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de la Bible
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Entre christianisme
et islam, V e -VIII e siècles
numéro 1 2 9 - 5 9 FF
septembre-octobre 2000
Belgique FB 355 Suisse FS 18 Canada S 14 ISNN 0154 9049
M 3474-129-59,00 F-RD
l'AYAf'hl'rr.M
DE JESUS A MAHOMET
Les religions
de l'Arabie
a
Par La situation religieuse dans l'Arabie d'aujourd'hui paraît assez simple: la
Christian
Robin péninsule est entièrement musulmane. Une telle appréciation doit être
Directeur
de recherche, nuancée: il reste quelques centaines de juifs au Yémen, auxquels s'ajoutent
CNRS,
Aix-en-Provence
des travailleurs étrangers, dont beaucoup ne sont pas musulmans, dans
les États du Golfe. Mais, à ces deux réserves près, l'unification religieuse de
l'Arabie est arrivée à son terme. C'est le résultat d'une longue histoire: une
part des populations d'Arabie a été juive, chrétienne, manichéenne et même
zoroastrienne, et n'est donc pas passée directement du polythéisme à l'islam.
Quelques épisodes méritent d'être rappelés.
Jusqu'au lll&s. ap. J.-C., l'organisation tribale des jusqu'à contrôler, vers 430-440 (sous le règne du roi
populations sédentaires et nomades d'Arabie a Abîkarib), une bonne moitié de la péninsule Arabique.
favorisé un morcellement politique extrême. Dans la Comme dans tout ensemble politique constitué de
sphère du religieux, la division n'est pas moindre, populations hétérogènes, on peut supposer que le
puisque chaque tribu ou ensemble de tribus a son premier souci des rois himyarites a été de renforcer
propre panthéon, ses temples, ses rites, son clergé l'unité du royaume. On constate de fait que l'usage
Vue de la mosquée et son calendrier (à usage principalement liturgique). de la langue de Himyar (le sabéen) est immédiate-
de Salomon à Ma'rib La situation change vers 290, quand la tribu yémé- ment généralisé et que celui du calendrier himyarite
construite au Xe siècle nite de Himyar unifie l'ensemble de l'Arabie du ne tarde guère à l'être.
dans laquelle Sud-Ouest (le Yémen actuel et une petite partie Les rois ne pouvaient pas négliger la religion.
des piliers de temples de l'Arabie séoudite et de l'Oman), en annexant Mais là, il leur fallait innover : les cultes païens étaient
sudarabiques ont successivement Saba' et le Hadramawt, puis, dans en crise depuis longtemps, du fait de l'évolution
été remployés. le courant du IVe s., étend sa domination aux générale des idées qui, comme dans les mondes
tribus de l'Arabie déserte voisines du Yémen, méditerranéen et iranien, amenait l'individu à ^
s'émanciper du groupe, à s'interroger sur son rap- subit la circoncision le huitième jour; ils sacrifient au
port personnel avec la divinité et à rechercher son soleil, à la lune et aux divinités du pays ". Mais le
propre salut dans l'au-delà. judaïsme est influent : " une quantité non négligeable
de juifs également est mêlée à eux". Un autre pas-
La mission cTévangélisation sage, partiellement corrompu, indique que les juifs
cherchent à faire obstacle à la mission de Théophi-
de Théophile l'Indien le qui les contraint au silence par ses miracles.
C'est dans ce contexte favorable que Constance II
(337-361), le fils de Constantin, cherche à convertir Le Yémen a-t-il été juif?
Himyar au christianisme. Pour cela il choisit un am-
bassadeur susceptible de recevoir un bon accueil : Les inscriptions sudarabiques prouvent que le
un homme originaire de la région, plus précisément Yémen ne s'est certainement pas converti au chris-
de l'île de Dibous (probablement Suqutra), Théophi- tianisme lors de la mission de Théophile l'Indien :
le surnommé l'Indien. Envoyé très jeune comme ota- jusqu'au début des années 380, toutes celles qui
ge par ses compatriotes. Théophile, qui a reçu une nous sont parvenues, que leurs auteurs soient le sou-
parfaite éducation romaine, professe un christianis- verain ou de simples particuliers, sont polythéistes.
