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LE TRAITE de TROYES1 (21 Mai 1420).

Charles, par la grâce de Dieu, Roy de Prance, à perpétuele memoire....

Premièrement, que, pour ce que, par l’aliance du mariage fait, pour le bien de ladicte paix, entre nostredit
filz, le Roy Henry et nostre très chière et très amée fille, Katherine, il est devenu nostre f ilz et de notre très
chière et très amée cornpaigne, la Royne, ycellui nostre filz nous aura et honnourera et nostre dicte
compaigne comme père et mère, et ainsi comme il appartient honnourer telz et si grans prince et princesse et
devant toutes personnes temporelles du monde.
Item, que nostre dit filz, 1e Roy Henry, ne nous turbera, inquietera, ou empeschera que nous ne
tenions et possedions, tant que nous vivrons, ainsi que nous tenons et possedons de présent, la couronne et
dignité royal de France....
Item, est accordé que nostredicte fille Katherine aura et prenra, ou royaume d‘Angleterre, douaire,
ainsi que les Roynes d’Angleterre ont, ou temps passé, accoustumé d’avoir et percevoir ; c’est assavoir, par
chascun an, la somme de quarante mil escuz, desquel les deux vallent tousjours un noble d'Angleterre...
Item est accordé que, tantost après nostre trespas et dès lors en avant, la couronne et royaume de
France, avecques tous leurs droiz et appartenances, demourront et seront perpétuelement de nostre filz le Roy
Henry et de ses hoirs.
Item, que, pour ce que nous sommes tenuz et empeschez le plus du temps par celle manière que nous
ne povons en nostre personne entendre ou vaquer à la disposicion des besongnes de nostre royaume, la
faculté et exercice de gouverner et ordonner la chose publique dudit royaume seront et demourront, nostre
vie durant, à nostre dit filz le Roy Henry, avecques le conseil des nobles et saiges à nous obeissans...
Item, afin que nostredit filz puisse faire exercer et accomplir les choses dessusdictes plus
prouffitablement, seurement et franchernent, il est accordé que les grans seigneurs, barons et nobles, et les
estas dudit royaume, tant spirituelz que temporelz, et aussi les citez et notables cornmunitez, les citoiens et
bourgeois des villes dudit royaume à nous obeissans pour le temps, feront les seremens qui s’ensuivent :
Premierement à nostredit filz le Roy Henry, aiant la faculté et exercice de disposer et gouverner
ladicte chose publique...
Item, que continuellement, dès nostre trespas et après icellui, ilz seront féaulz hommes liges à nostredit filz et
de ses hoirs, et icellui nostre filz pour leur seigneur lige et souverain et vray Roy de France, sans aucune
opposicion, contradiction ou difficulté, recevront et comme à tel obéiront, et que, après ces choses, jamais
n’obeiront à autre que à nous, comme à Roy ou Regent le royaume de France, se non à nostredit filz le roy
Henry et à ses hoirs...
Item, est accordé que nostredit filz, le Roy Henry, de son povoir, se parforcera et fera que aux
personnes à nous obeissans et favourisans la partie devant dicte, que on appelle de Bourgongne, ausquelles
appartenoient seignouries, terres, revenues, ou possessions en ladicte duchié de Normandie, ou autre lieux ou
royaume de France, par icellui nostre filz, 1e Roy Henry, conquises, jà pieçà par lui données, sera faicte, sans
dimucion de la couronne de France recompansacion par nous, ès lieux et terres acquises, ou à acquérir en
nostre nom sur les rebelles et desobeissans à nous...
Item, est accordé que nous, durant notre vie, nommerons, appellerons et escrirons nostredit filz, le
Roy Henry, en langue françoise, par ceste manière : « Nostre très chier filz, Henry, Roy d’Angleterre, héritier
de France”, et, en langue latine, par cette manière : « Noster precarissimus filius, Henricus, Rex Anglie, heres
Francie »
Item, il est accordé que nostredit filz, le Roy Henry, avecques le conseil de nostre très chier filz,
Phelippe, duc de Bourgoigne, et des autres nobles du royaume, qu’il convendra et appartendra pour ce estre
appellez, pourverra pour le gouvernement de nostre personne sourement, convenablement et honnestement,
selon l’exigence de nostre estat et dignité royal, par telle manière que ce sera l’onneur de Dieu et de nous, et
aussi du royaume de France et des subgez d’icellui...
Item, considéré les orribles et énormes crimes et deliz perpetrez oudit royaume de France par
Charles, soy disant Daulphin de Vienneis, il est accordé que nous, ne nostredit filz, le Roy Henry, ne aussi
nostre chier filz, Phelippe, duc de Bourgoigne ne traicterons aucunement de paix ou de concorde avecques

1 Extraits du traité (E. Cosneau, Les grands traités de la Guerre de Cent ans, p. 100 et suiv. ; dans Coll. de textes pour
l’enseignement de l’Histoire. Paris, Picard, 1889).

