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Ces monnaies qui ont circulé dans l’Empire Romain d’Orient entre le XI ème et le XIVème siècle1, frappées
tant dans l’or que le billon ou le bronze, restent énigmatiques par leur forme en cupule 2. L’absence
de sources écrites d’époque quant à la fabrication de ces monnaies a laissé libre accès à beaucoup de
théories quant au «pourquoi», et plus rarement quant au «comment». Aussi, nous appuyant sur des
principes physiques, géométriques et mécaniques universels, avons-nous tenté de concevoir un
dispositif de frappe au marteau en accord avec les caractéristiques de ces monnaies en forme de
coupelle. Une fois le «comment» établi, le «pourquoi» pourra être reconsidéré, peut être avec un
regard plus intègre.
Mais avant d’aborder cette approche conceptuelle, il importe de familiariser le lecteur sur ce qui se
passe à l’intérieur du flan monétaire lorsque le marteau frappe le coin mobile. Bien peu
s’intéressèrent à ce coup de marteau, même répété, qui pourtant présida à la production monétaire
depuis les origines de la monnaie jusqu’au XVI ème siècle. Considéré comme une opération simple de
faible intérêt, l’effet du coup de marteau sur le flan destiné à recevoir l’empreinte des coins est non
dénué d’enseignements. De rares travaux visant à modéliser les déformations du flan monétaire font
notamment appel à des simulations sur pâtes à modeler et des théories mathématiques de haut
niveau, telle la méthode dite des éléments finis et le calcul tensoriel (théorie des tenseurs).
Dommage toutefois que ces recherches s’adressent à un public quelque peu versé dans la résistance
des matériaux et les mathématiques supérieures 3. Aussi le but recherché dans cette première partie,
sera de tenter une explication simple et générale, faisant appel aux connaissances, effectives ou plus
intuitives, de tout un chacun, afin de mieux appréhender la déformation du flan. Pour ce faire nous
avons opté pour l’examen de la frappe d’une pièce de billon, alliage d’argent et de cuivre. Le
raisonnement est identique pour les autres alliages monétaires.
La seconde partie sera consacrée à l’exploitation de ces principes précédemment rappelés, au cas
des hystamena scyphates afin, de proche en proche, d’en proposer un dispositif théorique de
frappe. Pour ce faire différents modes de frappes ou modèles de flans et de coins seront analysés et
commentés. Nous serons in fine en mesure de confronter ce dispositif au «pourquoi» et d’en tirer
des conclusions.
1
Agostino Sferrazza, «La fin de l’Empire byzantin» dans la revue CGB N° 150 de février 2016 (pp 22-29).
2
La littérature américaine traite de «cup shaped coins» ou «trachy coins» , en Angleterre l’on utilise le vocable «cup coins» , et en
Allemagne il s’agit de « Skyphate » à ne pas confondre avec les «Regenbogenschüsselchen» (littéralement : monnaies arc en ciel
cupuliforme) réservée aux monnaies gauloises en forme de coupelle.
3
Citons notamment : « Mécanique et frappe des monnaies. Mesure et calcul de la déformation » par F. Delamare et P. Montmitonnet de
l’Ecole des mines de Paris. Ainsi que «une approche mécanique de la frappe des monnaies, application à l’étude de l’évolution de la forme
du solidus byzantin» par les mêmes personnes et Cécile Morrison.
Figure 1 : Les alliages Ag- Cu.
Dans la phase solide, partie basse du graphique, le métal est constitué d’une juxtaposition de grains.
Chaque grain est lui-même composé d’atomes de métal organisés, sans direction préférentielle, en
mailles cubiques à face centrées imbriquées.
Des forces électrochimiques (liaisons dites métalliques par la mise en commun d’électrons libres)
assurent la cohésion de l’ensemble, des deux phases notamment. Le graphique ci-dessous reprend
les cas de figures. A ce stade il convient certes de préciser que la problématique de la frappe
monétaire se situe dans la partie α + β du graphique et que la structure de l’alliage se modifie en
fonction des concentrations d’argent et/ou de cuivre affectant les conditions de tailles et de frappes.
