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HISTOIRE DES MUSIQUES

DES XXe ET XXIe SIECLES

- Diversité et foisonnement des


musiques du second XXe siècle -

Avant-propos
Le second XXe siècle a donné naissance à une réflexion majeure au niveau théorique,
tout au moins sur le continent européen détruit par une deuxième guerre mondiale aux
conséquences si dévastatrices pour l'esprit et si terrifiante pour la dignité du genre humain. Cette
réflexion a remis à plat tout ce qui était connu du langage musical si bien que le mot de radicalité a
pu prendre toute sa place au sein d'une problématique qui a accordé à l'expérimentation droit de
cité.

Introduction
On assiste à un séisme culturel sans précédent dans l'histoire de la musique au XXe siècle,
entre la capitulation de l'Allemagne nazie en 1945, l'édification du mure de Berlin en 1961, sa
destruction en 1989 et la révélation de la théorie boulézienne en 1963 (Penser la musique
aujourd'hui).
Darmstadt en Allemagne de l'Ouest est un lieu de rencontres et une pléiade pour les
compositeurs. La recherche de nouvelles théories, la publication d'écrits importants sur le langage
et le temps musical favorisent l'éclosion d'un climat favorable à la réflexion individuelle et
collective.

I/ Du Mode de valeurs et d'intensités de Messiaen à la publication de Penser la musique aujourd'hui


et jalon (pour une décennie) de Boulez
Composées en 1949, les Quatre études de rythme de Messiaen provoque l'étonnement. Le
projet consiste à prédéterminer les paramètres du son, à savoir la hauteur, la durée, l'intensité et
l'attaque. L'espace est régi selon une technique de trois divisions. La division I dans la portée
supérieure du piano, la division II dans la portée médiane, et la division III dans la portée grave.
L'étude II, Mode de valeurs et d'intensités, comprend un mode de hauteurs de 36 sons, un mode de
valeurs de 24 durées chromatiques de la triple-croche à la ronde pointée, un mode de 12 attaques, et
un mode de 7 intensités.
En 1951/1952, Boulez compose le premier livre de Structures Ia, Ib, et Ic. La Structure Ia
se définit par trois tempos et s'organise en 11 sections. Chaque section met en évidence une ou
plusieurs formes sérielles de manière à ce que les 48 formes dans les 11 sections soient énoncées à
chaque fois une seule fois.
Composé en 1953/1955, pour contralto, flûte en sol, guitare, vibraphone, xylorimba,
percussion et alto, Le marteau sans maître de Boulez rassemble trois poèmes de Char.
L'organisation musicale est basée sur trois cycles correspondant chacun aux trois poèmes, et à son
tour, chaque cycle comprend trois pièces.
II/ Les innovations visionnaires de Stockhausen révélées à partir d'une structuration raisonnée de
l'espace et du temps
Stockhausen exprime une vision de totale reconstruction du monde musical, surtout après les
champs de ruines laissés par les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale sur l’Allemagne. Il
ne fit pas mystère de cette réalité, destinée à casser le moral de la population allemande, pour
marquer paradoxalement l’avènement d’une période où la radicalité serait le maître-mot.
Porté par la découverte de nouveaux sons explorés dans les studios de musique concrète puis
de musique électronique, Stockhausen révèle sa véritable nature : sérialisation des tempi et
proportions musicales osées. Il est en quête d’une architecture musicale spatialisée et
spécifiquement étudiée en fonction d’une réévaluation de l’espace acoustique des salles de concerts
adaptées à la nouvelle musique.
Stockhausen occupe une place importante dans la réflexion théorique du sérialisme intégral.
Kontra-Punkte (1952/1953) pour 10 instruments est né d’une série de transformations et de
renouvellements cachés et logiques où aucune fin n’est à prévoir, jamais on n’entend la même
chose.
Il élargit cette perspective aux quatre paramètres du son (hauteur, durée, intensité et
timbre) mais également à la densité, à la mesure, au tempo, au registre, à la forme et à la
spatialisation. L’exploitation se fait dans le sens d’un continuum entre durées et hauteurs de sons
désigné sous la forme de macro-temps mesurables en durées perceptibles et de micro-temps sous la
forme de hauteurs.
Le souci du compositeur revient à rechercher une équivalence entre « octave-hauteur » et
« octave-durée », ainsi qu’à concevoir un spectre de phases de hauteurs comme de durées. Il nomme
les harmoniques de durées « formants ».
La complexité par groupes (174 au total) atteint un sommet de combinatoire avec Gruppen
(1955/1957) pour trois orchestres, totalisant 109 musiciens. La disposition spatiale nécessite le
demi-cercle autour du public. Le jour de la création, les orchestres étaient dirigés par Stockhausen,
Maderna et Boulez.

III/ Une pluralité de créations musicales en quête d'expérimentations successives


L’expérimentation musicale inclut la construction d’instruments nouveaux et la
redistribution des masses orchestrales. Elle se rencontre au cœur d’une notation inédite ou bien
d’un graphisme novateur. Elle est au cœur d’une remise en cause de l’écoute et de la création avec
l’arrivée d’une conception qui ouvre le champ de l’audition à tous les possibles.
L’expérimentation fait partie d’une orientation que l’on rejette ou qui suscite la polémique :
le livre Requiem pour une avant-garde (1995) de Duteurtre est un classique du genre.

 L'exploration du continuum sonore infrachromatique


Des créateurs ont inventé des instruments pour rendre audible l’infrachromatisme aux
oreilles des auditeurs potentiels.
Carrillo arrive à percevoir un intervalle de 1/16 de ton et fit construire des cithares à 1/16 de
ton, à 1/3 de ton et à 1/5 de ton. Sa théorie du Sonido 13 vise à remplir l’espace avec des sonorités
en nombre infini.
Haba a mis au point un système original de composition en 1/4 de ton dès 1922 (Les bases
harmoniques du système par quarts de ton) et un traité des systèmes diatoniques en 1/4, 1/3, 1/6 et
1/12 de ton. Il prit par à la construction d’instruments à 1/4 et à 1/6 de ton. Parmi ces
instruments, on relève trois types de piano à 1/4 de ton (1924/1931), un type de clarinette (1924),
d’harmonium (1928), de trompette (1931) et de guitare (1943).
Wyschnegradsky explore les multiples de 12 demi-tons. Il développe la théorie de
l’ultrachromatisme rythmique.
Parmi les compositeurs ayant utilisé ces théories, on trouve Bancquart, Xenakis, Ligeti,
Boulez, Nono, …

 Des pratiques orchestrales et instrumentales délivrées du sérialisme intégral


Xenakis publie un article, La crise de la musique sérielle (1955), destiné à remettre en cause
le sérialisme et à lui préférer une logique probabiliste.
Il crée une pratique qui intègre les lois des grands nombres, de processus aléatoires, une
musique fabriquée du principe de l’indéterminisme, qu’il a appelé musique stochastique. Cela
vient du grec « tendu irrésistiblement vers un but ». A partir de ces modèles sonores engendrés
mathématiquement est née une approche créatrice.
La modernité de Xenakis se soumet à l’épreuve de l’organisation d’une masse d’événements
par les calculs préalables. Metastasis (1953/1954) illustre une vision de surfaces dans l’espace. On y
retrouve l’hyper-division des cordes, divisées en 61 parties différentes qui représentent 61
instrumentistes.

