Gérard Delbet
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GERARD DELBET
Instituteur à l'école Vitruve 1976-2012, membre du CNIRS 2000-200)
F
irmitas, utilitas, venustas, disait Vitruve : solide, autrement dit pérenne,
utile et belle, voilà les trois qualités de l'architecte. Et de l'art de vivre à
l'école.
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en expansion, et le déroulement de son temps peuvent être considérés
comme son apport fondamental à l'histoire des lieux éducatifs nouveaux.
Qu'est-ce que l'école Vitruve, si ce n'est une école ?
L'école Vitruve nait en 1962 et se développe à l'intérieur du groupe expéri-
mental de pédagogie active du XXe arrondissement de Paris initié par l'ins-
pecteur de circonscription Robert Gloton (1906-1986). Très vite, elle va en
devenir le lieu emblématique.
Dès 1965, Gloton énonce son intuition-intention : « En réaction contre l'iso-
lement traditionnel des classes au sein de l'établissement, tout est mis en
oeuvre pour traduire dans les faits ce principe fondamental : l'unité pédago-
gique n'est pas la classe, mais l'école »1.
Située, à l'origine, rue Vitruve, près de la place de la Réunion, l'école con-
servera son nom après son déménagement passage Josseaume en 1992. Le
nombre d'enfants ira de 180 à 240 enfants, selon les années, pour une di-
zaine d'enseignants ; le cursus complet pour les enfants étant de cinq années,
le redoublement peu à peu aboli.
Quelques caractéristiques éducatives particulières sont à souligner : remise
en cause de la discipline traditionnelle et du contenu de l'enseignement, du
statut de l'enfant et du maître, projets de production et de service, usage de
l'école dans son entière disposition puis du quartier proche comme territoire
éducatif qui ne veut pas se restreindre au lieu scolaire dédié.
1
Robert Gloton, (1969), A la recherche de l'école de demain. Le Groupe expérimen-
tal de pédagogie active du XXe arrondissement de Paris, Paris : Colin-Bourrelier.
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XIXe siècle.
Réaliser l'école nouvelle et la vivre collectivement avec les enfants reste le
projet majeur des différentes équipes qui vont s'y succéder. Et leur réussite.
Durant plus d'un demi-siècle, l'école va ainsi prendre corps, se constituer
comme entité, comme unité et comme territoire des adultes et des enfants.
Territoire du mieux-être et du mieux-apprendre : l'invention et la constitution
de Vitruve peuvent donc s'entendre comme l'extension du territoire éducatif
et sa gestion par ses habitants eux-mêmes.
C'est l'école toute entière qui devient le lieu coopératif et éducatif véritable
pour les enfants comme pour les adultes qui en ont la charge et de nouvelles
formes relationnelles et organisationnelles, impossibles jusque là, s'établis-
sent alors. On peut citer pèle-mêle : coordination enseignante en roulement
pour gérer l'école en lieu et place d'une direction, coordination adulte et
enfant, conseil d'école d'enfants hebdomadaire, entraide mutuelle grands et
petits, non-spécialisation des enseignants dans les niveaux, travail de classe
en duo, trio ou plus pour les instituteurs, institutions régulatrices des conflits
entre enfants, ouverture sur le quartier et usage de celui-ci comme extension
de l'espace éducatif, participation aux associations locales, terrains d'aven-
tures, jardins partagés, conseils de quartier, classes vertes pour tous chaque
année, fêtes, braderies, expositions, traversée du quartier, bar associatif...
L'école Vitruve est un univers en expansion. Il y aurait une illusion à croire
qu'elle serait devenue quelque chose d'accompli et de fini, copier-coller de
l'intention primordiale. Comme tout objet d'expérience humaine, elle veut
exprimer, à la fois, cette intention, mais aussi une réelle volonté de continuité
et d'invention éducative. Nous pouvons dire que Vitruve est une école réali-
sée, mais qui peut et veut poursuivre son extension. Vitruve n'est pas une
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Gérard Delbet / Ecole Vitruve, territoire éducatif
école comme les autres parce que les autres écoles n'en sont pas. J'y ai fait
métier comme maître d'école de 1976 à 2012. Sauf qu'à Vitruve, on n'est pas
seulement maître d'école, on est maître de l'école.