5
Si le flan considéré comme un cylindre (h 0 , r0 ) est frappé entre des coins lisses, le flan aplati (h f , rf ) aura subi une déformation résiduelle
finale égale à (h0-hf)/ho soit Δh /h0 . Pour un flan réel, frappé entre des coins réels, il faut considérer chaque point du flan et passer à la
limite et au calcul différentiel : lim Σ Δh / h0 ∫dh/h = ln (h0/hf). Par ailleurs comme le volume ne change pas ( Πr 0²h0 = Πrf²hf ) on
démontre facilement que ln (h0/hf) = 2ln (rf/r0). Ces équations sont à la base des calculs dont question dans les documents en note 3.
6
Source Forum Ancient Coin : http://www.forumfw.com/t13429-drachme-alexandre-le-grand
7
Source http://www.humanities.mq.edu.au/acans/caesar/Intro_Moneyer.htm Université australienne Macquarie.
Figure 6 : Solidus d'or de Valentinien III
Plus le métal est malléable, et plus ce phénomène de mouvement centrifuge, lorsque non arrêté par
une virole, se manifeste plus intensément. Par ailleurs, l’examen du solidus de Valentinien III en Fig
6 témoigne également d’une influence des lettres en légende. A ce sujet une publication récente
dans le bulletin CGB N°144 nous livre un complément d’informations sur les conséquences du
déplacement de métal. 8
Ces «lines strike», qui peuvent provoquer une déformation des lettres, donnent l’impression d’un
arrachement de métal, arrachement témoignant du frottement du champ du coin, là ou ce
frottement, généré au moment de la frappe par cette force centrifuge entre le métal et le flan est le
plus fort. Par ailleurs, l’utilisation de coins neufs peut également conduire à une déformation des
pieds des lettres de la légende, leur conférant une forme que l’on pourrait associer à un caractère
bifide.
Selon les auteurs, le bord saillant des empreintes des lettres gravées sur les coins neufs perturbe le
déplacement de métal au moment de la frappe et gêne le remplissage de la cavité au pied des
8
Voir à ce sujet l’article « caractères bifides, volonté ou hasard » par X. Bourbon, S. Chaussat, B. Miquel et Ph Théret, dans BN 144 de juin
2015, pp 20 à 22.
9
Idem
lettres. Une fois le coin usé, la lèvre s’arrondi et le métal peut plus aisément la contourner et remplir
la cavité.
Enfin, même si l’impact du marteau est instantané, estimé à 1/10000 ème de seconde, le mouvement
du métal se fera avec une certaine vitesse (déformation / temps) que nous appellerons vitesse de
déformation.
Notons au passage que les frottements à la surface de contact coin mobile / flan sont à l’origine de
l’usure plus rapide du premier par rapport au coin fixe. En effet, à chaque impact la peau du métal du
coin s’étend latéralement puisqu’il n’y pas de cohésion avec le monde extérieur. Il en résulte une
tension de compression latérale avec les grains adjacents et un écrouissage de la peau du métal.
En résumé, seule une petite partie de l’énergie libérée par le marteau du monnayeur est disponible
pour déformer plastiquement le flan, ce qui explique le fait que le monnayeur doive frapper plusieurs
fois, avec le risque de tréflage.
4. Enseignements.
Les développements ci-dessus mènent à une conclusion évidente, il suffit d’augmenter l’énergie
cinétique pour accroitre le travail de déformation et donc obtenir une frappe en monétaire en un
seul coup de marteau. Pourtant cette conclusion n’est pas aussi obvie.
10
Pour rappel, l’énergie cinétique est le demi produit de la masse par le carré de la vitesse : E= ½ m * v²
11
«Une approche mécanique de la frappe des monnaies, application à l’étude de l’évolution de la forme du solidus byzantin » par F.
Delamare , P. Montmitonnet et Cécile Morrison.
