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Littératures classiques

La rime et la déraison : l'épître en vers dans le temps de la Fronde


Frédéric Briot

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Briot Frédéric. La rime et la déraison : l'épître en vers dans le temps de la Fronde. In: Littératures classiques, n°18, printemps
1993. L’épître en vers au XVIIe siècle. pp. 159-171;

doi : https://doi.org/10.3406/licla.1993.1721

https://www.persee.fr/doc/licla_0992-5279_1993_num_18_1_1721

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Frédéric Briot

La rime et la déraison : l'épître en vers


dans le temps de la Fronde

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vite
du
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1 Voir dans les travaux les plus récents, Christian Jouhaud, Mazarinades - La Fronde

des mots,
bilan
Presse
Genève,
dede
laDroz,
Aubier,
Fronde
la Fronde
1989.
collection
dans(1648-1653)
le domaine
historique,
littéraire
: Les Paris,
Mazarinades.
», XVIIime
1985, etsiècle
Hubert
I. - ,La
1984,
Carrier,
Conquête
n° 145,
« Esquisse
de
ainsi
l'opinion,
qued'un
La

Cf. l'Avertissement de 1693 du père Joseph d'Orléans de son Histoire des


révolutions d'Angleterre : « Sur cette alternative presque réglée, qui se trouve chez les
Anglois, d’un règne heureux, florissant, applaudi, et d'un règne malheureux, troublé,
finissant par la catastrophe d'un Roi déposé, mis aux fers, souvent sacrifié à l'ambition
d'un Usurpateur sanguinaire, se fait une opposition d'événemens qui relève les tableaux de
l'Histoire, comme le contraste des jours et des ombres relève ceux de la peinture » (cité
par J-M. Goulemot, in Discours, histoire et révolutions, Paris, Union générale
d'éditions, 10/18, 1975, p. 186).

Littératures Classiques, 18, 1993


160 Frédéric Briot

tout mouvement, l'épître en vers, comme le font généralement en pareil cas les
genres dits « mineurs » et aux frontières quelque peu instables, va jouer pour nous
un rôle privilégié.
L'épître en effet n'est pas une forme poétique haute — par le renom ou par le
style — et échappe ainsi à trop de codifications formelles. Elle est instable, car d'une
certaine manière elle n’est qu'une lettre versifiée — ce qui nous renvoie à l’étemel
dilemme de M. Jourdain, et ouvre la question de savoir si le vers dit plus que la
prose, pourquoi et comment. Elle est instable également en raison de sa grande
proximité avec les genres voisins de la satire et de l'élégie, proximité qui peut aller
parfois jusqu'à l'assimilation3. Enfin, soumise à des exigences de « civi¬
lité » (puisqu'il s'agit d'une adresse, parfois d'une conversation fictive, avec le desti¬
nataire), elle l'est aussi à tout ce qui touche de près et de loin à ce que l'on pourrait
nommer l'«actualité ». Mais nous chercherons ici surtout les traces formelles,
proprement « poétiques », de cette « actualité ».
Cette extrême plasticité de l'épître dans son ton et ses sujets, loin de rebuter, est
sans doute à la source de la non moins extrême diversité, vivacité et fécondité de
l'épître au cours du siècle. Deux poètes, et auteurs d'épîtres, sensiblement de la
même génération, mais aux parcours politiques et poétiques différents, serviront
pour cette étude : Scarron (1610-1660), et Saint-Amant (1594-1661). A quelques
exceptions près, que nous laisserons délibérément de côté, leur production durant les
événements fut peu importante. Aussi il ne sera pas question de l'épître de la Fronde,
mais plutôt d'une fronde dans l'épître, dans le temps — au sens large — de la
Fronde.

Curieusement, dans les traités de poétique, et surtout peut-être dans la critique,


on se consacre beaucoup aux ambitions — affirmées ou récusées — de la poésie, à
ses rapports avec l'éloquence et la civilité, à sa noblesse et son « bon goût », mais
on parle peu de technique poétique elle-même, dans ses aspects apparemment les
plus « humbles ». En se plaçant pour la seconde fois sous l'égide de Monsieur
Jourdain, on se risquera à la remarque suivante (qui certes n'épuise pas le tout de la
poésie) : mettre en poésie, c'est mettre en vers, et mettre en vers, c’est rimer. De
l'épître en prose à l'épître en vers, idéellement, une double transformation s’opère.
L'opération de la rime est donc stratégique. Il nous suffira de rappeler ici que la dis¬
tinction, et l'opposition poète/rimeur investit largement tout le champ poétique lui-
même, comme celui de la réflexion sur ce champ.
L'épître en vers utilise quasi-unanimement, on le sait, la rime dite plate. Cette
disposition de la rime est en soi un défi à la poésie : elle est une simplification pro¬
saïque d'un mécanisme qui a connu de plus grandes sophistications4 ; dénonçant son

