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DE LA CERTITUDE
UNE EXPLORATION
DE LA CERTITUDE
UNE EXPLORATION
ISBN: 978-2-921344-38-8
Dépôt légal
CHAPITRES PAGE
AVANT-PROPOS i
II. MENS 5
Coopération 6
Mesure 12
Vrai ou bien 19
En somme 24
III. ASSENSUS 29
Affermir et affirmer 32
Vision et évidence 35
Cas du doute 52
Cas de l’opinion 53
Cas de la science 57
Sentence et contradiction 63
Enquête et délibération 73
En somme 92
Conceptio 103
Conclusion 122
La cogitative 140
En somme 156
En somme 241
Cher lecteur,
Or, dans son ouvrage intitulé Parties des animaux, Aristote écrit :
ii
L'ÉCOLIER.
Vous augmentez encore par là mon dégoût : ô heureux celui que
vous instruisez! J 'ai presque envie d'étudier la théologie.
MÉPHISTOPHÉLÈS.
Je désirerais ne pas vous induire en erreur, quant à ce qui con-
cerne cette science; il est si difficile d'éviter la fausse route; elle
renferme un poison si bien caché, que l'on a tant de peine à distin-
guer du remède! Le mieux est, dans ces leçons-là, si toutefois vous
en suivez, de jurer toujours sur la parole du maître. Au total... arrê-
tez-vous aux mots ! et vous arriverez alors par la route la plus sûre
au temple de la certitude. 4
iii
Et, j’espère que l’exercice de dialectique que tu t’apprêtes à lire
t’apportera quelque soutien.
1 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/partieslivre1.htm#I
2 Aristote, Les parties des animaux, Traduction et présentation par Pierre Pelle-
grin, Paris, 2011, Flammarion,p. 89
3Henri Poincaré, Les Sciences et les Humanités, Paris, 1911, Fayard, pp. 6-33,
http://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Les_Sciences_et_les_Humanit%C3%A9
s&printable=yes
4 Bibliothèque nationale de France, Expositions, Berlioz La voie du romantisme,
http://expositions.bnf.fr/berlioz/borne/faust/06bis.htm
5L’Institut Docteur Angelique,
http://docteurangelique.free.fr/saint_thomas_d_aquin/oeuvres_completes.html#02
_questions_disputees
iv
TROIS JALONS — UNE ROUTE
Or, dans son ouvrage intitulé Topiques, Aristote ajoute ce qui suit :
4
MENS
COOPÉRATION
6
L’appétit de connaître est et ne peut être satisfait que par le connaî-
tre. Par contre, ce n’est pas l’appétit de connaître qui connaît ou qui
peut satisfaire le connaître. Chacun a une opération propre ; mais,
chacune de ces opérations peut être plus ou moins unie à l’autre, et
cette union est signifiée par «co» dans «coopération».
7
Deinde cum dicit at vero neque ostendit quod etiam intellectus non
est principium motivum: et dicit, quod neque ratiocinativa, quae vo-
catur intellectus, videtur esse movens. Unde accipere possumus,
quod ratio et intellectus non sunt diversae partes animae, sed ipse
intellectus dicitur ratio, inquantum per inquisitionem quamdam per-
venit ad cognoscendum intelligibilem veritatem. 16
8
(θεωρῇ) un tel objet (τι τοιοῦτον), il ne pousse (κελεύει) pas à le fuir
ou à le rechercher; et, par exemple, souvent en pensant à un objet
effrayant ou agréable, il ne pousse (κελεύει) pas à le craindre.
9
quando considerantur in ipsa omnia quae ad eius esse requiruntur
simul.
10
Pourquoi «dirige de l’intérieur» ? La direction de l’agir peut être pro-
chaine ou actuelle : la direction prochaine établit un plan d’exécution
de l’agir, alors que l’actuelle dirige l’exécution du plan. Cependant,
l’intellect théorétique peut contempler l’agir, sans le diriger : il en ré-
sulte une théorie de l’agir.
MESURE
L’intellect théorétique est mesuré par les réalités qu’il connaît, réali-
tés dont il n’est pas la cause. L’intellect pratique mesure l’agir hu-
main, dont il est la cause, selon les exigences de la vertu. L’intellect
de fabrique mesure l’œuvre, dont il est la cause, selon ce que la rè-
gle de l’art pertinent exige. Au De veritate, Thomas d’Aquin écrit :
12
Sed sciendum, quod res aliter comparatur ad intellectum practi-
cum, aliter ad speculativum. Intellectus enim practicus causat res,
unde est mensura rerum quae per ipsum fiunt: sed intellectus spe-
culativus, quia accipit a rebus, est quodam modo motus ab ipsis
rebus, et ita res mensurant ipsum. 22
Bien qu’ils soient tous deux l’acte d’une puissance, ce qui implique
un certain mouvement de la puissance à l’acte, ni l’acte de connaître
la vérité intelligible ni l’acte de chercher à la connaître ne sont le
principe moteur de l’animal ; la partie cognitive, qui possède son
14
propre passage de la puissance à l’acte, ne constitue pas le tout de
l’animal. Ce principe moteur, c’est la puissance appétitive.
15
Patet ergo, quod mens in anima nostra dicit illud quod est altissi-
mum in virtute ipsius.
On voit donc clairement que le nom de mens désigne dans notre
âme ce qu’il y a de plus haut dans sa puissance. 25
16
ad materiae conditiones, sicut est in actibus potentiae sensitivae :
in sensu enim recipitur species sine materia, sed tamen cum mate-
riae conditionibus. Tertio modo ita quod operatio animae excedat et
materiam et materiae conditiones ; et sic est pars animae intellecti-
va.
2° Les genres de puissances de l’âme se distinguent de deux fa-
çons : d’abord du côté de l’objet, ensuite du côté du sujet, ou du
mode d’action, ce qui revient au même.
Si donc on les distingue du côté de l’objet, alors on trouve les cinq
genres de puissances de l’âme énumérés ci‑dessus [à savoir le
végétatif, le sensitif, l’appétitif, le locomoteur et l’intellectif].
Mais si on les distingue du côté du sujet ou du mode d’action, alors
il y a trois genres de puissances de l’âme, à savoir le végétatif, le
sensitif et l’intellectif.
En effet, l’opération de l’âme peut se rapporter à la matière de trois
façons.
D’abord en sorte qu’elle s’exerce à la façon d’une action matérielle,
et le principe de telles actions est la puissance nutritive, dont les
actes sont exercés par les qualités actives et passives, tout comme
les autres actions matérielles.
Ensuite, en sorte que l’opération de l’âme n’atteigne pas la matière
elle‑même mais seulement les circonstances de la matière, comme
c’est le cas des actes de la puissance sensitive : dans le sens, en
effet, l’espèce est reçue sans la matière, mais cependant avec les
circonstances de la matière.
Enfin, en sorte que l’opération de l’âme excède et la matière, et les
circonstances de la matière ; et c’est le cas de la partie intellective
de l’âme.
Secundum igitur has diversas potentiarum animae partitiones con-
tingit aliquas duas potentias animae ad invicem comparatas in
idem vel diversum genus reduci. Si enim appetitus sensibilis et in-
tellectualis, qui est voluntas, consideretur secundum ordinem ad
obiectum, sic reducuntur in unum genus, quia utriusque obiectum
est bonum. Si vero consideretur quantum ad modum agendi, sic
reducuntur in diversa genera ; quia appetitus inferior reducetur in
genus sensitivi, appetitus vero superior in genus intellectivi. Sicut
enim sensus apprehendit suum obiectum sub conditionibus mate-
rialibus, prout scilicet est hic et nunc ; sic et appetitus sensibilis in
suum obiectum fertur, in bonum scilicet particulare. Appetitus vero
superior in suum obiectum tendit per modum quo intellectus ap-
prehendit ; et sic quantum ad modum agendi voluntas ad genus
intellectivi reducitur. Modus autem actionis provenit ex dispositione
agentis : quia quanto fuerit perfectius agens, tanto est eius actio
17
perfectior. Et ideo, si considerentur huiusmodi potentiae secundum
quod egrediuntur ab essentia animae, quae est quasi subiectum
earum, voluntas invenitur in eadem coordinatione cum intellectu ;
non autem appetitus inferior, qui in irascibilem et concupiscibilem
dividitur. Et ideo mens potest comprehendere voluntatem et intel-
lectum, absque hoc quod sit essentia animae ; inquantum, scilicet,
nominat quoddam genus potentiarum animae, ut sub mente intelli-
gantur comprehendi omnes illae potentiae quae in suis actibus
omnino a materia et conditionibus materiae recedunt.
Donc, suivant ces différentes partitions des puissances de l’âme,
deux puissances de l’âme comparées entre elles se trouvent ra-
menées au même genre ou à des genres différents.
En effet, si l’appétit sensitif et l’appétit intellectuel, qui est la volon-
té, sont considérés en relation à l’objet, alors ils se ramènent à un
genre unique, car l’objet de l’un et de l’autre est le bien.
Mais si on les considère quant au mode d’action, alors ils se ramè-
nent à des genres différents, car l’appétit inférieur se ramènera au
genre sensitif, mais l’appétit supérieur, au genre intellectif. En effet,
de même que le sens appréhende son objet avec des circonstan-
ces matérielles, c’est‑à-dire en tant qu’il est ici et maintenant, de
même l’appétit sensitif se porte vers son objet, qui est le bien parti-
culier. En revanche, l’appétit supérieur tend vers son objet à la fa-
çon dont l’intelligence l’appréhende ; et ainsi, quant au mode d’ac-
tion, la volonté se ramène au genre intellectif. Or le mode d’action
provient de la disposition de l’agent : car plus l’agent sera parfait,
plus son action sera parfaite.
Voilà pourquoi, si l’on considère de telles puissances en tant qu’el-
les émanent de l’essence de l’âme, qui est pour ainsi dire leur su-
jet, la volonté se trouve coordonnée à l’intelligence ; mais ce n’est
pas le cas de l’appétit inférieur qui se divise en irascible et en con-
cupiscible.
Et c’est pourquoi le mens peut, sans être l’essence de l’âme, in-
clure la volonté et l’intelligence, en tant qu’il désigne un certain
genre de puissances de l’âme, en sorte que toutes les puissances
qui, dans leurs actes, sont entièrement détachées de la matière et
des circonstances de la matière sont comprises comme étant in-
cluses dans le mens.
18
sujet, la volonté se trouve coordonnée à l’intelligence ; mais
ce n’est pas le cas de l’appétit inférieur [appétit sensitif] qui
se divise en irascible et en concupiscible. »
b) «Et c’est pourquoi le mens peut, sans être l’essence de
l’âme, inclure la volonté et l’intelligence, en tant qu’il désigne
un certain genre de puissances de l’âme.»
c) «On voit donc clairement que le nom de mens désigne
dans notre âme ce qu’il y a de plus haut dans sa puissance»,
le couple intellect-volonté.
VRAI OU BIEN
3. bien dont il était privé alors qu’il était dans l’état d’ignorance ;
4. mais l’acte terminal, par lequel l’intellect l’atteint, le met en
possession de son bien.
19
Depuis David Hume, dire que le bien (ought) ne suit pas de l’être (is)
(en allemand, le sollen, du sein) est devenu un lieu commun. À ce
propos, on parle aussi d’un sophisme naturaliste.
20
Si autem attendatur ordo inter verum et bonum ex parte perfectibi-
lium, sic e converso bonum est naturaliter prius quam verum, du-
plici ratione. Primo, quia perfectio boni ad plura se extendit quam
veri perfectio. Vero enim non sunt nata perfici nisi illa quae possunt
aliquod ens percipere in seipsis vel in seipsis habere secundum
suam rationem, et non secundum illud esse quod ens habet in
seipso : et huiusmodi sunt solum ea quae immaterialiter aliquid re-
cipiunt, et sunt cognoscitiva ; species enim lapidis est in anima non
autem secundum esse quod habet in lapide. Sed a bono nata sunt
perfici etiam illa quae secundum materiale esse aliquid recipiunt :
cum ratio boni in hoc consistat quod aliquid sit perfectivum tam se-
cundum rationem speciei quam etiam secundum esse, ut prius dic-
tum est. Et ideo omnia appetunt bonum ; sed non omnia co-
gnoscunt verum. In utroque enim ostenditur habitudo perfectibilis
ad perfectionem, quae est bonum vel verum ; scilicet in appetitu
boni et cognitione veri. Secundo, quia illa etiam quae nata sunt
perfici bono et vero, per prius perficiuntur bono quam vero : ex hoc
enim quod esse participant, perficiuntur bono, ut dictum est ; ex
hoc autem quod cognoscunt aliquid, perficiuntur vero. Cognitio au-
tem est posterior quam esse ; unde et in hac consideratione ex
parte perfectibilium bonum praecedit verum.
Mais si l’on envisage l’ordre entre le vrai et le bien du côté des per-
fectibles, alors, à l’inverse, le bien est naturellement antérieur au
vrai, pour deux raisons. D’abord, parce que la perfection du bien
s’étend à plus de choses que la perfection du vrai. En effet, seules
sont de nature à être perfectionnées par le vrai les réalités qui peu-
vent percevoir quelque étant en elles‑mêmes, ou le posséder en
elles‑mêmes dans sa notion, et non dans l’être que l’étant a en lui-
même : de telles réalités sont seulement celles qui reçoivent quel-
que chose immatériellement, et ce sont les cognitives ; car l’espèce
de la pierre est dans l’âme, mais non avec l’être qu’elle a dans la
pierre. En revanche, même les réalités qui reçoivent une chose
avec son être matériel sont de nature à être perfectionnées par le
bien, puisque la notion de bien consiste en ce qu’une chose soit
cause de perfection tant selon la notion de l’espèce que selon
l’être, comme on l’a déjà dit. Voilà pourquoi toutes choses recher-
chent le bien, mais toutes ne connaissent pas le vrai. Dans l’un et
l’autre, en effet, c’est‑à‑dire dans la recherche du bien et dans la
connaissance du vrai, apparaît la relation du perfectible à la perfec-
tion qu’est le bien ou le vrai. Ensuite, parce que même les réalités
qui sont de nature à être perfectionnées par le bien et le vrai, sont
perfectionnées par le bien avant de l’être par le vrai : en effet,
parce qu’elles participent à l’être, elles sont perfectionnées par le
bien, comme on l’a dit ; mais parce qu’elles connaissent quelque
chose, elles sont perfectionnées par le vrai. Or la connaissance est
21
postérieure à l’être ; et c’est pourquoi, dans cette considération qui
part des perfectibles, le bien précède le vrai. 27
22
2.1 D’abord, parce que la perfection du bien s’étend à plus
de choses que la perfection du vrai.
3.1 Ensuite, parce que même les réalités qui sont de nature
à être perfectionnées par le bien et le vrai sont perfection-
nées par le bien avant de l’être par le vrai.
3.1.1 En effet, parce qu’elles participent à l’être, elles
sont perfectionnées par le bien, comme on l’a dit ;
mais parce qu’elles connaissent quelque chose, elles
sont perfectionnées par le vrai.
3.1.2 Or la connaissance est postérieure à l’être.
3.1.3 Donc, le bien précède le vrai.
23
Donnons un exemple. L’élève, celui qui reçoit l’enseignement du
maître, est «perfectionné par le bien avant de l’être par le vrai». Il
deviendra perfectionné par le vrai lorsqu’il aura assimilé l’enseigne-
ment du maître à qui il fait confiance ou en qui il a foi. C’est ainsi
que le perfectionnement de l’élève commence par l’acte de croire à
l’enseignement du maître en qui il croit, enseignement qui est le
bien de l’élève. Cependant, l’enseignement du maître est, en soi,
antérieur au perfectionnement de l’élève ; or, cet enseignement du
maître n’est autre que le vrai.
EN SOMME
L’intellect théorétique est mesuré par les réalités qu’il connaît, réali-
tés dont il n’est pas la cause. L’intellect pratique mesure l’agir hu-
main dont il est la cause, selon les exigences de la vertu. L’intellect
de fabrique mesure l’œuvre dont il est la cause, selon ce que la rè-
gle de l’art pertinent exige.
Or, «le vrai et le bien sont des perfections, ou des causes de perfec-
tions», d’une part, et «l’ordre entre ces perfections peut être envisa-
gé de deux façons», d’autre part. Dès lors, une question se soulè-
24
ve : comment le mens opère-t-il dans l’une et l’autre de ces deux
«façons» ?
25
9Ligne 980a 21,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphysique1.htm Ligne 980a
21,
10 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotemetaphysiqu
epascalenau2008.htm
11Aristote, La métaphysique, Tome I, nouvelle édition entièrement refondue, avec
commentaire par J. Tricot, Paris, 1981, Librairie philosophique J. Vrin
12 Aristote, Seconds analytiques, 71 b 9
13 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotesecondsanaly
stiques.htm#_Toc194570155
14Ligne 1139b
5,http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/morale6.htm#1139b
15 h t t p : / / d o c t e u r a n g e l i q u e . f r e e . f r / l i v r e s f o r m a t w e b / c o m p l e m e n t s /
Aristoteethiquenicomaque.htm#_Toc130887322
16 Livre. 3, Leçon 14, n. 18, http://www.corpusthomisticum.org/can3.html#81095
17 L’Institut Docteur Angelique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairedeanima.h
tm#_Toc328863992 ; nous la modifions légèrement.
18 Question 79, Article 8, co.,
http://www.corpusthomisticum.org/sth1077.html#31935
19 L’Institut Docteur Angelique, http://docteurangelique.free.fr/accueil/page.htm
20 Ligne 432b 26, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/ame3a.htm#IX
21 Question 3, Article 3, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
22 Question 1, Article 2, http://www.corpusthomisticum.org/qdv01.html#51557
23 L’Institut Docteur Angelique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
24 Question 10, Article 8,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
25 Question 10, Article 1,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
26 Question 21, Article 3,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
26
27 Question 21, Article 3,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
28Jacqueline Picoche, Dictionnaire étymologique du français, Les usuels, Diction-
naires Le Robert, Paris, 1992
27
ASSENSUS
29
Dans le mot «jugement», sont présentes la racine indo-européenne
«ment» (avec : ment), d’une part, et la racine indo-européenne
«yeug» (avec : jug), qui signifie «joindre», d’autre part.
Dans : «Le cheval est.», une existence au sens absolu, signifiée par
«est», est attribuée à une quiddité nommée «cheval», celle d’être
cheval. Dans «Le cheval est blanc.», une existence partielle est at-
tribuée à une quiddité nommée «cheval», celle d’être blanc.
30
questions de ce genre, nous recherchons si une chose est une
chose ou n’est pas cette chose. Quant à l’existence d’une chose au
sens absolu, c’est quand nous demandons, par exemple, si la Lune
ou la Nuit existe). 33
AFFERMIR ET AFFIRMER
AffIrmo—nEgO
32
Cette suggestion d’un carré — qui est ici plutôt d’un rectangle —
pour situer ces propositions selon leur opposition, fut reprise pour
rendre l’opposition de propositions dites modales, par exemple, les
oppositions entre : nécessaire, impossible, possible, contingent :
Purpurea Iliace
Amabimus Edentuli
Si, dans une proposition, il «est possible d'énoncer (...) ce qui est
comme étant et ce qui n'est pas comme n'étant pas», mais qu’il est
aussi «possible d'énoncer ce qui est comme n'étant pas, ce qui n'est
pas comme étant», «il s’ensuit qu’on peut affirmer tout ce qu'on a
d'abord nié et nier ce qu'on a d'abord affirmé».
33
Objet à juger Jugement Énonciation
Mais, tient-il un discours véridique (de verum dicere, qui dit le vrai
théorétique) ? Si son «juger comme étant» est fondé sur l’objet «ce
qui est», alors son discours est véridique puisqu’il dit le vrai ; il en
est de même si son «juger comme n’étant pas» est fondé sur l’objet
«ce qui n’est pas». Cependant, ce locuteur peut être dans l’erreur. Il
peut juger comme étant ce qui n’est pas, ou juger comme n’étant
pas ce qui est.
VISION ET ÉVIDENCE
35
cessaire de voir ce qui est ; et, pour juger ce qui n’est pas comme
n’étant pas, il est nécessaire de voir ce qui n’est pas.
37
3. et celui duquel on reçoit la connaissance de la réalité vue
(aliud a quo accipitur cognitio rei visae).
12° Le cas de l’intelligence (de intellectu) n’est pas tout à fait sem-
blable (non est omnino simile) à celui de la vue corporelle (visu
corporali). En effet, la vue corporelle n’est pas une puissance qui
confronte (vis collativa) et part ainsi de certains de ses objets pour
parvenir à d’autres (ex quibusdam suorum obiectorum in alia per-
veniat) ; au contraire, tous ses objets lui sont visibles aussitôt
qu’elle se tourne vers eux (omnia sua obiecta sunt ei visibilia,
quam cito ad illa convertitur) ; l’homme qui a la faculté de voir est
donc dans le même rapport à la vision de tous les objets visibles
(habens potentiam visivam se habet hoc modo ad omnia visibilia
intuenda), que l’homme doué d’un habitus à la considération des
choses qu’il sait habituellement (sicut habens habitum ad ea quae
habitualiter scit consideranda) ; voilà pourquoi l’homme qui voit n’a
pas besoin qu’un autre l’incite à voir (et ideo videns non indiget ab
alio excitari ad videndum), sinon dans la mesure où cet autre
oriente sa vue vers quelque objet visible (nisi quatenus per alium
eius visus dirigitur in aliquod visibile), par exemple en le montrant
du doigt, ou de semblable façon (ut digito, vel aliquo huiusmodi).