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ledit Charles, ne ferons ou ferons traictier, se non du conseil et assentement de tous et chascun de nous trois
et des trois estas des deux royaumes desusdiz.
Item, est accordé que nous, sur les choses dessusdictes et chacune d’icelles, oultre noz lectres
patentes seelées de nostre grant seel, donrons et ferons donner et faire à nostredit filz, le Roy Henry, lectres
patentes approbatoires et confirmatoires de notredicte compaigne, de nostredit filz, Phelippe, duc de
Bourgoigne, et des autres de nostre sang royal, des grans seigneurs, barons, citez et villes à nous obeissans,
desquels, en ceste partie, nostredit filz, le Roy Henry, vouldra avoir lectres de nous.
....Toutes lesquelles et chacunes choses dessus escriptez, nous, Charles, Roy de France, dessusdit,
pour nous et noz hoirs, en tant que pourra toucher nous et nosdis hoirs, sans dol, fraude ou malengin, avons
promis et promectons, juré et jurons en parole de Roy, aux sainctes Evangiles de Dieu par nous corporelment
touchées, faire, accomplir et observer, et que icelles ferons par nos subgiez accomplir et observer et aussi que
nous, ne noz heritier, ne venrons jamais au contraire des choses dessusdictes ou d’aucunes d’icelles en
quelque manière, en jugement ou hors jugement, directement ou par oblique,... Et, afin que ces choses soient
fermes et estables perpetuelment et à tousjours, nous avons fait mectre nostre seel à ces présentes lectres.
Donné à Troyes, le XXIe jour du mois de may, l'an mil quatre cens et vint, et de nostre règne, le
quarentiesme....

COMMENTAIRE

Ce texte contient quelques extraits du traité de Troyes signé entre Charles VI et Henri V le 21 mai
1420.

Ce traité se situe dans la seconde partie de la guerre de Cent ans. La première partie avait
essentiellement le caractère d'une querelle féodale : le roi d'Angleterre vassal du roi de France pour la
Guyenne voulait se libérer de ce lien féodal qui lui valait toute sorte de difficultés et d'humiliations. La
revendication de la couronne de France ne fut qu'un appoint accessoire dans cette lutte. Edouard III finit par
avoir satisfaction au traité de Brétigny en 1360 avec la constitution d'une grande Aquitaine souveraine.

La deuxième partie de la guerre virtuellement ouverte avec l'avènement en Angleterre des Lancastre
(1399) eut paradoxalement le caractère d'une querelle dynastique, alors que les droits d'Henri IV Lancastre à
l'héritage de la couronne de France étaient beaucoup plus douteux que ceux d'Edouard III, dont il n'était pas
l'héritier le plus direct. En fait, il s'agissait surtout d'une guerre de conquête en vue de butin et de rançons,
perspective où s'inscrivait facilement la conquête même de la couronne. Le traité de Troyes liquide cette
deuxième phase de la lutte.

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Les hostilités avaient repris après une trêve d'une vingtaine d'années. Henri V avait été vainqueur à
Azincourt, le 25 octobre 1415. Il avait ensuite négocié avec les deux partis qui se disputaient le pouvoir :
celui des Armagnacs qui soutenaient le Dauphin Charles, celui des Bourguignons qui soutenaient Jean sans
Peur. En 1417, Henri V avait repris l'offensive mais cette fois pour une conquête méthodique de la
Normandie. Rouen se rendit en janvier 1419. Le meurtre de Jean sans Peur (10 septembre 1419) accrut les
chances d'Henri V en rejetant de son côté le chef du parti bourguignon Philippe le Bon. Un traité d'alliance
fut conclu à Rouen le 25 décembre 1419 entre les deux princes unis contre le Dauphin. Depuis le 29 mai
1418, les Bourguignons contrôlaient Paris et donc le roi ; depuis novembre 1417, la reine Isabeau, qui avait
été exilée par le Dauphin pour son inconduite, avait été enlevée par le duc de Bourgogne Jean sans Peur.
Exhumant une délégation temporaire de pouvoirs que le roi lui avait donnée en avril 1403, Isabeau réclama
pour elle « le gouvernement et administration » de la France et établit le siège de ce gouvernement fantôme à
Troyes.
La conjonction de toutes ces haines et la libre circulation du roi permirent de conclure le traité de
Troyes. L'idée générale du traité est qu'Henri V épouse la fille de Charles VII, Catherine de France,
moyennant quoi il reçoit la régence du royaume et la promesse de succession après la mort de Charles VI, les
deux monarchies devant désormais être unies par une union personnelle.