même
en
Paris,
43un sens,
Du
Jacques
chapitre
1896,
reste
une
p.Roubaud,
ces
les
intrication
226trois
poétiques,
:«[...]
genres
La véritable
Fleur
l'intrication
depuis
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inverse
; c'est
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sursiècle,
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classent
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des
concaténation
généralement
troubadours,
». n'est
Ramsay,
danspas,
le
L'épltre en vers dans le temps de la Fronde 161

artifice, elle est paradoxalement conduite à s'effacer, à se faire presque oublier ; sa


mono-tonie tend, ou peut le risquer, à atomiser le poème en une suite de distiques,
de bouts-rimés. On sait comment le XVIIèmc siècle releva ce défi5 ; et c'est sur ce
point précisément, semble-t-il, que va s'opérer la distinction entre le poète et le
rimeur, dans un souci de distinction qui remonte au moins à Jacques Peletier, dans
son Art poétique de 1555 :

[...] s'il n'était question que de parler omément : il ne faudrait sinon écrire en
prose : Ou bien s'il n'était question que de rimer : il ne faudrait sinon rimer en
Farceur. Mais en Poésie il faut faire tous les deux, et bien dire et bien rimer. Car si
la Rime sert au plaisir de l’oreille : certes plus elle sera exacte, et plus de conten¬
tement elle donnera.6

Poésie et prose diffèrent donc, et la rime semble devoir répondre à une autre raison7
qu'un simple et ténu lien formel entre deux vers, « dans lesquels, après des mots
témérairement assemblés comme bûchettes en un fagot, y a deux ou trois lettres
pareilles qui servent de riorte », comme le disait un autre poéticien du XVI®"* siècle,
Thomas Sébillet8.
Or, de ce point de vue, les épîtres de Scarron semblent plutôt participer d'un
plaisir — du reste complaisamment souligné — à « rimer en Farceur », comme on
peut le voir dans cet « aveu » à François Mainard : « Moy qui suis un demy
Poëte/Qui ne travaille qu'en sornette »9, redoublé par :

Helas!
Qu'une
Et
Un
Sert
laquelle,
vieil
à laver
je
mal-heureuse
cotillon
n'ay
pour
lespour
escuelles
dix
ettoute
rien
camuse
escus,
Muse
plus,

D'Apollon et des neuf Pucelles,


Et qui n'a pour tout instrument

5 Jacques Roubaud, La Vieillesse d'Alexandre, Ramsay, Paris, 1988, p. 101 : « un


grand trait
Pléiade
alternance
et celui
[...].
de la»des
variété
baroques)
classique
est la
(qui
prédominance
l'établit polémiquement
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contre
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l'alexandrin
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avec
la

6 In Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, édit, de Francis Goyet, Le

XVII»”®
Jules
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Français
978une
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Paris,
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1947,
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Générale
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1991.
Française,
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poétiques
L’Esprit
dela Marcel
renaissance,
Paris,
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la
Cauchie,
deLettre
1990,
ladeo.c.,
richesse
G.-p.
Société
Mélanges
p.May,
287.
56-57.
aux
des«D'une
rimes.
des
XVIème
LaLa
offerts
Textes
rime
façon
riorte
etàa
162 Frédéric Briot

Que trompe à lacquais seulement,


Deux os de boeuf et deux sonnettes
Pour dire quelques Chansonnettes.10

On pourrait citer encore le début de l'épître à Sarasin en vers de trois syllabes :


« SarrasinyMon voisin, /Cher amy,/Qu'à demy/Je ne voy,/Dont ma foy,/J'ai
dépit/Un petit[. . .] »1 1 .
Toutefois cet aspect « farceur » de la rime, cette anti-virtuosité affichée du
poète, n'est pas un acte gratuit, mais le symptôme et la reconnaissance d'une force
autonome, d'une définition de la poésie comme langage qui génère de lui-même ses
propres lois et les impose. Cette particularité, notamment de la rime, se trouve
fortement soulignée par Scarron dans YEpître chagrine à Monsieur d'Elbène de
1652 :

