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Le Blé en Herbe: Chapitres 16-7

Dame en blanc n’obtenant pas de la part de Philippe l'engagement qu’elle espère, disparaît mystérieusement.
Philippe se rend compte que Vinca a tout deviné de son idylle avec cette inconnue. Malgré cette aventure, elle
souhaite le faire sien , et " l’emprisonner dans son désir". Elle "se donne à lui".

Vinca devine ce qui se passe en Phil et le mènera à tout lui avouer. Alors qu’il est convaincu qu’il l'a perdue,
elle reste inébranlable : c'est elle qu'il épousera et personne d'autre. Elle fera ce qu’il faudra et ira même loin.
Vinca sait ce qu'elle veut, c’est déjà une petite femme, quand lui n'est qu’un jeune homme assez pataud et
empêtré.

Et puis, il y a la petite sœur de Vinca et les parents. Ces derniers ne voient rien et ne se mêlent quasiment de
rien. D'ailleurs, Phil et Vinca les appellent des « Ombres », ce qui est assez conforme à ce que des adolescents
pensent de |leurs parents à cet âge. ( « .et quelque Ombre s’arrêta de remuer », « - Laissez donc, dit une Ombre
indulgente. » etc.) Et enfin il y a cette phrase superbe « . Il est peu d'heures dans la vie d’un homme où le corps
content, les yeux |récompensés et le cÏur léger, retentissant, presque vide, reçoivent en un moment tout ce qu'ils
peuvent contenir, et je me souviendrai de celle-ci. »

L’épisode de la Dame en blanc a servi de catalyseur à la relation amoureuse entre les deux adolescents.
Toutefois, si la fin du récit comble les attentes du lecteur en matière d’intrigue sentimentale, le personnage de
Phil exprime malgré tout une forme d’insatisfaction.

L’apparition de Vinca à la fenêtre de sa chambre après leur nuit d’amour peut laisser présager que la jeune
femme tout comme Phil aura été marquée par cette expérience. Phil d’ailleurs s’attend à ce changement chez sa
camarade et se prépare même à ce qu’il va lui dire. Mais contre toute attente et à la surprise du personnage, la
jeune fille ne modifie en rien ses habitudes. Son image ne change pas. Elle se comporte comme si rien ne s’était
passé. La nuit d’amour ne transforme pas profondément sa camarade : « Ni grand bien ni grand mal… la viola
indemne… » L’orgueil masculin de Phil est mis à mal. La restrictive finale « que cela… que cela… » montre
son peu d’influence sur le monde qui l’entoure. Malgré sa double initiation, le personnage demeure angoissé.
C’est une leçon de vanité pour le personnage, qui contemple « sa propre petitesse, sa chute, sa bénignité ».

À l’issue de cette séance de clôture, on fera noter aux élèves que Colette choisit d’achever son récit sur le
monologue intérieur de Phil, ici très clairement identifié par des guillemets, contrairement à ce qui se passait
dans l’incipit. Il apparaît donc clairement que Phil est le personnage principal de ce récit où Vinca et Mme
Dalleray ne sont que comme des opposants ou des adjuvants du personnage masculin. Nous proposons donc une
brève étude stylistique de ce passage en monologue intérieur afin d’insister sur le lyrisme qui le caractérise.

Dans l’avant-dernier paragraphe, de « Ô toi que j’appelais » à « jusqu’à aujourd’hui », à qui s’adresse Phil en
pensée et pourquoi ? Déçu par l’attitude de Vinca, Phil se retourne vers son initiatrice, la Dame en blanc, pour
la questionner et lui adresser des reproches. Cela montre le désarroi du personnage et donne un aspect
pathétique à cette fin.

Les vacances s'achèvent sur un adieu nostalgique à l'enfance. La bulle d’innocence construite par les deux
jeunes adolescents a été violée.

La Dame en Blanc
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Le personnage reste anonyme et semble surgir de nulle part. Il est désigné par un déterminant indéfini « une
dame ». La perception qu’en a le personnage de Phil est indirecte puisqu’il est obligé de se retourner pour lui
faire face. La Dame en blanc est designee d’abord par la métonymie « la voix ». Le verbe « l’éveilla » montre
qu’elle surprend Phil en pénétrant directement dans son univers. Les phrases exclamatives et le choix de phrases
nominales dans la première réplique participent à la brutalité de cette entrée en matière.

