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COURS DE
CONTENTIEUX INTERNATIONAL
Sommaire ..................................................................................................................................... 2
Introduction ................................................................................................................................. 3
PARTIE I ............................................................................................................................ 13
LES CONDITIONS D’EFFECTIVITE DU CONTENTIEUX INTERNATIONAL .... 13
CHAPITRE I. LA COMPETENCE DE LA JURIDICTION INTERNATIONALE ...................................... 15
CHAPITRE II. LES CONDITIONS DE RECEVABILITE D’UNE REQUETE........................................... 23
PARTIE I I ............................................................................................................................ 30
LES PROCEDES DE REGLEMENT DU CONTENTIEUX INTERNATIONAL .................................. 30
CHAPITRE I. LE REGLEMENT ARBITRAL ....................................................................................... 32
CHAPITRE II. LE REGLEMENT JURIDICTIONNEL .......................................................................... 40
2
INTRODUCTION
judiciaire privé ou, depuis une trentaine d’années « droit processuel ». Le droit public
publiciste que l’on retrouve dans la notion de contentieux semble donc exister de
manière relativement subtile, tout en étant une spécificité indépassable. Elle contient,
nous semble-t-il, toute la dimension du droit processuel, comme droit du procès. Mais
elle dépasse aussi cette approche et prend des caractères (insertion des recours
sur les modalités de contrôle) qui en font une véritable spécificité du droit public,
Les différences notionnelles sont bien marquées par le nom qu’elles portent.
« Droit processuel » cela renvoie au droit du procès. On perçoit ainsi une frontière de
non. Elle ne s’étend pas à d’autres formes de litiges. Le terme contentieux n’a pour sa
part pas fait l’objet de très nombreux écrits, même s’il est unanimement usité. La
alors de trouver une définition qui ne soit pas large, la plupart reprenant l’idée que le
contentieux regroupe les litiges qui peuvent naître de l’activité des administrations
publiques. Il recouvre en général le droit des litiges au sens large. On comprend par là
non seulement les litiges devant un juge, mais aussi ceux sans juge. À cet égard, la
controverse classique porte sur le point de savoir s’il faut des parties à ce litige ou non.
3
éléments terminologiques (Section I), le mouvement de juridictionnalisation du droit
thèses juridiques ou d’intérêts entre deux personnes ». Seuls les différends relevant
permettre aux États d’entrer en contact afin de résoudre le différend. Le rôle du tiers
des parties. Ce tiers se place entre les parties pour transmettre/traduire (lorsque les
parties ne parlent pas le même langage au sens propre comme au sens figuré) les
propositions d’une partie vers l’autre. Le tiers ne propose toutefois pas de solution. Le
d’aboutir à un règlement.
4
Elle n’a donc pas à être fondée en droit. Les parties peuvent accepter totalement la
Il convient de préciser que l’intervention d’un tiers peut être couplée à une
commission d’enquête : son rôle est de déterminer une question de fait et non une
des justiciables et des juridictions. En effet, comme sur le plan interne, les juridictions
droits et obligations, et à avoir une capacité processuelle pour les faire respecter. Cette
capacité est reconnue, dans le contentieux international à l’État. Ainsi que le précise
l’article 34 du SCIJ, « Seuls les États ont qualité pour se présenter devant la Cour ».
Néanmoins, les organisations internationales ainsi que les personnes privées peuvent
saisir les juridictions internationales dans les limites définies par leur statut. Cela
implique donc des personnes privées, et pas uniquement les États et les OI.
dimension internationale est le fait de connaître son origine : c’est son origine
international est le droit qui échappe à l’ordre juridique d’un État. En général, une
juridiction internationale est créée par un acte de droit international : traité (CPI,
CEDH, CIJ, CIRDI, …), résolutions (TP pour l’ex-Yougoslavie, TPI pour le Rwanda,
les parties acceptent de soumettre à la décision d’un juge ou d’un arbitre. Cependant,
ce n’est pas parce que l’on invoque un instrument international que l’on est dans le
n’empêche pas qu’un différend puisse faire l’objet d’un contentieux international
5
n’est pas non plus un élément pertinent pour caractériser l’internationalité du
contentieux.
