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Didier CHABAUD
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L
es recherches sur les équipes entrepreneuriales ont tendance à se focaliser sur
certains éléments du processus de formation de l’équipe oubliant ainsi toute
vision globale permettant de saisir la dynamique des équipes. En se basant sur
sept études de cas, nous montrons qu’il est nécessaire d’avoir une vision du pro-
cessus de formation de l’équipe entrepreneuriale qui intègre la phase amont de
la création de l’organisation et qui mette en évidence les mouvements d’entrée et de sor-
tie des membres. Plusieurs questionnements sont ainsi soulevés qui ouvrent la voie à de
nouvelles questions de recherche.
1. Les auteurs remercient les deux évaluateurs anonymes pour leurs remarques et suggestions. Ils restent, bien évidem-
ment, responsables des erreurs et omissions.
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tudies on entrepreneurial teams tend to focus on particular elements of the
team formation process, neglecting a whole picture of the process that takes
into account the team dynamics. Using seven case studies, we show that it is
necessary to have a deep understanding of the team formation process, includ-
ing the pre-creation period and the exit/entry of team members. This approach
provides several issues that generate new research questions for the topic.
Introduction
Ces dernières années, l’étude des équipes s’est imposée comme une thématique fon-
damentale en entrepreneuriat. Ainsi, la Babson Conference lui consacre-t-elle tous les ans une
session, depuis 2004, tandis que plusieurs numéros spéciaux de revues lui ont été (ou seront)
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Une vision qui intègre l’amont de la création d’entreprise vise en effet à connaître les
déterminants de la réussite du projet mais également les raisons à l’origine de l’abandon de
celui-ci ou d’une révision de son envergure. La question de la performance de l’entreprise créée
est considérée alors comme prématurée, le projet n’ayant pas encore abouti.
Dans cette perspective, notre contribution vise deux objectifs :
•• d’une part, insérer la phase amont de la création d’entreprise dans un processus
élargi de formation de l’équipe et soulever ainsi quelques questionnements nou-
veaux qui pourraient alimenter la recherche future sur les équipes entrepreneuriales ;
•• d’autre part, réunifier les travaux épars pour saisir un processus de formation de
l’équipe qui intègre des questionnements en termes de naissance de l’équipe autour
du projet, de force des liens, d’arrivées et de départs, d’impacts en termes de réus-
site ou d’échec du projet.
Pour atteindre ces deux objectifs, nous nous sommes basés sur la littérature et sur une
étude empirique réalisée auprès de sept équipes entrepreneuriales engagées dans un projet de
création d’entreprise. Dans une première partie, nous revenons sur la formation de l’équipe en
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2. Boncler et al. (2006) soulignent le manque d’approches modélisatrices dans les travaux sur les équipes.
3. La littérature sur les équipes entrepreneuriales retient généralement le chiffre minimum de deux. Peu d’articles avancent
un chiffre maximum. Les statistiques du Panel Study of Entrepreneurial Dynamics (voir Ruef et al., 2009) montrent cepen-
dant que les équipes de deux sont les plus nombreuses. Sur 1214 projets de création d’entreprises, outre les 51,2 % d’en-
trepreneurs individuels, il y aurait 35 % de dyades, 7,1 % de trios, 4 % d’équipes de quatre personnes et 2,7 % d’équipes
de cinq personnes et plus. Au-delà de quatre personnes, les entités sont donc très rares. Il s’agirait également d’un maxi-
mum requis pour que l’équipe soit performante. Dans le cas de filiales communes, par exemple, les équipes qui dépassent
quatre personnes ont généralement moins de réussite que leurs consœurs plus petites (Verna, 1989).