Les personnages

Charles VI de la dynastie des Valois monté sur le trône en 1380, mort en 1422. Depuis 1392, il est
frappé d'un mal implacable, non par une démence proprement dite qui entraîne un affaiblissement ou une
abolition entière de l'intelligence, mais une sorte de manie furieuse sujette à des accès séparés par des
périodes plus ou moins longues de lucidité. La folie du roi ainsi d'ailleurs qu'une évolution politique générale
dans les principales monarchies d'Occident permirent aux princes, en particulier aux princes apanagés, de se
disputer le pouvoir.
Il y a dans le texte plusieurs allusions à l'incapacité où se trouve le roi d'exercer lui-même le
gouvernement – art. 7 et a 27 – où il est dit que le roi Henri pourvoira au gouvernement de la personne
royale.

Henri V (1413-1422) était le deuxième roi de la dynastie Lancastre qui avait elle-même succédé à la
dynastie angevine. Monté sur le trône en 1413, animé d'une volonté de reprendre les hostilités contre le
royaume de France, il était célibataire et un parti fort recherché. Il reçut ainsi des offres du roi du Portugal,
du roi d'Aragon, de Jean sans Peur lui-même. En vain, son choix était fait : il voulait épouser une fille de
Charles VI, Catherine, pour affermir ses droits à la couronne de France fort douteux.

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Henri V a été exalté très haut par les historiens en particulier par les historiens anglais pour avoir
réussi l'union des deux monarchies les plus puissantes de l'Occident. Il ne faut pas exagérer. C'était un bon
capitaine et un excellent administrateur, un politique sans scrupule en dépit de ses sentiments religieux très
affichés. Il est bien de l'époque des tyrans italiens et de Louis XI. Sa chance exceptionnelle, ce fut de
rencontrer en face de lui que des fantoches.

Charles VI avait épousé Isabeau de Bavière en1385, mariage voulu par son oncle Philippe le Hardi.
Elle donna douze enfants au roi, mais se révéla très vite comme frivole, affamée de luxe et de plaisirs et
enfin sombrant dans la débauche. Parmi tous ses amants, on cite le duc d'Orléans, frère du roi. Elle mourut
après le roi en 1435.

Catherine de France était le dixième enfant de Charles VI et d'Isabeau née en 1401. Elle allait
devenir grâce à son mariage avec Henri V à la suite du traité de Troyes (2 juin 1420) reine d'Angleterre et
héritière de France. Pas pour longtemps puisqu'Henri V mourut le 31 août 1422 avant Charles VI qui
s'éteignit enfin le 21 octobre de la même année. Elle mourut en 1438.