12
L’énergie cinétique est bel et bien un travail : en effet, un travail est le résultat d’une force F dont le point d’application se déplace (dL) .
Dans le cas qui nous occupe l’on peut écrire, (une force étant le produit de la masse par l’accélération) :
T = ∫ F * dL = ∫ m * a * dL = ∫ m * (v / t) * dL = ∫ m * v * (dL/ t) = ∫ m * v dv = ½ * m * v² .
L’augmentation de la masse du marteau a néanmoins des limites certes imposées par la force du
monnayeur et par sa fatigue. Par ailleurs parmi les nombreuses gravures et représentations nous
montrant un atelier monétaire, très rares sont celles ou le monnayeur opère à deux mains.
Il semble donc qu’en pratique la masse du marteau ne soit pas exagérée peut être de l’ordre de 1 à 2
kg. Mais un autre aspect est à prendre en considération, à savoir la quantité de mouvement 13 (le
produit de la masse par la vitesse). Le principe de conservation de la quantité de mouvement nous
indique que le coin mobile sera mis en mouvement et aura une vitesse telle que cette dernière
multipliée par sa masse sera égale à la quantité de mouvement du marteau si, idéalement, il n’y a
pas de rebond. Soit mm * vm = mc * vc 14. Afin d’augmenter la vitesse du coin mobile (et donc son
énergie cinétique) l’on a intérêt apparemment à disposer d’un coin de faible masse donc d’une
surface de contact coin/marteau réduite. Une telle opération, certes évitera le rebond mais
entrainera la formation de barbes sur la tête du coin et une perte d’énergie de frappe dans la
déformation de ces barbes. En d’autres termes, il faudra frapper le flan plus souvent afin d’avoir une
empreinte correcte.
5. Conclusions partielles.
L’opération proprement dite de frappe monétaire avec un marteau, souvent négligée car jugée par
trop simple, se révèle néanmoins bien plus complexe lorsque l’on s’intéresse à l’aspect «mécanique»
de la chose. En effet, il s’agit d’appliquer sur le flan, en un ou plusieurs coups de marteau, à l’aide de
coins, un champ de contraintes complexes multidirectionnelles, d’un niveau tel qu’il donne lieu à
l’écoulement non stationnaire de l’alliage monétaire et engendre une mise en forme par déformation
plastique. La technique de frappe au marteau, à froid ou à chaud, dépend de nombreux critères,
d’une part la composition métallique du coin, fer ou bronze, sa gravure, sa masse, sa forme, d’autre
part de la préparation des flans et donc de leur ductilité 19. Par ailleurs avec ces quelques rappels de
physique, l’on peut mieux appréhender la dextérité et l’expérience requise du monnayeur et donner
ainsi à ces monnaies frappées au marteau un autre regard que celui du simple collectionneur. Enfin,
l’on comprend également les avantages de la frappe au balancier qui permet un travail plus intense
et plus précis par l’augmentation de l’effort exercé en termes d’intensité et de durée. La frappe au
mouton libre, quant à elle, n’agit que sur la masse du «marteau».
L’histamenon scyphate.
Ces monnaies qui ont circulé dans l’Empire Romain d’Orient entre le XI ème et le XIVème siècle, frappées
tant dans l’or que le billon ou le bronze, restent énigmatiques par leur forme en cupule. L’absence de
sources écrites d’époque quant à la fabrication de ces monnaies a laissé libre accès à beaucoup de
théories quant au pourquoi, et plus rarement quant au comment. Aussi, nous basant sur la théorie
16
Nombre de pièces produites par unités de masse de métal monétaire.
17
L’argent fond à 960°C et le cuivre à 1084°C.
18
Source : http://nte.mines-albi.fr/SciMat/co/SM6uc1-2.html ( Cours de résistance des matériaux de l’école des mines
d’Albi) .