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le doute (Paturel, 2005). On touche ici au débat classique sur ce que recoupe l’entrepreneu-
riat (Verstraete et Fayolle, 2005). Sans rentrer dans un débat désormais connu, il est commu-
nément admis aujourd’hui que l’entrepreneuriat ne se limite pas à la création d’entreprise mais
qu’il intègre d’autres situations entrepreneuriales, notamment toutes celles qui reposent sur un
projet (Paturel, 2007) avec, en particulier, l’idée d’un gap entre une situation actuelle et le projet
(Bruyat, 1993 ; Paturel, 2005).
Partant de cette idée, l’équipe entrepreneuriale ne se limite pas à une équipe de créa-
teurs d’entreprise mais bien à une équipe qui se lance dans un projet dont l’envergure est suffi-
samment importante pour générer une situation de rupture. C’est ce qui fait notamment la diffé-
rence entre l’équipe entrepreneuriale et l’équipe de fondateurs, la seconde relevant uniquement
de la création d’entreprise (Wright et Vanaelst, 2009), tandis que la première est réellement trans-
posable à toute démarche entrepreneuriale collective.
Mais si la logique de gap ou de rupture est essentielle, elle n’est pas suffisante. Bien que
les définitions de l’équipe entrepreneuriale généralement retenues dans la littérature soient sou-
vent établies à partir de créations d’entreprises, il n’en demeure pas moins qu’elles présentent
des critères de définition essentiels. Kamm et al. (1990), par exemple, définissent l’équipe entre-
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projet. La participation à la création de l’entité selon Ensley et al. (1998) permet ainsi d’intégrer
dans l’engagement personnel, la notion de participation active au projet. Le processus est ainsi
étendu aux phases amont du projet entrepreneurial (qui intègre des éléments de conception, de
créativité). Si une personne s’implique dans les décisions stratégiques de la nouvelle entreprise,
elle n’est pas nécessairement membre de l’équipe entrepreneuriale. Ben Hafaiedh-Dridi (2011) le
montre d’ailleurs très bien en disant que des personnes peuvent être rajoutées à l’équipe une fois
l’entreprise créée (avec un apport financier ou non). Mais les entrepreneurs ne sont-ils pas ceux
qui ont construit le projet ? Si l’entreprise peut rester entrepreneuriale une fois créée, elle peut
connaître une période de stabilité pendant laquelle aucun projet n’est mené. L’implication dans
la construction du projet (qu’il s’agisse d’un projet de création d’entreprise ou de projets entre-
preneuriaux post-création) nous paraît ainsi essentielle pour définir l’équipe entrepreneuriale4.
D’autre part, si l’on revient sur la conception en termes de droits et devoirs, il semble
essentiel – lorsque l’entreprise nécessite une mise de fonds conséquente –, que chacun soit prêt
à faire face aux engagements nécessités pour faire avancer le projet entrepreneurial. Sur ce plan,
la participation dans le capital est alors fondamentale car elle dénote un engagement dans le
projet et une prise de risques. Ceci ne rend pas l’implication financière incontournable, mais per-
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4. L’équipe doit ainsi s’inscrire dans une démarche d’entrepreneuriat persistant (Bruyat, 1993).
5. D’après le Code civil, une société est « instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’af-
fecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui
pourra en résulter » (art. 1832).
6. Même si ce point est sujet à discussion, il nous semble que l’engagement financier (et plus généralement matériel) et
l’engagement humain dans le projet sont souvent liés. Un projet que des personnes acceptent de financer est aussi un pro-
jet auxquels ils croient, la croyance en sa réussite étant un élément (parmi d’autres) de motivation et donc d’implication sur le
plan humain (temps consacré au projet, acceptation d’un retour sur investissement tardif le cas échéant, acceptation de pro-
blèmes de trésorerie personnels…). Nous convenons toutefois que « financement » ne signifie pas automatiquement « impli-
cation humaine ». Tout dépend de la rareté de l’investissement. Une banque dont le métier est le financement s’impliquera
sans doute moins qu’un investisseur occasionnel qui croit au projet et qui a envie d’y consacrer son énergie.