Mais la puissance intellective (potentia intellectiva), étant une puis-
sance qui confronte (cum sit vis collativa), part de certains objets
pour en venir à d’autres (ex quibusdam in alia devenit) ; elle ne se
comporte donc pas uniformément (unde non se habet aequaliter) à
l’égard de tous les objets à considérer (ad omnia intelligibilia consi-
deranda), mais elle en voit immédiatement certains (sed quaedam
statim videt), qui sont évidents par soi (quae sunt per se nota), et
en lesquels sont implicitement contenus certains autres (in quibus
implicite continentur quaedam alia) qu’elle ne peut penser que par
le travail de la raison (quae intelligere non potest nisi per officium
rationis), en explicitant ce qui est implicitement contenu dans les
principes (ea quae in principiis implicite continentur, explicando) ;
donc, pour connaître de telles choses (unde ad huiusmodi co-
gnoscenda), avant qu’elle ait un habitus (antequam habitum ha-
41
beat), elle est non seulement en puissance accidentelle (non solum
est in potentia accidentali), mais aussi en puissance essentiel-
le (sed etiam in potentia essentiali) : en effet, elle a besoin d’un
moteur (indiget enim motore) qui l’amène à l’acte au moyen de
l’enseignement (qui reducat eum in actum per doctrinam), comme il
est dit au huitième livre de la Physique (ut dicitur in VIII Physic.), ce
dont n’a pas besoin celui qui connaît déjà quelque chose habituel-
lement (quo non indiget ille qui iam aliquid habitualiter novit). L’en-
seignant incite donc l’intelligence à savoir les choses qu’il enseigne
(doctor ergo excitat intellectum ad sciendum illa quae docet),
comme un moteur essentiel qui amène de la puissance à l’acte (si-
cut motor essentialis educens de potentia in actum) ; mais celui qui
montre une réalité à la vue corporelle incite cette puissance
comme un moteur par accident (sed ostendens rem aliquam visui
corporali, excitat eum sicut motor per accidens), tout comme celui
qui a un habitus de science peut être incité à considérer quelque
chose (prout etiam habens habitum scientiae potest excitari ad
considerandum de aliquo). 38
42
qu’elle ne peut penser que par le travail de la raison
(quae intelligere non potest nisi per officium rationis),
43
8° Le signe (signum), en tant que tel (inquantum huiusmodi), est
cause de connaissance (causa cognitionis) ; mais le signifié (signa-
tum) est ce qui est connu par un autre (id quod est notum per
aliud). Or, de même que ce qui est connu en soi (id quod in se no-
tum) et fait connaître d’autres choses (alia cognoscere facit) est
plus noblement connu (nobilius cognoscitur) que ce qui est seule-
ment connu en soi (eo quod tantum in se notum est), de même,
mais à l’inverse (ita etiam e contrario), ce qui est connu par soi (id
quod notum est per se) et non par un autre (non per aliud) est plus
noblement connu (nobilius cognoscitur) que ce qui est connu par
un autre (per aliud notum est), comme les principes sont plus no-
blement connus que les conclusions (sicut principia conclusioni-
bus) ; aussi le cas du signe est-il l’inverse de celui du signifié (ideo
e contrario se habet de signo et signato) ; l’argument n’est donc
pas concluant.
Pour les fins de notre étude, ce qui nous intéresse, c’est l’opposition
entre «per se notum» et «per aliud notum», d’une part, et l’opposi-
tion entre «in se notum» et «per se notum», d’autre part.
45
Les Éditions du Cerf en propose la traduction suivante, que nous
avons un peu modifiée :
47
les quiddités incorporelles ne sont pas dans un
lieu.
Comme nous l’avons vu plus haut 42 , c’est la vision qui est au prin-
cipe de l’opération intellectuelle, i.e. «l’espèce intelligible par la-
quelle l’intellect possible devient actuellement connaissant». Quant
à l’évidence, elle vient d’un effet de miroir, celui «duquel on reçoit la
connaissance de l’objet intelligé», celui auquel «est comparé l’effet à
partir duquel nous parvenons à connaître la cause». «Car ainsi, la
ressemblance de la cause (formelle) est imprimée sur notre intelli-
gence, non pas immédiatement depuis la cause (formelle de l’objet),
mais depuis l’effet, en lequel resplendit la ressemblance de la
cause» L’évidence se trouve dans ce resplendissement ; et elle
donne lieu à une «vis collativa».
Nous avions vu plus haut que, pour Thomas d’Aquin, «celui qui ne
pense pas l’un ne pense rien, comme dit le Philosophe au quatrième
livre de la Métaphysique». Il fait alors référence à la ligne 1006b 10,
où Aristote, alors qu’il argumente à propos du principe de contradic-
48
tion, écrit : «Oὐθὲν γὰρ ἐνδέχεται νοεῖν μὴ νοοῦντα ἕν.» 43 «Car,
on ne peut pas penser si on ne pense pas une chose unique.» 44
50
Il arrive que l’intellect possible suspende son assentiment ; il de-
meure alors dans le doute parce qu’il ne parvient pas à adhérer à la
composition, ou à la division. Il arrive aussi que l’intellect possible ne
parvienne pas à adhérer totalement à la composition, ou à la divi-
sion ; il en reste alors à l’opinion. Il arrive enfin que l’intellect possi-
ble parvienne à adhérer totalement à la composition, ou à la divi-
sion ; et alors, il accomplit un acte dit d’intelligence des principes, ou
un acte dit de science.
C’est ainsi que l’intellect possible affermit la vision de l’objet, soit se-
lon le mode «il est affirmé que... est...», soit selon le mode «il est
affirmé que... n’est pas...», et que, en bout de course, naît une affir-
mation selon le verbe de la voix. Et, comme nous le verrons très
bientôt, c’est ainsi que «l’assentiment met la réflexion au repos».
51
non plus déterminé, pour sa part, à adhérer à la composition plutôt
qu’à la division, ou vice versa. Or tout ce qui est indéterminé par
rapport à deux choses, n’est déterminé à l’une d’elles que par
quelque chose qui le meut. Or l’intellect possible n’est mû que par
deux choses : l’objet propre, qui est la forme intelligible, c’est‑à‑dire
la quiddité, comme il est dit au troisième livre sur l’Âme ; et la vo-
lonté, qui meut toutes les autres puissances, comme dit Anselme.
Ainsi donc, notre intellect possible se rapporte diversement aux
propositions contradictoires. 50
Lorsque l’intellect possible peut être mû par l’objet propre, qui est la
forme intelligible, quatre cas se présentent, écrit Thomas d’Aquin au
même article du De veritate :
1) Cas du doute :
2) Cas de l’opinion :
53
à» la composition, ou à la division. Mais, l’intellect est inclinée à
l’une plutôt qu’à l’autre, avec la crainte d’être dans l’erreur.
54
Or le motif propre de l’intellect est ce qui a une infaillible vérité.
De là, chaque fois que l’intellect est mue par quelque signe
faillible (intellectus movetur ab aliquo fallibili signo), quelque
désordre est en lui (est aliqua inordinatio in ipso), qu’il soit mu
parfaitement ou imparfaitement. 52
55
XVI. Quant aux signes (σημείον), l'un se comporte comme con-
cluant du particulier au général, l'autre comme concluant du géné-
ral au particulier. Le signe nécessaire, c'est la preuve
(τεκμήριον) ; quant au signe non nécessaire, il n'a pas de déno-
mination distinctive.
XVII. J'appelle « nécessaires » les signes dont se tire un syllo-
gisme. C'est pourquoi, parmi les signes, la preuve a cette proprié-
té. Lorsque l'on pense que l'énoncé ne peut en être réfuté, on pré-
tend apporter une preuve en tant que démontrée et finale ; et en
effet, tekmar et péras (terme) étaient synonymes dans l'ancienne
langue.
XVIII. De plus, parmi les signes, l'un (avons-nous dit) va du particu-
lier au général ; voici dans quel sens : par exemple, si on disait qu'il
y a un signe que les sages sont justes dans ce fait que Socrate
était à la fois sage et juste. Cela est bien un signe, mais un signe
réfutable, lors même que l'énoncé serait vrai, car l'on ne peut en
tirer un syllogisme. Mais, si l'on disait : « Le signe qu'un tel est ma-
lade, c'est qu'il a la fièvre », « Le signe qu'une telle a accouché,
c'est qu'elle a du lait», il y aurait là une conséquence nécessaire,
ce qui est la seule preuve des signes ; car la condition, pour qu'un
signe soit irréfutable, c'est d'être vrai. Voyons, maintenant, le signe
qui va du général au particulier. Si l’on disait, par exemple : « Un tel
a la fièvre, car sa respiration est précipitée », ce serait réfutable,
lors même que le fait énoncé serait vrai, car il peut arriver que l’on
soit oppressé sans avoir la fièvre. Ainsi donc, nous venons dire en
quoi consistent la vraisemblance, le signe et la preuve matérielle,
ainsi que leurs différences ; mais, dans les Analytiques, nous nous
sommes expliqué en plus grands détails sur ces points et sur la
raison de ce fait que telles propositions ne peuvent entrer dans un
syllogisme, et que telles autres le peuvent. 54
4) Cas de la science :
57
Mais, lorsque l’intellect possible ne peut pas être mû par l’objet pro-
pre qu’est la forme intelligible, le rôle de la volonté se modifie : c’est
elle qui détermine l’intellect à assentir, écrit Thomas d’Aquin au
même article du De veritate :
Quandoque vero intellectus non potest determinari ad alteram par-
tem contradictionis neque statim per ipsas definitiones terminorum,
sicut in principiis, nec etiam virtute principiorum, sicut est in conclu-
sionibus demonstrationis; determinatur autem per voluntatem,
quae eligit assentire uni parti determinate et praecise propter ali-
quid, quod est sufficiens ad movendum voluntatem, non autem ad
movendum intellectum, utpote quia videtur bonum vel conveniens
huic parti assentire. Et ista est dispositio credentis, ut cum aliquis
credit dictis alicuius hominis, quia videtur ei decens vel utile.
Mais parfois, l’intelligence ne peut être déterminée à l’une des pro-
positions contradictoires, ni immédiatement par les définitions mê-
mes des termes, à la différence des principes, ni non plus par la
force des principes, à la différence des conclusions de démonstra-
tion ; mais elle est déterminée par la volonté, qui choisit d’assentir
à une seule partie de façon déterminée et décidée, à cause d’une
chose qui est suffisante à mouvoir la volonté, mais non à mouvoir
l’intelligence, par exemple parce qu’il semble bon ou convenable
d’assentir à cette partie. Et telle est la disposition du croyant,
comme lorsque quelqu’un croit aux paroles d’un homme parce que
cela lui paraît convenable ou utile.
58
La réflexion qui induit quelqu’un à croire «aux paroles d’un homme»
porte moins sur les paroles prononcées que sur l’homme qui les
prononce. Elle implique trois jugements :
a) le jugement de crédibilité : «L’assertion (affirmative ou
négative) de cet homme peut-elle être crue ? Je la
juge comme pouvant être crue parce que : je juge que
l’homme est compétent à connaître ce dont il parle,
qu’il connaît ce dont il parle, qu’il est véridique et vé-
race dans ce dont il parle.» ;
b) le jugement de crédentité : «L’assertion (affirmative ou
négative) de cet homme, que je viens de juger comme
pouvant être crue, s’impose-t-elle à moi comme devant
être crue, et ce, pour mon bien dans les circonstances
où je me trouve ? Je juge que l’assertion de cet
homme s’impose à moi comme devant être crue, et ce,
pour mon bien dans les circonstances où je me
trouve.» ;
59
et sic importat discursum quemdam, unde non potest esse in ins-
tanti (...).
1° La délibération implique deux choses, à savoir la perception de
la raison avec la certitude du jugement sur ce dont on délibère ; et
ainsi, la délibération peut être instantanée chez celui en qui il n’y a
pas d’hésitation sur les choses à faire (...). Elle peut aussi inclure
une discussion ou une enquête ; et dans ce cas, elle implique un
certain processus discursif, et ne peut donc être instantanée (...). 58
60
intellectus sit terminatus ad illa credibilia virtute aliquorum principio-
rum, sed ex voluntate, quae inclinat intellectum ad hoc quod illis
creditis assentiat. Et inde est quod de his quae sunt fidei, potest
motus dubitationis insurgere in credente.
6° Les choses qui sont de foi sont connues très certainement, au
sens où la certitude implique la fermeté de l’adhésion : en effet, le
croyant n’adhère à rien plus fermement qu’aux choses qu’il tient
par la foi. Mais elles ne sont pas connues très certainement au
sens où la certitude implique l’apaisement de l’intelligence dans la
réalité connue : en effet, si le croyant donne son assentiment aux
choses qu’il croit, cela ne vient pas de ce que son intelligence, en
vertu de quelques principes, a pour terme ces choses susceptibles
d’être crues, mais de la volonté qui incline l’intelligence à assentir à
ces choses crues. Et de là vient qu’un mouvement de doute peut
s’élever dans le croyant sur les choses qui sont de foi. 60
I. Phase de l’inten-
tion d’agir
A) Quant à la fin
B) Quant aux
moyens
62
SENTENCE ET CONTRADICTION
63
«Maxime énonçant de manière concise, une évidence, une vérité
chargée d'expérience ou de sagesse et renfermant parfois une mo-
ralité.» 63
Parce qu’elle «n’est pas affermie» (non firmetur), l’opinion n’est pas
et ne peut pas être une «conception distincte ou très certaine de (...)
[la composition plutôt qu’à la division, ou vice versa]». Bien que, de-
vant la vision de l’objet, l’assentiment ne soit pas suspendu, l’intel-
lect n’est qu’inclinée à assentir à l’une plutôt qu’à l’autre de la com-
position ou de la division, et ce, avec la crainte d’être dans l’erreur. Il
64
y a hésitation à assentir totalement à «la composition plutôt qu’à la
division, ou vice versa» ; on en reste au vraisemblable.
68
telligible (visio alicuius intelligibilis) ; elle a, néanmoins une «percep-
tion» à propos de «sur ce dont on délibère». Dès lors, l’assentiment
est causé par la volonté.
69
Cet acte de volonté est précédé des jugements de crédibilité, de
crédentité et de créance. Ces jugements sont des actes de l’intellect
pratique.
70
Ad tertium dicendum, quod voluntas respicit aliquam præcedentem
potentiam, scilicet intellectum, non autem intellectus. Et ideo as-
sentire proprie pertinet ad intellectum, quia importat absolutam
adhaerentiam ei cui assentitur; sed consentire est proprie volunta-
tis, quia consentire est simul cum alio sentire; et sic dicitur in ordine
vel per comparationem ad aliquid praecedens.
3° La volonté se rapporte à une puissance précédente – l’intelli-
gence –, mais tel n’est pas le cas de l’intelligence. Et si l’assenti-
ment appartient proprement à l’intelligence, c’est parce qu’il impli-
que une adhésion absolue à ce à quoi l’assentiment est donné ; le
consentement, en revanche, appartient proprement à la volonté,
car consentir, c’est partager les sentiments d’autrui, et par consé-
quent, consentir se dit en relation ou par comparaison à quelque
chose qui précède. 67
C’est précisément ainsi que «la foi est appelée un assentiment sans
enquête, en ce sens que le consentement ou l’assentiment de la foi
n’est pas causé par une «enquête de la raison» sur ce qui est offert
à croire, mais par une délibération sur la crédibilité, la crédentité et
la créance.
71
Si «cela n’exclut cependant pas que demeure dans l’intelligence du
croyant une réflexion ou une confrontation à propos des choses qu’il
croit», cette «réflexion» est et demeure sujette à «un mouvement
contraire à ce [que le croyant] tient très fermement (firmissime)».
«De là vient que son mouvement n’est pas encore apaisé, mais
possède encore une réflexion (cogitationem) et une enquête (inqui-
sitionem) à propos des choses qu’elle croit», à propos du vrai théo-
rétique pertinent. Dès lors, «un mouvement contraire à ce [que le
croyant] tient très fermement (firmissime)» peut naître.
72
Ce mouvement contraire peut prendre la forme d’un doute, puisque,
dans ce cas, l’intellect possible n’est incliné ni à l’une ni à l’autre de
la composition ou de division :
Et inde est quod de his quae sunt fidei, potest motus dubitationis
insurgere in credente.
Et de là vient qu’un mouvement de doute peut s’élever dans le
croyant sur les choses qui sont de foi. 68
ENQUÊTE ET DÉLIBÉRATION
73
La traduction suivante, que nous modifions légèrement, est pro-
posée par les Éditions du Cerf :
Je réponds qu’il convient de dire que (respondeo dicendum quod)
le choix fait suite à un jugement de la raison à propos de l’agir.
Mais dans l'agir règne une grande incertitude, car nos actions ont
rapport aux singuliers contingents qui, en raison de leur variabilité,
sont incertains. Or, en matière douteuse et incertaine, la raison ne
prononce pas de jugement sans enquête préalable (absque inquisi-
tione praecedente). C'est pourquoi une enquête de la raison est
nécessaire avant le jugement sur ce qu'il convient de choisir, et
cette enquête est appelée «conseil». C'est pourquoi le Philosophe
[Aristote] dit, au livre III de Éthique à Nicomaque, que "le choix est
le désir de ce dont on a d'abord délibéré". 71
Au cours de cette enquête, celui qui tient conseil instruit une ma-
tière douteuse et incertaine. En effet, «dans l'agir règne une
grande incertitude, car nos actions ont rapport aux singuliers
contingents qui, en raison de leur variabilité, sont incertains».
74
Respondeo dicendum quod finis in operabilibus habet rationem
principii, eo quod rationes eorum quae sunt ad finem, ex fine su-
muntur. Principium autem non cadit sub quaestione, sed principia
oportet supponere in omni inquisitione. Unde cum consilium sit
quaestio, de fine non est consilium, sed solum de his quae sunt ad
finem. Tamen contingit id quod est finis respectu quorundam, ordi-
nari ad alium finem, sicut etiam id quod est principium unius de-
monstrationis, est conclusio alterius. Et ideo id quod accipitur ut
finis in una inquisitione, potest accipi ut ad finem in alia inquisitione.
Et sic de eo erit consilium. 72
75
tet, quas ab uno non facile est considerari, sed a pluribus certius
percipiuntur, dum quod unus considerat, alii non occurrit, in neces-
sariis autem et universalibus est absolutior et simplicior considera-
tio, ita quod magis ad huiusmodi considerationem unus per se suf-
ficere potest. Et ideo inquisitio consilii proprie pertinet ad contin-
gentia singularia. Cognitio autem veritatis in talibus non habet ali-
quid magnum, ut per se sit appetibilis, sicut cognitio universalium et
necessariorum, sed appetitur secundum quod est utilis ad opera-
tionem, quia actiones sunt circa contingentia singularia. Et ideo di-
cendum est quod proprie consilium est circa ea quae aguntur a no-
bis. 74
76
est proprement pertinente dans les contingents singuliers»,
d’une part, et c’est pourquoi «il y a proprement délibération
autour des actions accomplies par nous», d’autre part.
Pour qu’il «n'y ait pas de doute (non sit dubitabile) dans les
entreprises humaines», celles qui impliquent une action à en-
treprendre, «on prend des voies déterminées pour parvenir à
des fins également déterminées, comme dans les arts qui ont
des voies certaines de travailler». En ce cas, aucune délibé-
ration n’intervient.
Mais, existe-t-il des arts qui n’ont pas de telles voies certai-
nes ? Oui, «ceux qui laissent place à des conjectures,
comme la médecine, le négoce, etc.» Dès lors, une enquête
s’impose. En effet, «on a coutume de s'enquérir de ce qui est
douteux».
78
5. Délibération — Analyse ou synthèse
79
En toute enquête, il faut partir d'un principe. Or, la délibéra-
tion (ou conseil) est une enquête. Donc, en la délibération (ou
conseil), il faut partir d'un principe.
80
porte, non sur le passé, mais sur le futur et le contingent,
alors que le passé ne peut pas ne pas avoir été. 81
Comme le passé «ne peut pas ne pas avoir été», il est nécessaire.
Par ailleurs, la délibération ne porte pas sur le présent, puisque
l’agir sur lequel on délibère n’est pas encore actuel, ce qu’il sera lors
de l’exécution. Il s’ensuit que la délibération est une sorte d’enquête
qui porte «sur le futur et le contingent».
Si, d’une part, «en toute enquête, il faut partir d'un principe», et que,
d’autre part, une enquête s’impose pour «la connaissance de la véri-
té dans le domaine des choses universelles et nécessaires [qui]
présente une valeur telle qu'elle est désirable pour elle-même», en-
quête qui prend une forme qui permet de connaître «quelque chose
avec certitude», quels sont le principe et le procédé qui s’imposent ?
81
dition intervienne. Dès lors, avions-nous relevé, une question se
soulève : «En quoi consiste cette distinction ?»
82
citur verbum interius quod habet imaginem vo-
cis),
Le verbe intérieur proféré sans la voix est celui qui est conçu par
l’intelligence ; il est antérieur au verbe qui a l’image de la voix, d’où
provient le verbe exprimé extérieurement, celui qui est appelé
«verbe de la voix». Le verbe qui a l’image de la voix est le fruit de
l’imagination ; le verbe de la voix est imaginé avant d’être oralement
proféré.
84
Cependant, le plus souvent, un processus discursif intervient, no-
tamment un jugement sur le signe vrai, réfutable (λυτὸν) ou irréfu-
table (ἄλυτόν), comme nous l’avons dit plus haut :
J'appelle « nécessaires » les signes dont se tire un syllogisme.
