15
La dépollution
des sols
© Gaël Kerbaol/INRS
n DOSSIER réalisé 16 Les risques ne sont pas enfouis 22 Sous la tente, des travaux
par Leslie Courbon,
avec Antoine Bondéelle 19 L’Ademe met la main à la pâte 24 Des bactéries agents de propreté
et Cédric Duval.
20 Une pollution explosive 26 De la difficulté d’établir un diagnostic
F
riches industrielles,
remblais pollués, pres-
sings, stations service…
La France compte de
300 000 à 400 000 sites
aux sols potentiellement pol-
lués, ce qui représente envi-
ron 100 000 hectares 1. D’après
le ministère de l’Écologie, du
Développement durable et de
l’Énergie, « un site pollué est
un site qui, du fait d’anciens
dépôts de déchets ou d’infiltra-
tion de substances polluantes,
présente une pollution suscep-
tible de provoquer une nuisance
ou un risque pérenne pour les
personnes ou l’environnement.
© Gaël Kerbaol/INRS
Ces situations sont souvent
dues à d’anciennes pratiques
sommaires d’élimination des
déchets, mais aussi à des fuites
ou à des épandages de produits
chimiques, accidentels ou pas. Il
existe également autour de cer- Parmi les trois 2010, contre 3 200 000 tonnes découvre qu’il y a eu d’autres
tains sites des contaminations techniques existant en 2008 et 2 200 000 en 2006 2. activités et il est souvent difficile
aujourd’hui pour
dues à des retombées de rejets dépolluer un site, Les chantiers de dépollution de connaître les différents pro-
atmosphériques accumulés deux consistent dans se déroulent en trois grandes duits qui ont été utilisés. Il faut
au cours des années voire des l’excavation des phases. Tout d’abord, le dia- donc les identifier en fonction
décennies ». L’Agence de l’en- terres, qui seront gnostic. Il commence par une des activités connues ainsi que
traitées sur ou hors
vironnement et de la maîtrise étude historique. « Quand on les lieux et les façons dont ils ont
de l’énergie (Ademe) estime la ne connaît que l’activité la plus été utilisés », indique Christine
quantité de terres dépolluées récente sur le site, il faut faire David, experte en risques biolo-
par an à 3 700 000 tonnes en la généalogie du site. Là, on giques à l’INRS. Pour compléter
Référentiel de certification
Le Laboratoire national d’essais a élaboré, en liaison avec l’Union n établir des consignes et des règles pour les intervenants
des professionnels de la dépollution des sites et l’Union des sur site, notamment pour réduire les expositions ;
consultants et ingénieurs en environnement, un référentiel de n vérifier, suivre et gérer les expositions de leur personnel ;
certification basé sur la norme NF X31-620 « Qualité du sol. n s’assurer du suivi et de la gestion des expositions
Prestations de services relatives aux sites et sols pollués ». des sous-traitants lors de leurs travaux ;
Les entreprises certifiées doivent connaître les règles n prévenir les risques d’accident et équiper ces chantiers
d’environnement, de santé au travail et de sécurité relatives en moyens de secours et d’alerte ;
aux interventions sur les sites et sols pollués et les faire n mettre en place des actions correctives en cas
respecter par l’ensemble des intervenants. Pour cela, elles de dépassement des valeurs limites d’expositions
doivent : professionnelles fixées par le Code du travail.
