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Collection
dirigée
par
Richard Z,°ehen
Dans la même collection
LACAN
2 000
Ibus droits de traductio/), de reproductio/) et d'adaptation
réservés pour tous les pays
1 e édi tio/) 1998
© 2000, Société d'édition les Bel/es Lettres
95, bd Ra spa il 75006 Paris.
Jalons
L' année 1 953 fut une année décisive dans l ' histoire
du mouvement psychanalytique fran ç ais et pour l'ensei
gnement de Jacques Lacan.
La Société Psychanalytique de Paris, fondée en
1 926 par René Laforgue, M arie B onaparte, Édouard
Pichon, Rudolph Loewenstein (qui sera l ' analyste de
Lacan), Eugènie Sokolnicka, et quelques autres, seule
association psychanalytique en France, membre de
l 'International Pyschoanalytical A ssociation (IPA),
elle-même fondée en 1 9 1 0 par Freud et Ferenczi lors
d ' un Congrès à Nuremberg, voit certains de ses
membres s' affronter à propos de la création d'un institut
de psychanalyse destiné à la formation des praticiens .
Le discours de Rome
Ce textelO est un véritable manifes te 'p lusi eurs fois
remani é jus qu' à sa publication dans les Ecrits où nous
pouvons le lire auj ourd' hui. Lacan y avance un certain
nombre de notions fondamentales pour l a suite de son
enseignement . L' accent est mis sur les premi ers textes
freudiens, en particulier sur L'Interprétation des rêves,
La psychopathologie de la vie quotidienne et Le mot
d 'esprit et sa relation à l 'inconscient, qui délimitent la
première topique freudienne. Parole et langage son t au
fondement des premières élaborations de Freud : c ' est la
leçon que tire Lacan de ces textes que l 'on a pu app eler
« linguis ti ques ».
Le rapport de Rome commence par une critique de
ce que Lacan tient pour des déviations de la psyc h a n a
lyse. Les textes de Lacan à cette épo q u e sont très sou
vent polémiques et mettent en cause une pratique qui
s ' est infléchie « vers l'adaptation de l 'individu à l 'en
tourage social ». Dans cette perspective, l'imaginaire
app araît comme ce qui, dans l'analyse, doit être «assé
ché » par le moyen de la parole et de sa fonction de sym
bolisation .
dès lors que la cure rectifie ce qui, s' étant fixé à une
étape, aurait dû être dépassé dans l 'histoire du sujet, à
une adéquation de la relation d u sujet à l 'objet. Elle
inclut une vision symétrique de la position de l ' ana
lyste et de l'analysé, avec une insistance mise sur le
contre-transfertI4, ce qui induit une conception symé
trique, duelle, de la relation analytique. La personne de
l 'analyste devient alors l ' étalon de la cure, figure i déali
sée, incarnation d ' un Moi fort auquel le patient est
amené à s' identifier à la fin du traitement.
Pour Lacan, ce fourvoiement t i e nt à la « tentation
qui se présente à l 'analyste d'abandonner le fondement
de la parole ». Concernant les modalités techniques de
la cure qu' une telle « théorie » promeut, il y critique un
« formalisme poussé jusqu 'au cérémonial »15. Le rap-
1 4. Le tran ifert est l'élément fondamental de la cure analytique,
caractérisant la relation de l'analysant à l'analyste. Il constitue un pro
cessus d'actualisation des désirs inconscients un affect se déplace
d'une représentation à une autre et la personne de l'analyste peut en être
l'objet, prenant la place de l'une des figures impliquées dans le com
plexe d'Œdipe. En effet, le sujet est amené à répéter dans sa vie et dans
l'analyse de nouvelles éditions de tendances, de fantasmes, dont la pre
mière édition infantile a été refoulée. Laean pourra dire que le transfert
est « la mise en acte de l'inconscient ». Il est à la fois le moteur de la
cure et, sur son versant imaginaire, une résistance. Il met en jeu des
représentations des signifiants mais aussi la dimension d'un Réel
qui rend insuffisant le ternie de contre transfert (désignant les divers
effets du discours du patient sur l'analyste) pour repérer ce qui se passe
dans la cure. La paire transfert/contre transfert induit une conception
symétrique, trop imaginaire, du lien entre analysant et analyste.