Le Dauphin Charles, comte de Ponthieu, né en 1403, fut le onzième enfant du couple royal. Ce rang
aurait dû l'empêcher de régner, mais la plupart de ses aînés moururent jeunes, certains en bas âge, les deux
survivants le Dauphin Louis, puis le Dauphin Charles moururent en 1415 et 1417 âgés d'une vingtaine
d'années. Il devint donc Dauphin en 1417.
Ce titre de Dauphin avait été porté par les seigneurs de certaines principautés : Dauphin du Viennois,
Dauphin d'Auvergne. Mais à partir de Philippe VI de Valois, il devient le titre donné au fils aîné des rois de
France, à cause de la réunion du Dauphiné à la couronne, le dernier seigneur du Dauphiné Humbert III, en
1343, ayant mis pour condition de la cession de sa seigneurie que le fils aîné du roi serait ainsi nommé.
L'expression « soi disant Dauphin de Viennois » fait surgir le problème de la légitimité de Charles. Sa mère
elle-même Isabeau le déclara bâtard, produit de l'adultère, tout en tenant caché le nom du père : peut être est-
ce une vengeance pour l'exil que son fils lui a imposé en 1417. En tout cas, le prince doutera de lui-même. Et
un aspect du rôle de Jeanne d'Arc fut précisément de le rassurer : « Je te dis de la part de Messire que tu es
vray héritier de France et fils de roi ».
Il était inévitable que le Dauphin fût entraîné dans l'une des factions qui se disputaient le pouvoir. Il
faut bien voir le sens de ces factions. Il ne s'agit plus de guerre féodales où des seigneurs supportant mal les
empiètements du pouvoir royal se liguent contre lui comme aux XIIe et XIIIe siècles. Il s'agit de faction
princières : des princes véritables monarques dans leurs domaines ou apanages cherchent à contrôler l'Etat
pour assurer leur fortune. La minorité du jeune Charles VI et plus tard sa folie avaient encore favorisé
l'éclosion de ces ambitions. Deux clans s'étaient constitués l'un autour du duc d'Orléans frère du roi, l'autre
autour du duc de Bourgogne Philippe le Hardi. Ces deux clans s'étaient perpétués malgré la disparition des
chefs. Louis d'Orléans assassiné en 1407 fut remplacé par Bernard d'Armagnac beau-père du jeune duc
d'Orléans Charles. Bernard d'Armagnac, devenu connétable en 1415, fut assassiné en 1418 lors de la reprise
de Paris par les Bourguignons. A la tête de l'autre parti s'étaient succédés Philippe le Hardi + 1404, puis Jean
sans Peur assassiné en 1419, puis Philippe le Bon.
Le Dauphin Charles – qui ne portait ce titre que depuis 1417 – se rallia à la cause des Armagnacs
tandis que son frère, le Dauphin Jean, s'était montré favorable au parti des Bourguignons.
Après la prise de Paris par les Bourguignons en 1418, Charles se réfugia à Bourges où il organisa la
résistance. Il réussit à maintenir dans son obéissance le Languedoc et contrôlait ainsi toute la France du
centre et du sud à l'exception de la Guyenne anglaise.

Philippe, duc de Bourgogne, né en 1396, mort en 1467. C'est Philippe le Bon qui a succédé à son
père Jean sans Peur assassiné au pont de Montereau en 10 septembre 1419. Il est marié à Michelle de France,
une des filles de Charles VII. Il possède dans les limites du royaume : la Bourgogne, duché et comté, les
comptés de Rethel, Nevers, Charolais, la Flandre et l'Artois plus le Boulonnais et la ville de Tournai. Dans
les Pays-Bas d'Empire, des annexions se préparaient à son profit grâce à la présence de princes de sa famille
ou apparentés.
Selon Perroy, Philippe le Bon, comme Jean sans Peur, fut un prince français avant tout soucieux de
contrôler le pouvoir royal en France. Mais comme il devait en même temps venger son père et abattre le

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Dauphin meurtrier force lui était de s'allier au roi d'Angleterre, avec la pensée d'ailleurs de ne le soutenir que
dans la mesure où cela était nécessaire à ses propres intérêts.

« la partie devant dicte, que on appelle de Bourgongne », parti qui s'est formé autour de Philippe le
Hardi contre la faction du duc d'Orléans. Ces deux groupes se sont perpétués même lorsque les chefs eurent
changé.

Le traité de Troyes

Le traité se conclut à Troyes. Rien d'étonnant, c'est là que la reine Isabeau tenait son gouvernement
fantôme avec son conseil particulier. Le 28 mars, Philippe le Bon est à Troyes avec Charles VI, arrivé à son
tour à Troyes le 20 avril. Le roi anglais désigne comme plénipotentiaires le comte de Warwick et l'évêque de
Rochester et ce traité est conclu le mardi 21 mai 1420.

Art. 1 – Par le mariage entre Henri V et Catherine de France, le roi d'Angleterre contracte une alliance étroite
avec la maison royale de France. Il est appelé par Charles VI « notre fils » et comme la légitimité du
Dauphin est niée, la voie de la succession lui est ouverte. Ce mariage fournit le prétexte qui couvrira la
manoeuvre... « par l’aliance du mariage fait » désigne ici non le mariage lui-même qui ne sera célébré que le
2 juin, mais la convention relative au mariage.