[...] mais tu sais, cher ami,


Qu'en rimant on ne dit les choses qu'à demi,
Ou que l'on dit parfois plus qu'on ne veut dire :
Sur nous la rime exerce un tyrannique empire.
A-t-on fait un vers fort ? elle en veut faire un bas,
Et fait dire au rimeur tout ce qu'il ne veut pas12,

épître qui s'achève par une invitation à partager un jambon, et une énorme saucisse !
Cet entraînement de la rime présente donc plusieurs caractéristiques : elle représente
un véritable asservissement, elle possède sa propre autonomie, et les décalages sty¬
listiques et sémantiques qu'elle produit sont le véritable « message », en-deçà ou au-
delà des « intentions » du poète.
Dans YEpître à Monsieur le baron de Meslay de Saint-Amant (1642), qui est elle
aussi consacrée en grande partie à un ... jambon, on trouve les rimes suivantes, qui
toutes mériteraient une analyse approfondie : « Melay / piteux Lay, télescopes /
sincopes, carmes / vacarmes, cerveau / veau, Faret / cabaret, Homère / commère,
Héros / zéros, lard / fard, tréteaux / Des Yveteaux, jambon / bon, bon, bon, onc / et
donc ? », et se conclut ainsi : « Prens en gré l’Oeuvre, et j'espere qu'en Vers / Ton
nom, par moy, vivra jusqu'aux Pois-Vers »13.
On y constate donc bien la mise en oeuvre des effets de décalage et de décrochage
affirmés par Scarron. Dans ces rimes étonnantes et détonnantes, (trop) riches, non
seulement le mécanisme de la rime se dénonce en tant que tel, selon la procédure rhé¬
torique de la dénudation, mais surtout introduit comme un nouveau lexique, où le

10 Ib., p. 261.

Flammarion,
Modernes,
1113
12 InIb.,
Saint-Amant,
Maurice
xp.Didier,
Garnier
301-302.
Paris,
Allem,
Œuvres,
Frères,
1967,
Anthologie
Paris,
t.p.Il,230-253.
1966,
édition
poétique
t. H,
de rp.Jean
83.
française
Lagny, Société
XVIlimedes siècle,
Textes Garnier-
Français
L'épître en vers dans le temps de la Fronde 163

« caprice » (mot cher à Saint-Amant) du son vient apporter de nouvelles définitions


du sens, comme dans un écho dépréciatif, ou teinté d'ironie.
Cet écho, venant remotiver le nom, se renforce dans le cas de l'onomastique,
comme nous avons déjà pu le noter : c'est alors la matière même du nom, son signi¬
fiant, qui vient signifier. Chez Saint-Amant la constance à faire rimer « Faret » et
« cabaret », comme chez Scarron celle à associer Sarasin et voisin, Saint-Maigrin
et chagrin, ou encore Poète et sornette, crée une association qui devient là aussi
assimilation.

Dans l'univers de l'épître, tel du moins qu'il est découpé ici, se dégage un grand
principe : chaque chose, comme chaque être, a son double, mais un double dégradé
(ce qui signifie à l'origine l’affaiblissement d’une couleur, d'un éclairage). La dénuda¬
tion du procédé des rimes, qui fait basculer son enrichissement du côté du calembour,
apparaît également comme une dénudation plus essentielle. Mais une autre
contrainte générique, celle de la lettre, vient renforcer cette existence du double.
Nombre d'épîtres de nos deux auteurs — mais on trouverait des phénomènes simi¬
laires chez Boisrobert par exemple14 — exhibe l'existence du destinataire comme un
double heureux du poète15. L'ami, que ce soit réalité biographique, fiction littéraire16
ou badinerie galante, est mimé sous les traits d’un autre soi-même, selon une vieille
image relayée par Montaigne. Dans YEpistre à Monsieur le baron de Villarnoul
(1646), Saint-Amant exprime en quelque sorte philosophiquement le procédé,
lorsqu'il
« Moitiése» plaint
: en ces termes du mariage du destinataire, qu'il qualifie de sa

Crois-tu, Cruel, que de nos deux Génies


Dont on voyoit les volontés unies,
Et dont chacun prisoit l'affection
J'aille signer la séparation ?
L'esperes-tu ? penses-tu que par force
Ma loyauté consente à ce divorce ?
Tu pers ton temps ; non, je n'en feray rien ;