D
éfinir les conditions tées : « Avant la première visite, comme des bâtiments vétustes,
techniques et finan- le chef de projet fait une analyse de l’amiante et des produits dan-
cières de l’interven- préalable des risques (APR) en gereux. Il y a alors un problème
tion de l’Ademe sur fonction des informations por- de priorité qui se pose. » Et les
les sites pollués dont tées à sa connaissance : état des problématiques rencontrées sont
l’agence a la charge 1 : tel est le bâtiments, présence d’amiante, très variées : descente de plon-
rôle des chefs de projets « sites de produits chimiques… Il prend geurs dans un puits contenant
et sols pollués » de l’Ademe. Ce les mesures de prévention adap- des boues polluées, hélitreuil-
sont eux, ensuite, qui suivent tées et détermine les EPI dont il lage de déchets extraits de fosses
l’exécution des travaux. Ils se aura besoin », explique Philippe contenant des terres polluées aux
rendent donc au moins une fois Huet. Lors de sa première visite hydrocarbures issues de marées
sur le site avant la conduite des du site, le chef de projet com- noires…
travaux et une fois par semaine plète l’APR avec les dangers et « C’est le diagnostic qui nous est
en phase de réalisation. Pour les risques qu’il a pu identifier. très utile pour préparer le plan
assurer leur sécurité sur les sites, Il est parfois amené à intervenir général de coordination, indique
l’Ademe les forme : « Nous expli- seul, « c’est pourquoi il doit indi- Christophe Mathieu, du Bureau
quons l’évaluation et la préven- quer sur la fiche de préparation Veritas. C’est lui qui nous donne
tion des risques liés aux subs- de visite de site le plan d’accès et l’état des bâtiments, ainsi que la
tances chimiques et dangereuses sa localisation précise, ainsi que liste des produits chimiques pré-
ainsi que la mise en œuvre d’une ses horaires prévus d’arrivée et sents. Nous pouvons ainsi établir
démarche d’analyse préalable de départ du site. Il doit appeler l’analyse des risques et définir
des risques. Le risque amiante un de ses collègues, identifié à les protections principales par
est abordé, ainsi que les risques l’avance, lorsqu’il arrive sur site type de travaux et la liste des EPI
industriels, notamment ceux liés et lorsqu’il en repart. S’il n’appelle à préconiser. Car, si nous pou-
aux rayonnements ionisants, pas, le collègue le rappelle et, vons mettre en place des protec-
explique Philippe Huet, chargé de sans réponse, prévient les pom- tions collectives pour les risques
la sécurité sites et sols pollués à piers », souligne Philippe Huet. liés au chantier, pour le risque
l’Ademe. Chaque nouvel embau- Quant à la coordination SPS, elle chimique, sur ce type de chan-
ché suit cette formation de trois est assurée par Bureau Veritas. tier, il n’existe pas de protection
jours, puis un module de recy- « Il y a de grosses différences collective toujours efficace. » n
clage tous les trois ans portant avec les chantiers de travaux 1. L’Ademe est chargée, par arrêté
notamment sur les évolutions de publics plus classiques, constate préfectoral et après accord du ministère
la réglementation et la valorisa- Jacques Mazuet, chargé du mar- chargé de l’Environnement,
des interventions nécessaires sur
tion des retours d’expériences. » ché avec l’Ademe chez Bureau les sites à responsable défaillant.
Un certain nombre de procédures Veritas : moins de coactivité,
doivent également être respec- mais des problèmes spécifiques L. C.
D
es munitions, des historiques, des diagnostics et Arrive alors la phase de mise au
bombes… il arrive que des sondages des sols à l’aide jour de la cible, c’est-à-dire l’opé-
les sols contiennent d’appareils de mesure ont été ration qui consiste à la déterrer.
encore des traces des réalisés, afin d’évaluer la quantité Pour cela, afin d’éviter tout choc
guerres passées. C’est et la taille des munitions. Ensuite, risquant de la faire exploser,
le cas de l’ancien dépôt de muni- le prestataire a été choisi, et par la pelle mécanique ne doit pas
tions de l’Étamat, fermé depuis conséquence le chargé de sécu- approcher à moins de 50 cm de
1996. En 1945, il a été bombardé, rité pyrotechnique 1
. L’étude de la cible. Pour s’en assurer, l’opé-
ce qui a entraîné la dispersion de sécurité pyrotechnique a été vali- rateur est muni d’un détecteur de
munitions qui, lors de la recons- dée par les entités concernées métaux ferreux et guide l’aide-
truction du site, ont été enterrées. (voir l’encadré page suivante). opérateur, aux commandes de
Repères
Le terrain, appartenant au minis- Les travaux, commencés en mars l’engin, avec des gestes. « À ce n Superficie
tère de la Défense, va être vendu 2012, devraient se terminer en moment-là, le risque principal est du site : 56 ha.
