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L'ADOLESCENCE : UNE TRANSITION, UNE CRISE OU UN

CHANGEMENT ?

Maria da Conceição Taborda-Simões

Groupe d'études de psychologie | Bulletin de psychologie

2005/5 - Numéro 479


pages 521 à 534

ISSN 0007-4403

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Pour citer cet article :


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Taborda-Simões Maria da Conceição, « L'adolescence : une transition, une crise ou un changement ? »,
Bulletin de psychologie, 2005/5 Numéro 479, p. 521-534. DOI : 10.3917/bupsy.479.0521
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bulletin de psychologie / tome 58 (5) / 479 / septembre-octobre 2005 521

L’adolescence : une transition,


une crise ou un changement ?
TABORDA-SIMÕES Maria da Conceição*

Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que l’adolescence, à d’autres idées du même genre, qui surgirent dans des
avec la désignation de jeunesse, acquiert une position publications postérieures. (...) Sa psychologie de l’ado-
spécifique dans la production littéraire et apparaît aussi lescence devint une idéologie et il fut, ainsi, très facile
comme une préoccupation fondamentale dans le de l’attaquer et de la réfuter » (Sprinthall, Collins,
discours de certains hommes politiques et de certains 1994, p. 13).
moralistes (Claes, 1986, p. 12). Jusqu’à cette époque, Plus tard – et, au début, surtout en réaction contre les
l’adolescence était loin d’être reconnue socialement thèses proclamées par Hall2 – l’intérêt pour l’adoles-
comme une catégorie d’âge spécifique. Elle constitue, cence s’intensifia et celle-ci devint très vite un thème de
donc, selon les arguments de Philipe Ariès (1973), un recherche dans diverses disciplines. En effet, à côté
phénomène récent. Bien que largement renforcée dans des études de caractère psychologique, de nombreux
d’autres recherches de caractère historique (Katz, 1975 ;
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travaux relatifs à cette période surgirent, notamment