pas l’émanation du contentieux international, comme c’est par exemple le cas de la CIJ
qui rend des avis consultatifs (on a toutefois une jurisprudence qui peut résulter de ces
avis, donc indirectement, la CIJ participe au processus de juris dictio). C’est le caractère
droit international : tel est le cas prévu par l’art 42 de la Convention CIRDI. Il n’y a
donc pas d’application du droit international dans ce cas. Le tribunal constitué par le
judiciaire ou arbitral d’un différend porté par une personne ou une entité ayant qualité
6
Le critère de la juridiction internationale est le plus important, en ce que son
internationale présente de nos jours une grande diversité. Elle pose la question de la
Tokyo… De l’accélération qui s’est produite à la fin des années 80/début des années
90, il résulte une cartographie particulière des juridictions internationales avec des
différends de l’OMC. On ne peut passer sous silence l’émergence d’un fort contentieux
Comité des droits de l’homme. C’est un organe composé d’experts indépendants qui
surveille la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(1966) par les États parties. Le rôle juridictionnel de cet organe est à adosser aux
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interétatiques par le Comité. En outre, le premier Protocole facultatif se rapportant au
qui se disent victimes d’une violation des droits reconnus dans le Pacte. L’examen des
ancienne de ces juridictions est la Cour européenne des droits de l’homme instituée
par le Conseil de l’Europe. Pour le Professeur Jean François Renucci, parmi les
mécanismes de protection des droits fondamentaux, « le système prévu par la Convention
européenne des droits de l’homme est assurément le plus abouti et très certainement le plus
efficace, car il consacre un contrôle juridictionnel effectif et direct des droits garantis ». Depuis
son premier arrêt rendu le 1er juillet 1961, la Cour EDH est restée en pôle-position dans
l’homme, après des décennies d’eurocentrisme. Elle s’accorde pour dire que la
protection juridictionnelle des droits humains en Amérique latine est marquée par son
droits de l’homme ». En effet, depuis son premier arrêt rendu en 1988, la Cour de San
Jose de Costa Rica s’est inscrite dans une dynamique qui s’est émancipée du texte
8
fondamentaux. Après des décennies de règlement politique, le Protocole portant
création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples de 1998, a ouvert la
Communauté dans le Traité signé le 28 mai 1975 à Abuja au Nigeria. Elle a pris une
dimension bien plus ambitieuse à la suite d’un Protocole adopté en 1991. Mise en place
moins d’un siècle, on est passé de la rareté à l’abondance voire le trop-plein des juridictions
implications.
abondante qui se trouve évoquée et invoquée dans les relations diplomatiques, pour
impliquant un État contre une personne privée (on a de moins en moins de contentieux
justice d’intégration, et dans le contentieux des États investisseurs qui ne traitent que
à une forme d’objectivation de la compétence internationale. Celle-ci est assise sur des
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internationale. Le consentement à la juridiction impliquant sa compétence est donné
sur une base permanente, et est de plus en plus associé à un régime conventionnel. (Si
l’on veut être membre de l’UE, il faut accepter la compétence de la CJUE. De même,
de l’OMC).
l’avis d’une juridiction internationale sur une question ne lie pas une autre juridiction
futurs du droit international ? La question n’est pas nouvelle. Elle est l’objet de débats
doctrinaux nombreux et animés depuis plus d’une décennie. Elle conserve pourtant
toute sa pertinence.
l’unité du droit international et qui, in fine, fait peser un risque de fragmentation sur
certain, faisant valoir que cette multiplication est le facteur nécessaire d’une meilleure
thèses, c’est le manque de nuance. Le manque de nuance quant aux diagnostics tout
de nuance enfin quant aux remèdes à apporter. Le contraste entre la monochromie des
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entend régir ne pouvait que nous interpeller. Et à y regarder d’un peu plus près, l’on
La probabilité du forum shopping est élevée, car les sujets de droit ne sont pas
prioritairement, afin d’éviter d’en saisir plusieurs en même temps pour traiter d’un
pourrait en ressortir non pas une complémentarité, mais une concurrence des
juridictions, car ses juges sont recrutés auprès de ces juridictions. Il y a donc une
coopération juridictionnelle, un dialogue des juges qui atténue les craintes relatives à
international est la fois vaste et qu’il implique toutes les branches du droit international
promotion des personnes privées dans une société internationale qui a été
massif des droits de l’homme et des libertés. C’est aussi le cas des entreprises
11
La première approche du contentieux international pourrait appréhender
Toutes choses égales par ailleurs, l’approche retenue pour ce cours se veut
transversale. Elle emprunte aux éléments précités tout en faisant valoir les traits
suffire à eux-mêmes.
