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Le prélèvement bacteriologique
des surfaces : que mesure-t-on réellement ?
Philippe Hartemann*
7 avenue de la Forêt-de-Haye. 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France.
*Auteur correspondant : philippe.hartemann@univ-lorraine.fr (P. Hartemann).
© angellodeco/stock.adobe.com
RÉSUMÉ
La surveillance microbiologique des surfaces ne bénéficie pas actuellement d’un réel encadrement méthodologique en
dehors de l’ancienne norme ISO 14698 et, en conséquence, de recommandations pour leur qualité. Les limites méthodo-
logiques liées à la difficulté de réaliser des prélèvements représentatifs et des analyses prenant en compte la spécificité
des micro-organismes issus de l’environnement sont importantes. Cet article a pour objectif de présenter les différentes
méthodes utilisables, leurs limites et une méthodologie permettant de calculer les rende-
ments de récupération des micro-organismes quelle que soit la méthode de prélèvement.
MOTS CLÉS
◗ environnement
◗ hôpital
◗ méthode analytique ABSTRACT
◗ prélèvement de surface
Surfaces bacteriological sampling : what is really measured ?
◗ surveillance
The methodological and regulatory frame for the surface microbiological sur-
microbiologique
vey are not really developed currently, except the “old” ISO 14698 norm. The
methodological limits related to the difficulty to perform both representative
KEYWORDS
samples and adequate analyses according to the specificity of the environmental
◗ analytical method
microorganisms, are important. Thus this article aims to present the various
◗ environment
◗ hospital
usable methods, their limits and of a methodology allowing the calculation of
◗ microbiological survey
the recovery rate of bacteria from surfaces, easy to use for the majority of
◗ surface sampling those methods.
également être plus ou moins ferme selon les forces et mise en incubation ;
d’interaction qui entrent en jeu. Cela dépend de la ◗ l’application d’un média par empreinte indirecte
composition de la solution, du métabolisme cellulaire (ruban adhésif, moquette, etc.) ou directe, par exemple
(formation de composés susceptibles de provoquer géloses de contact de type Rodac, maintenant large-
l’adhésion) et du caractère hydrophobe ou non de la ment répandues ou lames gélosées (dont la fiabilité
surface. Certains micro-organismes adhèrent mieux que reste à démontrer).
Dans tous les cas, ces méthodes sont affectées d’un manuelle est trop peu reproductible, ce qui nous avait
rendement d’extraction en raison des phénomènes de conduits à recommander pour obtenir les meilleurs
fixation et d’adhésion évoqués précédemment. Il y a résultats une masse de 200 g sur le dos de la boîte
cumul de deux rendements pour les méthodes impli- pendant un temps qui n’induisait pas de variation signi-
quant un média qui n’est pas lui-même celui sur lequel ficative du résultat entre 20 secondes et quelques
sont cultivés les micro-organismes. Ainsi, par exemple, minutes sur certaines surfaces alors que, pour d’autres,
l’utilisation d’un écouvillon est affectée d’un premier des temps de contact d'une à deux minutes étaient
rendement de récupération à partir de la surface testée, nécessaires. Nous avions alors proposé de réaliser
puis d’un second lors de l’étape suivante d’étalement sur systématiquement l’application des boîtes Rodac pen-
une gélose ou de relargage en milieu liquide avant éta- dant deux minutes sous un poids de 200 g. Il semble
lement sur la gélose. Il faut donc faire les expérimenta- que ces paramètres aient été repris par de nombreux
tions nécessaires pour les connaître. Sinon il faut consi- auteurs même si la norme ISO 14 698 préconise 500 g
dérer que l’on ne fait qu’un travail purement qualitatif. pendant dix secondes.