C'est pourquoi, parmi les signes, la preuve a cette propriété. Lors-
que l'on pense que l'énoncé ne peut en être réfuté, on prétend ap-
porter une preuve en tant que démontrée et finale ; et en effet,
tekmar et péras (terme) étaient synonymes dans l'ancienne langue.
85
1. L’intellect connaît les singuliers
86
directe autem singularia, quorum sunt phantasmata). Et de cette
manière (et hoc modo), elle forme cette proposition (format hanc
propositionem) : "Socrate est homme" (Socrates est homo). 84
Chez Aristote, suivi par Thomas d’Aquin, le mot «universel» est pris
en diverses acceptions :
a) au De l’interprétation :
Λέγω δὲ καθόλου μὲν ὃ ἐπὶ πλειόνων πέφυκε
κατηγορεῖσθαι, καθ ´ ἕκαστον δὲ ὃ μή, οἷον ἄνθρωπος μὲν
[17b] τῶν καθόλου Καλλίας δὲ τῶν καθ´ ἕκαστον,— ἀνάγκη
87
δ´ ἀποφαίνεσθαι ὡς ὑπάρχει τι ἢ μή, ὁτὲ μὲν τῶν καθόλου
τινί, ὁτὲ δὲ τῶν καθ´ ἕκαστον.
J'entends par universel ce qui, par sa nature, peut être attribué
à plusieurs; et par individuel, ce qui ne le peut pas. Homme,
par exemple, [17b] est une chose universelle; Callias est une
chose individuelle. Il s'ensuit que, nécessairement, l'énoncia-
tion doit dire qu'une chose est ou n'est pas à une autre tantôt
universellement, tantôt individuellement. (traduction de J. Bar-
thélemy Saint-Hilaire) 87
b) aux Premiers analytiques :
4 Πρότασις μὲν οὖν ἐστὶ λόγος καταφατικὸς ἢ ἀποφατικός
τινος κατά τινος· 5 οὗτος δὲ ἢ καθόλου ἢ ἐν μέρει ἢ
ἀδιόριστος. Λέγω δὲ καθόλου μὲν τὸ παντὶ ἢ μηδενὶ
ὑπάρχειν, ἐν μέρει δὲ τὸ τινὶ ἢ μὴ τινὶ ἢ μὴ παντὶ ὑπάρχειν,
ἀδιόριστον δὲ τὸ ὑπάρχειν ἢ μὴ ὑπάρχειν ἄνευ τοῦ
καθόλου ἢ κατὰ μέρος, οἷον τὸ τῶν ἐναντίων εἶναι τὴν
αὐτὴν ἐπιστήμην ἢ τὸ τὴν ἡδονὴν μὴ εἶναι ἀγαθόν.
4 Ainsi, en premier lieu, la Proposition est une énonciation qui
affirme ou qui nie une chose d'une autre chose. 5 Elle est, ou
universelle, ou particulière, ou indéterminée. Je l'appelle uni-
verselle quand l'attribut est à toute la chose ou n'est à aucune
partie de la chose ; particulière, quand l'attribut est affirmé ou
nié d'une partie de la chose, ou bien qu'il n'appartient pas à
toute la chose; indéterminée, quand l'attribut est affirmé ou nié
du sujet, sans indication d'universalité ni de particularité; telles
sont ces deux propositions : La notion des contraires est une
seule et même notion : Le plaisir n'est pas un bien. (Traduction
de J. Barthélemy Saint-Hilaire) 88
c) aux Seconds analytiques :
§ 9. Καθόλου δὲ λέγω ὃ ἂν κατὰ παντός τε ὑπάρχῃ καὶ καθ´
αὑτὸ καὶ ᾗ αὐτό.
§ 9. J'appelle universel ce qui à la fois est attribué à tout l'objet,
lui est essentiel, et est à l'objet en tant que l'objet est ce qu'il
est. (Traduction de J. Barthélemy Saint-Hilaire) 89
88
2. L’intellect connaît les contingents
91
aura deux manières de les connaître (sciendum est quod futura
dupliciter cognosci possunt) : en eux-mêmes et dans leurs causes
(uno modo, in seipsis; alio modo, in suis causis). En eux-mêmes,
les futurs ne peuvent être connus que par Dieu ; ils sont même
présents pour lui tandis qu’ils sont encore à venir par rapport à la
succession des événements du monde, en ce sens que son intui-
tion éternelle se porte simultanément sur tout le cours du temps,
ainsi qu’on l’a dit en traitant de la science de Dieu. Mais en tant
que les futurs sont encore dans leurs causes (prout sunt in suis
causis), ils peuvent être connus même par nous (cognosci possunt
etiam a nobis). Et s’ils se trouvent en elles comme en des principes
dont ils procèdent nécessairement (si quidem in suis causis sint ut
ex quibus ex necessitate proveniant), on les connaît avec la certi-
tude de la science (cognoscuntur per certitudinem scientiae). Ainsi,
l’astronome prévoit l’éclipse qui va se produire. Mais si les futurs
sont dans leurs causes comme devant en procéder le plus fré-
quemment (si autem sic sint in suis causis ut ab eis proveniant ut in
pluribus), on les connaît alors par une conjecture plus ou moins
certaine (sic cognosci possunt per quandam coniecturam vel magis
vel minus certam), dans la mesure même où les causes sont plus
ou moins inclinées à produire leur effet (secundum quod causae
sunt vel magis vel minus inclinatae ad effectus). 93
Les futurs qui sont encore dans leurs causes ne sont pas encore en
acte, mais seulement en puissance. Un tel futur est dit futurible.
Par contre, les futuribles qui sont en leurs causes «comme devant
en procéder le plus fréquemment», «on les connaît par une conjec-
ture plus ou moins certaine, dans la mesure même où les causes
sont plus ou moins inclinées à produire leur effet». Ce sont des fu-
turs contingents. Le couple «le plus fréquemment - conjecture plus
ou moins certaine» sera au cœur d’un prochain chapitre.
EN SOMME
92
universels dont les signes sont les expressions sans liaison consti-
tuant les parties d’une proposition. Cette intellection des indivisibles
prépare une seconde opération, le jugement. Le jugement est l’acte
psychique qui compose ou divise les indivisibles, et son signe en est
la déclaration, affirmative ou négative.
94
Dans le cas d’un objet pratique ou technique, le jugement porté se-
lon le mode théorétique voit (en l’imaginant) un objet à créer, un ob-
jet futur. Et le jugement porté selon le mode pratico-pratique ou le
mode technico-technique en dirige la réalisation. Dans ce cas, l’in-
tellect parcourt les étapes indiquées au Tableau I, qui traite de l’as-
pect pratique ; pour l’aspect technique, une adaptation est requise,
mais elle est facile à concevoir.
95
dissentiment ; le dissentiment est un rejet de la division, avec as-
sentiment à la composition, ou un rejet de la composition, avec as-
sentiment à la division.
96
comme au vrai. Enfin, une fois l’assentiment donné, l’intellect possi-
ble se repose : il est alors dans un état de certitude.
Mais, lorsque l’intellect possible ne peut pas être mû par l’objet pro-
pre qu’est la forme intelligible, le rôle de la volonté se modifie : c’est
elle qui détermine l’intellect à assentir. Dans l’acte de croire aux pa-
roles d’autrui, l’intellect pratique est conduit à poser trois jugements :
a) le jugement de crédibilité ; b) le jugement de crédentité ; c) le ju-
gement de créance. Il les pose au cours d’une délibération : la déli-
bération est une sorte d’enquête, dont l’unique objet n’est autre que
les moyens d’atteindre une fin ; ces moyens sont des actions ac-
complies par nous, mais pas toutes, parce qu’on ne délibère que sur
des actions donnant lieu à des conjectures. La délibération procède
par voie d’analyse, alors que l’exécution procède par synthèse.
Comme l’intellect possible est mû, non pas par la forme intelligible,
mais par la volonté, le processus se termine dans un état de certi-
tude, mais l’intellect possible n’est pas mis au repos pour autant.
Comme il n’est pas apaisé, il «possède encore une réflexion et une
enquête à propos des choses qu’il croit».
97
C’est ainsi que la cogitatio (réflexion) diffère de l’inquisitio (enquête)
et peut s’y ajouter, et c’est ainsi que ces deux actes diffèrent de l’as-
sentiment (assensus) :
98
32Ligne 90b 37,
http://www.hs-augsburg.de/~harsch/graeca/Chronologia/S_ante04/Aristoteles/ari_
a221.html
33 Institut Docteur Angelique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotesecondsanaly
stiques.htm#_Toc194570189
34 Ligne 17a 25, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia6.htm
35 Scriptum super Sententiis, Commentaire des sentences de Pierre Lombard,
traduction par Jacques Ménard, Livre 3, Distinction 23, Question 2, Article 2,
Sous-question 3, Réponse à l’objection 1 :
«fide quae est opinio firmata rationibus, non autem de fide infusa»,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/SENTENCES3.htm
36 Question 14, Article 2, réponse à l’objection 15,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
37 Question 18, Article 1,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
38 Question 11, Article 1, réponse à l’objection 12°,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
39 Question 12, Article 12, objection 8 et sa réponse (ad 8),
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
40 Question 2, Article 1, Réponse :
http://www.corpusthomisticum.org/sth1002.html#28303
41 Institut Docteur Angelique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/1sommetheologique1apars.ht
m
42 Question 18, Article 1, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
43 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphyque4gr.htm#48
44Aristote, La métaphysique, Tome I, Nouvelle édition entièrement refondue, avec
commentaire par J. Tricot, Paris, 1981, Librairie philosophique J. Vrin,1006b 10
45 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphyque10.htm#18
46 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphyque10gr.htm#31
47 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphyque4gr.htm#219
48 Sententia Metaphysicae,Livre 7, Leçon 3, Numéro 3, [82874]
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairemetaphysi
que.htm#_Toc303021899
49 Notre traduction
99
50 Question 14, Article 1, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
51Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, Introduction, traduction et com-
mentaires par Pierre Pellegrin, Paris, 1997, Éditions du Seuil, I, 22
52 Question 18, Article 6, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
53 Aristotle, Ars Rhetorica, Livre I, Chapitre II, vii, [i5-18], W. D. Ross, Oxford. Cla-
rendon Press, 1959 ; Aristotle, Rhetoric, J. H. Freese, Ed.,
http://www.perseus.tufts.edu/hopper/text?doc=Perseus%3Atext%3A1999.01.0059
%3Abook%3D1%3Achapter%3D2%3Asection%3D15
54 Aristote : Poétique et Rhétorique, traduction entièrement nouvelle d'après les
dernières recensions du texte par Ch. Emile Ruelle, Bibliothécaire à la bibliothè-
que Sainte-Geneviève.
Librairie Garnier Frères, collection "Chefs d'oeuvres de la littérature grecque",
1922,
œuvre numérisée par J. P. MURCIA,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/tablerheto.htm
55Aristote, Premiers analytiques, 70a 5,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/analyt227.htm
56Julien Péghaire, Regards sur le connaître, Montréal, ” 1949, Fides, Chapitre IV,
Regards sur l’acte de foi naturelle, p. 163
57Aristote, Éthique à Nicomaque,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/nicom3.htm#II
58 Question 29, Article 8, Réponse à l’objection 1,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
59 Question 14, Article 2, réponse à l’objection 15,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
60 Question 10, Article 12, en réponse à l’objection 6,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
61 Henri Grenier, Cursus philosophiæ, Volumen III, Québec, 1943, Presse de
l’Université Laval, p. 63, légèrement modifié.
La source de l’auteur : Somme théologique, Ia IIae Pars, Questions 8 à 17.
62 Question 14, Article 1, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
63 http://www.cnrtl.fr/definition/sentence
64 Question 14, Article 1, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
100
65 Question 14, Article 1, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
66 Question 21, Article 3,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
67 Question 14, Article 1,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
68 De veritate, Question 10, Article 12, Ad 6,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
69 Question 14, Texte latin :
http://www.corpusthomisticum.org/sth2006.html#34074
Texte français offert par les Éditions du Cerf:
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/2sommetheologique1a2a.htm
http://bibliotheque.editionsducerf.fr/
70 Question 14, Article 1, Réponse.
http://www.corpusthomisticum.org/sth2006.html#34073
71 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/2sommetheologique1a2a.htm
72 Question 14, Article 2, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth2006.html#34081
73 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/2sommetheologique1a2a.htm
74 Question 14, Article 3, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth2006.html#34089
75 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/2sommetheologique1a2a.htm
76 Question 14, Article 4, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth2006.html#34098
77 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/2sommetheologique1a2a.htm
78
Question 14, Article 5, Réponse,
www.corpusthomisticum.org/sth2006.html#34106
79 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/2sommetheologique1a2a.htm
80 Ligne 1139b 6,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/morale6gr.htm#1139b
81 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristoteethiquenicom
aque.htm
101
82 Question 4, Article 1, Réponse principale,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
83 Question 86,Article 1, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth1084.html#32088
84 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/1sommetheologique1apars.ht
m
85Aristote, Catégories 1b 5 ,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/categories.htm#II
86 Traduction modifiée de Pascale-Dominique Nau,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/AristoteCategories.ht
m
87Aristote, De l’interprétation, 17a 38,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia7.htm
88Aristote, Premeirs analytiques, 24a 17,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/analyt1.htm
89Aristote, Seconds analytiques, 73b 26,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/analyt2gr.htm#49
90Question 86, Article 3, Réponse,
-http://www.corpusthomisticum.org/sth1084.html#32106
91 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/1sommetheologique1apars.ht
m
92 Question 86, Article 4, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth1084.html#32112
93 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/1sommetheologique1apars.ht
m
102
CERTITUDO — UNE DÉFINITION
CONCEPTIO
d’où :
sentence définition : conception distincte ou très certaine de
l’une des propositions contradictoires
103
La conception «signifiable par un vocable incomplexe, comme c’est
le cas lorsque l’intelligence forme les quiddités des réalités», est dite
«conception de l’intelligence». Ce cas ne nous concerne pas,
comme nous l’avons déjà vu :
Intellectus enim nostri, secundum philosophum in libro de Anima
[III, 11 (430 a 26)], duplex est operatio. Una qua format simplices
rerum quidditates ; ut quid est homo, vel quid est animal : in qua
quidem operatione non invenitur verum per se et falsum, sicut nec
in vocibus incomplexis. (...) Patet ergo ex dictis, quod in illa opera-
tione intellectus qua format simplices rerum quidditates, non inveni-
tur assensus, cum non sit ibi verum et falsum ; non enim dicimur
alicui assentire nisi quando inhaeremus ei quasi vero.
Notre intelligence, suivant le Philosophe au livre sur l’Âme, a deux
opérations. L’une par laquelle elle forme les simples quiddités des
réalités, comme ce qu’est l’homme, ou ce qu’est l’animal ; et dans
cette opération, tout comme dans les expressions incomplexes, ne
se rencontrent pas le vrai par soi, ni le faux. (...) Il ressort donc de
ce qui précède que l’assentiment ne se rencontre pas dans cette
opération de l’intelligence par laquelle elle forme les simples quid-
dités des réalités, puisque le vrai et le faux n’y sont pas ; car on dit
que nous donnons notre assentiment à quelque chose, seulement
lorsque nous y adhérons comme au vrai. 96
Pour les fins de notre étude, retenons donc qu’est nommée «con-
ceptio» le fruit «que l’opération de notre intelligence a pour terme,
cela même qui est intelligé» et qui est «signifiable (...) par une ex-
pression complexe, ce qui se produit lorsque l’intelligence compose
et divise», soit le verbe intérieur proféré sans la voix. 98 Toujours au
De veritate, Thomas d’Aquin le confirme en ces termes : «Ipsa enim
104
conceptio est effectus actus intelligendi. (En effet, la conception est
elle-même l’effet de l’acte d’intelliger.)» 99 Et, en réponse à l’objec-
tion 3, il précise que :
Ad tertium dicendum, quod conceptio intellectus est media inter
intellectum et rem intellectam, quia ea mediante operatio intellectus
pertingit ad rem. Et ideo conceptio intellectus non solum est id
quod intellectum est, sed etiam id quo res intelligitur; ut sic id quod
intelligitur, possit dici et res ipsa, et conceptio intellectus; et similiter
id quod dicitur, potest dici et res quae dicitur per verbum, et verbum
ipsum; ut etiam in verbo exteriori patet; quia et ipsum nomen dici-
tur, et res significata per nomen dicitur ipso nomine. 100
3° La conception de l’intelligence est intermédiaire entre l’intelli-
gence et la réalité intelligée, car c’est par son intermédiaire que
l’opération de l’intelligence atteint la réalité. Voilà pourquoi la con-
ception de l’intelligence est non seulement ce qui est intelligée,
mais aussi ce par quoi la réalité est intelligée ; de sorte que «ce qui
est intelligé» peut désigner à la fois la réalité même et la concep-
tion de l’intelligence ; et semblablement, «ce qui est dit» peut dési-
gner à la fois la réalité qui est dite par le verbe, et le verbe lui-
même, comme on le voit clairement aussi dans le cas du verbe ex-
térieur, car à la fois le nom lui-même est dit, et la réalité signifiée
par le nom est dite par ce nom.
Et puisque, dans ce texte, une référence explicite est faite à «VI Me-
taphys. [l. 4 (1027 b 25)]», rappelons le passage écrit à 1051b 1-15 :
§ 1. Ἐπεὶ δὲ τὸ ὂν λέγεται καὶ τὸ μὴ ὂν τὸ μὲν κατὰ [35] τὰ
σχήματα τῶν κατηγοριῶν, τὸ δὲ κατὰ δύναμιν ἢ ἐνέργειαν
τούτων ἢ τἀναντία, [1051b] [1] τὸ δὲ κυριώτατα ὂν ἀληθὲς ἢ
ψεῦδος,
§ 2. τοῦτο δ' ἐπὶ τῶν πραγμάτων ἐστὶ τῷ συγκεῖσθαι ἢ
διῃρῆσθαι, ὥστε ἀληθεύει μὲν ὁ τὸ διῃρημένον οἰόμενος
διῃρῆσθαι καὶ τὸ συγκείμενον συγκεῖσθαι, ἔψευσται δὲ ὁ
ἐναντίως [5] ἔχων ἢ τὰ πράγματα, πότ' ἔστιν ἢ οὐκ ἔστι τὸ
ἀληθὲς λεγόμενον ἢ ψεῦδος;
§ 3. Τοῦτο γὰρ σκεπτέον τί λέγομεν. Οὐ γὰρ διὰ τὸ ἡμᾶς
οἴεσθαι ἀληθῶς σε λευκὸν εἶναι εἶ σὺ λευκός, ἀλλὰ διὰ τὸ σὲ
εἶναι λευκὸν ἡμεῖς οἱ φάντες τοῦτο ἀληθεύομεν. Εἰ δὴ τὰ μὲν
ἀεὶ σύγκειται καὶ ἀδύνατα διαιρεθῆναι, [10] τὰ δ' ἀεὶ διῄρηται
καὶ ἀδύνατα συντεθῆναι, τὰ δ' ἐνδέχεται τἀναντία, τὸ μὲν
εἶναί ἐστι τὸ συγκεῖσθαι καὶ ἓν εἶναι, τὸ δὲ μὴ εἶναι τὸ μὴ
συγκεῖσθαι ἀλλὰ πλείω εἶναι·
§ 4. περὶ μὲν οὖν τὰ ἐνδεχόμενα ἡ αὐτὴ γίγνεται ψευδὴς καὶ
ἀληθὴς δόξα καὶ ὁ λόγος ὁ αὐτός, καὶ ἐνδέχεται ὁτὲ μὲν
ἀληθεύειν ὁτὲ δὲ ψεύδεσθαι· περὶ δὲ τὰ ἀδύνατα ἄλλως ἔχειν
οὐ γίγνεται ὁτὲ [15] μὲν ἀληθὲς ὁτὲ δὲ ψεῦδος, ἀλλ' ἀεὶ ταὐτὰ
ἀληθῆ καὶ ψευδῆ. 102
107
alors que d’autres encore peuvent être les deux con-
traires :
Gottlob Frege soutient que le «mot ‘vrai’ (...) n'est pas un terme rela-
tif». Or, «vrai» est justement et exactement un «terme relatif»,
comme l’exige sa racine : la préposition française «vers», qui signi-
fie «en direction de», en provient aussi. Dès lors, la thèse de Gottlob
Frege est déjà en difficulté. Et, elle ne risque pas d’en sortir puisque
son auteur déclare : «Ainsi échoue-t-on à tenter d'expliquer la vérité
comme un accord. Mais toute autre tentative pour définir l'être vrai
échoue également.»
L’intellect qui connaît son objet est nécessairement dans le vrai, si-
non l’intellect ne connaît pas son objet. «Ὁ δὲ ψευδὴς λόγος
οὐθενός ἐστιν ἁπλῶς λόγος·» Et «l’énonciation fausse n’est, au
sens strict, énonciation de rien». 109 Dans une telle «énonciation de
rien», le locuteur prononce des sons vocaux, sauf que rien qui soit
intelligé ne fonde ces sons vocaux ; on fait du bruit avec la bouche.
Sauf pour l’idéographie de Gottlob Frege, qui écrit : «Mais qu'ap-
pelle-t-on proposition? Une suite de sons, sous réserve que cette
suite ait un sens, et sans affirmer pour autant que toute suite de
sons sensée soit une proposition.»
