RESUME ABSTRACT
Abidjan, à l’instar de beaucoup de villes-capitales des Abidjan, as many city-capitals of the developing countries,
pays en développement, a connu une extension significative, knew a significant extension, passing 3500 ha in 1965 to
passant de 3500 ha en 1965 à 60000 ha en 2005. L’espace 60000 ha in 2005. Urban space of the city, difficult to square,
urbain abidjanais, difficile à quadriller, a vu également sa also saw its population growing in an exponential way.
population croître de façon exponentielle. De 340 000 habitants From 340 000 inhabitants in 1965, the population passed
en 1965, la population est passée à 3,5 millions âmes en 2005. to 3,5 hearts million in 2005. With regard to displacements
En ce qui concerne les déplacements au sein de la ville, les within the city, the transport conditions in the bus worsened
conditions de transport en autobus se sont détériorées du because of the economic crisis. The communal taxis or woro
fait de la crise économique. Les taxis communaux ou woro woro, confined at the beginning in the periphery of Abidjan,
woro, confinés au départ dans les quartiers périphériques became extensive with the passing of years. They “were
d’Abidjan, ont pris de l’ampleur au fil des ans. Ils se sont essential” in other municipalities of which Cocody, in the
«imposés» dans d’autres communes centrales dont Cocody, years 1990. In addition to the presentation of the context
dans les années 1990. Outre la présentation du contexte dans in which reappeared the communal taxis, the study tackles
lequel sont réapparus les taxis communaux, l’étude aborde the questions relating to the organization and the operation
les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement of these means of transport.
de ces moyens de transport.
Key words : CÔTE D ’ IVOIRE , ABIDJAN , COMMUNAL TAXIS ,
Mots-clés : CÔTE D ’ IVOIRE , ABIDJAN , TAXIS COMMUNAUX , ORGANIZATION, OPERATION.
ORGANISATION, FONCTIONNEMENT.
AKA Kouadio A. : Taxis communaux ou woro woro à Abidjan-cocody : caractéristique, organisation ...
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1- LE CONTEXTE SPATIO-ECONOMIQUE 1-1- LES LIMITES OBJECTIVES DU SYSTÈME
DE L’AVENEMENT DES TAXIS DE TRANSPORT CONVENTIONNEL
COMMUNAUX A ABIDJAN-COCODY Dès l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance,
De 3000.véhicules en 1995, les taxis communaux les autorités ont estimé que pour une ville de l’ambition
sont estimés à 13000 en 2005, soit une multiplication d’Abidjan, les transports informels de faible débit (four-
par 4,3 en 10 ans. Les principales raisons de gonnettes du genre «1000 kg», taxis-collectifs de 4 à
l’avènement et de l’ampleur des taxis communaux 8 places assises…) ne devraient plus être de mise. Le
sont les suivantes: l’incapacité de la Société des 18 Août 1960, un protocole d’accord était signé avec
Transports Abidjanais (SOTRA) à satisfaire les le groupe français Renault-Saviem suivi de la création,
besoins de mobilité des Abidjanais, l’étalement et la le 16 décembre 1960, de la SOTRA et de la signature,
croissance démographique de la ville d’Abidjan et la en 1964, d’une convention de concession de service
crise économique. public. Celle-ci assurait à la SOTRA le monopole du
service public de transport à Abidjan et prévoyait la sup-
pression de tous les modes de transport informel. Seuls
subsistaient les taxis-compteurs (Ministère du Transport,
1980). Pour remplir efficacement sa mission, la SOTRA
s’est progressivement dotée d’un parc d’autobus dont
l’évolution est indiquée dans le tableau I.