me teinté d'arianisme et a une grande réputation de La situation change radicalement avec deux ins-
piété. Au moment de sa mission, il a déjà été ordonné criptions datées de janvier 384 : dans ces textes qui
diacre: après son retour, il reçoit la dignité d'évèque. commémorent la construction de deux palais à
Cette mission de Théophile daterait du début des Zafâr, le roi Abîkarib, en corégence avec son père et
années 340. Elle est connue par une source unique, un frère, invoque pour ta première fois un Dieu unique
\'Histoire de l'Église de Philostorge, un ouvrage de : "avec le soutien de leur Seigneur, le Seigneur du
tendance arienne (plus précisément anoméenne) ciel ". Désormais, toutes les inscriptions royales sont "Que soient bénis et
dont on ne possède que des fragments. Philostor- monothéistes. Mais si leur terminologie évolue (avec loués le nom de
ge est un auteur engagé, qui célèbre avant tout les notamment l'apparition d'un nom propre pour dési- Rahmànân qui est au
succès de son parti, mais comme ce parti a été sup- gner Dieu, Rahmànân), elles ne permettent pas de ciel, Israël et leur dieu,
planté par d'autres orientations théologiques, son déceler - jusqu'au règne de Joseph (en sabéen le Seigneur des Juifs
Histoire présente l'intérêt de rapporter des événe- Yûsif) dont il va être question ci-après - vers quel qui a aidé son
ments ignorés ou tus par les autres historiens type de monothéisme le souverain incline, judaïsme, serviteur Snahr, sa
ecclésiastiques. L'objectif officiel de la mission est christianisme, nouvelle religion propre aux Arabiques mère Budd, son
d'obtenir du roi de Himyar (qui n'est pas nommé) la ou encore manichéisme. épouse Shams, leurs
construction d'une église pour les Romains et les Si on se tourne vers les inscriptions rédigées par des enfants Dhamîm,
Himyarites chrétiens, avec le secret espoir que le roi particuliers pendant la même période (de 380 à 530 Abîsna'ar, Musr, et
lui-même se convertisse. Mais il est clair que environ), le constat est très différent: toutes sont tous les grands (?)..."
Constance, qui charge Théophile de remettre de monothéistes, avec une proportion notable présen- Inscription juive. Zafâr,
somptueux présents, notamment 200 chevaux de tant des formules typiquement juives. En revanche, VB siècle ap. J.-C.
Cappadoce, a aussi des visées politiques : étendre aucun document ne comporte la moindre allusion Calcaire, 21,5X33 cm.
l'influence romaine en Arabie méridionale pour au christianisme, que ce soit par la terminologie ou Musée de Zaflr.
contrer les initiatives perses de Shâpûr II (309-379) par l'emploi d'un symbole. ©P Maillard
en Mésopotamie et dans le Golfe.
Phiiostorge veut faire croire que Himyar se conver-
tit. Cependant, si on examine les résultats concrets,
tels qu'il les rapporte, la réussite n'est pas aussi écla-
tante. Le souverain accepte sans doute de financer
la construction de trois églises, une dans la capita-
le, Zafâr, et deux dans des ports. Mais ces églises,
évidemment destinées aux étrangers qui séjournent
en Arabie, traduisent le désir d'entretenir de bonnes
relations avec Rome; elles n'impliquent pas la
conversion du souverain ou d'une fraction notable
de la population.