Ligeti a pris de la distance vis-à-vis du chromatisme total et des denses tissus


micropolyphoniques dans les années 1980. L’arrivée de Ligeti en Europe de l’Ouest est dûe aux
conséquences de la répression des troupes du pacte de Varsovie et des chars soviétiques lors du
soulèvement de Budapest en 1956. Il avait déjà beaucoup écrit, mais plutôt dans un style proche de
Bartok. Il fût accueilli à Cologne par Stockhausen et travailla dans le studio de musique
électronique de cette ville.
Une légitime incursion dans la musique électronique avec la réalisation de Glissandi
(1957) et d’Artikulation (1958) a obligé Ligeti à réfléchir sur le statisme mais à condition qu’il soit
doué de mouvements micropolyphoniques à l’intérieur du déroulement musical. L’héritage laissé
par Ligeti en cette période poussait la continuité au point de construire une ambivalence du statisme
à l’aide de complexes de sons remplis chromatiquement. L’usage du cluster n’est recevable qu’en
fonction d’une organisation de champs sonores chronométriques et d’une ouverture à l’espace. Au
sein de cette catégorie d’écriture naissent des œuvres telles que Apparitions (1958/1959), Concerto
pour Violoncelle et orchestre (1966) et Dix pièces pour quintette à vent (1968).

Penderecki a contribué à faire sortir la musique polonaise hors de ses frontières. Son œuvre
s’est affirmée dès la fin des années 1950 : Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima (1960)
pour 52 cordes, De natura sonoris n°1 (1966) pour orchestre. De natura sonoris n°2 (1971) pour
orchestre témoigne de la première phase de ses recherches et autres expérimentations sonores à
l’aide d’une codification graphique tournée vers la gestualité et la vision du trait. Penderecki s’est
mis à concevoir une musique proche de l’expérimentation basée sur la sonorité globale et ses
conséquences mais en ayant recours à des instruments traditionnels. La notation musicale en fût
réévaluée : Penderecki soumit au chef et aux instrumentistes une véritable nomenclature
orchestrale répertoriée dans la page de garde de la partition et comparable à un mode d’emploi.

 La remise en question de la nécessité et de la détermination par l'indétermination et la forme


ouverte
Des compositeurs américains comme Brown, Feldman ou Wolff ont apporté un souffle à la
musique et leurs évolutions ont généré une réflexion différente sur la forme. Des pages comme
November 1952, du compositeur Brown introduisent la forme ouverte et les techniques semi-
aléatoires dans la composition musicale.

L’ activité constante dont parle Cage est l’exercice d’indétermination : elle fait taire la
volonté de puissance du compositeur. Ce qui le distingue des autres musiciens, c’est une ouverture
à la non-œuvre : en tant que compositeur, il vise à déterminer non plus la nature de la musique
comme essence, mais l’essence de la musique comme nature.
Toute sa vie, Cage a cherché à libérer les sons. Initié à la philosophie orientale et au zen, il
crée une conception nouvelle du silence, une audace qui revendique le hasard y compris dans
l’interprétation musicale. Dès 1938, l’invention du piano préparé permet à Cage de développer une
attitude singulière. Les Sonates et interludes pour piano préparé (1946/1948) comprennent seize
sonates et quatre interludes et sont représentatives d’une période d’innovation reliée à la théorie des
rasas, déduite des neuf sentiments permanents de l’esthétique hindoue. Dans la théorie, il y a quatre
saveurs claires (l’érotisme, l’héroïque, le merveilleux, et le comique), quatre saveurs sombres
(l’odieux, le furieux, le terrible, et le pathétique), et une saveur commune aux huit autres (la
tranquillité).
Cage fait sensation avec 4’33’’ (1952) où le pianiste doit rester immobile et doit ressusciter
l’informe, le silence et l’instant. L’expérimentation chez lui trouve un terrain favorable à développer
des rapports entre l’ouïe et la vue.
Depuis 1969, l’interaction entre les arts visuels et la musique sont de plus en plus présents.

Boulez, Stockhausen, Boucourechliev et Lutoslawski ont fait évoluer la sensibilité musicale.


Ils se sont tous positionnés par rapport à des questions qui concernaient la mobilité, le hasard
contrôlé, l’aléatoire, et le hasard dirigé. L’année 1957 est importante : elle voit la création de la
composition de la Troisième sonate pour piano de Boulez et du Klaverstück XI de Stockhausen. La
recherche d’une ouverture au second degré, le choix de l’ambiguïté et de l’information comme
valeurs essentielles de l’œuvre, représentent un refus de l’inertie psychologique qui se cachait
derrière la contemplation d’un ordre retrouvé. Aujourd’hui, l’accent est mis sur le processus. Non
seulement, le compositeur pense la forme autrement, mais encore il demande à l’interprète
d’intervenir dans l’œuvre.
L’intérêt de la forme ouverte réside dans la richesse d’une réalisation qui ne s’épuise pas tant
les potentialités sont nombreuses.
Boucourechliev s’est porté garant d’une participation active de l’interprète à un processus
formel associé à la forme ouverte. Le cycle des cinq Archipels (1967/1972) demeure l’expérience la
plus connue : toute intervention doit être ressentie comme nécessaire. Elle conditionne les réactions
des autres interprètes et infléchit le cours de la forme. Il s’agit donc de responsabilité dans la
liberté.

IV/ Une brillante génération de compositeurs italiens


 Maderna, le pédagogue, le chef d'orchestre, le compositeur
En 1955, Maderna fonde avec Berio le studio de phonologie de la RAI à Milan. Il est
l’auteur d’une production musicale marquante qui mêle des expériences instrumentales et électro-
acoustiques à des œuvres appartenant aussi bien au domaine de la musique de chambre qu’à
l’orchestre.
Sa production s’est diversifiée sur trois terrains d’action musicale : le domaine instrumental,
le domaine théâtral, et le domaine symphonique.

