moins claires entre les poids ; la réflexion prend la forme d’un « exa-
men ». Par exemple, dans la sphère de l’expérience, j’examine les possibili-
tés, ou si l’on préfère, je prends garde [ich sehe zu] aux raisons empiriques
qui parlent en faveur de l’une ou de l’autre, et je les pèse. D’aucun côté, je
n’arrive à la certitude, et cependant, d’une certaine façon, je me décide. La
décision ne déclare pas ici « A est tout simplement » – car je n’en suis pas
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Outre celles dont nous avons discuté de façon plus précise, il y aurait
encore bien d’autres modalisations du vouloir au sens restreint – du vou-
loir originaire en tant qu’acte auquel tous les autres actes renvoient essen-
tiellement – à soumettre à une analyse plus approfondie. Nous ne vou-
lons plus avancer que dans une seule direction, et examiner de plus près
une forme fondamentale, à savoir la négativité de la volonté, qui se situe
par rapport au phénomène originaire de la position de volonté positive
d’une façon analogue à celle dont la non-croyance, dans le domaine
doxique, se situe par rapport à la croyance positive. Je m’empresse d’ajou-
ter un autre parallèle : à côté du phénomène originaire de la croyance
positive, nous avons, dans la sphère doxique, la modalité de la croyance
affirmative au sens propre ; à côté du jugement positif « c’est ainsi », le
jugement affirmatif « oui, c’est ainsi » ; de sorte que trois formes se pré-
sentent ici : la forme non modalisée ( « c’est ainsi » ), d’une part, et d’autre
part la forme affirmative ainsi que la forme négative ( « non, ce n’est pas
ainsi » ).
La même chose vaut pour le domaine de la volonté. À côté du « je
veux » simplement positif, nous avons le « oui, je veux » et le « non, je ne
veux pas ». L’ancienne logique n’avait en effet pas su reconnaître que la
négation et l’affirmation sont des phénomènes certes coordonnés, mais
qui s’opposent à la croyance originaire, et que ce sont des modalisations.
Elle ne range sous le titre de « qualité », en règle générale, que les deux for-
mes prétendument coordonnées, l’affirmation et la négation, et confond
ce faisant position et affirmation. Mais il faut voir que la conscience du
« cela n’est pas » exprime, non seulement verbalement, mais aussi phéno-
ménologiquement, un refus qui renvoie de lui-même à un « cela est », donc
à une position, certes non accomplie effectivement, laquelle à son tour ne
comporte plus de rétro-référence dans sa structure. Et la même chose vaut
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