Martin YELKOUNI
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Ressources documentaires. Économie et gestion de l’environnement et des ressources naturelles – Module 3
Nous abordons dans cette séquence l’importance des ressources naturelles pour le système
économique et l’importance de les gérer durablement.
Le rapport sur « L’évaluation des écosystèmes pour le Millénaire » en 2003, met en exergue
l’importance des ressources naturelles pour l’humanité en évoquant la notion de « services
écosystémiques », considérés comme « les bienfaits que les écosystèmes procurent aux êtres
humains ». On peut distinguer notamment les Services d’approvisionnement (produits tirés
des écosystèmes), les Services de régulation (tels que la régulation du climat et la régulation
de l’eau), les Services culturels (avantages non matériels découlant des écosystèmes) et les
Services d’appui (services nécessaires pour la production de tous les autres services
écosystémiques).
Pour les économistes, l’enjeu majeur est comment allouer efficacement ces ressources
naturelles pour l’économie. En effet, une gestion rationnelle est une gestion qui permet à ces
ressources de se renouveler et d'être conservées de manière pérenne, sans être menacées par la
surexploitation.
Non-exclusion Exclusion
Biens publics Biens de club ou à péage
Non-rivalité
Exemple : éclairage Exemple : TV crypté,
publique cinéma
Ressources communes Biens privés
Rivalité
Exemple : forêt, banc de Exemple : voiture
poissons
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Ainsi :
- Le bien privé normal est celui qui vous appartient : votre voiture, votre jardin
- Le bien de club ou de péage est celui dont l’accès est payant. En revanche, il n’y a pas
de rivalité dès qu’on y accède. C’est le cas de chaînes cryptées.
- Les ressources communes, comme par exemple une forêt, un parc naturel ou un lac, sont
rivales. C’est-à-dire qu’il y a une concurrence dans l’usage des biens qu’elles offrent.
De plus, il est difficile d’exclure d’autres agents économiques de leurs accès.
Pour cette dernière catégorie, la rivalité est la source potentielle des externalités négatives
pouvant aboutir à ce que Garett Hardin a nommé, en 1968, la tragédie des communs.
C’est une situation qui décrit comment l'accès libre à une ressource limitée pour laquelle la
demande est forte mène inévitablement à sa surexploitation et finalement à sa disparition.
Dès lors, il faut trouver des mécanismes pour gérer de telles ressources. Les solutions classiques
sont possibles : l’intervention de l’État ou la privatisation.
• L’État qui devient propriétaire de la ressource ; il peut donc soit réglementer l'accès à la
ressource, soit l'exploiter directement lui-même. Cette solution a souvent été appliquée
dans les pays en développement, mais les résultats n'ont malheureusement pas toujours
été satisfaisants.
• Pour la privatisation, il faudrait convertir la ressource commune en propriété privée pour
inciter le ou les propriétaires à une gestion rationnelle. Toutefois, cela nécessite
généralement l'intervention de l'État qui peut créer un droit de propriété sous forme de
quota de prélèvements échangeables, plutôt que sur le support de la ressource. Cette
solution est souvent utilisée pour la gestion des pêcheries.
À côté de ces deux solutions classiques, il en existe d’autres, comme la gestion communautaire,
qui sera évoquée dans la séquence 3.
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Ressources documentaires. Économie et gestion de l’environnement et des ressources naturelles – Module 3
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Ressources documentaires. Économie et gestion de l’environnement et des ressources naturelles – Module 3
Toutefois, en observant et analysant ces initiatives, il est à remarquer que ces dispositifs ne sont
pas l’abri de difficultés qui peuvent gripper le mécanisme de fonctionnement. Les dispositifs
mis en place ne couvrent pas encore l’ensemble des besoins financiers liés aux efforts de gestion
des BV. Le contexte institutionnel va également jouer, comme le changement d’équipe
dirigeante au niveau des collectivités décentralisées ou de la capacité d’action collective des
différentes entités. Le nombre limité et en deçà des prévisions des abonnés à l’électricité
nouvellement produite influence aussi le niveau du montant collecté et la régularité du transfert
ou des appuis au profit de la population impliquée dans la gestion en amont du BV.