1 5 . Lacan a apporté des modifications à la technique analytique,
notamment en ce qui concerne la durée des séances. Des standards
avaient été édictés par l'Association Internationale qui fixaient la
durée de la séance aux alentours de 45 50 minutes. Lacan a introduit
la notion de ponctuation et la séance à durée variable. La durée de la
séance se raccourcira au fur et à mesure que les années passeront et la
reprise systématique de séances courtes par certains de ses élèves a
créé un nouveau standard tout aussi discutable. Mais le principe est
cohérent avec ce que Lacan avance concernant le Symbolique. Toute
émission de parole, toute communication langagière, suppose un
double m ouvement d'anticipation et de rétroaction. Anticipation, car le
24 LACAN
sujet qui parIe anticipe sur ce qu'il va dire pour agencer les termes qui
constituent l 'énoncé q u ' i l prod uit, rétroaction, car le sens n'est donné
qu'avec le point final de la phrase, avec la scansion. Cette ponctuation
terminale, qui peut, par exemple, correspondre à l' interruption de la
séance, incombe à l ' analyste: elle est productrice de sens et ne peut se
régler sur l'horloge.
16. Fonction et champ de la parole et du langage en psychana
lyse », op. cit., p. 258.
JALONS 25
L' imaginaire
p. 673 .
L' I MAG INAIRE 37
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Schéma optique 2 10
1 0 . Ibid.• p. 674
38 LACAN
schéma.
La dimension de l ' Idéal du Moi est toute symbo
lique, sa fonction est celle d'être un guide, on l ' a noté,
un repère pour le sujet. Il est situé au-delà de
l 'Imaginaire. C ' est cette place qui règle nos relations
aux autres, à cette réalité désormais cadrée. Le schéma
indique donc que la régulation de l' Imaginaire se fait par
l e Symbolique et met en place de façon articulée ce lien
n ' est pas sans vérité elle indique l ' aliénation fonda
mentale du désir, qui est toujours désir du désir de
l 'Autre, comme, nous le développerons plus loin.
Lacan peut, dès lors, désigner comme un infléchis
sement de la pratique analytique ce qui vise à renforcer
le Moi, proposant au terme de la cure l ' identification au
Moi fort de l ' analyste, donné en modèle accentuation
de la fonction de la méconnaissance, quand la découver
te freudienne était découverte des effets de la vérité sur
le Sujet. C' est donc à une rectification de cette déviation
que s ' emploie Lacan. Avec l ' introduction du Sym
bolique, comment s ' oriente le traitement et quels sont
ses enjeux24 ?
L' Imaginaire, et plus précisément le stade du miroir
qui a ouvert cette voie à Lacan, peut servir de fil rouge
dans son œuvre. Les différentes réélaborations de cette
notion, au fur et à mesure de ses avancées, de l 'explora
tion des apories qu' elles suscitent, sont un axe essentiel
de son travaiJ25.
L'exposé que nous venons dé faire ne résume pas
l 'Imaginaire avant la mise en place des autres registres,
2 4 , Lacan reviendra, dans une perspective nouvelle, s u r cette
d imension de l ' Imaginaire. Voir infra , chap, I V.
25, C 'est ce mouvement qu'a remarquablement suivi Philippe
Julien dans son l ivre Pour lire Jacques Lacan, Pari s , E. P,EL, 1 990,
c o l l . « Points ».
L' IMAGINAIRE 47
Le Symbolique
sant en cours de séance à dire tout ce qui lui vient à l ' es
prit sans rien omettre . Le complément ou l ' envers de la
règle fondamentale étant la capacité de l ' analyste à se
mettre dans une position ct' « attention flottante » qui ne
peut être que le produit de sa propre analyse. Garder l ' at
tention flottante (gleichschwebende A ufmerksamkeit)
consiste, pour l ' analyste, à ne privilégier aucune partie
des propos de l ' analysant et à ne pas se lai sser orienter
par ce qui conduit habituel lement l ' attention (par
e x em ple ses intérêts propres).