 Luigi Nono, le chercheur et le musicien engagé


Nono est un acteur très important de la vie musicale de son pays natal. Il prit ses
distances à l’égard des conceptions de Cage sur la musique. La démarche de Nono s’enracine
dans le sérialisme et le modèle webernien.
Il est un chercheur de sonorités nouvelles. Au studio de phonologie de Milan, outre
l’électronique, il entreprend des recherches sur la linguistique et la voix, destinées à élargir un
univers musical qui ne serait pas limité uniquement au sérialisme.
Propulsé sur la scène des auteurs engagés, Nono en fût d’autant plus isolé par les circuits
de distribution lorsque les éditions Schott décidèrent de rompre avec lui pour avoir utilisé un
texte de Brecht dans Intolleranzo 1960. C’est à ce moment-là qu’il choisira de produire ses
œuvres hors des circuits habituels, dans des usines, des lieux isolés, avec l’appui de Abbado et
Pollini.

 Les recherches foisonnantes de Luciano Berio


La diversité est au cœur de la production de Berio. Sans conteste, il se situe du côté de la
multiplicité des attitudes. Il ne rejette ni Webern ni Stravinski.
L’élargissement de sa pensée musicale est en grande partie redevable à l’expérience de
musique électronique accumulée dans le studio de phonologie de Milan. C’est un compositeur dont
l’univers musical accorde à la voix, à la linguistique, et au théâtre une importance primordiale.
Autant de comportements qui lui permirent d’échapper à la composition dodécaphonique.
En 1964, Berio commence à explorer d’autres horizons. Ce champ d’investigation l’a incité
à composer les Folk songs pour Mezzo-soprano, flûte, clarinette, 2 percussions, harpe, alto, et
violoncelle. Le chant populaire le conduit à intégrer onze chants.
Berio est connu du grand public comme étant le compositeur des Sequenzas (1958/1995),
qui ont marqué de leur empreinte le répertoire solistique. C’est un hommage à la virtuosité qui naît
d’un conflit entre l’idée musicale et les possibilités instrumentales. L’étude des Sequenzas montre
que l’auteur croise des savoirs basés sur la découverte de possibilités instrumentales nouvelles.
L’imaginaire de Berio est inséparable du théâtre musical, ainsi que du renouvellement d’un
genre : l’opéra.

 Franco Donatoni, un esprit traversé par le doute et la négation


Donatoni a été très marqué par la vigueur rythmique de Bartok et l’esprit rigoureux de la
seconde école de Vienne. Il rencontre Maderna en 1953. Il dédit deux œuvres à Boulez : Improvviso
(1957) et Cadeau (1984). Il traverse une « période négative » entre 1962 et 1965, dans laquelle il
veut s’arracher à la tyrannie de la notation traditionnelle. Il intègrera à partir de 1960 la notion de
hasard dans For Grilly, improvisation pour 7 musiciens.
Les œuvres des années 1980 sont plus attentives à la perception et à la réception du public :
Le ruisseau sous l’escalier (1981) pour 19 instruments et violoncelle solo.
L’opéra Atem (1985) fait apparaître des fragments de ses compositions des vingt dernières
années.

 Le talent polyvalent de Sylvano Bussotti


Bussotti se fait tour à tour musicien, compositeur, pianiste, peintre, écrivain, cinéaste, acteur,
dessinateur, scénographe, metteur en scène, auteur de décors et de costumes pour le théâtre et
l’opéra.
L’année 1965 constitue un tournant dans ses multiples activités. L’accent est mis sur le
théâtre musical. Dans ses pages, on retrouve ses préoccupations qui dépassent la notation
traditionnelle et englobent une attitude qui a recours à l’interaction entre le pictural, le scénique, le
musical et le graphisme.

V/ De quelques éléments de la postmodernité et de la difficulté à les appréhender


 Des musiques en référence à d'autres musiques
L’activité citationnelle devient source de réflexion : Ombres de Boucourechliev et Ludwig
van de Kagel sont deux hommages à Beethoven.

Compositeur prolifique, Rihm suit les conseils donnés par Stockhausen de ne pas se fixer. Sa
musique est hérissée de contrastes. Sa production comprend des œuvres scéniques (opéra de
chambre tel Faust und Yorick (1976), poèmes dansés, pièces de théâtre musical telle Oedipus
(1985/1987)) des œuvres symphoniques, des œuvres de musique de chambre.
Au XXe siècle, les musiques d’après la musique entraient dans le domaine du conflit, de la
mémoire, de la transformation créatrice d’une pièce, d’une vision originale transmise, du passé
revisité.

L’exemple le plus frappant reste celui du 3è mouvement de la Sinfonia de Berio, méditation


sur un thème mahlérien, qui emprunte le scherzo de la Symphonie n°2, pour mettre en œuvre une
ahurissante technique de collage citationnel. Parmi tous les collages effectués, on retrouve des
mesures qui appartiennent à Schoenberg, Debussy, Hindemith, Berlioz, Berg, Brahms, Stravinski,
Ravel, …
 L'émergence de compositeurs venus des pays de l'Est de l'Europe et de la Russie
Influencée aussi bien par Chostakovitch que Webern, Gubaidulina se force un style
personnel qui fait place à un certain éclectisme. Elle s’avère très réceptive à la dimension
spirituelle de la musique et à la spiritualité chrétienne. Sa production est conséquente : musique
de chambre, musique concertante et symphonique, pièces instrumentales, mise en musique de
poèmes.

Après s’être détaché de toute influence sérielle, Gorecki a choisi de travailler dans une
langue musicale simple, dépouillée, statique, néo-tonale. Des œuvres telles que Miserere (1981) ou
Quasi una fantasia (1990/1991) portent les traces d’une histoire tourmentée, marquée par la
seconde guerre mondiale.

Schnittke se situe au carrefour de plusieurs cultures et de plusieurs religions. Il disait se


sentir à la fois allemand, russe et juif. Il abordera la délicate question de l’hétérogénéité de styles : il
est alors questions du thème de la polystylistique. Il distingue la citation de l’allusion.

Pärt a fait plusieurs volte-face dans sa vie de compositeur : le milieu des années 1970
montre une immersion dans le passé revisité en ayant recours à la modalité héritée du Moyen-Age
et à la polyphonie de la Renaissance ; en 1980, Pärt quitte son pays d’origine et reconnaît
l’influence des compositeurs minimalistes, favorisées par l’éclosion de son nouvel univers
compositionnel.

VI/ La culture métissée de compositeurs américains confrontés au retour de la représentation


 La Monte Young
En 1956/1958, La Monte Young commence par se plier aux lois de l’époque et à produire
des pièces dodécaphoniques avant de s’installer à New-York et de se rendre compte de l’influence
de Cage sur la vie musicale. Avec Composition 1960 n°7, il jette les bases d’un courant musical très
important que l’on qualifia de musique répétitive ou minimaliste.