• La reproductibilité quantitative par des prélè-
Les méthodes indirectes vements sériés et une analyse statistique par corréla-
Les méthodes indirectes sont plus récentes et s’inté- tion qui avait montré la conformité avec une régression
ressent à l’étude de propriétés métaboliques des micro- linéaire de l’efficacité de l’arrachement des bactéries
organismes soit directement sur la surface à l’aide d’un sur tous les matériaux solides testés mais pas sur les
appareil dédié, soit après récupération (d’où rendement à textiles.
déterminer) avec mesure de l’ATP, des acides nucléiques • La détermination des coefficients d’efficacité
par biologie moléculaire ou d’activités respiratoires par de la récupération bactérienne sur divers maté-
épifluorescence. Celles-ci ont l’avantage de pouvoir riaux (rendements) sur laquelle nous reviendrons
approcher une numération des micro-organismes viables plus loin,
mais non cultivables (VBNC) qui sont de plusieurs ordres • L’étude de l’efficacité des neutralisants et des
de grandeur et plus nombreux que ceux qui accepteront milieux de culture utilisés. À l’époque, les milieux
de se développer sur les milieux de culture [11]. Dans ce de type R2A n’étaient pas encore décrits, aussi nous
cadre, il est fondamental de rappeler la notion de « fragi- n’avions testé que la gélose nutritive standard pour
lité métabolique » d’un micro-organisme présent (tran- numération, le milieu de Mueller-Hinton + agar, le
sitoirement) sur une surface qui ne correspond parfois milieu allemand Endo et la gélose au sang. Il apparais-
pas à son biotope naturel et qui va s’y retrouver dans des sait significativement que la gélose pour numération
conditions de survie. L’utilisation de milieux de culture donnait les meilleurs résultats sur le plan quantitatif
riches et de températures élevées va parfois entraî- mais que le milieu Endo donnait la plus grande fré-
ner une « euthanasie active » de ces micro-organismes quence d’isolement de germes potentiellement patho-
et des résultats faussement négatifs. C’est pourquoi gènes d’intérêt en milieu hospitalier. L’étude de l’effet
ont été développés divers milieux et conditions dits de des neutralisants avait montré que les meilleurs étaient
ressuscitation tels que le milieu R2A [12]. Il s’agit de le thiosulfate de sodium à 0,6 % en cas d’emploi de
milieux pauvres et d’une température de culture faible désinfectants chlorés et d’un mélange tween 80, histi-
(ex. 20 °C) qui sera ensuite progressivement augmen- dine et/ou lécithine dans les autres cas. Il ne semble
tée et, à l’inverse, de temps d’incubation prolongés. Il pas y avoir depuis beaucoup de données nouvelles
convient également de ne pas oublier que la surface puisque « l’universal quenching agent » (UQA) décrit
échantillonnée peut contenir des résidus de désinfec- dans la publication de Johnston et al. comprend 0,1 %
tants inhibiteurs de la croissance bactérienne. Il faudra de peptone, 0,1 % de thiosulfate de sodium, 0,5 % de
donc neutraliser leur effet lors de la mise en culture tween 80 et 0,07 % de lécithine [13]. Il convient de
pour permettre une croissance bactérienne non affectée ne pas oublier d’utiliser un mélange neutralisant et
sélectivement par ces résidus. de tester auparavant son absence de toxicité sur les
micro-organismes recherchés, comme le rappellent
Conditions d’utilisation de la méthode Santucci et al. [14].
par empreinte sur gélose en boîte Rodac
Dans le travail précédemment cité [8], datant de près Depuis cette date, la norme ISO 14698-1 de 2003 pour
de quarante ans, nous avions cherché à préciser les le contrôle des salles blanches précise ces paramètres,
conditions d’utilisation de la méthode par empreinte en particulier l’application d’une force de 25 g/cm2 sur
sur gélose en boîte Rodac qui semblait, à l’époque, la les géloses de contact au moyen d’un applicateur ou
plus prometteuse, en étudiant : l’utilisation d’une masse de 500 g, pendant au moins
• La force et le temps nécessaires à une récupération dix secondes, et l’obligation d’un neutralisant dans le
reproductible des bactéries indigènes fixées sur diffé- milieu, ce que respectent les principaux laboratoires
rents types de surface. Il apparaissait que l’application commercialisant ce type de gélose.
cet article. Elle est valable quelle que soit la méthode tamination d'une surface nécessitent le calcul d'un
rendement d'extraction à partir de celle-ci avant
de récupération des micro-organismes sur la surface
et après le traitement appliqué.
que l’on va utiliser. QQ
◗tLes conditions de culture (neutralisant, milieu, tem-
pérature et temps d'incubation, etc.) doivent être
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens parfaitement définies et adaptées à l'objectif fixé.
d'intérêts.