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Auteur:
Laurette MATEU
Master Grande Ecole
Directeur de mémoire :
Spécialisation Logistique/ Supply Emmanuel
Chain RUFFENACH
Master Grande Ecole - Spécialisation Logistique/ Supply
Chain
Logistique humanitaire
d'urgence, de développement et
logistique commerciale:
similitudes, complémentarités et
différences
Je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Emmanuel Ruffenach, qui fut d’un soutien
extraordinaire et d’une aide précieuse durant tout le processus de création de ce mémoire.
Ce mémoire n’aurait pas pu voir le jour sans mes parents, qui m’ont aidés à la relecture.
Merci pour votre soutien inconditionnel dans tout ce que j’entreprends.
Je remercie Pierre Hiller, qui m’a motivé pour lire mes articles, Céline Ott, Elodie Nal,
Florian Sigronde, qui ont eu la gentillesse de lire mon plan et quelques-unes de mes parties et
de me donner leur avis sur mon style d’écriture et la clarté de mon propos.
Un merci tout spécial à Carole Jeanjean, qui m’a donné beaucoup de conseils pour
finaliser mon mémoire. Merci de ta patience et de ton attention.
Enfin, un grand merci à mes deux colocataires Elisa Chenailler et Johanna Baillieux qui
m’ont supportée pendant la rédaction de ce mémoire. Elles ont répondu à mes questions et
m’ont écoutée lire des parties pour savoir si mon propos était cohérent.
Merci à tous les autres qui m’ont soutenue moralement, par des petits mots gentils et
des encouragements durant ce processus qui aura duré un an.
MERCI !
3
Table des Matières
Introduction ........................................................................................................................ 9
1.1.2 L’humanitaire à l’heure actuelle: une notion complexe en pleine évolution qui
reste floue .......................................................................................................................... 17
2.3.1 Des SCs commerciale et militaire bien plus développées que la LH ................. 42
5
4.1.2 Possibilité d’incorporer des aspects de la LH dans la logistique commerciale et
vice-versa .......................................................................................................................... 66
4.2 Passer d’un état d’urgence à un état de développement et vice versa ............... 69
4.2.1 Une gestion des stocks possible dans les deux circonstances ............................ 69
5 Conclusion ...................................................................................................................... 74
Annexes.............................................................................................................................. 77
Méthodologie : ............................................................................................................... 88
Conférences: .................................................................................................................. 91
Ouvrages:....................................................................................................................... 91
7
Liste des Abréviations
Un certain nombre d’abréviations vont être utilisées dans ce mémoire. Certaines seront
des abréviations anglaises tirées d’articles académiques anglophones. Une possible traduction
est inscrite ici et est rappelée dans le mémoire lors de l’utilisation de l’abréviation.
IFRC : International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, ou Fédération
Internationale des Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge.
Utilisation de l’abréviation anglaise comme utilisée dans les articles académiques.
OH : Organisation Humanitaire
RLU : Regional Logistics Units, ou Unités Logistiques Régionales. Il s’agit des entrepôts
internationaux utilisés par la Croix Rouge.
Utilisation de l’abréviation anglaise comme utilisée dans les articles académiques.
UNICEF : United Nations Children’s Fund, ou Fond des Nations Unies pour l’Enfance
8
Introduction
Alors que l’aide humanitaire doit faire face à des crises toujours plus nombreuses, les
fonds destinés à ces actions n’augmentent pas au même rythme. En effet, le nombre de
catastrophes naturelles est passé de 400 en 1998 à 707 en moyenne entre 1999 et 2003 selon
un rapport datant de 2005 de la Fédération Internationale de la Croix Rouge et les Sociétés
des Croissants Rouges. L’impact de ces catastrophes devrait augmenter de 25% entre 2010 et
2015 dû au réchauffement climatique et aux pandémies (Van Wassenhove, Pedraza Martinez,
2010), mais surtout à cause d’une urbanisation croissante et désordonnée dans certaines zones
à risques de pays en voie de développement tels que des zones à sismicité élevée ou sujette à
des raz de marée.
Cependant, les fonds actuels des ONGs sont déjà insuffisants pour répondre à tous les
besoins d’aide humanitaire dans le monde. Par exemple, même si en 2004 le budget des 10
plus grosses organisations humanitaires excédait les 14 milliards de dollars (Thomas et
Kopczak, 2005), ces fonds n’ont pas été suffisants pour couvrir les opérations humanitaires de
grande envergure comme lors du tremblement de terre d’Haïti pour lequel, 6 mois après la
catastrophe, seul 60% des demandes de fonds avaient été couvertes (OCHA, 2010 d’après
Van Wassenhove, Pedraza Martinez, 2010). Il paraît difficile pour les acteurs de l’aide
humanitaire d’accomplir plus de missions avec les mêmes ressources sans abaisser la qualité
des soins et des aides apportées.
9
Problématique : Que peuvent apporter les principes de la logistique/ Supply Chain
commerciale à la logistique/ Supply Chain humanitaire et vice-versa ?
Précisions
La logistique faisant partie d’un ensemble plus vaste qu’est la Supply Chain, il est
difficile dans un sujet généraliste comme celui-ci sur la logistique humanitaire de ne pas
parler de sa Supply Chain. Ainsi, bien que le titre de ce mémoire ne semble prendre en
compte que la notion de logistique, ce mémoire traite aussi bien de la logistique humanitaire
que de la Supply Chain humanitaire. Par souci de clarification, ces deux termes sont définis et
expliqués dans la première partie du mémoire.
10
Chapitre Méthodologique
L’idée de travailler sur la logistique humanitaire est née lors de mon stage de première
année d’école de commerce, qui consistait en l’envoi d’appareils médicaux dans le monde. La
base de données EBSCO a tout de suite fait la relation avec l’envoi de médicaments des
convois humanitaires. J’ai aussi utilisé les bases de données Taylor and Francis et Wiley
Online Library de façon à trouver des articles de recherches de différents magazines me
permettant d’implémenter mon mémoire. J’ai accédé à ces bases de données via le portail
documentaire de l’Université de Strasbourg, en recherchant des revues de recherches incluant
le mot clé « logistique ».
Le choix des mots clés pour la recherche d’articles s’est ensuite fait par l’expression
« logistique humanitaire » dans un premier temps, puis par association d’idées au fil des
lectures des articles. La récurrence de certains mots et concepts dans plusieurs articles m’ont
ainsi permis de centrer mes recherches suivantes sur les concepts de développement, urgence,
crise, complexité, réactivité, gratuité, secours et humanité. La création de schémas
heuristiques m’a permis de mettre en lumière plus aisément les associations, similitudes,
complémentarités et différences entre ces mots clés caractérisant plusieurs ou une seule des 3
types de logistiques que j’ai décidé d’étudier.
11
En ce qui concerne les articles, j’ai commencé à lire des articles de revues générales
(comme Supply Chain Magazine) de façon à avoir une vue globale de la logistique
humanitaire. En avançant dans ma réflexion, je me suis intéressée aux articles de recherches
et j’ai diversifié les points de vue exposés, lisant aussi bien des articles traitant de modèles
mathématiques que des revues de la littérature.
J’ai aussi lu des articles traitant du même sujet (comme par exemple sur la logistique du
dernier kilomètre, last mile distribution en anglais) mais ayant des perspectives différentes ou
intégrant des variables omises par les autres articles.
Enfin, les thèmes des articles m’ont permis de faire mon choix. J’ai en effet essayé de
diversifier les thèmes et de lire des articles abordant aussi bien l’approvisionnement, la
préparation avant un désastre que des articles sur la gestion des stocks ou les transports. J’ai
ainsi choisi mes articles de façon à avoir lu au moins un article sur un thème précis de la
Supply Chain humanitaire.
Je peux ainsi parler dans ce mémoire, même partiellement, de chaque aspect de la Supply
Chain humanitaire.
12
1. Qu’est ce que la logistique humanitaire ?
Notion récente et peu connue, il est important avant de pouvoir étudier la logistique
humanitaire de comprendre quelles sont ses origines et de la placer dans son contexte. Nous
ferons tout d’abord un historique de la notion d’humanitaire et des ONGs puis nous définirons
les concepts de logistique et de Supply Chain avant d’aborder la notion de logistique
humanitaire.
La plupart des informations fournies dans cette partie proviennent de l’article « Qu’est ce
qu’une ONG ? » du site Internet faq-logistique.com après vérification de leur véracité et un
retravail de ma part.
Nous pouvons faire remonter le concept de l’humanitaire au principe religieux prôné par
les trois grandes religions monothéistes qu’est la charité. En effet, un principe important du
judaïsme est la Tsedaka, que l’on peut traduire par « charité ». La Tsedaka est l’une des trois
valeurs avec la Teshouva (acte de repentance) et la Tefilah (prière) qui permet d’obtenir le
pardon des péchés de la part de Dieu. Elle est plus ou moins valorisée selon l’action
entreprise. Il y a 8 niveaux de Tsedaka, le plus reconnu étant d’aider un autre juif en lui
trouvant du travail ou en lui prêtant de l’argent de sorte qu’il n’ait pas besoin de faire appel à
l’aumône. Le moins reconnu est lorsque qu’une personne fait un don de mauvais cœur, ce qui
annule l’action de la Tsedaka.1
La charité est aussi un pilier fondamental dans le christianisme car elle est l’une des
trois vertus théologales avec la foi et l’espérance. Elles sont nommées théologales car « elles
qualifient la relation de l’homme à Dieu ».2 De même que dans le judaïsme, un acte de charité
1
R. David A. PITOUN, Les 8 niveaux de la Tsedaka, à partir des écrits du Gaon Rabbi Ya'akov Sasson
2
Bruno FEILLET, Vertus Théologales
13
fait à contrecœur n’aura pas la même valeur qu’un acte fait avec amour et conviction. Pour
l’apôtre Paul, « la vertu est le fondement de l’être : « Si je n’ai pas la charité, je ne suis
rien » ».3 Tout acte doit être fait avec charité, sinon il n’a aucune valeur aux yeux de Dieu.
Il en va de même pour l’Islam avec les principes de la zakat (dont le sens premier est
purification mais qui correspond à l’aumône), troisième pilier de l’Islam, et de la sadaqa (la
charité). Pour l’Islam, la donation d’une partie de ses biens permet aux musulmans de se
purifier, comme l’exprime la Sourate 92, verset 18 : « …qui donne ses biens pour se
purifier… ».
Ainsi, les premières actions dites d’humanitaires se sont faites suivant le principe de la
charité propre aux trois grandes religions monothéistes. Les premières institutions
humanitaires furent instaurées par des institutions religieuses, comme les hospices ou les
orphelinats, gérés par l’Eglise. Cependant, nous sommes bien loin de la version actuelle de
l’aide humanitaire, car les donations faites par les fidèles étaient soumises à l’impôt qui
revenait à l’église, qui n’était pas totalement désintéressée par l’argent que la charité pouvait
lui rapporter.
Concernant l’action humanitaire urgentiste, elle remonterait au Ier siècle après J.C.
Pedanius Dioscoride, un médecin militaire au service de Claude Ier et de Néron, aurait créé
une école de médecine pour soigner gratuitement les blessés du champ de bataille. Cette
action ressemble énormément à celle des ONGs actuelles. Les avis divergent car il y a peu
d’écrits à ce sujet, mais ce médecin serait le premier médecin urgentiste.4
Cette notion d’action humanitaire était de plus en plus abordée et ancrée dans les mentalités.5
Cependant, ce n’est qu’au XIXème siècle que l’action individuelle devint collective
avec la création d’associations. La guerre civile suivie du tremblement de terre et d’un raz de
marée à Caracas, Venezuela, en 1812, poussa les associations américaines à demander à leur
gouvernement d’envoyer de l’aide sur place. Le gouvernement américain céda aux pressions
du lobbying et envoya cinq navires chargés de farine sur les côtes vénézuéliennes pour être
distribuée aux plus nécessiteux. Cette action est la première action humanitaire internationale
notoire. Elle fut très bien accueillie et permit d’assurer les besoins alimentaires primaires des
habitants et de les aider à surmonter cette crise.
Cet évènement donna une nouvelle ampleur aux associations et au lobbying américain
pour devenir mondial. Par exemple, l’association British and Foreign Anti-Slavery Society fut
créée en Grande Bretagne en 1823. Elle peut être considérée comme une ONG de par ses buts
et objectifs (abolir l’esclavage), et 10 ans après sa création l’esclavage fut aboli dans les
colonies britanniques, ce qui prouve bien l’ampleur du phénomène et l’engouement populaire
qui l’accompagne.