,
G) 'utre
(moi) a @utre
Schéma L
Le sujet
Dans cette première présentation du schéma L,
Lacan note le sujet S à cause de l' homophonie avec le Es
allemand, c ' est-à-dire le Ça, l ' instance freudienne. Dans
les reprises ultérieures de ce schéma, ce S qui représen
te le sujet sera marqué d' une barre qui témoigne de sa
division. Cette division est à entendre à plusieurs
niveaux d' une part, comme Lacan le commente dès la
présentation de ce schéma, le sujet n ' est pas total. Il dit
à son auditoire ce jour-là
« Si o n était totaux, on serait chacun d e son côté,
total, on ne serait pas là, ensemble, à essayer de s 'or
ganiser »6.
cogito cartésien.
Lacan lit dan s Descartes la naissance du sujet mo-
ce qui était déjà l ' opinion de Hegel lO• L' opération fon
damentale de la méthode cartésienne est le doute.
L' esprit doit douter pour trouver des certitudes. Ce
doute, fondement de la méthode, aboutit à une certitude
qui s 'énonce dans le cogito l l
« Je pense, donc je suis
Savoir que je suis une chose qui pense, c'est-à-dire
une conscience, telle est la conclusion à laquelle arrive
Descartes l 2, ce sujet étant un sujet sans autre qualité que
d'être produit par le doute. Lacan relie le cogito à la
découverte freudienne, ce qui le conduira, lui, à écrire :
« Je suis pensant "Donc je suis "
Le langage et la parole
Pour comprendre ce schéma, il faut reprendre la dis
tinction introduite par Saussure entre langage et parole.
Pour Sau ss u re , le la n gage est tout à la foi s une faculté et
une fonction, dont la l angue n 'est qu' « un e pa nie déter
minée » . Elle a la prem ière place parmi les faits de lan
gage et Saussure propose pour en rendre compte un
schéma où l ' on voit deux personnages de profil se fai
sant face, reliés par des po i n t il l és qu i figurent les flux
verbaux entre eux 1 4. D on c là aussi, i n tersubjectivité et
c omm u nic ation Ce qui manque à la l a n g ue pour pro
.
1 5 . Ibid. p. 1 1 2.
56 LACAN
Le signifiant
La démarche de Lacan consiste, en revenant au texte
freud i en, non pas à le considérer comme étant la totalité
1 6. Voir supra, chap. II.
LE SYM BOLIQUE 57
1 Signifié
Signifiant
l
Ce signe l inguistique est considéré par Saussure
comme une unité associant un signifié - un concept - à
un signifiant - une image acoustique.
.s.
s
->
Le pè re
La question du « père » aura travaillé Freud d' un
bout à l ' au tre de son œuvre c'est, on l ' a noté en intro
duction, ce que fai t apparaître le retour au texte freudien
pour Lacan. On la retrouve dès les premiers textes où il
introduit l es tro is registres d u Symbolique, de
l ' Imaginaire et du Réel.
Lacan remarque que Freud a rencontré le « père »
dès le début de son approche de l 'hystérie avec la « théo
rie de la séduction », première hypothèse formée par
Freud pour rendre compte de \' éti o log ie des psychoné
vroses à leur origine il y aurait une scène réelle de
séduction de la part d ' u n adulte, le père le plus souvent,
c ' est-à-dire l ' intervention dans la vie du sujet d ' un choc
sexuel, à une pér i ode précoce. Freud finira par renoncer
à cet te construction pour la situer non plus dans la réali
té mais « dans » le fantasme, ayant établi qu' il n'existe
pas dans l ' inconscient d ' « indice de réalité » qui per
mette de « distinguer l 'une de l 'autre, la vérité et la fic
tion investie d 'affect ». Le père dans la « théorie de la
séduction » a une fonction traumatique, puisqu' il intro
duit la sexualité de façon externe en incarnant le désir
dans le monde du sujet. Quand Freud abandonne cette
théorie, il ne renonce pas pour autant au statut du père.
C' est même autour de son statut qu' il fait pivoter la
théorie. Il découvre, peu de temps après la mort de son
propre père, le complexe d' Œdip e : la « scène de séduc
tion » située dans le fantasme, le père est désormais celui
qui permet au s ujet l ' entrée « dans » l ' Œdip e en trans
mettant l ' interdit de l ' inceste. La fonction du père est
ainsi d 'articuler le sujet au Symbolique, il est l ' instance
qui permet de rendre compte de la question du désir pour
le suj et, c ' est par lui que passe l ' accès de ce dernie r au
désir. Au cœur du c o mpl exe d' Œdipe est la castration
opération symbolique qui peut se c omprendre comme
-
S i g n i fié au S ujet
Nom d u Père (-b_)
Phallus
25. Le phallus n 'est pas le pé nis réel . La dial ectique œdipienne est
centrée autou r du passage du phallus, o bje t im aginaire supposé à la
mère, auquel l'enfant, dans un premier temps, s ' identifie, au phallus
sy mbolique, qui est un signi fiant, cel ui qui désigne les e ffets du signi
fié dans leur ense mble, c'est à dire, à partir de l ' intervention de la
fonction paternelle. l 'instauration du sens comme sexuel.