 Terry Riley
Terry Riley demeure pour le grand public le concepteur de l’œuvre la plus évocatrice qui
soit : In C (1966).
Dans les années 1960/1970, il se tourne vers les œuvres solo pour claviers électroniques et
saxophone. Il fût l’un des premiers à utiliser le principe du « retard sur bande » (ou Tape delay).
Plus tard naîtra une série d’œuvres de musique de chambre.

 Steve Reich
Steve Reich a étudié la composition avec Berio. Il n’emploie pas le terme de « répétitif »
pour qualifier sa musique, mais plutôt Repeating patterns, c’est-à-dire « motifs qui se répètent ».
Sa technique compositionnelle est fondée entre It’s a gonna rain (1965), qui met en boucle le
sermon sur le déluge du prêcheur Frère Walter enregistré à San Francisco, et Drumming (1971), sur
un processus de déphasage progressif.
L’une de ses sources d’inspiration est l’aspect inhumain et insensé de la Seconde Guerre
Mondiale : Different trains (1988), œuvre dans laquelle Reich utilise l’échantillonneur (sampler).
L’urbanité n’est pas étrangère à ses préoccupations : City life (1994) en est l’exemple le
plus représentatif. Image sonore de New-York, on y entend des bribes de conversation, des klaxons,
claquements de porte, signaux sonores de métro, coups de marteau, …
L’orientation récente de Reich le porte à réaliser des ouvrages où la notion de théâtre
musical documentaire intervient au premier plan. The cave (1993) est divisé en trois actes. Dans
chaque acte sont posées les mêmes questions à différents groupes de personnes : Israéliens,
Palestiniens, Américains.

 Philip Glass
Philip Glass a travaillé la composition musicale avec Nadia Boulanger. Il a rejeté
l’orientation musicale des sérialistes européens pensant qu’il ne pouvait aller plus loin que
Stockhausen.
Il fonde en 1967 le Philip Glass Ensemble, groupe amplifié. Il trouve un champ
d’application qui repose sur des principes basés d’une part sur la répétition et d’autre part sur la
persistance d’une formule rythmique ou harmonique.
Il a composé une quinzaine d’opéras, dont Einstein on the beach (1976). Il accueille et
valorise comme réalisation l’idée d’une transformation de la société par des personnalités qui ont eu
un impact considérable.

 John Adams
John Adams se méfiait de l’influence des écoles. En 1985, il entame une collaboration avec
une poète et un metteur en scène.
Sa production touche à des domaines variés : Century Roll (1996) se réfère à la musique
pour piano mécanique, Naive and Sentimental music (1997/1998) est une pièce pour orchestre où il
illustre le souhait de conserver l’esprit de l’enfance, Guide to Strange Places (2001) s’inspire de la
Provence, My Father Knew Charles Ives (2003) imprime une musique savante.
En 2002, il rend hommage aux victimes de la tragédie du 11 Septembre 2001 dans On the
Transmigration of Souls In Memory of September 11, 2001.

VII/ L'aura du spectralisme français peu enclin à se conjuguer au futur antérieur et à proclamer la
fin de l'histoire
Il existe une filiation italienne due à la rencontre avec Scelsi (auteur épris de philosophie
bouddhiste et compositeur) par Murail et Grisey. Scelsi a notamment composé cinq Quatuors, qui
reflètent une pensée sur la sonorité : la musique spectrale. Située aux antipodes de la musique
sérielle, ce courant musical a déferlé avec une certaine réussite sur la musique française.
Une partie de l’histoire de la musique française la plus récente s’est établie à partir de cette
réflexion sur les composants du son et la possibilité par la théorie d’aller plus loin dans le champ
illimité de ses applications grâce aux progrès de l’informatique musicale.
Ces musiques ont trouvé un moyen de diffusion efficace : la fondation de l’Ensemble
Itinéraire.

 Hugues Dufourt
Dufourt fonde en 1977 le Collectif de Recherche Instrumentale et de Synthèse Sonore
(CRISS) avec Bancquart et Murail. A partir de 1982, il est le responsable du Centre d’Information
et de Documentation en Recherche Musicale (CID-RM) et met en place un DEA de musique et
de musicologie à l’IRCAM en 1989. Ce compositeur-philosophe a participé aux activités du groupe
l’Itinéraire de 1976 à 1982.
Théoricien de la musique spectrale, il avoue avoir exploré les demi-teintes, les clairs-obscurs
et les fonds sombres de la peinture ancienne.

 Gérard Grisey
Grisey a suivi les cours de Messiaen et de Dutilleux, ainsi que des séminaires de
Stockhausen, Ligeti et Xenakis. Cette solide formation lui a permis de s’orienter vers une voie de la
radicalité dans l’expression du devenir des sons.
Il occupa les fonctions de professeur de Composition au CNSMDP à partir de 1986. Il
restera comme le représentant le plus important d’un courant qu’il a lui-même contribué à créer.
Il est le promoteur d’un nouvel espace harmonique et sonore à partir de la résonance en réinventant
une construction suivant les propriétés acoustiques du son.
Considérant les traités d’orchestration comme désuets, Grisey plaide pour une analyse
spectrale des instruments grâce à l’emploi des sonagrammes et spectrogrammes.
Grisey s’intéresse à la synthèse instrumentale et aux sons résultants (et par conséquent à ce
qui entoure chaque intervalle et complexe de sons). Son œuvre Les espaces acoustiques
(1974/1985) illustre bien cet aspect : conçu comme un grand crescendo, on part de la pièce soliste à
l’œuvre pour grand orchestre.

 Michaël Levinas
Cofondateur du groupe Itinéraire en 1973, Levinas est professeur d’analyse au CNSMDP. La
notion clef pour entrer dans son univers est « Qu’est-ce que l’instrumental ? » (Conférence
donnée en 1982). Il inclut de multiples interférences dont la mutation du timbre, l’amplification,
l’hybridation, la dimension théâtrale et son goût pour la voix.
Opposé à toute préoccupation qui pourrait dénaturer la facture instrumentale, il s’est orienté
vers la synthèse des sons pour repenser la mutation instrumentale et appréhender ses dimensions
implicites.
Un aspect important de la recherche de Levinas porte sur les hybridations de sons
instrumentaux par synthèse numérique. De ce travail conçu à l’IRCAM entre 1988 et 1991 est né
Préfixes (1991). L’œuvre a pour objet de centrer l’hybridation sur le transitoire d’attaque des sons.