19
Dans l’ordre de ductilité décroissante : l’or, l’argent, le billon, le bronze.
exposée dans les lignes qui précèdent avons-nous tenté d’apporter un éclairage un tant soit peu
rationnel, s’appuyant sur des principes physiques, géométriques et mécaniques universels. Une fois
le «comment» établi, le «pourquoi» pourra être considéré. Par ailleurs, l’on ne pourra éviter de faire
appel à quelques calculs théoriques en appui du développement. Par soucis de clarté ces
raisonnements seront repris en encadrés, que le lecteur est libre de négliger
Figure 14 : A gauche : histamenon de Romanus III ( 1028 – 1034 AD) ( Source Sixbid).
A droite: histamenon de l’empereur Isaac I Comnène (1057–1059 AD). (Source Wikipedia).
D’abord plan, l’histamenon prend une forme en ménisque et le bord lisse s’élargit.
Le terme «trachea» du grec «τραχύ» signifiant inégal est également employé. Il est à l’origine de la
dénomination anglo-américaine, parfois utilisée, de ce type de monnaies : « trachy coins »
Si Byzance ne fut donc pas à l’origine de la mise en circulation de monnaies cupuliformes, il faut
cependant souligner ici la longévité de ce type monétaire, plus de trois siècles, et la finesse des types
et légendes. Une gravure de coins, en forme de calotte sphérique de plus en plus prononcée au cours
des ans, est difficile, particulièrement sur le coin concave sans parler des distorsions possibles au
moment de la frappe.
20
« Les oboles scyphates des Salyens » par Jean – Albert Chevillon dans les Annales du Groupe Numismatique du Comtat de Provence pp
25-32, 1996.
Figure 16 : Hystaménon de Constantin X (or 750 / 1000)
1059 – 1067 AD.
(3.8 gr pour 4.5 gr théorique.)
(Source icollector.com).
Outre l’altération des lettres, les traces radiales autour du grenetis témoignent de cette distorsion
mécanique due à la frappe. Ces traces, dans le prolongement de chaque grain du grenetis attestent
d’un écoulement du métal au contact du coin, probablement assez neuf.
21
« Une approche mécanique de la frappe des monnaies. Application à l’étude de l’évolution du solidus byzantin » dans revue
numismatique, vi série, tome XXVI, 4984, pp 7-39. Op Cit.
22
“Why did byzantine coinage become cup-shaped in the 11th century” par Mike Markowitz sur
https://www.academia.edu/3455689/Why_Did_Byzantine_Coinage_Become_Cup-Shaped_in_the_11th_Century
23
Diplômé d’histoire et titulaire d’un master en écologie sociale, Mike Markowitz est également numismate au sein de «the Ancient
Numismatic Society of Washington DC », auteur de nombreux écrits sur la numismatique antique et médiévale pour «CoinWeek .com» .
Années Φ moyen
Règnes Carats (or) Commentaires
AD mm
1030 ROMANUS III 24 23,5 Or pratiquement pur
Tableau 1
Figure 14 : A gauche tetarteron de Cosntantin VIII ( 1025 – 1028 AD) , 4.08 gr , diamètre 20 mm
à droite dinar d’or ( 909 – 934 AD ) , 4.12 gr (E= 1 )25.
Figure 15 : Histamenon de Nicéphore III (1080 AD , électrum 0.375 / 1000 d’or, diamètre 30 mm).
Après 1092, le système monétaire byzantin sera totalement refondu et le nomisma remplacé par une
autre pièce d'or, l'hyperpyron (4,48 gr). Celle-ci, de forme également scyphate, est frappée à 20.5 cts
24
L’or « économisé » sur la dépréciation de l’histamenon peut servir à frapper des tetartera.
25
Sources : respectivement numisbid et inumis.
d’or. Il renie ainsi quelque peu son nom, à savoir monnaie purifiée, car il aurait du être en or pur.
L’hyperpyron se décline en aspron d’électrum, aspron de billon et tetarteron de cuivre. Toutes les
subdivisions en métal noble sont en ménisque 26.