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Où va réellement l'enfant ? Comme si, une fois entré dans l'école, elle cessait
justement d'exister.
Le modèle des classes séparées en milieu urbain, si elle fait semblant de pro-
téger la célèbre « liberté pédagogique », présente pour les enfants, passant
d'un endroit à l'autre, d'un étage à l'autre, d'une heure à l'autre, d'un âge à
l'autre, d'une liberté pédagogique à l'autre, une incohérence forte et un
chaos éducatif forcément préjudiciable. Il y a appauvrissement général de la
vie en commun et des apprentissages, et pour tout le monde, car les adultes
ne sont pas épargnés par cette misère intellectuelle, conséquence de cette
parcellisation. Cela n'a plus rien d'un métier, c'est un labeur désarticulé et
vain. L'isolement, la mise en concurrence, les hiérarchies obligées ou impli-
cites et l'infantilisation du management font le reste.
Ce modèle cloné, la classe, semble être le cadre ancestral, inchangeable,
définitif. Même s'il est historiquement faux, il n'est jamais remis en cause ou
rarement. Les contestataires passent le plus clair de leur temps et de leur
prose à rêver d'autre chose. Au point qu'on peut se demander si ce modèle
prédominant ne serait pas une résurgence du cadre ancien à classe unique de
l'école campagnarde. Une sorte de résistance à l'urbanisation de l'institution-
école, nostalgie d'un âge d'or fantasmé...
Le cloisonnement est globalement accepté par tous. Souvent même par les
tenants de l'éducation nouvelle ou par les divers pédago-coaches qui pullu-
lent actuellement sur ce nouveau business de la formation des maîtres. On
est frappé par la difficulté qu'ils ont à appréhender concrètement un autre
espace possible dans leurs propositions « innovantes » : la dimension propo-
sée dans tous les modules de formation se cantonne la plupart du temps à
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CE QUE L'ÉCOLE VITRUVE AURAIT À VOIR AVEC LA FORMATION : EN SIX APPROCHES.
OU SEPT...
Considérer les choses du point de vue du territoire dans lequel vont se dérou-
ler les actes éducatifs appropriés, modifie l'acte de formation. Appréhender le
territoire éducatif à la bonne échelle revient à faire de cet espace le véritable
sujet de la trans-formation souhaitable et trouver la meilleure offre éducative.
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Gérard Delbet / Ecole Vitruve, territoire éducatif
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briqué Vitruve furent toujours des volontaires.
Une centaine d'enseignants environ vont fréquenter l'école Vitruve de 1962 à
2012. Si on considère que l'équipe d'instits fut composée, depuis sa création,
de 10 personnes chaque année, corrélée à ces 50 ans d'existence cela porte à
500 années scolaires d'instits à pourvoir. Certains, le plus grand nombre
(80%), vont rester une année ou deux, trois maximum, d'autres le double et
d'autres encore beaucoup plus longtemps.
En postulant que la durée en nombre d'années de présence dans l'école doit
révéler et confirmer, de la part de chaque recrue, un choix déterminé et un
accord sur le déroulement du système éducatif mis en place dans l'école, on
découvre deux grands ensembles, des variations notables selon les périodes
étudiées et l'explication possible de la réussite durable de ce dispositif.
Une dizaine d'instits au long cours (présents de 15 à 36 ans) totalisent plus de
200 années scolaires et une autre dizaine (présents de 5 à 9 ans) en totalisent
100 de plus.
Sur la centaine d'instits qui ont été présents à Vitruve durant ces 50 années,
une vingtaine d'entre eux ont donc occupé un temps de présence supérieur à
300 années scolaires sur 500. Soit 20% qui ont ainsi constitué le cœur du
noyau et assurer les 3/5 de la durée de vie de cette école. C'est bien cette
petite vingtaine d'instits qui est à la base de la fabrication de Vitruve, de sa
stabilité et de sa longévité.
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sûr, mais si entrer en pédagogie innovante reste une chose évidemment com-
pliquée, y rester devient un vrai choix de vie, car le critère marquant de la
pérennité du projet. En optant clairement pour cette nouvelle façon d'être à
l'école, de faire l'école au sein d'un collectif et sur un territoire plus large que
l'espace traditionnel dédié, on opte de facto pour une nouvelle manière
d'être : c'est un nouveau métier.