– que nous avons chevillée au corps, c’est une question d’École et de logiciel de la
12
PARTIE I
13
L’engagement juridictionnel attribue à la juridiction le pouvoir de juger un
saisines réelles des juridictions internationales ainsi qu’aux problèmes suscités par
14
Chapitre I. La compétence de la juridiction internationale
Les États font appel à l’un ou l’autre des deux mécanismes contentieux à la
internationale saisie ne peut effectivement trancher que parce qu’elle est compétente à
cette fin. D’une manière générale, la compétence définit l’étendue des marges de
est limitée aux États membres des Nations unies. La question de la qualité pour agir
ne se pose donc pas dans le contentieux interétatique. Il n’existe pas, par ailleurs, de
tout, la compétence de la CIJ est consensuelle comme il en a été débattu plus haut.
Dans l’Affaire des Essais Nucléaires, la CIJ avait indiqué qu’elle possédait
« un pouvoir inhérent qui l’autorise à prendre toute mesure voulue, d’une part, pour faire en
sorte que, si sa compétence au fond est établie, l’exercice de cette compétence ne se révèle pas
vain, d’autre part, pour assurer le règlement régulier de tous les points en litige… ». Cette
affirmation rappelle les fondamentaux de la compétence de la CIJ (§. 1). Celle-ci repose
sur des éléments de détermination qu’il conviendra de préciser (§. 2).
§. 1. LES FONDAMENTAUX
Fondamentalement, les questions de compétence se posent devant la CIJ (et la
CJCEDEAO) dès le dépôt au greffe de l’acte introductif d’instance. C’est ce qu’il est
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convenu d’appeler l’acte de saisine (A). Le cas échéant, la Cour se prononce sur sa
A. L’acte de saisine
La compétence de la compétence est subordonnée au seul enregistrement de
l’acte introductif d’instance. Il faut ici préciser que l’acte de saisine est un document
L’article 38.2 du Règlement de la CIJ précise la nécessité d’un exposé succinct. Dans
tous les cas, au sens de l’art. 40 § 1 du Statut de la CIJ, l’acte introductif doit indiquer
au moins sommairement l’objet du différend ainsi que l’identité des parties. Selon la
CIJ, « la compétence doit s’apprécier au moment du dépôt de l’acte introductif d’instance ».
Il existe deux mécanismes par lesquels la saisine est réalisée. D’une part,
une saisine par compromis. On comprend clairement que le choix de l’une ou l’autre
peuvent se prévaloir.
régler les litiges relatifs à sa propre compétence notamment dans le silence des
textes ou en cas de contestation des États. En effet, la juridiction ne saurait faire droit
à une demande dont elle ne peut pas connaître. C’est ainsi que la juridiction doit
parties. Ainsi que l’affirment les dispositions de l’article 36 § 6 du Statut de la CIJ, « En
cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ».
l’incompétence du juge. La Cour est très fréquemment saisie de ces objections. Ce fut
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le cas de l’Affaire du Temple de Preah Vihear. Le Cambodge saisit alors la Cour
de la procédure au fond.