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7. Bien qu’évoquée, cette forme de constitution de l’équipe est peu développée par Kamm et al. (1990), lesquels
défendent une approche fortement teintée d’instrumentalisme.
8. Isaacson, W. (2011), Steve Jobs, Paris, J.-C. Lattès.
9. Nous pourrions employer également le terme d’impulseur en référence aux travaux de Th. Verstraete (1999). Mais celui-
ci nous semble trop synonyme de leadership et ne renvoie pas suffisamment à l’idée d’individu créatif qui crée un nouveau
concept ou exploite une opportunité. Par ailleurs, il s’agit d’un néologisme.
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10. Il est intéressant de noter que la notion d’implémentation est généralement utilisée dans les projets de systèmes d’in-
formation. Implémenter consiste généralement à mettre en œuvre une solution technique. Même si l’on sait que la dimension
humaine doit être prise en compte dans les projets quels qu’ils soient, le fait de recourir à cette notion pour traduire l’évolu-
tion d’un groupe est révélateur de la position instrumentale des auteurs.
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La première est que la littérature évoque assez peu les changements précédant la création
de l’entreprise. Francis et Sandberg (2000), par exemple, étudient les changements au sein
des équipes jusqu’à deux ans après la création. D’autres n’hésitent pas à observer les équipes
entrepreneuriales jusqu’à cinq ans voire dix ans après leur création (Cachon, 1990 ; Roure et
Maidique, 1986), sans procéder à l’analyse d’équipes en cours de constitution (« avant » la créa-
tion). Leur choix s’explique entre autres par la difficulté d’accéder aux informations lorsque le
projet est en gestation (Forbes et al., 2006 ; Liao et al., 2005 ; Reynolds et Miller, 1992 ; Ruef
et al., 2003)11. Les modifications opérées avant la création de l’entreprise sont peu étudiées
parce que cette étape n’aboutit pas nécessairement à une création d’entreprise, c’est-à-dire à
un objet d’étude observable. L’autre explication avancée par Boeker et Karichalil (2002) est que,
pour de nombreux observateurs, l’équipe est entrepreneuriale jusqu’à quatre à cinq ans voire
sept ans après la création (au-delà, elle est dite « établie »).
La seconde raison est qu’il s’agit d’une période clé dans la vie d’une équipe et du pro-
jet. En effet, l’issue peut être l’abandon du projet entrepreneurial mais aussi la révision à la baisse
des prétentions du ou des porteurs de projet. De plus, les coéquipiers doivent s’engager de
façon ferme dans le projet d’entreprise. C’est à ce moment précis que les membres se pro-
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11. Notons que cette difficulté, soulignée initialement par Gartner dans les années 1980, a suscité le lancement de pro-
grammes de recherches dédiés, tel le Panel Study of Entrepreneurship Dynamics (PSED), dont sont tirés les travaux de Ruef
et al. (2003).
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12. Pour les limites de cette approche dans le domaine de l’entrepreneuriat, voir Neergaard (2007).
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Les premiers entretiens avaient une durée d’une heure environ et ont été menés entre
septembre et novembre 2008. La deuxième série d’entretiens d’une durée comprise entre une
heure trente et deux heures trente a été réalisée entre novembre 2008 et mars 2009. Quant à
la troisième série, elle a démarré en janvier 2010 pour se terminer en juin 2010. Les séries 1 et
3 ont fait l’objet de prises de notes tandis que les entretiens de la série 2 ont été enregistrés et
retranscrits. Les entretiens de la série 1 et 2 ont été réalisés au sein de l’école avec le porteur
de l’idée ou l’ensemble des membres. Les derniers ont été menés par téléphone et ont duré en
moyenne trente minutes.
Pour le dernier entretien, seul l’initiateur a été interrogé. Pour les deux précédents entre-
tiens, le nombre de coéquipiers présents à chaque entretien a été variable. Dans certains cas,
chaque équipe était présente au complet durant les deux entretiens. Dans d’autres cas, seul l’ini-
tiateur était présent.