Félix Gaffiot fournit les quatre acceptions suivantes pour le mot «dis-
tinguere» :
1) séparer, diviser ;
2) [fig.] distinguer, différencier ;
3) couper, séparer par une pause ;
4) nuancer, diversifier. 110
112
est certissima : quelque conception distincte pourrait ne pas être
très certaine.
113
differt, undecumque illae similitudines accipiantur, quantum ad
cognitionem distinctam.
De même qu’il n’y a pas, dans l’intelligence, la forme même par
laquelle la réalité existe, mais sa ressemblance, de même la con-
naissance distincte de quelques réalités ne requiert pas que les
principes de distinction soient eux-mêmes dans le connaissant,
mais il suffit que leurs ressemblances soient en lui ; et quelle que
soit la provenance de ces ressemblances, cela ne fait pas de diffé-
rence quant à la connaissance distincte. 112
2) Cognitio autem naturalis humana ad illa se potest extendere
quaecumque ductu naturalis rationis cognoscere possumus. Cuius
quidem naturalis cognitionis est accipere principium et terminum.
Principium autem eius est in quadam confusa cognitione omnium:
prout scilicet homini naturaliter inest cognitio universalium principio-
rum, in quibus, sicut in quibusdam seminibus, virtute praeexistunt
omnia scibilia quae ratione naturali cognosci possunt. Sed huius
cognitionis terminus est quando ea quae virtute in ipsis principiis
insunt, explicantur in actum: sicut cum ex semine animalis, in quo
virtute praeexistunt omnia membra animalis, producitur animal ha-
bens distincta et perfecta omnia membra, dicitur esse terminus ge-
nerationis animalis. Sed huius cognitionis terminus est quando ea
quae virtute in ipsis principiis insunt, explicantur in actum : sicut
cum ex semine animalis, in quo virtute praeexistunt omnia mem-
bra animalis, producitur animal habens distincta et perfecta omnia
membra, dicitur esse terminus generationis animalis.
La connaissance naturelle de l’homme peut s’étendre à tout ce que
nous pouvons connaître guidés par la raison naturelle. Et de cette
connaissance naturelle il faut envisager le principe et le terme. Son
principe est dans une certaine connaissance confuse de toutes
choses : en effet, l’homme a naturellement en lui la connaissance
des principes universels, en lesquels préexistent virtuellement,
comme en des semences, tous les objets de science qui peuvent
être connus par la raison naturelle. Le terme de cette connaissance
est atteint lorsque les choses qui sont virtuellement dans les princi-
pes eux-mêmes sont développées en acte : de même lorsque, à
partir de la semence de l’animal, en laquelle préexistent virtuelle-
ment tous les membres de l’animal, est produit un animal ayant
tous ses membres parfaits et distincts, l’on dit que le terme de la
génération de l’animal est atteint. 113
114
1. Il existe un principe (au sens de : point de départ) et un terme
(au sens de : point d’arrivée) à la connaissance naturelle qui
peut s’étendre à tout ce que nous, hommes, guidés par la
raison naturelle, pouvons connaître.
1.1. Le principe de cette connaissance naturelle est dans
une certaine connaissance confuse de tout ce que
nous, hommes, guidés par la raison naturelle, pouvons
connaître : en effet, l’homme a naturellement en lui la
connaissance des principes universels, en lesquels
préexistent virtuellement, comme en des semences,
tous les objets de science qui peuvent être connus par
la raison naturelle.
2. Donc,
2.1. de même que l’on dit que le terme de la génération de
l’animal est atteint lorsque, à partir de la semence de
l’animal, en laquelle préexistent virtuellement tous les
membres de l’animal, est produit un animal ayant tous
ses membres parfaits et distincts,
115
Maintenant, décortiquons l’enseignement qui nous est offert au pas-
sage qui commence avec «Ad quartum dicendum, quod sicut in in-
tellectu». Il s’agit là d’une réponse à l’objection 4, ainsi formulée :
Sed cognitio distincta de rebus haberi non potest nisi per hoc quod
est distinctionis principium, cum sit idem principium essendi et co-
gnoscendi. Principium autem distinctionis rerum materialium sunt
formae quae sunt in eis. Ergo oportet quod scientia de rebus natu-
ralibus sit per formas a rebus acceptas.
On ne peut avoir (haberi non potest) une connaissance distincte
(cognitio distincta) des réalités (de rebus) que grâce à (nisi per) ce
qui est un principe de distinction (hoc quod est distinctionis princi-
pium), puisque le principe de l’être (principium essendi) est le
même (sit idem) que celui de la connaissance (cognoscendi). Or le
principe de distinction des réalités matérielles (principium autem
distinctionis rerum materialium), ce sont les formes qui sont en el-
les (formae quae sunt in eis). Il est donc nécessaire que (ergo
oportet quod) la science des réalités naturelles (scientia de rebus
naturalibus) ait lieu par des formes reçues des réalités (per formas
a rebus acceptas). 114
PRINCIPE DE DISTINCTION
«Or, il est évident que connaître une chose qui renferme plusieurs
éléments sans avoir une connaissance propre de chacun», donc
une connaissance distincte de chacun, «c’est la connaître confusé-
ment ; celui qui connaît une chose d’une manière confuse est en-
core en puissance à connaître le principe de distinction.», dit Tho-
mas d’Aquin à sa Summa Theologiae, Prima pars :
Respondeo dicendum quod in cognitione nostri intellectus duo
oportet considerare. Primo quidem, quod cognitio intellectiva aliquo
modo a sensitiva primordium sumit. Et quia sensus est singularium,
intellectus autem universalium; necesse est quod cognitio singula-
rium, quoad nos, prior sit quam universalium cognitio. Secundo
oportet considerare quod intellectus noster de potentia in actum
procedit. Omne autem quod procedit de potentia in actum, prius
pervenit ad actum incompletum, qui est medius inter potentiam et
actum, quam ad actum perfectum. Actus autem perfectus ad quem
pervenit intellectus, est scientia completa, per quam distincte et
determinate res cognoscuntur. Actus autem incompletus est scien-
tia imperfecta, per quam sciuntur res indistincte sub quadam con-
fusione, quod enim sic cognoscitur, secundum quid cognoscitur in
actu, et quodammodo in potentia. Unde philosophus dicit, in I Phy-
sic., quod sunt primo nobis manifesta et certa confusa magis; pos-
terius autem cognoscimus distinguendo distincte principia et ele-
menta. Manifestum est autem quod cognoscere aliquid in quo plura
continentur, sine hoc quod habeatur propria notitia uniuscuiusque
eorum quae continentur in illo, est cognoscere aliquid sub confu-
sione quadam. Sic autem potest cognosci tam totum universale, in
quo partes continentur in potentia, quam etiam totum integrale,
utrumque enim totum potest cognosci in quadam confusione, sine
hoc quod partes distincte cognoscantur. Cognoscere autem dis-
tincte id quod continetur in toto universali, est habere cognitionem
de re minus communi. Sicut cognoscere animal indistincte, est co-
gnoscere animal inquantum est animal, cognoscere autem animal
distincte, est cognoscere animal inquantum est animal rationale vel
118
irrationale, quod est cognoscere hominem vel leonem. Prius igitur
occurrit intellectui nostro cognoscere animal quam cognoscere
hominem, et eadem ratio est si comparemus quodcumque magis
universale ad minus universale. Et quia sensus exit de potentia in
actum sicut et intellectus, idem etiam ordo cognitionis apparet in
sensu. Nam prius secundum sensum diiudicamus magis commune
quam minus commune, et secundum locum et secundum tempus.
Secundum locum quidem, sicut, cum aliquid videtur a remotis,
prius deprehenditur esse corpus, quam deprehendatur esse ani-
mal; et prius deprehenditur esse animal, quam deprehendatur esse
homo; et prius homo, quam Socrates vel Plato. Secundum tempus
autem, quia puer a principio prius distinguit hominem a non ho-
mine, quam distinguat hunc hominem ab alio homine; et ideo pueri
a principio appellant omnes viros patres, posterius autem determi-
nant unumquemque, ut dicitur in I Physic. Et huius ratio manifesta
est. Quia qui scit aliquid indistincte, adhuc est in potentia ut sciat
distinctionis principium; sicut qui scit genus, est in potentia ut sciat
differentiam. Et sic patet quod cognitio indistincta media est inter
potentiam et actum. Est ergo dicendum quod cognitio singularium
est prior quoad nos quam cognitio universalium, sicut cognitio sen-
sitiva quam cognitio intellectiva. Sed tam secundum sensum quam
secundum intellectum, cognitio magis communis est prior quam
cognitio minus communis. 117
120
2. Notre connaissance sensitive :
121
3.4. Il est évident que connaître une chose qui renferme
plusieurs éléments sans avoir une connaissance
propre de chacun, c’est la connaître confusément.
3.5. Celui qui connaît une chose d’une manière confuse
est encore en puissance à connaître le principe de
distinction. Par exemple, celui qui connaît le genre,
est en puissance à connaître la différence spécifi-
que.
3.6. Ainsi, la connaissance indistincte est intermédiaire
entre la puissance et l’acte.
4. Conclusion :
4.1. Selon 2.5 et 3.6, aussi bien dans le sens que dans
l’intelligence, la connaissance d’un objet plus
commun est antérieure à la connaissance d’un ob-
jet moins commun.
4.2. En conclusion, il faut dire que la connaissance du
singulier est antérieure par rapport à nous à la
connaissance de l’universel, comme la connais-
sance sensitive l’est à la connaissance intellective.
122
Unde philosophus dicit, in I Physic., quod sunt primo nobis mani-
festa et certa confusa magis; posterius autem cognoscimus distin-
guendo distincte principia et elementa. 119
Aussi, dit Aristote, [in I Physic.] " ce qui est d’abord manifeste et
certain pour nous l’est d’une manière assez confuse ; mais ensuite
nous distinguons avec netteté les principes et les éléments ". 120
123
• ensuite, dans ce qui est manifeste et certain pour nous d’une
manière assez confuse, nous distinguons avec netteté les
principes et les éléments ;
• enfin, le terme à atteindre est ce qui est manifeste et certain
en soi.
125
La vérité est dans le sens comme une conséquence de son acte,
c’est-à-dire quand le jugement du sens porte sur la réalité telle
qu’elle est ; mais cependant, elle n’est pas dans le sens comme
connue par le sens, car, bien que le sens juge sur les réalités en
vérité, cependant il ne connaît pas la vérité par laquelle il juge en
vérité ; en effet, bien que le sens connaisse qu’il sent, cependant il
ne connaît pas sa nature, ni par conséquent la nature de son acte,
ni sa proportion aux réalités, ni par suite sa vérité.
Et en voici la raison. Parmi les étants, ceux qui sont les plus par-
faits, comme les substances intellectuelles, reviennent à leur es-
sence par un retour complet : car, dès lors qu’ils connaissent quel-
que chose qui est placé hors d’eux-mêmes, ils s’avancent en quel-
que sorte hors d’eux-mêmes ; mais dans la mesure où ils connais-
sent qu’ils connaissent, ils commencent déjà à revenir à soi, parce
que l’acte de connaissance est intermédiaire entre le connaissant
et le connu. Mais ce retour est achevé en tant qu’ils connaissent
leurs propres essences : c’est pourquoi il est dit au livre des Cau-
ses que « tout ce qui connaît sa propre essence revient à elle par
un retour complet ».
Mais le sens, qui parmi les autres [réalités] est plus proche de la
substance intellectuelle, commence certes à revenir à son es-
sence, car non seulement il connaît le sensible, mais encore il
connaît qu’il sent ; cependant, son retour n’est pas achevé, car le
sens ne connaît pas son essence ; et Avicenne en détermine ainsi
la raison : le sens ne connaît rien si ce n’est par un organe corpo-
rel ; or il n’est pas possible qu’un organe corporel vienne en inter-
médiaire entre la puissance sensitive et elle-même. 125
b) sur la fausseté :
127
Réponse : Notre connaissance, qui tire son origine des réalités,
progresse dans cet ordre : elle commence premièrement dans le
sens, et s’accomplit en second lieu dans l’intelligence, si bien que
le sens se trouve ainsi en quelque sorte intermédiaire entre l’intelli-
gence et les réalités, car relativement aux réalités il est comme une
intelligence, et relativement à l’intelligence il est comme une cer-
taine réalité. Voilà pourquoi l’on dit de deux façons que la vérité et
la fausseté sont dans le sens : d’abord par une relation du sens à
l’intelligence, et ainsi, on dit que le sens est vrai ou faux tout
comme les réalités, à savoir, en tant qu’elles produisent dans l’in-
telligence une estimation vraie ou fausse ; ensuite par une relation
du sens aux réalités, et ainsi, on dit que la vérité ou la fausseté
sont dans le sens tout comme dans l’intelligence, c’est-à-dire en
tant qu’il juge que ce qui est, ou ce qui n’est pas, est.
Si donc nous parlons du sens de la première façon, alors à un cer-
tain point de vue il y a fausseté dans le sens, et à un autre point de
vue il n’y a pas fausseté : car à la fois le sens est une certaine réa-
lité en soi, et il peut indiquer une autre réalité. Si donc on le rap-
porte à l’intelligence en tant qu’il est une certaine réalité, alors la
fausseté n’est aucunement dans le sens rapporté à l’intelligence :
car tel il est disposé, tel il montre sa disposition à l’intelligence ;
c’est pourquoi saint Augustin, dans la citation alléguée, dit que les
sens « ne peuvent transmettre à l’âme que leur impression ». Mais
si le sens est rapporté à l’intelligence en tant qu’il est représentatif
d’une autre réalité, alors, puisqu’il la lui représente parfois autre-
ment qu’elle n’est, le sens est en conséquence appelé faux, en tant
qu’il est naturellement apte à produire une estimation fausse dans
l’intelligence, quoiqu’il ne le fasse pas nécessairement, comme on
l’a dit à propos des réalités, car l’intelligence juge de la même fa-
çon sur les réalités et sur ce qui est présenté par les sens. Ainsi
donc, le sens rapporté à l’intelligence produit toujours dans l’intelli-
gence une estimation vraie de sa disposition propre, mais pas tou-
jours de la disposition des réalités.
Si l’on considère le sens dans son rapport aux réalités, alors la
fausseté et la vérité sont dans le sens de la même façon que dans
l’intelligence. Or dans l’intelligence, la vérité et la fausseté se trou-
vent premièrement et principalement dans le jugement de qui com-
pose et divise ; mais dans la formation des quiddités, elles ne se
trouvent que relativement au jugement qui s’ensuit de la formation
susdite. Voilà pourquoi la vérité et la fausseté se disent proprement
aussi dans le sens lorsqu’il juge sur les sensibles ; mais lorsqu’il
appréhende le sensible, la vérité ou la fausseté n’y est pas pro-
prement, mais seulement par une relation au jugement, à savoir,
en tant que d’une telle appréhension s’ensuit naturellement tel ou
tel jugement.
128
Le jugement du sens sur certaines choses, comme les sensibles
propres, est naturel, mais pour d’autres choses il a lieu comme par
une certaine comparaison – laquelle, chez l’homme, est le fait de la
puissance cogitative, qui est une puissance de la partie sensitive,
et dont l’estimative naturelle tient lieu chez les autres animaux – et
c’est ainsi que la faculté sensitive juge sur les sensibles communs
et les sensibles par accident. Or l’action naturelle d’une réalité a
toujours lieu d’une façon unique, sauf si elle est empêchée par ac-
cident, à cause soit d’un défaut intrinsèque, soit d’un empêchement
extérieur ; le jugement du sens sur les sensibles propres est donc
toujours vrai, à moins qu’il n’y ait un empêchement dans l’organe
ou dans le milieu, mais le jugement du sens sur les sensibles
communs ou par accident se trompe quelquefois. Et ainsi apparaît
clairement de quelle façon la fausseté peut exister dans le juge-
ment du sens.
Concernant l’appréhension du sens, il faut savoir qu’il est une cer-
taine faculté appréhensive qui appréhende l’espèce sensible en
présence de la réalité sensible, tel le sens propre, mais qu’une au-
tre, comme l’imagination, l’appréhende en l’absence de la réalité ;
voilà pourquoi le sens appréhende toujours la réalité comme elle
est, à moins qu’il n’y ait un empêchement dans l’organe ou dans le
milieu, au lieu que l’imagination appréhende le plus souvent la
chose comme elle n’est pas, parce qu’elle l’appréhende comme
présente alors qu’elle est absente ; et c’est pourquoi le Philosophe
[Aristote] dit au quatrième livre de la Métaphysique que ce n’est
pas le sens mais l’imagination qui profère la fausseté. 126
«La vérité est (veritas est) dans l’intelligence (in intellectu) et dans le
sens (et in sensu), mais pas de la même façon (sed non eodem
modo)», écrit Thomas d’Aquin :
129
gence fait retour sur son acte (intellectus reflectitur su-
pra actum suum).
1.2. Lors de ce retour, l’intelligence connaît son acte (co-
gnoscit actum suum), et en connaît la proportion à la
réalité (cognoscit proportionem eius ad rem). Cette
proportion ne peut être connue (cognosci non potest)
qu’une fois connue la nature de l’acte lui-même (nisi
cognita natura ipsius actus), laquelle ne peut être con-
nue (quae cognosci non potest,) sans que soit connue
la nature du principe actif (nisi natura principii activi
cognoscatur), qui est l’intelligence elle-même (quod
est ipse intellectus), dont la nature comporte qu’elle
soit conformée aux réalités (in cuius natura est ut re-
bus conformetur).
132
Unde nihil certitudini sensus deperit cum quis videt currere homi-
nem, quamvis hoc dictum sit contingens. Omnis igitur cognitio quae
supra contingens fertur prout praesens est, certa esse potest. 130
133
1.1. qu’il est une certaine faculté appréhensive (quod est
quaedam vis apprehensiva) qui appréhende l’espèce
sensible (quae apprehendit speciem sensibilem) en
présence de la réalité sensible (sensibili re praesente),
tel le sens propre (sicut sensus proprius),
1.2. mais qu’une autre (quaedam vero), comme l’imagina-
tion (sicut imaginatio), l’appréhende en l’absence de la
réalité (quae apprehendit eam re absente) ;
2. voilà pourquoi (et ideo)
2.1. le sens appréhende toujours la réalité comme elle est
(semper sensus apprehendit rem ut est), à moins qu’il
n’y ait un empêchement dans l’organe ou dans le mi-
lieu (nisi sit impedimentum in organo, vel in medio),
138
2. Voilà pourquoi la vérité et la fausseté se disent propre-
ment aussi (unde et in sensu proprie veritas et falsitas di-
citur) dans le sens lorsqu’il juge sur les sensibles (secun-
dum hoc quod iudicat de sensibilibus) ; mais lorsqu’il ap-
préhende le sensible (sed secundum hoc quod sensibile
apprehendit), la vérité ou la fausseté n’y est pas propre-
ment (non est ibi proprie veritas vel falsitas), mais seule-
ment par une relation au jugement (sed solum secundum
ordinem ad iudicium), à savoir, en tant que d’une telle ap-
préhension s’ensuit naturellement tel ou tel jugement
(prout scilicet ex apprehensione tali natum est sequi tale
vel tale iudicium).
2.1. Le jugement du sens sur certaines choses (sensus
autem iudicium de quibusdam), comme les sensi-
bles propres (sicut de propriis sensibilibus), est na-
turel (est naturale) ; l’action naturelle d’une réalité
(naturalis autem actio alicuius rei) a toujours lieu
d’une façon unique (semper est uno modo), sauf si
elle est empêchée par accident (nisi per accidens
impediatur), à cause soit d’un défaut intrinsèque
(vel propter defectum intrinsecus), soit d’un empê-
chement extérieur (vel extrinsecus impedimen-
tum) ; le jugement du sens sur les sensibles pro-
pres est donc toujours vrai (unde sensus iudicium
de sensibilibus propriis semper est verum), à moins
qu’il n’y ait un empêchement dans l’organe ou dans
le milieu (nisi sit impedimentum in organo, vel in
medio),
2.2. mais pour d’autres choses (de quibusdam autem) il
a lieu comme par une certaine comparaison (quasi
per quamdam collationem) – laquelle, chez
l’homme, est le fait de la puissance cogitative
(quam facit in homine vis cogitativa), qui est une
puissance de la partie sensitive (quae est potentia
sensitivae partis), et dont l’estimative naturelle tient
lieu chez les autres animaux (loco cuius in aliis
animalibus est aestimatio naturalis)– et c’est ainsi
que la faculté sensitive juge (et sic iudicat vis sensi-
tiva) sur les sensibles communs et les sensibles
par accident (de sensibilibus communibus et de
sensibilibus per accidens) ; le jugement du sens
sur les sensibles communs ou par accident se
139
trompe quelquefois (sed de sensibilibus communi-
bus vel per accidens interdum iudicium sensus falli-
tur).
2.3. Et ainsi apparaît clairement de quelle façon la
fausseté peut exister dans le jugement du sens (et
sic patet qualiter in iudicio sensus potest esse falsi-
tas).
LA COGITATIVE
Nous aurions ainsi une sensation qui, procédant du sens dit com-
mun, «juge d’une seule chose, et saisit les sensibles en même
temps (De l’âme, 427a 14 : ᾗ δὲ ἑνί, ἓν καὶ ἅμα), et une image
sensible que l’imagination (φαντασία) tire de cette sensation et qui
en est distincte (Métaphysique, 1010b 1-2 : φαντασία οὐ ταὐτὸν
τῇ αἰσθήσει), et la cogitative (vis cogitativa). Avec la mémoire, nous
obtenons le quatuor des sens internes : sens commun, imagination,
cogitative, mémoire.