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Shorter, 1977), cette idée a, cependant, subi quelques dans le domaine de l’anthropologie, de l’histoire, de la
contestations (Lett, 1997). Quoi qu’il en soit, tout sociologie et de la médecine aussi.
indique que ce qui s’est passé avec l’enfance au
Nonobstant un tel investissement, la « réalité adoles-
XIXe siècle s’est répété avec l’adolescence au XXe siècle.
cence » s’est révélée particulièrement rebelle à une
En effet, ce n’est qu’à ce moment-là que « les adultes
conceptualisation intégrée, ainsi qu’à une caractérisation
ont commencé à tenir compte des besoins et des capac-
uniforme. Au-delà du débat habituel entre écoles, la
ités physiologiques et psychologiques propres des
thèse des multiples adolescences est même présentée
adolescents, et cette perception leur a donné l’occasion
emphatiquement pour en conclure que « l’adolescence
de reconnaître un stade de développement humain »
n’existe pas » (Huerre, Pagan-Reymond, Reymond,
(Sprinthall, Collins, 1994, p. 7)1.
1997). De ce point de vue, il n’y aurait rien d’autre à
étudier qu’un phénomène artificiel, inventé par certaines
Dans le domaine de la psychologie, la première étude
sociétés ou certaines cultures, à un certain moment de
systématique de l’adolescence a été publiée, par Stanley
leur histoire. Dépourvue de toutes caractéristiques
Hall, en 1904. Il est vrai qu’auparavant, quelques arti-
propres et étant bien loin de correspondre à une étape
cles sur ce thème ont été publiés dans des revues améri-
naturelle du développement humain, l’adolescence ne
caines et, en 1891, est apparu l’ouvrage de Burnham,
trouverait son sens unique et complet que dans le champ
intitulé « The study of adolescence ». Cependant, on
considère, en général, que c’est l’ouvrage « Adoles-
cence : its psychology and its relations to physiology, * Faculté de psychologie et des sciences de l’éduca-
anthropology, sociology, sex, crime, religion and educa- tion, Université de Coimbre. Universidade de Coimbra,
tion », qui marque le début de l’histoire de la Rua do Colégio Novo, 3001-802 Coimbra, Portugal.
psychologie de l’adolescent. Il s’agit, sans aucun doute, L’auteur remercie Laurent Mucchielli pour l’aide appor-
d’une œuvre qui s’impose, aussi bien par son caractère tée. <mctabordas@fcpe.uc.pt>
encyclopédique, que par son originalité méthodologique. 1. Il faut noter, néanmoins, que, « malgré l’importance
que sa définition sociale a acquise, beaucoup de ce qui
L’utilisation de questionnaires a permis, en effet, de
actuellement est reconnu comme propre aux expériences des
recueillir de nombreuses données empiriques, ce qui n’a, adolescents n’est pas une innovation de ce siècle »
cependant, pas empêché Hall de développer une (Sprinthall, Collins, 1994, p. 9).
perspective influencée, en grande partie, par une vision 2. À ce propos, il convient de citer les recherches menées
romantique de l’adolescence. En outre, « les empiristes par Margaret Mead (1928 ; 1930), tout d’abord à Samoa,
critiquèrent ses méthodes de recherche, en considérant puis en Nouvelle-Guinée. Selon le témoignage présenté
qu’elles manquaient de rigueur ; les relativistes culturels dans son autobiographie (1977), l’auteur réalisa ces
recherches, mue surtout par le désir de vérifier certaines
réfutèrent ses hypothèses, liées à la tension et à l’agi- affirmations de Stanley Hall, en particulier celles qui
tation des adolescents ; les psychologues, en général, présentaient l’adolescence comme une étape de Sturm und
n’étaient pas d’accord avec ses concepts de super-race. Drang, marquée par de grands tumultes et d’inévitables dif-
Les accusations continuaient et semblaient mener Hall ficultés.
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de la sociologie et de l’anthropologie. Dans cette voie garantir une caractérisation imperméable aux équivo-
d’interprétation, c’est la fragilité d’un concept, pour ques et aux idées toutes faites qui ont mis tant d’entraves
lequel l’analyse psychologique ne présenterait aucune à la compréhension de la complexité inhérente à l’ex-
pertinence, qui se détache immédiatement. Il convient périence adolescente.
de clarifier que cette thèse rencontre un grand soutien, En résumé, en suivant une perspective critique par
non seulement dans certains travaux de nature historique, rapport aux définitions fondées sur l’idée de transition
mais aussi dans les recherches de nature anthropologique. et sur l’idée de crise, nous prétendons contribuer à
Celles-ci permirent de démontrer que l’expérience une vision clarifiée du phénomène adolescent. Il faut
adolescente et sa durée sont en étroite relation avec noter, cependant, que cette tâche, telle que nous l’en-
« les aménagements culturels au moyen desquels une visageons, prétend, avant tout, tester la pertinence de
société assure le passage de l’état d’enfance à l’état l’analyse psychologique relativement à l’adolescence.
d’adulte » (Claes, 1986, p. 35). Au fond, ce que l’an- Pour cela, il est nécessaire d’identifier les change-
thropologie découvrit, en observant d’autres civilisations, ments observés au cours de cette étape de la vie et leur
c’est « que certains comportements de ceux que l’on attribuer un sens spécifique.
nommait « adolescents » dépendaient du milieu social
et n’étaient pas spécifiques d’un certain stade de leur
L’ADOLESCENCE :
développement physique » (Huerre, Pagan-Reymond,
UNE PÉRIODE DE TRANSITION ?
Reymond, 1997, p. 43). Dès lors que les comporte-
ments des adolescents varient en fonction des époques, Un grand nombre de dictionnaires, d’encyclopédies
des cultures, des coutumes et même des milieux socio- et même quelques ouvrages spécialisés, considèrent
économiques, on ne peut contester qu’il soit nécessaire l’adolescence comme une phase de transition entre
d’opposer l’hétérogénéité de ces comportements aux l’enfance et l’âge adulte. Particulièrement chère aux
interprétations, qui tendent à les décrire dans l’absolu, spécialistes en sciences sociales, cette conception,
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comme homogènes et universels. Néanmoins, à elle apparemment consensuelle ou évidente, renferme,
seule, cette hétérogénéité ne conduit qu’à la reconnais- cependant, des difficultés de différents types (Claes,
sance de l’influence de certains facteurs et non pas à la 1986, p. 51-53 ; Lehalle, 1985, p. 11 ; Reymond-Rivier,
négation pure et simple de l’existence de l’adolescence 1977, p. 111-118). L’examen de ces difficultés conduit
en tant que période du développement humain. aux réflexions suivantes.
Quoi qu’il en soit, les recherches qui, dans le domaine De l’absence de contenu au danger des inter-
de la psychologie, prennent la période de l’adolescence prétations réductionnistes
comme objet d’analyse, sont actuellement très
nombreuses. En général, une très grande valeur est Utiliser l’idée de transition pour définir l’adoles-
attribuée aux données empiriques de ces recherches. cence équivaut à caractériser négativement cette phase
Cependant, leur interprétation n’acquiert pas toujours de la vie. En effet, rien de concret n’est affirmé en ce
la visibilité théorique attendue. C’est-à-dire que cette qui concerne les sujets qui la traversent ; il est seule-
interprétation n’est pas toujours précédée d’une réflexion ment postulé qu’ils ne sont plus des enfants et qu’ils ne
claire des présupposés qui l’orientent et la soutiennent. sont pas encore des adultes. On accorde, ainsi, aux
D’autre part, on observe, parfois, la coexistence d’idées adolescents, un statut ambigu et on clarifie mal leur
qui proviennent de contextes théoriques très différents rôle, en même temps qu’on favorise une représentation
de l’adolescence qui tend à réduire cette période aux
et qui, pour cette raison, devraient, être précédées, d’un
problèmes, que le passage à l’âge adulte soulève dans
examen de la possibilité qu’il y a de pouvoir les intégrer
certaines sociétés ou certaines cultures, notamment
dans un même discours. Ces procédés, qui ne
dans celles où les rites d’initiation sont absents3.
contribuent guère à corriger la fragilité du concept
d’adolescence, finissent par exagérer la portée d’un Il importe, donc, de revoir la façon dont les institu-
certain nombre d’idées toutes faites ou d’équivoques, tions de ces sociétés contribuent à l’insertion sociale des
qui ont réussi à s’imposer et qui, de nos jours encore, nouvelles générations, confrontées à des défis entière-
sont, en référence à cette période, divulguées grâce à un ment neufs, eux aussi. Ce qui ne veut pas dire, toutefois,
ensemble de définitions construites sous l’égide de
l’idée de transition ou de l’idée de crise.