Elle y statue in limine litis, avant d’examiner le fond de l’affaire, sauf lorsqu’elle
concomitamment.
défendeur demande une décision avant que la procédure sur le fond se poursuive doit être
présentée dès que possible, et au plus tard trois mois après le dépôt du mémoire. Toute exception
soulevée par une partie autre que le défendeur doit être déposée dans le délai fixé pour le dépôt
Quoi qu’il en soit, les exceptions préliminaires soulevées par les États
éléments.
soit pas détournée de la fonction pour laquelle elle a été instituée. Ainsi, la CIJ est
appelée à œuvrer d’office à ce que sa procédure contentieuse soit réservée aux litiges
17
entre États et aux conflits de droit international. À ce titre, dans l’Affaire concernant
La Haye examine ex officio que le litige oppose bien deux États. Néanmoins, elle se posa
d’office la question de savoir si elle pouvait recevoir compétence pour un litige qui
portait sur une question de droit interne. Elle l’admit au titre des litiges sur les faits
réserve d’une déclaration spéciale des États parties, la saisine de la Cour africaine des
droits de l’homme peut être élargie aux individus et aux ONG : « La Cour peut permettre
d’office son incompétence si elle est saisie d’une requête individuelle par le
ressortissant d’un État qui n’a pas souscrit à la déclaration spéciale. Sur une trentaine
d’États parties au Protocole de la Cour, moins d’une dizaine ont fait cette déclaration.
en résulte que si les parties sont d’accord sur une interprétation large – même contra
Nicaragua et contre celui-ci, comme indiqué précédemment, les USA avaient émis des
traités multilatéraux, sauf si toutes les parties à ces traités sont également parties au
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différend. Tel n’était pas le cas en l’espèce. Normalement, les États-Unis ne pouvaient
pas être l’objet d’une requête sur le fondement de la Charte des Nations Unies.
Dans sa décision relative aux exceptions préliminaires soulevées par les États-
Unis, la CIJ sort de cette impasse en affirmant que les principes contenus dans la Charte
relèvent également du droit coutumier, les USA n’ayant pas prévu de limitation quant
l’argumentation juridique.
§. 1. LE CAS DE LA CPI
La compétence de la CPI ne peut être déclenchée que dans la mesure où les
crimes prévus et punis son par Statut ont été commis sur le territoire d’un État partie
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A. Compétences matérielle et personnelle
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La compétence ratione personae de la CPI est basée sur la responsabilité
pénale individuelle reconnue par tous les systèmes juridiques.
Par ailleurs, au sens de l’article 27, les chefs d’État ou de gouvernement, les
membres d’un gouvernement ou d’un parlement, les représentants élus ou les agents
quelconques de l’État sont justiciables devant la CPI. Pour ces différentes personnes
individuellement considérées, leur qualité officielle n’a aucune pertinence. En d’autres
termes, le fait d’être ou d’avoir été chef d’État et d’avoir agi au nom de cet État n’est ni
un motif d’exonération, ni même une cause d’atténuation de la responsabilité pénale.
21
§. 2. LES PARTICULARITES DE LA CJCEDEAO
A. La compétence matérielle
La CEDEAO est d’abord et logiquement une Organisation de coopération
Cette compétence s’est étendue aux cas de violations des droits de l’homme
2005. Depuis décembre 2009, plus de 85% du contentieux communautaire sont liés aux
B. La compétence personnelle
Initialement la compétence ratione personae de la Cour était quasi
exclusivement étatique. En effet, les différends dont la Cour pouvait être saisie étaient
censés surgir entre les États membres ou entre ces derniers et les institutions de la
individus. La possibilité d’ester devant la Cour par voie de requête couvre tous les
actes faisant grief ainsi que toute allégation de violations des droits de l’homme.
22
Chapitre II. Les conditions de recevabilité d’une requête
Tout comme le mot « compétence », la recevabilité est utilisée dans des sens
recevabilité, c’est à dire aux éléments auxquels est subordonnée la demande pour faire
en application du droit et cette dernière doit être à même d’y mettre fin par une
décision obligatoire. Il n’en demeure pas moins que, dans le contentieux international
pouvoir de juger (Section I). Mais, une fois la juridiction internationale rassurée de la
recevabilité de la requête au regard de la mission qui lui a été confiée, se posent en aval
23
§. 1. L’EXISTENCE DE PROCEDURES CONCURRENTES
Les précisions faites plus haut autorisent à aller identifier les exceptions
d’irrecevabilités qui appellent des développements substantiels. C’est le cas des
exceptions dites de litispendance (A) et du principe de complémentarité de la Cour
pénale internationale (B).