à la Communauté de communes mai 2014. que la pelle heurte l’opérateur, n Nombre de cibles
du Dunois. Une centrale photovol- explique François Grandclerc, mises au jour
taïque sur une partie et un centre De la mise au jour responsable du chantier. Pour en janvier 2014 :
dédié aux énergies renouvelables à la destruction l’éviter, nous demandons à l’aide- 80 600.
sur l’autre vont y être installés. Deux personnes constituent une opérateur de ne faire aucun mou-
n Nombre
Il faut auparavant en réaliser la équipe de déminage : un opéra- vement de pelle vers la gauche, là
de cibles identifiées
dépollution pyrotechnique. teur et un aide-opérateur, équipés où est l’opérateur. »
comme munitions
« L’objectif de cette dépollution est de vêtements réfléchissants, d’un La terre à proximité immédiate de
ou morceaux
d’assurer la sécurité des travail- casque et de gants. Le terrain a la munition est excavée manuel-
de munitions :
leurs lors des travaux d’aména- été découpé en carrés de 50 m lement à l'aide de pelles. « Il y a
38 283.
gement et de maintenance du site de côté. Les équipes – quatre au plus de risques d’activer la muni-
et des futurs usagers lors de son maximum – interviennent cha- tion en cognant l’avant que l’ar- n Nombre de cibles
exploitation », explique Constant cune sur un carré. Les travaux rière. L’opérateur et l’aide-opéra- identifiées comme
Muller, ingénieur à la Direction sont organisés de façon à mainte- teur se placent donc à l’arrière de munitions actives
centrale du service d’infrastruc- nir une distance de 50 m entre les la munition », explique Jean-Yves et détruites en
ture de la défense. Sur ce site, carrés des différentes équipes 2. Montano, coordinateur des opé- janvier 2014 : 1 053.
cela consiste à supprimer toutes Dans un premier temps, à l’aide rations chez Sita Remédiation.
les munitions sur une profondeur d’un détecteur (magnétomètre Lorsque la munition est mise au
de 80 cm à 1 m selon les zones, et ou détecteur électromagnétique), jour, deux solutions sont pos-
jusqu’à 3 m là où seront implan- l’opérateur localise précisément sibles. Soit elle est détruite sur
tés les bâtiments. Le ministère les objets métalliques (munitions, place, soit elle est déplacée de
de la Défense est à la fois maître éclats de munitions, câbles…), quelques mètres pour être mise
d’ouvrage et maître d’œuvre. Les appelés cibles sur la parcelle. dans un « fourneau » où elle sera
opérations sont réalisées par Sita L’appareil donne également des détruite en même temps que
Remédiation. informations sur leur taille et d’autres munitions. C’est l’opéra-
Le projet date de 2009. Entre leur profondeur. L’aide-opérateur teur qui définira, selon plusieurs
2009 et 2012, il a fallu évaluer matérialise leur emplacement critères (présence d’un explosif,
l’ampleur des travaux. Des études avec de la peinture. d’un système de mise à feu, etc.),
Interview
© Grégoire Maisonneuve pour l’INRS
« L’opérateur et moi, nous assurons je suis plus haut dans ma pelle, je lui fais
mutuellement notre sécurité. Contrairement signe lorsqu’il peut y avoir un danger,
aux travaux publics, l’opérateur peut par exemple lorsqu’on arrive au niveau
se trouver dans la zone d’intervention de la nappe phréatique et que je risque
de la pelle. Il faut donc une grande confiance de lui projeter de la boue. De même, lorsque
entre nous : nous communiquons par gestes. je recule, il peut m’indiquer les obstacles
Parfois, je lui dis de s’écarter et, comme qui sont derrière la pelle. »
si la munition peut être transpor- et prévient les secours en cas de méthodes de mise au jour et de
tée en toute sécurité ou non. Car problème. » destruction prenant en compte la
c’est lors des manipulations – que Puis le tout est recouvert de terre sécurité des travailleurs, connaît
l’entreprise s’efforce de réduire et mis à feu à distance. Cette peu d’accidents liés aux explo-