14 Boisrobert, Epistres en vers, édititon Marcel Cauchie, Société des Textes Français

Modernes,
Noailles
diversifiée
parallèle
rimes
(qui
cœur
la
de Méditerrannée,
Gonzague.
15rime
(v.
Scarron
comme
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468),
avec
: àHachette,
«Mr
et
Je«insiste
Varsavie/seconde
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Desnoyers
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fait»,
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(Collioures)
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371-372)
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1647,
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t.(v.
réellement
jeI, 489-490),
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55,
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ses
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lesl'«Epître
comte
bords
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Marie
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de
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16 Scarron, o.c., t. I, p. 250, épître dédiée au Chancelier Séguier : « Quand à moy, si


j'obtiens
triste chaise
l'honneur
où j'habite
/ D'estre
/ Depuis
creuquatre
votreans
serviteur,
avec douleur
/ Par [...]
cette».grâce non petite, / Dans la
164 Frédéric Briot

Et malgré toy je seray toujours tien.17

Leurs deux esprits réunis ont fait « briller la rime et la raison »18. La déraison qui
s'empare des rimes a donc une cause : une absence, une in-quiétude qui fait virer à
des formes de chagrin (épithète que Scarron accole couramment à ses épîtres), de
déraison.
La raison de cet effet est donc à chercher du côté de la passion et de l’imaginaire,
sans brides, qui se manifestent précisément par une compulsion de répétition19. Le
parcours est ainsi bouclé : les effets de répétition sont des effets d'humeur, et c'est
l'humeur qui conduit à la multiplication des rimes, et de rimes qui marquent un
désaccord. La fantaisie relève en fin de compte d'une mécanique, et le poète prend les
traits d'un maniaque métromane.
La condamnation par Boileau de telles pratiques nous renverra d'ailleurs, sans
surprise, à l'éloge de la prééminence de la raison, dès le premier chant de YArt
poétique :

Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant, ou sublime


Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime :
L'un l'autre vainement ils semblent se haïr ;
La rime est une esclave et ne doit qu'obéir.
Lorsqu’à la bien chercher d'abord on s'évertue,
L'esprit à la trouver aisément s'habitue ;
Au joug de la raison sans peine elle fléchit
Et, loin de la gêner, la sert et l'enrichit.
Mais lorsqu'on la néglige, elle devient rebelle ;
Et pour la rattraper le sens court après elle.

Ces vers de Boileau sont bien connus, et l'on ne reprendra pas ici la copieuse littéra¬
ture qui a pu s'en emparer. Notons cependant que le débat entre la raison et la rime
— même si par un effet de synecdoque il s'agit peut-être ici de toute la poésie, ou
toute une certaine poésie20 — recoupe d'autres champs de discours. En effet cette
structure d'opposition entre deux éléments qui ne peut s'achever que par une servitude

17 Saint-Amant, o.c., t. III, p. 140-141.


18 Ib., p 142.

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doctorat
p. 19
461.
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Nicolas
le t.père
Elle
pas
de
II,
et

20 Le passage est en effet précédé de la célèbre attaque contre Saint-Amant, et s'en


prend ensuite
pensaient ce qu'un
à ceux
autrequia pu
« [...]
penser
croiraient
comme s'abaisser,
eux ». dans leurs vers monstrueux, / S'ils
L'épître en vers dans le temps de la Fronde 165

(celle de l'élément le plus sensible), au risque d'apporter dans le cas contraire la


tyrannie du désordre — la rébellion explicitement mentionnée par Boileau — rap¬
pelle fortement le discours politique royal et le discours moraliste qui lui est
contemporain21. Le souverain est ce qui apporte ordre et clarté; l'autorité se doit donc
d'être tout, et partout22. Dans le cas des émotions, comme la Fronde précisément, le
pouvoir, ou pour être plus précis les différents types de pouvoir, du moins qui se
pensent comme tels, pris dans le conflit de la légitimité, courent effectivement après
les événements23.
En morale également — et le rapprochement entre ces deux sphères est trop
constant au XVII®"* siècle pour que l'on puisse s'en étonner — le domaine des pas¬
sions est bien ce qui déborde, ce qui échappe, ce qui toujours précède la raison,
même dans des versions « optimistes » comme celles de Malebranche ou Descartes.
Le choix — poétique, politique et moral — est ainsi clair, entre une hiérarchie verti¬
cale stable, et une poursuite horizontale sans fin24.
La Fronde précisément est fréquemment décrite comme un principe d'extension et
d'expansion, à travers les images répétées de l'incendie, de la contagion, voire de la
mode. L'usage de la rime dans l'épître serait donc la mise en scène d'une « guerre »,
d'un conflit interne au texte lui-même, selon des modalités qui se trouvent être
congruentes à celles de l'événement que fut la Fronde.