Philostorge, qui se fonde sans doute sur une rela-
tion écrite de Théophile lui-même, donne toute une
série de détails qui éclairent sur la situation religieu-
se en Arabie méridionale vers 340-345. Le roi ne s'est
pas encore détaché du paganisme, appelé " l'erreur
hellénique". La population elle aussi est encore ma-
joritairement païenne: "le peuple est circoncis et
DE JESUS A MAHOMET
L'inscription juive la plus célèbre a pour auteur un tion notable de l'aristocratie se sont convertis au
certain Judas (Yehûda') qui, lors de la construction judaïsme. La plupart des successeurs d'Abîkarib,
d'un palais, se félicite d'avoir été soutenu par jusqu'à Joseph inclus, furent certainement juifs. Mais,
"la prière de son peuple Israël", ajoutant même un à l'exception de Joseph, aucun de ces souverains
petit texte en hébreu dans le champ d'une figure ne fit du judaïsme la religion de l'État, sans doute
décorative placée au centre. Deux autres inscriptions pour ménager les populations restées païennes et
mentionnent Israël dans des invocations ou des les petits groupes inclinant vers d'autres choix, peut-
bénédictions, et trois " le Seigneur des Juifs " (Rabb- être aussi pour des raisons diplomatiques. Ils
Yahûd) ; trois se terminent par l'exclamation rituelle inventèrent ainsi un culte officiel, célébrant un Dieu
shalom et autant par amen. Une dernière, gravée sur unique commun à tous, nécessaire pour renforcer la
un rocher par un grand seigneur du Yémen méri- cohésion du royaume. Cette politique prudente, sans
dional, institue un cimetière réservé aux juifs (ayhùd) doute conçue au départ comme une simple étape
et interdit à tout païen (aramf), cimetière dont la vers l'officialisation du judaïsme, permit à un ou deux
synagogue est appelée Sûrî'êl comme l'archange de chrétiens d'accéder au trône, au début du VIe s., sans
la mort dans le Talmud. entraîner de graves bouleversements. Elle prit fin
Que peut-on conclure de la situation religieuse au avec le règne de Joseph (de 522 à une date discu-
Yémen entre la fin du IVe et le début du VIe s. ? Ces tée: 529-530 ou 525), qui abandonna la politique de
documents suffisent-ils pour affirmer que le Yémen neutralité religieuse pour un engagement résolu en
a été juif? Les chercheurs sont partagés. Pour faveur du judaïsme, et une lutte sans merci contre
Alfred F. L. Beeston, un spécialiste reconnu du Yé- les chrétiens fou certains d'entre eux).
men antique, il n'est pas douteux que de nombreux Le Yémen est-il la seule région de la péninsule Ara-
Yéménites se sont convertis au judaïsme; cepen- bique à être gagnée par le judaïsme dans l'Antiqui-
dant, officiellement, l'abandon du polythéisme se té? Il est bien évident que la réponse est non,
le Lecteur, on aurait consacré un évêque des Hi- mosaïques, Abraha aurait obtenu l'aide d'artisans
myarites sous Anastase Ier (491-518). byzantins. Mais le monument, par sa structure et par
La Chronique de Séert, une œuvre nestorienne en l'usage de pierres très variées, appartenait à la
langue arabe, attribue l'introduction du christianis- grande tradition architecturale yéménito-
me à un commerçant de Najrân du nom de Hannàn éthiopienne.
qui se serait converti lors d'un séjour à al-Hîra (dans Abraha règne jusque vers 560-565
le sud de l'Iraq) et serait revenu évangéliser sa Deux de ses fils, également chrétiens,
contrée d'origine; elle situe l'événement à l'époque lui succèdent. Mais le Yémen sup-
du souverain sassanide Yazdegerd (399-420). porte de plus en plus difficile-
Apparemment, c'est ce même personnage que le ment les occupants abys-
Uvre des Himyariîes, une hagiographie des chrétiens sins. Des princes juifs font
de Najrân en langue syriaque, appelle Hayan. appel aux Perses qui s'em-
Au début du VIe s., le christianisme semble déjà pré- parent du pays entre 570 et
pondérant dans les régions côtières qui font face à 575 et y demeurent jusqu'à
l'Abyssinie et dans l'oasis de Najrân, mais des com- la conquête musulmane
munautés se trouvent aussi dans d'autres régions. (vers 630).
C'est alors qu'éclaté une crise majeure, avec d'im- Dans le reste de la péninsu-
portantes répercussions internationales. Vers 521, le, le christianisme est sur-
le roi juif nommé Joseph auquel il a déjà été fait tout présent dans l'extrême
allusion succède à un souverain chrétien placé sur nord-ouest, dans les régions
le trône de Himyar par les Abyssins chrétiens. Pour où Byzance exerce une au-
rendre éclatante sa volonté de s'émanciper de la torité directe ou indirecte. On
tutelle abyssine et de l'alliance byzantine, Joseph trouve également des com-
s'attaque aux chrétiens de son royaume. Ces évé- munautés bien structurées
nements sont connus grâce à trois inscriptions dans les îles et sur la côte
sudarabiques datées de juin et juillet 523, gravées à du golfe Arabo-persique.