S'intéresser aux origines des recrues ou aux conséquences appliquées d'une
formation pédagogique ou universitaire pourrait aussi montrer, après étude
des biographies, que très peu d'instits vitruviens, et notamment ceux au long
cours, aient été affiliés à telle ou telle obédience (Freinet, GFEN...) ou issus
d'une formation quelconque.
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gation critique.
Bien sûr, les instits ne vont pas cesser de se demander, dès les premières an-
nées, lors de réunions internes ou institutionnelles dans le cadre du Groupe
expérimental du XXe, quel pourrait être le type de formation à proposer aux
instits postulant à l'innovation afin qu'ils puissent intégrer au mieux le
groupe, renouveler les équipes en place, en créer d'autres, etc, mais les
termes sont soient peu explicites —le goût, l'envie — ou reposant sur des
notions assez floues comme la motivation.
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pas ou peu abordée. Et pas ou peu réalisée. Or, le problème du recrutement
et du renouvellement va très rapidement se poser.
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véritable réalité d'une école en recherche, d'enfants au travail et en re-
cherche aussi, tout ce qui constitue le terreau d'un vrai travail éducatif nou-
veau, si on passe son temps en représentation ?
Les visiteurs viennent visiter des techniques nouvelles menées par de bons
techniciens plus ou moins habiles selon les fois. Pas avec des instits d'une
école nouvelle. Ils ne voient souvent rien d'autre que des enfants regroupés
dans une classe qui suivent une leçon. Rien sur les débats en cours, les con-
tradictions, les doutes, les espoirs, les tentatives. Somme toute : rien de bien
dérangeant ou de questionnant. Rien de formateur à l'école nouvelle. Rien de
formateur tout court. »
Au-delà de ce problème de visiteurs, on voit bien que c'est le problème de la
formation qui est posé. De la formation à l'innovation en particulier. Au bout
de trois ans de ce régime, les instits de Vitruve entrent en rébellion, ils veu-
lent contrôler le programme des visites, le type de visiteurs, négocier, pour-
quoi pas, un statut d'école d'application...
L'objectif d'aider à la formation par la visite de classes expérimentales en
exercice n'est pas atteint. Ce n'est pas un échec pourtant, le groupe expéri-
mental a obtenu, par le fait, une certaine notoriété publique et, effet imprévu,
les instits de Vitruve ont compris qu'il fallait changer d'échelle. Changer
l'école en continuant à n'avoir comme référent que la structure de base du
modèle dominant : la classe, le cours, est un projet voué à l'inutilité. Il faut
changer de paradigme et œuvrer sur la dimension école. Prise de conscience
et effet formateur indéniable, Gloton a peut-être finalement assez bien réussi
son coup...
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passer au sein même de l'école Vitruve, ce qu'ils pensent et réalisent. Il y a,
très explicitement à ce moment-là une forte volonté d'aller plus loin qu'un
simple dialogue entre des classes isolées, pour constituer des écoles à part
entière. Pour les gens de Vitruve le bulletin Dialogue constitue bien un outil
de formation à destination des autres enseignants souhaitant se fédérer en
collectif.
Gloton, qui signe l'éditorial du premier numéro, évoque d'ailleurs la nécessi-
té d'engager un dialogue entre “ceux qui ont déjà pénétré dans la voie diffi-
cile et passionnante d'un renouveau pédagogique et tous ceux qui en ressen-
tent l'utilité”. Grâce à ce bulletin, il souhaite un rapprochement entre tous
ceux qui veulent “s'informer et se former mutuellement”, c'est un outil de
travail de vulgarisation, de renouveau et de coopération, de formation,
d'échange et de recherche. Il conclut en soulignant que l'entreprise éducative
solitaire ou isolée est vouée à l'échec, “notre temps est celui de la coopéra-
tion et de l'équipe.”
Il est donc indiqué très clairement que ce n'est pas une revue de plus, mais
un “bulletin de travail de l'équipe des écoles expérimentales du 20e arrondis-
sement qui sera du même coup celui de toutes les classes actives de votre
secteur et de toutes celles qui souhaitent le devenir, un bulletin qui rendra
compte des expériences collectives systématiques et aussi où chacun pourra
faire connaître ses propres travaux, ses difficultés, et la manière dont il tra-
vaille à les résoudre.”