Les premiers travaux sur les biens communs constituent une réaction contre la privatisation des
ressources naturelles. Selon cette approche, une appropriation privative serait la condition sine
qua non pour apporter une solution efficiente aux externalités environnementales. Dans une
perspective d’application pratique, on voulait faire de l’absence de propriété privée, la cause de
« la tragédie des communs ».
S’opposant au courant de pensée sur l’impossibilité d’une action collective, des auteurs dont
Elinor Ostrom en particulier, (1990 ;1992), ont présenté les fondements d’une approche
institutionnaliste qui met l’accent sur les mécanismes de régulation, formels ou informels, qui
gouvernent la viabilité des écosystèmes.
Gouverner fait référence aux représentations des acteurs et se fonde sur un principe de
négociation.
Cette approche consiste souvent à rendre aux communautés locales le contrôle de leurs
ressources, lorsque l’État et les marchés n’arrivent pas à résoudre les problèmes des externalités
négatives dans le cas d’une exploitation de ressources en propriété commune, et de la provision
de biens publics (Bardham, 1993 ; Nugent, 1993). Cela suppose donc l’octroi de droits de
propriété communautaires aux usagers de la ressources.
Qu’est-ce qu’un droit de propriété communautaire ?
L'expression "propriété communautaire" ou "régime de propriété communautaire" est utilisée
pour désigner un type de droits de propriété selon lequel un groupe d'utilisateurs partage des
droits et des obligations vis-à-vis d'une ressource (McKean et Ostrom, 1995). Aussi, en régime
de propriété communautaire, la ressource appartient à une communauté identifiable dont les
membres sont interdépendants avec des règles d’accès à la ressource bien définies (Heltberg,
2001).
Dans beaucoup de pays en développement, la propriété commune fournit un système complexe
de normes et de conventions pour réguler les droits des individus à l’utilisation des ressources
naturelles. C’est le cas notamment de la forêt, l’eau ou du poisson.
Cependant, une gestion communautaire ne peut réussir, selon Ostrom, que si un certain nombre
de conditions ou de principes sont respectées, comme par exemple :
- Une définition claire des droits d’usage de la ressource et des limites bien définies de la
ressource elle-même.
- Des règles définissant l’utilisation de la ressources, règles devant être adaptées au
contexte local.
- L’existence d’institutions locales viables et capables de régler les problèmes
- La reconnaissance des droits par l’État.
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Cette liste n’est pas exhaustive, et il faut étudier les conditions réelles de mise en œuvre d’une
gestion communautaire. C’est ce que Ostom (2009) appelle « systèmes sociaux-écologiques
complexes » qui nécessitent donc une analyse complexe et rigoureuse.
L’exemple du bassin versant à Madagascar dans la séquence 2 est bel est bien une forme de
gestion communautaire.
Au Sénégal par exemple, la gestion de l’eau pour la production implique plusieurs acteurs dont
l’État. Il s’agit ici d’une forme de co-gestion.
Dans des villages, il est possible également de trouver de formes de gestion communautaire
pour des prairies, des forêts, des lacs, des zones humides, etc.
La gestion des ressources naturelles est complexe et chaque mode, privé, publique ou autre ne
fonctionnera qu’en prenant en compte la complexité des acteurs. Cependant, en se basant sur
les systèmes locaux de gestion des ressources naturelles, on peut mettre en œuvre des modèles
d’organisation communautaire et atteindre ainsi plusieurs objectifs : mieux gérer
l’environnement naturel, désengager progressivement l’État et responsabiliser les
communautés paysannes.
Mais la réussite d’une active collective est aussi basée sur sa capacité à prendre en compte les
intérêts individuels.
Je vous invite à des lectures complémentaires comme l’article de Martin Yelkouni, pour
approfondir cette notion.
N'oubliez pas de retourner sur la plateforme de formation pour répondre au
questionnaire d’évaluation et valider vos connaissances ! C’est nécessaire si vous
souhaitez obtenir votre attestation en fin de session.
Annexes documentaires
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Ressources documentaires. Économie et gestion de l’environnement et des ressources naturelles – Module 3
Ressources complémentaires :
Martin Yelkouni. Evaluation contingente des ressources naturelles : le cas de la forêt de Tiogo
au Burkina Faso. Économie appliquée : archives de l'Institut de science économique appliquée,
Institut des sciences mathématiques et économiques appliquées — ISMEA, 2005, tome LVIII
(n°4), pp.139-160