Art. 1-2 – Charles VI et Isabeau conservent leur titre de roi et de reine de France et seront traités comme tels
jusqu'à la mort du roi.

Art. 3 – Catherine, en qualité de reine d'Angleterre, jouira du domaine habituel des reines. Le domaine est la
dotation faite par le mari sur ses biens propres et dont la femme conserve l'usufruit même pendant son
veuvage.

400.000 écus : l'écu est une monnaie française (valant 1 l. t. ou 20 s. t.) appelée ainsi parce qu'elle porte l'écu
aux armes de France.

Le noble est une monnaie d'or anglaise représentant au droit l'image du roi portant une épée et un écu debout
dans un vaisseau et au revers une croix fleurie, cantonnée de léopards.

Art. 6 – C'est l'article politique essentiel du traité. Après la mort de Charles VI, Henri V héritera de la
couronne et du royaume de France qui après lui passeront à ses héritiers. Cet article doit être complété par
l'article 24 qui prévoit que les deux royaumes seront toujours soumis à une même personne. Cette union
personnelle perpétuelle suppose la modification du principe héréditaire puisque l'Angleterre admettait la
succession par les femmes tandis que la France la répudiait2 (loi salique). Ce serait désormais le principe
anglais qui prévaudrait.

Art. 7 – Cet article donne à Henri V la régence du royaume en raison de l'incapacité de Charles VI : « faculté
et exercice de gouverner » désigne à la fois le droit et le fait du gouvernement. Il gouvernera « avecque le
conseil des nobles et saiges à nous obeissans », cette formule ne désigne pas une institution particulière mais
caractérise l'esprit de la monarchie féodale : le roi doit respecter la coutume et gouverner par le « bon
conseil ». Il doit s'entourer des avis de ses sages et gentils hommes du royaume. La progression de l'esprit
monarchique à partir de Louis XI éliminera progressivement cette notion. Les Etats généraux en France sont
réglés uniquement par la coutume. Ils n'ont pas de périodicité fixe, ni de composition imposée, les modalités
de leur réunion peuvent changer chaque fois. Le roi les réunit quand il ne peut pas faire autrement pour son
autorité ou quand il est tenaillé par trop impérieux besoins d'argent.

Art. 13 – Pour confirmer les décisions prises, des serments seront exigés des nobles, des Etats du royaume,
2 Le principe excluant la succession féminine avait été affirmé par trois fois en 1317, en 1322 et en 1328 lors de la
mort des trois fils de Philippe le Bel : Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel, qui n'avaient laissé
que des filles. L'application la plus caractéristique fut celle qui donna le trône à Philippe VI de Valois, cousin
germain des trois rois, à l'exclusion d'Edouard III d'Angleterre, neveu de ces rois, mais par une femme.

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des villes, bref en dehors des nobles qui devront jurer personnellement de toutes les communautés. « Etats
dudit royaume », expression qui désigne les classes sociales privilégiées que le roi convoque pour demander
aux députés leur avis ou le vote de subsides.
Le contenu du serment est très significatif : après la mort de Charles VI, Henri V sera reçu comme
seigneur lige et comme souverain. Ces deux expressions désignent les deux sources principales du pouvoir
du roi : en tant que seigneur lige, il reçoit l'hommage de tous ses vassaux et un hommage préférentiel passant
par dessus tous les autres hommages ; en tant que souverain, il commande directement à tous ses sujets qu'ils
habitent une seigneurie particulière ou le domaine royal, conséquence de la renaissance de l'idée d'Etat.
Il est spécifié que personne ne pourra être reçu en qualité de roi ou de régent en dehors de Charles VI
puis après sa mort, de Charles V. Cette précision vise le Dauphin. En effet, le Dauphin avait été nommé,
c'est-à-dire s'était fait nommer par le roi lieutenant général du royaume le 6 novembre 1417, peu après
l'enlèvement de la reine Isabeau par le duc de Bourgogne. Ce titre lui conférait théoriquement les pleins
pouvoirs. Le Dauphin transforma ce titre en celui plus explicite encore de régent le 30 décembre 1418 après
la reprise de Paris par les Bourguignons en un moment où la guerre entre les factions était plus vive que
jamais. On s'aperçoit ainsi qu'au fond la délégation générale de pouvoir que Charles VI consent à Henri V
s'inscrit à la suite de plusieurs autres, il y a eu celle qui a été faite à la reine Isabeau en 1403, puis celle qui a
été faite au Dauphin en 1417 vient enfin celle de 1420.