64 LACAN
28. S. Freud, L' anal yse avec fin et l ' analyse sans fin » ( l 937c),
trad. 1. Altounian, A . B o urgu ignon, P. Cotet, A. Rauzy, in Résultats.
idées. problèmes, t. II, Paris, P. U.F., 1 985, pp. 23 1 268.
IV
Le Réel
L'objet a
En 1920, Freud s'intéresse à ce qui apparaît comme
une difficulté dans la cure analytique. Cette difficulté
qu' il isole dans la névrose traumatique, où le sujet fait
répétitivement le rêve d' une situation douloureuse qu' il
a vécue, mais aussi dans ce jeu de l 'enfant décrit dans le
Fo rt-Da, lié à une expérience de déplaisir, est à rappro
cher de ce qu'il appelle la réaction thérapeutique néga
tive2• Dans ce cas, le traitement analytique bute sur la
compulsion de répétition. En effet, ces répétitions dans
la vie du sujt>t ne sont pas des sources de plaisir et
contreviennent au principe du plaisir qui, jusque là pour
Freud, orientait la vie psychique. Ainsi naîtra l ' hypo
thèse d' une pulsion de mort.
Freud observe le jeu d'un petit garçon - l ' un de ses
petits-fils - d'un an et demi . Ce petit garçon, très attaché
à sa mère, ne pleurait pas lorsque celle-ci l 'abandonnait
pendant quelque temps et Freud avait remarqué qu' il
avait l ' habitude de jeter au loin dans la pièce divers
objets pendant ces absences. Généralement, quand i l
jetait ces objets, i l émettait u n son long, marqué « d' in
térêt et de satisfaction », un 0-0-0-0 que la mère et Freud
entendaient comme le mot allemand fort (que l ' on peut
traduire par « parti »). À une autre occasion, Freud
observe le jeu complet où l ' enfant, avec une bobine atta
chée à une ficelle qu' il tient, jette celle-ci par-dessus le
rebord de son lit en prononçant ce 0 - 0 - 0 - 0 , puis ensuite
1 . J. Lacan, Les qua tre collcepts fondamelltaux de la psychana
lyse, Le Sémillaire Livre XI ( 1 964), texte établi par J . A. Miller, Paris,
Seuil, 1 97 3 , 4" de couverture (résumé paru dans l ' annuaire 1 964 (iS de
l ' Ecole Pratique des Hautes Etudes).
2 . Type de résistance qui fait qu'à chaque fois qu' une améli oration
devrait survenir du fait du progrès du traitement, il se produit, au
contraire, u ne aggravation.
LE RÉEL 69
Lacan ajoute
->
té, elle n ' est pas une chose pour moi o u pour quiconque.
L'objet, par contre, appelle une autre notion qui est celle
de sujet. Le terme d' objet veut dire étymologiquement
« ce qui est placé devant », et par extension ce qui affec
Mouvements de l 'objet
Lacan va reprendre cette question de l ' objet en
l ' abordant à des temps divers de son enseignement
d ' une façon variée mais non contradictoire. Chaque
avancée éclaire une facette d' une vérité qui ne peut être
que fragmentaire, ou pour reprendre les termes de
Lacan, qui ne peut que se « mi-dire )}. Ce qui, notons-le
au passage et conformément à ce que soutenait Freud,
fait obstacle à la possibilité pour la psychanalyse de se
présenter comme un système.
Dans un premier temps, Lacan essaie de concilier ces
différentes approc he s de l' objet en les situant dans les
registres qu' il a avancés. Ainsi pour les objets partiels de
Melanie Klein - le sein, le pénis - Lacan les considère
comme des obj ets réels. Mais le sein en tant que tel , pur
objet de satisfaction, dépend de quelqu 'un, la mère, qui
a le pouvoir de le donner ou de le refuser. Et cet objet ne
prend cette valeur d' avoir été réel que précisément parce
qu' il peut manquer. Ce manque-là, c 'est la frustration.