A. Les exceptions de litispendance
l’identité de parties, d’objet et de cause dans les procès interne et international. Cette
MOX du 3 décembre 2001, il arrive régulièrement que les trois conditions cumulatives
absolu.
dépens des procédures qu’elle organise, à moins que ce recours ne permette pas
24
recours parallèle peut aussi être soulevée devant la CIJ comme ce fut le cas dans
l’Affaire Ambatielos.
national, dûment fondé sur une disposition de l’engagement juridictionnel, peut être
Dans tous les cas, conformément aux dispositions du Statut de la CPI, même
si un crime relevant de la compétence de la Cour a été commis dans les conditions déjà
précisées, ils ne sont justiciables devant elle qu’à la condition que les États n’aient pas
eu la volonté ou la capacité de le juger de manière satisfaisante. La complémentarité
est donc un filtre. C’est une condition de recevabilité des situations et affaires devant
la CPI.
25
Il en est ainsi lorsque l’État fait valoir que des atteintes ont été portées à un de ses
ressortissants (personne physique ou morale), lequel en a subi un dommage.
L’idée qui veut que la règle de l’épuisement des recours internes s’applique
aux recours étatiques relatifs aux règles internationales sur le traitement des étrangers
mérite d’être précisée. En effet, lorsqu’un État agit pour des atteintes portées à ses
agents, y compris sur un territoire étranger, le principe de l’épuisement des recours
internes n’est généralement pas applicable. Que l’action soit introduite au profit
d’agents ayant sa nationalité n’y change rien.
B. Portée du principe
En premier lieu, seuls les recours utiles doivent être épuisés. Il s’agit de ceux
qui peuvent aboutir au redressement effectif du comportement contraire au droit
international. Seuls ces recours doivent être mis en œuvre par le sujet interne. Dans
cette optique, la Cour européenne des droits de l’Homme a pu juger que : une fois
l’arrêt de condamnation prononcé, le particulier n’a pas à épuiser les recours internes
relatifs à l’obtention de la satisfaction équitable sur le fondement de l’article 41 de la
Convention EDH.
26
Il en va de même si le recours n’est pas introduit dans le respect des formes et des
délais prévus par le droit national.
27
B. L’abus de procédure
L’irrecevabilité des procédures abusives est admise même sans texte. Elle
relève des principes généraux du procès international.
Le contrôle de la recevabilité s’opère d’abord sur les moyens des parties. Tel
moyen peut être irrecevable alors même que les autres et les conclusions seraient
recevables. Il suffit de penser aux moyens de fond dans une action en nullité d’une
sentence arbitrale comportant également des moyens de légalité. Il en va de même de
tout moyen qui inviterait la juridiction à exercer un pouvoir dont elle n’est pas investie.
Ce peut être le cas lorsque la CIJ, en toute hypothèse, est saisie d’un moyen tiré de
l’illégalité d’une décision du Conseil de sécurité de l’ONU.
Par ailleurs, si l’action n’est pas irrecevable dans son ensemble, les conclusions
présentées par les parties, à titre principal ou incident, n’en sont pas pour autant
recevables. Ainsi, la juridiction peut constater l’irrecevabilité de certaines conclusions
seulement. Lorsque les conclusions sont conditionnelles – et notamment subsidiaires
– la juridiction n’en appréciera en principe la recevabilité qu’après avoir rejeté les
conclusions principales. Mais réciproquement, le constat de l’irrecevabilité des
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conclusions principales n’entraine pas ipso jure l’irrecevabilité des conclusions
subsidiaires.
Dans l’affaire du Mandat d’arrêt, la CIJ a refusé de faire droit à des conclusions
du Congo qui l’invitaient à se prononcer sur les droits des tiers à l’instance alors que
leur bien-fondé ne pouvait pas faire de doute au regard des motifs retenus sur les
autres conclusions. Il faut observer qu’il ne s’agit pas véritablement d’une question de
recevabilité de la conclusion.