5
Auteur inconnu, Logistique humanitaire : Comment concilier planification et improvisation
15
1.1.1.4 L’action humanitaire moderne et la création des ONGs
L’action humanitaire moderne telle que nous la connaissons fut créée par Henri Dunant,
qui, venu d’Algérie pour rencontrer Napoléon, assista à la bataille de Solferino de 1859.
Devant ce carnage (il y eut prés de 40 000 morts lors de cette bataille), Dunant décida
volontairement d’aider les blessés des deux camps laissés à l’abandon et mit en place un
hôpital avec l’aide de la population locale.
Suite à cette bataille, il écrivit un livre, Un souvenir de Solferino, paru en 1862, dans
lequel il écrit que les souffrances des soldats pourraient être réduites à l’avenir si des
organisations humanitaires neutres et volontaires avaient le droit de soigner les blessés dans
tous les pays en guerre.
Grâce à cette publication, Dunant et quatre de ses amis forment le Comité international de
secours aux militaires blessés en campagne en 1863, qui deviendra quelques mois plus tard le
Comité International de la Croix Rouge, première Organisation Non Gouvernementale, même
si elle ne s’appelait pas comme telle à l’époque.
L’organisation organise en 1864 la conférence de Genève, qui donnera naissance aux règles
fondamentales du droit humanitaire international. C’est la convention de Genève qui est
signée par 12 Etats européens. Dés 1881 la Croix Rouge s’internationalise avec la création de
la Croix Rouge américaine, internationalisation qui ne fera qu’augmenter avec les années.
16
1.1.2 L’humanitaire à l’heure actuelle: une notion complexe en pleine
évolution qui reste floue
L’évolution vers les actions humanitaires que nous connaissons aujourd’hui a donc été
progressive, évoluant avec les siècles et les mentalités. Les catastrophes naturelles et les
guerres ont aussi été déterminantes dans la prise de conscience qu’un Homme, quelle que soit
sa nationalité ou son origine, reste un Homme et a autant le droit qu’un autre d’être soigné ou
secouru.
6
Claire ALET-RINGENBACH, Organisation non gouvernementale, Alternatives Economiques Poche n°
022, L’économie sociale de A à Z, janvier 2006
7
Claire ALET-RINGENBACH, Organisation non gouvernementale, Alternatives Economiques Poche n°
022, L’économie sociale de A à Z, janvier 2006
17
Personnellement, je proposerai la définition suivante : « Une ONG est une
organisation à but non lucratif, tirant ses financements d’origine privée (type don), faisant
appel à des bénévoles, à caractère national ou transnational, neutre et indépendante vis-à-vis
des Etats, ayant pour objectif l’amélioration de la condition humaine sous toutes ses formes
(aide en temps de guerre ou de catastrophe naturelle, aide aux plus démunis, défense des
droits de l’Homme, etc…) sans distinction ethnique ou sociale. » Bien sûr, cette définition est
réductrice et ne fait pas de distinction entre les différents types d’ONGs centrées sur le
développement ou l’urgence, mais elle regroupe les caractéristiques communes majeures des
ONGs à travers le monde.
Malgré tout, le terme d’ONG reste vague car il englobe des milliers d’organisations
aux objectifs complètement différents (lutte contre la faim dans le monde, respect des droits
de l’Homme ou aide aux SDF en France) et une définition courte et concise pour les
caractériser toutes, semble difficile à trouver.
En ce qui concerne le terme d’humanitaire, il regroupe plusieurs aspects et n’est pas lié
qu’à la notion d’ONG. Il peut être utilisé comme nom ou comme adjectif. L’adjectif est défini
par le dictionnaire Larousse comme suit : « Qui s'intéresse au bien de l'humanité, qui cherche
à améliorer la condition de l'homme »8 , définition que l’on peut associer aux ONGs, aux
actions humanitaires et à l’aide humanitaire.
Enfin, le nom humanitaire peut avoir deux sens : Il peut désigner l’« ensemble des
organisations humanitaires et des actions qu'elles mènent »10 mais aussi les «membres d’une
8
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/humanitaire/40620
9
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/intervention/43886/locution?q=humanitaire#180387
10
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/humanitaire/40621?q=humanitaire#40529
18
organisation humanitaire »11, c'est-à-dire les acteurs de l’aide humanitaire.
Le concept d’humanitaire est donc plus clair que celui d’ONG, mais il regroupe
cependant plusieurs définitions totalement différentes selon le contexte, regroupant aussi bien
l’acte d’aide, les organisations humanitaires, les acteurs de l’aide que l’intervention militaire
d’un Etat dans le cadre du droit d’ingérence au nom d’une urgence humanitaire. Il faut donc
être vigilant lorsque l’on emploie ce terme.
Alors que les ONGs sont censées être indépendantes, une grande partie de leur
financement provient d’Etats ou de groupements d’Etats tel que l’Union Européenne. Elles
effectuent aussi régulièrement des missions avec l’ONU. Leurs aspirations apolitiques
peuvent être remises en question, et les ONGs se doivent de faire attention à conserver leur
statut d’organisations indépendantes.
Les ONGs ont des problèmes de coordination sur le terrain. En effet, la diversité des
structures et des mentalités d’une organisation à l’autre complique la communication entre les
ONGs. Chaque organisation a sa vision des choses et se méfie des autres organisations. Il
n’existe pas au sein des ONGs une direction de la sécurité civile comme dans le secteur public
français qui coordonne les organisations.12
Outre ces différences culturelles au sein des organisations, la communication entre les
ONGs est difficile, et le manque d’échange d’informations dû au peu de technologie sur place
11
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/humanitaire/40622?q=humanitaire#752762
12
Gilles BRIDIER, L’humanitaire, c’est de la logistique, 2011
19
et aux autres préoccupations du moment provoque une mauvaise gestion de crise. Cependant,
trop d’informations n’est pas bénéfique non plus. Pour Tatham et Petit (2010), il y a trop de
réunions par semaine (72 réunions par semaine selon Völz (2005) après le tsunami de Bandar
Aceh en 2004) et trop d’associations qui y assistent (170 associations sur le cluster de l’eau à
Haiti en 2010), cela serait inacceptable dans le secteur privé. Les auteurs préconisent
l’utilisation d’une troisième ou quatrième partie logistique pour coordonner toutes les
associations et éviter le désordre.
De plus, lors d’une catastrophe naturelle ou d’une crise, comme les ONGs ont peu de
fonds permanents, elles manquent de préparation et rentrent en compétition les unes avec les
autres pour se procurer le même matériel au dernier moment (Tatham, Petit, 2010).
20
les militaires compromettent leurs actions (p. 321). Cependant, les attaques de plus en plus
fréquentes de civils et d’humanitaires sur le terrain, comme à Muttur au Sri Lanka où 17
humanitaires d’Action contre la Faim se sont fait abattre d’une balle dans la tête en 2006,13
requiert une implication de plus en plus fréquente du militaire.
Il faut fixer des règles et la place de chaque partie, humanitaire comme militaire, sur le
terrain des opérations sous forme de lois internationales, de façon à ce que la place et le rôle
de chacun soit respectés et que la neutralité des ONGs ne soit pas entachée.
Après avoir compris l’origine des ONGs et de l’humanitaire, les avoir définis et mis en
lumière leurs problèmes majeurs et le contexte dans lequel ils opèrent, il est important d’en
faire de même pour la logistique et la Supply Chain avant de pouvoir aborder la question de la
logistique humanitaire.
Le terme logistique vient du grec « logistikos » qui signifie « relatif au calcul » ou « qui
concerne le raisonnement » (Le Robert, 2010). Ce mot a une origine mathématique mais aussi
militaire. Platon est le premier à utiliser ce terme pour désigner le calcul pratique par
opposition à l’arithmétique théorique.14 Ainsi, dés son origine, le mot logistique a toujours été
associé à la pratique plus qu’au théorique.
Ces travaux furent réutilisés par les entreprises dés la période d’après-guerre, mais ce
n’est que vers les années 1970 aux Etats-Unis et 1980 en Europe que la logistique a
réellement commencé à être prise en compte au niveau civil. Les travaux de James L. Heskett
dés 1973 et son article «Logistique, élément clé de la stratégie » de 1978 créèrent une
dynamique aux Etats-Unis qui sera suivie par la France dés 1980 après la publication des
travaux de Porter pour qui la logistique est un avantage concurrentiel pour les entreprises. 19
Après avoir compris d’où venaient ces deux concepts et dans quel contexte ils furent
créés, il semble primordial de les définir.
16
http://www.acharkaoui.com/la-logistique/ethymologie-du-mot-logistique/
17
http://www.musee-arromanches.fr/logistique/
18
http://pfeda.univ-lille1.fr/iaal/docs/dess2003/log/multimedia/penseelogistique/penseelogistique.html#11
19
http://pfeda.univ-lille1.fr/iaal/docs/dess2003/log/multimedia/penseelogistique/penseelogistique.html#11
22
1.2.2 Définition de la logistique
Dans leur manuel scolaire Contemporary Logistics Management (2010), Murphy et Wood
définissent la SC en tant que « toutes les activités associées avec les flux de marchandises et
la transformation des produits en partant des matières premières jusqu’à l’utilisateur final, tout
comme les flux d’information associés. »
20
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/logistique/47678
21
http://www.aslog.org/fr/ACTI_outils_glossaire.php
22
Traduction trouvée sur le site http://www.numilog.com/package/extraits_pdf/e224868.pdf ; Information
trouvée dans le glossaire du CSCMP :
http://www.clm1.org/sites/default/files/user_uploads/resources/downloads/glossary-2013.pdf
23
Pour le CSCMP, « La SCM inclut la planification et la gestion de toutes les activités
impliquées dans l’achat et l’approvisionnement, la conversion et toutes activités de gestion
logistique. Cela inclut aussi la coordination et la collaboration avec des chaînes partenaires
qui peuvent être des fournisseurs, des intermédiaires, des troisièmes parties de service et des
clients. La SCM intègre la gestion du ravitaillement et de la demande à l’intérieur et à
l’extérieur des entreprises. C’est une fonction intégrative avec comme première responsabilité
de lier les fonctions principales des affaires et les processus commerciaux dans et autour des
entreprises dans un business model cohérent et de haute performance (…).23 »
23
http://www.clm1.org/sites/default/files/user_uploads/resources/downloads/glossary-2013.pdf
24
Figure 1 : Supply Chain Management: intégrer et gérer les processus commerciaux à
travers la Supply Chain.
Source: Issues in Supply Chain Management, Lambert et Cooper, 2000, p. 10
Ainsi, la logistique est une partie de la Supply Chain, mais chacune fonctionne avec
l’autre. Même si la logistique peut fonctionner sans s’occuper de sa Supply Chain, son
efficacité sera moindre. La Supply Chain étant le côté stratégique global de la logistique, sans
cette dernière, la SC n’existerait pas. A cause de cela, lorsque nous étudierons la logistique
humanitaire, nous parlerons aussi de la SC et de la SCM.
Même si la logistique et la SCM dans les entreprises sont plus développées que dans
l’humanitaire, la prise en compte de ses notions dans le secteur commercial reste relativement
récente, particulièrement concernant la SC, née dans les années 90. De gros efforts restent
encore à faire. Nous aborderons plus précisément ces questions dans les parties 2.2 et 2.3.
25
1.3 Création de la notion de logistique humanitaire
Bien qu’en pratique, la logistique humanitaire (LH) est utilisée depuis les toutes premières
actions humanitaires, elle n’a été conceptualisée que récemment. Selon Kovacs, Tatham et
Larson (2012), cela est dû à la couverture médiatique importante de quelques missions
humanitaires de grande envergure comme le raz de marée d’Asie du Sud Est de 2004 ou le
tremblement de terre d’Haiti de 2010, mais aussi à la reconnaissance de l’importance de la
contribution logistique au succès d’une mission, reconnaissance inexistante auparavant. 24
Ce n’est qu’en 2005 qu’une définition reprise aujourd’hui par tous les chercheurs en LH
fut donnée par Thomas et Kopczak dans leur article « From logistics to supply chain
management : the path forward in the humanitarian sector ». Selon eux, la LH se définit
comme suit :
24
What skills are needed to be a humanitarian logistician? G. Kovacs, P. Tatham, P. D. Larson, Journal of
Business Logistics, 2012
25
BEAMON, Benita M., KOTLEBA, Stephen A. Inventory modeling for complex emergencies in
humanitarian relief operations. International Journal of Logistics Research and Applications: A Leading Journal
of Supply Chain Management, 2006
26
http://www.slate.fr/story/36689/humanitaire-logistique-msf
26
point d’origine au point de consommation dans le but de soulager la souffrance des
personnes vulnérables. Cette fonction inclut un éventail d’activités telles que la préparation,
la planification, l’approvisionnement, le transport, le stockage, le suivi, l’enregistrement et
les autorisations de douanes. » 27
Cette définition est bien illustrée par la Figure 2 proposée par Pedraza Martinez,
Stapleton et Van Wassenhove en 2010.