au maximum – qu’une munition distance dépend de la quan- sifs. « Les accidents enregistrés
peut présenter un risque. C’est tité d’explosif contenu dans les Pour mettre au jour les
ces dernières années, constate
pour cette raison que celles-ci ne munitions. Les éclats de muni- munitions repérées, Constant Muller, arrivent lorsque
sont pas stockées mais détruites tions – issus de la mise à feu la terre est excavée la dépollution pyrotechnique n’a
chaque jour. volontaire ou directement trou- grossièrement à la pas été prise en compte et qu’il
La profession est réglementée : un vés en l’état sur le site – sont à pelleteuse selon des y a la découverte fortuite d’une
procédures strictes
arrêté définit les connaissances nouveau examinés pour s’assurer et sous les ordres de munition 4. » Ceux-ci sont très
que doivent posséder le respon- qu’ils ne contiennent plus d’ex- l’opérateur muni d’un graves, souvent mortels. Les
sable de chantier, l’opérateur et plosif. Ils passent alors à l’ate- détecteur de métaux. principaux risques auxquels sont
l’aide-opérateur 3 et une habilita- lier de démantèlement-déna- La terre à proximité confrontés les salariés du secteur,
immédiate de la
tion d’aptitude doit être délivrée turation où ils sont d’abord mis munition est excavée
en termes de fréquence, sont les
par l’employeur à chacun. « Pour dans un four pour que les traces avec des pelles troubles musculosquelettiques,
cela, chez Sita Remédiation, nous restantes d’explosifs se consu- manuelles. du fait des mouvements répétitifs
avons mis en place un système avec la pelle ou les détecteurs de
de test pour les nouveaux embau- métaux, et le risque routier, car
chés, indique Pascal Cavarec, les chantiers se déroulent partout
directeur des activités pyrotech- en France. n
nique chez Sita Remédiation. Il 1. Le chargé de sécurité pyrotechnique
permet de leur délivrer l’habilita- assure pour le compte du maître
tion, mais aussi d’orienter les for- d’ouvrage le respect des règles de
A
vant, c’était une tente, ventilée, de 120 m de long monoxyde de carbone et qui
usine chimique. et de 40 m de large a été instal- évaluent la limite d’explosivité.
Aujourd’hui, c’est lée. « Elle sert à protéger l’envi- Pour compléter ces mesures,
un vaste chantier de ronnement et les riverains. Elle deux salariés sont équipés de
9 ha, situé à Persan, limite la propagation du bruit, PID portatifs et de détecteurs
dans le Val-d’Oise, ayant pour la dispersion des poussières multigaz.
objectif de réhabiliter le site, ou des polluants. Mais pour les
pollué en différents endroits. employés, ça rend les condi- Estimer la durée de vie
Une partie du site sera reconver- tions de travail plus difficiles, en d’une cartouche
tie en zone d’activités, l’autre en concentrant les polluants dans Les variations des concentrations
parc. Depuis 2002, l’usine a été leur zone de travail », explique de polluants au cours de la jour-
démantelée, les dalles de béton Tudor Pricop-Bass, directeur née rendent difficile l’évaluation
et les cuves enterrées ont été technique chez URS, le bureau du temps que met la cartouche
enlevées. La dépollution a débuté d’études spécialisé en ingénierie d’un masque pour être saturée.
en 2011 avec des campagnes de et conseil environnemental qui La durée de vie d’une cartouche
caractérisation des polluants assure l’assistance à maîtrise dépend de la température, de
(sondages des sols et prélève- d’ouvrage. Des opérateurs inter- l’hygrométrie, des caractéris-
ments d’échantillons) visant à viennent en effet sous la tente tiques des cartouches… mais
établir le plan d’excavation. Les pour réaliser des prélèvements aussi du type de polluant et de
polluants principaux sont les de la nappe mise au jour. Ils sa concentration. Comment donc
phtalates, les chloro benzènes, sont équipés d’une combinaison déterminer la fréquence de rem-
les hydrocarbures et les BTEX jetable, de gants et d’un masque placement de ces cartouches ?