140
L’argumentation qui conduit Thomas d’Aquin à conclure qu’il existe
bien une puissance cogitative se trouve aux numéros 12 à 16 de la
Leçon 13, au Livre II de son commentaire du traité De l’âme 139 , là
où il commente ce qui est écrit par Aristote à propos des sensibles,
des objets des sens, au chapitre 6 du Livre II, à 418 a, lignes 7-
25 140 :
1 Λεκτέον δὲ καθ' ἑκάστην αἴσθησιν περὶ τῶν αἰσθητῶν
πρῶτον. Λέγεται δὲ τὸ αἰσθητὸν τριχῶς, ὧν δύο μὲν καθ' αὑτά
φαμεν αἰσθάνεσθαι, τὸ δὲ ἓν κατὰ συμβεβηκός. Τῶν δὲ δυοῖν
τὸ μὲν ἴδιόν ἐστιν ἑκάστης αἰσθήσεως, τὸ δὲ κοινὸν πασῶν. 2
Λέγω δ' ἴδιον μὲν ὃ μὴ ἐνδέχεται ἑτέρᾳ αἰσθήσει αἰσθάνεσθαι,
καὶ περὶ ὃ μὴ ἐνδέχεται ἀπατηθῆναι, οἷον ὄψις χρώματος καὶ
ἀκοὴ ψόφου καὶ γεῦσις χυμοῦ, ἡ δ' ἁφὴ πλείους [μὲν] ἔχει
διαφοράς, ἀλλ' ἑκάστη γε κρίνει περὶ τούτων, καὶ οὐκ
ἀπατᾶται ὅτι χρῶμα οὐδ' ὅτι ψόφος, ἀλλὰ τί τὸ κεχρωσμένον
ἢ ποῦ, ἢ τί τὸ ψοφοῦν ἢ ποῦ. Τὰ μὲν οὖν τοιαῦτα λέγεται ἴδια
ἑκάστης, 3 κοινὰ δὲ κίνησις, ἠρεμία, ἀριθμός, σχῆμα,
μέγεθος· τὰ γὰρ τοιαῦτα οὐδεμιᾶς ἐστὶν ἴδια, ἀλλὰ κοινὰ
πάσαις· καὶ γὰρ ἁφῇ κίνησίς τίς ἐστιν αἰσθητὴ καὶ ὄψει. Κατὰ
συμβεβηκὸς δὲ λέγεται αἰσθητόν, οἷον εἰ τὸ λευκὸν εἴη
Διάρους υἱός· κατὰ συμβεβηκὸς γὰρ τούτου αἰσθάνεται, ὅτι
τῷ λευκῷ συμβέβηκε τοῦτο, οὗ αἰσθάνεται· διὸ καὶ οὐδὲν
πάσχει ᾗ τοιοῦτον ὑπὸ τοῦ αἰσθητοῦ. Τῶν δὲ καθ' αὑτὰ
αἰσθητῶν τὰ ἴδια κυρίως ἐστὶν αἰσθητά, καὶ πρὸς ἃ ἡ οὐσία
πέφυκεν ἑκάστης αἰσθήσεως.
Pour le sensible par soi, «le sujet sentant subit une passion de la
part de ce sensible en tant que tel», alors que, pour le sensible par
accident, «le sujet sentant ne subit aucune passion de la part de ce
sensible en tant que tel».
142
Si le sujet sentant ne sent pas le sensible par accident, comment ce
sensible peut-il être dit sensible à titre d’objet sensible ? Et, s’il peut
être ainsi dit objet sensible, de quel sens sera-t-il objet ? Ce ne peut
être ni d’un sens qui sent le sensible propre, ni du sens commun.
Dire que le sensible par accident est un objet sensible exige donc
qu'il soit connue par soi par un autre sens qu’un propre ou que le
commun.
143
bilia propria, ad quae habet naturalem aptitudinem potentia sensiti-
va; et propter hoc secundum aliquam differentiam horum sensibi-
lium diversificantur sensus. Quaedam vero alia faciunt differentiam
in transmutatione sensuum, non quantum ad speciem agentis, sed
quantum ad modum actionis. Qualitates enim sensibiles movent
sensum corporaliter et situaliter. Unde aliter movent secundum
quod sunt in maiori vel minori corpore, et secundum quod sunt in
diverso situ, scilicet vel propinquo, vel remoto, vel eodem, vel di-
verso. Et hoc modo faciunt circa immutationem sensuum differenti-
am sensibilia communia. Manifestum est enim quod secundum
omnia haec quinque diversificatur magnitudo vel situs. Et quia non
habent habitudinem ad sensum, ut species activorum, ideo secun-
dum ea non diversificantur potentiae sensitivae, sed remanent
communia pluribus sensibus.
#394. — Par ailleurs, une chose peut faire une différence quant à
l'immutation du sens de deux manières. D'une manière quant à
l'espèce même de l'agent. C'est de cette façon que font une diffé-
rence quant à l'immutation du sens les sensibles par soi, du fait
que telle chose soit une couleur, que telle autre soit un son, que
telle autre soit blanche, telle autre noire. En effet, les espèces mê-
mes des objets qui agissent sur le sens sont les sensibles propres,
auxquels a une aptitude naturelle la puissance sensitive. Pour cela,
c'est selon une différence entre ces sensibles que se différencient
les sens. D'autres, par contre, font une différence dans le change-
ment des sens non pas quant à l'espèce de l'agent, mais quant à
son mode d'action. En effet, les qualités sensibles meuvent le sens
corporellement et en sa situation. Aussi les meuvent-ils différem-
ment selon qu'ils sont en un corps plus grand ou plus petit, et selon
qu'ils sont en une situation différente, proche ou éloignée, la même
ou une autre. Et c'est de cette façon que les sensibles communs
font une différence quant à l'immutation des sens. Il est manifeste,
en effet, que c'est selon tous les cinq que la grandeur ou la situa-
tion font une différence. Mais comme elles ne se rapportent pas au
sens comme les espèces de leurs agents, les puissances sensiti-
ves ne se différencient pas en rapport à eux, mais restent commu-
nes à plusieurs sens.
LA COGITATIVE RÉFLÉCHIT
147
sance distincte connaît un objet par la différence entre lui et les au-
tres ; elle suit de celle qui considère un objet selon ses parties et
propriétés qui, elle-même, suit de celle qui regarde simplement un
objet en ce qui lui est présentement intelligible.
148
Réfléchir peut se prendre en trois sens. D'abord d'une façon tout à
fait générale, dans le sens de n'importe quelle application actuelle
de la pensée, (...). D'une autre façon, on appelle plus proprement
réfléchir l'application d'esprit qui s'accompagne d'une certaine re-
cherche avant qu'on soit parvenu à une parfaite intelligence des
choses par la certitude que procure la vision. (...) Ainsi, on donne
proprement le nom de réflexion au mouvement de l'esprit lorsqu'il
délibère sans être encore arrivé à son point de perfection par la
pleine vision de la vérité. Mais cette sorte de mouvement peut être
soit d'un esprit qui délibère à propos d'idées générales, ce qui res-
sortit à l'intelligence, soit d'un esprit qui délibère à propos d'idées
particulières, ce qui ressortit à la faculté sensible. Voilà comment
réfléchir est pris d'une deuxième façon pour l'acte de l'intelligence
lorsqu'elle délibère; d'une troisième façon pour l'acte de la faculté
cogitative.
D'après cela, si l'on prend l'acte de réfléchir dans son acception
commune selon la première manière, lorsqu'on dit " réfléchir en
donnant son assentiment ", on ne dit pas totalement ce qui fait
l'acte de croire, car, dans ce sens, même celui qui considère les
choses dont il a la science ou l'intelligence réfléchit avec assenti-
ment. En revanche, si l'on prend l'acte de réfléchir dans le
deuxième sens, on y saisit toute la définition de cet acte précis qui
consiste à croire. Parmi les actes de l'intelligence, en effet, certains
comportent une adhésion ferme sans cette espèce de réflexion,
comme il arrive quand on considère les choses dont on a la
science ou l'intelligence, car une telle considération est désormais
formée. Mais certains actes de l'intelligence comportent une ré-
flexion informe et sans adhésion ferme, soit qu'ils ne penchent
d'aucun côté, comme il arrive à celui qui doute; soit qu'ils penchent
davantage d'un côté mais sont retenus par quelque léger indice,
comme il arrive à celui qui a un soupçon; soit qu'ils adhèrent à un
parti en craignant cependant que l'autre ne soit vrai, comme il ar-
rive à qui se fait une opinion. Mais cet acte qui consiste à croire
contient la ferme adhésion à un parti; en cela le croyant se rencon-
tre avec celui qui a la science et avec celui qui a l'intelligence; et
cependant sa connaissance n'est pas dans l'état parfait que pro-
cure la vision évidente; en cela il se rencontre avec l'homme qui
est dans le doute, dans le soupçon ou dans l'opinion. De sorte que
c'est bien le propre du croyant de réfléchir en donnant son assen-
timent. Et c'est par là que cet acte de croire se distingue de tous
les actes de l'intelligence concernant le vrai ou le faux. 145
151
Colliger et comparer, accomplir une «collatio» pour constituer
l’ἐμπειρία, introduit donc une marge de manœuvre pour un quasi
assentiment du sens, susceptible d’une fermeté plus ou moins forte,
quasi assentiment qui introduit ainsi une certitude pour ce sens
qu’est la cogitative. 149
L’enquête pratique est close avec deux conclusions, dont l’une est
une sentence.
153
Et quod singularia habeant rationem principiorum, patet, quia ex
singularibus accipitur universale. Ex hoc enim, quod haec herba
fecit huic sanitatem, acceptum est, quod haec species herbae valet
ad sanandum. Et quia singularia proprie cognoscuntur per sensum,
oportet quod homo horum singularium, quae dicimus esse principia
et extrema, habeat sensum non solum exteriorem sed etiam inte-
riorem, cuius supra dixit esse prudentiam, scilicet vim cogitativam
sive aestimativam, quae dicitur ratio particularis. Unde hic sensus
vocatur intellectus qui est circa singularia. Et hunc philosophus vo-
cat in tertio de anima intellectum passivum, qui est corruptibilis. 152
154
gence qui est tournée vers les singuliers. C'est celui-là aussi que le
Philosophe appelle intelligence passible, qui est corruptible.»
155
bilibus), mais aussi sur les choses contingentes (sed etiam de re-
bus corruptibilibus et contingentibus). De là (unde) il est évident
que les contingents (patet quod contingentia), considérés sous cet
aspect (sic considerata), appartiennent à la même partie de l'âme
que les choses nécessaires (ad eandem partem animae intellecti-
vae pertinent ad quam et necessaria), partie que le Philosophe
nomme scientifique (quam philosophus vocat hic scientificum) ; et
c'est ainsi que les raisons induites procèdent (et sic procedunt ra-
tiones inductae). D'une autre façon (alio modo), on peut entrevoir
les contingents sous l'aspect où ils existent comme singuliers
(possunt accipi contingentia secundum quod sunt in particulari): et
ainsi (et sic), ils sont variables (variabilia sunt) et l'intelligence ne
tombe sur eux que par l'intermédiaire des puissances sensitives
(nec cadit supra ea intellectus nisi mediantibus potentiis sensitivis).
De là vient que parmi les puissances sensitives de l'âme (unde et
inter partes animae sensitivas), il y en a une que l'on appelle raison
particulière ou puissance cogitative (ponitur una potentia quae dici-
tur ratio particularis, sive vis cogitativa), qui collige des intentions
particulières (quae est collativa intentionum particularium). Et c'est
à ce point de vue qu’Aristote parle des contingents (sic autem ac-
cipit hic philosophus contingentia): c'est bien, en effet, sous cet as-
pect qu'ils tombent sous les prises du conseil et de l'opération (ita
enim cadunt sub consilio et operatione). Et c'est pour cela qu'il dit
que les choses nécessaires et contingentes appartiennent à diver-
ses parties de l'âme rationnelle (et propter hoc ad diversas partes
animae rationalis pertinere dicit necessaria et contingentia):
comme objets universels de connaissance d'une part (sicut univer-
salia speculabilia) et comme singuliers opérables d'autre part (et
particularia operabilia).
EN SOMME
157
Pour la cogitative, lorsque «le mouvement de la raison (motus cogi-
tantis)», raison dite particulière (ratio particularis), parvient à ce
qu’un sensible par accident soit connu par soi, elle aboutit à la cons-
titution de l’expérience (ἐμπειρία), après avoir colligé et comparé
plusieurs images singulières provenant de la φαντασία, qui les tire
des sensibles communs (κοινὸν), objets du sens commun dont
chacun est une αἰσθήσις, images qui sont ensuite reçues dans la
mémoire. Dès lors, ce mouvement fait place à un repos qui naît d’un
l’apaisement de cette intelligence des singuliers dans la réalité con-
nue, un sensible par accident connu par soi. S’ensuit un état de re-
pos qui n’est autre, pour la cogitative, qu’un état de certitude.
158
103 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotemetaphysiquepascalen
au2008.htm
104Gottlob Frege, La pensée, dans : Écrits logiques et philosophiques, Paris,
1971, Éditions du Seuil, p. 172-173
105 Jacqueline Picoche, Dictionnaire étymologique du français, Les usuels, Dic-
tionnaires Le Robert, Paris, 1992
106 Projet Babel, http://projetbabel.org/mots/index.php?p=vers
107Aristote, Métaphysique, ligne 1021a 26,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphysique5gr.htm#1510
108 Institut Docteur Angelique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotemetaphysiqu
epascalenau2008.htm
109Aristote, Métaphysique, ligne 1024b 30,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphysique5gr.htm#296 ;
Traduction de Jean Tricot, Paris, 1981, Librairie philosophique J. Vrin
110 Félix Gaffiot, Dictionnaire illustré latin-français, Paris, 1934, Librairie Hachette,
http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=distinguo
111 Félix Gaffiot, Dictionnaire illustré latin-français, Paris, 1934, Librairie Hachette,
http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=discerno
112 Question 8, Article 9, Réponse à l’objection 4,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
113 Question18, Article 4, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
114 Question 8, Article 9, Objection 4,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
115 Question 8, Article 8, En sens contraire 3,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
116 Question 8, Article 8, Réponse à l’objection 3,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
117 Question 85, Article 3, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth1084.html#32026
118 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/1sommetheologique1apars.ht
m
119 Question 85, Article 3, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth1084.html#32026
159
120 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/1sommetheologique1apars.ht
m
121 Félix Gaffiot, Dictionnaire illustré latin-français, Paris, 1934, Librairie Hachette,
http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=manifesto
122 184a 16-23, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/phys1.htm
123 La physique, Traduction Henri Carteron, Les Belles lettres, Paris, 1966,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotephysique.htm
#_Toc71197815
124 Question 85, Article 3, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth1084.html#32026
125 Question 1, Article 9, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
126 Question 1, Article 11, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
127 Aristote, De l’âme, 425a 15
128 Aristote, De l’âme, de 424b 22 à 427a 15
129 Commentaire au traité de l’ame,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairedeanima.h
tm#_Toc328863981
130 Somme contra les Gentils, livre 1, chapitre 67, numéro 2
131 http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/contragentiles.htm
132 In librum B. Dionysii De divinis nominibus expositio, chapitre 7, leçon 4
133 Commentaire sur « Les Noms Divins » de Denys,
http://docteurangelique.free.fr/accueil/page.htm
134 Question 1, Article 11, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
135Sententia Metaphysicae, lib. 4 l. 14 n. 1,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairemetaphysi
que.htm#_Toc303021833
136 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphysique4pierron.htm
137 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotemetaphysiqu
epascalenau2008.htm
138 Question 1, Article 11, Réponse,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
160
139 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairedeanima.h
tm#_Toc328863966
140 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/ame2a.htm#VI
141 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotedelame.htm#
_Toc133572488
142Thomas d’Aquin, Commentaire au traité de l’âme, traduction par Yvan Pelletier,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairedeanima.h
tm#_Toc328863966
143Thomas d’Aquin, Scriptum super Sententiis, Livre I, Distinction 3, Question 4,
Article 5, corps, traduction et notes par Raymond BERTON,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/SENTENCES1.htm
144 Question 2, Article 1, Réponse,
http://www.corpusthomisticum.org/sth3001.html#38843
145 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/3sommetheologique2a2ae.ht
m
146 Ligne 980 b 26,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphysique1.htm
147 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotemetaphysiqu
epascalenau2008.htm
148 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairemetaphysi
que.htm#_Toc303021719
149 Sur la cogitative :Julien Péghaire, Regards sur le connaître, Montréal, 1949,
Éditions Fides, p. 309 et ss. ;
François-Joseph Thonnard, Précis de philosophie, Paris, 1950, Desclée & Cie,
Numéro 483, p. 580,
http://www.inquisition.ca/fr/livre/thonnard/philo/s026_p0470a0495.htm#s483p1
150Livre 6, Leçon 9, Numéro 21,
docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentaireethiquenicomaq
ue.htm#_Toc198465561
151Question 22, Article 15,
docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputeessurla
verite.htm
152Livre 6, Leçon 9, Numéro 15,
docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentaireethiquenicomaq
ue.htm#_Toc198465561
153 Livre 6, Leçon 9, Numéro 15,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentaireethiquenic
omaque.htm#_Toc198465561
161
CERTITUDO — UNE TYPOLOGIE
164
La distinction ne semble pas être une division. En effet, la certitude
dite d’ordre semble être une spécification de la certitude dite de
connaissance ; dans l’une et l’autre, on «estime la réalité comme
elle est» ; et,si le nom «certitude» a été étendu au couple «cause-ef-
fet», c’est que la connaissance certaine d’une réalité s’obtient sur-
tout par une connaissance de la cause de la dite réalité. «Surtout»
est incapable de fonder un couple de contraires.
165
prout futurum est. Unde nihil certitudini sensus deperit cum quis
videt currere hominem, quamvis hoc dictum sit contingens. Omnis
igitur cognitio quae supra contingens fertur prout praesens est, cer-
ta esse potest. 157
Le contingent ne répugne à la certitude de la connaissance que
pour autant qu'il est futur, et non en tant qu'il est présent. En effet
le contingent, dès là qu'il est futur, peut ne pas être, et la connais-
sance de qui estime qu'il existera peut être trompée: on se trompe
si ce qu'on a jugé devoir arriver n'arrive pas. Mais que le contingent
soit présent, pour ce temps-là il ne peut pas ne pas être. Il peut ne
pas être à l'avenir: ceci ne regarde plus le contingent en tant que
présent, mais en tant que futur. Ainsi la certitude des sens n'est en
rien infirmée lorsque quelqu'un voit courir un homme, bien que
cette proposition soit contingente. Par conséquent toute connais-
sance qui porte sur le contingent en tant qu'il est présent, peut être
certaine. 158
166
conjecture à propos de «leurs causes» et une certitude conjecturale
à propos de certains «effets», en ces termes :
Quaedam igitur futura sunt quae in causis suis proximis determina-
ta sunt hoc modo, ut ex eis necessario contingant, sicut solem oriri
cras ; et tales effectus futuri in suis causis cognosci possunt.
Quidam vero futuri effectus in causis suis non sunt determinate, ut
aliter evenire non possit ; sed tamen eorum causae magis se ha-
bent ad unum quam ad alterum ; et ista sunt contingentia, quae ut
in pluribus vel paucioribus accidunt ; et huiusmodi effectus in cau-
sis suis non possunt cognosci infallibiliter, sed cum quadam certi-
tudine coniecturae.
Quidam autem effectus futuri sunt quorum causae indifferenter se
habent ad utrumque ; haec autem vocantur contingentia ad utrum-
libet, ut sunt illa praecipue quae dependent ex libero arbitrio. Sed
quia ex causa ad utrumlibet, cum sit quasi in potentia, non progre-
ditur aliquis effectus, nisi per aliquam aliam causam determinetur
magis ad unum quam ad aliud, ut probat Commentator in II Phys.
[comm. 48] ; ideo huiusmodi effectus in causis quidem ad utrum
libet nullo modo cognosci possunt per se acceptis. Sed si adiun-
gantur causae illae quae causas ad utrumlibet inclinant magis ad
unum quam ad aliud, potest aliqua certitudo coniecturalis de effec-
tibus praedictis haberi : sicut de his quae ex libero arbitrio depen-
dent, aliqua futura coniicimus ex consuetudinibus et complexioni-
bus hominum, quibus inclinantur ad unum.
Il est donc certains futurs qui sont déterminés dans leurs causes
prochaines de telle façon qu’ils résultent d’elles nécessairement,
comme « le soleil se lèvera demain » ; et de tels effets futurs peu-
vent être connus dans leurs causes.
D’autres effets futurs ne sont pas dans leurs causes de façon si
déterminée qu’il ne puisse en advenir autrement ; cependant leurs
causes sont disposées vers un possible plutôt que vers l’autre ; et
ce sont des contingents qui se produisent soit le plus souvent, soit
rarement. De tels effets peuvent être connus dans leurs causes
non point infailliblement, mais avec quelque certitude de conjec-
ture.
Mais il est d’autres effets futurs dont les causes se rapportent indif-
féremment à l’un et l’autre possible ; et ces futurs sont appelés «fu-
turs contingents pouvant être indifféremment l’un ou l’autre possi-
ble», tels ceux-là surtout qui dépendent du libre arbitre. Or, puis-
qu’une cause se rapportant indifféremment à l’un ou l’autre possi-
ble est quasiment en puissance, un effet ne peut en procéder que
si elle est déterminée par une autre cause à un possible plutôt qu’à
un autre, comme le prouve le Commentateur [Avicenne] au
167
deuxième livre de la Physique ; voilà pourquoi de tels effets ne
peuvent nullement être connus dans des causes se rapportant in-
différemment à l’un ou l’autre possible, prises en elles-mêmes.