De l’analyse du tableau 1, il semble bien que la forme scyphate soit liée à un seuil en matière de
diamètre et d’alliage or / argent. Soulignons également que l’histamenon reste avec une masse
théorique de 4,5 gr. A noter également que sous Théodora, les histamena sont à nouveau plats. Nous
reviendrons plus loin sur ce cas particulier.
Si le flan considéré comme un cylindre (h0, r0) est frappé entre des coins lisses, le
flan aplati (hf , rf ) aura subi une déformation résiduelle finale égale à (h 0-hf)/ho soit
Δh /h0 .
Pour un flan réel, frappé entre des coins réels, il faut considérer chaque point du
flan et passer à la limite et au calcul différentiel : lim Σ Δh / h0 ∫dh/h = ln (h0/hf).
Par ailleurs le volume ne change pas mais il change de géométrie, et cette
déformation peut être caractérisée par une grandeur sans dimension δ qui n’est
rien d’autre que ln (h0/hf).
De plus, comme Πr0²h0 = Πrf²hf (le volume reste inchangé)
Donc : rf2 / r02 = h0/hf
En passant au logarithme népérien l’on obtient : δ = ln(h0/hf) = ln(rf2 / r02) = 2 ln(rf/r0)
Si la déformation est élastique, rf = r0 et δ = 2 ln (rf/r0) = 2 ln (1) = 0
Dans le cas d’une déformation plastique, rf > r0 et δ>0
Sous l’effet du coup de marteau sur le coin mobile, l’énergie transmise va générer des tensions sur
les faces de mailles cubiques pour déformer et déplacer celles-ci. Si la résultante τ (sur l’ensemble du
volume à déformer Vd) de ces tensions, dépasse la limite d’élasticité du métal monétaire, la
déformation (δ) sera permanente (plastique). Cette pression quasi instantanée sur le coin mobile
exerce donc un travail qui trouve son origine, aux pertes près 29, dans l’énergie cinétique que le
monnayeur délivre au marteau. Ce travail est le produit de la déformation (δ) et du volume à
déformer (Vd) par la tension résultante (τ) ou encore :
T = Vd * δ * τ
26
Michel Moreaux, Histoire du monnayage byzantin (aspects du monnayage des Comnènes et Paléologues) , dan la Vie Numismatique ,
2016 , 2de livraison , pp 53 – 59.
27
Source: http://pro.coinarchives.com/a/lotviewer.php?LotID=227712&AucID=328&Lot=1293.
28
Voir première partie de ce document.
29
Id
A ce stade il est important de comprendre que plus le volume à déformer est grand, plus le travail à
fournir, donc l’effort est élevé, toutes choses égales par ailleurs.
Rappelons également que l’énergie cinétique prodiguée par le marteau ne participe pas entièrement
à la déformation plastique, une partie est dissipée dans le rebond du marteau sur le coin mobile,
dans les frottements du marteau sur ce dernier et dans les frottements entre les coins et le flan. C’est
donc la vitesse du coin mobile qui est importante. (Conservation de la quantité de mouvement 30,
produit de la masse par la vitesse: m * v).
30
«Momentum» en littérature anglo-saxonne.
L’option de diminuer l’épaisseur a également ses limites techniques. En effet,
un flan trop mince nuirait à la qualité des empreintes et pourrait provoquer
des fissures voire des arrachements de métal par écrouissage. C’est donc
l’augmentation du diamètre du flan qui devra essentiellement compenser la
perte de masse engendrée par la modification de l’alliage monétaire.
Concernant l’ajustement massique du flan il est beaucoup plus aisé de rogner un flan trop élargi que
de fabriquer un flan avec une épaisseur idoine minimale, raison probable de la forme parfois
biscornue des histamena. Néanmoins, cela reste toutefois pain béni pour les faussaires et rogneurs.
Le fait que le diamètre de l’empreinte des coins n’évolue pas avec l’élargissement du flan pourrait
également constituer un facteur déterminant pour la forme scyphate.