Dans une scène de rencontre amoureuse, le lecteur s’attend à trouver la description de l’objet du désir. Nous ne
savons pas grand chose de cette femme qui surgit devant Phil. La description est très limitée. Le personnage est
surtout caractérisé par ses vêtements associés systématiquement à la couleur blanche. Elle est dès lors désignée
par les périphrases « la Dame en blanc » ou « la Dame blanche ». Cela donne au personnage un aspect
fantomatique et lui confère presque le statut d’une apparition étrange. Le personnage conserve donc un certain
mystère.

Un personnage incongru et une rencontre improbable Montrez que le personnage apparaît comme décalé par
rapport au context spatial. Le personnage est perdu et demande son chemin. Sa tenue vestimentaire semble peu
appropriée au lieu puisqu’elle porte des talons pour marcher dans les dunes. De plus, elle ne semble pas être une
habituée du lieu puisqu’elle ne maîtrise pas le vocabulaire local, ignorant ce qu’est le goémon.

Les portraits de Phil et de la Dame en blanc se construisent en opposition. Les deux personnages apparaissent
comme très différents, leur rencontre paraît donc improbable. La désignation de Phil par le terme « petit »
indique sa jeunesse, ironiquement corrigée par le terme très inapproprié de « monsieur ». Le ton autoritaire de la
Dame en blanc et le fait que Philippe rougit imposent des rapports de domination entre les deux personnages.
La Dame en blanc apparaît « virile » alors que Phil réagit comme une jeune fille ,« paralysé par une de ses
crises de féminité ». Les rapports homme-femme sont inversés. L’âge et l’expérience, tout semble opposer les
personnages.

L’arrivée de Vinca vient interrompre la rencontre entre Phil et la Dame blanche. Elle était déjà présente dans le
dialogue puisque Phil y fait maladroitement référence. La Dame en blanc interroge plus habiliment Phil au sujet
de cette rivale potentielle et non sans une certain ironie. Cette scène de rencontre crée ainsi un triangle
amoureux et une double opposition, et relance l’intrigue.

L’IMPATIENCE

Le personnage se sent dans un entre-deux, un seuil. Il angoisse à l’idée d’attendre cinq ans l’âge de sa maturité
civile. L’adolescence apparaît comme un temps d’attente insupportable entre l’insouciance de l’enfance et la
liberté supposée de l’âge d’homme. Phil émet parfois le souhait de retourner en arrière. Au chapitre XVI, il
exprime des regrets : « Quand j’étais petit, se dit Philippe, le buisson d’ajoncs ne penchait pas vers la plage. La
mer a mange tout ça – un mètre au moins – pendant que je grandissais… » Lorsqu’il ne regrette pas son
enfance, le personnage fait preuve d’impatience.

Nous nous reporterons au texte du chapitre III que nous avons déjà étudié. On peut citer : « Je crève, entends-tu,
je crève à l’idée que je n’ai que seize ans ! » et un peu plus loin « je déteste ce moment de ma vie ! Pourquoi
est-ce que je ne peux pas tout de suite avoir vingt-cinq ans ? »

Le thème de l’amour
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Dans Le blé en herbe, le thème de l’amour adolescent est bien present. L’amour que vivra d’abord Philippe au
début de l’œuvre avec Vinca, sera un amour sans rapport physique, qui ne convient nullement à Philippe
voulant être un vrai homme et posséder Vinca, comme quand il espère qu’elle lui dise : « Phil ne soit pas
méchant… Je t’aime, Phil, fais de moi ce que tu voudras », comme si elle était sa femme.

Philippe s’imaginait même qu’ils avaient un enfant avec Vinca en se disant : « Un enfant… C’est juste, nous
avons un enfant… ». Philippe trouvera chez Mme Dalleray ce que Vinca ne put lui donner, c'est-à-dire l’amour
charnel quand il dit : « Elle m’a donné. Depuis le temps où j’ai cessé d’être le petit enfant que Noël enchante,
elle seule m’a donné. Donné. Elle seule pouvait reprendre, elle a repris… » (Voir p.137).Il fut également attiré
par cette femme charmante, élégante, mûre, comme pour la plupart des garçons de son âge, qui ont un petit
faible pour les femmes légèrement plus âgées qu’eux.

