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Étude originale

Le financement informel dans l’agriculture algérienne :


les principales pratiques et leurs déterminants*

Ali Daoudi1 Résumé


Betty Wampfler2 Le financement informel, pratique courante dans le secteur agricole en Algérie, reste un
1
Institut national agronomique phénomène peu étudié. Cet article présente des résultats d’une étude ayant pour objec-
École nationale supérieure agronomique tifs de caractériser cette pratique et d’explorer ses déterminants structurels dans quatre
Département d’économie rurale régions agricoles du pays. Quatre principaux types de pratiques y sont identifiés mais
Hacène Badi - El Harrach dans des proportions qui varient avec les caractéristiques structurelles de ces régions : la
16200 Alger
vente sur pied avec préfinancement, l’association de production, le crédit fournisseur et
Algérie
<daoudinf@yahoo.fr> le prêt entre particuliers. D’ordre naturel et socio-économique, ces caractéristiques
2
confèrent leurs spécificités aux territoires agricoles, déterminent les opportunités de
IRC SupAgro Montpellier financement informel offertes aux agriculteurs et influencent leurs choix.
1101, Avenue Agropolis
BP 5098 Mots clés : Algérie ; crédit agricole ; financement ; système d’exploitation agricole.
34033 Montpellier
France Thèmes : économie et développement rural ; systèmes agraires.
<betty.wampfler@supagro.inra.fr>

Abstract
Informal financing of Algerian agriculture: Main practices and determinants
Informal funding in the agricultural sector of Algeria remains a subject receiving limited
attention. This article presents the results of an empirical study aimed at characterizing
the informal financing practices and exploring their structural determinants in four
agricultural regions of the country. The study identified four main types of practices:
standing crop sale with pre-financing, combined production, supplier credit and lending
between individuals. These practices are present in all four regions, but in different
proportions, related to the structural characteristics of the regions. Natural and
socio-economic characteristics result in farming specificities, condition the informal
funding opportunities offered farmers and influence their choices.
Key words: agricultural credit; Algeria; farming systems; funding.
Subjects: economy and rural development; farming systems.

E
n Algérie, comme dans de nom- d’accès à des services financiers adéquats
breux pays en développement, les (Banque mondiale, 2007). Dans les pays
réformes des systèmes financiers du Maghreb, la situation n’est pas
n’ont pas abouti à l’émergence de mar- meilleure. En Tunisie, la proportion des
chés financiers ruraux dynamiques pou- exploitations agricoles accédant au finan-
vant répondre efficacement aux besoins cement bancaire atteint à peine 10 %
de toutes les catégories d’exploitations (Audinet Tunisie, 2007). Au Maroc, le sec-
agricoles. En Afrique et en Asie du Sud, teur agricole souffre d’un sous-
le taux de bancarisation de l’agriculture financement important et les banques ne
doi: 10.1684/agr.2010.0414

ne dépasse par 6 % (Morvant-Roux, contribuent que très peu dans le finance-


2008). Dans beaucoup de ces pays, 50 à ment des besoins des exploitations
80 % des habitants ont un problème (Akesbi et al., 2008). Le même caractère

* Pour citer cet article : Daoudi A, Wampfler B. Le financement informel dans l’agriculture
algérienne : les principales pratiques et leurs déterminants. Cah Agric 2010 ; 19 : 243-8.
Tirés à part : A. Daoudi doi : 10.1684/agr.2010.0414