Une telle coïncidence — qu'il faudrait à coup sûr prolonger par l'étude d'autres
formes littéraires, et sans doute artistiques au sens large — peut surprendre, dans la
mesure où l'on est surtout habitué à traiter les événements historiques plus comme
des contenus — sous forme de récits ou de prises de position — que comme des

21 Ainsi dans De l'Usage des passions, de 1641, Senault compare perpétuellement la


politique
«cesmutines
premières
de »...
Richelieu
étant dans
perpétuellement
le royaume, etqualifiées
le gouvernement
de « séditieuses
des passions
», par
« rebelles
la raison,
»,

22 Cf. Racine, Discours prononcé à l'Académie française à la réception de MM.

Corneille
décrite
craindre
l'écrivain,
lecteur,
marche,
attention,
lui-même
exécutés,
miracle en
qui
[...]
tout
enfin
qu’impénétrables
commence,
et
des
etcherchait
».
est
Bergeret
qui
perd
termes
tous
en
jettent
de
action
ces
des
étonnamment
que
vue
(intant
longs
faits,
lui-même
[...].
L'Intégrale,
le
avant
de
filne
détails
C'est
langueur
des
l'exécution.
trouvant
proches
achève,
un
événements.
Seuil,
deenchaînement
dans
chicanes
que
de
aussi
En
Paris,
des
ceux
launclairs,
plupart
paroles,
Dans
1962,
mot,
ennuyeuses
decontinuel
Boileau
aussi
le
l'histoire
p.
des
sent
miracle
416),
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histoires
mourir
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qui
« du

Vous
faits
suit
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l'action
roi,
àmodernes,
de
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chaque
quand
tout
près
l'esprit
duvit,
un
pas
point
ils
roi

autre
sont
tout
son
que
est
de
leà

derrière
23 Etunsi lièvre.
l'on ose cette métaphore, Mazarin fut particulièrement habile à cette course

24 C'est bien de « fuite en avant » qu'en des formules restées célèbres, sinon
définitives,
Amant qui «Boileau
court avec
attaque
Pharaon
un certain
se noyernombre
dans lesdemers
poètes
» (chant
et d'écrivains,
I, v. 26). comme Saint-
166 Frédéric Briot

formes25. Ou, pour le dire autrement, on intègre rarement dans l'événement lui-

même ses
cependant
d’inertie desdéjà
propres
représentations,
lui-même.
conditions
Enet,aval,
d’existence,
à moins
l’histoire
de sombrer
qui
desluimentalités
pré-existent
dans le finalisme,
nouscertes,
montre
il est
mais
lapermis
force
sont

au moins de postuler que des potentialités passées subsistent, même si de fait elles
resteront des potentialités.
Sur de telles bases on cherchera alors une communauté, sinon d'intérêt, du moins
de vision, entre la perception poétique et la perception politique, à un moment donné
de l’Histoire26. De telles questions ont déjà été agitées en ce qui concerne la
Fronde27, mais si on a surtout insisté sur la visée politique de la poésie, on a sans
doute moins relevé l'aspect souvent « poétique » de la politique. C'est à cet aspect
que nous allons maintenant nous attacher.

On a pu, légitimement, et les contemporains comme les acteurs ne s’en privèrent


pas, qualifier la Fronde de temps de folie28. Si l'on en connaît quelques effets specta¬
culaires (les déguisements, les scènes burlesques ou héroïques), il n'est pas inutile de
se pencher quelque peu sur les formes qui structurent ladite « folie ». D'autant plus
que, des années après, sous la plume des mémorialistes, ce sont les mêmes expres¬
sions et les mêmes formes qui reviennent. Comme on ne saurait ici en dresser un
inventaire complet, nous nous limiterons à une petite comédie en trois actes —
même si un seul devrait suffire pour la farce, l'échantillon serait pour le moins peu
représentatif — empruntée aux Mémoires du cardinal de Retz, actes qui pourraient
porter les sous-titres suivants : les rimes de Gaston, les échos d'Elbeuf, le
syllogisme de Canillac.
En mai 1651 Mazarin est réfugié à Brühl, Condé « règne » à Paris, et Retz reste
dans une prudente retraite ; c'est en ces termes que le mémorialiste décrit les séances
du Parlement :