(benzène, toluène, éthylbenzène complet à ventilation assistée. Pour répondre à cette question,
et xylènes) qui peuvent être Sous la tente, les concentrations URS a décidé de s’appuyer sur
toxiques et cancérogènes, muta- en polluants varient fortement une base de données qu’elle
gènes, reprotoxiques (CMR) par tout au long de la journée et, utilise pour suivre son chantier.
inhalation, ingestion ou contact malgré les sondages qui ont été Y sont notamment intégrées
cutané. préalablement réalisés, elles ne toutes les données caractérisant
En novembre 2013, le chantier peuvent être connues à l’avance. le chantier : position des son-
est bien avancé. Dans la zone en Des mesures sont réalisées en dages, des piézomètres, des pré-
cours de traitement, les terres ont continu par des balises compor- lèvements d’échantillons, nom
été excavées jusqu’à 6 m de pro- tant d’une part un capteur PID des personnes présentes sur le
fondeur et évacuées du site. Au- (détecteur à photo-ionisation) chantier, mesures réalisées par
delà de 6 m, on atteint la nappe qui détermine la concentration les balises…
phréatique : il s’agit maintenant en composés organiques volatils, « Chaque jour, les valeurs mesu-
de la dépolluer. De l’air y est d’autre part des capteurs mesu- rées par les balises sont char-
injecté pour libérer les polluants rant la teneur en hydrogène sul- gées dans la base de données,
volatils. C’est le « sparging ». Une furé, dioxygène, dioxyde d’azote, indique Guillaume Julien, ingé-
Zones à risque
Zones verte, orange, rouge et noire. Quatre zones ont été identifiées sur le site.
La première ne présente pas de risque particulier et ne nécessite aucun EPI.
La zone orange est une zone de transition entre la zone verte et la zone rouge
et présente des risques liés au chantier de dépollution. Il est interdit d’y boire, manger
et fumer. Les chaussures de sécurité, le casque et le gilet jaune sont obligatoires
© Gaël Kerbaol/INRS
(pour être vu lorsque des engins de chantier sont présents). Dans la zone rouge,
qui correspond à une zone où la terre est excavée mais qui n’est pas sous tente,
une combinaison de travail est obligatoire, ainsi, éventuellement, que le port d’un
appareil de protection respiratoire. Enfin, dans la zone noire, qui correspond à la tente,
il faut de plus un masque à ventilation assistée et une combinaison intégrale jetable.
V
u du ciel, on pour-
rait croire à un golf
jouxtant des terrains
de tennis couverts. Il
n’en est rien. Le gazon
recouvre en réalité des déchets
industriels soigneusement
enfouis pour éviter toute conta-
mination des sols et des nappes.
Quant aux bulles vertes, elles
abritent des monceaux de terres
en phase de dépollution. « Ces
terres, que nous recevons et que
nous traitons, sont le plus souvent
© Serge Morillon pour l’INRS
Interview
Hugues Henry, responsable de l’usine Sita FD à Jeandelaincourt
Que deviennent les terres dépolluées ? afin de faire pousser des herbes sur des sites industriels,
En France, les débouchés sont très limités. L’une des raisons en vue d’exploiter ces végétaux pour produire de l’énergie.
tient au principe de précaution en vigueur dans notre pays. Dans d’autres pays européens, la situation est différente.
Une autre est liée au fait que l’Hexagone n’est pas en En Belgique ou en Allemagne, par exemple, ces terres
manque de terres. Résultat, les terres dépolluées sont dépolluées peuvent être utilisées pour la construction
essentiellement utilisées pour recouvrir des sites d’ouvrages (pare-bruit, revêtement…) ou l’aménagement
d’enfouissement de déchets. Un projet est néanmoins d’espaces verts.
à l’étude avec la région Lorraine pour réutiliser ces terres
De la difficulté d’établir
un diagnostic
La dépollution des sites commence par une étape de diagnostic et d’analyse
des polluants, pouvant se prolonger par l’excavation, le confinement, le traitement
des déchets et terres polluées… L’entreprise Burgeap organise, à travers ses agences
locales, la maîtrise d’œuvre de ces « chantiers d’avant-chantier ». Visite d’un site
avec agents de terrain et sous-traitants, pendant les opérations de sondages
et de prélèvements aux fins d’analyse.