Source : Pedraza Martinez, A.J., Stapleton, O., Van Wassenhove, L.N. Using OR to Support
Humanitarian Operations: Learning from the Haiti Earthquake. INSEAD Faculty & Research
Working Paper, 2010, p. 310
Cette définition inclut bien les principes propres à l’humanitaire comme à la logistique
étudiés plus haut. Cependant, elle ne prend pas en compte la diversité de la LH, aussi bien au
niveau de la diversité de ses missions que de leur longueur.
En effet, la LH est employée lors de conflits humains comme des guerres ou lors de
catastrophes naturelles, et Kovacs et Spens (2007) désigne la LH comme un « mix varié
d’opérations » incluant aussi bien les crises d’urgence que les aides à long-terme de régions
en voie de développement.
La LH répond donc à divers types de catastrophes à plus ou moins long terme, ce que
la définition de Thomas et Kopczak, bien qu’assez complète, ne prend pas en compte.
27
www.fritzinstitute.org/PDFs/WhitePaper/FromLogisticsto.pdf
27
La LH englobe les problèmes de la SC et de la logistique classiques ainsi que les
problématiques liées à l’humanitaire, ce qui en fait une notion d’autant plus complexe dans un
contexte souvent tendu et difficile.
La LH et ses concepts étant définis et replacés dans leur contexte, nous pouvons
désormais étudier ses spécificités par rapport aux deux autres types de logistiques susceptibles
d’avoir un impact sur la LH : la logistique commerciale et la logistique militaire.
28
2. Spécificités de la logistique humanitaire par rapport à la
logistique commerciale et militaire
Dans cette section, nous allons étudier chaque aspect de la SC commerciale et humanitaire
pour en dégager les différences. Nous verrons qu’elles ont des objectifs et des moyens
différents pour y parvenir, et que les compétences requises pour travailler dans la SC
commerciale sont différentes de celles requises pour travailler dans la SC humanitaire. Par
conséquent, les rapports de force au sein des ONGs ne sont pas les mêmes que dans une
entreprise, ce qui crée des forces et faiblesses différentes entre ONGs et entreprises.
Alors que la LH a pour objectif de sauver des vies et d’aider les bénéficiaires, la logistique
commerciale ne cherche qu’à maximiser son profit. Pour atteindre leurs buts respectifs,
chacune utilise différemment les étapes de la SC.
Tout d’abord, le cycle de vie de leur SC est différent. Une entreprise est faite pour
durer et définit sa stratégie à long terme, souvent sur 5 ou 10 ans. Les organisations
humanitaires, elles, au contraire, n’effectuent que des missions de quelques mois ou années
selon s’il s’agit d’une mission d’urgence ou de développement. Le cycle de vie de leur SC est
donc plus court et prend place dans des conditions spécifiques plus incertaines que celles
29
d’une entreprise.28
Concernant la demande, elle est relativement stable pour les entreprises, et il est
possible de faire des prévisions de la demande grâce à des méthodes quantitatives et
qualitatives qui, même si elles ne sont pas fiables à 100%, restent une bonne indication de la
demande future. Ces méthodes permettent de planifier la production à l’année et d’anticiper
les possibles pics saisonniers pour que l’entreprise ne se retrouve pas en rupture de stocks.
28
CHARLES, Aurélie, LAURAS, Matthieu, VAN WASSENHOVE, Luk. A model to define and assess the
agility of SCs: building on humanitarian experience. International Journal of Physical Distribution and Logistics
Management, 2010
29
ERTEM, Mustafa A., BUYURGAN, Nebil, ROSSETTI, Manuel D. Multiple-buyer procurement auctions
framework for humanitarian supply chain management. International Journal of Physical Distribution and
Logistics Management, 2010
30
BALCIK, Burcu, BEAMON, Benita M., SMILOWITZ, Karen. Last Mile Distribution in Humanitarian Relief.
Journal of Intelligent Transportation Systems: Technology, Planning, and Operations, 2008
31
PEDRAZA-MARTINEZ, Alfonso J., VAN WASSENHOVE, Luk N. Using OR to adapt supply chain
management best practices to humanitarian logistics, International Transactions in Operational Research, 2012
30
L’approvisionnement est prévisible dans une entreprise, car elle commande ce dont elle a
besoin en fonction de la prévision de sa demande et de ce qu’elle compte produire.
L’entreprise achète ces produits contre de l’argent. Les organisations humanitaires ne
produisent rien elles-mêmes, elles ne font que distribuer, et elles dépendent des donations en
nature ou en liquidité. Les donations en nature non sollicitées doivent être évacuées et elles
doivent être priorisées pour éviter un encombrement des entrepôts et faciliter la recherche des
biens lorsque le besoin se présente.
Le stockage d’un produit peut être de plusieurs années dans une entreprise, mais ce
délai tend à se réduire avec l’utilisation dans de plus en plus d’entreprises de la production en
flux tendu.
Comme les ONGs ne s’impliquent que sur des projets ou missions à court terme, le
stockage des produits est généralement de quelques semaines voire mois localement, surtout
dans les situations d’urgences.
Les entreprises prévoient des stocks de sécurité de façon à assumer la demande au cas
où elle augmente subitement, alors que la gestion des stocks est plus difficile à mettre en place
au niveau de l’humanitaire. Souvent, lors d’une situation d’urgence, les stocks prépositionnés
ne suffisent pas à couvrir la demande.
Les modes de transport utilisés sont généralement des camions et des chariots élévateurs
dans les entreprises lorsque les organisations humanitaires doivent utiliser des équipements et
véhicules robustes qui peuvent être montés et démontés facilement. L’utilisation de tout-
terrain pour la distribution du dernier kilomètre est souvent privilégiée.
La livraison des marchandises est prévue et optimisée au niveau des entreprises grâce à
l’utilisation de modèles heuristiques plus ou moins complexes qui calculent le nombre de
véhicules nécessaires et l’itinéraire le plus avantageux pour livrer le maximum de client en un
minimum de temps. A contrario, la SC humanitaire s’effectue sur un réseau ad hoc, c'est-à-
dire sans infrastructure ou avec des infrastructures incertaines, aussi bien au niveau des nœuds
de la demande que des entrepôts de distribution. Le réseau humanitaire peut être perçu comme
31
une structure dynamique.32
Les flux financiers et leurs origines sont connus et prévisibles dans une entreprise.
L’entreprise achète des produits à ses fournisseurs contre une somme d’argent, elle les
transforme ou non, et les revend à ses clients à un prix suffisant pour rentrer dans ses frais et
faire une marge. Il s’agit donc d’un flux bilatéral connu.
Les organisations humanitaires ont à l’opposé un flux unilatéral incertain. Les fonds
proviennent seulement des donneurs car, même si les bénéficiaires peuvent être considérés
comme les clients finaux de la SC humanitaire (Thomas et Kopczak, 2005), il leur manque le
pouvoir d’achat des clients de la SC commerciale (Pettit et Taylor, 2007, Kovacs et Spens,
2008).33 Les bénéficiaires ne sont ni l’acheteur ni le donneur et reçoivent sans rien donner en
contrepartie, différence majeure avec la SC commerciale vis-à-vis du client.
Cette perspective met en lumière le fait que dans la SC commerciale l’acheteur est le
consommateur final, alors que dans la SC humanitaire, le consommateur final est le
bénéficiaire alors que l’acheteur est le donneur.34 Ce flux financier est donc incertain car les
donneurs peuvent cesser d’un jour à l’autre, selon leur bon vouloir, de donner des fonds à
l’organisation, mettant ainsi un terme à ses activités.
Les flux informationnels sont généralement bien encadrés et gérés dans une SC
commerciale car les entreprises ont à disposition des logiciels spécialisés performants dans
leur domaine, alors que le passage de l’information est difficile dans la SC humanitaire.
Après une catastrophe naturelle par exemple, les moyens de communication sont souvent
coupés et la communication entre les centres en retrait de la zone sinistrée et le terrain est
souvent impossible ou restreinte. Par exemple, il est souvent difficile d’utiliser les Systèmes
32
ERTEM, Mustafa A., BUYURGAN, Nebil, ROSSETTI, Manuel D. Multiple-buyer procurement auctions
framework for humanitarian supply chain management. International Journal of Physical Distribution and
Logistics Management, 2010
33
KOVACS, Gyöngyi, MATOPOULOS, Aristides, HAYES, Odran. A community- based approach to
supply chain design. International Journal of Logistics Research and Applications: A Leading Journal of Supply
Chain Management
34
CHARLES, Aurélie, LAURAS, Matthieu, VAN WASSENHOVE, Luk. A model to define and assess the
agility of SCs: building on humanitarian experience. International Journal of Physical Distribution and Logistics
Management, 2010
32
de Transport Intelligent (ITS), contrairement à la SC commerciale. 35 Peu de logiciels
humanitaires existent et très peu de collecte de données sont actuellement effectuées sur le
terrain, comme l’expliquent Pedraza-Martinez et Van Wassenhove dans leur article sur la
politique de remplacement des véhicules de la Croix-Rouge (2013), où l’exploitation de
données fiables pour mener à bien leur étude fut très difficile à trouver.
Charles, Lauras et Van Wassenhove (2010) intègrent aussi à la SC humanitaire les flux
humains avec le mouvement des réfugiés mais aussi le transfert de connaissances d’un pays à
l’autre lors d’une intervention internationale et d’une ONG à l’autre lors de missions
auxquelles participent plusieurs ONGs. On pourrait aussi parler de ce flux humain avec les
réunions internationales organisées par les entreprises, mais avec les moyens de
communication actuels (vidéo-conférences par exemple), ce flux reste négligeable par rapport
à la SC humanitaire.
35
BALCIK, Burcu, BEAMON, Benita M., SMILOWITZ, Karen. Last Mile Distribution in Humanitarian
Relief. Journal of Intelligent Transportation Systems: Technology, Planning, and Operations, 2008
36
CHARLES, Aurélie, LAURAS, Matthieu, VAN WASSENHOVE, Luk. A model to define and assess the
agility of SCs: building on humanitarian experience. International Journal of Physical Distribution and Logistics
Management, 2010
33
2.1.2 Compétences requises
Très peu d’études ont été réalisées sur les compétences requises pour être un
logisticien humanitaire. Nous allons nous focaliser sur les conclusions trouvées dans l’étude
menée en 2012 par Kovacs, Tatham et Larson dans leur article « What skills are needed to be
a humanitarian logistician ? ».
Pour ces auteurs, les compétences requises du personnel sont différentes selon les
fonctions logistiques à assumer et sont donc spécifiques à la logistique humanitaire. Leur
article développe un système conceptuel des compétences pour la LH et vérifie ses résultats
grâce à une étude de cas sur le tremblement de terre de 2010 en Haïti.
L’étude révèle que les logisticiens humanitaires ont besoin de compétences fonctionnelles
importantes et variées. Ils doivent avoir des connaissances approfondies concernant aussi bien
l’approvisionnement que le stockage ou le transport. Ces logisticiens doivent aussi avoir des
compétences utiles dans le domaine spécifique dans lequel ils sont employés, comme la
régulation des dons ou la sécurité. Ils doivent avoir une forte tolérance à la pression, arriver à
construire et à garder de bonnes relations avec leurs collègues de travail malgré les
changements d’équipes, être dynamique.
Il est important que les logisticiens aient des compétences techniques dans le domaine des
communications, de l’informatique et de la sécurité. Toutes les compétences requises en plus
des compétences demandées pour la logistique commerciale sont exposées dans l’annexe 1. Il
34
y a peu de femmes parmi les logisticiens humanitaires car c’est un travail à la fois managérial,
administratif et opérationnel, et l’opérationnel peut être très éprouvant physiquement parlant.