3. Comme le souligne M. Claes (1986, p. 189-190),
C’est pourquoi, il est plus que nécessaire d’analyser « l’analyse des données anthropologiques sur les rites d’ini-
le concept d’adolescence en clarifiant le plus possible tiation nous révèle l’impressionnant dispositif mis en place
les présupposés et les difficultés sous-jacents à de telles par les sociétés primitives pour garantir l’agrégation de la
définitions. Lorsque ces présupposés et ces difficultés génération des adolescents à la société des adultes. En con-
auront été identifiés, il importera d’établir les fonde- traste, la société industrielle a instauré un système de ségré-
gation des générations qui s’accroît par l’augmentation des
ments d’une définition capable de dépasser ce qui, exigences de formation scolaire et de certification profes-
dans cette étape de la vie, est circonstanciel et contin- sionnelle et le confinement des adolescents dans de vastes
gent. Seule, une définition résiduelle pourra, en effet, ensembles scolaires et des lieux de loisir spécifiques ».
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que l’adolescence s’épuise dans ses aspects sociaux et Comme les adolescents, les jeunes se heurteraient au
que la problématique qui la concerne ne puisse être problème complexe de leur identité. Celui-ci, cependant,
éclairée qu’à la lumière de ce que les sociétés font (ou ne consisterait pas tant en l’affirmation de cette identité,
ne font pas) pour faciliter l’accès à la condition d’adulte. mais plutôt en sa préservation au sein de cette société,
C’est pourquoi, bien que l’analyse sociologique de qui persiste à retarder le moment de leur attribuer un
l’adolescence soit pleinement légitime, il convient de statut définitif (Kitwood, 1980). Au fond, « leur vie,
savoir éviter le réductionnisme auquel elle mène comme celle de beaucoup d’adultes dans la société
souvent. Nous ne nions pas que les problèmes des contemporaine, est fragmentée. Les professeurs, les
adolescents s’ancrent, dans une large mesure, dans la parents et les employeurs n’agissent pas toujours envers
façon dont la génération des plus jeunes est vue par la eux de la même façon. Parfois, on présume qu’ils ont de
société et dans les entraves à leur insertion dans la vie l’expérience sexuelle et de la conscience politique,
active, notamment avec le prolongement de la scolarité parfois, ils sont vus comme totalement innocents »
ou avec la pénurie d’emplois (Coleman, Husen, 1985). (Roberts, 1983, p. 39). En outre, on reconnaît qu’ils
Nous ne contestons pas davantage que les expériences possèdent une capacité suffisante pour acquérir leur
des adolescents varient en fonction des contextes où indépendance, mais, entre temps, la substitution du
elles se déroulent. Nous insistons, néanmoins, sur la travail à l’école est devenue difficile, « le temps des
nécessité d’éviter les interprétations réductionnistes, expériences » est prolongé et on assiste au « recul de
susceptibles de compromettre la compréhension inté- la formation stable de couples » (Segalen, 1996).
grale de l’adolescence. Ainsi, il importe de ne pas Transposée ainsi, à la jeunesse, l’idée de transition
assimiler uniquement l’adolescence aux problèmes que pourrait, il est vrai, exonérer la conception de l’ado-
l’accès à l’âge adulte apporte aux individus qui la lescence du danger réductionniste auquel nous avons
traversent ou aux comportements que de tels problèmes déjà fait allusion. Cependant, cette possibilité ne se
provoquent chez la plupart de ces individus. confirme pas, puisque la distinction entre l’adoles-
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cence et la jeunesse est loin d’être pleinement établie.
L’idée de transition transposée à la jeunesse
La preuve en est que, tout en se référant à la même
Les considérations ci-dessus étant présentées, il est réalité, « les travaux sociologiques parlent plus volon-
temps de reprendre l’examen direct de l’idée de transi- tiers des jeunes ou de la jeunesse, tandis que les psycho-
tion, pour, à présent, mettre l’accent sur le fait qu’elle logues parlent des adolescents ou de l’adolescence »
n’est pas exclusive de l’adolescence et, par conséquent, (Lehalle, 1985, p. 14)5.
qu’elle ne sert pas à caractériser, de façon spécifique, Enfin, la tentative d’élargir, avec la jeunesse, le
cette période. Théoriquement, toutes les autres périodes, schéma de division de la vie humaine n’a pas montré son
dans lesquelles on divise habituellement la vie de utilité au niveau de l’adolescence, qui continue
l’homme – enfance, âge adulte et vieillesse – peuvent fréquemment à être définie comme une étape de tran-
être conçues comme des périodes de transition. Mais on sition entre l’enfance et l’âge adulte.
peut se dispenser de cet exercice théorique, si l’on
considère l’application de l’idée de transition, que La fausse stabilité de l’enfance et de l’âge adulte
certains auteurs en ont fait, à celle qu’ils considèrent être
En sus des difficultés précédentes, l’idée de transition
l’étape la plus récente de la vie, c’est-à-dire, la jeunesse4.
en apporte encore d’autres, dont l’effet acquiert une
Celle-ci est, alors, considérée comme une phase de tran-
importance particulière dans le domaine de la
sition par excellence, entre l’adolescence et l’âge adulte.
psychologie. Ainsi, la définition fondée sur cette idée
Pour l’essentiel, elle correspondrait à une sorte de
admet, d’une certaine façon, la possibilité de décrire,
moment d’attente durant lequel n’ont pas encore été
d’une part, l’enfance, d’autre part, l’âge adulte, comme
résolues « les questions par rapport auxquelles, autre-
fois ; l’âge adulte était défini, c’est-à-dire : la relation
avec la société environnante, le choix d’une carrière, le 5. Il est à propos de souligner que « les spécialistes bri-
tanniques et américains » sont ceux qui « tendent de plus en
rôle social et le style de vie » (Keniston, 1970, p. 634).
plus à distinguer les deux périodes déjà cités ; selon eux,
l’adolescence couvrirait plus ou moins la période de douze à
dix-sept ou dix-huit ans, et la jeunesse couvrirait les années
4. La jeunesse, en tant que période particulière de la vie, supérieures à l’âge de dix-huit ans » (Coleman, Husen,
est considérée comme une invention découlant des transfor- 1985, p. 26). Toutefois, cette distinction continue à être très
mations qui se sont effectuées dans la société occidentale à floue, les deux termes étant utilisés très souvent indistincte-
la suite de la seconde guerre mondiale. On en arrive à ment. D’un autre côté, le mot jeunesse n’est pas toujours
défendre que « les mêmes facteurs – la prospérité crois- bien accueilli. Certains auteurs préfèrent parler d’adoles-
sante, l’allongement de la durée de l’enseignement scolaire cence finale ou de post-adolescence et d’autres optent pour
et les plus grandes exigences au niveau de l’enseignement l’expression jeune adulte. Cette expression « donne l’idée
faites par une société avancée du point de vue industriel et d’une période intermédiaire, différente de l’adolescence et
technologique – qui avaient contribué à l’apparition d’une de l’âge adulte, mais pour laquelle nous ne pouvons pas
société d’adolescents, étaient aussi, dans une société post- utiliser le terme jeunesse qui fait penser à des personnes
industrielle, à l’origine d’une nouvelle phase ayant surgi jeunes et qui ne sont pas responsables de leurs actes » (Kerr,
après l’adolescence » (Coleman, Husen, 1985, p. 12). 1977, p. 137).
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« deux états psychologiques relativement stables » comme le « facteur causal » de l’adolescence. Mais, la
(Lehalle, 1985, p. 11). plupart du temps, cette tendance, par laquelle les théories
Or, quant à l’enfance, la stabilité supposée est loin psychanalytiques7 expliquent « le bouleversement de
d’être une donnée admise sans contestation. En fait, l’économie libidinale antérieurement stabilisée au
même en invoquant la période de latence (Freud, 1905), moment de la période de latence », n’est affirmée que
il est difficile d’apporter des arguments crédibles pour d’une façon globale. En fait, « on précise rarement
passer sous silence la portée des progrès qui, entre-temps, les subtilités de la croissance physique ou les éventuelles
marquent le développement de l’enfant durant les dernières corrélations avec des dimensions psychologiques »
années de son enfance. Ces progrès apparaissent, par (Lehalle, 1985, p. 41). Et cela continue à être vrai,
exemple, au niveau des compétences cognitives, qui même dans le cas où l’accent mis sur les transformations
émergent à cet âge-là, qu’elles soient interprétées comme physiques a conduit à isoler, au sein des processus