 Tristan Murail
Ancien élève de Messiaen, Murail est l’un des artisans du renouveau musical français en
réaction au sérialisme. Il est l’un des fondateurs de l’ensemble Itinéraire et a toujours revendiqué un
art musical en opposition totale aux compositeurs qui continuaient à fabriquer des combinaisons
abstraites sur le papier.
Il est un compositeur qui accorde la plus grande importance au phénomène sonore. Il a
également été un des pionniers dans l’utilisation de l’ordinateur dans la composition musicale.
Avant d’avoir eu recours à l’informatique musicale, Murail s’est intéressé aux propriétés du
son en ayant recours à l’analyse acoustique. Sa préoccupation majeure est de rendre pensable les
nouvelles dimensions du son et de rendre compte d’organisations qui intègrent à la composition
d’autres catégories en commençant par observer qu’il n’y a pas forcément de limite aisément
décelable entre son et bruit.
Il reconnaît l’influence de la musique électronique (échos, boucles, réverbérations, …).
HISTOIRE DES MUSIQUES
DES XXe ET XXIe SIECLES

- Musique électroacoustique -

I/ Les grandes étapes du XXe siècle


 Caractéristiques des périodes historiques
La première moitié du XXe siècle est l’avènement des technologies du son : radio,
enregistrement électrique, lampe électronique, microphone, haut-parleur, lutherie électrique et
électronique, …
La seconde moitié du XXe siècle la naissance de la possibilité de concevoir de la musique
directement sur bande magnétique : studio de musique électroacoustique, informatique musicale.
L’ordinateur devient la plateforme principale du travail de création.

 Technologies pionnières de l’enregistrement et de la transmission du son


Les artistes aspirent à se mesurer à la modernité. Des mouvements apparaissent, réunissant
des poètes, peintres et musiciens. Le futurisme italien intègre les dimensions nouvelles de la
société : vitesse, bruit, communication, mécanisation, espace, …
L’enregistrement magnétique est crédité à Poulsen, appelé Telegraphon. Le principe
consistait à faire défiler un fil d’acier devant un électroaimant, dont l’intensité était modulée par un
signal électrique. Le telegraphon fut l’une des attractions de l’exposition universelle de Paris en
1900.
L’amélioration de l’enregistrement sur support métallique est due à Stille. Il conçut la
première disposition d’enregistrement à cassette : le Dailygraph.
L’invention du support sur ruban revêtu d’un enduit magnétique revient à Pfleumer.
En 1934, la firme allemande BASF produit 50 km de bande magnétique en plastique. Le
premier enregistreur sur ruban de plastique s’appelle le Magnetophon.

 Lutherie électrique et électronique


Le Telharmonium est conçu par Cahill entre 1892 et 1906. Il est basé sur le principe de
dynamos électriques jouant le rôle de roues phoniques qui génèrent un courant électrique dont les
variations reproduisent le profil d’une onde sonore. Le nouveau modèle de Telharmonium a recours
à une transmission sur les lignes téléphoniques.

Le Thereminvox, conçu en 1920, par Theremin, est le premier instrument électrique qui
stimule l’imagination des compositeurs (dont Varèse).
L’onde Martenot permet des modes d’expression sonores radicalement nouveaux : timbres
inouïs, glissando, vibrato. Cet instrument a engendré la composition de plus de 400 œuvres
(Messiaen, Jolivet, Milhaud, Murail, …)

L’orgue Hammond est un orgue électromécanique de 1930.

II/ Les courants des musiques électroacoustiques


 Musique concrète, expérimentale, électroacoustique, acousmatique
Il faut remonter à 1948 pour trouver l’origine de la musique composée directement
sur un support, avec d’abord le disque phonographique, puis la bande magnétique.
La musique concrète se bâtit d’abord à partir de gestes permis par le maniement des
machines de reproduction de son : les tourne-disques. Le musicien explore les degrés de
liberté offerts par la manipulation des machines : échantillon sonore répété, son à l’envers,
changement de vitesse, …
En 1950, il est possible de découper l’objet sonore enregistré en fragments de courte
durée. Ainsi naît L’étude aux 1000 collants (1952) de Stockhausen.
En 1951, Schaeffer crée le Groupe de Recherches de Musique Concrète (GRMC)
et entreprend des recherches sur la classification des sons avec l’aide de Henry et de Moles.
Schaeffer écrit en 1966 Traité des objets musicaux.
Les pièces marquant la naissance de la musique concrète sont : Cinq études de bruit
(1948) de Schaeffer, Symphonie pour un homme seul de Schaeffer et Henry, Déserts (1954)
de Varèse.

Dans la mesure où la musique concrète est donnée en concert, les haut-parleurs


constituent alors une lutherie. C’est grâce à Poullin que le dispositif permet une diffusion
satisfaisante dans un grand volume.
Timbres-durées (1952) de Messiaen est une musique concrète réalisée sur bande
magnétique, en monophonie.
A la suite de ces expérimentations furent créés des dispositifs élaborés pour la
diffusion dans l’espace d’œuvres électroacoustiques. La France poursuit son travail de
pionnier avec la création de l’acousmonium en 1974 : il s’agit d’un orchestre de haut-
parleurs.

 Synchronisation interprète/électronique
Les œuvres mixtes pour instrument et électroacoustique apparaissent très tôt dans
l’histoire de la musique électroacoustique. Jazz et Jazz est l’un des premiers exemples de cet
alliage. Il s’agit d’une pièce pour piano et bande.

 Studio de la NWDR et Stockhausen


La naissance du studio de Cologne en 1951 est fortement imprégnée de travaux
scientifiques. Deux idées maîtresses y apparaissent : la nécessité de pénétrer l’essence du
son, et celle d’interpréter ses différents aspects afin de l’intégrer dans l’espace.
C’est avant tout le compositeur Eimert qui motive la fondation du studio, et c’est
avec les Deux études de Stockhausen que les moyens électroniques se lient à la composition
musicale de façon plus intime.
Stockhausen innove avec l’idée de composer des spectres sonores complexes par
addition de fréquences pures (sinusoïdes). Les moyens purement électroniques furent
rapidement conjugués à des sons naturels, et en particulier la voix, dans Le chant des
adolescents (1955/1956) de Stockhausen.
Kontakte (1960) de Stockhausen est l’une des œuvres mixtes les plus jouées. Il s’agit
d’une œuvre pour bande seule, qui peut aussi être jouée avec piano et percussion.

Avec les Deux études (1953/1954) de Stockhausen, la notation de la partition


électronique s’attache à décrire la structure physique des sons de synthèse : les hauteurs
sont indiquées en fréquence, mesurées sur l’échelle des Hertz ; les amplitudes sont indiquées
en décibels ; les durées sont souvent indiquées en secondes.