Une amélioration des formations et programmes éducatifs seraient nécessaires pour pallier
aux carences que connaît actuellement la LH au niveau de sa main d’œuvre. Il n’existe
aujourd’hui aucun examen ou diplôme certifiant des compétences nécessaires pour devenir
logisticien humanitaire. Il faudrait en créer un.
Pour les auteurs, les logisticiens humanitaires peuvent se servir de leurs compétences dans
d’autres domaines logistiques. L’inverse n’est pas forcément vrai, les compétences
demandées dans l’humanitaire étant plus poussées que celles demandées dans une entreprise
privée.
Les compétences requises dans l’humanitaire sont donc bien plus larges et variées que
dans le monde de l’entreprise. Etre un logisticien humanitaire n’est pas donné à tout le
monde : une expérience professionnelle préalable est généralement requise, comme dans la
Croix Rouge Française, où il faut avoir plus de 25 ans et avoir déjà exercer un métier de
logisticien avant de pouvoir s’engager37.
La maitrise de l’anglais est aussi indispensable, et des connaissances dans d’autres
domaines que la logistique sont nécessaires pour pouvoir assumer pleinement ses fonctions.
Enfin, avoir des qualités humaines est de rigueur de façon à pouvoir vivre en
communauté dans des conditions difficiles et supporter le fait d’être en contact permanent
avec la pauvreté et la misère humaine.
Les entreprises entretiennent des relations de pouvoir avec leurs fournisseurs et leurs
clients (position de force avec le fournisseur, dépendance vis-à-vis du client). Les relations
sont inversées au niveau des OHs.
En effet, les bénéficiaires sont dépendants de ces dernières, qui sont en position de
force par rapport au consommateur final. Les OHs sont par contre dépendantes des donneurs.
Les fournisseurs des OHs et les troisièmes parties logistiques dépendent donc autant des OHs
37
http://www.croix-rouge.fr/Je-m-engage
35
que des donneurs. Les rapports de force sont différents de ceux des entreprises et une pléthore
d’acteurs rentrent en considération dans l’aide humanitaire par rapport à ceux présents dans la
SC commerciale (cf Fig.3).
Au niveau interne, les personnes travaillant pour des OHs sont souvent des bénévoles.
Les OHs, mais surtout les ONGs, emploient peu de salariés dus au coût élevé du travail et à
leurs ressources financières limitées. Les relations hiérarchiques sont donc différentes de
celles d’une entreprise ou dans l’armée.
L’armée suit une structure hiérarchique très stricte, où chaque soldat connaît son rang
et se doit d’obéir à son supérieur direct, qui lui-même obéit à son supérieur direct. Kovacs et
Tatham (2009) appellent ce modèle « une structure hiérarchique commande-et-contrôle ». Les
entreprises, quant à elles, ont une organisation pyramidale avec le PDG à sa tête, les vices
36
présidents, les directeurs, les sous directeurs et ainsi de suite. Cette structure est plus ou moins
détaillée selon la taille de l’entreprise. Les organisations humanitaires obéissent à une
structure basée sur des expériences passées (case-based structure) (Kovacs et Tatham, 2009),
c'est-à-dire les opérations terrains menées précédemment, qui leur permettent d’étudier les
points à améliorer pour les missions futures. L’organisation des OHs est basée sur la
collaboration de ses participants plus que sur une hiérarchie stricte propre aux entreprises et à
l’armée.
La hiérarchie au sein des OHs est donc plus souple que celle des entreprises ou de
l’armée, et les rapports de force entre les OHs et les autres acteurs de la SC humanitaire sont
inversés par rapport à ceux des entreprises.
Chaque SC a ses forces et ses faiblesses, au niveau des entreprises comme de l’armée ou
de l’humanitaire.
Les entreprises et l’armée sont, comme expliquées précédemment, plus structurées que les
OHs. La coordination au sein de leurs équipes est plus facile pour eux que pour les ONGs. Ce
manque de coordination est une faiblesse de la LH.
L’armée et les entreprises ont des moyens techniques plus poussés que la LH, ce qui
joue en sa défaveur sur le terrain et explique l’utilisation de méthodes toujours archaïques. Ce
point sera développé dans la section 2.3.1.
Enfin, alors que les entreprises sont en compétition les unes avec les autres et que les
armées agissent dans l’intérêt de leurs pays respectifs, les ONGs doivent travailler ensemble
pour mener à bien les missions auxquelles elles ont décidé de participer. Cette mise en
commun s’avère difficile et multiplie les efforts parfois inutilement comme expliqué dans la
partie 1.1.3. Cette diversité des ONGs et ce manque de coopération entre elles sur le terrain
37
sont une autre des faiblesses dans OHs que ne rencontrent pas l’armée ni les entreprises.
Mais la LH a aussi des avantages que n’ont pas la logistique commerciale (LC) ni la
logistique militaire (LM).
La LH est plus agile que la LC, et même si la LM est aussi très agile, sa forte
hiérarchie réduit sa flexibilité. A ce niveau, le type de structure peu hiérarchisée des OHs joue
en leur faveur et leur confère une flexibilité que n’ont pas l’armée ou les entreprises.
Les ONGs ont aussi moins d’Unités de Gestion des Stocks (UGS ou SKU en anglais)
que les entreprises. Par exemple, la Croix-Rouge se compose de 4 000 UGS, contre 20 à
50 000 UGS dans un supermarché (Fernie et Sparks, 2004). En théorie, il est plus facile de
gérer les entrepôts d’une ONG que d’un supermarché.38
De plus, la LH peut faire activement participer les bénéficiaires à leurs actions, comme
le prouve l’article « A community based approach to supply chain design » de Kovacs,
Matopoulos et Hayes (2010). Dans cet article, les auteurs étudient l’intégration des
bénéficiaires à l’action humanitaire menée pour reconstruire leurs villages au Kosovo dans le
cadre du programme de reconstruction de 2000-2001. L’implication des bénéficiaires permet
à l’ONG d’être au plus près de leurs besoins et les rend moins victimes et plus responsables.
Cela permet aussi une meilleure transition après le départ de l’ONG, les bénéficiaires ayant
déjà commencés à reconstruire leurs liens sociaux. Même si les entreprises essaient de plus en
plus, notamment par le biais des réseaux sociaux ou par des concours, de faire participer leur
consommateur final, l’implication du client final ne pourra jamais être aussi forte que dans le
cas d’une ONG. La réponse aux besoins des consommateurs ne sera jamais optimale.
Même si ces trois logistiques ont bon nombre de différences et ce à plusieurs niveaux, elles
ont aussi un certain nombre de points communs, qui cependant ne servent pas les mêmes
intérêts.
38
TATHAM, Peter H., PETTIT, Stephen J. Transforming humanitarian logistics: the journey to supply
network management. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 2010
38
2.2 Des points communs aux services de buts différents
Les entreprises comme les OHs cherchent à réduire leurs coûts de fonctionnement. La
logistique englobant la majeure partie de ces coûts (entre 60 et 80% pour les OHs d’après Van
Wassenhove, 2006) dans les OHs comme dans les entreprises, tenter de réduire les coûts dans
ce domaine est la première des priorités dans les deux cas. Un contrôle rigoureux de chaque
processus pour en déceler les failles et améliorations possibles est nécessaire.
Cependant, le but de ces réductions n’est pas le même. Les entreprises souhaitent réduire
leur coût pour maximiser leur profit ou faire baisser leurs prix pour être plus compétitives,
quand les OHs le font pour satisfaire aux exigences de leurs donneurs et continuer à avoir des
fonds pour mener à bien leurs missions. Même si les techniques pour y arriver sont les
mêmes, les intérêts à le faire restent différents.
En France, on peut classifier les entreprises selon leur statut juridique, tel qu’entreprise
unipersonnelle, société anonyme à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA)…
Même si nous les regroupons toutes à travers le nom « entreprise », se cachent des formes
bien différentes de fonctionnement d’une entreprise à une autre. Comment comparer une
entreprise unipersonnelle dans laquelle travaille une seule personne, le patron, à une SA qui
emploie des milliers de personnes ? Il en va de même pour les OHs.
En effet, lorsque nous parlons de l’aide humanitaire, les premiers acteurs qui nous
viennent à l’esprit sont les ONGs. Or, le réseau de l’aide humanitaire est plus complexe que
les ONGs en soi. Par exemple, au niveau international, on peut séparer les organisations
humanitaires en trois catégories :
39
gouvernements locaux. ;
- les entités opérant sous la coupe des Nations Unies comme l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) ou l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR en anglais). 39 Il
existe aussi des distinctions entre les ONGs locales, régionales et internationales qui n’ont pas
les mêmes moyens financiers ni les mêmes statuts sur la scène internationale.
Les acteurs de l’humanitaire sont donc aussi différents et complexes que les acteurs de la
SC commerciale, malgré leurs caractéristiques communes.
Si les OHs ne mènent pas correctement leur mission à bien ou gaspillent leurs fonds,
cela a des conséquences sur la générosité des donneurs et compromet la pérennité des
associations. Il en va de même pour les entreprises qui, si elles n’arrivent pas à faire assez de
profit, peuvent être contraintes de déposer le bilan. Ainsi, si la logistique n’est pas utilisée de
manière assez efficiente, cela a des conséquences néfastes dans les deux cas.
Il existe une volatilité de la demande dans la LH comme dans la LC, et la demande évolue
avec le temps. Mais cette évolution est due au manque d’informations dans la LH, ce n’est pas
parce que la demande évolue réellement, contrairement à la LC où la demande change
vraiment, ce qui distingue la LH de la LC.
Le planning dans l’humanitaire a un début, comme dans la LC, mais il a aussi une fin.
L’humanitaire fonctionne par projets de maximum quelques années. Or la fin d’un planning
dans une entreprise signifie la fermeture de l’entreprise. Il n’est pas dans son intérêt de ne pas
continuer son activité. La planification se termine lorsqu’il n’y a plus de ressources ou lorsque
la demande est totalement satisfaite. Aucun de ces deux cas n’est souhaitable dans la LC, car
cela signifierait que l’entreprise ne peut plus produire et devrait fermer ses portes ou que le
produit est en perte de vitesse et a atteint la phase du déclin, ce qui forcerait l’entreprise à
changer d’activité.
39
THOMAS, Anisya S., KOPCZAK, Laura Rock. From logistics to supply chain management: the path
forward in the humanitarian sector. Fritz Institute, 2005
40
Comme pour la LC, le ravitaillement s’écoule à travers la chaîne de l’aide humanitaire via
des séries d’expédition de longs trajets et de courts trajets.40 Dans la LC, La marchandise est
souvent envoyée de l’usine de fabrication vers l’entrepôt de stockage du pays pour lequel la
marchandise est destinée (long trajet). Lorsque le besoin s’en fait sentir, la marchandise quitte
l’entrepôt pour arriver chez le client ou dans les canaux de distribution type grandes surfaces
(trajet court).
La LH suit à peu près le même mode de fonctionnement, sauf que les biens sont
prépositionnés dans un des entrepôt prévu à cet effet sur l’un des cinq continents (long trajet).
Lorsqu’une crise se déclare, les biens sont ensuite acheminés vers le pays touché (long ou
moyen trajet), puis stockés dans un entrepôt à proximité de la catastrophe avant d’être
acheminés sur place (court trajet). La longueur des trajets suit le même schéma entre ces deux
logistiques.
Concernant la LM, elle passe, comme la LH, d’une phase d’efficiente préparation
« dormante » à un état agile « actif ».41 Toutes deux doivent faire face à un environnement
déstabilisé avec peu de communications et d’infrastructures pour le transport, peu de données
sur la situation au début de l’opération, ainsi que sur la zone exacte et le nombre de personnes
affectées et leurs besoins. Ces deux logistiques suivent les mêmes phases.
Elles commencent par une planification et une préparation du matériel avant que la
catastrophe ou la guerre n’ait eu lieu. Lors du déclenchement de la crise, elles assurent une
réponse immédiate puis s’occupent de la reconstruction une fois la crise passée. La
reconstruction finale fait le lien avec le retour à la planification future. 42 La LM et la LH sont
toutes deux exposées aux médias, qui relatent leurs actions. Elles sont aussi à but non lucratif
et dépendent de bénéficiaires financiers qui ne sont pas ceux qui reçoivent les biens et
services.
