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CHAPITRE IV: ONDES DE CHOCS DROITES

Nous avons souligné au chapitre II, ainsi qu’au chapitre III, que pour les écoulements à grande
vitesse le modèle continu ne permettait pas de décrire la totalité des gammes de fonctionnement. Il
existe donc des zones où l’écoulement peut varier très rapidement afin de s’adapter aux contraintes,
c’est à dire des discontinuités. Expérimentalement, aux grandes vitesses, les visualisations optiques
mettent en évidence des variations de l’indice de réfraction du milieu qui est relié à la masse vo-
lumique locale. Ainsi, comme le montre la figure (1), une variation sur une longueur très courte
témoigne d’une variation brutale de la masse volumique et de l’existence au sein de l’écoulement
d’une discontinuité. Nous allons consacrer ce chapitre à l’étude des discontinuités et de leur classi-

Figure 1: Visualisation d’un choc droit à la sortie d’une tuyère de Laval.

fication. Nous supposerons l’écoulement adiabatique et sans efforts extérieurs. Nous supposerons
en outre l’écoulement stationnaire.

1 Ondes de chocs et surfaces de glissement.


1.1 Ecriture des équations de saut
Comme le montrent différentes visualisations figures (1) et (4), il est raisonnable d’assimiler les
surfaces de discontinuités à des surfaces infiniment minces.
Considérons une surface de discontinuité représentée sur la figure (2) Σ(t) de vitesse propre
~
W , orientée par la normale N ~ séparant alors le domaine de l’écoulement en deux sous domaines
comme vu au Chapitre I (figure(1)). Cette surface est supposée purement géométrique, elle n’est le
siège d’aucune réaction chimique, ne possède pas de tension superficielle on dira qu’elle est inerte.
On appelle ~t la tangente à la surface de discontinuité. Nous supposons le fluide parfait de part
et d’autre de Σ(t). On dira que la surface de discontinuité est stationnaire si W ~ = 0. On
indicera par 1 toutes les quantités juste avant la surface de Discontinuité et par 2 juste après.
Les équations de saut associées à la conservation de la masse, de la quantité de mouvement et de
l’énergie ont été rappelées au chapitre I, équations (37), (41) et (47). Explicitons ces équations de
saut avec les notations indiquées plus haut et dans le cadre de l’approximation du fluide parfait.
On notera un et ut les composantes de la vitesse dans le repère (N ~ , ~t):

ρ1 (u1n − W ) = ρ2 (u2n − W ) = ṁ (1)

où ṁ est une constante représentant le débit massique traversant Σ et pouvant être positive,
négative ou nulle. La projection de l’équation de saut de quantité de mouvement respectivement

34
2
~
N
1 ~t ~
W

Σ(t)

Figure 2: Surface de discontinuité.

~ et ~t donne:
sur N
ρ1 u1n (u1n − W ) + p1 = ρ2 u2n (u2n − W ) + p2 (2)
ρ1 u1t (u1n − W ) = ρ2 u2t (u2n − W ) (3)
Enfin l’équation de saut de l’énergie donne:

u21 u2
ṁ(e1 + ) + p1 u1n = ṁ(e2 + 2 ) + p2 u2n (4)
2 2
Il apparaı̂t clairement compte tenu de (1) que deux cas sont à considérer, ṁ = 0 ou ṁ 6= 0 .

1.2 Définition des surfaces de glissement ṁ = 0


La surface de discontinuité n’est alors pas traversée par de la matière, on a

ρ1 (u1n − W ) = ρ2 (u2n − W ) = 0 → u1n = W = u2n (5)

Dans ce cas (2) devient


p1 = p 2 (6)
L’équation (3) ne permet pas de conclure quoi que ce soit sur les vitesses tangentielles à la traversée
de la surface de discontinuité. L’équation (4) est redondante avec (6). Une surface de discontinuité
non traversée par la matière est appelée surface de glissement ou de contact. Un exemple
typique est la surface du jet de sortie d’une tuyère. La surface de glissement est stationnaire, elle
sépare l’air au repos des gaz brûlés, elle est représentée par des pointillés sur la figure (3). Les
fluides glissent l’un sur l’autre avec des vitesses tangentielles arbitraires et la pression est la même
de part et d’autre de la surface de glissement (6) ce qui avait été exploité auparavant au chapitre
II pour discuter de l’influence de la pression de sortie.
atmosphère
patm
ps
gaz brûlés

Figure 3: Visualisation d’un jet à la sortie d’une tuyère.

A la traversée d’une surface de glissement ou de contact la pression se conserve ainsi


que les vitesses normales, les vitesses tangentielles sont quelconques, la surface n’est
pas traversée par de la matière.