 Studio de phonologie musicale de la RAI (Milan)


Le studio de phonologie de la RAI de Milan est fondé en 1955 par Maderna et
Berio. Il sera dirigé par Nono après le départ de Berio.
On trouve dans les studios de musique électroacoustique des années 1950 et 1960
des procédés techniques qui permettent de modifier le matériau sonore : filtrage spectral,
découpages de séquences sonores, transposition, montage, mixages, … Tema, omaggio a
Joyce (1958) de Berio est une œuvre qui utilise ces procédés.
En 1960, Berio réalise une œuvre destinée à la diffusion radiophonique : Visage. Il
s’agit d’une œuvre où le mot « parole » est prononcé dans différentes traductions et
différents modes d’expression (soupirs, gémissements, …)

 Autres mouvements électroacoustiques


L’une des œuvres majeures du répertoire électroacoustique est Poème électronique
(1957/1958) de Varèse. Lors de son exécution, de nombreuses projections photos
accompagnèrent la diffusion par 400 haut-parleurs.
En 1965 apparaît le courant de musique répétitive marqué par deux œuvres
purement électroacoustiques de Reich : It’s Gonna Rain (1965) et Come out (1966). Ces
œuvres consistent en un décalage progressif de deux bandes magnétiques (appelé
déphasage).
La musique populaire s’est intéressée aux moyens électroacoustiques, surtout à partir
de l’apparition des synthétiseurs analogiques (années 1970).

 La musique électroacoustique au cinéma


Après l’apparition du cinéma parlant, en 1929, les illustrations sonores ont utilisé des
sons d’origine électronique, appelés « sons artificiels ». Aujourd’hui, on trouve surtout des
sons issus de la synthèse numérique, c’est-à-dire produits ou traités par ordinateur, qui
constituent l’essentiel de l’habillage sonore au cinéma.

 Le synthétiseur analogique
La première tentative de produire des sons complexes et imitant les instruments de
l’orchestre aboutit à la construction d’un gigantesque synthétiseur (1952/1955). Dès 1955,
les musiciens voyaient leur profession menacée par une machine.
Un grand bouleversement intervient en 1964, avec l’apparition des synthétiseurs
modulaires, dits analogiques.

III/ L’informatique musicale


 Déploiement de l’informatique en musique
Aux Etats-Unis, Mathews écrit un premier programme de synthèse numérique du
son en 1957. Il travaille sur l’ordinateur MUSIC I.
Le programme MUSIC III (1960) introduit le concept d’instrument modulaire. Le
musicien construit un instrument en reliant une sélection de modules entre eux. Plusieurs
instruments peuvent être réunis au sein d’un orchestre. Il n’y a donc pas de limite au nombre
de modules utilisables simultanément. Du fait de la relative lenteur des machines et de la
masse de calculs à effectuer, le temps mis à générer l’onde est supérieur à la durée des sons :
on parle alors de temps différé.
Pour activer l’orchestre, le musicien doit rédiger une partition dans laquelle tous les
paramètres sont spécifiés. Il s’agit alors d’une liste de nombres ou de codes symboliques.
Mais spécifier chaque paramètre est une tâche ardue. Pour lutter contre cet obstacle, des
langages d’aide à l’écriture de partitions ont été conçus : le plus connu est SCORE de Smith
(1972).

 Structure des programmes de synthèse


Les programmes de synthèse sont scindés en deux parties : le calcul des échantillons
et la partition.

 Les synthétiseurs numériques


Avec l’arrivée des micro-ordinateurs dans les années 1970 apparaît les synthétiseurs
numériques. Véritables ordinateurs adaptés au calcul de l’onde sonore en temps réel, ils
sont placés sous le contrôle d’un ordinateur.
A partir de 1980, le terme de synthétiseur est remplacé par celui de processeur
numérique de signal.

IV/ MIDI
La norme MIDI a été conçue en 1983 pour permettre le pilotage de plusieurs synthétiseurs à
partir d’un seul clavier. Le principe de MIDI est dérivé du mode de contrôle gestuel instrumental.
Le MIDI a connu un énorme succès, et permet aujourd’hui de connecter toutes les
machines d’un studio de musique électronique.
L’idée du MIDI vient de Smith. L’acronyme signifie Musical Instruments Digital
Interface (Interface numérique d’instruments de musique).
Les informations de jeu sont multiples. Elles sont des codages de plusieurs dimensions du
jeu musical : hauteur, nuance, choix de l’instrument. La durée des sons n’est pas une donnée MIDI :
elle est représentée par deux actions (début d’une note et fin d’une note).
Les hauteurs sont représentées par des nombre entier, où le code 60 correspond au do sous la
clef de sol. Les instruments sont représentés par des nombres entier, où le 1 correspond au Grand
Piano Acoustique, le 7 au Clavecin, …
Le MIDI possédait ses limites : on ne pouvait représenter seulement 128 instruments par
exemple.
Malgré ces limites, l’avènement de MIDI a permis de créer des studios personnels.
L’industrie du logiciel a donc connu une croissance vertigineuse. Ce sont ensuite les séquenceurs
qui virent le jour dès 1985. A l’origine, ils permettaient de représenter une partition musicale, mais
dès les années 1990, ils s’étendirent aux fichiers de son.

V/ Temps réel
Les œuvres écrites avec un dispositif de sons calculés en temps-réel sont appelées « pour
instruments et dispositif électronique ». Elles se différencient des œuvres pour instruments et
bandes magnétiques : permettre aux musiciens de jouer la musique sans avoir la contrainte d’une
déroulement temporel inflexible. C’est l’enjeu des systèmes en temps-réel. Pour cela, il faut
permettre à l’ordinateur de suivre le jeu des instrumentistes afin de se situer à chaque instant dans
l’évolution de la partition.
VI/ Représentation des signaux
 Amplitude/temps
 Amplitude/fréquence
 Fréquence/temps
 Représentation combinée
 Les catégories de signaux
 La synthèse de Fourier
VII/ La musique électroacoustique dans le champ de la musicologie
 Les sources documentaires des œuvres
 Le domaine de l’étude des musiques électroacoustiques
VIII/ Appendices
 Table des cinq périodes
 Technologies pionnières de l’enregistrement et de la transmission du son
 Tables des sigles

HISTOIRE DES MUSIQUES


DES XXe ET XXIe SIECLES

- Initiation aux musiques dites populaires


à partir de 1950 : le contexte anglo-américain -

I/ L’émergence de la notion de concept album


Les concept album sont essentiellement associés à la culture rock à partir de 1966. Un
concept album est un album dont les plages ne sont pas associées de façon arbitraire : les plages
sont traversées par une idée directrice, un principe unificateur, qui a pour fonction de conférer à
l’ensemble du disque une certaine cohérence.