des changements qualitatifs structurels (Bruner, 1973 ; d’adolescence, le pubertaire, qui serait aux phénomènes
Piaget, Inhelder, 1966 ; Wallon, 1941), comme des change- psychiques ce que la puberté est au corps (Gutton,
ments quantitatifs plus globaux (Pascual-Leone, 1995 ; 1996, 2000a, 2000b, 2002, 2003)8.
Salthouse, 1992) ou plus spécifiques (Flavell, 1992 ; Ainsi, il est pour le moins légitime de douter de la
Siegler, Jenkins, 1989 ; Voss, Wiley, Carretero, 1995). valeur explicative qui est fréquemment attribuée à la
En ce qui concerne la stabilité de l’âge adulte, il puberté. Ce qui ne signifie pas, pour autant, que les effets
existe actuellement de nombreuses études, qui la mettent psychologiques, qui peuvent être associés aux transfor-
en cause, niant l’existence de limites fixes pour la fin mations pubertaires soient niés, en particulier ceux qui
de la genèse et qui soutiennent, donc, la thèse selon résultent d’une puberté précoce ou tardive ou ceux qui,
laquelle le développement, en tant que processus long déterminés surtout par les modèles et les normes sociale-
et complexe, coïncide avec le cycle de la vie (Baltes, ment en vigueur, s’imposent au niveau des expériences
1987, 1996 ; Baltes, Smith, 1990 ; Utall, Perlmutter, vécues par rapport à la nouvelle image corporelle. Cela
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1989). Prenant, à nouveau, comme exemple les change- signifie, en revanche, que l’on peut contester, une fois de
ments cognitifs, il convient de détacher les propositions plus, des interprétations réductionnistes qui, qu’on le
qui défendent un type de pensée post-formelle, carac- veuille ou non, nuisent à une compréhension intégrale du
téristique de l’adulte et qui n’est pas réductible aux phénomène de l’adolescence.
formes de raisonnement de l’adolescent (Arlin, 1989 ;
À la recherche des critères psychologiques
Basseches, 1984 ; Gilligan, Murphy, Tappan, 1990 ;
Koplowitz, 1990 ; Pascual-Leone, 1990 ; Richards, S’il est difficile d’établir avec précision le début de
Commons, 1990 ; Tappan, 1990). l’adolescence, il l’est tout autant pour en déterminer la
fin. Jusqu’à nos jours, la psychologie n’a pas encore
L’hégémonie du critère biologique réussi à en donner des critères précis, se laissant, bien
Par ailleurs, les deux frontières, qui sont établies par souvent sans les discuter, envahir par des critères d’ordre
la définition, qu’on vient d’examiner, se fondent sur des social – la fin des études, l’entrée dans le monde du
critères qui les rendent mobiles et peu précises. En travail, le départ de la maison familiale, l’autonomie
effet, on situe le début de l’adolescence en l’intégrant économique, la majorité civile, la fondation d’une
dans la croissance biologique, c’est-à-dire prenant, famille… – qui, au fond, ne résolvent rien. D’un autre
comme critère, la survenue de la puberté. Bien que côté, de tels critères correspondent à des événements,
clairement enraciné dans des modèles biologiques et, par dont « l’ordre » et « la durée » se sont modifiés au
conséquent, exigeant des précautions d’emploi, ce cours de l’histoire (Claes, 1986, p. 52).
critère a connu un énorme succès dans le domaine de la Cette difficulté persiste malgré les solutions proposées
psychologie des adolescents6. Néanmoins, il n’est pas pour la résoudre. En vérité, il est peu utile d’affirmer que
exempt de difficultés, car « le moment de l’appari- « l’adolescence (…) se termine quand l’individu
tion de la puberté varie selon les individus, les sexes, et acquiert son indépendance au niveau de l’action, c’est-
certains auteurs affirment même que ce moment dépend
de facteurs comme le milieu, le climat, la culture, etc. » 7. En fait, les auteurs de l’école psychanalytique invo-
quaient beaucoup trop facilement les transformations puber-
(Reymond-Rivier, 1977, p. 117-118). Il y a encore le
taires pour expliquer les transformations psychologiques de
danger qu’un tel critère tende à confondre adolescence l’adolescence (Blos, 1962 ; Deutsch, 1967 ; Freud, 1936).
et puberté (Reymond-Rivier, 1977, p. 118) et à consi- 8. Le pubertaire serait « à réfléchir par rapport à son
dérer, de façon plus ou moins explicite, la puberté ancrage dans le réel biologique exerçant une pression sur les
trois instances et se heurtant à la barrière de l’inceste que
l’œdipien infantile légua ». En contrepoint, l’adolescens
6. C’est ce que confirment les positions défendues, de serait « exclusivement réalisable à partir du matériau
façon plus ou moins explicite, par divers auteurs, parmi pubertaire. Il utilise les procédures de l’idéalisation rôdées
lesquels nous pouvons détacher Zazzo (1972, p. 26), Papalia dans l’enfance en particulier l’Idéal du Moi et l’identifica-
et Olds (1979, p. 257), Hurlock (1979, p. 4), Petersen et tion. Son but est une désexualisation des représentations
Taylor (1980, p. 117), Avanzini (1965), Braconnier et incestueuses menant au choix d’objet potentiellement
Marcelli (1998, p. 61, 105-106). adéquat » (Gutton, 2003, p. 11).
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à-dire quand il est socialement et émotionnellement période marquée par des tensions et des conflits inévita-
mûr et qu’il a l’expérience et la motivation nécessaires bles ou encore par des perturbations et inadaptations qui,
pour assumer le rôle de l’adulte » (Stone, Church, bien que transitoires, sont considérées comme absolu-
1973, p. 217) ou encore que « l’adolescence se termine ment indispensables à l’équilibre ultérieur. D’ailleurs,
quand l’individu atteint la maturité et possède l’ex- on en arrive même à proclamer que l’absence de ces
périence, l’habileté ainsi que la volonté exigées pour signes constitue un bon pronostic de déséquilibres
assumer, de façon consistante, le rôle de l’adulte » ultérieurs.
(Horrocks, 1978, p. 13). Il en est de même quand on Établie par Stanley Hall, cette façon de concevoir
invoque « l’identité sexuelle » (Blos, 1979) ou quand, l’adolescence s’appuie, avant tout, sur le présupposé de
dans le même sens, on se sert de certaines thèses la discontinuité et de la rupture : « avec l’émergence de
d’Erikson (1959), comme celle qui renvoie à la capacité l’adolescence, l’ancienne unité et l’harmonie avec la
qu’a le jeune de s’impliquer dans une relation intime nature sont rompues ; l’enfant est banni de son paradis
(Schulz, Heckhausen, 1996). Le problème n’est pas et doit commencer un long et pénible chemin d’ascen-
non plus résolu par sa suppression, c’est-à-dire, par la sion » (Hall, 1904, vol. 2, p. 71). Elle se fonde aussi sur
considération que « le processus d’adolescence se la conviction que, dans cette phase de la vie, ce qui
perpétue toute la vie » (Braconnier, Marcelli, 1998, prédomine, ce sont les expériences de tempête et de
p. 17). Dans ce dernier cas, ce qu’on accepte, c’est tension, ainsi que les moments de turbulence et d’in-
que certains états, susceptibles d’être interprétés comme certitude ; ce sont encore les traits de caractère totale-
« des résurgences de l’adolescence », puissent surgir, ment antagonistes (enthousiasme et apathie, euphorie et
« de façon tout à fait normale », au cours de l’existence. mélancolie, égoïsme et humilité, égocentrisme et altru-
Ces états « ne signifient pas que le sujet reste un adoles- isme, conformisme et radicalisme, sociabilité et isole-
cent toute sa vie, mais qu’il peut, à certains moments de ment, sagesse et folie) ; ce sont, finalement, diverses
son existence, manifester des attitudes, des comporte- formes de comportement, des plus instables et imprévi-
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ments et avoir des mouvements psychologiques internes, sibles aux plus morbides et perturbées (Hall, 1904,
identiques ou proches de ceux qu’il a connus au cours vol. 2, p. 74-88).
de son passage de l’enfance à l’âge adulte ». Ou alors,
tout simplement, qu’« un certain nombre de sujets L’idée mythique de la crise normative
n’entrent jamais dans un état adulte. Par bien des Il faut noter qu’une telle conception, qui date du
aspects, dans leurs comportements et dans leur vie début du XXe siècle, a fini par prospérer surtout après que
affective, ils resteront des adolescents à vie » (Bracon- certaines interprétations, émanant de la psychanalyse,
nier, Marcelli, 1998, p. 17-18). Dans ce sens, il est ont envahi le domaine de la psychologie de l’adolescent,
plus que pertinent de continuer de poser le problème tout d’abord celles d’Anna Freud, puis celles de Peter
concernant le terme de l’adolescence. Blos et Erik Erikson.
En l’absence de critères précis et visant à dépasser les Ainsi, en décrivant l’adolescence dite normale, Anna