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Figure 4: Simulation en soufflerie de l’entrée dans l’atmosphère martienne du futur orbiteur de la
mission ”retour d’échantillons martien”, ONERA

1.3 Les ondes de choc ṁ 6= 0


Considérons le cas où ṁ 6= 0 la surface de discontinuité Σ(t) est traversée par de la matière, le
débit massique à la traversée de Σ n’étant pas nul.
On appelle onde de choc, une surface de discontinuité traversée par de la matière.
Les équations (2), (3), (4) deviennent alors:

ṁ u1n + p1 = ṁ u2n + p2 (7)


u1t = u2t (8)
Enfin l’équation de saut de l’énergie donne en tenant compte de ce qui précède, du fait que u2 =
u2n + u2t et du fait que h = e + ρp :

(u1n − W )2 (u2n − W )2
h1 + = h2 + (9)
2 2

Les ondes de choc correspondent physiquement à des zones de l’écoulement où les différentes
quantités subissent de fortes variations sur des distances de l’ordre du libre parcours moyen λ
(cf Chapitre I). Dans cette région, les gradients étant forts, malgré une viscosité faible, les effets
dus à la viscosité ne peuvent plus être négligés, cela conduit à des irréversibilités de sorte qu’à la
traversée d’un choc l’entropie ne peut qu’augmenter. L’équation de saut associée à l’entropie a été
rappelée au chapitre I, équation (56). Nous supposerons l’écoulement adiabatique. Cette équation
s’écrit en utilisant la définition de ṁ donnée en (1):

ṁ (s2 − s1 ) > 0 (10)

Il est clair que dans le cas d’une surface de glissement on ne peut rien conclure sur l’entropie. Par
contre pour une onde de choc, on voit que l’on obtient si ṁ > 0 ( la surface de discontinuité est
alors traversée de (1) vers (2)):
(s2 − s1 ) > 0 (11)

Si ṁ < 0, la matière traverse la surface de discontinuité de (2) vers (1) on a s 1 > s2 , ce qui indique
que la région avant le choc est la région (2) et la région après le choc la région (1). Les chocs peu-
vent avoir des géométries très différentes, ils peuvent être perpendiculaires à l’écoulement amont,

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Figure (1), courbes Figure (4) attachés ou non à l’obstacle.
Dans ce chapitre nous nous limiterons aux chocs perpendiculaires à l’écoulement amont, ou choc
droit. Dans ce cas la vitesse amont est uniquement dirigée selon la normale et nous la noterons
~u1 . Compte tenu de (8), on en déduit que comme u1t = 0, alors u2t = 0; par conséquent à l’issu du
choc l’écoulement est également perpendiculaire au choc comme représenté sur la figure (5).

2 Le choc droit
~
N

~u1 ~u2

1 2
Σ

Figure 5: Le choc droit.

On supposera pour simplifier l’énoncé que le choc est stationnaire et par conséquent W est nul.
Dans le cas inverse, il faut remplacer u1 par v1 = u1 − W et u2 par v2 = u2 − W dans tout ce qui
suit et les résultats sont inchangés. Pour comprendre ce qui se passe lors de la traversée d’un choc
droit, nous allons considérer le cas du gaz parfait polytropique. Il est possible de démontrer les
résultats suivants dans le cas d’une loi de comportement très générale, le lecteur se reportera au
chapitre IX de ” Fluid Mechanics” de Landau et Lipshitz. Dans le cas d’un choc droit stationnaire,
les équations de saut deviennent:

ρ1 u 1 = ρ 2 u 2 (12)

ρ1 u21 + p1 = ρ2 u22 + p2 (13)


u21 u22
h1 + = h2 + (14)
2 2
s2 > s 1 (15)
p = ρRT (16)
Afin d’aller plus loin nous allons supposer que le fluide peut être modélisé par le modèle du
gaz parfait polytropique. On rappelle que pour un gaz parfait polytropique dh = Cp dT avec Cp
constante, on a alors h = Cp T + qf où qf est appelé l’enthalpie de formation, et qf ne dépend que
du fluide. D’autre part lorsque le gaz est parfait et polytropique on a la vitesse du son définie par
c2 = γRT .
L’équation (14) s’écrit :
M12 c21 M22 c22
Cp T1 + = C p T2 + (17)
2 2
M12 γRT1 M22 γRT2
Cp T1 + = C p T2 + (18)
2 2

37
T2 Cp + 12 γRM12
= (19)
T1 Cp + 21 γRM22
Or nous avons vu au chapitre I que R = Cp − Cv , on obtient alors:

T2 2 + (γ − 1)M12
= (20)
T1 2 + (γ − 1)M22

L’équation (12) s’écrit: p p


ρ1 M1 γRT1 = ρ2 M2 γRT2 (21)
Compte tenu de (20), on déduit de (21):
!1
ρ1 M2 2 + (γ − 1)M12 2
= (22)
ρ2 M1 2 + (γ − 1)M22

