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Introduction :
On désigne par participation politique l’ensemble des activités politiques que peuvent
adopter les citoyens. Elle peut être conventionnelle lorsqu’elle se déroule dans un cadre
légal et sans remettre en cause la légitimité du système politique (vote, adhésion à un
parti, militantisme politique, etc.). Elle peut aussi être non conventionnelle lorsqu’elle
prend une forme protestataire pouvant aller jusqu'à l'illégalité (grèves non déclarées,
actions violentes, etc.). L’objectif de ce cours n’est pas de décrire toutes les formes de la
participation mais de s’intéresser à une forme conventionnelle particulière : le vote.
Le vote remplit une fonction sociale : d’un côté il renforce l’unité d’un groupe en
désignant un ou une représentante et de l’autre, il renforce la démocratie en favorisant
la compétition entre différents partis. Le vote est aussi un rituel qui s’est construit au
cours de l’Histoire. À l’été 1793, lorsque l’on vote au suffrage universel masculin la
Constitution de la Ire République, la participation est très faible (moins de 25 % des
inscrits) et le « oui » l’emporte avec 99 % des suffrages exprimés. C’est alors un vote oral
en place publique. Ce n’est qu’en 1795 qu’est introduit le scrutin écrit. C’est alors une
première sur le plan international : chaque électeur apporte son propre bulletin. Il
faudra cependant attendre la III e République et le retour du suffrage universel masculin
pour que le système électoral tende à se moderniser : création et mise en place des
isoloirs dans les bureaux de vote, enveloppe anonyme puis, dans les années 1920, mise
en place de bulletins de vote uniformes et similaires.
Les travaux en sciences politiques et sociologie ont d’abord cherché à expliquer en quoi
le vote était en grande partie déterminé par notre environnement social. Cependant,
depuis quelques années, de nouvelles théories tendent à montrer que ce choix est aussi
dépendant des arbitrages individuels et des enjeux des différents scrutins. Nous verrons
donc en quoi le vote peut être à la fois vu comme une affaire individuelle et collective.
Définition
Corps électoral : Le corps électoral désigne l’ensemble des individus disposant d’un
droit de vote. En France, il faut être citoyen français (sauf pour les élections
européennes depuis 1999 et municipales depuis 2001), avoir plus de 18 ans et
jouir de ses droits civils et politiques. L’électorat se compose des électeurs inscrits
et non-inscrits qui remplissent ces conditions.
Définition
Taux d’inscription : Rapport entre le nombre d'électeurs inscrits sur les listes
électorales et le nombre d'électeurs potentiels.
Définition
Taux de participation : Rapport entre le nombre de votants et le nombre d’inscrits
sur les listes.
Nombre de votants
×100
Nombre d’inscrits
Définition
Taux de mobilisation : Un taux de mobilisation électorale est un rapport entre le
nombre de votants et la population utilisée comme référence. On peut ainsi
mesurer par exemple le taux de mobilisation des 18-25 ans, des hommes ou des
femmes ou encore celui d’une certaine catégorie sociale. Cela permet de donner
une analyse fine des comportements électoraux.
Les meilleurs taux d’inscription et de participation concernent les personnes les plus
stables sur le plan géographique (faible mobilité géographique).
L’abstention
Définition
Abstention : Désigne le fait pour un électeur inscrit sur les listes électorales de ne
pas se rendre aux urnes à l’occasion d’un scrutin légalement organisé.
Nombre d’abstentionnistes
×100
Nombre d’inscrits
Les motifs de l’abstention sont divers. Les sociologues Jérôme Jaffré et Anne Muxel ont
relevé deux types d’abstentions renvoyant à deux motifs bien distincts.
L’abstentionnisme hors-jeu
C’est celui des classes populaires avec des bas niveaux de qualification (peu d’intérêt
pour la politique, sentiment d’incompétence), idée que « cela ne changera pas notre
situation ». La politique est alors perçue comme un spectacle éloigné des préoccupations
quotidiennes.
Une des plus célèbres études tentant de montrer la dimension collective du vote a été
publiée aux États-Unis en 1944. Il s’agit de l’ouvrage du sociologue Paul Lazarsfeld, The
People’s choice. Dans cet ouvrage classique des sciences politiques, l’auteur montre
qu’aux États-Unis, le vote est fortement influencé par les caractéristiques sociales de
l’électeur.
Les milieux populaires, urbains et catholiques votent plutôt pour le parti
démocrate.