Dialogue va être édité d'octobre 1964 à décembre 1967. 448 pages produites
en trois ans, c'est énorme. Lors de ses conférences pédagogiques pour les
enseignants de sa circonscription qui n'appartiennent pas tous au Groupe
Expérimental du XXe, Robert Gloton n'oublie jamais de poser, bien en évi-
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dence sur son bureau, les derniers numéros parus du bulletin. C'est dire l'im-
portance de l'objectif de formation qu'il représente à ses yeux et aux yeux
des rédacteurs.
Pour l'ensemble de la production de Dialogue, les pages consacrées à la pré-
sentation d'expériences pédagogiques concernant l'orthographe, les maths
modernes, la grammaire fonctionnelle, la lecture globale, représentent 81%
de l'ensemble sur toute la durée de parution. Dialogue a certes vocation à
être un outil de formation et de mise en connaissance des nouvelles pratiques
possibles, mais d'autres textes vont voir leur importance progresser à partir de
la fin de l'année 66 : analyse de livres, conférences et textes de personnalités
du monde de l'éducation (Lobrot, Picard...), conseils de formation, etc.
Ce rééquilibrage des textes consacrés à la pédagogie et ceux consacrés à
l'analyse et aux propositions de dépassement du concept de la classe, illustre
assez bien les recherches en cours et ce qui est en train de se passer, au
moins au sein du groupe expérimental à partir de 1966 ; se concrétisent de
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nouveaux projets, le début d'une nouvelle analyse de la fonction ensei-
gnante, se fait jour la volonté de nouvelles pratiques, plus collectives, coopé-
ratives, et d'échanges, de ce qu'il faudrait faire ensemble dans les écoles. On
semble vouloir passer à autre chose : le groupe expérimental et les écoles qui
en sont le cœur vivant (notamment Vitruve) semblent vouloir ouvrir de nou-
velles perspectives, être en quête d'extension institutionnelle (“accélération
de l'histoire”, “le temps que nous vivons n'est pas un temps pour la solitude”
n° 15) . Le mot auto-gestion est prononcé dans le n°14, orné de ce délicieux
trait d'union... On sent aussi percer une volonté de rapprochement, au-delà
des clivages anciens, des différents groupes qui œuvrent, chacun dans leur
coin, à l'évolution de l'Éducation nouvelle. ». (Extraits d'un livre à paraître).
On voit bien que le journal Dialogue en tant que lieu de débats, de descrip-
tion et d'échange d'expériences se déploie du côté d'une formation à l'inno-
vation, celle-ci se situant clairement dans une formation à l'œuvre collective
et à la réalisation d'écoles nouvelles.
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mêmes.
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Réussite Scolaire, fondé par Jack Lang en octobre 2000) sera actée. J'y défen-
drai, avec d'autres, l'inscription de l'innovation dans le choix d'une réalisa-
tion collective et dans la durée... « S'inscrire dans la durée doit devenir l'une
des préoccupations essentielles de la mise en innovation. C'est se donner du
temps devant soi. Dans la lutte pour l'égalité réelle, contre la fatalité de
l'échec, pour l'accès vrai à l'ensemble des savoirs individuels et communs.
C'est donc d'obtenir de l'Éducation nationale et de la société cette reconnais-
sance du devoir d'innovation. Ou au moins qu'on ne l'entrave pas, directe-
ment ou indirectement. Les innovateurs ont besoin de cette mise en réalité et
de cette durée, de cette perspective, de cette confiance. C'est une des condi-
tions premières »4 .
Après la fin du CNIRS, une journée de débats est organisée à Vitruve en mars
2003 « Survenir, survenir ! Parce que nous pensons, malgré ces temps deve-
nus difficiles, que notre réalité vaut bien le détour. Cette expérience qui a de
l'expérience, comme on dit, mérite qu'on revienne dessus. Mais surtout qu'on
s'attarde un peu, avec d'autres, sur ce que peut être l'avenir des pédagogies
différentes dans le cadre mûrement choisi d'un service public d'éducation. »
Cette manifestation marque clairement la volonté de l'école de s'orienter vers
l'échange, l'aide et la confrontation avec d'autres expériences en cours ou
naissantes, dans les écoles, collèges, lycées... et fait suite aux diverses tenta-
tives de fédérer différents groupes ou structures innovantes. La présence de
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Bouchard, P. (2001). Innovation Ecole ! De la maternelle au lycée..., Editions Au-
trement.