Ces objets prennent rapidement la dimension d'objets
d'échange, de don, ce qui introduit un autre registre, le
Symbolique. Dans le même mouvement où ces obj ets
deviennent symboliques, la mère toute symbolique au
départ - en tant qu' alternance de présence et d' absence
- devient, du fait de ce tout-pouvoir qui lui est confé
ré de donner ou non l ' objet, réelle car toute-puis
sante. L' impuissance de l ' enfant devant cette mère l a
fait réelle.
Freud n' insiste pas, concernant cet objet toujours
perdu, sur les caractéristiques ni de l ' objet premier, ni
des ùbjets substitutifs que le sujet croit retrouver à cette
place. Il met l ' accent sur la trace de satisfaction déposée
lors de ce premier temps, trace selon laquelIe la tenta
tive de retrouvaille s'effectuera. Lorsqu'un objet quel
conque vient occuper cette place de l' objet perdu, la ren
contre est nécessairement manquée. Il y a dans la répé
tition une différence radicale mais essentielle, puisqu' il
n'y a aucune retrouvai Ile véritable avec l ' objet.
Lacan proposera dans les premières années de son
enseignement, et en particulier dans son quatrième sémi
naire, de mettre en avant non pas la notion d' objet ou de
76 LACAN
relation d'objet, mais celle de manque d 'objet8• Toute
rencontre avec un objet se fait sur le fond de ce manque
radical qui en souligne la discordance. Celle-ci n 'est pas
simplement l ' inadéquation d'un obj et propre à satisfaire
le désir, elle est inadéquation en tant que telle puisque le
statut même de l ' objet pris dans le réseau des signifiants
le rend inapte à sa fonction. Dans l a perspective analy
tique ainsi ouverte, l' objet est donc un objet construit, à
ceci près qu' il est construit par l 'effet du signifiant.
À ce moment-là, l ' objet a une dimension symbo
l iq ue, liée à une mère réelle, toute-puissante, et cet objet
s ' inscrit sur fond de manque. Ce manque est réel et cor
respond à l ' absence de pénis chez l a femme. Bien évi
demment, dans le Réel, rien ne manque à une femme
pour être femme. Mais c' est parce que, sur un plan sym
bol ique, cela peut s ' inscrire comme manque que j uste
ment la notion même de femme peut exister. Ê tre femme
procède d ' une détermination symbolique et non réelle.
Ce qui manque, c ' est le phallus, en tant que sym
bole, c ' est-à-dire en tant que signifiant de ce qui n'est
pas là. Le phallus comme objet imaginaire est avant tout
le phallus maternel. C'est parce que l' objet manque
effectivement qu'il s ' « imaginarise ». Le manque d ' ob
jet est donc, du fait même du mouvement œdipien,
indexé à la signification phallique. Le phallus est cet
objet avant tout imaginaire qui, par l ' effet de la méta
phore paternelle, prendra une dimension de signifiant,
signifiant du manque. II a une double fonction en tant
qu' objet sur le versant imaginaire, d' une part, en tant
que signifiant sur le plan symbolique, d' autre part.
Dans le séminaire de l 'année suivante9, le petit a
apparaît dans cette formule (citée plus haut) qui rel ie le
bien plus que ce q u ' i l vise. C ' est dans le Séminaire sur
l 'Angoisse l 2 que Lacan parlera de cet objet comme
cause du désir.
Dans notre rapport à l ' autre, ce que nous pouvons
appréhender est une image. Cette image du corps est
« médiée » par le grand A utre au stade du miroir, comme
La sexuation
S ' il n'y a pas de retrouvaille possible avec l 'objet qui
permette d ' assurer une complétude, si la rencontre avec
le « bon objet » génital, total, est une illusion, comment
concevoir alors la relation à l ' autre, et en particulier la
relation amoureuse ? Lacan souligne, à la suite de Freud,
que l ' amour est fondamentalement narcissique et a plu
tôt pour fonction de voiler la différence des sexes.