Au point de vue de la relation entre la Dame en blanc et Phil, ce n’était pas vraiment une relation amoureuse
d’enfance ou passionnée comme celle que vécurent les deux adolescents, mais en réalité rien qu’une petite
aventure pour abreuver l’instinct charnel assoiffé du jeune homme en plein épanouissement physique. Ce qui
nous a aussi surpris tout au long du récit, c’est d’abord cette naïveté, cette force de caractère, ce silence et ce
courage de Vinca de ne rien révéler à son compagnon et de préférer garder le silence.

L’amour épris de Vinca pour Philippe paraît d’autant plus grand et plus véridique que celui de Mme Dalleray,
car la jeune compagne lui est restée fidèle et ne la pas laissé tomber, malgré la tromperie de son jeune ami, à
l’inverse de la Dame en blanc, qui le quitta sans raison valable. L’amour passionnel qui enflammait la petite
Vinca est à mon avis sans limite, c’est un amour réel de vrai « femme » dévouée à un mari, comme le désirait
Philippe.

Dans le début du récit, l’adolescente ne paraît encore qu’une enfant, mais au fur et à mesure de la narration, les
événements vécus par son ami la mûrisse encore plus vite pour faire d’elle une « femme » tant recherchée par
son compagnon.

En quelques semaines, les deux adolescents étaient devenus de jeunes adultes. Ce récit de Colette nous expose
superbement les relations entre jeunes adolescents et leur passage à l’âge adulte.

En effet, Le blé en herbe nous donne énormément d’informations sur la psychologie d’adolescents amoureux,
nous révèle les vérités, je dirai quasi immuables du passage intermédiaire de l’enfance au stade adulte, c’est-à-
dire de la révolte, de la dominance envers les autres, de la plénitude énergique, des sentiments amoureux et de la
jalousie.

Au début de la lecture, le personnage le plus marquant pour moi était Philippe, car il me paraissait l’unique
héros du récit, se mettant surtout en évidence par ses manières de s’indigner, mais je découvris vers la fin de la
narration qu’il n’en était pas ainsi et que le grand héros (Ïne) du récit était la petite Vinca, grâce à sa force de
caractère, sa passion amoureuse, et sa modération vraiment admirable.

De plus, il y a une très bonne intrigue dans le roman, nous laissant en haleine, assoiffé de connaître la suite des
évènements.

Vinca et Madame Dalleray


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Vinca est une jeune fille gâtée qui n’a aucune expérience du monde des adultes et Madame Dalleray une femme
indépendate et forte, presque masculine, qui sait ce qu’elle veut. Cela se voit dans leur description aussi.
Chacun des deux personnages possède sa propre couleur d’identification et ses manières affectées dans les
expressions et les habitudes gestuelles.

La description de chaque femme lui donne sa propre identité et approfondit sa personnalité de manière à les
distinguer l’une de l’autre.Vinca, qui est toujours environnée par la nature, est sans cesse liée à des nuances de
couleurs, surtout des teintes de bleu, jamais les mêmes :

“Le bleu rare de ses yeux, ses joues assombries par le fard chaud qu’on voit aux brugnons d’espalier, la double
lame courbe de ses dents brillèrent un moment avec une force de couleurs inexprimable dont Philippe se sentit
comme blessé.”

Sa description accentue sa jeunesse, sa vitalité, son d’accord avec la nature et surtout son importance et force
aux yeux de Phil. Elle est pleine de vie et de puissance physique, ce que l’on retrouve dans son teint bronzé et
ses cheveux blonds. L’existence de Vinca se déroule Presque toujours dehors en plein soleil, soleil dont l’éclat
symbolise la pureté et la vie, tandis que madame Dalleray habite dans « une pièce noire fermée aux rayons et
aux mouches.”

Cette dernière est une femme de mystère, ce qui est visible aussi dans le grand contraste marqué entre son blanc
corps presque transparent et sa chambre sombre avec ses meubles lourds de couleur foncée. Elle représente en
quelque sorte dans son personnage vague un signe du destin pour Phil, pour que celui-ci comprenne qu’il est lié
au Vinca, sa véritable partenaire de vie.