25 Cf. Madeleine Nosjean, « Le Siège de La Rochelle et les poètes du temps »,


XVllèm* siècle, octobre-décembre 1990, n° 169, p. 433 : « Tout contexte de guerre est
donc source virtuelle de poésie », mais il s'agit dans cet article de la poésie officielle qui
traite explicitement des « grands » événements, donc de ce qui a déjà eu lieu.
26 Un indice pourrait être que les jeux onomastiques relevés précédemment se

retrouvent
autour
aussi
c'est
“Mazarin
l'autre
actes
Université
Mémoires
•yn
9o du
bien
un
Cf.
testicule
des
dix-huitième
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que
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1989,
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Centre
143-155.
qui
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Fronde
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115-118
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Et
César
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siècle,
veux,

les
: et/:
L'épitre en vers dans le temps de la Fronde 167

Il y avait tous les jours quelque nouvelle scène : tantôt l'on envoyait dans les
provinces informer contre le cardinal, tantôt l'on faisait des recherches de ses
effets dans Paris; tantôt l'on déclamait dans les chambres assemblées contre les
Bartets, les Brachets et les Fouquets, qui allaient et venaient incessamment à
Brusle; et comme, depuis ma retraite, j'avais cessé d'aller au Parlement, je
m'aperçus que l'on se servait de mon absence pour faire croire que je mollissais à
l'égard du Mazarin, et que j'appréhendais de me trouver dans les lieux où je pourrais
être obligé à me déclarer sur son sujet. Un certain Montandré, méchant écrivain à
qui Vardes avait fait couper le nez [,..].29

On constate tout d'abord que les noms des messagers et conseillers de Mazarin
riment entre eux, ce qui est l'actualisation dans le texte d'une « règle » énoncée au
temps des événements par Gaston d'Orléans : « tout ce qui a une désinence en -et
est du genre Mazarin »30, sans compter que le texte même de Retz multiplie de tels
effets d'assonance.
Retz31, à quoi il faut
Ici ajouter
rime et l’extraordinaire
raison s'«accordent
facilité
», comme
avec laquelle
en d'autres
les discours
passagesdes
de
acteurs politiques se transforment en chansons, triolets et ballades, soit de façon
métaphorique lorsqu'il s'agit de discours privés, soit réellement pour les discours
publics, comme dans le cas de M. de Beaufort et de ses fameux trois points32.
Première conclusion : le monde politique se coule sans effort, mais avec trop de
spontanéité pour qu'elle puisse apparaître totalement innocente, dans des formes poé¬
tiques où l'effet de rime joue un rôle appréciable33. Une autre scène, qui date du début
des troubles, va nous aider à préciser ce mécanisme structurel fondé sur les échos.
Il s'agit d'une autre séance au Parlement de Paris, le 1 1 janvier 1649, alors que le
duc d'Elbeuf semble avoir pris de vitesse le candidat de Retz, le prince de Conti, au
poste de général des troupes frondeuses :

M. d'Elbeuf arriva, un moment après, suivi de tous les gardes de la ville, qui
l'accompagnaient depuis le matin comme général. Le peuple éclatait de toutes
parts, criant : « Vive Son Altesse ! vive Elbeuf ! » et comme on criait en même
temps : « Vive le coadjuteur ! », je l'abordai avec un visage riant, et je lui dis :
« Voici un écho, Monsieur, qui m'est bien glorieux. — Vous êtes trop honnête »,
me répondit-il [...]. M. d'Elbeuf qui croyait être maître de tout, me dit d'un ton de

70 Cardinal de Retz, Mémoires , édition de S. Bertière, classiques Garnier, Editions


Garnier, Paris, 1987, t. II, p. 148-149.
30 O.c., t H, p 578, note 1 de la page 149.