L' amour est à la différence des sexes comme le Moi au
sujet refendu. Il y a un tiers terme dans toute relation
sexuée, tiers terme qui n'est là que du fai t du langage,
qui est le phallus. Il est ce à quoi chacun a rapport dans
la relation sexuelle. Il n'y a donc pas de rapport sexuel,
c'est-à-dire qu' il n ' y a pas de m ise en rapport entre les
sujets à travers la sexualité. Pas de complétude telle que
l ' anatomie pourrait imaginairement le laisser croire, pas
de complémentarité des sexcs. Chacun ne rencontre
l 'autre qu 'à travers son propre fantasme. C 'est cela qui
constitue la découverte du rôle fondamental de la sexua
l ité par Freud, selon Lacan. Celte dimension d' impos
sible du rapport sexuel offre à Lacan une définition du
réel.
Mais alors, si la différence des sexes tient au symbo
lique, comment la comprendre ? Lacan proposera une
LE RÉEL 83
rapide coup d' œil sur le tableau montre que Lacan radi
calise la diférence des sexes ni compléme n tari té ni ,
sy métrie .
***
s
R
Le père en question
discours de l'époque ?
Dans la formule de l a métaphore paterneIIe32, le
Nom-du-Père a déjà un s ta tu t particulier par rapp ort au
Symbolique. Signifiant qui n ' est pas dans l 'Autre mais
qui en même temps le fai t tenir, c o m m e nt s ituer cette
dimension du Nom -du-Père dans le nœud borroméen?
Est-il un élément du Sy m boliqu e ? Mais ce serait contra
dictoire avec ce que Lacan a avancé jusque - l à ? Est-il à
l ' un des po i nts de serrage ? Mai s il sembl e bien que
Lacan n ' ait pu le situer à l ' une des intersections. La
position sin g ulière du Nom-du-Père ne permet pas de
l ' inscrire strictement dans l ' une des trois dimensions. La
question qui se pose est celle de la nomi n ation des trois
ronds. Leur identité conduit à concevoir une instance
nom-mante pour pouvoir les distinguer. Lacan commen
ce par proposer trois nominations correspondant à cha
cun des registres33. Mais il y renonce et avance un nœud
borroméen à quatre ronds, le quatrième é tant cette
dimension du Nom-du-Père nécessaire pour nommer : le
père est aussi celui qui nomme. La nomination i m pliq ue
la nécessité d'un quart élém ent. Ce qu atrième élément,
ce q uatriè m e rond, Lacan l e désigne comme le Nom-du
Pè re , lieu d ' où procède cette nomination, et cela pose la
question du fait qu ' el l e fasse « trou » .
***
Au reste . . .
Navarin, 1 987.
« Joyce, le symptôme II » , i n Joyce avec Lacan, Paris,
Navarin, 1 987.
Le Sinthome, Le Séminaire, Livre XXI/l, ( 1 975-76)
i né d it . Une vers ion établie par J.-A. M iller est parue
dans Ornica.r?, 1 976-77, n° 6- 1 1 .
L'insu que sait de l 'une-bévue s 'aile à mourre. Le
Séminaire. Livre XXIV, inédit ( 1 976-77). U ne ver
sion établie par J.-A. Miller est parue dans
Ornicar ?, 1 977-79, n° 1 2- 1 8.
1 997.
ROUDINESCO E., PLON M., Dictionnaire de la psychana
lyse , Paris, Fayard, 1 997 .
SAFOUAN M., Études sur l 'Œdipe. Introduction à une
théorie du sujet, Paris, Seuil, 1 974.
Repères chronologiques 7
Introduction Il
1. Jalons 15
1 953 : rupture avec l ' Institution e t introduction
de nouveaux concepts 15
Le Symbolique, l 'Imaginaire et le Réel 16
Le discours de Rome 20
Éléments biographiques et premiers travaux 26
III. Le Symbolique 49
Le sujet 51
� ���e � � �rok 54
Le signifiant 56
� �œ �
IV. Le Réel 67
L 'objet a ........... . . ................ ....... ............... 68
1 18 LACAN
Mouvements de l 'objet 74
La sexuation 82
Le nœud bo rroméen 90
Le père ell question 95
V. Au reste 1 03
Bibliographie III
Ce l'ail/me,
le onzième
de la col/ection " Figures du savoir ",
publ ié aux Éditions Les Belles Lel/res,
a été achel'é d 'imprimer
en avril 2000
dans les ateliers
de Bussière Camedan Imprimeries,
18203 Saint Amand Mulllrond.