Art. 19 – Les partisans du duc de Bourgogne qui ont été dépossédés de leurs biens dans les parties conquises
par le roi d'Angleterre recevront des compensations du roi de France aux dépends des « rebelles », terme qui
désigne évidemment les partisans du Dauphin. Le roi Henri V lui-même veillera à l'exécution de cet article.
Art. 22 – La titulature latine et française d'Henri V du vivant de Charles VI est précisée. Il est dit « héritier de
France », ce qui rejoint les articles 2 et 6.

Art. 27 – Le sort personnel de Charles VI, incapable de se gouverner lui-même, sera assuré d'une manière
convenable à la dignité royale par le roi Henri, le duc Philippe de Bourgogne et les autres nobles du
royaume. Cet article rejoint les articles 1 et 2.

Art. 29 – Charles VI, Henri V et le duc Philippe de Bourgogne prennent la décision de ne pas conclure avec
le Dauphin de paix séparée – en somme, c'est la guerre à outrance qui est déclarée.
« les orribles et énormes crimes et deliz » du Dauphin, c'est avant tout l'assassinat de Jean sans Peur au pont
de Montereau. En 1419, devant les progrès de l'invasion anglaise, les factions avaient songé à se rapprocher.
Cela pouvait être une bonne manoeuvre pour Jean sans Peur. Une première entrevue à Corbeil (juillet 1419)
donna peu de résultats. Ils se rencontrèrent à nouveau le 10 septembre sur le pont de Montereau. Au cours de
la discussion qui s'engagea, Jean sans Peur fut abattu par l'entourage du Dauphin. Le coup avait été
probablement prémédité ; il s'agissait pour les Armagnacs de venger à douze ans de distance l'assassinat de
Louis d'Orléans. En tous cas, les contemporains presque unanimes rejetèrent la responsabilité sur le Dauphin.
La guerre en question avait pour but de reprendre au Dauphin la France du centre et du sud et de
faire passer dans les faits son deshéritement.
Le consentement des trois Etats des deux royaumes sera requis pour la conclusion de la paix. On
veut rendre cette paix difficile et mûrement réfléchie. Nous avons vu plus haut ce qu'il en était des Etats
généraux de France. En Angleterre, ces Etats généraux se confondaient avec le Parlement qui votait les
subsides et imposait souvent ainsi ses conditions.
Cette interdiction de conclure une paix séparée fut enfreinte par le duc de Bourgogne lui-même qui
en 1435 par le traité d'Arras se réconcilia avec le Dauphin.

Art. 30 – Henri V pourra avoir, en plus des lettres patentes du roi, des lettres patentes confirmatoires de la
reine, des grands seigneurs, de nobles et de villes.

Diplôme : acte de portée permanente. En tête, l'invocation ; à la fin, le monogramme royal, mention des
grands officiers témoins de l'acte. Le sceau est toujours un grand sceau dit sceau de majesté appendu sur lacs
de soie.

Lettres patentes : documents moins solennels qu'un diplôme mais plus solennel qu'un mandement. Pas
d'invocation, ni de monogramme, ni de grands officiers comme témoins. Cependant, c'est un acte assez

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solennel, scellé sur lacs de soie, de cire verte ou jaune.

Mandement : détail de formulaire : mandare... Le roi s'en sert pour transmettre ses ordres administratifs,
scellé sur simple ou double queue de parchemin.

Le serment final qui suppose que l'on touche corporellement les Evangiles, idée d'un contact plus intime avec
le sacré.

Que penser du traité de Troyes ?

Jusque tout récemment, ce traité a été considéré comme le plus honteux de notre histoire. Que faut-il
en penser ?

− Ce traité violait la coutume, illégalité suprême pour les gens du Moyen Age. La coutume sanctionnée en
1318, 1322 et 1328 avait éliminé les femmes dans la successions et voilà qu'elles étaient soudaine
admises (seule base aux droits d'Henri V).
− Venant presque un siècle après le début des hostilités, ce traité violentait le sentiment national en voie de
développement. Une solution de ce genre en 1328 aurait été accueillie plus favorablement.
− Il n'en reste pas moins que ce traité qui permettait d'espérer une paix prochaine garantissant aux deux
pays leur personnalité originale fut accueillie avec joie par la partie nord du pays et notamment par les
plus hautes autorités : Parlement, Université, Etats...

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