Mais si, à ces causes, l’on ajoute celles qui les inclinent vers un
possible plutôt que vers un autre, alors on peut avoir une certitu-
de conjecturale sur les effets susdits : par exemple, sur les choses
qui dépendent du libre arbitre, nous conjecturons des futurs à partir
des habitudes et des tempéraments qui inclinent les hommes vers
une seule chose. 161
«Une certaine conjecture sur ces réalités dont on ne peut pas avoir
une pleine certitude» tolère-t-elle, non pas «une pleine certitude»,
mais au moins une certitude partielle comme la «certitude de con-
jecture» dont nous venons de prendre connaissance ?
169
Si on examine attentivement les mots que Thomas d’Aquin emploie,
la «certitude conjecturale sur les effets susdits» porte sur des effets
dépendant d’une «cause se rapportant indifféremment à l’un ou l’au-
tre possible», des effets qui «ne peuvent nullement être connus
dans des causes se rapportant indifféremment à l’un ou l’autre pos-
sible», des causes qui, de ce point de vue, sont «quasiment en
puissance», si bien qu’un «effet ne peut en procéder que si [cette
puissance] est déterminée par une autre cause à un possible plutôt
qu’à un autre».
Or, à cet égard, il s’impose de lire ce qu’il écrit à propos d’une «certi-
tude d’inclination», en la divisant de la certitude de connaissance,
en ces termes :
Praeterea, philosophus dicit in II Ethic. [cap. 5 (1106 b 14)], quod
virtus est certior omni arte. Sed aliquis habens artem, scit se habe-
re eam. Ergo et quando habet virtutem ; et sic quando habet carita-
tem, quae est maxima virtutum.
Objection 9 — Le Philosophe dit au deuxième livre de l’Éthique
[chapitre 5 (1106 b 14)] que la vertu est plus certaine que tout art.
Or celui qui possède un art sait qu’il l’a. Il sait donc aussi quand il a
la vertu ; et par conséquent, il sait quand il a la charité, qui est la
plus grande des vertus.
Ad nonum dicendum, quod virtus dicitur esse certior omni arte, cer-
titudine inclinationis ad unum, non autem certitudine cognitionis.
Virtus enim, ut dicit Tullius [De inventione II, 53, 159], inclinat ad
unum per modum cuiusdam naturae ; natura autem certius et di-
rectius pertingit ad unum finem quam ars ; et per hunc etiam mo-
dum dicitur quod virtus est certior arte, non quod certius aliquis
percipiat se habere virtutem, quam artem.
170
Réponse à l’objection 9 — Il est dit que la vertu est plus certaine
que tout art, par une certitude d’inclination vers une seule chose, et
non par une certitude de connaissance. Car la vertu, comme dit
Cicéron, incline vers une seule chose à la façon d’une certaine na-
ture ; or la nature atteint une unique fin plus certainement et plus
directement que l’art ; et c’est en ce sens également qu’il est dit
que «la vertu est plus certaine que l’art», non que l’on perçoive
plus certainement en soi la présence de la vertu que celle de
l’art. 163
Dans la formulation de l’objection, il est dit que «la vertu est plus
certaine que tout art». Et, l’argument qui est proposé au soutien de
l’assertion invoque un savoir (scit) : «sait qu’il l’a». C’est cet argu-
ment qui est attaqué par Thomas d’Aquin dans sa réponse : «non
par une certitude de connaissance». Cependant, une certitude d’in-
clination est retenue tant pour l’art que pour la vertu, alors que l’un
et l’autre concernent un futur à créer, comme nous l’avons déjà vu.
171
Thomas d’Aquin nous offre ensuite une seconde présentation de la
certitude dans laquelle il introduit des considérations sur le présent
et le futur, comme suit :
1. certitude de la connaissance qui porte sur le contingent en
tant qu'il est présent : cette connaissance peut être cer-
taine ; il semble bien que ce soit un cas qui tombe dans le
type : certitude de connaissance ;
172
inclinent vers un possible plutôt que vers un autre, alors
on peut avoir une certitude conjecturale sur les effets sus-
dits ;
5. certitude de la connaissance obtenue grâce à la puis-
sance qui est de nature à réduire analytiquement les con-
clusions à des quiddités : «le Philosophe l’appelle la
scientifique», et elle jouit de la certitude propre à la
science ; et il semble bien que ce soit un cas qui tombe
dans le type : certitude d’ordre ;
6. certitude d’inclination : la vertu est plus certaine que tout
art, par une certitude d’inclination vers une seule chose, et
non par une certitude de connaissance ; comme elle con-
cerne le libre arbitre, elle voisine la certitude conjecturale
des futurs contingents pouvant être indifféremment l’un ou
l’autre possible.
173
2. certitude de l’ordre : est certaine l’estimation de la réalité ob-
tenue surtout par la connaissance de la cause de la dite réalité,
ce pourquoi le nom «certitude» a été étendu de la connaissance
de la cause jusqu’à désigner la relation de la cause à l’effet, en
sorte que l’ordre de la cause à l’effet est dit certain :
2.1 selon qu’un ordre infaillible existe de l’une ou l’autre de
ces deux façons :
CARRÉ D’APULÉE
174
A. Tout homme est blanc. E. Aucun homme n’est blanc.
Et nous avions annoncé que, plus loin, nous reviendrions sur l’op-
position des propositions dites modales : nécessaire, impossible,
possible, contingent :
Purpurea Iliace
Amabimus Edentuli
175
EdEntUlI ” E == E == U == I
Pour Purpurea, les lettres signifient, dans l’ordre, ordre qui importe à
cause du double U :
Pour Iliace, les lettres signifient, dans l’ordre, ordre qui importe à
cause du double I :
I. Non-possibilité d'existence: Il n'est pas possible que le chef
soit brave.
I. Non-contingence d'existence: Il n'est pas contingent que le
chef soit brave.
A. Impossibilité d'existence: Il est impossible que le chef soit
brave.
E. Nécessité de non-existence: Il est nécessaire que le chef ne
soit pas brave.
Ces quatre propositions sont équipollentes.
Pour Amabimus, les lettres signifient, dans l’ordre, ordre qui importe
à cause du double A :
A. Possibilité d'existence: Il est possible que le chef soit brave.
A. Contingence d'existence: Il est contingent que le chef soit
brave.
I. Non-impossibilité d'existence: Il n'est pas impossible que le
chef soit brave.
U. Non-nécessité de non-existence: Il n'est pas nécessaire que
le chef ne soit pas brave.
Ces quatre propositions sont équipollentes.
176
Pour Edentuli, les lettres signifient, dans l’ordre, ordre qui importe à
cause du double E :
Dans ce carré, A(P) et E(E2E) sont des contradictoires : A(P) est la né-
cessité d’existence, et E(E2E) est la contingence de non-existence.
177
E(I) et A(A1A) sont des contradictoires : E(I) est la nécessité de non-
existence, et E(E2E) est la contingence de non-existence. Dans un
couple de contradictoires, si l’un est vrai, l’autre est faux ; et, il y en
a nécessairement un qui est vrai.
Par ailleurs, dans ce même carré, A(P) et E(I) sont des contraires ; si
l’un est vrai, l’autre est faux, mais ils peuvent être l’un et l’autre faux.
Et, A(A1A) et E(E2E) sont des sous-contraires ; si l’un est faux, l’autre
est vrai, mais ils peuvent être l’un et l’autre vrais.
Par exemple, dans le carré du chef, si A(A1A) est faux, E(E2E) est vrai,
E(E2E) est un cas de contingent déterminé : il est contingent que le
chef ne soit pas brave. Mais, si A(A1A) est vrai, et que E(E2E) est vrai,
c’est un cas de contingent indéterminé : il est possible que le chef
soit brave et il est contingent que le chef ne soit pas brave.
CERTITUDE DE CONNAISSANCE
178
signifie que la composition ou la division qui l’accompagne est réfu-
table ; elle est ou bien possible, ou bien contingente. Par exemple :
Si ce qui est obtenu de la simple vision est tel que l’intellect possible
pense (cogitate), puis discerne (discernere) que l’objet présente un
cas de tekmèrion-composition, alors il y a assentiment selon A(P) ;
s’il pense (cogitate), puis discerne (discernere) que l’objet présente
un cas de tekmèrion-division, alors il y a assentiment selon E(I).
Si ce qui est obtenu de la simple vision est tel que l’intellect possible
juge que l’objet présente un cas de non-tekmèrion-composition,
180
alors il incline vers une opinion selon A(A1A) ; s’il juge que l’objet pré-
sente un cas de non-tekmèrion-division, alors il incline vers une opi-
nion selon E(E2E).
Évidemment, si ce qui est obtenu de la simple vision est tel que l’in-
tellect possible juge que l’objet présente autant un cas de non-tek-
mèrion-composition qu’un cas de non-tekmèrion-division, alors il est
et demeure dans le doute.
Nous n’avons rien dit de l’évidence, alors que «la certitude implique
aussi l’évidence de ce à quoi l’assentiment est donné». Comme
nous l’avons vu plus haut, Thomas d’Aquin précise que l’évidence
fait en sorte que l’intellect possible ne cogite pas ; ce n’est pas né-
cessaire. Mais, avons-nous ajouté, s’il ne cogite pas sur la composi-
tion ou la division, il cogite sur le tekmèrion ou le non-tekmèrion.
Nous n’avons rien dit du degré de fermeté, alors que «la certitu-
de [implique] (...) : la fermeté de l’adhésion». Passer du non-tek-
mèrion au tekmèrion implique déjà un passage du doute à l’opinion,
et un passage de l’opinion à la certitude. À cet égard, il s’impose de
lire ce que Thomas d’Aquin écrit en ces termes :
Ad primum ergo dicendum, quod certitudo fidei dicitur media inter
certitudinem scientiae et opinionis non intensive per modum quanti-
tatis continuae, sed extensive per modum numeri. Certitudo enim
scientiae consistit in duobus, scilicet in evidentia, et firmitate
adhaesionis. Certitudo autem fidei consistit in uno tantum, scilicet
in firmitate adhaesionis. Certitudo vero opinionis in neutro. Quam-
vis certitudo fidei, de qua loquimur, quantum ad illud unum sit
vehementior quam certitudo scientiae quantum ad illa duo. Vel di-
cendum, quod loquitur de fide quae est opinio firmata rationibus,
non autem de fide infusa.
1. On dit que la certitude de la foi est intermédiaire entre la certi-
tude de la science et celle de l’opinion, non pas selon l’intensité, à
la manière d’une quantité continue, mais selon l’étendue, à la ma-
nière d’un nombre. En effet, la certitude de la science consiste en
deux choses : l’évidence et la solidité de l’adhésion. Mais la certi-
tude de la foi consiste dans une seule chose : la solidité de l’adhé-
sion. Mais la certitude de l’opinion [ne consiste] en aucune des
181
deux choses. Bien que la certitude la foi dont nous parlons soit plus
intense sous ce seul aspect que la certitude de la science sous les
deux aspects. Ou bien il faut dire qu’on parle de la foi qui est une
opinion confirmée appuyée sur des arguments, mais non de la foi
infuse. 168
1. La certitude et le singulier
Après que l’intellect agent ait abstrait les espèces intelligibles à l’in-
tention de l’intellect possible, ce dernier ne peut les intelliger sans
un recours aux images dont ces espèces intelligibles furent abstrai-
tes. Mais, d’où viennent ces images ? De la connaissance sensitive,
cette connaissance à laquelle contribuent cinq sens externes et qua-
tre sens internes.
184
d'une nécessité de conséquence. Cette proposition conditionnelle
est nécessaire : s’il est vu être assis, il est assis. Et de là, si la con-
ditionnelle est transformée en catégorique, de telle manière qu’il
soit dit : ce qui est vu assis est nécessairement assis, il est évident
que, comprise de dicto et composée, elle est vraie; mais, comprise
de re et divisée, elle est fausse.
Comme nous l’avons vu plus haut, «le passé ne peut pas ne pas
avoir été» ; bref, il est nécessaire, ou il ne peut pas être contingent,
et ce, même si, en son temps présent, il l’était avant qu’il
n’arrivât. 172 Par contre, le présent et le futur admettent le contin-
gent, comme Thomas d’Aquin le dit ici au numéro 2 :
• Le contingent ne répugne à la certitude de la connaissance
que pour autant qu'il est futur, et non en tant qu'il est présent.
• Le contingent, dès lors qu'il est futur, peut ne pas être.
• Mais que le contingent soit présent, il ne peut pas ne pas être
pour ce temps-là.
• Par conséquent toute connaissance qui porte sur le contin-
gent, en tant qu'il est présent, peut être certaine.
Or, ce qui ne peut pas ne pas être est nécessaire, et ce, par défini-
tion. Le nécessaire, c’est précisément ce qui ne peut pas ne pas
être. Sauf qu’il faut alors distinguer entre le «nécessaire absolu-
ment, ou, comme le disent certains, d'une nécessité de consé-
quent», et, le nécessaire «sous condition, ou d'une nécessité de
conséquence», écrit Thomas d’Aquin.
Dans une modale de re, le mode n’affecte pas tout le dictum, mais
seulement une partie du dictum, comme dans : «S est nécessaire-
ment P.» Ici, le mode «nécessairement» qualifie le verbe «est P»,
verbe qui n’est qu’une partie du dictum «S est P», l’autre partie étant
le sujet «S».
187
Dans le passage du Contra Gentiles que nous avons cité, Thomas
d’Aquin ne traite pas du possible, mais du nécessaire. Le néces-
saire peut être de dicto ou de re, comme le possible, ainsi que nous
le verrons bientôt.
188
Nous venons de voir que, dans une modale de dicto, le mode af-
fecte tout le dictum, dictum qui est pris comme le sujet dont le mode
est prédiqué. Qu’ajoute «composée» si «la modale composée est
celle en laquelle le mode est lui-même le prédicat, et le dictum lui-
même est sujet, comme si tu dis : «Que Pierre discute est
possible.» ? C’est que, «dans le sens composé, sont signifiées la
présence simultanée et l’union de deux formes dans un même su-
jet».
Nous venons aussi de voir que, dans une modale de re, le mode
n’affecte pas tout le dictum, mais seulement une partie. Qu’ajoute
«divisée» si «la modale divisée est celle en laquelle le mode pris
comme adverbe porte sur la copule, comme dans : «Pierre possi-
blement discute.» ? C’est que, «dans le sens divisé, est signifiée
l’union, ou la convenance de deux formes dans un même sujet, pas
en présence simultanée, mais successivement, ou l’une excluant
l’autre, car c’est divisément.»
189
un même sujet, ou l’une excluant l’autre, selon une nécessité
de conséquent.
190
hoc fit cognoscens, sed cognitum. Non enim per hoc quod species
quae est in pupilla, est similitudo coloris qui est in pariete, color est
videns, sed magis est visus.» 178
Pour que soit vrai le verbe intérieur exprimé dans le verbe extérieur :
«Il est nécessaire que Socrate soit assis de ce qu'il est vu assis.»,
s’impose le sens composé, qui signifie l’union simultanée des deux
formes dans un même sujet. Qui est le sujet ? Socrate, en tant qu’il
est assis et en tant qu’il est vu assis. Et «il est évident que, «compris
de re et divisé, il est faux».
C’est ainsi que la proposition : (1) «Il est nécessaire que, de ce qu’il
est vu assis, Socrate soit assis.» se réécrit en «cette proposition
conditionnelle [qui] est nécessaire : (2) ‘S’il est vu être assis, il est
assis.’»
191
to et composée, elle est vraie; mais, comprise de re et divisée, elle
est fausse».
Sauf que cette proposition conditionnelle : (2) «S’il est vu être assis,
il est assis.» se résout en une proposition catégorique (de inesse) :
(3) «Ce qui est vu assis est nécessairement assis.», là où le mot
«nécessairement» apparaît de manière ostensible, et ce, malgré
qu’elle soit catégorique (de inesse), et non modale. Comment est-ce
possible ?
192
teurs dont la «tradition logique» ne semble pas exiger une même
«façon purement formelle» de poser le problème.
2. La certitude et le contingent
Plus haut, nous avions annoncé que nous reviendrons sur les oppo-
sitions entre : nécessaire, impossible, possible, contingent, et ce,
après avoir décortiqué un enseignement de Thomas d’Aquin pris de
sa Summa Theologiae, Prima pars, Question 86, Article 3.
1. il s’ensuit que :
194
1.1. les choses contingentes comme telles sont connues
directement par le sens, indirectement par l’intelli-
gence ;
1.2. mais les raisons universelles et nécessaires impli-
quées dans le contingent sont connues par l’intelli-
gence ;
1.2.1. de là, si l’on considère l’universel dans les choses
scientifiquement connaissables, toutes les sciences
ont pour objet le nécessaire ;
1.2.2. mais si l’on considère les réalités elles-mêmes, il y
aura des sciences du nécessaire et des sciences
du contingent.
L’aspect du problème qui ne fut pas abordé est celui dont fait état le
numéro 1.2.2. Et l’exposé s’en trouve au Contra Gentiles, en ces
termes :
[24109] Contra Gentiles, lib. 1 cap. 67 n. 3 Item. Contingens a ne-
cessario differt secundum quod unumquodque in sua causa est:
contingens enim sic in sua causa est ut non esse ex ea possit et
esse; necessarium vero non potest ex sua causa nisi esse. Secun-
dum id vero quod utrumque eorum in se est, non differt quantum
ad esse, supra quod fundatur verum: quia in contingenti, secundum
id quod in se est, non est esse et non esse, sed solum esse, licet in
futurum contingens possit non esse.
Le contingent diffère du nécessaire selon la manière dont ils sont
contenus dans leur cause : le contingent est dans sa cause de telle
sorte qu'il puisse, à partir d'elle, être ou ne pas être; le nécessaire,
lui, ne peut qu'être, à partir de sa cause. Mais si l'on considère ce
que l'un et l'autre sont en eux-mêmes, il n'y a pas de différence au
point de vue de l'être, sur lequel se fonde le vrai. En effet, le con-
tingent, selon ce qu'il est en lui-même, ne comporte pas l'être et le
non-être, mais seulement l'être, bien que le contingent puisse ne
pas être dans le futur.
[24110] Contra Gentiles, lib. 1 cap. 67 n. 4 Amplius. Sicut ex causa
necessaria certitudinaliter sequitur effectus, ita ex causa contingen-
ti completa si non impediatur.
195
De même qu'un effet découle avec certitude d'une cause néces-
saire, ainsi le fait-il d'une cause contingente complète si elle n'est
pas empêchée.
Sauf que, «si l'on considère ce que l'un et l'autre sont en eux-mê-
mes, il n'y a pas de différence au point de vue de l'être, sur lequel se
fonde le vrai». En effet, «ce que l'un et l'autre sont en eux-mêmes»
s’exprime comme suit :
C’est précisément en ce sens que, «si l’on considère les réalités el-
les-mêmes», celles qui sont présentement, il y aura «des sciences
196
du nécessaire», d’une part, et même «des sciences du contingent»,
d’autre part.
3. La certitude et le futur
Plus haut, nous avons aussi vu que «les futurs [qui] sont encore
dans leurs causes (...) peuvent être connus (...) par nous». Nous
avons aussi vu que, «si les futurs sont dans leurs causes comme
devant en procéder le plus fréquemment, on les connaît alors par
une conjecture plus ou moins certaine, dans la mesure même où les
causes sont plus ou moins inclinées à produire leur effet».
197
quemment» ? Tel est l’aspect du problème qui ne fut pas examiné
jusqu’à maintenant : celui de la certitude de conjecture.
198
αἰσθητὰ τὰ ὄντα ἢ νοητά, ἔστι δ' ἡ ἐπιστήμη μὲν τὰ ἐπιστητά
πως, ἡ δ' αἴσθησις τὰ αἰσθητά· 2 πῶς δὲ τοῦτο, δεῖ ζητεῖν.
Τέμνεται οὖν ἡ ἐπιστήμη καὶ ἡ αἴσθησις εἰς τὰ πράγματα, ἡ
μὲν δυνάμει εἰς τὰ δυνάμει, ἡ δ' ἐντελεχείᾳ εἰς τὰ ἐντελεχείᾳ·
τῆς δὲ ψυχῆς τὸ αἰσθητικὸν καὶ τὸ ἐπιστημονικὸν δυνάμει
ταὐτά ἐστι, τὸ μὲν <τὸ> ἐπιστητὸν τὸ δὲ <τὸ> αἰσθητόν.
Ἀνάγκη δ' ἢ αὐτὰ ἢ τὰ εἴδη εἶναι. Αὐτὰ μὲν δὴ οὔ· οὐ γὰρ ὁ
λίθος ἐν τῇ ψυχῇ, ἀλλὰ τὸ 432a εἶδος· 182
200
dont la ressemblance intervient comme espèce dans une faculté
cognitive ne devient pas par cela connaissant, mais connu.)» S’il
devenait «par cela connaissant», «connaissant» nommerait «cela»
par dénomination intrinsèque ; par contre, «devient connu» nomme
«cela» par dénomination extrinsèque.