Tableau I : Indicateurs d’évolution de la SOTRA
Indicateurs de Années
transport 1965 1970 1975 1980 1990 2004
Population (x 1000) 340 550 951 1450 2200 3000
Nombre d’autobus
112 200 418 1202 1198 528
(SOTRA)
Nombre de places
11,2 20 41,8 120,2 119,8 52,8
assises ( x 1000)
Nombre de
passagers 39163 81508 125284 242000 358563 379688
transportés (x 1000)
Ratio Population/
3036 2750 2275 1206 1836 5681
bus
Ratio Population
30 28 23 12 18 57
/place assise
Ratio passagers/
3497 4075 2997 2013 2993 7191
place assise
Usage du réseau 116 148 132 168 166 126
Le tableau 1 indique qu’entre 1965 et 1980, le il n’y avait que 528 autobus, soit une baisse de 56%
parc d’autobus de la SOTRA a connu une évolution par rapport à 1990.
continue. De 112 autobus en 1965, il a atteint Comme le parc d’autobus de la SOTRA, la popula-
1202 unités en 1980. Entre 1980 et 1990, le parc a tion d’Abidjan a évolué. En 1965, Abidjan ne comptait
baissé, 1198 unités en 1990. La chute du nombre que 340000 habitants. En 1990, elle enregistrait une
d’autobus a été très forte après 1990 du fait de la population de 2,2 millions habitants. En 2004, cette
crise économique et des troubles socio-politiques où population est estimée à 3 millions d’âmes. En 2005,
de nombreux véhicules ont été saccagés. En 2004, selon l’Institut National de la Statistique (INS), elle
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tels que Yopougon et Abobo voient leur population
augmenter. Comme le soulignent Antoine Ph, et al.
(1987), Yopougon, localisé sur le Plateau du Banco,
connaît une urbanisation de masse, comprenant des
lotissements évolutifs et de nombreux programmes de
logements économiques. En effet, ce qui est à noter
désormais, c’est l’évolution de la superficie urbanisée
qui a pour corollaire l’allongement des distances.
On sait que les modes de transport de forte
capacité de charge sont particulièrement adaptés aux
espaces densifiés. A l’inverse, les zones ayant des
taux d’occupation lâches favorisent naturellement le
développement des modes de transport individuel
ou collectif de faible capacité de charge (engins à 2
roues, voitures particulières, taxis-compteurs et taxis-
collectifs…). Or précisément, Cocody est devenue
la principale zone d’extension de la ville d’Abidjan. Il
Photographie 1 : Les taxis communaux à la gare s’y développe principalement l’habitat de type «villa
routière de Cocody Saint Jean, cliché isolée » de moyen et de haut standing caractérisé par
AKA K., 2006 sa faible densité, 20 hab./ha en moyenne. Aussi, la
SOTRA y fait-elle face à une série de contraintes :
1-2- UN ESPACE DE DESSERTE DE PLUS - c’est un service public destiné à assurer des
EN PLUS DIFFICILE À QUADRILLER transports de masse (autocars de 100 places). Ces
caractéristiques la rendent particulièrement apte
Depuis 1965, la population d’Abidjan croit sans dans les zones de forte concentration de la demande
cesse. Conséquemment, l’assiette spatiale de la plutôt que dans les espaces desserrés, favorables
ville a enregistré une extension significative. La aux dessertes de porte-à-porte ;
croissance spatiale de la ville d’Abidjan s’est opérée - malgré l’obligation d’assurer un service public
selon une évolution radio-concentrique. dans l’ensemble de la ville d’Abidjan, liée en partie à
son régime de «monopole», la SOTRA ne demeure
En 1963, le rayon maximum du périmètre urbain
pas moins une entreprise soucieuse de son équi-
abidjanais était de 3 km ; celui-ci passe à 5 km en
libre financier. Ce souci implique une organisation
1975 pour atteindre 7,5 km en 1988. En 1996, il est
qui tienne compte du nécessaire ajustement de la
au-delà des 10 km. En 2005, il est estimé à 15 km
demande aux caractéristiques réelles de l’offre de
selon le CCT/BNETD1. Tout ceci est le résultat d’une
transport urbain.