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marginal de la contribution des banques posées représenter différentes situations d’agriculteurs. L’offre de financement
au financement des exploitations agricoles d’offre. Car nous considérons que les émane d’acteurs de l’environnement de
est relevé en Algérie (Conseil national éco- pratiques de financement informel des l’agriculteur poursuivant des fins écono-
nomique et social, 2003 ; Mesli, 2007). agriculteurs seraient déterminées non seu- miques ou sociales. Le tableau 1 montre
Le manque d’information sur les détails lement par les besoins en financement, la diversité des caractéristiques des prati-
opérationnels des exploitations, leur inca- eux-mêmes déterminés par la nature des ques et les principes qui les sous-tendent.
pacité à fournir des garanties matérielles systèmes de production, mais aussi par La quantification précise de l’importance
et l’importance des coûts de transaction l’offre informelle qui est déterminée à relative de ces formes de financement a été
seraient les principales raisons de cette son tour par des facteurs économiques impossible du fait de la difficulté de col-
exclusion (Ruan et Zhang, 2008 ; Anders- (Venet, 1994) et socioculturels (Henni, lecte de données sur les montants moné-
son, 2008). Dans les pays du Maghreb, la 1993 ; Servet, 1995). Dans une synthèse taires mobilisés. Aussi, leur importance a
frilosité des banques à l’égard du secteur de ses travaux sur l’économie géogra- été appréhendée à travers la fréquence de
agricole est accentuée par l’importance phique, Krugman (2004), montre claire- leur mobilisation par les agriculteurs et
des risques climatiques qui rendent la ment la relation directe qui existe entre l’étude s’est concentrée sur l’analyse des
production très aléatoire (Ben El Ahmar, la taille du marché et la localisation de processus qui les permettent.
2003 ; Mesli, 2004). l’offre. En nous appuyant sur cette thèse,
L’importance du crédit agricole dans la nous considérons que la configuration La vente sur pied
modernisation de l’agriculture de pays de l’offre de financement informel varie
comme l’Algérie remet à l’ordre du jour avec la configuration de l’économie agri- avec préfinancement
les réflexions sur les conditions qui ren- cole de chaque région du pays. Ainsi, la Le contrat classique de vente sur pied
dent ce crédit accessible aux agriculteurs. concentration de l’offre de financement d’une récolte donnée est ici élargi par
L’étude du fonctionnement des pratiques informel serait liée à la concentration des clauses spécifiant la mobilisation,
de financement informel, qui seraient très d’une spéculation agricole donnée, elle- par l’acheteur, de ressources financières
fréquentes dans l’agriculture algérienne même déterminée par les paramètres pour couvrir tout ou partie des charges
(Daoudi et Bédrani, 2002, 2008 ; CNES, agroécologiques. de campagne. Cette mobilisation peut
2003), peut dégager des pistes de réflexion Quatre wilayas sont retenues pour prendre la forme d’une avance sur le
susceptibles d’alimenter le débat sur la représenter les principales zones agroé- montant de l’achat de la récolte ou celle
réforme du système de financement agri- cologiques du pays : Blida pour les plai- d’une contribution de l’acheteur dans la
cole. Cet article présente les résultats d’une nes littorales, Constantine pour les hautes prise en charge directe de dépenses de
recherche empirique sur le financement plaines intérieures, Djelfa pour les zones production. Les arrangements sont multi-
informel dans le secteur agricole algérien. steppiques et Tlemcen pour les zones de ples et concernent surtout le partage des
Après définition du cadre conceptuel et montagne. Dans chacune de ces wilayas, responsabilités techniques et financières
méthodologique, il décrit les principales un échantillon de 100 agriculteurs a été de la conduite du processus de production.
formes de financement informel prati- enquêté en 2002. La négociation et la conclusion de ce type
quées et propose une interprétation de de transaction se font au début du cycle
leurs déterminants structurels. biologique de la production concernée.
Cette pratique, exclusivement dédiée à
Pratiques l’arboriculture fruitière chez les attributai-
Cadre conceptuel res des terres des ex-domaines publics,
de financement informel : n’est rencontrée qu’à Blida, l’une des
et méthodologie principales wilayas arboricoles du pays,
caractéristiques où 56 % des enquêtés couvrent les charges
Le financement informel est un trait carac-
téristique des économies agricoles et rura-
et importance relative d’acquisition des intrants agricoles grâce
aux avances des commerçants collecteurs.
les des pays en développement (Adams et
Fitchett, 1994 ; Tsai Kelee, 2004 ; Maksi- Les agriculteurs mobilisent quatre sources
L’association de production
movic et al., 2008 ; Andersson, 2008). de financement pour satisfaire les besoins
En Algérie, même si son existence est financiers de leur système de production. Ce type de transaction permet à des indi-
généralement admise, il reste une facette L’autofinancement en est de loin la prin- vidus disposant de facteurs de production
inexplorée de la réalité de l’agriculture. cipale. Les subventions publiques sont différents mais complémentaires de les
En l’absence de connaissances empiriques aléatoires, ne touchant que quelques spé- combiner et de les faire fructifier dans le
validées, l’identification des principales culations alors que le crédit bancaire est cadre de processus de coproduction.
formes de financement informel a été le insignifiant (0,75 % des enquêtés y ont Le propriétaire de la terre donne celle-ci
premier enjeu de ce travail. Considérant recouru durant la campagne considérée). à un tiers, porteur d’un capital, pour la
le financement informel comme étant Le financement informel est, en revanche, travailler en association ou la travaille
« toute transaction qui permet aux agricul- fortement développé et organisé autour lui-même en association avec la contribu-
teurs de mobiliser des moyens productifs de quatre types de pratiques : la vente tion d’un partenaire qui apporte le capital.
auprès d’un tiers parti non formel », l’étude sur pied avec préfinancement, l’associa- Le partage de la récolte entre associés se
s’est attachée à analyser les deux termes tion de production, le crédit fournisseur fait proportionnellement à l’apport de
de cette transaction : les besoins des et le prêt entre particuliers. Chacune de chacun en facteurs de production.
exploitations agricoles et leurs sources de ces formes répond à un besoin spécifique L’association de production concerne
financement dans des zones agricoles sup- et est mobilisée par un type particulier généralement des cultures annuelles,