difficultés existantes, certains auteurs délimitent, du Freud le fait dans des termes assez identiques à ceux
point de vue chronologique, la période de l’adoles- utilisés, quelques décennies auparavant, par Hall. Elle
cence (Coleman, 1980a ; Cloutier, 1982). Il est vrai affirme, en effet, qu’« en se voyant comme le centre de
qu’ainsi on atteint une moindre mobilité au niveau des l’univers et comme l’unique objet digne d’intérêt, les
frontières, mais on n’élimine pas, pour autant, les adolescents sont beaucoup trop égoïstes ; cependant, à
écueils d’une définition peu éclairante. Il y a aussi le aucun autre moment de leur vie ultérieure ils ne seront
risque de prendre l’âge chronologique comme critère de capables d’autant de sacrifices personnels et d’autant de
développement, quand, comme tout l’indique, cet âge dévouement. Ils s’engagent avec passion dans des rela-
ne représente qu’un simple indicateur d’un tel processus tions amoureuses intenses mais les abandonnent aussi
(Chapman, 1980 ; Lourenço, 1994, 1997 ; Piaget, 1956). inopinément qu’ils les ont commencées. D’une part, ils
En somme, l’idée de transition se révèle insuffisante s’engagent avec enthousiasme dans la vie de la commu-
pour éclairer intégralement la problématique de l’ado-
lescence. En elle-même, vide de contenu, la défini-
tion, qui s’appuie sur cette idée, finit par mener à des 9. Les difficultés d’ordre sémantique mises à part, il con-
vient de noter que « le concept de crise adolescente possède
positions peu consistantes et infécondes pour permettre
aujourd’hui au moins deux acceptions principales dans la lit-
une identification rigoureuse des caractéristiques spéci- térature psychologique : d’un côté, l’accent est mis sur l’idée
fiques de cette étape de la vie. de rupture, de changement brusque et subit dans le
développement, entraînant des modifications sensibles dans
les comportements, les modes de penser et les représenta-
L’ADOLESCENCE : tions ; de l’autre, c’est la notion de perturbation dans le fonc-
UNE PÉRIODE DE CRISE ? tionnement psychologique qui prédomine, entraînant des
malaises, des souffrances, des inhibitions, des angoisses,
Outre l’idée de transition, l’idée de crise a, elle aussi, bref, une série de difficultés apparentées aux troubles névro-
beaucoup trop fréquemment soutenu la définition d’ado- tiques, occasionnant des incapacités dans la vie
lescence9, celle-ci étant, alors, conçue comme une quotidienne » (Claes, 1986, p. 60).
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nauté et, d’autre part, ils éprouvent un désir tout puis- émotionnelle et sur la crise d’identité » pendant l’ado-
sant d’isolement. Ils oscillent entre la soumission lescence ont réussi à imposer, au cours de nombreuses
aveugle à un chef quelconque et la rébellion bravant années, « l’idée mythique de la perturbation normative
toute autorité. Ils sont égoïstes et matérialistes mais, de l’adolescent » (Weiner, 1995, p. 8).
simultanément, ils se révèlent débordants d’idéalisme
exalté. Ils sont ascétiques mais ils succombent, de L’adolescence et la crise normative : une rela-
façon inespérée, à des excès instinctifs les plus tion empiriquement contestable
primaires. Parfois, leur comportement envers les autres Cette idée s’est imposée sans égard pour les voix qui
est acrimonieux et dépourvu de toute déférence ; toute- très tôt se sont manifestées dans un sens opposé
fois, ils se montrent eux-mêmes extrêmement suscep- (Hollingworth, 1928 ; Kanner, 1941), ainsi que pour les
tibles. À certains moments, ils travaillent avec un recherches empiriques qui ont fourni un très grand
enthousiasme infatigable, dans d’autres, ils sont indo- nombre de données, elles aussi contraires à l’idée de
lents et apathiques » (Freud, 1936, p. 149-150). En crise (Adelson, 1980 ; Castarède, 1978 ; Chiland, 1978 ;
sus de cette description, l’auteur défendra, plus tard, Nottelman, 1987 ; Offer, Sabshin, 1984 ; Petersen,
qu’« être normal durant la période de l’adolescence est, 1988 ; Powers, Hauser, Kilner, 1989).
en soi-même, anormal » (Freud, 1958). Elle en vient En vérité, il y a eu de nombreuses études qui, défiant
aussi à définir la période en question « comme un l’hégémonie de la thèse du tumulte normatif, ont accu-
trouble du développement » (Freud, 1969). Ce serait un mulé des données en faveur de la stabilité émotionnelle
trouble qui, dans ce cas précis, ne suggère pas l’exis- des adolescents. Ceux-ci ont sont, alors, présentés
tence d’une quelconque psychopathologie, mais qui « d’une façon différente de celle des jeunes stressés,
serait, sans aucun doute, considéré anormal dans violents et rebelles, décrits au départ par G. Stanley Hall
d’autres phases de la vie. (1904), Anna Freud (1936) et postérieurement par
De son côté, Erik Erikson insiste sur le processus de d’autres psychanalystes ». On a même considéré
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formation de l’identité, tout en mettant en relief les qu’« une bonne capacité à faire face aux situations et une
épisodes de crise qui en découlent, durant l’adoles- transition facile vers l’état adulte sont beaucoup plus
cence. Il soutient alors que, malgré la similitude entre fréquentes que l’inverse » (Offer, Sabshin, 1984,
ces épisodes et « les épisodes et les symptômes névro- p. 100). Beaucoup plus exception que règle10, la pertur-
tiques et psychotiques, l’adolescence n’est pas une bation normative a fini par ne plus pouvoir être consi-
catastrophe mais une crise normative, c’est-à-dire, une dérée que comme un élément intrus dans la liste des
phase normale de conflit exacerbé ». Ce type de crise, caractéristiques spécifiques de l’adolescence.
« qui peut se résoudre toute seule », aurait, cepen- On aboutit à la même conclusion en ce qui concerne
dant, une fonction essentielle dans la mesure où, selon le fameux conflit entre adolescents et parents dont le
l’auteur, elle « contribue, réellement, au processus de caractère inévitable n’a pas non plus été confirmé selon
formation de l’identité » (Erikson, 1956, p. 72). un grand nombre de recherches empiriques (Hill, 1985 ;
À son tour, et réaffirmant la thèse selon laquelle la 1987 ; Montemayor, 1982, 1983, 1986 ; Offer, 1969 ;
perturbation est normale pendant l’adolescence, Peter Offer, Ostrov, Howard, 1981a ; Offer, Sabshin, 1984 ;
Blos met l’accent sur les tensions inévitables et sur les Steinberg, 1987). Réalisées à partir d’un grand nombre
conflits provoqués par le besoin d’indépendance de d’échantillons et dans divers contextes, ces recherches
l’adolescent vis-à-vis de ses parents. L’individuation de tendent à confirmer que « le modèle typique de relation
l’adolescent serait une expérience douloureuse : en entre les générations d’adolescents et d’adultes a plus
présumant au préalable la « découverte de l’irrévoca-
bilité de la fin de l’enfance », elle serait « accompagnée 10. À partir des statistiques présentées par divers auteurs
de sentiments d’isolement, de solitude et de confu- sur la fréquence des perturbations psychologiques durant
sion », ainsi que d’« une sensation d’urgence, de peur l’adolescence, I. B. Weiner a abouti aux conclusions sui-
et de panique » (Blos, 1962, p. 12). vantes : « environ 20% des adolescents éprouvent des
diminutions de fonctionnement importantes du point de vue
Comme si cela ne suffisait pas, quelques spécialistes clinique, lesquelles constituent une psychopathologie pou-
en sciences sociales (Coleman, 1961 ; Keniston, 1965 ; vant être diagnostiquée et justifiant un traitement au niveau
Mead, 1970 ; 1978) en sont venus à soutenir que l’ex- de la médecine mentale ; 60 % éprouvent des épisodes for-
périence adolescente, notamment dans les sociétés dites tuits d’anxiété et de dépression ne provoquant cependant au-
cune situation disruptive importante dans leur vie quotidi-
modernes, entraîne inévitablement des « conflits entre enne ; les autres 20 % ne révèlent que quelques signes ou
les jeunes et leurs parents et entre la génération des même aucun signe de perturbation psychologique ». Selon
adolescents et les générations des adultes » (Weiner, cet auteur, les statistiques ne sont pas très différents en ce
1995, p. 6). qui concerne le cas des adultes. Il est donc légitime de
conclure aussi que « la perturbation psychologique n’est
En somme, renforcés par « la conviction que les manifestement pas une caractéristique spécifique de l’ado-
générations d’adolescents et d’adultes s’enchevêtrent lescence et que les adolescents n’ont pas plus de probabilités
dans un conflit destructeur (…), les présupposés sur la que les adultes d’être perturbés psychologiquement »