extension significative de l’espace urbain abidjanais
qui passe de 3500 ha en 1965 à 16000 ha en 1990 Cette attitude conduit la SOTRA à concentrer son offre
et 60000 ha (dont 45000 ha de superficie urbanisée) sur la partie de son réseau localisée dans les noyaux
en 2005. Il se trouve que cette extension de la ville urbains densifiés et à assurer une présence minimum là
s’accompagne d’une inégale densité d’occupation où ses avantages comparatifs en terme d’aptitude ou de
de l’espace. Au départ, les densités d’occupation de coûts sont défavorables à son exploitation (Bonoumin,
l’espace respectaient le schéma d’organisation radio- Riviera 3, Riviera 4, Attoban, Akouédo…)
concentrique et calquaient les différentes périodes En revanche les caractéristiques des transports
d’extension de la ville. Au fur et à mesure que l’on privés informels, entre autres, la faible capacité et la
s’éloigne du noyau urbain central, les densités spontanéité de l’offre, s’adaptent bien aux configurations
d’occupation décroissent. Aujourd’hui, ce schéma a urbaines desserrées décrites précédemment.
quelque peu changé car les quartiers périphériques
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2-1- L’ACQUISITION DE L’OUTIL DE TRAVAIL Il existe également des cas rares où le véhicule
est acheté à crédit. Seulement 2 personnes, soit
L’origine de l’outil de travail varie d’un transpor- 3% des enquêtés sont concernés. L’acquéreur du
teur à un autre. Les woro woro sont généralement véhicule effectue le service de transport pour honorer
importés d’Europe. Ils s’achètent à 3 millions FCFA ses engagements. Ce dernier cas est basé sur la
au maximum. D’ailleurs, les acquéreurs marchandent confiance. Mais au fil des années, on en voit de moins
beaucoup, ce qui réduit de façon substantielle le prix en moins, fait-on remarquer. D’après les transporteurs,
d’achat. Le service de transport effectué avec des la plupart de ceux qui ont tenté cette expérience ont
woro woro est un service informel. D’après les trans- échoué. D’ailleurs, on entend souvent dire que les
porteurs, cette activité rapporte peu, c’est pourquoi véhicules d’occasion s’achètent toujours cash.
ceux qui utilisent des véhicules neufs, achetés avec
le concours des bailleurs de fonds, n’arrivent pas Les personnes interrogées acquièrent leurs
toujours à rembourser leur crédit. Notons que le prix véhicules sans prêt bancaire. D’aucuns, en l’occurrence
des véhicules neufs est prohibitif. Actuellement, le les analphabètes, trouvent que les conditions d’octroi
prix minimum d’une voiture neuve pouvant servir de des emprunts sont telles qu’ils ne peuvent pas
woro woro est de 13 millions FCFA soit 4,3 fois plus satisfaire. D’autres par contre estiment que l’activité
cher que les véhicules usagés, importés d’Europe. n’est pas très rentable, ce qui constitue une entrave
pour le remboursement de la somme due.
Une enquête menée en 2006 auprès de 74
propriétaires de taxis communaux a permis d’élucider 2-2 LES CARACTÉRISTIQUES DES
l’origine de l’outil de travail. VÉHICULES
L’épargne : 43 propriétaires de woro woro soit Les taxis communaux sont des véhicules
58% des personnes interrogées sont des salariés particuliers de 4 places assisses, achetés d’occasion
des secteurs public et privé et/ou des commerçants. et reconvertis en service privé de transport public
Ils utilisent leur épargne pour acheter un ou plusieurs de voyageurs. Une enquête relative à la répartition
véhicules de seconde main, puis s’attachent les des taxis communaux à Cocody réalisée par Djatti
services d’un chauffeur. A. (1995) a révélé que sur 120 véhicules, les
La voiture personnelle : 17 propriétaires soit marques les plus représentées sont les japonaises
23% des personnes interrogées ont transformé leur (50%) suivies des françaises (24 %) ensuite des
voiture particulière en woro woro après avoir perdu italiennes, des anglaises, des coréennes et des
leur emploi. Elles la conduisent elles-mêmes et se américaines (26 %). Le choix des transporteurs pour
font relayer de temps en temps par un chauffeur en les véhicules japonais s’explique principalement
second. par la disponibilité des pièces de rechange, la
consommation raisonnable d’énergie et la facilité
Le don des parents : 8 personnes soit 11% des d’importation des véhicules.