La première explication qui vient à l’esprit est la frappe d’un flan déjà préformé. Toutefois une telle
approche nécessiterait d’avoir des coins monétaires avec des rayons de courbure identiques à celui
du flan ce qui en pratique relève de l’irréalisable avec les moyens de l’époque. Le flan était donc plan
avant la frappe et les coins devaient présenter une calotte concave et convexe sur laquelle étaient
gravés les reliefs à apposer. C’est du moins la conclusion à laquelle arrive Mr Mike Markowitz.
Toutefois le problème de la courbure des coins reste entier. En effet, pour une frappe idéale, les
coins concaves et convexes doivent avoir la même courbure, ce qui du point de vue fabrication pose
un problème sans parler de l’usure différentielle des coins. Par ailleurs comment faire pour éviter la
déformation des légendes et du grenetis? Aussi Mr Mike Markowitz relaie t’il l’avis de Simon Bendall,
numismate britannique. Selon ce dernier la frappe se passe en deux coups de marteau avec une
modification de l’inclinaison du coin mobile.
L’absence de traces de frottements sur la bordure lisse des monnaies scyphates byzantines est
révélatrice de l’utilisation de coins dont le diamètre est inférieur à celui du flan. Mais une question se
pose dès lors: comment «piloter» la déformation du flan de sorte que la face concave soit toujours
orientée de la même façon, c’est à dire vers le même type de coin? En effet, lorsque les coins ont un
diamètre plus petit que celui du flan, le coup de marteau va non seulement provoquer l’impression
du coin, mais l’écoulement centrifuge de métal va également influencer la partie non soumise à la
pression des coins. En d’autres termes, le métal va être soumis à des tensions d’écoulement jusqu’à
la périphérie du flan. Ces tensions, évoquées plus haut (τ), agissant sur les surfaces de mailles
cubiques de la structure atomique du métal, vont modifier l’agencement de celles-là, donc la planéité
du flan. La longueur du périmètre ne sachant varier, pour une épaisseur, un métal (alliage), et une
pression donnés, la forme du flan va se gauchir dans une ou deux directions aléatoires soit vers le
coin fixe ou vers le coin mobile soit vers les deux. 31 L’invariabilité du diamètre, qui induit le
changement de forme est une des conditions aux limites due au confinement de la zone plastique
dans une zone élastique. Notons cependant que dans le cas de pièces de très faible épaisseur ( h
dans l’encadré précédent) , le périmètre peut céder sous la contrainte et généré une fissure radiale.
Figure 20 : Gauchissement du flan élargi lors d'une frappe entre deux coins cylindriques.
31
Mme Morrison, François Delamare et Pierre Montmitonnet arrivent à la même conclusion dans leur appréciation de l’énergie nécessaire
à la frappe du solidus byzantin. (op.cit.)
Figure 21 : Aspron de Manuel I Comnène, ( 4.3 gr ) 1164 -1167
Sear 1960, Au (3 à 5 Cts) / Ag. Source M. Markowitz
Par contre si un des coins est plus étroit que l’autre, la déformation se produira vers le coin le plus
étroit. La déformation, résultante des tensions internes, est en effet «guidée» par le coin le plus
large. De plus ainsi l’on échappe à la contrainte de devoir graver des coins avec des courbures de
même rayon. Toutefois un écart trop important entre les rayons de courbure nuit à la qualité de
l’empreinte en périphérie.
Néanmoins, la forme en cupule ne dépend pas exclusivement de la courbure des coins, mais bien de
la différence entre le coin mobile et le coin fixe plus étroit. Avec un flan au diamètre élargi, l’on
obtiendrait une forme approximative en cupule en le frappant entre deux coins plans, pour autant
que l’un soit plus étroit que l’autre. Notons cependant que dans ce cas de figure, la transition entre
zone plastique et élastique se manifesterait par une pliure et non pas par un écoulement arrondi de
métal.
De même si le flan est trop large, il peut se gauchir en partie vers le coin le plus large. Le
gauchissement «piloté» a également une limite.