M. DJEGUE – COIURS DE SES – 1ERE GENERALE 3
Les milieux aisés, protestants, ruraux votent plutôt pour le parti républicain.
Ce schéma s’applique bien souvent, sauf lorsque les caractéristiques de l’électeur sont
mélangées (par exemple un ouvrier protestant ou un catholique aisé).
Les campagnes électorales n’entraînent pas de modification des préférences chez les
électeurs, au contraire, elles ne font que renforcer les préférences initiales et permettre
d’accroître la mobilisation des indécis en les poussant à aller voter. Les campagnes
électorales et médiatiques n’ont donc pas d’effet direct sur l’opinion politique des
électeurs. L’étude de Lazarsfeld a le mérite de mettre l’accent sur les variables lourdes
influençant le vote des électeurs.
Définition
Variables lourdes du comportement électoral : Ensemble des caractéristiques
relatives à l’identité économique et sociale d’un individu susceptible d’influencer
le comportement électoral. Plusieurs variables sont souvent mobilisées :
le sexe ;
l’âge ;
la profession et catégorie socioprofessionnelle (PCS) ;
les revenus ;
le patrimoine ;
les diplômes ;
la classe sociale ;
la religion.
Prenons d’abord l’exemple de variables sociobiologiques telles que le sexe ou encore
l’âge.
En ce qui concerne l’âge, les jeunes (18-25 ans) votent plus souvent à gauche que les
électeurs plus âgés. Pourtant là encore, il n’y a pas de règle immuable puisqu’au milieu
des années 1980, cette catégorie vota plus à droite qu’à gauche. Les retraités, quant à
eux, votent plus largement à droite mais pour une droite relativement modérée. L’âge à
lui seul n’est pas une variable explicative suffisante du vote. On peut affirmer que cette
variable est en fait influencée par les variables économiques (plus on est jeune et plus
les revenus sont généralement bas) et par des effets de génération (les jeunes
générations sont par exemple plus sensibilisées aux enjeux environnementaux et se
tournent de plus en plus vers les partis écologistes).
Enfin, l’idée d’un « vote de classe » a longtemps prévalu dans notre société puisque la
catégorie des ouvriers a longtemps voté massivement à gauche (parti communiste
français et parti socialiste notamment). Pourtant, en 2012, 55 % des ouvriers qui
participèrent au scrutin présidentiel votèrent à droite et le parti qui obtint le meilleur
score fut le parti d’extrême droite : le Front national (devenu Rassemblement national
en 2018). En 2017, les chiffres confirmèrent cette tendance puisque les ouvriers furent
37 % à voter dès le premier tour pour la candidate du parti d’extrême droite.
Ces chiffres sont toutefois à nuancer. En effet, cette PCS est fortement en proie à
l’abstention et certains observateurs rappellent à ce titre que le premier parti des
ouvriers est aujourd’hui l’abstention. Enfin, le vote d’extrême droite a tendance à
progresser dans toutes les PCS (et pas seulement au sein de la PCS ouvrière).
J.L. E. F. M. Le
Mélenchon Macron Fillon Pen
Sexe Homme 21 23 18 24
Femme 17 25 21 20
Âge 18-24 ans 30 18 9 21
25-34 ans 24 28 8 24
35-49 ans 22 21 11 29
50-59 ans 21 21 13 27
60-69 ans 15 26 27 19
70 ans et + 9 27 45 10
PCS Cadre 19 33 20 14
Profession 22 26 13 19
intermédiaire
Employé 22 19 8 32
Ouvrier 24 16 5 37
Retraité 12 26 36 14
Sondage réalisé par Internet par IPSOS du 19 au 22 avril 2017, sur 4 698 personnes inscrites sur les listes électorales, constituant un échantillon
Définition
Socialisation : Notion de sociologie désignant le processus au cours duquel un
individu apprend et intériorise, tout au long de sa vie, les normes et les valeurs de
Définition
Identification partisane : Processus par lequel l’individu reconnaît un parti
politique comme étant à capable de représenter ses valeurs et ses opinions.
N.B.
Les trois quarts des 18-30 ans sont des « héritiers politiques » de leurs parents
comme le rappelle la sociologue Anne Muxel. En effet, ils héritent d’un ensemble
de normes et de valeurs politiques transmises au cours de la socialisation, des
habitudes en termes de participation et de non-participation.