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Tableau 1. Principales caractéristiques des formes de financement informel pratiquées
par les agriculteurs.
Table 1. Principal characteristics of farmers’ informal funding practices.

Formes de financement Principales caractéristiques


informel
Objet principal Type de service Bénéficiaires Offreurs Intérêt de l’offreur
de la transaction financier potentiels potentiels

Vente sur pied Récolte sur Préfinancement Les arboriculteurs Les commerçants Négociation, de gré
avec préfinancement pied de fruits ou avance des zones collecteurs livreurs à gré, d’un prix
et légumes sur le montant potentielles, des fruits d’achat préférentiel
de la transaction notamment et légumes
de vente les attributaires
des terres des ex-
domaines publics

L’association Coproduction Apport Les propriétaires Les exploitants Part


de production d’un facteur terriens sans capital agricoles, sans de la production
de production Les exploitants terres réalisée,
(terre ou capital) agricoles, sans terres Les propriétaires valorisation
terriens sans d’un facteur
capital de production
possédé

Le crédit fournisseur Intrants Crédit de Pour le crédit relatif Les professionnels Fidélisation
ou services paiement aux services : de la location des clients
agricoles Les céréaliculteurs de matériel potentiels
Dans une potentiels agricole et ou amélioration
moindre Les éleveurs Les fournisseurs du chiffre d’affaire
mesure, potentiels des services
acquisition Pour le crédit et produits
de matériel relatif à l’achat vétérinaires
agricole d’intrants : Les fournisseurs
ou réalisation Les maraı̂chers d’intrants agricoles
de forages potentiels Les fournisseurs
Les éleveurs d’aliments
potentiels du bétail
Les aviculteurs et des volailles
potentiels Les revendeurs
de matériel
agricole
Les entreprises
de réalisation
de forages

Le prêt Argent liquide Prêt Tous Parents, amis Méta-financier


entre particuliers non rémunéré les agriculteurs et partenaires (solidarité,
économiques réciprocité…)

maraı̂chage et céréaliculture, et s’observe Le crédit fournisseur Plus de 71 % des enquêtés ont bénéficié,
également en aviculture. Près de 38 % des d’intrants et de services au moins une fois, d’un crédit fournisseur
enquêtés des quatre wilayas y ont recouru durant la période 1997-2002. Ce taux
au moins une fois durant la période 1997- agricoles varie d’une wilaya à une autre : il est de
2002. Pour la campagne 2001-2002, 18 %, Dans ces transactions, des fournisseurs 82 % à Djelfa, de 80 % à Constantine, 72 %
18 %, 14 % et 1 % des enquêtés respecti- d’intrants ou de services agricoles accor- à Tlemcen et de près de 61 % à Blida.
vement à Blida, Tlemcen, Constantine et dent à des clients des facilités de paiement
Djelfa, ont pratiqué l’association de pro- de leurs acquisitions en services et/ou en
duction pour au moins une spéculation intrants. Le crédit fournisseur peut être Le prêt entre particuliers
agricole, 43 % des contrats recensés mobilisé, mais dans une moindre mesure,
concernant les cultures maraı̂chères et pour le financement d’investissements Les prêts entre particuliers se font presque
plus de 39 % les céréales. productifs. exclusivement en argent et ce, sans inté-