Par ailleurs, confirmant cette différence dimensionnelle au niveau des coins, Mme C. Morrisson a
relevé incidemment une différence entre les surfaces des empreintes de droit et de revers. En effet,
une vérification statistique sur 26 reproductions d’histamena en excellent état de conservation
présentées à la vente par des grandes maisons et couvrant la période 1042 – 1081, révèle que la
surface de l’empreinte entre grènetis extérieurs de la face concave est systématiquement 10 % plus
petite que celle de la face concave.
Parallèlement, si l’on réduit encore plus la dimension de l’empreinte sur la face concave, ou, dans le
cas qui nous occupe, si l’on augmente le diamètre du flan pour une dimension de coin convexe
donnée, l’on augmentera la déformation et donc la flèche de la cupule. C’est ce qui explique le
ménisque de plus en plus prononcé à mesure que le métal monétaire s’appauvrit en or et que le
diamètre du flan augmente. L’approche iconoduliste défendant l’analogie avec les coupoles de
cathédrales perd de sa crédibilité.
Après avoir exploré les modes possibles de frappes des monnaies scyphates, un dispositif tel que
schématisé à la figure 22 ci-dessus résulte du raisonnement basé sur des vérités physiques
universelles. Emis dans un souci de continuité, concomitamment à des émissions destinées à faciliter
le commerce avec le monde arabe, les histamena prennent, au cours du XI ème siècle, progressivement
une forme en ménisque de plus en plus accentué à mesure que l’argent prend la place de l’or dans le
métal monétaire. Afin de conserver la masse, le monnayeur est obligé de frapper des flans de plus en
plus larges avec des coins qui ne suivent pas cette augmentation dimensionnelle. Il apparaît donc que
cette forme n’est pas déterminée pour marquer volontairement un «remuement» monétaire mais
qu’elle en est plutôt la conséquence. De plus la réaction mécanique du flan, à savoir sa déformation
vers le coin le plus étroit, se produit quelle que soit la courbure ou l’absence de courbure des coins.
Le travail des graveurs de coins en est facilité. Quant à une volonté de fabriquer des monnaies plus
solides et résistantes à la flexion, mais de plus en plus large pour conserver la même masse, cette
hypothèse semble également battue en brèche. En effet vu la faible épaisseur, de plus en plus en
limite de fabrication, toute sollicitation visant à déformer la cupule, conduira à fissurer la pièce et à
lui conférer une forme encore plus biscornue. Enfin, comme la flèche du ménisque s’accroit
progressivement d’une part, allant même jusqu’à s’inverser en bordure de flan, et que la qualité de
l’empreinte se détériore avec la ductilité de l’alliage d’autre part, la thèse d’une volonté délibérée de
copier les coupoles des cathédrales apparaît également comme inventée voire chimérique.
Par contre l’évolution de la concentration en or des histamena est symptomatique d’un problème de
liquidité et de finances de l’Etat, à la tête duquel se succédèrent pas moins de 12 empereurs et
impératrices entre 1028 et 1081.
L’apogée macédonien, fixé par les historiens en 1025, est bel et bien dépassé. Dans un premier
temps, la masse monétaire augmente progressivement, par l’affaiblissement du titre de l’or, pour
satisfaire aux échanges croissant avec le monde arabe, puis le système monétaire s’effondre à partir
de 1070. L’empire doit en effet faire face aux menaces turques en Orient et dans les Balkans
récemment conquis, ainsi qu’aux Normands dans la partie byzantine de l’Italie. Les pillages turcs et
normands d’une part, une mauvaise gestion du trésor impérial certainement à partir de Constantin IX
(Monomaque) d’autre part, incitent les Byzantins à enfouir leurs trésors (loi de Gresham) tandis que
l’Etat doit financer mercenaires et tributs et faire preuve d’un évergétisme démesuré pour ce
concilier les faveurs des citoyens dans un contexte de crises politique et militaire.