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PATRICK N ÉE *
* Université de Poitiers.
1. Les Vases communicants (1931), Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », éd. Marguerite Bonnet et alii, t. II, 1992, p. 207-208.
2. Les Vases communicants, op. cit., p. 208 ; on doit à Goethe l’idée du primat du symbole sur
l’allégorie, qui ouvre à la théorie romantique sa voie, que perpétue André Breton.
3. Id. ; on se rappelle l’énonciation finale du « Reniement de Saint Pierre » : « — Certes, je
sortirai, quant à moi, satisfait / D’un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve » ; Baudelaire,
Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », éd. Claude Pichois, t. I,
1975, p. 122.
9. L’ouvrage fondamental sur l’allégorèse médiévale est celui du Père Henri de Lubac,
Exégèse médiévale. Les quatre sens de l’Écriture, 4 tomes, Paris, Aubier, 1959-1964, rappelant
que, pour la pensée médiévale, l’Écriture, « première en tout », était « quasi totus eruditionis
fons » (t. I, p. 79). Sur les quatre sens stabilisés dans l’allégorèse médiévale (historia, allegoria,
tropologia, anagogia), voir G. Didi-Huberman, Fra Angelico, dissemblance et figuration, Paris,
Flammarion, « Idées et recherches », 1990, rééd ». Champs », 1995, p. 64-68.
10. Ainsi, dans Les Vases communicants, cette parole prêtée par Breton à Engels : « La cau-
salité ne peut être comprise qu’en liaison avec la catégorie du hasard objectif, forme de manifes-
tation de la nécessité » (OC II, op. cit., p. 168), dont Marguerite Bonnet montre, dans sa
« Notice » (OC II, op. cit., p. 1364 ; voir aussi note 2 de la page 690, p. 1712), qu’elle se rap-
proche d’une lettre de Engels à Hans Starkenburg du 25 janvier 1894 (« Le hasard est l’accom-
plissement et la forme de manifestation de la nécessité ») ; lettre souvent citée, dit-elle, par les
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 19/08/2020 sur www.cairn.info (IP: 69.243.156.54)
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T Y P O L O G IE
Tour Saint-Jacques sous son voile pâle d’échafaudages qui […] contribue
à en faire plus encore le grand monument du monde à l’irrévélé »37.
On reconnaîtra enfin dans le symbole bretonien du miroir un emblème
typologique : dans Position politique du surréalisme (et plus précisément
dans une interview donnée lors du voyage aux Canaries de mai 1935
— celui-là même qu’exalte le chapitre V de L’Amour fou), Breton voit
« l’aiguisement des sens de l’artiste » comme « ce qui lui permet aussi de
révéler à la conscience collective ce qui doit être et ce qui sera. L’œuvre
d’art n’est valable qu’autant que passent en elle les reflets tremblants du
futur »38. Et c’est cette même structure réfléchissante (bien éloignée de la
« théorie du reflet » qui stérilisera l’art stalinien) qui élit, en « l’hélio-
trope » admirée au Quai aux fleurs de la nuit du Tournesol (et prenant le
relais de l’animation de la Tour Saint-Jacques) la fleur qui « penche sur
les miroirs ronds et noirs du terreau mouillé »39 : où s’entend, dans le
déploiement en écho de la matrice phonique [RWAR] en [R+WAR] formant
homéotéleute, comme l’harmonie imitative d’un reflet. Les conditions
sont ici réunies pour faire de l’emblème même de cette « Nuit » une Fleur
du bien sur le plan éthico-poétique (en retournement de Baudelaire) ; et
l’arrachant à cette malédiction que, dans le champ des « fleurs de rhéto-
rique », représentait précisément pour Baudelaire celle de l’allégorie,
Breton peut la retourner, nouveau soleil du sens, en fleur-type40.
S’impose alors à la lecture le caractère proliférant de la contamination
typologique (qui se voudra toujours — mais y parviendra-t-elle vraiment ?
— de nature non pas métaphorique in verbis, mais métonymique in facto),
sur le mode d’appels intertextuels explicites (en particulier entre L’Amour
fou et Les Vases communicants). Soient les deux ondines, et le motif des
deux grillons qui leur est curieusement entrelacé, rappelés au finale réca-
pitulatif du chapitre IV (qu’une seule phrase, mais capitale puisqu’elle
annonce le mariage des amants, sépare de la fin proprement dite) :
L’ A LL É G O RIE B A U D E L A IRIE N N E R E N V E R S É E
65. Ibid., p. 721 ; une seconde démarcation, clôturant le moment de l’exégèse, aura lieu
p. 733.