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rêt. Parmi les enquêtés, 72 % ont recouru d’intrants agricoles. Parmi les arboricul- Dans les zones de montagne de la wilaya
au moins une fois à un emprunt auprès de teurs enquêtés à Blida, 56 % assurent le de Tlemcen, les potentialités agricoles
particuliers pour financer une activité financement des charges d’acquisition sont limitées et aucune filière ne structure
agricole productive durant la période des intrants (engrais et produits phytosa- de manière significative l’économie agri-
1997-2002. Dans environ 84 % des cas, nitaires) grâce aux avances des commer- cole. Les exploitations sont plus petites et
ils en ont disposé pour une période allant çants collecteurs et 37,9 % des maraı̂chers généralement très diversifiées, ne favori-
de quelques semaines à quelques mois. font appel à l’association de production. sant pas l’émergence d’importants mar-
La mobilisation de ces prêts n’est pas limi- Pour Constantine, la céréaliculture, qui chés à l’amont ou à l’aval, dont les acteurs
tée à un type particulier de besoins et peut occupe 98 % de la SAU de la wilaya, est seraient les offreurs de financement infor-
financer des charges courantes ou des la spéculation structurante de l’économie mel. L’autofinancement est largement
investissements productifs. Ainsi, 11,6 % agricole de la région. L’élevage qui lui est dominant et la contribution des acteurs
des investissements agricoles productifs associé, assez dynamique, joue le rôle de l’environnement économique et insti-
réalisés durant la période 1997-2002 ont d’activité secondaire. Classée parmi les tutionnel est moins massive et systéma-
été financés grâce à des emprunts régions céréalières potentielles, Constan- tique que dans les autres régions.
contractés chez des particuliers. Quant tine a été ciblée par le programme Ces différences dans les pratiques de
aux montants concernés, ils sont infé- d’intensification des céréales dont les financement informel dominantes
rieurs ou égaux, dans plus de 72 % des subventions constituaient, au moment s’expliquent par l’influence des données
cas, à 100 000 DA1. de l’enquête, une source de financement structurelles de l’économie agricole de
importante pour les exploitations céréa- chacune des régions. Une production
lières. Par ailleurs, les fournisseurs de agricole structurante, insérée dans une
services agricoles contribuent significati- filière dynamique, façonne les opportuni-
Déterminants vement au financement de la céréalicul-
ture dans la wilaya, à travers les crédits de
tés de financement offertes aux agricul-
teurs. L’analyse des données de l’enquête
des pratiques paiement des services agricoles (location
de matériel). En effet, 72 % des céréalicul-
montre les liens entre les caractères
structurels de l’environnement des
de financement informel teurs sans matériel de labour et qui recou- exploitations agricoles et les pratiques
rent à la location, financent ce genre de de financement informel des agriculteurs
dans l’agriculture services grâce au crédit de paiement. (figure 1).
Ils sont près de 91 % de céréaliculteurs à La demande de financement de l’exploi-
s’orienter vers ce mode de paiement pour tation agricole est essentiellement déter-
Les formes de financement informel la location de moissonneuses batteuses. minée par les caractéristiques du système
identifiées sont, presque toutes, présentes De par l’importance du marché de la loca- de production. L’offre de financement
dans chacune des régions étudiées, mais tion du matériel, certains agriculteurs se informel peut provenir de trois types
dans des proportions différentes, une à sont spécialisés dans ce type de services d’acteurs : les agriculteurs excédentaires
deux d’entre elles étant plus fréquentes et sont devenus de véritables entrepre- en ressources productives, les partenaires
que les autres. neurs agricoles. économiques des agriculteurs, notam-
À Blida, le secteur agricole se caractérise L’économie agricole à Djelfa est largement ment les commerçants dans notre cas, et
par l’importance de la superficie irriguée dominée par l’élevage pastoral dont l’im- les membres des réseaux sociaux de
qui atteint 38 % de la SAU de la wilaya et portance – 3,4 millions de têtes d’ovins – a l’agriculteur. Dans les régions à fort
qui est surtout consacrée à l’arboriculture favorisé le développement des marchés potentiel agricole, se développe autour
fruitière et dans une moindre mesure au d’aliment du bétail et des services et pro- de la spéculation agricole structurante,
maraı̂chage. Cette wilaya totalise à elle duits vétérinaires. Poussés par la concur- une économie de services qui, en
seule 27 % du verger agrumicole national rence, les commerçants d’aliments et les fonction de la taille du marché et de sa
avec 12 754 hectares (Recensement géné- vétérinaires jouent un grand rôle dans le structure, peut jouer un rôle plus au
ral de l’agriculture (RGA), 2003). Elle financement de l’activité d’élevage. Les cré- moins important dans le financement
compte aussi les plus grands marchés de dits de paiement qu’ils offrent aux éleveurs des exploitations agricoles. Les cas du
gros de fruits et légumes du pays, les com- en mal de liquidité, font partie intégrante commerce des fruits et légumes à Blida,
merçants étant les véritables banquiers de des ressources de trésorerie de ces der- des activités de prestations de services
la filière fruits et légumes de toute la niers. En effet, 44 % des agriculteurs agricoles à Constantine ou celui du marché
wilaya. enquêtés dans la wilaya bénéficient de des services et produits vétérinaires à
Les pratiques de financement informel les crédits de paiement de la part de leurs Djelfa, illustrent bien cette relation.
plus fréquentes sont presque toutes liées fournisseurs d’aliment du bétail et de ser- Par ailleurs, certaines catégories d’agricul-
aux principales productions déjà men- vices et produits vétérinaires. Une enquête teurs peuvent offrir des financements à
tionnées. Il s’agit de la vente sur pied, de récente (2010) auprès d’un fournisseur de d’autres. À Constantine, l’association de
l’association de production et du crédit services et intrants vétérinaires exerçant production est souvent initiée par des
fournisseur. L’offre de financement dans l’une des communes de la wilaya de agriculteurs bien dotés en matériel
émane des commerçants collecteurs Djelfa a confirmé l’importance de cette agricole mais limités en foncier et qui
livreurs des fruits et légumes, des maraı̂- pratique. En effet, sur un chiffre d’affaire cherchent à étendre leurs activités pro-
chers sans terre et des fournisseurs annuel de près de 4 millions de dinars, le ductives. Cette catégorie d’agriculteurs
vétérinaire enquêté déclare accorder à ses excédentaires en certaines ressources
1
DA : dinar algérien ; 100 dinars algériens = clients des crédits de paiement totalisant productives est plus importante dans les
1 euro. 730 000 DA par an. régions agricoles riches.