Ces deux types de logistiques ont des modes de fonctionnement plus similaires
qu’avec la LC.
40
BALCIK, Burcu, BEAMON, Benita M., SMILOWITZ, Karen. Last Mile Distribution in Humanitarian
Relief. Journal of Intelligent Transportation Systems: Technology, Planning, and Operations, 2008
41
KOVACS, Gyöngyi, TATHAM, Peter H. Responding to disruptions in the supply network- from dormant
to action. Journal of Business Logistics, 2009
42
KOVACS, Gyöngyi, TATHAM, Peter H. Responding to disruptions in the supply network- from dormant
to action. Journal of Business Logistics, 2009
41
Les trois logistiques que sont la LC, la LM et la LH ont autant de différences qu’elles ont
de points communs, au niveau opérationnel comme au niveau de leur fonctionnement général.
Ces similitudes n’empêchent pas que ces trois logistiques poursuivent des buts bien différents,
et malgré ces similarités, les LM et LC restent plus en avance sur leur temps que la LH.
Pour Tatham et Pettit (2010), la LH n’est pas encore à un niveau de SCM comme le
sont les entreprises ou l’armée. Le logisticien humanitaire n’est pas perçu comme un SC
manager avec des tâches et compétences stratégiques, mais plutôt comme un manager avec
des compétences pratiques. Dans 67 offres de postes étudiées par Tatham, Kovacs et Larson
entre octobre et décembre 2009, 63 recherchaient des logisticiens, quand seulement 4
recherchaient des « supply chain managers ».43
43
TATHAM, Peter H., KOVACS, Gyöngyi, LARSON, Paul D. What skills and attributes are needed by
humanitarian logisticians- a perspective drawn from international disaster relief agencies. Proceedings of the 21st
Production and Operations Management Society Annual Conference, Vancouver, 7-10 May 2010.
44
MANGAN, J., CHRISTOPHER, M. Management development and the supply chain manager of the
future. International Journal of Logistics Management, 2005, p. 180
45
TATHAM, Peter H., PETTIT, Stephen J. Transforming humanitarian logistics: the journey to supply
network management. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 2010
42
Tatham et Pettit (2010) précisent cependant que de toute manière, il est plus approprié
dans le cadre humanitaire d’utiliser le terme de Supply Network Management (ou Gestion du
Réseau d’Approvisionnement en français) car cette notion inclut, en plus des concepts de la
SCM, la notion d’interrelation entre les entreprises ou organisations. Ce terme aide à mettre
l’accent sur la complexité qui est inhérente à ce domaine, ce que ne fait pas la SCM
traditionnelle.
Ainsi, la LH n’est pas aussi développée à ce jour que le sont les logistiques commerciales
ou militaires. On ne peut même pas parler de SCM humanitaire de par son retard de
développement. Les pratiques qu’utilise la LH correspondent aux pratiques utilisées par la LC
dans les années 90. De par ce décalage, la LC a beaucoup à apporter à la LH pour lui faire
rattraper son retard.
Le VMI signifie que l’acheteur d’un produit donne des informations quant à son
réapprovisionnement à son fournisseur, qui prend la responsabilité de maintenir le stock du
matériel au niveau convenu, généralement à l’entrepôt de vente (type boutique). Ce VMI peut
aussi être confié à un 3PL.
43
qui s’en servira. Cette technique est déjà utilisée par le Dépôt de Réponse Humanitaire des
Nations Unies (UNHRD en anglais) dont se sert le Programme Alimentaire Mondial (WFP).46
Une généralisation de cette pratique permettrait de réduire les coûts aussi bien au niveau du
transport (tous les biens partent du même entrepôt) que des coûts de stockage.
Cette étude des données permettrait aussi une meilleure préparation de l’association,
ce qui la rendrait proactive et non pas réactive comme les ONGs le sont au jour d’aujourd’hui.
L’anticipation est une valeur clé de la SC commerciale, et même si les ONGs ont compris son
importance, leur manque de moyen financier ne leur permet pas de se focaliser dessus.
Sensibiliser les donneurs sur l’importance de cette phase et prendre appui sur l’exemple de la
SC commerciale et de sa réussite aiderait peut être les ONGs à changer les mentalités de leurs
donateurs.
Les ONGs sont en effet trop focalisées sur la recherche de fonds, ce qui fait qu’elles
délaissent l’optimisation de leurs processus. Les ONGs doivent aussi changer leur perspective
et se concentrer plus activement sur l’amélioration de leurs procédés opérationnels, même si
la recherche de fond reste une de leur principale priorité. Tous ces facteurs ont réduit le
développement de la compréhension de la SC et ne l’a pas amélioré, ce qui doit changer.47
46
SCHULZ, Sabine F., BLECKEN, Alexander. Horizontal cooperation in disaster relief logistics: benefits
and impediments. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 2010
47
BLECKEN, Alexander. Supply chain process modeling for humanitarian organizations. International
Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 2010
44
La SC humanitaire devrait standardiser ses processus comme le font l’armée et les
entreprises. L’adoption de processus communs tel qu’un format commun pour l’évaluation
des besoins vitaux des bénéficiaires qui permettrait de passer d’une SC push à une SC pull
serait bénéfique. Cela éviterait les incompréhensions et faciliterait la coordination entre les
différentes ONGs sur le terrain.
Enfin, une catégorisation des ONGs plus poussée que les clusters, qui sépare les
ONGs selon leurs spécialisations (comme l’eau, les médicaments) au niveau international,
devrait exister au niveau régional et local.
Bien évidemment, cette liste n’est pas exhaustive, la SCM peut contribuer à améliorer
la LH sous beaucoup d’autres aspects, comme le démontre ce schéma du Professeur Hau Lee
de l’université de Stanford (Fig. 4). Quelques exemples ont été détaillés ci-dessus, et tous ces
points sont explicités par Pedraza Martinez et Van Wassenhove dans leur article « Using OR
to adapt SCM best practices to humanitarian logistics », mis en Annexe 3.
45
Blecken (2010) a créé un modèle de SC utilisable par les OHs qui sépare leurs
missions en 3 niveaux : le niveau stratégique, le niveau tactique et le niveau opérationnel. Ce
modèle se base sur des principes utilisés à l’origine par la SC commerciale. Les détails de
l’étude sont exposés en Annexe 4.
46
3 Différences au sein même de la logistique humanitaire:
logistiques de développement et d'urgence
47
Avant toute chose, il est possible de distinguer deux types de programmes de
développement. Le premier est celui correspondant aux phases 3 et 4 de la Figure 5. Ce type
de développement se fait dans la continuité d’une crise humanitaire d’urgence.
Un autre type de développement existe et ne fait pas partie du cycle exposé dans la
Figure 5. Il s’agit du développement pur et simple d’une frange de l’activité économique
d’une population sans crise préalable.
Par exemple, l’association française Couleur de Chine parraine des jeunes filles
chinoises des minorités ethniques du Sud de la Chine pour pouvoir les envoyer à l’école. 48 Cet
accès à l’éducation est un programme de développement mais n’est pas précédé d’un cas
d’urgence. Il est dû à la pauvreté de ces minorités, oubliées du gouvernement chinois. Lorsque
les familles peuvent envoyer un de leur enfant à l’école, la priorité revient aux garçons, « car
les frais de scolarité d’un seul enfant représentent une part importante de leurs revenus. »49
Ces programmes peuvent se limiter aux phases de préparation et de réponse sans
phases de reconstruction et de réduction des risques.
Nous parlerons de ces deux types de développement dans les parties qui vont suivre en
faisant leurs distinctions.
Qu’il s’agisse d’une phase d’urgence ou de développement, les intervenants restent les
mêmes sur le terrain des opérations. Il s’agit des OHs, regroupant les agences de l’ONU, les
organisations internationales et les ONGs classiques, ainsi que le gouvernement local et dans
certains cas l’armée.
Ces deux phases dépendent au niveau financier du bon vouloir des donneurs. Elles
servent toutes deux des bénéficiaires dans le besoin.
48
http://www.couleursdechine.org/
49
http://www.couleursdechine.org/cdc0/index.php/qui-sommes-nous-fr/historique-3fr
48
3.1.3 Les mêmes équipements
Pour ce faire, les équipes d’humanitaires ont à leur disposition les mêmes types
d’équipements, c'est-à-dire une équipe de bénévoles et de salariés, un certain type de
ressource en quantité limitée, les mêmes moyens de transport, le même style d’entrepôt, les
mêmes avantages douaniers… Les ressources allouées d’un projet à un autre peuvent variées
selon l’importance du projet, mais cela est commun à l’urgence et au développement.
L’urgence comme le développement ont pour but commun d’améliorer le sort des
bénéficiaires au quotidien. Cependant, l’urgence entre en jeu lorsque le quotidien des
bénéficiaires est perturbé par une crise, qu’elle soit due à l’Homme ou de cause naturelle, et a
pour objectif de soulager les bénéficiaires et de les aider à surmonter cette crise en leur
apportant ce qu’il leur manque ou a été détruit lors de l’événement, comme un abri, des soins
ou de la nourriture. Cette phase dure en général entre 90 et 120 jours, comme durant le
tremblement de terre à Haïti. Il s’agit d’une réponse à court terme.
Par exemple, l’ouragan Katrina qui frappa les Etats-Unis en 2005 tua 1833 personnes,
alors que le tremblement de terre qui eut lieu à Haiti en 2010 fit environ 230 000 morts. A
contrario, les dégâts matériels enregistrés sont bien plus importants dans les pays développés
qu’ils ne le sont dans les pays sous développés: alors que les pertes furent estimées à 108
milliards de dollars aux Etats-Unis, la reconstruction de Port au Prince était estimée à environ
10 milliards de dollars et le reste du pays à 7 milliards de dollars. Ainsi, l’amélioration des
50
Kahn, M.E. The death toll from natural disasters: the role of income, geography and institutions, The
Review of Economics and Statistics, 2005
49
conditions de vies locales permet de réduire les pertes humaines lors de futures catastrophes.
Entre l’urgence et le développement, seule diffère la façon d’aider les bénéficiaires. Leur but
final reste le même.
La distribution des derniers kilomètres reste la même qu’il s’agisse d’une mission
d’urgence ou d’une mission de développement. Les principales opérations que l’on peut
attribuer à la distribution des derniers kilomètres au niveau logistique sont :
- l’allocation du ravitaillement de l’aide sur une zone plutôt que sur une autre ;
-la création de planning pour les véhicules ;
-l’établissement de l’itinéraire des véhicules.
Les opérations d’allocation des ressources et la prise de décision sur l’itinéraire des
véhicules sont liées. Si l’OH veut optimiser ses déplacements, elle se doit de savoir
exactement où elle va livrer ses marchandises, à qui, en quelle quantité, pour pouvoir
appliquer un IRP, Inventory Routing Problem en anglais que l’on peut traduire par problème
d’optimisation de tournées de véhicules avec gestion de stock. 51 Ce modèle heuristique
permet de déterminer le temps approximatif de livraison du client, le nombre d’article délivré
à chaque visite et la route de livraison. C’est à l’origine un algorithme utilisé par les
entreprises, mais il est aussi transposable, avec quelques modifications, aux deux branches de
la LH.
Un même véhicule peut faire plusieurs trajets dans la journée et transporter différents
types de biens. 52 Certaines routes peuvent ne pas être praticables dans des situations
d’urgences mais aussi lors de missions de développement. Par exemple, Pedraza Martinez et
Van Wassenhove (2013) décrivent l’état des routes en Afghanistan, en Ethiopie, en Géorgie et
au Soudan. Chaque pays à ses particularités (routes mal entretenues en Afghanistan et très
rocailleuses, pistes de latérite avec des portions goudronnées en Ethiopie…) ce qui complique
51
Traduction trouvée dans l’article de BENOIST, Thierry, ESTELLON, Bertrand, GARDI, Frédéric,
JEANJEAN, Antoine. Recherche locale haute performance pour l’optimisation de la distribution de gaz
industriels par camions-citernes, Bouygues e-lab, Paris, 2009, accessible sous http://e-lab.bouygues.com/wp-
content/uploads/2009/03/benoist-estellon-gardi-jeanjean_roadef_091.pdf
52
BALCIK, Burcu, BEAMON, Benita M., SMILOWITZ, Karen. Last Mile Distribution in Humanitarian
Relief. Journal of Intelligent Transportation Systems: Technology, Planning, and Operations, 2008
50
la planification d’itinéraire des véhicules. Durant des missions de développement dans des
pays en voie de développement, le transport peut aussi s’avérer difficile.