U
n mercredi matin, bilité en logements – et devant ter les investigations », remarque
humide et hivernal, donc bénéficier de la dépollution Vincent Huber. Dans ce cas pré-
à Nanterre, dans les la plus complète possible – a cis, sont recherchés en priorité
Hauts-de-Seine. Le été occupé par une menuise- des hydrocarbures, des COHV
tout premier chan- rie, avec une zone de vernis et (composés organiques halogé-
tier avant réhabilitation d’un de séchage. » Précédemment, le nés volatils) et des preuves de
ancien site industriel vient de site a connu deux autres acti- la présence ou non de BTEX 2.
démarrer : il s’agit d’établir un vités, comprenant également Ces produits sont en effet les
diagnostic de la pollution géné- le travail du bois mais aussi de plus fréquemment rencontrés
rée par d’anciennes activités, matières plastiques : « Un plan autour ou au droit des anciennes
afin de procéder le cas échéant de 1983 montre une cuve de structures, telles que décrites
à sa dépollution. Nicole Nivault, mazout, extérieure, en bordure dans les plans d’occupation suc-
directrice de l’activité Sols pol- proche ; des postes de fraiseuse, cessifs. « Notre métier consiste
lués chez Burgeap, accompa- tours, scies et injection de plas- à réaliser, en plus du diagnos-
gnée de Constance Lenne, ingé- tique y sont indiqués, complète tic, la maîtrise d’œuvre de la
nieur sécurité, rejoint Vincent Nicole Nivault. Encore aupara- dépollution, avant la réhabilita-
Huber, ingénieur terrain. Ce der- vant, une petite imprimerie a tion proprement dite, reprend la
nier est arrivé tôt pour préparer été présente de 1956 à 1976. directrice de l’activité Sols pol-
la mise en œuvre des sondages Nous avons retrouvé les décla- lués. Rechercher la présence de
et carottages aux fins d’analyse rations de stockages d’essence, composés dangereux peut expo-
du terrain et de pose de « pié- de diluants, d’huiles d’entretien, ser nos collaborateurs au risque
zairs »1, pour la mesure de la d’alcool industriel et de fuel en chimique, même si les quantités
pollution de l’air contenu dans citerne. » varient considérablement d’un
les sols pour le compte du maître site à l’autre. C’est pourquoi tous
d’ouvrage. Dict et plan sont formés et informés préala-
« La première opération consiste de prévention blement, et régulièrement, sur la
à retracer et à documenter Ce travail de documentation prévention d’un certain nombre
autant que possible l’histo- s’avère indispensable à la bonne de risques. »
rique du site, afin d’évaluer préparation des chantiers : « Les Les risques sont multiples, tant
les risques, ainsi que le ou les sols, les eaux résiduelles, l’air pour les agents de terrain que
polluants à rechercher, signale peuvent être contaminés. Il pour les sous-traitants : perce-
Nicole Nivault. Dans le cas pré- vaut mieux savoir a priori vers ment de réseaux (eau, gaz, élec-
sent, ce site, destiné à être réha- quelles substances on va orien- tricité…), chutes de hauteur ou
« Pour réaliser le diagnostic avant dépollution éventuelle, nous faisons appel à des sous-traitants
amont, par exemple l’entreprise Gaufor, qui effectuent les sondages et la pose des “piézairs”
(voir note de bas de page en fin d’article, page 28) ; et à des sous-traitants aval, qui sont des
laboratoires spécialisés, pour la mesure précise des quantités ou concentrations de polluants
dans l’air, l’eau ou les sols. Notre personnel de terrain, comme Vincent aujourd’hui, réalise les
premières estimations sur place (par exemple avec des tubes de détection de gaz par colorimétrie
et le PID) et établissent des “fiches d’échantillonnage des sols” d’après les sondages, qui seront
transmises aux laboratoires et dans nos services pour traitement ultérieur. »
Interview
Vincent Huber, ingénieur terrain chez Burgeap
« L’une des difficultés de notre métier réside dans le travail Dans les zones rurales, nous devons penser aux pauses repas
sur des sites parfois inoccupés depuis longtemps (friches), et les anticiper dans l’organisation ; dans les zones urbaines,
souvent en plein air, et en toutes saisons. Outre les repérer les installations avoisinantes (cafés ou restaurants,
équipements spécifiques de travail, nous devons prévoir sanisettes…) pouvant permettre de prendre des pauses,
également des tenues chaudes en hiver, des vêtements si nous restons sur site une journée ou plus. »
visibles (chasubles, vestes à revêtements fluorescents),
des tenues de protection contre les intempéries… Une autre
contrainte provient aussi, souvent, de la consignation des
réseaux (eau, gaz, électricité) sur nos lieux d’intervention.