66. Ibid., p. 713.
67. Ibid., p. 713-714.
68. Ibid., p. 715.
69. Ibid., p. 729.
70. Ibid., p. 715.
71. Les Vases communicants, I, OC II, op. cit., p. 111.
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91. Le « Projet II » a, lui, été publié pour la première fois par Eugène Crépet dans les Œuvres
posthumes, 1887 (note de Cl. Pichois, ibid., p. 1175).
92. Baudelaire, « Projets d’un épilogue pour l’édition de 1861 », « II », OC I, op. cit., p. 192.
93. Id. ; je souligne.
94. Les Vases communicants, III, OC II, op. cit., p. 206.
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PO UR C O N CLURE
100. Les Vases communicants, I, OC II, op. cit., p. 103. On connaît également la découpe de
la porte de la Galerie Gradiva, que tint Breton en 1937 : Marcel Duchamp avait silhouetté, dans
le verre, le couple mythique de Jensen, de sorte que les visiteurs, franchissant la porte, entraient
littéralement « dans leurs “fantômes” ».
101. Ibid., p. 131.
102. La Clé des champs, J.-J. Pauvert, 1967, rééd. UGE/10-18, p. 37-42.
103. La citation finale (de Hugo) paraît dans ce contexte révélatrice : « Une bouche voulant
boire un peu d’eau qui fuit, / Fût-ce au creux de la main fatale de la nuit » : image létale d’in-
corporation de l’eau de la mère-nuit, de « l’eau qui fuit » — aveu contre-solaire de demande à
tous prix, et du sein même du non-amour (ibid., p. 42).
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109. Les Vases communicants, II, OC II, op. cit., p. 167-168. Regard venu de l’extérieur que
celui de J.-P. Samson, mais non rejeté par Breton, au double titre de l’ancienne amitié du Collège
Chaptal, et du statut de déserteur (en 1917) de Samson passé en Suisse.
110. « Visite à Léon Trotsky » (1938), in La Clé des champs, op. cit., p. 78-79.
111. L’Amour fou, IV, OC II, op. cit., p. 720 ; je souligne.
112. Y. Bonnefoy, Breton à l’avant de soi, op. cit., p. 17.
113. Le rapprochement avec Dante n’est pas si fortuit qu’il y paraît : introduisant à la liste de
ceux qui, à la manière des Sibylles ou des Prophètes, ont préfiguré le surréalisme, le Manifeste
de 1924 envisage tout d’abord « bon nombre de poètes pouv[ant] passer pour surréalistes, à com-
mencer par Dante »… ; in Manifeste du surréalisme, OC I, op. cit., p. 328.
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Certes, dira-t-on, c’est bien toujours dans l’après-coup que se joue la cor-
respondance typologique (Jésus reprenant Josué) ; mais dans le cas des
damnés de Dante, ou de Breton l’élu du surréel, l’après-coup c’est (si l’on
ose dire) le coup lui-même. Si l’on reprend la thèse originale de Singleton
sur Dante114 (dont on a pu dire qu’elle renversait celle d’Auerbach dans
Figura115), Dante regarderait l’état des âmes (pris pour état littéral post
mortem) comme figure de leur vie terrestre ante mortem (prise pour état
allégorique) ; il s’agirait moins dans ce cas de pré-figuration que de post-
figuration116 — ou plus exactement, d’un double mouvement figuratif,
prospectif autant que rétrospectif117 : Dante alors voulant imiter l’écriture
même de Dieu, en transposant la typologie de l’Exode dans le voyage de
sa Comédie118. De la même façon, ne pourrait-on pas penser que Breton se
met en position, non pas d’un Saint Paul premier exégète des Écritures
(qui lui restent préalables, ne faisant qu’établir entre elles le premier rap-
port typologique), mais du Christ, réalisant dans la marche même de son
Incarnation l’Écriture sainte119 ?
L’on se prend même à rêver — puisqu’on en est au chapitre des sup-
positions les plus hérétiques — à un fantasme religieux plus radical
encore : non plus un Breton imaginé à la place de la Seconde Personne de
la Trinité — mais de la Troisième. La suggestion provient de Pleine
Marge, le grand poème de 1940 : parmi bien d’autres intercesseurs il est
vrai, Breton y invoque la figure de Joachim de Flore, ce cistercien du
XIIe siècle dont l’Évangile éternel annonçait que, comme l’Ancien
Testament du Père figurait le Nouveau Testament du Fils, celui-ci à son
tour ne ferait que préfigurer un nouvel Évangile assurant le règne du
Saint-Esprit ; et l’on a la surprise de constater que, « mené par les anges
terribles / Qui à certaines heures aujourd’hui rabattent encore leurs ailes
sur les faubourgs », c’est à une réécriture de plus des Tableaux parisiens
que convie le mystique millénariste calabrais, appelant au salut de la civi-
lisation urbaine qui est la nôtre : « Où les cheminées fusent » (et non pas
fument), « invitant à une résolution plus proche dans la tendresse / Que les
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