discontinuité du développement, sur l’instabilité (Weiner, 1995, p. 14-15).
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d’harmonie que de différends, plus d’affection que du personnel spécialisé de la médecine mentale »
d’aliénation et plus de dévouement que de rejet de la vie (Sampaio, 1994, p. 37)11.
familiale » (Weiner, 1995, p. 16). Dans cette perspec- Il est vrai que l’on observe, en particulier dans le
tive, la conquête de l’autonomie présuppose un certain cadre de la psychanalyse contemporaine française, une
éloignement des parents qui, cependant, ne passe pas par certaine prudence au niveau de la terminologie. C’est ainsi
le détachement et par la rupture que, pendant longtemps, que certains psychanalystes et psychiatres parlent plutôt
les théories classiques proclamaient comme étant néces- de « processus » et de « passage » ou encore
saires et obligatoires. Au lieu de considérer l’autonomie d’« opération » que de crise quand il s’agit de l’ado-
et l’attachement aux parents comme des « processus lescence (Braconnier, Marcelli, 1998 ; Douville, 2000 ;
complémentaires importants tous les deux pour le Lesourd, 2002 ; Rassial, 1990, 1996, 2000). Toutefois,
développement des jeunes dans leurs différents contacts cette prudence n’a que des conséquences minimes quant
de socialisation » (Soares, Campos, 1988), de telles aux thèses essentielles. On admet, par exemple, que le
perspectives accentuent plutôt une prétendue opposition « terme de crise n’est pas sans danger », puisqu’il
entre « être attaché » et « être autonome-indépen- « comporte en effet une connotation péjorative qui
dant ». Considérer que vivre une adolescence normale renforce l’idée selon laquelle l’adolescence est un âge
dispense de se détacher des parents ne signifie pas, ingrat à passer, le mieux étant de savoir attendre la matu-
toutefois, ignorer les changements que l’apparition de rité ou les jours meilleurs » ; on admet encore que « ce
ce phénomène entraîne au niveau de la dynamique point de vue comporte (…) deux écueils : de ne pas
familiale. Il est naturel que cette dynamique s’altère et reconnaître toutes les potentialités nouvelles qu’offre le
qu’ainsi l’expression comportementale du lien se processus psychologique qu’est l’adolescence avec le
modifie aussi, ce qui, il faut le souligner, ne signifie pas, risque de ne pas voir ses éléments positifs ; n’appréhender
pour autant, que les relations entre parents et enfants l’adolescence que de façon superficielle » (Braconnier,
adolescents doivent être interprétées comme forcément Marcelli, 1998, p. 49-50). Mais, en même temps, cette
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conflictuelles et tendues. Celle-ci est, d’ailleurs, une période continue à être caractérisée par de « multiples
interprétation qui ne peut être expliquée que par paradoxes » et « contradictions », qui engendrent de « la
l’« équivoque » concernant l’« idée que parents et souffrance » ; par la « rupture avec l’enfance », qui
adolescents doivent être d’accord et avoir la même implique des « difficultés psychologiques et comporte-
vision du monde » (Sampaio, 1994, p. 38). D’autre part, mentales » ; par des « cercles de perturbations » – le
le conflit accentué avec les parents et la dévalorisation cercle du corps, le cercle de la famille et le cercle social –
constante de la famille semblent constituer de bons qui entraînent un état de « conflictualité permanente » ;
indicateurs d’une inadaptation psychologique (Petersen, finalement, par une énorme « variabilité » d’états
1988 ; Rutter, Graham, Chadwick, Yule, 1976). De d’esprit, qui menace la constance des affects et des
plus, un faible attachement aux parents durant l’ado- émotions. Et, de la même façon, on considère encore sans
lescence a été associé, soit à des comportements anti- hésitation que l’adolescence correspond à une « période
sociaux, soit à des situations de dépression persistante de l’existence où s’intriquent particulièrement fortement
(Raja, McGee, Stanton, 1992). un processus développemental et un état
En ce qui concerne le processus de la formation de psychopathologique » (Braconnier, Marcelli, 1998, p. 12,
l’identité, les recherches empiriques, bien que confir- 13, 14, 63, 68, 57, 206). En présence d’exemples de ce
mant certains aspects de la théorie d’Erikson, tendent genre, il n’est pas exagéré d’affirmer que, « dès que les
également à réfuter la thèse de la crise normative. Elles mythes sont florissants, il est extrêmement difficile de les
indiquent plutôt la rareté des déséquilibres associés à un faire disparaître » (Weiner, 1995, p. 21).
tel processus, tout en montrant que les adolescents qui Si, du point de vue théorique, il y a de bonnes raisons
en souffrent ont besoin d’une réelle aide spécialisée de réfuter l’erreur méthodologique qui découle du fait
(Keyes, Coleman, 1983 ; Waterman, 1982). Les réper- de transposer des observations recueillies dans le
cussions du discours axé sur l’idée de crise domaine de la pathologie dans celui du fonctionnement
L’accumulation de données, contraires à l’existence normal, sans tenir compte de la spécificité de ces
du tumulte normatif durant l’adolescence, n’a pas domaines (Ferreira da Silva, 1982, p. 131-132), du
empêché que s’instaurât un discours qui s’obstinait à point de vue de l’intervention, il faut reconnaître que
considérer l’expérience de crise comme inhérente au cette même erreur peut mener, soit à des diagnostics
développement des adolescents. Reposant, sans aucun erronés, soit à des pronostics illusoires (Claes, 1986 ;
doute, sur l’« équivoque », qui « concerne ce qui est Weiner, 1995). Ainsi, sur ce point aussi, il convient de
normal et ce qui est pathologique durant l’adoles- ne pas sous-estimer les résultats de certaines études
cence » (Sampaio, 1994, p. 37), ce discours n’a pas (Livson, Peskin, 1981 ; Rutter, Graham, Chadwick,
seulement influencé les conceptions des parents et des
professeurs (Buchanan, Eccles, Flanagan, Midgley, 11. Les études publiées, notamment celles de Lavigne
Feldlaufer, Harold, 1990 ; Dekovic, Noom, Meeus, (1977), Offer, Ostrov et Howard (1981b), Beck, Adler et
1997 ; Holmebeck, Hill, 1988 ; Taborda-Simões, Lima, Irwin (1985), Buchanan, Eccles, Flanagan, Midgley,
2001), mais il a aussi conditionné « fortement la pensée Feldlaufer et Harold (1990), le montrent.
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Yule, 1976 ; Vaillant, Vaillant, 1981) qui montrent bien la taille, de la forme du corps, de la capacité musculaire
que les perturbations durant l’adolescence, quand elles et de la force physique, qu’au niveau des caractères
apparaissent, sont loin d’être transitoires. Ces pertur- sexuels primaires et secondaires (Tanner, 1962 ; 1970),
bations, qui ne sont ni passagères, ni de guérison spon- il convient de souligner celles qui se produisent au
tanée, la plupart du temps, exigent même un traite- plan cognitif (Flavell, Miller, Miller, 1993 ; Inhelder,
ment thérapeutique adéquat. 1954 ; Inhelder, Piaget, 1955 ; Lourenço, 1997 ; Piaget,
En conclusion, nous pouvons affirmer que, faute du 1954, 1972, 1980 ; Piaget, Garcia, 1983 ; Piaget,
nécessaire support empirique, l’idée de crise se révèle Inhelder, 1966), au plan moral (Hoffman, 1980 ;
inappropriée pour orienter la réflexion visant à identi- Kohlberg, 1969, 1976, 1981, 1984 ; Lourenço, 1992),
fier les caractéristiques spécifiques de l’adolescence. au plan socio-affectif (Coleman, 1980b ; Fleming,
1993 ; Larson, Richards, Moneta, Holmebeck, Duckett,
1996 ; Sprinthall, Collins, 1994) et aussi, au niveau de
L’ADOLESCENCE : la représentation de soi ou de la construction de l’iden-
UNE PÉRIODE DE CHANGEMENT ? tité (Compas, Hinden, Gerhardt, 1995 ; Costa, 1990,
L’analyse de quelques présupposés et de quelques 1991; Erikson, 1959, 1968 ; Flum, 1994 ; Marcia,
1980 ; Rodriguez-Tomé, 1972). En somme, ce sont
problèmes découlant de l’application à l’adolescence de
des transformations qui finissent par mener à une
l’idée de transition et de l’idée de crise ayant été faite,
autonomie croissante au niveau de la pensée, au niveau
il importe, maintenant, de poursuivre notre exposé par
des affects et des relations avec autrui.
l’examen de cette période sous l’éclairage d’une autre
idée, celle de changement. Pour identifier les transformations cognitives, la
meilleure voie continue à être celle qui passe par la
Précisons d’emblée que concevoir l’adolescence sur
référence à la théorie de Jean Piaget. En effet, nonob-
la base de l’idée de changement équivaut, au fond, à
stant les critiques plus ou moins incisives qui lui sont
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choisir une perspective, qui privilégie l’étude de cette