B. Les moyens inopérants
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PARTIE II
30
Tous les systèmes juridiques connaissent la distinction entre justice non
types de règlements des différends. Historiquement, suivant une préférence des États
31
Chapitre I. Le règlement arbitral
pour objet le règlement des litiges entre les États par des juges de leur choix et sur la base du
respect du droit. ».
d’arbitrage facultatif, ad hoc (§. 1). Indépendamment de la survenance tout litige, les
§. 1. L’ARBITRAGE FACULTATIF
Il repose sur la nécessité d’un compromis (A) auquel des variables peuvent
s’exprime par voie de traité. C’est donc un compromis puisqu’il est basé sur la
rencontre de volontés. Logiquement, ce compromis obéit au droit des traités tel qu’il
32
Conclu après le déclenchement du différend, le compromis peut renvoyer
également vers un règlement arbitral déjà existant. Tel peut être le cas du Règlement
international (CNUDCI), avec des possibilités d’effectuer des modulations qui leur
seront propres.
arbitral qui n’a jamais été mis en place. Il aurait pu servir de modèle préétabli auquel
les États de la Communauté pouvaient avoir recours, sur renvoi des compromis
d’arbitrage.
B. Le contenu du compromis
Les parties fixent librement le contenu du compromis. On y trouvera la
hoc, les pouvoirs de ces derniers, les règles de procédure et éventuellement le droit
applicable.
permettent de faire le tour des questions qui doivent être abordées par le compromis.
§. 2. L’ARBITRAGE OBLIGATOIRE
Formes d’engagement (A) et champ et modalités d’application (B).
A. Modalités
L’engagement obligatoire autorise le déclenchement unilatéral de la
d’arbitrage contenu dans un traité dont l’objet est autre que le règlement des
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différends. Cette clause appartient en général à la catégorie des clauses finales du traité
La clause est dite spéciale si elle prévoit le recours à l’arbitrage pour les seuls
sont souvent insérées dans les traités bilatéraux – pratique moins courante dans les
de relation de voisinage.
La clause compromissoire est dite générale lorsqu’elle vise tous les différends
susceptibles de naître du fait du traité qui la contient. On retrouve souvent dans les
la CNUDCI ou la CIRDI. Il arrive également qu’un seul traité comporte les deux types
d’engagements.
différends. Alors que la clause compromissoire est l’accessoire du traité auquel elle
B. Portée juridique
C’est le consensualisme qui définit le champ de l’arbitrabilité d’un conflit. En
Il n’en demeure pas moins que la plupart des engagements limitent l’arbitrage
aux conflits juridiques, au sens d’un désaccord sur un point de droit. Pour atténuer la
subjectivité de la formule elliptique des conflits juridiques, les États procèdent souvent
34
à une énumération non exhaustive des questions susceptibles d’être réglées. On
précisera par ailleurs que l’engagement d’arbitrage peut être assorti de réserves.
certains États. Parfois, les traités prévoient qu’il peut être fait appel à des tiers pour
La CIJ peut être sollicitée aux fins d’avis consultatif destiné à clarifier
constitution de l’organe arbitral ne fut possible que grâce à l’intervention de la CIJ, sur
saisine de la Grèce.
Il est désormais établi que tous les textes sur l’arbitrage reconnaissent la
d’exprimer leur consentement quant à l’intervention d’un tiers dont le rôle est d’en
faciliter la mise en place. Il s’agit d’une démarche globale portant sur la constitution
§. 1. L’ORGANE ARBITRAL
A. Structure
35
En premier lieu, la formule de l’arbitre unique a été jadis beaucoup
pratiquée. Elle se manifestait par exemple par l’arbitre-chef d’État, consacré par
d’un arbitre unique parmi les experts (cas des experts de la Cour permanente
En deuxième lieu, l’arbitrage peut être rendu par une Commission mixte
dont on retrouve les fondements lointains dans le Traité Jay de 1794 entre les USA et
« surarbitre » ressortissant d’un État tiers de départager autant que de besoin les
collégial de trois à cinq membres. Selon les options retenues, il peut y avoir, sur cinq
membres, deux nationaux de chaque côté et un arbitre neutre ou encore trois neutres
et un national de part et d’autre. Il semble que cette formule est en plein essor présente
B. Pouvoirs
les parties sur l’étendue de sa compétence, par une décision avant dire droit.
international positif même s’il y a un doute quant à la mobilisation d’un droit national.