enquêtés ont bénéficié de don de leurs parents.
En effet, certains parents octroient un véhicule à Les investigations menées auprès de l’Agence
un membre de leur famille (fils, neveu, cousin, des Transports Urbains (AGETU) ont confirmé la
etc.) pour lui permettre d’entreprendre le métier place de choix qu’occupent les véhicules japonais,
de transporteur. 91% par rapport à l’ensemble des woro woro de
Cocody (cf. figure 2). Ils se répartissent comme suit :
L’association d’au moins 2 individus : 4 personnes, Toyota (72%), Nissan (14%), Mazda et Mitsubishi
soit 5% des enquêtés se sont mis ensemble pour (5%). Peugeot, la marque française, ne représente
acheter un véhicule dont ils partagent la recette. que 7%. La répartition est faite sur la base de 942
Il s’agit souvent de jeunes chauffeurs n’ayant pas véhicules. Elle tire sa source du registre de délivrance
suffisamment de moyens financiers. de billets de mise en ligne des organisations syndi-
cales de la Commune de Cocody.
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opérationnelles d’inscription au registre des transports sent au fur et à mesure. S’ils s’aperçoivent que le
urbains de personnes et de délivrance d’autorisation trafic est important, ils créent la gare de même que
de transport en novembre 2004, suite à la loi n° 2004- la ligne. Les gares et les lignes sont provisoires et
271 du 15 avril 2004 portant loi de finances de l’année leur nombre varie sans cesse. La gare peut se situer
2004. En principe, depuis 2004, les collectivités ne sur un terrain privé ou public non mis en valeur. Ce
s’occupent que de l’aménagement de leur territoire, terrain peut être également un parking. Dans ce cas,
en l’occurrence la création, la gestion et l’entretien les transporteurs l’occupent seulement la journée
des voies de communications et des réseaux divers pour permettre aux résidents de stationner leurs
d’intérêt communal ; la dénomination des rues, des véhicules le soir, après le travail. Généralement, les
places et des édifices publics etc. transporteurs négocient avec les propriétaires de
terrain lorsqu’ils créent une gare. S’ils ne trouvent
L’AGETU détermine désormais les critères d’ac-
pas de consensus, ils choisissent un autre espace.
cès à la profession de transporteurs publics urbains
Notons cependant que les têtes de pont des lignes
de personnes. Elle délivre aux propriétaires de woro
des taxis communaux observent une proximité
woro un certificat d’inscription contre le paiement
géographique avec les centres commerciaux et les
d’une taxe de 50000 FCFA et ensuite une autorisation
pôles d’activités commerciales comme le dit à juste
de transport contre le paiement d’une redevance de
titre Aloko-N’guessan J, (2001).
80000 FCFA, ce qui équivaut à 130000 FCFA au
total. Bien que mandatée par l’Etat, il se pose parfois En 1996, on dénombrait officiellement 8 lignes.
un problème de compétence entre l’AGETU et la Aujourd’hui, il y en a 16 comme l’indique le tableau 2.
Mairie de Cocody. En effet, la Mairie entretient les Cependant au terme de nos investigations en 2006,
gares routières. Pour ce faire, elle réclame le droit nous avons recensé 37 lignes au total, autorisées et
de stationnement. Le conflit de compétence est une non autorisées confondues.
des causes de l’échec des politiques de transport.