Nous baignons donc dans un espace social de reproduction des préférences
politiques. Au sein des couples, les divergences politiques sont rares. La transmission
apolitique (en dehors du positionnement partisan) existe aussi et on la retrouve surtout
dans les milieux populaires.
une phase de politisation : le jeune enfant prend d’abord conscience que des
individus, en dehors de la famille, sont dotés d’une autorité ;
une phase d’idéalisation : les autorités (le président, le policier, le docteur…)
sont vues comme étant bienveillantes et protectrices ;
une phase d’institutionnalisation : l’enfant transfère ensuite cette image
bienveillante aux institutions politiques au sens large.
Le vote n’échappe pas au processus d’identification partisane. Le rituel du vote ravive les
symboles, l’imaginaire collectif (bureau de vote présent en mairie, drapeau, discours,
etc.).
Attention !
Les enfants ne sont pas les simples réceptacles des conceptions politiques des
parents. Plus ils grandissent, plus ils reconsidèrent/ réévaluent les discours
parentaux.
Les enfants développent par la suite des capacités critiques et prennent du recul par
rapport aux parents, car ils sont confrontés à d’autres instances de socialisation (groupe
À l’âge adulte, des ruptures peuvent apparaître. Des évènements politiques marquants
peuvent contribuer à resocialiser politiquement les individus. Par exemple, mai 1968 ou
encore le mariage pour tous ont pu susciter des engagements politiques soudains en
contradiction avec le modèle familial.
Définition
Clivage gauche-droite : Séparation entre deux camps politiques opposés à savoir
« la gauche » et « la droite ». À chaque camp correspond un système de valeurs
spécifique dans de nombreux domaines (économique, social, culturel,
idéologique…). On retrouve cette séparation dans de nombreuses démocraties sous
d’autres appellations.
Astuce
L’appellation française renvoie à un célèbre épisode des premiers temps de la
Révolution française. Le 28 août 1789, au cours d’un débat à l'Assemblée
constituante portant sur le poids de l'autorité royale dans la future Constitution,
les députés favorables à ce que le roi dispose d'un droit de veto large se
regroupèrent à droite du président de la séance tandis que les députés hostiles à
un tel droit de veto se rangèrent à sa gauche.
Plusieurs éléments peuvent expliquer l’affaiblissement du clivage traditionnel :
Définition
Rationalité : Capacité pour un individu à maximiser ses intérêts compte tenu de
ses contraintes. Un choix est rationnel lorsqu’il repose sur un arbitrage
coûts/avantages. Il implique toujours un renoncement.
Dans le cas du vote, la rationalité concerne l’arbitrage entre les coûts et les avantages
des diverses options politiques proposées. On peut relever au moins deux grands
arbitrages :
Définition
Volatilité électorale : Fait que les électeurs modifient leur comportement électoral
d'un scrutin à l'autre. Cela conduit à des modifications du taux de participation
et/ou à des modifications dans la répartition des suffrages exprimés. La volatilité
électorale est un calcul des gains et des pertes réalisés par chaque parti entre deux
élections.
Définition
Vote sur enjeu : Idée selon laquelle l'électeur chercherait à maximiser les
avantages procurés par son vote et à en minimiser les coûts. Cette analyse permet
d’expliquer la volatilité électorale et les stratégies développées par les partis
politiques (programmes, mobilisation médiatique, etc.).
Les candidats cherchent à imposer des thèmes sur lesquels ils prétendent avoir un
avantage sur leurs concurrents. L’électeur vote alors pour le candidat le plus proche de
ses préférences.
Parmi les enjeux aux élections nationales, les questions économiques ont une certaine
importance : non seulement la situation économique personnelle de l’électeur, mais
aussi et surtout la situation économique du pays.
Conclusion :
Afin de mesurer la mobilisation électorale, de nombreux indicateurs sont utilisés :
taux d’inscription, taux de participation ou encore taux d’abstention sont scrutés à
l’issue du vote. Il ressort des enquêtes et des travaux de sciences politiques que le
vote est grandement influencé par nos caractéristiques sociales, notamment les
variables socio-économiques telles que le revenu, le patrimoine ou encore le fait de
résider en ville ou à la campagne. De plus, notre socialisation politique influence
grandement notre vote. On observe encore aujourd’hui une forte reproduction des
préférences politiques de génération en génération et la mise en couple obéit
souvent à une logique identique. Pourtant depuis quelques décennies, un nouveau
profil d’électeur stratège semble se dessiner : les choix deviennent de plus en plus
volatiles, l’électeur changeant plus souvent de préférence notamment en fonction
des enjeux du scrutin.