proximité de Najrân par un général de Joseph ; ils le Les actes des synodes nes-
sont également par les textes hagiographiques en toriens mentionnent une de-
langues syriaque et grecque qui célèbrent les mar- mi-douzaine d'évèchés; des
tyrs de Najrân et permettent de dater leur persécu- vestiges chrétiens - ruines
tion de novembre 523. Avec l'aide de navires d'églises ou de couvents,
byzantins, le roi abyssin Kâleb vole au secours des croix gravées dans la pierre
chrétiens yéménites, débarque en Arabie et remporte ou sculptées dans le stuc -
une victoire éclatante. Il conquiert la totalité du pays ont été découvertes au
et installe un roi himyarite chrétien sur le trône. Mais Koweit, en Arabie séoudite
ce roi est bientôt renversé par le général des troupes et dans les Emirats arabes
abyssines stationnées au Yémen, qui s'empare du unis.
pouvoir pour son propre compte et se pose en suc-
cesseur des rois himyarites. Ce général, nommé
Abraha. est resté fort célèbre, car il est le héros de
Quelques
toute une série de récits plus ou moins légendaires
interrogations
conservés par les traditions arabes. On lui attribue Les questions qui se posent
notamment une tentative de conquérir La Mecque, aujourd'hui et que l'archéo-
dont le Coran (sourate 105) se fait l'écho et qui logie et les éditions de textes
aurait échoué. Mais on possède aussi sur lui des aident progressivement à
données factuelles précises, grâce à trois inscrip- résoudre sont multiples.
tions sudarabiques explicitement chrétiennes et grâ- La première concerne l'ori-
ce à un historien byzantin bien informé, Procope. gine du judaïsme arabique.
Abraha établit sa résidence à San'â' qui devient Jusqu'à ces dernières an-
durablement la capitale du Yémen. Pour consolider nées, il a été affirmé que ces
son pouvoir, il y fait édifier vers 550 une superbe juifs étaient principalement
cathédrale, dont un chroniqueur arabe donne une des réfugiés, venus de Pa-
description détaillée. Cette cathédrale de San'â' lestine. Pour Arthur Jeffery,
appelée ai-Qalîs (du grec ékkièsia) par les historiens par exemple, qui écrit en
islamiques de langue arabe, aurait été détruite à la 1938, ils étaient juifs " par la
fin du VIIIe s. par un gouverneur du Yémen qui s'en- race aussi bien que par la
richit en vendant les matériaux récupérés. On dit que, religion", même si "tous
pour le travail du marbre et la confection des portent des noms arabes,
DE JESUS A MAHOMET
Inscription d'Abraha. sont organisés en tribus à la manière arabe et, quand gieux aurait dû les inciter à rendre leurs textes
roi abyssin du Yémen, nous les rencontrons dans la littérature, agissent et sacrés accessibles aux fidèles et à ceux dont la
de religion chrétienne. parlent comme d'authentiques Arabes ". Mais les conversion était recherchée. D'ailleurs, la Bible n'est-
Cette stèle, gravée sur études les plus récentes (comme celles de Moshe elle pas traduite dans la langue locale des pays
ses quatre cotés, Gil et Michael Lecker) montrent qu'il s'agit, au moins voisins, l'Abyssinie, la Syrie et l'Egypte?
relate les difficultés en partie, de convertis: voir à ce propos la contri- En fait il n'en est rien. On ne possède aucun indice
auxquelles Abraha a bution de Françoise Briquel-Chatonnet {p. 34-35). concret d'une traduction partielle ou complète de la
dû faire face afin On peut se demander également si ce judaïsme ara- Bible en arabe avant le VIIIe s. Les quelques rémi-
d'accéder au trône. bique était orthodoxe, dans la mesure où la littéra- niscences bibliques qui se trouvent dans le Coran et
Ma'rib, digue, ture talmudique l'ignore totalement. Avait-il vraiment les textes fondateurs de l'islam peuvent avoir leur
mars 549. Calcaire, l'hébreu comme langue liturgique, ou bien donnait- source dans les paraphrases en langue vulgaire qui
250 X 66 cm. ii la préférence à la langue locale? On ne sait. Tout accompagnaient la lecture solennelle du texte sacré
Musée de Ma'rib. au plus peut-on constater que les juifs du Yémen ré- dans les synagogues et les églises. Les inscriptions
digent leurs inscriptions en sabéen et non en hébreu. chrétiennes du Yémen et d'Abyssinie du VIe s. com-
Les orientations doctrinales du christianisme ara- portent de nombreuses citations de la Bible si elles
bique font également problème. Dans fe Golfe, le sont en langue guèze. mais aucune si elles sont en
nestorianisme domine incontestablement. Mais au langue sabéenne: elles prouvent que la Bible n'a pas
Yémen, il semblerait que les nestoriens et les été traduite, même partiellement, en sabéen.