Un aspect important concernant les couleurs est celui des yeux. « Les yeux bleus de Vinca » sont un élément
récurrent du récit. D’une part, les couleurs distinguent les personnages principaux et secondaires, ceux-ci
n’ayant qu’une seule couleur, sans nuances ou même pas de couleur du tout, ce que vérifie l’exemple suivant
qui décrit les parents des jeunes et la petit-soeur de Vinca :

“ Elle (Vinca) vivait parmi ces parents-fantômes qu’elle distinguait mal et entendait peu ; elle y endurait la
demi-surdité, la demi-cécité agréables d’un commencement de syncope. Sa jeune soeur Lisette échappait encore
au sort commun et brillait de couleurs nettes et véridiques.”

D’autre part ce thème a une signification psychologique, puisqu’il est souvent accompagné d’un adjectif qui
qualifie le personnage. Le bleu des yeux de Vinca indique sa vitalité et sa jeunesse, tandis que le noir de ceux de
madame Dalleray lui donne un air mystérieux, voire dangereux. Il en résulte que la couleur peut servir de
substitut au personnage dans le récit. Les chardons que donne Phil à madame Dalleray sont bleus comme « le
miroir des yeux de Vinca ».

La jeune fille est donc symboliquement présente dans ce couple à travers ces fleurs. Le vocabulaire du corps
associé aux couleurs montre l’adaptation de la femme au monde qui l’entoure. Les couleurs la lient à l’activité
ou à la passivité par leur connotation physique et décrivent sa personnalité, jusqu’à en prendre la place. Les
deux protagonistes féminins sont presque des contraires, Vinca représentant le jour et la lumière, la joie et
l’innocence, alors que madame Dalleray est marquée par la nuit, l’obscurité et une sorte d’inconnu. Cette
opposition reflète aussi leur condition physique, en termes de santé et de maladie.

Chez Colette, le corps féminin est toujours sain. La bonne santé reflète la force des sentiments et la capacité de
demeurer en état de défense contre l’homme. En résistant à la maladie et à la faiblesse, les femmes sortent de
leur rôle passif et deviennent maîtresses de leur destin. C’est aussi le cas dans Le Blé en herbe. Dans une
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situation difficile, Vinca ne se pâme pas et ne prend pas froid, contrairement à Phil qui se sent souvent malade
et perd même connaissance. Cette supériorité de Vinca est reflétée dans ses paroles destinées à Phil : “ Je ne me
pâme pas. C’est bon pour toi, le flacon de sels, l’eau de Cologne et tout le tremblement.”

Les deux femmes du roman respirent la santé. Elles sont décrites avec des adjectifs associés à la force physique,
voire à la masculinité. Le corps de Vinca est « vigoureux » (p.58) et « solide » (p.61) elle a les jambes «
longues» (p.76) et les « reins fiers » (p.61). En bref, elle est musclée et forte.

Pour sa part, Madame Dalleray possède une puissance intérieure qui reflète son independence et sa supériorité
intellectuelle. Sa force physique est décrite à travers ses gestes et ses expressions plutôt qu’à travers son corps,
ce qui accentue son mystère et ambiguïté:

“Ces bras, riches de muscles à peine visibles, l’avaient porté, léger, évanoui, de ce monde dans un autre monde ;
cette bouche avare de paroles, s’était penchée pour transmettre à sa bouche un seul mot tout-puissant et pour
murmurer, indistinct, un chant qui venait, echo affaibli, des profondeurs où la vie est une convulsion terrible...
Elle savait tout.”

La robustesse de Vinca décrit sa jeunesse et sa capacité d’adaptation tandis que celle de madame Dalleray
révèle un pouvoir qui lui permet de dominer Phil. La femme possédant l’instinct de ne pas s’abandonner à la
souffrance retrouve pourtant rapidement l’équilibre, comme le montre l’exemple de Vinca, qui maitrise son
mépris face à l’infidélité de Phil :

“ Elle semblait consternée, et vide d’arguments. Mais Philippe savait comment elle pouvait rebondir, et
récupérer magiquement toute sa force.”

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