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« Instit dans sa classe et instit dans une école, ce n'est pas tout à fait le même
métier.
L'objectif historique du mouvement ouvrier (mouvement de l'ouvrage, de
l'œuvre) étant bien de “sortir du travail” pour accéder à l'œuvre et ne plus
perdre sa vie à la gagner, à Vitruve, le glissement ne sera pas que séman-
tique. L'objet de travail, l'objet politique c'est l'école. Le métier qui en dé-
coule est un projet de vie » 5.
L'instit à Vitruve est donc un instit qui va et doit assez rapidement aborder
l'école dans sa globalité. Il est instit de l'école. De toute l'école. Instit pour
tout le monde, voilà l'horizon : éducateur de tous ses habitants, donc de lui-
même. Tous les enfants de tous les âges le concernent, il se sent responsable
de chacun d'entre eux, de leurs apprentissages, de leurs actes, de leurs pré-
sences. Il les connaît à peu près tous et il est connu de chacun d'entre eux.
On peut pour cela extraire de l'étymologie les deux significations du verbe
“envisager” : regarder quelqu'un au visage et avoir quelque chose en vue, et
considérer ainsi qu'il envisage chacun dans l'école. Il se doit d'avoir une
profonde conscience du devenir de chaque personne qu'il va côtoyer.
L'école et les gens qui la peuplent sont son horizon et la matière de son mé-
tier.
Secundo, l'instit à Vitruve est membre d'un collectif, d'un groupe, d'une
équipe. Contrairement aux croyances, ce n'est pas le plus compliqué à réus-
5
Delbet, G. (2013). « D'ores et déjà, l'école Vitruve, lieu commun ». Le Monde Li-
bertaire, spécial éducation.
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sir. On n'est pas éteint par le groupe, au contraire. Le collectif est une possi-
bilité de plus. À saisir. Ou pas.
« Le “commun” est partie prenante de l'individu et ferment de son dévelop-
pement. On pourrait dire que le commun produit de l'individualité, un sur-
plus d'individualité »6.
Ce peut être évidemment un lieu de formation permanent et pratique. Equipe
des maîtres, le terme est galvaudée, mais en attendant il peut servir. Ce
groupe se retrouve à différentes occasions pour débattre des réalités éduca-
tives du moment, préparer et envisager actions et perspectives. Et pour cela,
une à deux fois par semaine, il fréquente les vieux moyens révolutionnaires
afin de gérer au mieux son affaire : réunions, roulement des tâches, roule-
ment des paroles, coordination tournante, secrétariat, préparation de repas ou
d'intervention, autogestion et digestion.
Une troisième facette du métier d'instit vitruvien, à mes yeux la plus fonda-
mentale et sans doute la moins connue et la plus compliquée à vivre, me
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semble être la capacité d'arriver à travailler quotidiennement en duo ou en
trio avec d'autres instits au service de groupes d'enfants plus ou moins impor-
tants (trente, cinquante, davantage). Accepter d'enseigner en présence de
quelqu'un à ses côtés, quelqu'un de déjà ancien dans l'équipe ou quelqu'un
de nouveau, semble être le marqueur principal de ce métier nouveau.
CONCLUSION
6
Delbet, G. (2013). « D'ores et déjà, l'école Vitruve, lieu commun ». Le Monde Li-
bertaire, spécial éducation.
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BIBLIOGRAPHIE
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Delbet, G. (à paraître).Vitruve, naissance d'une école.
Delbet, G. (2013). « D'ores et déjà, l'école Vitruve, lieu commun ». Le
Monde Libertaire, spécial éducation.
Gloton, R. (1969). À la recherche de l'école de demain. Le Groupe expéri-
mental de pédagogie active du XXe arrondissement de Paris, Paris : Colin-
Bourrelier.
RÉSUMÉ
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