II/ L’industrie du disque et de l’invention du format album


 L’ère du 78 tours
La vitesse de rotation du disque gramophone s’est stabilisée dans les années 1920 à 78
tours/minute. Ce disque était disponible en deux formats : 25 cm (ou 10 pouces) pouvant contenir
3 minutes de musique ; et 30 cm (ou 12 pouces) pouvant contenir 5 minutes de musique. Le disque
10 pouces s’est rapidement imposé comme le support discographique de référence pour les
musiques populaires, tandis que le disque 12 pouces s’est imposé dans l’industrie classique, pour
une clientèle plus aisée.
L’industrie du disque classique a connu un tournant dans les années 1900 avec l’invention
de l’album qui regroupait des lots de quatre disques dans des pochettes cartonnées. Ce n’est qu’à la
fin des années 1920 que l’industrie du disque populaire commence à commercialiser des albums.
En 1928, la chanteuse de jazz Wiley va enregistrer un album de quatre 78 tours réunissant
huit chansons sélectionnées selon le principe du recueil de chansons. C’est la première artiste à
avoir chercher à adapter la musique au format discographique.

 L’ère du 33 tours vinyle


Depuis le début des années 1930, les deux principales maisons de disques américaines (RCA
et Columbia) ont financé des recherches pour permettre la mise-au-point d’un disque dit
« microsillon », c’est-à-dire d’un disque dont les faces pourraient contenir beaucoup plus de
musique qu’un 78 tours. Ces recherches vont aboutir en 1948 à la mise-en-place du disque 33 tours
vinyle par Columbia, qui pouvait contenir entre 15 et 20 minutes de musique. En 1949 est créé le
disque 45 tours par RCA, en format single, qui pouvait contenir 5 minutes de musique.
Le disque 33 tours vinyle sera rapidement adopté par l’industrie du disque classique. Ce
n’est qu’au milieu des années 1950 que l’industrie du disque populaire va s’intéresser à ce format,
grâce à la chanteuse de jazz Fitzgerald, qui va enregistrer une série de huit albums 33 tours. Le
chanteur Sinatra va regrouper ses disques par thèmes abordés par ses chansons (par exemple sur le
thème de Noël, en 1957).

III/ L’évolution du format longue durée d’un format de distribution en un format de création
Les formats ont évolué à partir de 1959 avec l’accroissement des ventes des albums à
l’unité, et à partir de 1963 avec la commercialisation des cassettes préenregistrées.

 Les précurseurs
Parmi les nombreux projets de Meek, I Hear a New World était celui qui lui tenait le plus à
cœur. Il a commencé à travailler à son enregistrement en 1959. Il avait prévu de structurer
l’ensemble de cet enregistrement en l’envisageant comme la bande originale d’un film composé de
12 scènes. L’enregistrement était supposé illustrer les sons de la vie sur la Lune telle que l’imaginait
Meek. Dans le principe, on était proche de la musique à programme.

Au même moment, Cash le musicien de country et western, s’apprête à faire paraître son
huitième album Ride This Train. Il souhaitait utiliser un procédé qui associait chaque plage à un
texte lu par Cash en guise d’introduction. Ces textes visaient à ramener l’auditeur à l’idée directrice
de l’album. Le concept de l’album était donc d’un voyage imaginaire en train au cours duquel on
revisitait l’histoire des Etats-Unis au travers de lieu ou personnage de l’histoire.

 Les premiers concept album


Spector est le premier à s’être engagé sur la voie qui menait à la transformation du format
longue durée en un format de création. Il était une des figures de ce que l’on appelait la musique
de producteurs (c’est-à-dire qu’il écrivait des chansons produites et commercialisées à l’unité).
Il enregistre en 1963 A Christmas Gift for You from Philles Records. L’idée directrice était de
composer douze chansons de Noël arrangées comme des chansons pop contemporaines.
L’innovation était l’apparition d’une treizième plage sur laquelle le producteur intervenait pour lire
un texte. Cette plage fait office de post-scriptum et n’a aucune raison d’être indépendante de cet
album.

En 1965, Wilson va franchir un nouveau pas vers la transformation du format longue durée
en un format de création avec l’enregistrement de Pet sounds. Wilson a ajouté à la cohérence sonore
de Spector l’idée d’une cohérence d’écriture : chaque chanson était originale et non une reprise.

En 1966, Zappa enregistre Freak out. Il y introduit un procédé inédit dans les musiques
populaires enregistrées : la suppression des décrochements lors du mastering, c’est-à-dire
l’opération qui suivait directement le mixage. C’est pendant cette opération que les titres étaient
assemblés de manière à constituer une bande dite master, tandis qu’un fragment de bande vierge
d’environ trois secondes était inséré entre les titres. C’est ce que l’on appelait des décrochements.
Le fait de supprimer ces décrochements contribuait à unifier la face de l’album en créant
l’illusion d’une séquence musicale continue.

Avec du recul, on se rend compte aujourd’hui que le premier concept album est celui des
Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, sorti en 1967. Il marque l’aboutissement du
processus : cohérence thématique (spectacle de vaudeville américain ou de music-hall britanique),
cohérence sonore, suppression des décrochements, ajout d’une plage supplémentaire qui renforce la
cohésion formelle de l’album (reprise de la première plage).

IV/ Du Djing à l’échantillonnage numérique


Le terme « disc-jockey » est apparu en 1941. L’acronyme DJ apparaît en 1948. Il était très
rare d’entendre des disques sur les ondes américaines : les radios possédaient leur propre groupe de
musiciens et accueillaient des orchestres qui se produisaient en direct dans leurs studios. Le fait de
diffuser des disques témoignait d’un manque de moyens. Les musiciens militaient pour limiter la
diffusion de la musique dite « en boîte » (c’est-à-dire sur disque). Ce n’est qu’à partir de 1930 que
la généralisation de cette pratique va permettre l’essor de la fonction de disc-jockey.
Deux origines s’opposent à la naissance du terme de disc-jockey : jockey peut venir du mot
« jock » que les écossais utilisent pour désigner familièrement un individu (que l’on pourrait
traduire par « type des disques ») ; jockey peut également venir du métier de meneur de chevaux de
course (que l’on pourrait entendre par « chevaucher un disque pour le conduire au succès »).

V/ De la radio aux pistes de danse


Dès 1948, 85% des foyers américains possédaient un poste radio. De nos jours, le disc-
jockey est désigné comme un animateur radio. Ce n’est qu’à partir des années 1950 que vont
apparaître les DJs de club.

 Les premières discothèques


Si c’est à New-York que le disc-jockey sera sacré « roi », c’est en réalité à Paris qu’il va
sortir des studios de radio pour s’engager sur la voie qui le conduira à se substituer aux groupes et
orchestres qui avaient pour fonction de faire danser leur public. Cette évolution prend racine dans
la Seconde Guerre Mondiale, et dans le goût des parisiens pour le jazz. Dans les années 1940, le
jazz était interdit par les forces d’occupation allemandes pour des questions raciales. Pour assouvir
leur passion, certains parisiens commencèrent à se réunir dans des bars aménagés clandestinement
dans des caves. C’est l’un de ces établissements qui prend le nom de discothèque en 1943. Le
véritable précurseur de la discothèque naît en 1947.