36
En l’absence d’une solution conventionnelle ou d’une coutume pertinente, il fera appel
Enfin, dans certains cas, le tribunal arbitral reçoit expressément des pouvoirs
conciliation obligatoire.
et bono, c’est-à-dire en toute équité. Il en est ainsi en cas de lacune du droit positif.
judiciaire.
§. 2. LA SENTENCE ARBITRALE
peut être utile d’évoquer les voies de recours offertes aux parties (B).
A. L’opposabilité de la sentence
Comme tout acte juridictionnel, la sentence arbitrale est dotée de la res judicata,
autrement dit de l’autorité de la chose jugée. En conséquence, les parties sont dans
37
S’agissant particulièrement d’un arbitrage du CIRDI, son bénéficiaire doit en
solliciter l’exequatur devant les tribunaux internes. Autrement dit, la force obligatoire
Au demeurant, la mise en œuvre des sentences repose sur la bonne foi des
États, qui est toujours présumée. C’est une lapalissade de rappeler qu’il n’existe pas
juridictionnel s’imposera.
Dans tous les cas, au sujet des États, la probabilité de la non-exécution d’une
sentence arbitrale demeure exceptionnelle. À tout le moins, un État peut s’appuyer sur
les vices ou les failles supposés de la sentence pour justifier son attitude. Ce
rendu la sentence.
condition que cette procédure ait été initialement prévue par le compromis. Sur le
fond, le recours n’est recevable que si la partie qui en est l’auteur invoque « la découverte
d’un fait nouveau qui eût été de nature à exercer une influence décisive sur la sentence et qui,
lors de la clôture des débats, était inconnu du tribunal lui-même et de la partie qui a demandé
38
la révision ». Le CIRDI admet une procédure de révision – et jamais d’appel en tant que
arbitrale peut induire sa nullité. Deux principales causes de nullité doivent être citées :
constituée dès lors que le juge outrepasse les termes du compromis. On se reportera
continental de la Mer d’Iroise, qui fit valoir que le juge avait statué ultra petita. Les
règles de la CDI prévoient une troisième cause de nullité qui est plutôt une défaillance
39
Chapitre II. Le règlement juridictionnel
exceptionnellement sur des bases autres que conventionnelles, ont vocation à juger les
différends qui opposent les États. Les nombreux exemples juridictionnels déjà
justiciable.
interétatique (Section I). Cette analyse sera complétée par des développements relatifs
État donné, ne se trouvent dans aucun lien de subordination avec celui-ci. À ce titre, la
40
juridiction et le règlement juridictionnel sont indépendants du droit territorial d’un
État quel qu’il soit. Ce constat ne remet guère en cause l’applicabilité du droit interne
s’inscrit dans une autonomie normative. Les règles spéciales applicables au procès
international sont définies par les Statuts des juridictions internationales. Les Statuts
La CIJ en particulier est l’organe judiciaire principal des Nations unies, au sens
faire jurisprudence en ce qu’elle sait figer les grands principes du droit international
41
§. 2. LES MODELES ESSENTIELS
En termes d’importance, ou de reconnaissance internationale, le modèle
essentiel majeur de règlement juridictionnel interétatique est fourni par la Cour
internationale de justice (A). Le choix est fait d’étudier par ailleurs l’intéressant modèle
régional de la Cour de justice de la CEDEAO (B).
A. Du modèle universel : la Cour internationale de justice
La CIJ est la seule juridiction des États à compétence à la fois universelle et
générale, contrairement au TIDM par exemple. Selon les mots du Professeur Luigi
Condorelli, elle est la juridiction internationale qui « résiste à l’usure du temps sans
prendre de rides ». Sa juridiction est ouverte à tous les États membres des Nations unies.
sont proposés – non pas directement par les gouvernements – par les divers groupes
nationaux de la Cour permanente d’arbitrage. Ils sont élus pour 9 ans et rééligibles par
des voix au sein des deux organes. Les juges sont renouvelés par tiers tous les trois
ans.