Les offres concernant Haïti insistaient plus sur les compétences logistiques
fonctionnelles et de résolution des problèmes que les autres offres. Elles faussaient ainsi les
résultats globaux de l’étude.
D’autres compétences telles que la gestion des transports, la gestion des stocks,
l’entreposage et la gestion du parc de véhicule étaient aussi des qualifications plus demandées
dans la réponse en Haïti qu’ailleurs. Les compétences de formation du personnel étaient
moins requises en Haïti que dans les autres pays, démontrant l’importance de la réponse
logistique d’abord avant celle de reconstruction.
Les offres sur Haïti insistaient aussi sur la capacité à travailler sous la pression, à faire
53
Commission Européenne, Aide Humanitaire et Protection civile, Fiche Info RDC.
http://ec.europa.eu/echo/files/aid/countries/factsheets/drc_fr.pdf
51
des rapports, à travailler en coopération avec d’autres ONGs et à résoudre des problèmes. Les
autres offres requéraient plus de compétences dans la gestion de la sécurité, même si la
situation en Haïti aurait suggéré une plus grande attention portée à ce domaine.
Selon Alexander Blecken (2010), 71% des organisations de son étude distinguent les
différents types d’opérations. Les OHs ne s’engagent pas seulement dans une phase spécifique
de l’aide humanitaire, mais plutôt dans les phases de préparation et de réponse immédiate
(urgence) ou dans les phases de redressement et de reconstruction. La plupart des OHs
séparent les opérations d’urgence des « opérations standards », comme Blecken dénomme les
programmes de développement dans son article.
52
Concernant la phase de préparation des missions d’urgence, nous nous focaliserons sur
le fonctionnement des Dépôts des Réponses Humanitaires des Nations Unies (UNHRD) et des
Unités Logistiques Régionales (ULR) de la Croix Rouge Internationale (IFRC). Ces deux
entrepôts sont les plus importants dépôts humanitaires du monde et reflètent le mieux le
fonctionnement de l’aide humanitaire d’urgence internationale à grande échelle.
Le réseau de l’UNHRD a pour but de délivrer des produits d’aide humanitaire partout
dans le monde dans un délai de 24 à 48 heures. Ce réseau fournit des entrepôts de stockage,
des supports logistiques et des services au Programme alimentaire mondial (WFP), à d’autres
agences humanitaires des Nations Unies et à des ONGs internationales. Ces dépôts se
trouvent en Italie, aux Emirats Arabes Unis, en Malaisie, au Panama et au Ghana,54 ce qui
explique une livraison rapide des denrées. La fonction principale de l’UNHRD est
l’entreposage.
54
SCHULZ, Sabine F., BLECKEN, Alexander. Horizontal cooperation in disaster relief logistics: benefits
and impediments. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 2010
53
Figure 6: Supply Chain design for each humanitarian resource depot
Source: SCHULZ, Sabine F., BLECKEN, Alexander. Horizontal cooperation in disaster relief
logistics: benefits and impediments. International Journal of Physical Distribution and
Logistics Management, 2010, p. 642
L’IFRC travaille en étroite collaboration avec les Sociétés Nationales (SN). Les SNs
sont une branche de la Croix Rouge. Elles « soutiennent les pouvoirs publics dans leurs pays
respectifs en qualité d’auxiliaires indépendants des gouvernements dans le domaine
humanitaire. Leur connaissance du terrain et leur expérience, l’accès dont elles jouissent
auprès des communautés locales et leur infrastructure permettent au Mouvement de déployer
rapidement l’aide appropriée, là où elle est nécessaire. »55
Les Unités Logistiques Régionales (ULR) ont été mises en place pour renforcer la
capacité de réponse aux catastrophes des SNs.56 Ces ULRs sont à Panama Ville, Dubai et
Kuala Lumpur. Ils offrent des services logistiques comme le stockage et le transport. La
priorité est donnée aux biens de l’IFRC et des NS mais peut stocker les marchandises d’autres
OHs. Toutes les informations importantes sont demandées avant la catastrophe, ce qui réduit
le temps de réponse par rapport à d’autres entrepôts. De plus, l’IFRC passe des accords avec
55
http://www.ifrc.org/fr/vision-et-mission/mouvement/societes-nationales/
56
SCHULZ, Sabine F., BLECKEN, Alexander. Horizontal cooperation in disaster relief logistics: benefits
and impediments. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 2010
54
ses fournisseurs pour qu’ils garantissent la disponibilité de certaines quantités sur demande ou
à une période précise. Les stocks communs permettent aussi d’interchanger les marchandises
si besoin est entre les organisations. Les ULRs ont donc un fonctionnement caractéristique
différent de celui de l’UNHRD comme le montre la Figure 7.
Source: SCHULZ, Sabine F., BLECKEN, Alexander. Horizontal cooperation in disaster relief
logistics: benefits and impediments, p.643
55
3.2.3 Comme de la gestion dans l’action
A l’UNICEF, le département Achat délivre des biens à près de 130 pays dans le
monde, surtout des vaccins, des médicaments et des produits nutritifs dont fait parti le kit
étudié. L’UNICEF est le plus gros acheteur de ce produit dans le monde. Même si le produit
est livré à près de 57 pays, les plus gros demandeurs sont les pays de la corne africaine que
forment l’Ethiopie, la Somalie et le Kenya. L’achat annuel d’un pays varie selon si ce dernier
connaît des crises humanitaires d’urgences ou non. Cela peut changer radicalement d’une
année à l’autre. L’aide financière varie selon les donneurs et le climat économique.
L’UNICEF doit d’abord mobiliser des fonds des donneurs avant d’acheter et d’expédier la
marchandise. L’attente dans l’arrivée des fonds est souvent la cause des ruptures de stocks ou
des livraisons tardives. Le flux d’information, de fonds et de produits est relativement simple.
Le département Achats passe commande avec ses fournisseurs selon les besoins identifiés par
l’UNICEF. Les fournisseurs produisent le kit et l’envoi dans un aéroport ou dans un port.
Après le dédouanement, les produits sont livrés aux ONG ou gouvernements qui s’assurent de
sa distribution aux bénéficiaires.
56
développement ne permet pas de compenser les coûts moins importants.
Lors des crises d’urgence, l’appel aux dons et la médiatisation de l’évènement créent
un engouement de la part des particuliers ou d’entreprises qui peuvent faire des dons en
nature. Ces dons ont besoin d’être priorisés par les ONGs car souvent les produits donnés ne
correspondent pas aux besoins sur le terrain. Cela peut créer des problèmes d’encombrement
des stocks. Pour cette raison les dons financiers sont préférables aux dons en nature. Ils
mènent au processus d’achat répondant aux besoins des bénéficiaires, mais créent une attente
entre la commande et la livraison au destinataire final, attente inexistante pour les dons en
nature. Cependant ce processus d’achat est vital car les stocks prépositionnés peuvent ne pas
être suffisants pour subvenir à la demande.
Pour optimiser cette phase d’achat, Ertem, Buyurgan et Rossetti ont créé un modèle de
vente aux enchères de l’approvisionnement applicable à la LH. Le modèle bouleverse les
codes des ventes aux enchères traditionnelles.
Les commissaires priseurs sont les OHs, qui jouent le rôle d’offre et de demande en
même temps (ce sont eux qui définissent l’offre et qui vont recevoir les biens) et sont en
compétition les unes avec les autres. Les enchérisseurs sont les fournisseurs potentiels, qui
vont offrir des denrées et/ou des services à un certain prix et qui vont délivrer ces services aux
ONGs. Ils représentent aussi un type d’offre, mais différent de l’offre des ONGs. Même s’il
s’agit des enchérisseurs, de par la forte demande des ONGs, ils sont libres de fixer leurs prix.
58
Figure 8 : Processus de « commande pour le terrain » (soit l’aide au développement)
Figure 9 : Processus de « commande pour l’international » (soit pour le prépositionnement)
59
3.2.3.2 Une gestion des transports et de l’acheminement différente
L’évacuation des blessés prend place lors de la phase de réponse initiale alors que la
distribution de matériel a tendance à se poursuivre sur une période plus longue. C’est pour
cela que dans leur modèle de plan de transport de last mile distribution, Ozdamar et Demir
(2011) prennent en compte la livraison de matériel mais aussi la récupération des blessés et
leur transfert vers l’hôpital. Le besoin en véhicule surpasse le nombre de véhicules réellement
disponibles. Les véhicules partent et arrivent des entrepôts et des hôpitaux chargés au
maximum de leurs capacités. Il faut aussi prioriser les niveaux de blessures et emmener les
plus gravement touchés en premier. Pour Najafi, Eshghi et Dullaert (2012), l’arrivée de
matériel ne doit pas faire partie du plan de transport dans les premières heures, à l’exception
des médicaments et du matériel médical. Les véhicules doivent se concentrer sur le transport
des blessés et faire des allers-retours entre les hôpitaux et la zone sinistrée. Le transport des
biens ne doit venir qu’après l’évacuation de la majeure partie des blessés.
Une autre façon d’évacuer les blessés et de transporter le matériel passe par
l’utilisation d’hélicoptères et d’avions, indispensables si les routes sont impraticables, mais
beaucoup plus coûteux et difficile à mettre en place que pour les véhicules. Beaucoup moins
d’hélicoptères et d’avions sont disponibles, ce qui risque de retarder les opérations par rapport
à un transport routier.
Enfin, Huang, Smilowitz et Balcik (2011) explorent dans leur modèle mathématique
de last mile distribution comment « l’efficience, l’efficacité et l’équité influencent la structure
de l’itinéraire des véhicules et la distribution des ressources ». 57 Pour eux, il faut que le
transport permette une distribution rapide et adéquate aux bénéficiaires (l’efficacité) et que les
bénéficiaires reçoivent des services comparables (l’équité). Il ne faut pas qu’une zone ayant
57
HUANG, Michael, SMILOWITZ, Karen, BALCIK, Burcu. Models for relief routing: equity, efficiency
and efficacy. Transportation Research, 2012
60
subie les mêmes dégâts qu’une autre soit mieux desservie par les véhicules.
Le transport dans les missions de développement est planifié de façon à ne pas perdre de
place. Par exemple, les humanitaires attendent d’avoir rempli un container avant de le faire
partir, ou ils se regroupent avec d’autres ONGs envoyant du matériel vers la même
destination. Cette planification permet de privilégier des modes de transport plus lents comme
la voie maritime, ferroviaire ou routière, beaucoup moins coûteux que l’avion. Par exemple,
l’envoi d’un carton de kit de nourriture thérapeutique pour enfant de l’UNICEF coûte 36.92$
par voie aérienne contre 4.58$ par bateau. L’acheminement dans le pays vers les destinataires
finaux se fait essentiellement par route, ou quand les infrastructures le permettent par train,
moins coûteux que l’hélicoptère. Les humanitaires peuvent optimiser leurs coûts plus
facilement dans les missions de développement que dans les missions d’urgence au niveau du
transport à l’international comme sur place.
L’urgence privilégie les hubs continentaux dont nous avons déjà discuté dans la partie
3.2.2. dans lesquels les humanitaires prépositionnent des kits d’urgence. Les distances entre
ces entrepôts et la zone sinistrée sont plus grandes mais il y a moins d’intermédiaires par
rapport au développement. Certains des pays sont choisis pour le prépositionnement pour leur
58
ROUSSEL, Xavier. Logistique humanitaire : Un modèle atypique en pleine évolution. Supply Chain
Magazine, 2008, N° 28
61
faible coût de stockage, comme Dubaï, qui met à disposition des espaces de stockage
gratuitement pour les ONGs.59 Le pays doit aussi être à proximité de pays où les catastrophes
naturelles ou humaines sont fréquentes pour réduire les délais de l’approvisionnement au
maximum.