Pour ce qui est du tarif, il était de 100 FCFA sur la
D’après Abeto (2005), les causes de l’échec des
plupart des lignes en 1996. Mais à la suite de l’aug-
politiques de transports urbains en Afrique subsa-
mentation successive du prix du carburant, le tarif
harienne sont multiples. Elles constituent des freins,
oscille à ce jour entre 100 et 350 FCFA. En raison de
voire des obstacles à la mise en place d’une orga-
la distance relativement longue, le tarif est plus élevé
nisation rationnelle.
sur les lignes inter-communales. Cocody-Yopougon
En plus des frais relatifs au certificat d’inscription par exemple coûte 600 FCFA.
et à l’autorisation de transport, les chefs de gare exi-
A l’intérieur de Cocody, il existe des lignes
gent le payement des droits d’exploitation des lignes
pour lesquelles les transporteurs ne disposent
qui sont passés de 17000 FCFA dans les années
pas d’autorisation. Le principal objectif de ces
1990 à 57000 FCFA en 2006, soit une multiplication
transporteurs est d’avoir un gain. Pour ce faire, ils
par 3,4 en 16 ans. Ces droits s’appliquent aux lignes
quadrillent la commune en fonction des mouvements
qui sont déjà fonctionnelles. Sur les lignes nouvelle-
de la population (cf. figure 3). Grâce à l’intensité de
ment créées, ils sont moins élevés.
leurs réseaux de lignes et de nœuds articulés sur
La création des gares routières et des lignes les indications des pôles d’attraction des flux bien
relèvent des transporteurs. Ils choisissent les lieux desservis par des voies de desserte hiérarchisées,
où les mouvements de personnes sont intenses. Ils les taxis communaux apparaissent comme des
effectuent d’abord un premier voyage et s’organi- partenaires précieux (Aloko-N’Guessan J., 2001).
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En plus des lignes intra-communales, il existe Cocody-Marcory (cf. figure 4). Du fait de la conduite
des lignes inter-communales qui relient Cocody anarchique, le Maire du Plateau refuse le service
aux autres communes. Ce sont Cocody-Adjamé, des woro woro dans sa commune, Seuls les taxis
Cocody-Williamsville, Cocody-Plateau, Cocody- compteurs y sont autorisés. Ils jouent, pour ainsi dire,
Yopougon, Cocody-Abobo, Cocody-Treichville et le rôle de woro woro.
2-3-2 Pour une meilleure organisation du les véhicules de 4 à 5 chevaux ayant 10 ans d’âge
système d’assurance, de visite technique bénéficiaient d’une assurance promenade et affaires
et de sécurité de 10120 FCFA/mois. Ceux de 7 à 9 chevaux
payaient 10760 FCFA/mois. Mais dans le souci de
L’assurance : à cause de leur statut mal défini, les mieux organiser les transports dans la commune
compagnies refusaient, dans les années 1990/93, de Cocody, la Mairie a négocié, au fil des ans, avec
d’accorder aux taxis communaux l’assurance de les compagnies pour la délivrance d’une assurance
transport public de voyageurs. Ces taxis n’avaient appropriée. Ci-après quelques compagnies qui
droit qu’à l’assurance promenade et affaires. Ainsi, assurent les taxis communaux de Cocody : SAFA,
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Le système d’assurance, de visite technique Les propriétaires ayant plusieurs véhicules
et de sécurité des taxis communaux mérite d’être existent bel et bien mais ils ne veulent pas se faire
mieux organisé. Des contrôles sporadiques sont connaître de peur d’être pénalisés. A la différence
effectués aussi bien par la Mairie de Cocody que des sociétés de taxis compteurs où l’on trouve
par l’AGETU. Malheureusement, les woro woro qui parfois un parc de 246 véhicules comme c’est le
ne sont pas en règle arrêtent de circuler dès que cas de la société ATT (AKA K.A, 1988), la majorité
le contrôle a lieu. des propriétaires de woro woro ont un seul véhicule.