201
refertur; non ex eo quod aliud referatur ad ipsum. Duplum enim
refertur ad dimidium, et e converso; et similiter pater ad filium, et e
converso; sed hoc tertio modo aliquid dicitur relative ex eo solum,
quod aliquid refertur ad ipsum; sicut patet, quod sensibile et scibile
vel intelligibile dicuntur relative, quia alia referuntur ad illa. Scibile
enim dicitur aliquid, propter hoc, quod habetur scientia de ipso. Et
similiter sensibile dicitur aliquid quod potest sentiri.
Ensuite, où il dit: "Toute chose ... ", il entreprend de traiter du troi-
sième sens des relations. Ce sens diffère des deux autres en ce
que, dans les deux autres sens, chacun des êtres est relatif du fait
qu'il se rapporte lui-même à un autre, non du fait qu'un autre se
rapporte à lui. Le double dit rapport à la moitié et inversement;
semblablement, le père dit rapport au fils et inversement; sembla-
blement, le père dit rapport au fils et le fils au père. Mais dans ce
troisième sens, quelque chose est dit relatif du seul fait qu'un autre
se réfère à lui. Ainsi le sensible, le connaissable et l'intelligible sont
dits relativement, parce que d’autres êtres se rapportent à eux. Le
connaissable est dit relatif, parce qu'il y a une science qui porte sur
lui. Et on appelle sensible ce qui peut être senti.
[82592] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 27 Unde non dicitur
relative propter aliquid quod sit ex eorum parte, quod sit qualitas,
vel quantitas, vel actio, vel passio, sicut in praemissis relationibus
accidebat; sed solum propter actiones aliorum, quae tamen in ipsa
non terminantur. Si enim videre esset actio videntis perveniens ad
rem visam, sicut calefactio pervenit ad calefactibile; sicut calefacti-
bile refertur ad calefaciens, ita visibile referretur ad videntem. Sed
videre et intelligere et huiusmodi actiones, ut in nono huius dicetur,
manent in agentibus, et non transeunt in res passas; unde visibile
et scibile non patitur aliquid, ex hoc quod intelligitur vel videtur. Et
propter hoc non ipsamet referuntur ad alia, sed alia ad ipsa. Et si-
mile est in omnibus aliis, in quibus relative aliquid dicitur propter
relationem alterius ad ipsum, sicut dextrum et sinistrum in columna.
Cum enim dextrum et sinistrum designent principia motuum in re-
bus animatis, columnae et alicui inanimato attribui non possunt, nisi
secundum quod animata aliquo modo se habeant ad ipsam, sicut
columna dicitur dextra, quia homo est ei sinister. Et simile est de
imagine respectu exemplaris, et denario, quo fit pretium emptionis.
In omnibus autem his tota ratio referendi in duobus extremis, pen-
det ex altero. Et ideo omnia huiusmodi quodammodo se habent ut
mensurabile et mensura. Nam ab eo quaelibet res mensuratur, a
quo ipsa dependet.
Ainsi donc, ils ne sont pas dits relatifs parce qu'il y aurait de leur
côté quelque chose d'assimilable à la qualité ou à la quantité ou à
l'action ou à la passion, comme il arrivait dans les autres relations,
mais ils sont relatifs uniquement à cause de l'action d'autres êtres,
202
actions qui ne se terminent pas en eux. Si l’action de voir de celui
qui voit parvenait jusqu'à la chose vue, comme la caléfaction par-
vient au réchauffé, la chose vue serait relative au voyant. Mais voir
et intelliger et les actions de cette sorte demeurent dans leurs
agents et ne passent pas dans les choses qui les reçoivent,
comme on le dira dans le neuvième livre. C'est pourquoi, ces ob-
jets connus ne se rapportent pas aux autres, mais ce sont les au-
tres qui sont relatives à elles. Et le cas se répète partout où une
chose est dite relative à cause de la relation d'une autre chose à
elle-même. Ainsi la droite et la gauche par rapport à une colonne.
Comme la droite et la gauche désignent les principes des mouve-
ments dans les choses animées, elles ne peuvent être attribuées à
une colonne ou à une chose inanimée que si quelque être animé a
un certain rapport avec elles. Ainsi en est-il lorsqu'on dit que la co-
lonne est à droite parce qu'un homme est à gauche. Les cas de
l’image par rapport à son exemplaire et de la pièce de monnaie qui
signifie le prix de la vente sont semblables. Dans tous ces cas,
toute la raison de la relativité dans les deux extrêmes dépend d'un
seul extrême. Et tous ces cas se ramènent de quelque façon à la
relation du mesurable et de la mesure. Toute chose est mesurée
en effet par ce dont elle dépend.
[82593] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 28 Sciendum est
autem, quod quamvis scientia secundum nomen videatur referri ad
scientem et ad scibile, dicitur enim scientia scientis, et scientia sci-
bilis, et intellectus ad intelligentem et intelligibile; tamen intellectus
secundum quod ad aliquid dicitur, non ad hoc cuius est sicut su-
biecti dicitur: sequeretur enim quod idem relativum bis diceretur.
Constat enim quoniam intellectus dicitur ad intelligibile, sicut ad
obiectum. Si autem diceretur ad intelligentem, bis diceretur ad ali-
quid; et cum esse relativi sit ad aliud quodammodo se habere, se-
queretur quod idem haberet duplex esse. Et similiter de visu patet
quod non dicitur ad videntem, sed ad obiectum quod est color vel
aliquid aliud tale. Quod dicit propter ea, quae videntur in nocte non
per proprium colorem, ut habetur in secundo de anima.
Malgré que la science, d'après son vocable, semble se référer
aussi bien au savant qu'au connaissable, (on parle en effet de la
science du savant et de la science de l'objet connu, du concept de
l'intelligence et de la chose intelligible) cependant, en tant qu’elle
se dit relativement, elle ne se dit pas par rapport à ce qui est son
sujet; il s'ensuivrait qu'on répéterait deux fois la même chose. Car il
est évident que le concept se dit par relation à l'intelligible comme
à son objet. Si ce même concept se disait par référence au con-
naissant, il serait dénommé relatif par une double relation; et puis-
que l’essence du relatif est d'être un rapport à autre chose, il s'en-
suivrait que la même chose aurait une double essence. Le cas de
la vision est pareil au précédant: elle ne se dit pas par référence à
203
son sujet, mais à son objet qui est la couleur ou "quelque chose de
la sorte". Ce dernier membre de phrase est ajouté à cause des ob-
jets qui ne: sont pas vus par leur couleur propre pendant la nuit. Ce
qu'on a vu au second livre du De Anima.
[82594] Sententia Metaphysicae, lib. 5 l. 17 n. 29 Quamvis et hoc
recte posset dici, scilicet quod visus sit videntis. Refertur autem
visus ad videntem, non inquantum est visus, sed inquantum est
accidens, vel potentia videntis. Relatio enim respicit aliquid extra,
non autem subiectum nisi inquantum est accidens. Et sic patet,
quod isti sunt modi, quibus aliqua dicuntur secundum se ad aliquid.
Cela ne s'oppose pas à ce que l'on puisse dire correctement que la
vue appartient au voyant. Le même ne se réfère pas au voyant en
tant qu’elle est vue mais en tant qu'elle est l’accident ou une puis-
sance du voyant. La relation se rapporte à quelque chose d’exté-
rieur au sujet ; elle ne dit rapport à son sujet qu’en tant qu'elle est
accident. Il est donc manifeste que ce sont là les sens selon les-
quels les choses sont dites relatives par soi. 187
(3) «Il neige» est une proposition vraie si et seulement s’il neige. 190
Alfred Tarski déclare qu’il «ne cherche qu’à saisir les intuitions ex-
primées par la conception dite ‘classique’ de vérité, c’est-à-dire par
cette conception selon laquelle ‘vraiment’ signifie la même chose
que ‘conformément à la réalité’», afin de tirer au clair «certaines
tournures concrètes de la langue quotidienne, du type “x est une
proposition vraie”». Le «schéma général de ce genre de proposi-
tions», dit-il, est :
206
chose d’extérieur au sujet ; elle ne dit rapport à son sujet qu’en tant
qu'elle est accident.»
Par ailleurs, les explications que nous avons donné plus haut à pro-
pos du vrai théorétique concerne, non pas le verbe extérieur, donc
le «x» d’Alfred Tarski, mais bien le verbe intérieur proféré sans la
voix, donc le sous-jacent de «p» ; c’est ce dernier dont le vrai est en
rapport avec le réel. C’est ainsi que «le nom entre guillemets» qu’est
«il neige» est le signe de ce qu’il y a intelligence ou verbe intérieur
de la chose à laquelle ce nom s’applique, i.e. la neige ; mais la
chose à laquelle ce nom s’applique, la neige, n’est pas un relatif, ce
à quoi contrevient le «si et seulement s’il neige». C’est pourquoi «à
n’importe quelle intelligence vraie [de la neige] doit nécessairement
correspondre un étant [qu’est la neige], et vice versa», étant enten-
du que ce «correspondre» est une nécessité de conséquence.
Mais, «il nous arrive, — à nous dont la connaissance part des cho-
ses, — de connaître les choses nécessaires non pas selon un mode
de nécessité mais seulement selon un mode de probabilité», écrit
Thomas d’Aquin au Contra Gentiles, dans ces trois numéros du
chapitre 67 :
[24111] Contra Gentiles, lib. 1 cap. 67 n. 5 Adhuc. Effectum exce-
dere suae causae perfectionem non contingit, interdum tamen ab
ea deficit. Unde, cum in nobis ex rebus cognitio causetur, contingit
interdum quod necessaria non per modum necessitatis cognosci-
mus, sed probabilitatis.
Qu'un effet dépasse la perfection de sa cause, voilà qui n'arrive
pas; mais ce qui peut arriver, c'est qu'il soit déficient par rapport à
elle. C'est ainsi qu'il nous arrive, - à nous dont la connaissance part
des choses, - de connaître les choses nécessaires non pas selon
un mode de nécessité mais seulement selon un mode de probabili-
té.
[24112] Contra Gentiles, lib. 1 cap. 67 n. 6 Praeterea. Effectus non
potest esse necessarius cuius causa est contingens: contingeret
enim effectum esse remota causa. Effectus autem ultimi causa est
et proxima et remota. Si igitur proxima fuerit contingens, eius effec-
tum contingentem oportet esse, etiam si causa remota necessaria
sit: sicut plantae non necessario fructificant, quamvis motus solis
sit necessarius, propter causas intermedias contingentes.
Un effet dont la cause est contingente ne peut être nécessaire; car
il arriverait que l'effet existe, malgré l'éloignement de sa cause. Or
la cause d'un effet ultime est à la fois une cause prochaine et une
cause éloignée. Si donc la cause prochaine est contingente, son
effet devra être contingent, même si la cause éloignée est une
cause nécessaire: ainsi les plantes ne donnent pas nécessaire-
ment des fruits bien que le mouvement solaire soit nécessaire, et
cela en raison des causes contingentes intermédiaires.
[24113] Contra Gentiles, lib. 1 cap. 67 n. 7 Item. Ordo autem con-
tingentium ad suas causas proximas est ut contingenter ex eis pro-
veniant.
Mais le rapport des effets contingents à leurs causes prochaines
est qu'ils procèdent d'elles d'une manière contingente.
208
Ainsi, lorsqu’il «nous arrive, - à nous dont la connaissance part des
choses, - de connaître les choses nécessaires non pas selon un
mode de nécessité mais seulement selon un mode de probabilité»,
ce qui est le cas de la certitude dite de conjecture, n'y a-t-il pas alors
pour nous une «différence au point de vue de l'être, sur lequel se
fonde le vrai» ?
Le tout des cas se divise en deux parts : l’une contient plus de cas
que l’autre, ce pourquoi elle est dite «plu-part». Le vrai embrasse le
tout des cas ; le vraisemblable, la plupart des cas. Un cas s’envi-
sage pour le temps présent : «est ou n’est pas (ἢ ὂν ἢ μὴ ὄν)». Il
209
s’envisage pour le futur : «arrive ou n’arrive pas (οὕτω γινόμενον ἢ
μὴ γινόμενον)».
La thèse de Thomas d’Aquin est que, «en tant que les futurs sont
encore dans leurs causes (prout sunt in suis causis), ils peuvent être
connus même par nous (cognosci possunt etiam a nobis)», sauf
que :
Les numéros 6 et 7, par contre, concernent des effets qui sont dans
une cause contingente. Et alors s’impose la distinction entre le con-
210
tingent présent, celui qui «ne peut pas ne pas être pour ce temps-
là», et dont la connaissance peut être certaine, et le contingent futur,
celui qui peut ne pas être dans le futur, et dont la connaissance
donne lieu à une conjecture plus ou moins certaine. Cette conjec-
ture porte sur la «cause contingente complète» dont l’effet «découle
avec certitude», «si elle n'est pas empêchée», comme le numéro 4
le précise.
Cet enseignement n’a pas vieilli, et ce, même si, de nos jours, les
mathématiques ont été introduites. Mais, tel n’est pas notre sujet.
Notre sujet, c’est la mesure de certitude (modum certitudinis) à re-
chercher en cette matière (in hac materia exquirendus). À cet égard,
212
«on ne doit pas rechercher une démonstration certaine et néces-
saire (non est exquirenda certa demonstratio et necessaria)».
213
qui est divisé est divisé (τὸ διῃρημένον οἰόμενος διῃρῆσθαι),
que ce qui est réuni est réuni (τὸ συγκείμενον συγκεῖσθαι) ; on
est dans le faux (ἔψευσται), quand on a une pensée qui est à
l’opposé (ὁ ἐναντίως [5], ἔχων ἢ τὰ πράγματα) de ce que les
choses sont, ou ne sont pas (πότ' ἔστιν ἢ οὐκ ἔστι); et ce qu’on
dit alors est vrai ou faux (τὸ ἀληθὲς λεγόμενον ἢ ψεῦδος). 197
217
tout, ni l’une, savoir qu’il possède la vue, ni l’autre, savoir
qu’il est aveugle, n’est vraie. Si Socrate existe, il n’est pas
nécessaire que l’une de ces expressions soit vraie, et l’au-
tre fausse : lorsque Socrate n’est pas encore naturelle-
ment capable de voir, les deux propositions sont fausses.
Considérons d’abord :
1. du point de vue des propositions : Socrate est malade (af-
firmation) et Socrate n’est pas malade (négation) ;
Considérons ensuite :
1. du point de vue des propositions : Socrate se porte bien
(affirmation) et Socrate est malade (affirmation) ;
2. du point de vue de la réalité : la composition (Socrate se
porte bien) et la composition (Socrate est malade) ;
218
4. si Socrate n’existe pas, ni l’une ni l’autre des propositions
n’est vraie.
Considérons enfin :
1. du point de vue des propositions : Socrate possède la vue
(affirmation) et Socrate est aveugle (affirmation);
2. du point de vue de la réalité : la composition (Socrate
possède la vue) et la composition (Socrate est aveugle) ;
3. si Socrate existe : il n’est pas nécessaire que l’une des
propositions soit vraie, et que l’autre soit fausse : lorsque
Socrate n’est pas encore naturellement capable de voir,
les deux propositions sont fausses ;
4. si Socrate n’existe pas : ni l’une, selon laquelle il possède
la vue, ni l’autre, selon laquelle il est aveugle, n’est vraie.
219
C’est ce problème que Thomas d’Aquin examine dans sa Summa
Theologiae, Prima pars, alors qu’il s’emploie à situer le vrai et le
faux, l’un par rapport à l’autre : «Videtur quod verum et falsum non
sint contraria.» (Est-ce que le vrai et le faux sont des contrai-
res ?) 202 . Il s’appuie alors sur : «Sed contra est quod dicit philoso-
phus, in II Periherm., ponit enim falsam opinionem verae contrariam.
(En sens contraire, le Philosophe pose qu’une opinion fausse est le
contraire d’une vraie)».
220
Ce texte situe les «considérons d’abord», «considérons ensuite» et
«considérons enfin» selon leurs principes, comme suit :
221
contraire est : “Le bon n’est pas bon”.)» Dans De l’interprétation,
l’argument se trouve à la ligne 24a 5 :
Est-ce évident pour : Callias est juste, Callias n’est pas juste, Callias
est injuste ? À la note 6, Jean Tricot écrit : «Mais ces propositions
singulières ne sont-elle pas des contradictoires ? (supra 7, 17b 28)»
222
En effet, à la ligne 17b 28, Aristote écrit : «Dans tout couple de con-
tradictoires portant sur des universels et prises universellement,
l’une est ainsi nécessairement vraie, et l’autre nécessairement
fausse. Et c’est aussi le cas de celles qui portent sur des singuliers :
par exemple, Socrate est blanc, Socrate n’est pas blanc.» Mais,
Jean Tricot, en note 1, écrit : «Plus précisément, quand l’une des
contradictoires est universelle, et l’autre particulière». 208 Et nous
précisons : «quand l’une des contradictoires est prise universelle-
ment, et l’autre particulièrement».
À cet égard, Thomas de Vio introduit une distinction entre une con-
trariété en raison du mode de l’opposition et une contrariété en rai-
son de la signification, en ces termes :
Est igitur in enunciationibus duplex contrarietas, una ratione modi,
altera ratione significationis, et unica contradictio, scilicet ratione
modi. Et, ut confusio vitetur, prima contrarietas vocetur contrarietas
modalis, secunda contrarietas formalis. Contradictio autem non ad
confusionis vitationem quia unica est, sed ad proprietatis expres-
sionem contradictio modalis vocari potest. 209
Il y a, donc, dans les énonciations, une double contrariété, l’une en
raison du mode, l’autre, en raison de la signification, et seulement
la contradiction l’est en raison du mode. Afin d’éviter toute confu-
sion, la première contrariété est appelée ‘contrariété modale’, la
seconde, ‘contrariété formelle’. Cependant, la contradiction peut
être appelée ‘contradiction modale’, non pas en vue d’éviter une
confusion, puisqu’elle est unique, mais en vue de la propriété de
l’expression. 210
223
A. Tout Callias est juste. E. Aucun Callias n’est juste.
225
Avons-nous là la réponse à notre question : «De quelle nature est
l’opposition décrite dans les deux paragraphes (sus-dits) ?
226
Dès lors, si «le vrai et le faux s’opposent comme des contraires, et
non comme l’affirmation et la négation», comment se situe le vrai-
semblable par rapport au vrai et au faux ?
Mais, vrai et faux peuvent aussi se dire avec une liaison : ... est vrai,
ou ... est faux. Dans ce cas, nous rencontrons le problème que nous
avons examiné pour bon. «Le bon est bon.», «Le bon n’est pas
bon.», «Le bon est mal.» deviennent : «Le vrai est vrai.», «Le vrai
n’est pas vrai.», «Le vrai est faux.»
Pour le bon, Aristote oppose écrit que le jugement «Le bon n’est pas
bon.» est le contraire par soi du jugement «Le bon est bon.», alors
que le jugement «Le bon est mal.» est le contraire par accident du
228
jugement : «Le bon est bon.» Et, à la ligne 23b 18, il précise : «Or, le
jugement le bon n’est pas bon est un jugement faux portant sur ce
qui appartient au bon par essence [par soi], tandis que le jugement
le bon est mal porte sur ce qui appartient au bon par accident. Il en
résulte que le jugement qui énonce la négation du bon [le bon n’est
pas bon] sera plus faux que celui qui énonce le contraire du bon [le
bon est mal].»
Portons attention à ce que : «Le vrai est vrai» est vrai. «Le vrai n’est
pas vrai.» est non seulement faux, mais il est plus faux que n’est
faux : «Le vrai est faux.», et ce, parce que le premier est le contraire
par soi de «Le vrai est vrai», alors que le second est le contraire par
accident de «Le vrai est vrai». Dès lors, qu’en est-il de ces six énon-
ciations :
Six énonciations
229
Six énonciations
231
τὸ Γ οὐκ ἀεί (ὃ γὰρ ὅλως μὴ ξύλον, οὐδὲ ξύλον ἔσται οὐ
λευκόν). Ἀνάπαλιν τοίνυν, ᾧ τὸ Α, τὸ Δ παντί (ἢ γὰρ τὸ Γ ἢ τὸ
Δ· ἐπεὶ δ´ οὐχ οἷόν τε ἅμα εἶναι μὴ λευκὸν καὶ λευκόν, τὸ Δ
ὑπάρξει· κατὰ γὰρ τοῦ ὄντος λευκοῦ ἀληθὲς εἰπεῖν ὅτι οὐκ
ἔστιν οὐ λευκόν), κατὰ δὲ τοῦ Δ οὐ παντὸς τὸ Α (κατὰ γὰρ τοῦ
ὅλως μὴ ὄντος ξύλου οὐκ ἀληθὲς τὸ Α εἰπεῖν, ὡς ἔστι ξύλον
λευκόν, ὥστε τὸ Δ ἀληθές, τὸ δ´ Α οὐκ ἀληθές, ὅτι ξύλον
λευκόν). Δῆλον δ´ ὅτι καὶ τὸ Α Γ οὐδενὶ τῷ αὐτῷ καὶ τὸ Β καὶ
τὸ Δ ἐνδέχεται τινὶ τῷ αὐτῷ ὑπάρξαι. 224
TABLEAU II
233
14. B (n’être pas bon) et Δ (n’être pas non-bon) sont com-
patibles ; ils peuvent appartenir au même sujet en
même temps.»