L’équation (13) s’écrit:


p1 + γp1 M12 = p2 + γp2 M22 (23)
p2 1 + γM12
= (24)
p1 1 + γM22
La loi d’état permet d’obtenir une équation ne faisant intervenir que M1 et M2 . En effet on a :
p2 Rρ2 T2
= (25)
p1 Rρ1 T1

Compte tenu de (20) et de (22), on obtient l’équation suivante:


   
γ−1 γ−1
M12 1+ 2 M12 M22 1+ 2 M22
2 = 2 (26)
1 + γM12 1 + γM22

Cette équation est une équation du second degré pour M22 , elle admet la solution triviale M22 = M12 ,
la seconde solution vaut:
2 + (γ − 1) M12
M22 = (27)
1 − γ + 2γM12
On peut donc déduire de (20), (22) et (24):
 
T2 2 + (γ − 1)M12 1 − γ + 2γM12
= (28)
T1 (γ + 1)2 M12

ρ1 u2 γ−1 2
= = + (29)
ρ2 u1 γ+1 (γ + 1)M12
p2 1 − γ + 2γM12
= (30)
p1 1+γ
Pour un gaz parfait polytropique, nous avons vu au chapitre I équation (22) que la variation
d’entropie entre deux états caractérisés par les variables d’état (T 1 , ρ1 ) et (T2 , ρ2 ) pouvait s’expliciter
sous la forme:   !
T2 ρ2 1−γ
∆s = s2 − s1 = Cv ln (31)
T 1 ρ1
et ce qu’il y ait ou non irréversibilité dans le système. En effet s est une fonction d’état ne dépendant
pas du chemin suivi pour la calculer. Par contre le choc est un processus irréversible, il faut donc
rajouter un principe d’évolution, rappelé plus haut: l’entropie augmente à la traversée du choc.

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Ainsi, l’on a ∆s > 0. Une étude de fonction pénible mais sans difficulté, permet de montrer que
l’écoulement (11) amont est alors supersonique :

M1 > 1 (32)

On en déduit de même compte tenu de (27) que l’écoulement à l’aval du choc est subsonique

M2 < 1 (33)

Comme γ est supérieur à 1, on peut déduire de (28), (29), (30) le sens de varaition de la pression,
de la masse volumique et de la température à la traversée du choc droit:
p2 ρ1 u2 T2
> 1 < 1 <1 >1 (34)
p1 ρ2 u1 T1
En annexe nous avons indiqué à titre informatif les tables donnant M2 , ainsi que les divers rapports
intervenant dans (35) en fonction du nombre de Mach aval. Un choc droit ne peut avoir lieu que
dans un écoulement supersonique. Le choc droit fait passer l’écoulement d’un régime supersonique
à un régime subsonique.

3 Saut des conditions génératrices


A la traversée du choc, le fluide n’est pas modifié mais par contre l’écoulement a été radicalement
perturbé par le choc de sorte que les conditions génératrices sont différentes en amont et en aval.
Les conditions génératrices ont été définies au chapitre II. En aval du choc, l’écoulement étant
un écoulement de fluide parfait, adaibatique, il est isentropique. Après le choc, il l’est également.
Dans le chapitre I, nous avons exprimé le bilan local d’enthalpie spécifique totale H au chapitre I
(50). Le fluide étant parfait, adiabatique et sans effort extérieur on a dH
dt = 0. On a donc h + 2 u
1 2

constant sur une trajectoire. On a donc:


1
h + u2 = C p T0 (35)
2
Ainsi, on a en appelant T01 et T02 les températures génératrices dans le milieu 1 et 2:
1 1
h1 + u21 = Cp T01 = d’après (14) = h2 + u22 = Cp T02 (36)
2 2
Ainsi la température génératrice n’est pas modifiée par la traversée du choc.
Létude faite dans le cas d’un écoulement adiabatique, stationnaire de fluide parfait dans le cas
polytropique peut se généraliser avant et après le choc en imaginant une tuyère fictive délimitée
par deux lignes de courant. Ainsi les résultats restent valables et on a :
  γ
p1 γ−1 1−γ
= 1+ M12 (37)
p01 2
et:   γ
p2 γ−1 1−γ
= 1+ M22 (38)
p02 2
On connait le rapport p2 /p1 d’après (30), ainsi:
p02 p02 p2 p1
= (39)
p01 p2 p1 p01

39
p02
On a finalement le rapport p01 , que l’on a tracé ci-dessous: Nous verrons au chapitre V,

1.0

0.9

0.8

0.7

0.6

p02 0.5
p01
0.4

0.3

0.2

0.1

0
1.0 1.4 1.8 2.2 2.6 3.0 3.4 3.8 4.2 4.6 5.0

Figure 6: Rapport des pressions génératrices

l’importance des pressions génératrices pour évaluer l’importance du rendement d’un moteur d’avion.

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