Il est plus difficile pour les bénéficiaires d’avoir un rôle participatif dans l’urgence, car la
plupart des bénéficiaires sont affaiblis par manque de soins ou d’eau et de nourriture. Dans
l’urgence, les bénéficiaires sont vus comme des victimes. Ce n’est pas le cas pour le
développement. Les bénéficiaires peuvent participer aux phases de réhabilitation et
d’atténuation des risques à la fin de la crise, comme l’explique l’article de Kovacs,
Matopoulos et Hayes (2010) sur les programmes de reconstruction des habitations aux
59
Auteur anonyme. Logistique humanitaire : Comment concilier planification et improvisation, 2010
62
Kosovo après la guerre en 2000-2001. Cette participation crée du lien social et permet aux
bénéficiaires de mieux répondre à leurs besoins. Cela développe aussi le tissu économique
local. Si elles le peuvent, les ONGs achètent les produits dont elles ont besoin localement, ce
qui a un impact positif sur l’économie de la région. Cela assure l’acceptation culturelle et
régionale des solutions proposées et conserve le style de vie local.60 Pour fabriquer ces kits de
nutrition pour enfants, l’UNICEF à 11 de ses 19 fournisseurs mondiaux dans les pays touchés
par des famines. Cependant, comme les produits sont nécessaires partout dans le monde, les
fournisseurs locaux produisent à cadence régulière pour leurs propres pays, quand les
producteurs internationaux s’occupent des situations d’urgences. Les producteurs
internationaux peuvent en effet s’adapter plus rapidement que les producteurs locaux. L’achat
local coûte plus cher que l’achat international, même si le prix local commence à baisser avec
les économies d’échelles.61
Les humanitaires ont des relations différentes avec les bénéficiaires selon qu’ils
interviennent dans une situation d’urgence ou de développement. Les bénéficiaires peuvent
être acteurs lors d’une mission de développement et l’économie locale est stimulée, alors que
lors des situations d’urgence les bénéficiaires sont des victimes et tous les produits demandés
sont importés à cause des dégâts importants dans le pays.
60
Long et Wood, 1995, selon KOVACS, Gyöngyi, MATOPOULOS, Aristides, HAYES, Odran. A
community- based approach to supply chain design. International Journal of Logistics Research and
Applications: A Leading Journal of Supply Chain Management, 2010
61
KOMRSKA, Jan, KOPCZAK, Laura Rock, SWAMINATHAN, Jayashankar M. When Supply Chains
save lives, Supply Chain Management Review,2013
63
l’UNICEF, lorsqu’il n’y a pas de fonds ou que les fonds ne sont pas encore débloqués (cf
partie 3.2.3.1). Dans ce cas, les délais sont importants, le but étant d’éviter une rupture de
stock ou de raccourcir au maximum sa durée.
Raccourcir les délais est donc plus fondamental dans l’urgence que dans les missions
de développement, même si cela doit aussi être pris en compte lors de rupture de stock dues à
des fonds insuffisants dans le développement.
Malgré ces différences, il ne faut pas oublier que la logistique n’est qu’un tout au
milieu d’un système de réponse plus grand. 62 Faire des décompositions peut se révéler
intéressant, mais avoir une vue plus large des choses permet aussi de les remettre dans leur
contexte et de ne pas se laisser enfermer par une vision étroite et non réaliste des besoins sur
le terrain.
62
TATHAM, Peter H., PETTIT, Stephen J. Transforming humanitarian logistics: the journey to supply
network management. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, 2010
64
4 Complémentarités entre ces deux logistiques humanitaires,
mais aussi avec la logistique commerciale
Selon Kovacs et Tatham (2009), combiner les aspects positifs des deux approches
militaire et humanitaire pour faire face aux catastrophes à grandes échelles ne serait que
bénéfique pour ces modèles.
Tout d’abord, il faudrait que les OHs aient accès à des fonds plus importants, comme
l’armée. Pour faciliter l’utilisation de ces fonds, un certain nombre d’outils de mesure clairs
ont besoin d’être développés. Il faut aussi adapter les outils déjà existants de la SC
commerciale au modèle humanitaire comme militaire.
Enfin, une plus grande attention à l’apprentissage organisationnel devrait être mis en
place dans les OHs, comme le fait l’armée.
65
Enfin, selon Rieff (2002), la plupart des logisticiens humanitaires sont d’anciens
soldats. Pour cet auteur, leur présence militarise les ONGs de l’intérieur et aide à la
coopération avec les armées occidentales, ce qui remet en cause la neutralité des ONGs.
En effet, selon Charles, Lauras et Van Wassenhove (2010), les entreprises ont
beaucoup à apprendre des ONGs sur la mise en place de systèmes agiles, particulièrement au
niveau de la volatilité de la demande, la non-correspondance entre les stocks et les
interruptions de la SC. Les particularités de la LH (variation de la demande journalière et du
ravitaillement, infrastructures détruites…) permettent aux humanitaires de repenser leur SC
continuellement. Ils doivent développer des outils permettant de répondre rapidement aux
changements à court terme. Cela améliore l’agilité de leur SC.
Les entreprises ont de plus en plus besoin de rendre leurs SCs agiles. Par exemple, lors
du tremblement de terre de Taiwan en 1999, seules 21% des entreprises avaient des plans
d’adaptation de leurs SCs complets pour se protéger contre l’interruption de leurs affaires. Ce
type de catastrophe naturelle et de non préparation peut paralyser la SC commerciale.
Par exemple, une usine fabriquant des composants électroniques pour un téléphone
portable de marque X se trouve en Asie du Sud Est. Elle est détruite lors du raz de marée de
2004. L’entreprise a son quartier général au Japon et assemble ses portables dans ce pays. La
destruction de cette usine paralyse complètement le processus de fabrication du téléphone, car
sans ce composant électronique, le portable ne peut pas fonctionner. Cela mène à des ruptures
66
de stocks, donc des pertes considérables pour l’entreprise.
La mise en place d’une SC agile prévoit une solution de rechange avant que la
catastrophe ne se produise. Par exemple, l’entreprise aurait pu prévoir de faire fabriquer 10%
de la production totale de ces composants dans une de ces autres usines, au Japon ou en
Chine. Elle n’aurait pas connu de rupture de stocks aussi importante et aurait pu continuer à
assurer sa production, même au ralenti, le temps de trouver une solution pour augmenter le
rendement de ce composant.
Cet exemple illustre très bien l’utilité d’une SC agile. Selon Charles, Lauras et Van
Wassenhove (2010), pour devenir agile, la SC doit acquérir certaines aptitudes : de la
flexibilité, une capacité de réponse, de la visibilité et de la vélocité. La Figure 11 schématise
ces aptitudes.
Enfin, toujours selon ces deux auteurs, si l’on utilise de manière efficace et efficiente
les données de la LH, on peut atteindre les mêmes résultats qu’avec la LC, c'est-à-dire une
logistique optimisée, plus rapide et moins coûteuse.
Des partenariats entre des entreprises et les associations humanitaires peuvent aider les
OHs à intégrer avec plus de facilités de nouvelles technologies dans leur SC.
68
recherche académique, qui peut, gratuitement, proposer aux ONGs des modèles adaptables à
leurs situations particulières (cf Ozdamar et all. (2010), Beamon et Kotleba (2006), etc…).
4.2.1 Une gestion des stocks possible dans les deux circonstances
Leur étude de cas s’effectue sur le sud du Soudan. Une guerre civile s’est déroulée
dans ce pays de 1983 à 2005, ayant tué 2 millions d’individus et fait fuir 4 millions de
personnes qui se retrouvèrent dans des camps de réfugiés. Des millions de personnes étaient
dépendantes de l’aide humanitaire dans cette région. Cette situation d’urgence, qui s’est
prolongée dans le temps, s’est transformée en une situation d’aide au développement à long
terme. Les stocks prépositionnés internationalement ne suffirent plus, il fallut positionner des
stocks à proximité de la région affectée, comme pour le développement.
69
Pour mieux gérer les stocks, Beamon et Kotleba (2006) ont créé un modèle à deux
vitesses. Ce modèle permet de commander deux lots de quantités différentes. Il a deux
niveaux de réapprovisionnement : un niveau normal et un en urgence. Ces deux
approvisionnements se font avec un fournisseur international qui peut être affilié à l’agence
ou n’avoir aucune affiliation du tout. Les hypothèses de ce modèle sont les suivantes :
-Dans un cycle donné, une commande d’urgence ne sera jamais passée avant une commande
normale.
-Le fournisseur n’est jamais en rupture de stocks ;
- Le délai de mise en œuvre normal est de 8 jours pour une commande normale est de 2 jours
pour les urgences ;
- La demande se trouve dans un intervalle discret de 10 jours.
Comme la demande arrive à des intervalles discrets, cela a un impact sur la quantité de
stocks détenus par cycle. Cela cause des périodes de stabilité suivies par des chutes soudaines
dans le niveau des stocks. Une commande d’urgence peut être passée à n’importe quel
moment après qu’une commande normale ait été passée.
Au moment de passer une commande, si le niveau des stocks est supérieur ou égal à 0,
il n’est pas économique de passer une commande d’urgence. Cela ne fera qu’augmenter les
coûts de stockage. Cependant, si les stocks sont tombés en dessous de 0, l’ONG est en rupture
de stock, la demande reste dans l’attente. Il est judicieux de passer une commande d’urgence.
Il vaut mieux commander la quantité exacte dont la demande a besoin, ce qui amènera le
niveau des stocks à 0 et évitera à l’ONG de payer des coûts de stockage.
Cet article prouve qu’il est possible de passer d’un état de développement à un état
d’urgence sans à coups au niveau de la gestion des stocks. Il suffit d’appliquer un modèle
flexible adapté à l’humanitaire prenant en compte cette variable. L’urgence et le
développement ne sont que des notions, comme le prouve la situation au Soudan. Dans la
réalité, elles sont souvent liées. Des situations d’urgence peuvent apparaître lors d’une
70
mission de développement, ce qui demande des aménagements et une autre gestion de la
situation avant un retour à une situation moins tendue.
Pour passer d’une situation de crise à une mission de développement ou gérer une
urgence au milieu d’une mission de développement, il est crucial que les ONGs partagent
leurs informations, aussi bien en interne qu’entre elles. Seule une bonne circulation des flux
d’information permet une meilleure gestion de la situation.
Urgence et développement sont toutes deux au service d’un tout plus grand : la
Logistique Humanitaire. Il est important de se souvenir que ce ne sont que des outils créés
pour servir un but plus grand. Pour atteindre ce but, il est important de mettre en relation ses
outils, et de les faire travailler ensemble.
Prenons l’exemple du Bangladesh. Selon Kahn (2005), le PIB par personne est un
indicateur clé du pourcentage de dégâts occasionnés par une catastrophe. Cependant il a été
prouvé par Tatham et Pettit (2012) qu’au Bangladesh, un pays frappé régulièrement par des
cyclones, le nombre de tués lors de ces évènements avait considérablement diminué entre
1970 et 2007 alors qu’il reste l’un des pays les plus pauvres du monde (classé 193ème sur 227
au niveau du PIB par personne). L’adoption d’une vision d’un « système vu comme un tout »
effectuée durant la phase d’atténuation des risques par des humanitaires et la population a
permis de baisser le nombre de personnes tuées de 300 000-500 000 en 1970 lors du cyclone
Bhola à 4 200 tués lors du cyclone Nargis de 2007. Ainsi, une phase de développement
réussie atténue les dégâts occasionnés lors de la crise suivante et permet des économies. Si les
71
donneurs portaient une plus grande attention à la phase de développement, les coûts
engendrés lors des situations d’urgence seraient moindre.
Ainsi, ces deux phases dans la LH sont intimement liées. Il ne faut pas non plus
oublier que la logistique humanitaire n’est qu’un outil au milieu d’un tout plus grand :
l’organisation. Pour que cette dernière fonctionne, il est important de coordonner les phases
de la LH, dont font partis le développement et l’urgence.
Ce concept permet de regrouper les OHs selon leurs spécialisations (la nourriture, le
sanitaire, les abris, le matériel médical…) lors d’opérations d’urgence internationale. C’est la
seule forme de coordination officielle des organisations humanitaires actuellement. Les
clusters ont beaucoup d’informations à couvrir et fournissent des services spécifiques utiles
aux associations participantes, comme un système d’information géographique.65 Pour Jahre
et Jensen (2010), le concept de cluster fonctionne grâce à un style de leadership participatif.
La Figure 12 résume les différents types de coordination au sein des clusters selon s’il s’agit
d’un niveau opérationnel, tactique ou stratégique.
63
Tiré de l’article de JAHRE, Marianne, JENSEN, Leif-Magnus. Coordination in humanitarian logistics
through clusters. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, Volume 40, N° 8, p.