prose
Varicarville
guerre
entiers
retrouvé,
3133 ».
32 T.
Cf.
ne
à Mercure
II,
se
pouvait
également
T
/ p.
et
moquer
I, 97
p.
Anctoville.
488-489,
: « ce
être
de les
France,
labien
mot
chanson,
unspar
décrite
que
Paris,
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autres
qu'en
duchesse
1990,
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Mémoires,
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M.
à vers
Condé
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y mot
passait
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: « àpour
[que]
Le
mot
lesTemps
noms
de
jours
cette
la
168 Frédéric Briot

raillerie, en entendant les cris du peuple, qui, par reprises, nommaient son nom et
le mien ensemble : « Voilà, Monsieur, un écho qui m'est bien glorieux ». A quoi
je lui répondis : « Vous êtes trop honnête » ; mais d'un ton un peu plus gai qu'il
ne me l'avait dit ; car quoiqu'il crût ses affaires en fort bon état, je jugeai, sans
balancer, que les miennes seraient bientôt dans une meilleure condition que les
siennes, dès que je vis qu'il avait encore manqué cette seconde occasion.34

La scène est constituée par un écho qui encadre en parfaite symétrie le déroulement
proprement dit de la séance, qui n’est pas citée ici ; seulement d'une extrémité à
l'autre l'écho, forme d'assonance malgré tout par similitude de la dernière voyelle,
change de sens en changeant d'énonciation. Le premier montre le pouvoir d'Elbeuf,
le second la perte, la dégradation de ce pouvoir ; en effet, si Elbeuf avait réussi à
établir son pouvoir, seul son nom aurait dû être nommé à la fin de la séquence35. Ici

l'écho
mécanismes
s'exprime
plein
chez
Retz38),
Mazarin,
Condé39).
superfétatoire,
comme d'acteurs
Retz,
netel
dédoublement
vient
la
par
Ce
—une
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Ligue
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dédoublement
montre
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et
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les
proprement
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« de
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On
rime
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la
entraînée
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ilretors,
»37,
structurel
Fronde.
dit
Ledédoublement
pour
et
précisément
dédoublement
d'assonances
ici
incessant,
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Par
Retz
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pro¬
ces
ou
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pagation incontrôlée : l’incendie, la contagion, la mode40. C'est que l'unicité légi-

p.
ne
sociales,
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décembre
1851,
concevait
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de
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octobre-
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Tout
qu'il
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1,si
L'épître en vers dans le temps de la Fronde 169

time a été remplacée par les multiplicités au légalisme plus ou moins douteux. Dans
ces mécanismes de fuite en avant, une grande cause surgit, le mobile passionnel,
comme le montre le prochain et dernier exemple, fort extrême.
Ce dernier acte est aussi un changement de lieu ; il se déroule en plein air, mais
toujours à Paris :

Il arriva, comme je montai en carrosse, une bagatelle qui ne mérite de vous être
rapportée que parce qu'il est bon d'égayer quelquefois le sérieux par le ridicule. Le
marquis de Rouillac, fameux par son extravagance, qui était accompagnée de beau¬
coup de valeur, se vint offrir à moi; le marquis de Canillac, homme du même carac¬
tère, y vint dans le même moment. Dès qu'il eut vu Rouillac, il me fit une grande
révérence, mais en arrière, et en me disant : « Je venais, Monsieur, pour vous
assurer de mon service ; mais il n'est pas juste que les deux plus grands fous du
royaume soient du même parti : je m'en vas à l'hôtel de Condé ». Et vous
remarquerez, s'il vous plaît, qu'il y alla.41

Qu'est-ce qui fait la folie de ces deux fous ? La première marque est d'être précisé¬
ment deux. Cette binarité se déploie dans la mécanique des conduites (le fait d'arriver
en même temps), dans le souci extrême de symétrie et d'écho, qui conduit au syllo¬
gisme de Canillac, dont la majeure repose précisément sur la préservation du double
(« il n'est pas juste que les deux plus grands fous du royaume soient du même parti
»). Or ce qui est vrai d'un point de vue thématique l'est également dans la gestuelle
(l'arrivée simultanée) et l'onomastique (les noms des deux marquis riment). Ces mar¬
quis paraissent constituer un doublet qui ne peut agir que dans la distance, comme de
véritables frères jumeaux, où la répartition d'un seul être nécessite deux actualisa¬
tions. Cette « duplicité » est répétée dans les personnages eux-mêmes (alliance de
l'extravagance et de la valeur, quasi-oxymorique en ce qu'elle semble unir le mouvant
et le fixe), comme dans le récit lui-même, par la présence des phrases binaires, et
surtout l’«égaiement » du sérieux par le ridicule. On le voit, l'«extravagance » est
en fait extrêmement ordonnée et dans ses critères rigoureuse. La folie est mécanique,
de
mécanique
la Fronde.de répétition, et cette bagatelle pourrait servir d'apologue à la perception