En fait, les propriétaires sont tenus, selon une
3- LE MODE DE FONCTIONNEMENT DES réglementation non écrite, de ne posséder qu’un seul
TAXIS COMMUNAUX véhicule. Mais avec le système des prête-noms et des
interventions à caractère politique, ces dispositions
3-1- LA NATURE DE LA PROPRIÉTÉ sont parfois controversées. Djatti A (1995) corrobore
nos observations et précise que sur 120 autorisations
Il aurait été intéressant de préciser le pour- délivrées, seulement 16 propriétaires soit 13% de
centage de propriétaires ayant plus d’un véhicule. l’ensemble ont plus de deux véhicules, les autres
Malheureusement les intervenants ont opposé (87%), en ont un seul.
une fin de non recevoir lorsque nous cherchions
à approfondire nos investigations sur la nature 3-2 LES HORAIRES DE TRAVAIL ET LES
de la propriété. Certaines informations que nous HEURES DE POINTE
avions tenté d’exploiter étaient contradictoires et
ne pouvaient pas nous permettre d’aboutir à des Les informations consignées dans le tableau 3
résultats fiables. ont été collectées auprès d’un échantillon de 110
chauffeurs.
Les heures de début du service de transport des la tranche horaire 6h-8h qui correspond aux heures
taxis communaux sont très concentrées. 80% des de pointe de la matinée. Au-delà de 8h, à peine 7%
chauffeurs enquêtés commencent leur journée de des chauffeurs sont concernés. 4% des chauffeurs
travail dans la seule tranche horaire 6h – 7h parce n’ont pas d’heure fixe.
que c’est le moment où la majorité des élèves et des
Dans les années 1990/1996, les heures de fin
travailleurs qui vont en dehors de Cocody quittent
de service étaient plus éclatées dans le temps et
leur domicile. Seulement 9% déclarent le début de
reflétaient mieux les longues heures de pointe du
leur service entre 7h et 8h. Au total, 89 % des chauf-
soir comme le souligne Djatti A. (1995). A l’origine,
feurs interrogés commencent leur service pendant
En 1996, il y avait quelques véhicules qui utilisaient Certains propriétaires exigent 15000 FCFA. Mais
de l’essence. Aux chauffeurs de ces véhicules, une ils finissent par s’aligner sur les autres parce que les
recette quotidienne de 8000 FCFA sur la ligne Angré- chauffeurs n’arrivent pas toujours à les satisfaire.
Cocody et 6000 FCFA sur la ligne Angré-Abobo leur était En général, la recette quotidienne varie de 10000 à
demandée. A cette époque, le litre d’essence se vendait 13500 FCFA. Si le conducteur n’obtient pas la recette
à 375 FCFA. La recette quotidienne pour les véhicules exigée, il trouve toujours des arguments pour se jus-
à gasoil était de 12000 FCFA sur la ligne Angré-Cocody, tifier (panne, attaque des bandits, immobilisation du
et 10000 FCFA sur la ligne Angré-Abobo. véhicule par les forces de l’ordre, etc..). En principe,
ceux qui s’en sortent le mieux sont les chauffeurs
En 2006, avec l’augmentation du prix de l’essence,
propriétaires. Ils se présentent eux-mêmes chez le
615 FCFA au lieu de 375 FCFA, les transporteurs qui
mécanicien en cas de défaillance technique, achètent
exploitent la ligne Angré-Cocody ont abandonné les
eux-mêmes les pièces de rechange, arrêtent le travail
véhicules à essence. Seul un petit nombre continue
à des heures bien précises, etc.
d’utiliser les véhicules à essence sur la ligne Angré-
Abobo. La recette quotidienne exigée est de 8000 Pour avoir une idée de la rentabilité des «entre-
FCFA. Les véhicules à gasoil sont plus nombreux. prises» de transport, prenons le cas d’un véhicule à
Quant aux recettes quotidiennes, elles se présentent gasoil dont le propriétaire exige 13000 FCFA par jour.