En complément de ces interviews, nous disposions de matériaux de seconde main, à
savoir les échanges informels avec les porteurs de projets à l’occasion de leur venue à l’école ou
durant des lunches ; les discussions avec les étudiants ayant travaillé pour eux durant un mois ;
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3. Résultats et discussion
L’analyse des cas montre que les équipes ont quasiment toutes été formées par un
initiateur ou porteur de projet unique, ce qui dénote un processus individuel plus que col-
lectif à l’origine de l’équipe entrepreneuriale, même en présence d’un modèle de groupe.
Au cours de la phase de naissance de l’équipe, cet initiateur a su intégrer des liens forts ou
des liens faibles mais les cas montrent que, par la suite, le processus ne repose pas sur une
logique d’acquisition de ressources. Ceci remet ainsi fortement en question l’idée d’implé-
mentation de Kamm et al. (1990) dont le point de départ est la reconnaissance d’un besoin
en ressources. Autre constat : le processus de formation de l’équipe est instable. La période
qui précède la création de l’entité se caractérise en effet par des engagements informels qui
rendent le retrait possible à tout moment. Les cas illustrent ainsi le caractère dynamique de
l’équipe entrepreneuriale et renforcent notre proposition de mieux étudier l’amont de la création
d’entreprise.
Ceci montre bien les difficultés à comprendre les rouages de la formation de l’équipe
entrepreneuriale. Cette difficulté dans l’analyse confirme aussi toutes les limites du modèle de
Kamm et al. (1990) et justifie la proposition d’un modèle alternatif.
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Les cas montrent que l’équipe peut naître de liens faibles et pas seulement de liens forts
ce qui tend à remettre en question l’idée que les entrepreneurs ne s’associent pas à des étran-
gers ou à des personnes en qui ils n’ont pas confiance. Nos cas montrent que l’entrepreneuriat
en équipe peut reposer sur des liens faibles entre les membres. Le nombre de cas ne permet évi-
demment pas de conclure définitivement. Mais, à leur lumière, on peut se demander si la force
du lien revêt une aussi grande importance que ce qui est postulé dans la littérature.
Lorsque l’on regarde l’origine du lien (colonne 3), on constate que les équipes ont majo-
ritairement été constituées à partir de liens professionnels (ancien employeur ou université). Cinq
équipes sur les sept sont issues de ce type de liens. La famille ou les amis de longue date sont
très peu présents dans les équipes observées13.
Cette forte présence des liens professionnels comparés aux liens personnels (famille,
amis proches) peut être interprétée de la manière suivante. L’entreprise et l’école sont les prin-
cipales sources de lien social pour bon nombre d’individus. Les amis sont souvent rencontrés
lors des expériences professionnelles ou sur les bancs de l’école. Ainsi, l’opposition faite parfois
entre liens forts (familles, amis) et liens faibles (relations professionnelles, voisinage…) est très
relative. L’environnement professionnel génère des amitiés, des opportunités, des rencontres, en
somme des situations favorables à l’entrepreneuriat collectif. Dans certaines familles, à l’inverse,
la fréquence et l’intensité des interactions sont plus faibles et le contexte est moins favorable aux
projets entrepreneuriaux (en particulier dans certaines cultures où la scission entre la sphère pro-
fessionnelle et la sphère personnelle est nette).
13. Ceci marque une différence avec les observations statistiques réalisées au sein du Panel Study of Entrepreneurial
Dynamics (PSED), qui soulignent que près de la moitié des équipes sont constituées de membres de la famille.
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Ce constat rejoint celui de Leung et al. (2006) qui estiment préférable de distinguer la
nature professionnelle ou personnelle des liens plutôt que leur force dans les études empiriques.