monophysites (ou plutôt les anti-chalcédoniens) Le dernier argument est que les écritures sabéenne
aient été en concurrence, tout au moins à Najrân, et arabe, à cette époque, étaient impropres à noter
L'intérieur de où la persécution de 523 et l'expulsion de 640 (sous de manière rigoureuse un texte sacré. Défectives et
la grande mosquée le calife 'Umar) semblent n'avoir frappé que ces ambiguës, du fait d'une notation partielle et inadap-
de San'â' dans derniers. Quelle était la langue liturgique dans les tée des voyelles, elles pouvaient servir de support à
laquelle des fragments églises yéménites, et notamment dans la cathédra- la mémoire, mais ne permettaient pas de composer
sculptés (notamment le de San'â' du temps d'Abraha? Le syriaque, le de véritables œuvres littéraires. Comme l'écriture
des chapiteaux grec ou le guèze {parlé en Ethiopie)? Il est encore tifinagh (des Touaregs) aujourd'hui, leur déchiffre-
avec des croix) de la bien malaisé de répondre. ment s'apparentait davantage à la résolution d'un
cathédrale de San'â', Une dernière interrogation concerne la Bible. A-t- rébus qu'à la lecture. La contre-preuve est que l'écri-
ai-Qafis. détruite on commencé à la traduire dans une langue ara- ture arabe a été profondément réformée, avec l'in-
a la fin du VIIIe siècle, bique, le sabéen ou l'arabe, avant l'islam ? On s'at- vention des signes diacritiques et la spécialisation
ont été remployés. tendrait à ce que la réponse soit oui. La vive du alif pour noter le à, quand il a fallu enregistrer
concurrence qui opposait les divers courants reli- le texte coranique. •
Un prosélytisme juif ?
/\, fief du christianisme, fut
DE JESUS A MAHOMET
vierges consacrées. Le message du roi persécuteur une valeur également politique: le christianisme est
se termine par le récit du martyre d'une noble Naj- appuyé par l'Ethiopie et représente un des aspects
rânite et de ses filles. Ce récit ayant bouleversé les de la domination politique de l'Ethiopie sur Himyar.
chrétiens de al-Hira, ils avaient envoyé des infor- Inversement, l'affirmation et l'imposition du judaïs-
mateurs recueillir plus de précisions. C'est dans cet- me, pour le roi Yussuf, symbolise le rejet de l'allé-
te seconde partie du récit qu'est relaté le martyre geance envers l'Ethiopie, et, à travers elle, envers
du Sheikh Harith ben Ka'b qui, comme ses compa- Byzance qui s'affirmait protectrice de tous les chré-
gnons, avait refusé de se convertir au judaïsme com- tiens. C'était donc une déclaration d'indépendance
me le roi Yussuf l'en pressait. Avant d'être mis à vis-à-vis de ces puissances dominantes de l'époque,
mort, il fait une longue harangue à ses compatriotes, mais qui n'impliquait pas pour autant une soumis-
les exhortant à rester fidèles à leur foi et annonçant sion à l'empire concurrent, celui des Perses sassa-
la renaissance du christianisme najrànite, Le dernier nides. Aussi, la reconquête éthiopienne s'accom-
confesseur mis en scène est un enfant de trois ans, pagne-t-elle tout naturellement d'un retour du
qui choisit la mort avec sa mère plutôt que d'ac- christianisme. Dans tout cela, les motivations sont
cepter de devenir juif et d'être choyé par la reine. politico-diplomatiques et une démarche missionnaire
Le Livre des Himyarites, en syriaque, et le Martyre de la communauté juive ne semble pas intervenir.
d'Aréîhas, en grec, relatent la suite des événements.
Le roi d'Ethiopie prépare une expédition et son Liens étroits entre juifs d'Arabie
armée débarque en Arabie du Sud. Les Éthiopiens
défont et mettent à mort le roi persécuteur, rétablis-
du Sud et ceux de Palestine
sent le christianisme dans tout le pays, reconstrui- Les textes syriaques fournissent cependant d'autres
sent des églises à Zafar et Najrân et mettent sur le indications. Ils affirment les relations entre la com-
trône un nouveau roi. dont le pouvoir est appuyé par munauté juive d'Arabie du Sud et celle de Palestine :
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