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faites, « c’est Piaget qui, jusqu’à maintenant, nous a
étape de la vie dans le champ de la psychologie du
dressé la radiographie la plus complète et la plus
développement, discipline qui s’attache, au plus haut
profonde des changements cognitifs qui ont lieu lors de
point, à la genèse et au changement psychologiques
la puberté et de l’adolescence (…). C’est-à-dire, les
(Baumrind, 1989 ; Lener, Hultsch, 1983 ; Lourenço,
études de Piaget sur la description des changements
1997). Cela équivaut, d’un autre côté, à caractériser aussi
cognitifs lors de cette phase de développement, change-
cette étape par l’émergence de nouvelles capacités, à
ments qu’il qualifie d’opérations formelles, sont encore
l’intérieur d’un processus qui n’est pas simplement
sans rival » (Lourenço, 1997, p. 314). Ce point de vue
« cumulatif », mais plutôt « transformateur et inté-
permet de caractériser l’adolescence par l’élaboration
grant » (Carlsen, 1988, p. 12-13). Dans cette perspec- d’une nouvelle forme de pensée, la pensée opératoire
tive, le phénomène adolescent est alors interprété formelle. Il s’agit, en résumé, d’une pensée abstraite,
comme un équilibre progressif ou comme une adapta- hypothético-déductive, combinatoire et proposition-
tion graduelle de l’individu au milieu et à lui-même nelle, capable d’accéder au monde des possibles et de
(Moshman, 1990 ; Youniss, 1995). subordonner le réel à ce monde, de maîtriser la double
Les transformations multiples et profondes à réversibilité et de procéder par la dissociation de facteurs
l’adolescence susceptibles de prendre part dans un phénomène bien
précis13.
La définition de l’adolescence qui repose sur l’idée
De son côté, la séquence des stades proposée par
de changement permet, à elle seule, de reconnaître
Kohlberg, et considérée comme sûre par d’autres auteurs
immédiatement l’ensemble des transformations multi-
(Boyes, Walker, 1988 ; Snarey, 1985), est certainement
ples et profondes qui semblent, effectivement, carac-
le meilleur instrument pour identifier les changements
tériser les années adolescentes du point de vue du qui, du point de vue moral, surviennent tout au long de
développement (Claes, 1986 ; Hurlock, 1975 ; Papalia, l’adolescence. Ces changements peuvent être observés
Olds, 1979 ; Sprinthall, Collins, 1994). lors du passage du niveau pré-conventionnel, qui est
Outre les transformations rapides qui, généralement, caractéristique chez l’enfant (stade 1 et stade 2), au
sont observées à partir d’11-12 ans12, tant au niveau de niveau conventionnel, qui, comme tout l’indique, est
particulier aux adolescents (stade 3 et stade 4). À ce
12. Cet âge est, en effet, celui qui est le plus souvent niveau conventionnel, les sujets du stade 3 « s’in-
indiqué pour marquer le début du cycle pubertaire. téressent surtout au maintien de la confiance interper-
Cependant, il y a d’importantes variations interindividuelles sonnelle et à l’approbation sociale » (Colby, Kohlberg,
qui se traduisent ou par des anticipations ou alors par des 1987, p. 27). Ils révèlent une orientation morale vers « le
retards plus ou moins considérables. Tout indique que les
causes de ces variations sont diverses, celles d’ordre géné- bon garçon et la bonne fille » et approuvent la maxime
tique et celles dépendant du milieu se détachant, sans, pour
autant, exclure les causes d’ordre psychologique (Claes, 13. Pour un exposé des caractéristiques de la pensée
1986, p. 80-81 ; Lehalle, 1988, p. 47). formelle plus détaillé, voir Lourenço (1997, p. 315-334).
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« ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils n’est fait ni en marge de ses parents, ni en marge de ceux
te fassent » (Claes, 1986, p. 121 ; Lourenço, 1992, qui traversent la même condition, c’est-à-dire, du groupe
p. 100-103). Ensuite, au stade 4, les sujets en viennent de ses pairs (Armsden, Greenberg, 1987 ; Feiring,
à défendre que « la poursuite des intérêts individuels Lewis, 1993 ; Paterson, Pryor, Field, 1995 ; Raja,
n’est légitime que quand elle est en accord avec le McGee, Stanton, 1992). Auprès de ceux-ci, l’adolescent
maintien du système socio-moral comme un tout » a l’occasion d’essayer de nouvelles formes de gestion
(Colby, Kohlberg, 1987, p. 28). Ils s’orientent maintenant de ses émotions et de ses affects, d’essayer de nouveaux
vers le respect de la loi acceptée socialement qui est util- modes de relation et, par conséquent, d’acquérir de
isée comme critère de justice et de moralité (Claes, nouvelles compétences socio-affectives (Berndt, 1982 ;
1986, p. 121 ; Lourenço, 1992, p. 103-106). Plus tard, Soares, 1990 ; Soares, Campos, 1986).
mais seulement vers l’âge de 20-25 ans, ce sera le Ainsi, durant l’adolescence, l’attachement à ses
moment où est atteint le niveau post-conventionnel14 qui parents, d’une part, l’attachement à ses pairs, d’autre
caractérise déjà l’âge adulte et qui se situe dans la part, acquièrent une importance capitale (Flum, 1994).
perspective de « l’individu qui a assumé des compromis En effet, compte tenu de la sécurité émotionnelle qu’il
avec les principes moraux sur lesquels une société juste
offre et de l’estime de soi-même qu’il favorise, ce
et bonne devrait se baser » (Kohlberg, 1976, p. 26).
double attachement joue un rôle structurant dans l’élab-
En ce qui concerne les changements de nature socio- oration progressive d’une nouvelle représentation de soi
affective, il importe de détacher surtout ceux qui s’as- et d’autrui. C’est avec un sentiment de continuité, avec
socient de près à l’une des tâches fondamentales de un sens de qui il est et avec une auto-connaissance de
l’adolescence, celle de la conquête de l’autonomie plus en plus vastes (Berndt, 1982 ; Erikson, 1968 ;
(Fleming, 1993). Possédant, maintenant, les capacités Kamptner, 1988), que l’adolescent construit sa propre
nécessaires au dépassement progressif de la situation de identité à partir du passé qu’il assume, du présent qu’il
dépendance vécue pendant l’enfance et à l’affirmation vit et du futur dans lequel il se projette continuellement
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d’une autonomie, dont il souhaite la reconnaissance (Santos, 1986).
rapide, l’adolescent modifie, alors, la manifestation
comportementale de son lien avec ses parents. Pour La pertinence de l’analyse psychologique rela-
l’essentiel, les parents perdent le statut de personnes tivement à l’adolescence
omniscientes et omnipotentes. Ils gagnent, en revanche,
Interpréter l’adolescence sous l’angle de l’idée de
dans bien d’autres domaines, puisqu’ils sont conviés à
changement apporte des avantages considérables. Il
entrer dans une dynamique relationnelle pouvant
devient, ainsi, possible d’identifier les caractéristiques
garantir une plus grande réciprocité (Youniss, 1980 ;
spécifiques de cette étape de la vie et, simultanément,
Youniss, Smollar, 1985), et à expérimenter des straté-
de garantir que l’analyse psychologique de celle-ci soit
gies mutuelles de pouvoir, ainsi que des modèles de
pertinente. Toutefois, l’option choisie présuppose la
communication différents (Noller, Callan, 1990, 1991).
Ouvert à un processus, dans lequel l’attachement et possibilité de déterminer les processus généraux sous-
l’autonomie ne s’excluent pas, mais, au contraire, se jacents au développement des adolescents.
complètent (Fleming, 1993 ; Soares, Campos, 1988), Mais est-il légitime de présupposer cette possibilité ? La
l’adolescent a besoin que ses parents soient, de façon question est complexe et, pour l’essentiel, elle renvoie
permanente, un point de référence fondamental au problème de l’universalité des processus psychologiques
(Paterson, Field, Pryor, 1994 ; Soares, 1996), bien que (Bril, Lehalle, 1988), dont l’analyse s’est souvent appuyée
« de nouveaux investissements, pour la plupart centrés sur les données fournies par les recherches de psychologie
en dehors de la famille » (Sampaio, 1994, p. 42), lui inter-culturelle d’inspiration piagétienne (Bovet, 1975 ;
apparaissent absolument indispensables (Coleman, Dasen, 1970, 1977 ; Kelly, 1977 ; Rogoff, Chavajay,
1980 b ; Soares, 1990)15. En fait, son développement 1995). Dans ce domaine, les résultats obtenus permet-
tent, directement ou indirectement, de mettre en doute
14. Selon le schéma proposé par Kolhberg, le niveau post- l’universalité de l’accès aux opérations formelles. Les
conventionnel intègre le stade 5 (contrat social et droits indi- conclusions de nombreuses autres études, de même inspi-
viduels) et le stade 6 (principes éthiques universels). ration, réalisées avec des adolescents et des adultes dans
Toutefois, l’auteur a fini par abandonner ce dernier stade des milieux ou dans des cultures dites occidentales, vont
« en tant que réalité empirique », ne le gardant que « comme dans le même sens. Dans ces cultures aussi, la pensée
suprême idéal de développement moral » (Lourenço, 1992,
opératoire formelle est loin d’être une acquisition
p. 109).
15. Il faut, en effet, que les parents comprennent le besoin universelle. En effet, un grand pourcentage d’adolescents
qu’éprouvent leurs enfants de faire ces nouveaux investisse- et d’adultes n’atteignent pas le niveau attendu lors des
ments. Il faut qu’ils comprennent aussi que « maintenant épreuves piagétiennes du stade formel (Carretero, 1985 ;
leur rôle est d’être attentifs, leur rôle est de les motiver sans Drévillon, 1980 ; Keating, 1980 ; Neimark, 1981).
pour autant les régenter, de les soutenir dans leurs échecs et
de les stimuler dans leurs réussites, en somme, d’être avec Bien qu’abondantes, les données qui défendent l’hy-
eux et respecter de plus en plus leur individualisation » pothèse de la relativité du développement – hypothèse
(Sampaio, 1994, p. 42). qui ne doit en aucun cas être sous-estimée (Montangero,
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530 bulletin de psychologie