TABLEAU III
234
11. A (être vrai) est antécédent de Δ (n’être pas non-vrai), son
conséquent ; il faut choisir entre Γ (être non-vrai) et Δ
(n’être pas non-vrai); mais A (être vrai) et Γ (être non-vrai)
sont des contraires ; reste donc Δ (n’être pas non-vrai);
12. Γ (être non-vrai) n’est pas toujours antécédent de A (être
vrai); de ce qui n’existe pas, on peut affirmer Δ (n’être pas
non-vrai), mais non A (être vrai);
13. A (être vrai) et Γ (être non-vrai) sont des contraires ;
14. B (n’être pas vrai) et Δ (n’être pas non-vrai) sont compati-
bles ; ils peuvent appartenir au même sujet en même
temps.»
TABLEAU IV
Comme «6. B (n’être pas vrai) et Δ (n’être pas non-vrai) sont com-
patibles, i.e. qu’ils peuvent appartenir au même sujet en même
temps», nous pouvons joindre ces deux termes indéfinis comme
suit : «Δ (n’être pas non-vrai) et B (n’être pas vrai)». Et, comme «5.
A (être vrai) et Γ (être non-vrai) sont des contraires», et que «l’un ou
l’autre n’appartient pas nécessairement au sujet, il existe entre eux un in-
termédiaire» : «Δ (n’être pas non-vrai) et B (n’être pas vrai)».
235
Il est donc acquis que, selon Aristote, l’expression n’être pas non-
vrai et n’être pas vrai, constituée de deux verbes indéfinis, peut
donc exister comme intermédiaire entre A : est vrai et Γ : est non-
vrai, et que les conditions en sont données dans «l’ordre des attribu-
tions» exposé ci-haut.
Le sujet que nous cherchons est donc une φάσις, parfois une
ἀπόφασις, parfois une κατάφασις, souvent une πρότασις
ἀντιφάσεως.
La φάσις est un sujet dont on prédique soit «[A] est vraie», soit «[B]
n’est pas vraie», puisque «7. A (être vrai), à l’exclusion de B (n’être
pas vrai), ou B (n’être pas vrai), à l’exclusion de A (être vrai), appar-
tient à un sujet, mais A (être vrai) et B (n’être pas vrai) ne peuvent
pas appartenir au même sujet en même temps».
La φάσις est aussi un sujet dont on prédique soit «[Γ] est non-
vraie», soit «[Δ] n’est pas non-vraie», puisque «8. Γ (être non-vrai) à
l’exclusion de Δ (n’être pas non-vrai), ou Δ (n’être pas non-vrai), à
l’exclusion de Γ (être non-vrai), appartient à un sujet, mais Γ (être
non-vrai) et Δ (n’être pas non-vrai) ne peuvent pas appartenir au
même sujet en même temps».
236
La φάσις est enfin un sujet dont on prédique «[Δ] n’est pas non-
vraie et [B] n’est pas vraie», puisque «14. B (n’être pas vrai) et Δ
(n’être pas non-vrai) sont compatibles en ce qu’ils peuvent apparte-
nir au même sujet en même temps».
Dans le cas où la φάσις est un sujet dont on prédique «[Δ] n’est pas
non-vraie et [B] n’est pas vraie», et que le sujet est précisément au-
tant une partie de la contradiction (πρότασις ἀντιφάσεως) que l’au-
tre, on est dans le doute. Mais, qu’en est-il si le sujet est plus une
partie de la contradiction (πρότασις ἀντιφάσεως) que l’autre ? On
est dans l’opinion.
Une opinion n’est pas vraie (B : n’être pas vrai) et n’est pas non-
vraie (Δ : n’être pas non-vrai), ce sans quoi elle n’est pas ce qu’elle
est, une opinion : pour toute opinion, elle n’est pas vraie et n’est pas
non-vraie.
Cependant, elle peut être dite semblable au vrai parce que n’être
pas non-vrai (Δ) la sépare moins de être vrai (A) que n’être pas vrai
(B) qui, lui, la sépare plus du vrai en ce qu’il est dissemblable au
vrai, ce qui appert du Tableau IV où «1. A (être vrai) et B (n’être pas
vrai) sont des contradictoires», alors que «4. Δ (n’être pas non-vrai)
est conséquent de A (être vrai), son antécédent :
238
TABLEAU IV
Notons bien que c’est elle, la proposition (πρότασις), qui est proba-
ble (ἐστι ἔνδοξος) ; πρότασις est le sujet de ἐστι ἔνδοξος. Et
c’est parce qu’elle est probable (ἐστι ἔνδοξος) que cette proposi-
tion (πρότασις) est vraisemblable (εἰκός). La définition :
vraisemblable (εἰκός) définiendum : proposition (πρότασις) probable
(ἔνδοξος) definiens
La connaissance qui connaît que les causes sont plus ou moins in-
clinées à produire tel effet est une conjecture plus ou moins certaine
«au point de vue de l'être, sur lequel se fonde le vrai». Il est ainsi
vraiment connu que le tout des cas se partage en deux parts : la
plus-part et la moins-part.
240
Par contre, la connaissance que, lorsqu’il se produira, tel effet sin-
gulier contingent tombera effectivement dans la plus-part ou dans la
moins-part, cette connaissance, elle, est et ne peut que vraisembla-
ble. Elle n’est pas une conjecture plus ou moins certaine.
Enfin, lorsqu’il «nous arrive, - à nous dont la connaissance part des
choses, - de connaître les choses nécessaires non pas selon un
mode de nécessité mais seulement selon un mode de probabilité»,
cette connaissance qui prend le mode de la probabilité prend le
mode de l’opinion. Or, toute opinion est et ne peut être que vraisem-
blable.
EN SOMME
241
2.1 selon qu’un ordre infaillible existe de l’une ou l’autre de
ces deux façons :
Si ce qui est obtenu de la simple vision est tel que l’intellect possible
pense (cogitate), puis discerne (discernere) que l’objet présente un
cas de tekmèrion-composition, alors il y a assentiment selon A(P) ;
s’il pense (cogitate), puis discerne (discernere) que l’objet présente
un cas de tekmèrion-division, alors il y a assentiment selon E(I).
Si ce qui est obtenu de la simple vision est tel que l’intellect possible
juge que l’objet présente un cas de non-tekmèrion-composition,
alors il incline vers une opinion selon A(A1A) ; s’il juge que l’objet pré-
sente un cas de non-tekmèrion-division, alors il incline vers une opi-
nion selon E(E2E).
243
Évidemment, si ce qui est obtenu de la simple vision est tel que l’in-
tellect possible juge que l’objet présente autant un cas de non-tek-
mèrion-composition qu’un cas de non-tekmèrion-division, alors il est
et demeure dans le doute.
244
En ce qui concerne la certitude et le singulier, en toute enquête de la
raison théorétique, notre intellect connaît directement l’universel, et
indirectement, par une sorte de réflexion, il connaît le singulier. C’est
ainsi que, par exemple, il affirme : «Socrate est homme.» Comment
y parvient -il ?
Après que l’intellect agent ait abstrait les espèces intelligibles à l’in-
tention de l’intellect possible, ce dernier ne peut les intelliger sans
un recours aux images dont ces espèces intelligibles furent abstrai-
tes. Mais, d’où viennent ces images ? De la connaissance sensitive,
cette connaissance à laquelle contribuent cinq sens externes et qua-
tre sens internes.
245
jet singulier, il reporte l’interrogation sur Socrate, selon qu’il est assis
et qu’il est vu assis.
Sauf que cette proposition conditionnelle : (2) «S’il est vu être assis,
il est assis.» est réductible en une proposition catégorique (de
inesse) : (3) «Ce qui est vu assis est nécessairement assis.», là où
le mot «nécessairement» apparaît de manière ostensible, et ce,
malgré qu’elle soit catégorique (de inesse), et non modale. C’est
que, dans les propositions catégoriques (de inesse), le sens compo-
sée dérive de la modale composée, et le sens divisé dérive de la
modale divisée.
246
Mais, la problématique de la certitude concernant le singulier diffère
selon que l’une ou l’autre des trois acceptions de «universel» est
impliquée : celle du De l’interprétation ; celle des Premiers analyti-
ques ; celle des Seconds analytiques.
Sauf que, «si l'on considère ce que l'un et l'autre sont en eux-mê-
mes, il n'y a pas de différence au point de vue de l'être, sur lequel se
fonde le vrai». En effet, «ce que l'un et l'autre sont en eux-mêmes»
s’exprime comme suit :
a) le nécessaire est présentement, et il ne peut pas ne plus être
dans le futur ;
b) le contingent déterminé est présentement, mais peut ne plus
être dans le futur.
247
C’est ainsi que, manifestement, «le contingent, selon ce qu'il est en
lui-même, ne comporte pas l'être et le non-être, mais seulement
l'être, bien que le contingent puisse ne pas être dans le futur».
Le tout des cas se divise en deux parts : l’une contient plus de cas
que l’autre, ce pourquoi elle est dite «plu-part». Le vrai embrasse le
tout des cas ; le vraisemblable, la plupart des cas. Un cas s’envi-
sage pour le temps présent : «est ou n’est pas (ἢ ὂν ἢ μὴ ὄν)». Il
248
s’envisage pour le futur : «arrive ou n’arrive pas (οὕτω γινόμενον ἢ
μὴ γινόμενον)».
«En tant que les futurs sont encore dans leurs causes, ils peuvent
être connus même par nous», sauf que :
• «s’ils se trouvent en elles comme en des principes dont ils
procèdent nécessairement, on les connaît avec la certitude
de la science» ;
249
À cet égard, il convient de rappeler que : «Aucune des expressions
qui se disent sans aucune liaison n’est vraie ou fausse» ; c’est aussi
le cas pour vrai et faux. C’est de ce point de vue que «le vrai et le
faux s’opposent comme des contraires».
Mais, vrai et faux peuvent aussi se dire avec une liaison : ... est vrai,
ou ... est faux. Dans un tel cas, l’expression «... est vrai» ou « ... est
faux» sera prédiquée d’un sujet. Ce sujet est une déclaration
(φάσις), parfois affirmative (ἀπόφασις), parfois négative
(κατάφασις), ou une proposition qui, à ce titre, est une partie de la
contradiction (πρότασις ἀντιφάσεως).
«Ce qu’on dit» s’entend ici selon que : «on pense que ce qui est di-
visé est divisé, que ce qui est réuni est réuni», ou que : «on a une
pensée qui est le contraire de ce que les choses sont, ou ne sont
pas». Dans un tel cas, les verbes est vrai et est faux ne sont pas in-
définis.
251
de différence au point de vue de l'être, sur lequel se fonde le vrai».
Le vraisemblable n’est donc pas en cause.
La connaissance qui connaît que les causes sont plus ou moins in-
clinées à produire tel effet est une conjecture plus ou moins certaine
«au point de vue de l'être, sur lequel se fonde le vrai». Il est ainsi
vraiment connu que le tout des cas se partage en deux parts : la
plus-part et la moins-part.
252
Par contre, la connaissance que, lorsqu’il se produira, tel effet singu-
lier contingent tombera effectivement dans la plus-part ou dans la
moins-part, cette connaissance, elle, est et ne peut que vraisembla-
ble. Elle n’est pas une conjecture plus ou moins certaine.
253
164 François Chenique, Éléments de logique classique, L’art de penser, de juger et
de raisonner, Paris, 2006, l’Harmattan, p. 156-157 et 175,
http://books.google.ca/books/about/%C3%89l%C3%A9ments_de_logique_classiq
ue.html?id=cr1xDaplEPcC&redir_esc=y
165 Question 14, Article 2, réponse à l’objection 15,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
166 Question 14, Article 1, Réponse à l’objection 7,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputees
surlaverite.htm
167 Scriptum super Sententiis, Commentaire des sentences de Pierre Lombard,
traduction par Jacques Ménard, Livre 3, Distinction 25, Question 2, Article 2,
Sous-question 1, Réponse à l’objection 1 :
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/SENTENCES3.htm
168 Scriptum super Sententiis, Commentaire des sentences de Pierre Lombard,
traduction par Jacques Ménard, Livre 3, Distinction 23, Question 2, Article 2,
Sous-question 3, Réponse à l’objection 1 :
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/SENTENCES3.htm
169 Jacqueline Picoche, Dictionnaire étymologique du français, Les usuels, Dic-
tionnaires Le Robert, Paris, 1992
170 Scriptum super Sententiis, Commentaire des sentences de Pierre Lombard,
traduction par Jacques Ménard, Livre 3, Distinction 26, Question 2, Article 4, Ré-
ponse, http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/SENTENCES3.htm
171 Pour le texte latin : Summa contra Gentiles,
http://www.corpusthomisticum.org/scg1044.html#24106
Pour le texte français, parfois légèrement modifié : Éditions du Cerf, Somme con-
tre les gentils, Livre I, Chapitre 67,
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/contragentiles.htm
172 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristoteethiquenicom
aque.htm
173 De propositionibus modalibus, http://www.corpusthomisticum.org/dpp.html ; ce
texte daterait du milieu du XIIIe siècle (vers 1244-45, mais avant 1251), écrit Sara
L. Uckelman, dans On modal propositions,
http://lyrawww.uvt.nl/~sluckelman/latex/modalibus/modalibus.pdf
174 Sara L. Uckelman, On modal propositions, Institute for Logic, Language, and
Computation, February 13, 2012,
http://lyrawww.uvt.nl/~sluckelman/latex/modalibus/modalibus.pdf
175Grzegorz Stolarski, La possibilité et l'être: un essai sur la détermination du fon-
dement ontologique de la possibilité dans la pensée de Thomas d’Aquin, Fribourg,
2001, Éditions universitaires, Université de Fribourg, p. 83,
http://books.google.ca/books?id=7-4RvGsxLAsC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=De+pr
opositionibus+modalibus&source=bl&ots=VbH0mcMZMT&sig=QXxCdzyFZBMwn
zbeun3y3s069sQ&hl=fr&sa=X&ei=-XIUVJDnHo2WyASv94GQCw&ved=0CEEQ6
AEwBQ#v=onepage&q=De%20propositionibus%20modalibus&f=false
254
176 Jean Poinsot, Logica, Paris, 1883, Ludovicus Vivès, p. 41,
http://books.google.ca/books?id=PXo_AAAAYAAJ&redir_esc=y
177 Notre traduction
178Sentencia De anima, Livre 3, Leçon 7, Numéro 24,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairedeanima.h
tm#_Toc328863985
179 71a 16-24, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/analyt2gr.htm#15
180 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotesecondsanaly
stiques.htm
181Question 1, Article 2, Objection 2,
docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputeessurla
verite.htm
182 431b 20 - 432a 1,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/ame3a.htm#VIII
183 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotedelame.htm#_T
oc133572503
184Question 1, Article 2, Réponse à l’objection 2,
docteurangelique.free.fr/bibliotheque/questionsdisputees/questionsdisputeessurla
verite.htm
185 Sentencia De anima, Livre 3, Leçon 13, Numéro 3,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairedeanima.h
tm#_Toc328863991
186Institut Docteur Angelique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotemetaphysiqu
epascalenau2008.htm
187Texte latin : http://www.corpusthomisticum.org/cmp05.html#82591
Texte français :
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairemetaphysi
que.htm#_Toc303021875
188 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/topiques1gr.htm
189 Aristote, Organon, V Les Topiques, traduction nouvelle et notes par Jean Tri-
cot, nouvelle édition, Paris, 1974, Librairie philosophique J. Vrin
190 Alfred Tarski, Sur le concept de la vérité dans les langues formalisées, § 1 , Le
concept de la proposition vraie dans la langue quotidienne, dans Logique, séman-
tique, métamathématique, 1923-1944, tome 1, traduction sous la direction de
Gilles Granger, Paris, 1972, Librairie Armand Colin, p. 157, spécialement p. 160 et
162-163 ; ce texte est repris en partie à
http://ufr6.univ-paris8.fr/Math/spip/IMG/pdf/Tarski.pdf
191 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/analyt227.htm
192 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/meteorologiegr.htm#71
255
193 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/philosophie/commentairemeteores.
htm#_Toc318053669
194 Sententia Super Meteora, Livre 1, Chapitre 1, Numéro 1
195 Sententia Super Meteora, Livre 1, Chapitre 11, Numéro 1
196Aristote, Métaphysique,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphyque9gr.htm#104
197 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/Aristotemetaphysiqu
epascalenau2008.htm
198Aristote, Catégories, 12 b 5,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/categories.htm#X
199 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/AristoteCategories.ht
m
200 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/categories.htm#X
201 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/AristoteCategories.ht
m
202 Question 17, Article 4
203 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia14.htm
204 Aristote, Organon, II De l’interprétation, traduction et notes par Jean Tricot, Pa-
ris, 1984, Librarie philosophique J. Vrin
205 Expositio libri Peryermeneias, Commentary by Thomas Aquinas finished by
Cardinal Cajetan, translated by Jean T. Oesterle, Milwaukee, 1962, Marquette
University Press, dhspriory.org/thomas/PeriHermeneias.htm#B14
206 Aristote, op. cit., 23a 30
207 Aristote, ibidem, 24 b 2
208 Aristote, Organon, II De l’interprétation, traduction et notes par Jean Tricot, Pa-
ris, 1984, Librarie philosophique J. Vrin, note 1
209Expositio libri Peryermeneias, Thomas de Vio, Livre II, Leçon 13, Numéro 3,
dhspriory.org/thomas/PeriHermeneias.htm#B14
210 Notre traduction
211Aristote, Métaphysique,1005b 24,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphyque4gr.htm#310
212Aristote, op. cit., 1011b 23,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/metaphyque4gr.htm#71
213Aristote, Organon, II De l’interprétation, traduction de Jean Tricot, Paris, 1984,
Librairie philosophique J. Vrin
214 23 b 13, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia14.htm
256
215 Aristote, Organon, II De l’interprétation, traduction et notes par Jean Tricot, Pa-
ris, 1984, Librairie philosophique J. Vrin
216 11b 36, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/categories.htm#X
217 Institut Docteur Angélique,
http://docteurangelique.free.fr/livresformatweb/complements/AristoteCategories.ht
m
218 Aristote, Organon, II De l’interprétation, traduction et notes par Jean Tricot, 23b
25
219 16a 30, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia3.htm
220 16b 11, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia3.htm
221Aristote, Organon, II De l’interprétation, traduction de Jean Tricot, Paris, 1984,
Librairie philosophique J. Vrin
222Aristote, Organon, II De l’interprétation, traduction de Jean Tricot, Paris, 1984,
Librairie philosophique J. Vrin
223 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia10.htm
224 51b 35 - 52a 15,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/analyt146.htm
225 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/hermeneia11.htm
226 http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/analyt227.htm
227 Murray R. Spiegel, Théorie et applications de la statistique, Édition française
par Alain Ergas et Jean-François Marcotorchino, Paris, 1979, McGraw Hill, p. 99
228 Scriptum super Sententiis, Commentaire des sentences de Pierre Lombard,
traduction par Jacques Ménard, Livre 3, Distinction 25, Question 2, Article 2,
Sous-question 1, Réponse à l’objection 1 :
http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/SENTENCES3.htm
257
CONCLUSION
L’intellect théorétique est mesuré par les réalités qu’il connaît, réali-
tés dont il n’est pas la cause, selon un mode théorético-théorétique.
L’intellect pratique mesure l’agir humain, dont il est la cause, selon
259
les exigences des vertus intellectuelles et morales ; il connaît selon
le mode théorético-pratique et le mode pratico-pratique. L’intellect
de fabrique mesure l’œuvre, dont il est la cause, selon ce que la rè-
gle de l’art pertinent exige ; l’art est une vertu intellectuelle ; l’intel-
lect de fabrique connaît selon le mode théorético-technique et le
mode technico-technique.
260
rive que ce ne soit pas possible. Alors, elle peut suivre de la volonté,
qui est cause de l’assentiment accompli par l’intellect ; dans ce cas,
l’intellect ne poursuit pas le vrai sous sa raison (ratio) de vrai ; il le
poursuit sous sa raison (ratio) de bien, le vrai est le bien de l’intel-
lect.
Lorsque nous avons entrepris notre étude, notre objectif n’était pas
de mettre un terme à ces controverses. Nous n’avions pas la préten-
tion de pouvoir modifier que la loi du genre.
261
cité de ce qui est bien ou mal dit dans un discours», et, d’autre part,
de partager cette espérance avec toi, lecteur.
Il s’ensuit que, pour notre part, nous avons atteint notre objectif.
L’exercice dialectique que notre mens a accompli lui a procuré un
certain apaisement.
262
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
Les textes en grec que nous citons sont surtout pris du site créé par
Philippe Remacle, décédé le 11 mars 2011, mais dont l'œuvre est
poursuivie par Anne-Sophie et Jean-François Remacle. 229 Les tra-
ductions françaises des textes grecs sont parfois prises de ce même
site.
Les textes en latin sont pris du site créé par le professeur Enrique
Alarcón, et soutenu par l'université de Navarre. 230
Ces sites sont tous répertoriés à l’excellent site créé par Guy-Fran-
çois Delaporte, le Grand Portail Thomas d’Aquin. 232
263
AUTRES OUVRAGES DE L’AUTEUR
L'ÉCOLIER.
Vous augmentez encore par là mon dégoût : ô heureux celui
que vous instruisez! J 'ai presque envie d'étudier la théologie.
MÉPHISTOPHÉLÈS.
Je désirerais ne pas vous induire en erreur, quant à ce qui
concerne cette science; il est si difficile d'éviter la fausse route;
elle renferme un poison si bien caché, que l'on a tant de peine
à distinguer du remède! Le mieux est, dans ces leçons-là, si
toutefois vous en suivez, de jurer toujours sur la parole du
maître. Au total... arrêtez-vous aux mots ! et vous arriverez
alors par la route la plus sûre au temple de la certitude.
ISBN : 978-2-921344-38-8