comme suit : 13000 FCFA pour la ligne Angré-Cocody Ce véhicule roule en moyenne 26 jours dans le mois.
et 12000 FCFA pour la ligne Angré-Abobo Les recettes mensuelles et annuelles sont de :
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Recette mensuelle : 13000 X 26 = 338000 FCFA. panne engendrant à leur tour l’immobilisation
Recette annuelle : 338000 X 12 = 4056000 FCFA. du véhicule et des frais de réparation parfois
élevés. De nombreuses autres dépenses sont
Il s’agit d’un résultat brut. En effet, les woro-
effectuées. Dans le tableau 5 figurent les
woro sont usagés ce qui accroît les risques de
principales dépenses.
(∗) Dépenses réellement effectuées par les Amortissements : les transporteurs dont la
transporteurs plupart sont analphabètes ne prennent pas en
Nous ferons le commentaire du tableau 5 en nous compte l’amortissement du matériel, ce qui rend
appuyant sur les dépenses annuelles car certaines difficile le renouvellement de l’outil de travail. On
charges ne sont ni quotidiennes ni mensuelles (Pneu- estime l’amortissement à 489216 FCFA par an ;
matiques, visite technique etc.). Pour ce faire, l’on Rémunération du chauffeur : ce poste de
retiendra ce qui suit : dépense s’adresse aux propriétaires de véhicules
Carburant : les recettes quotidiennes indiquées qui embauchent des chauffeurs. Il y a des chauffeurs
précédemment sont celles exigées après l’achat de qui exigent un salaire de 60000 FCFA/mois.
carburant. Les conducteurs estiment à 8000 FCFA Mais en raison des difficultés financières, les
par jour le prix moyen de carburant. Ce prix est estimé propriétaires n’arrivent pas toujours à payer ce
à 2496000 FCFA par an. montant. Généralement, ils proposent aux chauffeurs
Vidange et accessoires : le coût est calculé en d’empocher la recette d’un jour sur sept, soit 13000
fonction du nombre de vidanges et de graissages FCFA par semaine multiplié par 4, ce qui revient à
ainsi que l’achat d’accessoires (filtre à huile, filtre 52000 FCFA par mois et à 624000 FCFA par an.
à gasoil etc.). Ce poste de dépense est de l’ordre S’agissant du chauffeur en second, aucun taux n’est
de 8500 FCFA par mois, ce qui est égal à 102000 déterminé à l’avance. Il est payé par le chauffeur
FCFA par an ; principal en fonction de la recette qu’il obtient ;
Pneumatiques : ils sont estimés à 100000 FCFA Assurance : une moyenne de 18000 FCFA par
par an. Les transporteurs achètent surtout des pneus mois et de 216000 FCFA par an ;
rechapés dont le prix varie de 8000 à 9000 FCFA ; Visite technique : les véhicules qui effectuent
Entretiens et réparations : ils dépendent de le transport en commun sont soumis à une visite
l’état du véhicule. Ils sont estimés à 640000 FCFA technique tous les 6 mois, soit 2 fois par an. L’on
par an ; estime ce poste de dépense à 23600 FCFA par an
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disposer de chiffres fiables dans le cadre des études - ANTOINE Ph., DUBRESSON A., NANOU-SAVINA A. (1987) :
portant sur ce secteur d’activité. Enfin, dans le but Abidjan «Côté Cours» Pour comprendre la question de l’habitat,
Editions Karthala, Paris, 274 p.
de renforcer la sécurité dans le secteur des woro - DCGTx – AUA (1990) : Abidjan Information, n° 10, 36 p.
woro, l’AGETU doit travailler en collaboration avec - DCGTx (1989) : Abidjan, Atlas des Modes d’Occupation des
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