les juges élus doivent représenter les grandes formes de civilisation et les principaux
l’office de la Cour. C’est la situation des juges désignés spécialement pour un litige
déterminé et dont la mission s’achève en même temps que le procès qui a motivé leur
nomination. Il en est généralement ainsi lorsqu’un seul des États impliqués dans un
différend a un juge national permanent siégeant à la Cour ou que toutes les parties
n’en disposent pas. C’est une garantie de l’égalité des armes et une manifestation de
la bonne administration de la justice. Il n’est pas nécessaire que le juge ad hoc porte la
42
nationalité de l’État qui l’a désigné. Dans tous les cas, cette désignation est une faculté,
généralement encore la paix et la sécurité. Ainsi, tout contentieux portant sur ces
Elle a pris une dimension bien plus ambitieuse à la suite d’un Protocole adopté
en 1991. Mise en place effectivement en 2001, la CJCEDEAO est composée de sept juges
2005. Ses interventions reposent désormais sur l’idée que la complétude d’un système
juridique est fonction de sa capacité à censurer la violation de son droit par une justice
Dans l’ordre interne, la justice est obligatoire, en ce sens que toute partie à un
litige est en droit de saisir les tribunaux par une requête unilatérale. Autrement dit,
43
comparaître. Dans l’ordre international, le recours à une procédure juridictionnelle est
subordonné au consentement de toutes les parties à un litige (§. 1). Nous aborderons
d’une juridiction pour rendre des décisions ayant l’autorité de la chose jugée est
Les parties ne disposent pas pour autant de la liberté d’apporter des précisions
quant au droit applicable. En effet, cette perspective pourrait comporter le risque de
diverses contradictions entre un compromis et les dispositions pertinentes du Statut.
C’est pourquoi la CIJ se réserve la faculté d’assurer leur compatibilité avec l’article 38
dudit Statut. Contrairement au compromis d’arbitrage, le compromis juridictionnel de
saisine n’a pas à fixer la composition de la Cour.
B. La dévolution supplétive : le forum prorogatum
L’accord spécial pour soumettre un différend à une juridiction internationale
peut être manifesté notamment par l’attitude des parties à l’égard d’une procédure
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Ainsi, dans l’Affaire des Droits de minorités en Haute-Silésie, la CPJI jugea
que le fait pour un État de présenter une défense au fond sans soulever une exception
Corfou, la CIJ a jugé que l’engagement juridictionnel peut résulter de la requête d’une
Cette requête sera transmise à l’État mis en cause. Elle ne sera, in fine, enregistrée que
L’Affaire dite des biens mal acquis qui oppose encore la Guinée Équatoriale à
Une nouvelle requête a été déposée par la Guinée Équatoriale le 13 juin 2016
dans l’affaire relative aux immunités et procédures pénales. Dans son mémoire relatif
cette affaire.
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§. 2. LA CLAUSE FACULTATIVE DE JURIDICTION OBLIGATOIRE
La clause d’option pour la juridiction de la Cour est offerte aux États,
conformément à la substance (A) et à la portée (B) de l’article 36 § 2 du Statut de la CIJ.
A. La substance
« 2. Les États parties au présent Statut pourront, à n’importe quel moment, déclarer reconnaître
comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre État
acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique
ayant pour objet :
c. la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement
international ;
Pour souscrire à la clause facultative, il suffit que l’État soit partie au Statut de
la Cour et adresse une déclaration d’acceptation au Secrétaire général des Nations
unies qui en transmettra copie aux autres États parties.
ayant émis la déclaration : tant le demandeur que le défendeur doivent avoir formulé
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Les déclarations d’acceptation de la compétence de la CIJ peuvent être
d’un point de vue matériel. Très souvent, l’acceptation est d’une durée limitée ou
Au fond, les États sont toujours soucieux de conserver leur libre arbitre parce
qu’ils ne se satisfont pas des garanties offertes par le règlement juridictionnel. C’est
pourquoi ils tentent souvent de limiter la portée des engagements souscrits. D’où le
succès de la théorie du différend non justiciable qui n’est qu’un prétexte pour limiter
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