 New-York et la naissance du Djing moderne


Si la France a donné naissance au concept de discothèque, c’est au Royaume-Uni que sont
apparus les premiers DJs de club. Rappelons qu’à Paris, les clients n’allaient pas écouter un DJ en
particulier, mais aller simplement passer la soirée dans un bar. Les clients britanniques en revanche
se rendaient dans les discothèques pour profiter de la collection de disques de Samwell, DJs réputé
pour sentir quel disque il convenait d’enchaîner pour éviter que la piste de danse ne se vide. C’est à
partir de ce moment que le DJ devait désormais être capable de créer des atmosphères
particulières et tenir un public en haleine.

C’est à New-York que va aboutir à l’apparition du DJ au sens moderne. Noel est le premier
DJ qui incarne cette évolution. Il rejoint en 1965 la discothèque Chez Arthur. Il va y poser les bases
de la technique du mix, c’est-à-dire du mélange de disques. Avant ce développement, les DJs se
contentaient de passer des musiques en prévoyant un temps mort ou une intervention leur laissant
le temps de changer de disque. Noel va mettre au point un système composé de deux platines
tourne-disque, dont chacune est munie d’un potentiomètre qui permet d’agir sur son niveau. Il va
adapter ces platines en remplaçant le tapis de caoutchouc disposé entre le disque vinyle et le plateau
par un feutre, de telle sorte qu’il devient possible de maintenir le disque en position, tandis que le
plateau continue de tourner. Le succès de ces enchaînements reposait davantage sur la connaissance
des enregistrements que sur la maîtrise technique.
Le second DJ ayant contribué à l’évolution du métier est Grasso. Avant de devenir DJ,
Grasso fréquentait les discothèques en tant que danseur, ce qui l’aidait à comprendre les attentes du
public. Il avait également une solide expérience de batteur. Il va perfectionner sa technique du
mix en commençant par relever méticuleusement le tempo de ses disques à l’aide d’un métronome.
Il pouvait ainsi sélectionner ses disques en fonction de leur capacité à s’enchainer, en créant
l’illusion d’une pulsation continue. En 1969, la marque Thorens va commercialiser les premières
platines équipées de la fonction permettant de maintenir un tempo identique sur un disque, et va
permettre à la technique du beat mixing de s’imposer dans l’art du DJing. Cette stabilité du tempo
va s’imposer comme une nécessité avec l’apparition dans les années 1970 de la musique disco,
spécialement conçue pour les discothèques.

VI/ Du disco au Djing hip-hop


 Le Djing à l’ère du disco
Rosner va confectionner en 1971 la première mixette. Surnommée La rosie, cette mini-
table de mixage disposait d’un circuit qui permettait d’écouter n’importe quel canal au casque sans
que le signal correspondant soit émis par la table de mixage. Le DJ pouvait ainsi préparer ses
enchaînements en calant le tempo du disque qu’il s’apprêtait à lancer sur celui qui était lu.

En 1972, c’est Bozak qui va perfectionner le premier modèle de mixette, qui va s’imposer
comme un standard dans le monde du DJing. Cette mixette ajoutait un système d’égalisation
paramétrique qui permettait d’agir sur certaines bandes de fréquences : fonction utile pour les DJs
de club qui amplifiaient les basses et la grosse caisse pour mettre en avant la pulsation.
En 1977 naît la PMX 7000. Elle disposait d’un crossfader permettant de contrôler le niveau
sonore des platines à l’aide d’un curseur.

Lors de l’enregistrement de Night Fever par le groupe Bee Gees, les producteurs vont
sélectionner deux mesures sur la piste de batterie, puis les copier sur une bande séparée afin d’en
faire une boucle. Cela permettait d’obtenir une pulsation métronomique sur l’ensemble de la
chanson.

 Les débuts du Djing hip-hop


C’est avec le hip-hop que la platine tourne-disque va évoluer d’un outil de reproduction vers
un outil de production. La tradition du DJing hip-hop prend sa source dans les battles dès 1975. Ces
duels opposaient des DJs qui s’installaient aux deux extrémités d’un terrain de sport ou d’un
gymnase, et qui tentaient d’attirer à eux la foule la plus importante grâce à leur collection de
disques, à leur technique et à leur puissance.

Kool Herc était un DJ qui avait pour habitude de privilégier la puissance sonore dans son
équipement. En 1973, il remarque les danseurs affectionnaient particulièrement certains passages de
ses disques. Il va donc concevoir une technique visant à prolonger ces passages. Cette technique
consistait à disposer deux exemplaires du même disque sur la double platine et d’enchaîner les
lectures. On appelait cette technique le quick mixing : le DJ pouvait désormais restructurer à
volonté les disques en procédant à de vrais montages.
Le premier DJ à maîtriser cette technique est GrandMasterFlash. Il est également l’initiateur
du body tricks, mouvements et positions acrobatiques qui rendent la tâche du DJ plus difficile.
L’autre technique qui a permis à la platine tourne-disque d’accéder au statut d’instrument de
musique est le scratching. On doit cette innovation à Grand Wizard Theodore. La technique
consiste à accélérer ou ralentir le disque avec sa main droite, ce qui avait pour effet de diminuer
ou d’augmenter le tempo et la hauteur ; pendant ce temps, sa main gauche contrôlait le niveau de
sortie de la platine.

VII/ L’héritage du Djing hip-hop


 Le turntablism
L’origine du Turntablism remonte au succès de Rapper’s Delight, en 1979. Les rappeurs que
l’on surnommait les MCs (Masters of Ceremony) faisaient partis des DJs lors des battles. Ces DJs
vont se répandre dans les écoles et sur les campus et organiser leurs propres battles. En 1986, le DJ
Cheese va même leur ouvrir la porte des compétitions internationales en introduisant le scratching
au DMC (Disco Music Club).
Le turntablism est une nouvelle forme d’expression. Il permet de différencier le simple fait
de passer des disques et l’art du DJing.

 L’échantillonnage numérique
La commercialisation des premiers échantillonneurs numériques abordables en 1986 va
permettre de faire évoluer la forme d’échantillonnage primitive (c’est-à-dire l’extraction d’un
disque) en rendant possible le fait de prélever un échantillon de quelques secondes de musique
avant de le traiter en modifiant à volonté sa hauteur, son tempo, …
C’est grâce à ces appareils que l’utilisation de boucles va devenir courante dans les
musiques populaires des années 1980/1990.

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