On sait, au moins depuis Plaute, que la gémellité est source de comique, surtout
lorsqu'elle se combine avec des phénomènes de dégradation, de duplication impar¬
faite. La folie de la Fronde, définie selon les critères ci-dessus, est une folie comique,
où les effets de répétition sont essentiels. Mais ce comique, puisqu’il repose sur ces
effets de symétries et d'échos, de division, de moments où les noms et les situations
se répondent, par « caprice » trop logique, est aussi le comique qui formellement se
trouve à l'oeuvre dans les épîtres par lesquelles nous avons débuté. La répétition est
l'indice même de la passion, passion poétique comme passion politique, lesquelles

les 41garnitures
l'essentiel
Ibid.,». t.; II,
et nous
p. 226.
fîmes nous-mêmes à la mode encore plus par cette sottise que par
170 Frédéric Briot

courent toujours le danger de tomber dans le galimatias. Or ce mot se retrouve fré¬


quemment chez Retz, pour qualifier les discours que la passion inspire avec trop de
force et d'évidence, et l'accusation est perpétuellement sous-jacente chez Boileau,
lorsqu'il ridiculise certains poètes42.

Au terme de ce (bien bref) parcours, on ne conclura pas à l'existence


d’une « Providence frondeuse »43 ; l’épître en vers n’a pas « préparé » la Fronde.
De même que la Fronde n'a pas « inspiré » une pratique poétique. Mais par les
homologies constatées, homologies de forme, répétons-le, et non pas de contenu, on
aura voulu montrer que la mise en vers n'est pas un acte purement « technique » ;
que cet acte peut répondre aussi à une vision du monde politique; que la coïncidence
du poétique et du politique amène à les considérer non dans un rapport de courroie de
transmission, dans le sens que l'on voudra, mais comme deux symptômes d'un
même processus, deux symptômes similaires mais aux rythmes différents, ne
marchant pas du même pas, et de ce fait conduit à redécouper les périodes littéraires
et historiques.
On a pu constater que nous n'avons pas usé du mot « burlesque » ; ce silence
délibéré avait pour objet d'ouvrir une discussion, non de la fermer dans une querelle
terminologique, même si cet angle d'attaque était également possible44. La Fronde
naît d'un vide qui conduit à des excès45 — comme l'épître naît d'une absence, d'une
séparation d'avec le destinataire. Cet excès, car il est intimement lié à la passion,
prend la forme de répétitions et de redites plus ou moins incongrues, mais qui
s'inscrivent toujours dans une mécanique de dissonances. D'une certaine façon,
l'Histoire hoquète. Ce mécanisme d'expansion ne se peut achever que par
l'intervention d'une volonté ; aussi nous laisserons Scarrron conclure pour nous :

Foin ! rime sur rime m'engage


A barbouiller plus d'une page
Et ce n'estoit pas mon dessein
De griffoner plus d'un dixain,
Ou d’un douzain, que je ne mente ;

42 Une des obsessions de l'Art poétique se trouve résumée en ce vers du chant


III : « Souvent trop d'abondance appauvrit la matière ».
43 Expression que nous empruntons à Jacques Truchet, dans la discussion de la
communication de Jean Serroy, o.c., p. 153.
44 Cf. Serroy, o.c., p. 149 : « Style de dissonance, de rupture, de décalage, le

burlesque,
de
XVIIème
aucune
XVIIIème
un 45
la
combat
médiocre
Cf.
cause
siècle
siècle)
en
aussi
sans
faisant
essentielle
réalité,
correspond
merci
ne
Denis
mobilise
passer
».trouve
Richet,
(la
àleun
les
sa
religion
monde
vacuum
véritable
préface
sujetsglorieux
au
dupolitique,
àraison
roi
XVIèmc
Jouhaud,
au
et d'être.
point
légendaire

siècle,
o.c.,
les
d'engager
Et conflits
pas
lap.
deconstitution
seulement
7l'épopée
leur
: semblent
« [...]
âmeantique
littéraire
ces'atomiser,
et leur
latournant
liberté
auvie
».niveau
dans
du

au
L'épître en vers dans le temps de la Fronde 171

Mais toujours la somme s'augmente,


Et j'écrirais jusqu'à demain
Si je ne retenois ma main.46

Frédéric Briot
Université Lille III

46 Paul Scarron, o.c., t. II, première partie, p. 127, épître datée de 1653.

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