1988) – n’excluent cependant pas la présence de dimen- COMMENT CONCLURE ?


sions communes. En vérité, le simple fait qu’il soit
La fragilité du concept d’adolescence, patente dans
possible d’établir des comparaisons est déjà un puissant
certains discours, qui continuent encore à être tenus sur cette
indicateur de cette présence. D’autre part, rien n’em-
phase de la vie, a justifié l’examen critique des définitions
pêche de « concevoir l’existence d’invariants struc-
fondées sur l’idée de transition et sur celle de crise.
turaux ou fondamentaux dont les manifestations obser-
vables seraient différentes selon les contextes culturels Les conclusions de cet examen ont mis en évidence la
ou individuels particuliers » (Lehalle, 1985, p. 13). nécessité de repenser ce concept d’adolescence pour y
Ce sont justement ces possibilités qui annulent la contra- rechercher ce qui est spécifique. Nous avons, alors, avancé
diction entre accepter, d’une part, l’existence de l’idée de changement pour trouver les fondements d’une
processus généraux et accepter, d’autre part, l’exis- définition de l’adolescence pouvant permettre une véri-
tence de considérables différences inter-individuelles. table identification de ses caractéristiques essentielles.
Enfin, la légitimité des descriptions générales étant Dépourvue d’aspects circonstanciels ou contingents
admise, il est tout à fait pertinent de définir l’adoles- et imperméable aux équivoques ou aux idées reçues, la
cence à travers ses caractéristiques particulières, c’est- définition fondée sur l’idée de changement ouvre la voie
à-dire, à travers les aspects qui en font une véritable à une compréhension appropriée du phénomène adoles-
période de développement, marquée par le signe du cent sans, toutefois, ignorer la complexité qui lui est
changement. inhérente.

RÉFÉRENCES
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