En effet, les liens forts peuvent se créer durant les expériences professionnelles passées et non
pas seulement relever de la famille (Ruef et al., 2003). Cette vision permet de justifier entre autres
la création de clubs d’entrepreneurs ou de porteurs de projets dont l’objectif est bien le réseau-
tage et donc le développement de projets entrepreneuriaux communs.
Notre deuxième interrogation concerne la phase d’implémentation. D’après Kamm et al.
(1990), cette phase démarre lorsque les membres de l’équipe se demandent s’ils disposent des
ressources suffisantes pour mener à bien le projet. Dans nos sept cas, nous n’avons pas ren-
contré de telles situations. Comment l’expliquer ?
La nature des projets est sans doute la principale raison. La plupart des projets sont
modestes. Seul Guille constitue un cas d’entreprise high-tech mais les deux dirigeants ne sou-
haitaient pas l’arrivée de nouveaux partenaires afin de garder leur indépendance, et possédaient
ex ante des ressources leur permettant d’envisager leur projet sur une base réduite. L’absence
d’entrants au cours de la phase d’implémentation nous semble liée à la nature des projets.
Ceux-ci n’exigeaient pas des ressources élevées, ce qui permettait à l’équipe qui avait construit
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•• COL et LETOUR composées au départ de trois personnes ont finalement été créés
par une seule personne, l’initiateur, qui a dû revoir l’envergure de son projet ;
•• GUILLE a été créée mais elle a dû être fermée après six mois d’activité suite au retrait
d’un des deux membres dont les compétences étaient stratégiques ;
•• TOUY, composée de quatre personnes n’a pas connu de modifications avant la
création de l’entreprise mais un membre est parti environ un an après la création puis
a immédiatement été remplacé.
Pourquoi les individus n’ont-ils plus été prêts à honorer leurs engagements ? Les causes
du retrait convergent fortement, et renvoient aux coûts d’opportunité liés à l’engagement entre-
preneurial. Le retrait a été motivé par un retour au salariat, lequel découlait de besoins financiers
personnels que ne permettait pas de combler l’entreprise. L’incertitude quant au retour sur inves-
tissement, la recherche d’un statut confortable sont les raisons de l’abandon, et illustrent clai-
rement le fait que l’engagement dans l’aventure entrepreneuriale est affecté par les contraintes
financières, même si des liens forts sont en jeu, ce qui peut constituer un motif d’étonnement. Il
est ainsi possible de connecter les départs avec la force des liens. On aurait tendance à affirmer
que plus le lien est faible, plus le risque de départ est important. Or le tableau 3 montre que des
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d’un comportement entrepreneurial. Cela signifie que l’équipe est encore entrepreneuriale alors
que l’entité est créée. Mais, pour autant, faut-il étudier la formation de l’équipe pendant toute
sa période de croissance ? C’est là où la notion de projet entre en ligne de compte. L’équipe
entrepreneuriale doit être étudiée par rapport au projet qu’elle conçoit et qu’elle veut faire abou-
tir. En ce sens, nous sommes en accord avec les travaux de R. Paturel. Si la création de l’en-
treprise est son objectif alors celui-ci doit être retenu comme finalité du processus. La même
remarque s’appliquerait à la reprise d’entreprise. À partir du moment où l’on considère la reprise
comme un projet entrepreneurial, les études sur les équipes devraient logiquement s’ouvrir aux
repreneurs.
La définition des bornes amont et aval est un exercice délicat dans les processus relevant
des sciences humaines. Cependant, cela ne doit pas conduire à ignorer le jalon qu’est la création
d’entreprise. Celui-ci reste un bon repère chronologique, qui permet de faire des comparaisons
et de structurer l’offre d’accompagnement aux porteurs de projets (Paturel, 2010 ; Paturel et
Masmoudi, 2005). Notre recherche montre que la création d’entreprise est également un repère
dans l’engagement des porteurs de projets. Lorsque le projet n’est qu’au stade de l’idée, une
forme d’euphorie anime l’équipe. Mais les exemples de retrait relatés montrent qu’à l’approche
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