664
64
http://www.logcluster.org/about/logistics-cluster/background-
information/Logistics%20Cluster%20Concept%20%20Guidelines%2022.03.07%20ENDORSED.pdf
65
JAHRE, Marianne, JENSEN, Leif-Magnus. Coordination in humanitarian logistics through clusters.
International Journal of Physical Distribution and Logistics Management, Volume 40, N° 8,
72
Figure 12: Matrice de coordination
Source : JAHRE, Marianne, JENSEN, Leif-Magnus. Coordination in humanitarian logistics
through clusters. International Journal of Physical Distribution and Logistics Management,
Volume 40, N° 8, p. 668
73
5 Conclusion
La LC, la LH et la LM ont toutes les trois des caractéristiques bien différentes. Elles
sont aussi toutes les trois imparfaites, ce qui motive les chercheurs à continuer leurs
recherches pour les améliorer.
Ce mémoire, qui se focalise plus sur la LH que sur les deux autres types de logistiques,
a montré que cette dernière a beaucoup à apprendre de ses consœurs. En effet, si l’on applique
les meilleures stratégies utilisées par la SC commerciale, comme la prévision de la demande,
le postponement, le regroupement des parcs de véhicules ou l’aplanissement de la supply
chain, on peut économiser jusqu’à 7% des coûts des opérations annuelles de la SC
humanitaire (Pedraza Martinez, Van Wassenhove, 2012 selon Eftekhar, 2010).
Sachant que la SC humanitaire représente environ 80% des coûts totaux des OHs, et
que ces dernières ont un budget global de 23 840 millions de dollars par an (selon Tatham et
Pettit, détail en Annexe 6), cela permettrait une économie de 1 669 millions de dollars par an.
Une simple adaptation des techniques de la SC commerciale pourrait redonner
confiance aux donneurs, qui pourraient apporter plus de fonds pour la préparation des
opérations, ce qui ferait encore économiser des fonds lors de la phase de réponse dans les
situations d’urgence.
Enfin, les deux branches de la LH que sont les missions d’urgences et les missions de
développement, bien que différentes, sont complémentaires. Une crise d’urgence peut arriver
au milieu d’une mission de développement, et une phase de développement réussie assure
moins de dégâts lors de la prochaine crise d’urgence. Chacune apporte à l’autre, et le partage
74
d’information permet la mise en place d’une réponse appropriée, peu importe le cas qui se
présente.
La communication au sein des ONGs comme entre les ONGs reste un problème
majeur et handicape les opérations logistiques. Malgré l’institutionnalisation des clusters,
beaucoup de progrès restent encore à faire pour que la communication soit optimale entre
chaque acteur de la supply chain humanitaire.
Ce mémoire pousse les chercheurs à explorer les pistes de l’interaction entre logistique
commerciale, logistique militaire et logistique humanitaire de façon à faire progresser
chacune d’entre elles. Pour les futurs projets de recherche, il faudrait créer des modèles dans
la veine de ceux déjà existant (cf Ozdamar et Demir, 2011, Huang, Smilowitz et Balcik, 2001,
Beamon et Kotleba, 2007) spécifiquement pour la logistique humanitaire. Il faudrait aussi
concevoir des modèles qui adaptent les techniques de la SCM commerciale (Van Wassenhove
et Pedraza Martinez, 2012, Tatham et Pettit, 2012) tout en gardant à l’esprit les spécificités de
la LH.
Des recherches plus concrètes que celles déjà présentées, comme le travail de Pedraza
Martinez et de Van Wassenhove sur les véhicules de la Croix Rouge (2013) ou celui de
McCoy et Brandeau sur la création d’un logiciel de simulation de stocks utilisables à l’instant
par les ONGs sont plus utiles que des modèles mathématiques testés sur des études de cas
sans utilisation réelle et concréte.
De plus amples recherches sur l’agilité et son application dans une Supply Chain
75
commerciale sont aussi nécessaires, ainsi que la création d’un modèle composite entre armée
et OHs lors de missions, communes ou non, complexes d’urgences et de développement.
76
Annexes
77
Annexe 2: Un modèle de logistique humanitaire, selon Pettit et
Beresford, 2005, p. 328
78
Annexe 3 : Extrait de l’article de PEDRAZA-MARTINEZ, Alfonso J. et
VAN WASSENHOVE, Luk N.
Using OR to adapt supply chain management best practices to
humanitarian logistics, International Transactions in Operational Research,
2012, N° 19, p. 307-322
Quite a few supply chain best practices apply to humanitarian logistics if properly adapted to
the specific context (Fig. 4). Considerable progress has been made in the last decade with
significant results. As a consequence of modernizing their logistics by adopting supply chain
best practices, the International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies (IFRC)
received the European Excellence Award (Gatignon et al., 2010). This logistics award was
previously given only to commercial companies like Coca Cola and GlaxoSmithKline.
Demand forecasting is possible to some extent. It would benefit from stochastic
scenario analyses, but it needs to be flexible to dynamic situations. Lack of understanding of
local markets and coping mechanisms can present challenges in forecasting demand. In Iraq,
the UN Joint Logistics Center predicted shortages of fuel for domestic use (before the winter)
due to the arrival of the international community and the disruptions in supply caused by riots
(Levins et al. 2005). In Lebanon, the need for humanitarian aid was short-lived, given the
resilience of the local business community and the generosity of Lebanese living abroad
(Tomasini and Van Wassenhove, 2008b).
Humanitarian logistics face multi-echelon inventory problems under high uncertainty.
Uncertainty may require redundancy, e.g., sending goods through different routes or storing
them in different places to ensure availability. Although highly desirable, prepositioning is not
always possible due to budget constraints. Negotiating vendor-managed inventory (VMI) can
ensure that aid items are always available from the suppliers.
Bullwhip effects are common for several reasons. Unsolicited donations have little
visibility and little coordination within the response system. In humanitarian supply chains,
the bullwhip effect is caused primarily by problems in demand forecasting and lack of
information integration. The effect can be mitigated by real-time sharing of demand and
supply information. For instance, the lack of communication among the different agencies
resulted in most of them appealing for large amounts of tents at the same time during the
79
Gujarat earthquake response in 2001. In the end, there was an excess of tents (duplication of
efforts), while other needs had not been met (Samii and Van Wassenhove, 2002).
Push-based supply chains are common in humanitarian logistics. Donors push their
surplus via unsolicited donations. It is common to observe distribution of end-of-life (and
sometimes perished) items. Bottlenecks are easily created when pushing goods into an area.
For instance, unsolicited donations occupied very scarce warehouse space in the Haiti airport
during the relief operation. Sometimes push-based supply chains in humanitarian operations
are well-intended, sometimes they are borderline criminal. The IFRC’s decentralization into
regional logistics units where relief items are prepositioned allows for a clear push–pull
boundary from which goods can be pulled as needed by beneficiaries after the onset of a
disaster.
Although a very difficult practice to implement in the humanitarian context,
standardization is basic for supply chain excellence. Sphere standards help disaster response.
These standards include mutual agreement among the humanitarian agencies on the
specifications of frequently used items for disaster management (e.g., tents, blankets, water
buckets, plastic sheeting). Fleet standardization would also benefit humanitarian operations.
Field programs would benefit from standardized vehicle lifecycle management in terms of
increasing speed of response and decreasing operating cost ( Pedraza Martinez et al., 2010b).
Humanitarian logistics could benefit from information integration from different
sources and formats (e.g., maps, reports, surveys, images) across organizations and echelons
for chain-wide visibility (Kulp et al., 2004). In Afghanistan, the United Nations Joint
Logistics Center (UNJLC) developed a crisis-specific website to disseminate relevant
information from different sources (Samii and Van Wassenhove 2003a, 2003b). This
information enabled agencies to decide on how to proceed depending on security, resources
available (trucks, water, air space), and prevailing needs (beneficiaries). In 2002, UNJLC
completed an infrastructure assessment on Afghan conditions and traffic capacity. The survey
helped to identify, quantify, and prioritize repairs necessary to ensure sustainable traffic of
humanitarian cargo.
Postponement, i.e. using standard designs that can be customized right before delivery,
would add value to humanitarian logistics. An example would be keeping vehicles in a
centralized standard pool and customizing them as late as possible to the requirements of the
country/user
(e.g., GPS systems, telecom, interior accessories) and the local conditions (weather, terrain,
safety requirements). Another example would be keeping standard aid kits in regional
80
warehouses and distributing them to local hubs at the onset of a disaster with minor
adjustments depending on the local needs and specific demands of the disaster. Nevertheless,
postponement has the prerequisites of standardization and collaboration.
Logistics restructuring is another SCM best practice that could be used in humanitarian
logistics. The IFRC decentralized into Regional Logistics Units. By creating offices and
warehouses closer to the beneficiaries (Panama, Dubai, Kuala Lumpur), the IFRC logistics
improved effectiveness. Each office has a different geographical scope and designs its
operations based on the specific needs of the area (e.g., transport providers, suppliers, goods
specifications). The key for logistics restructuring is better network design. Ultimately,
restructuring could help make better decisions, improve supply chain efficiency, and achieve
sustainability.
Collaboration is the presence of mutual influence between persons via open and direct
communication and conflict resolution toward a common goal (Aram andMorgan, 1976). The
Fleet Forum is a good example of collaboration in the humanitarian context (Tomasini and
Van Wassenhove, 2008a). The Fleet Forum provides a platform where different humanitarian
organizations can find solutions to their common transportation issues. This could be as
simple as exchanging best practices, sharing training and resources, and committing to joint
efforts in the field. Nevertheless, collaboration in the humanitarian context is difficult
(Tomasini and Van Wassenhove, 2009b). Organizations have different missions, orientations,
and donors. They also compete for funds and media attention. At the sixth month of relief
operation in Haiti, there were more than 1000 humanitarian organizations in the field. In those
circumstances, even basic resource sharing can be a huge challenge.
Resource sharing has proven to be valuable to humanitarian operations. In
Afghanistan, truck capacity was the main bottleneck during the initial stages of the Afghan
crisis (Samii and Van Wassenhove 2003a, 2003b). With the support of the UNJLC,
humanitarian agencies were able to use excess capacity in some convoys, thereby effectively
sharing scarce assets (trucks). Shared resources can also be people (skills and knowledge).
This is seen frequently during operations when people are seconded to other agencies or
simply share information at the inter-agency meetings. The main problem is establishing who
has the right to coordinate and assign priorities. For instance, during the Haiti response, the
US Army took control of the airport, causing protests from the French government due to
asymmetric rights of use.
Partnerships can also be valuable to humanitarian logistics. The Humanitarian
Resource Network is a concept of inter-agency warehousing in strategic locations around the
81
world. In this model, the agencies share the running cost of the facilities with the support of
the private sector. Another example is the TNT and WFP ‘‘Moving the World’’ partnership.
TNT built this partnership in the context of its corporate social responsibility. Both
organizations have learned from each other and improved their actions (Samii and Van
Wassenhove, 2004; Tomasini and Van Wassenhove, 2004; Gatignon and Van Wassenhove,
2009). Like TNT, many other companies want to help. However, there is a need to set up the
partnership structure before the disaster. Otherwise, it can be too late to make it operational.
This section has presented some examples of SCM best practices that can be adapted
to humanitarian logistics. Contextual knowledge is critical to the successful transfer of SCM
best practices to this area. […]
82
Annexe 4 : Détail de l’étude sur la Supply Chain humanitaire de
Blecken (2010)
Figure : Structure du modèle de référence des tâches utilisé dans l’étude, p. 682
83
Tableau : Liste des tâches de référence, p. 685
84
Annexe 5 : Représentation des compétences dans les offres d’emploi
en logistique humanitaire, étude de Kovacs, Tatham et Larson (2012),
p.251
85
86
Annexe 6 : Budgets annuels des plus importantes ONGs et agences
humanitaires, par Tatham et Pettit, 2010, p.611
87
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Ce mémoire étudie les relations entre la logistique humanitaire, la logistique commerciale et
la logistique militaire. Son but est de dégager ce que chacune de ces logistiques peut apporter
aux autres, mais surtout ce que la logistique humanitaire peut donner et recevoir. Il étudie
aussi ce qu’est la logistique humanitaire de développement et d’urgences et quelles sont leurs
relations. Malgré leurs différences et leurs similitudes, elles sont toutes complémentaires les
unes avec les autres.
95