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Politiques publiques Le système bancaire
de financement agricole national
Région

L’environnement économique : Le contexte naturel : Structures agraires :


Structure des filières Potentialités et contraintes Vocations agricoles,
agroalimentaires, opportunités naturelles structures foncières, techniques,
et contraintes économiques formes d’organisation

Exploitation agricole
Type de systèmes
de production et contraintes
techniques

La demande de financement
des exploitants agricoles L’offre de financement
L’offre de financement des acteurs des agriculteurs
de l’environnement économique excédentaires
en ressources

Les pratiques de financement des agriculteurs.


Des pratiques dédiées par type de besoin
et par spéculation

L’offre de subventions publiques L’offre de financements bancaires


L’offre de financement
des membres des réseaux
sociaux
(prêts entre particuliers)

Les réseaux de relations sociales

Figure 1. Représentation schématique des liens entre les facteurs contextuels et les pratiques de financement des agriculteurs.

Figure 1. Schematic representation of the links between contextual factors and farmers’ funding practices.

Enfin, toutes les pratiques de financement entre les caractéristiques des pratiques et offre est majoritairement inscrite dans le
informel sont enchâssées dans le tissu des les données de l’environnement naturel et court terme et sa capacité à prendre en
rapports sociaux. Les agriculteurs peu- socio-économique des exploitations agri- charge le financement des investissements
vent faire partie de plusieurs réseaux, au coles. Cependant, la recherche dans productifs est limitée. De par ces limites, le
sein desquels la mobilisation du capital laquelle s’insère cette étude a permis financement informel ne peut donc pas
social facilite l’accès à l’information et la d’identifier les principales limites de ces contribuer de manière significative au
construction de confiance. pratiques (Daoudi et Bédrani, 2008). développement et à la modernisation
D’abord, la relative faiblesse des volumes dont a besoin l’agriculture algérienne.
de financement offerts : quelle que soit la L’intérêt majeur de l’étude du finance-
Conclusion pratique, l’offre de financement informel ment informel réside dans le fait que son
reste très en deçà des besoins des exploi- existence démontre que les risques de
Les résultats partiels exposés dans cet tations agricoles. Ensuite, l’offre de défaillance dans les transactions de finan-
article démontrent l’existence et la relative financement informel est limitée à des cement agricole sont surmontables. En
importance du financement informel dans catégories de spéculations et à des besoins effet, l’existence même de ces pratiques
le fonctionnement de l’agriculture algé- spécifiques, ne couvrant pas la diversité laisse supposer que les agriculteurs et
rienne. Ils mettent en évidence les liens des besoins des agriculteurs. Enfin, cette leurs partenaires sont parvenus à mettre

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en œuvre des mécanismes de gestion des Akesbi N, Benatya D, El Aoufi N. L’agriculture Krugman P. The new economic geography:
marocaine à l’épreuve de la libéralisation. where are we?. Communication présentée au
risques de défaillance, efficaces et adap- Rabat : Economie Critique, 2008. symposium international sur “Globalization and
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