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L’allégorie de la caverne

  (La République LVII, Platon)


 

traduction Alain BADIOU, ed. Fayard 2012


 

Dans cette traduction Alain Badiou nous


 

propose une lecture contemporaine du texte


de Platon, sans pour autant trahir le texte
original 

- … │Le monde de la caverne│Imaginez une gigantesque salle de cinéma. En


avant l’écran, qui monte jusqu’au plafond, mais c’est si haut que tout se
perd dans l’ombre, barre toute vision d’autre chose que lui-même. La
salle est comble. Les spectateurs sont, depuis qu’ils existent, emprisonnés
sur leur siège, les yeux fixés sur l’écran, la tête tenue par des écouteurs
rigides qui leur couvrent les oreilles. Derrière ces dizaines de milliers de
gens cloués à leur fauteuil, il y a, à hauteur des têtes une passerelle en
bois, parallèle à l’écran sur toute sa longueur. Derrière encore, d’énormes
projecteurs inondent l’écran d’une lumière blanche quasi insupportable.
 

- Drôle d’endroit ! dit Glauque


 

- Guère plus que notre Terre…Sur la passerelle circulent toutes sortes


d’automates, de poupées, de silhouettes  en carton, de marionnettes, tenus
et animés par d’invisibles montreurs ou dirigés par télécommande.
Passent et repassent ainsi des animaux, des brancardiers, des porteurs de
faux, des voitures, des cigognes, des gens quelconques, des militaires en
armes, des bandes de jeunes des banlieues, des tourterelles, des
animateurs culturels, des femmes nues… Les uns crient, les autres
parlent, d’autres jouent  du piston ou du bandonéon, d’autres ne font que
se hâter en silence. Sur l’écran on  voit  les ombres que les projecteurs
découpent dans ce carnaval incertain. Et, dans les écouteurs, la foule
immobile entend bruits et paroles.
 

- Mon Dieu ! ponctue Amantha. Etrange spectacle, plus étrange encore


que les spectateurs !
 

- Ils nous ressemblent. Voient-ils, d’eux–mêmes, de leurs voisins, de la


salle et des scènes grotesques de la passerelle, autre chose que les ombres
projetées sur l’écran par le torrent des lumières ? Entendent-ils autre
chose que ce que diffuse leur casque ?
 

- Certainement rien, s’exclame Glauque, si leur tête est immobilisée


depuis toujours en direction du seul écran, et leurs oreilles bouchées par
les écouteurs !
 

- Et c’est le cas. Ils n’ont donc aucune autre perception du visible que la
médiation des ombres, et nulle autre de ce qui est dit que celle des ondes.
Si même on suppose qu’ils inventent des moyens de discuter entre eux,
ils attribuent nécessairement le même nom à l’ombre qu’ils voient qu’à
l’objet, qu’ils ne voient pas, dont cette ombre est l’ombre ;
 

- Sans compter, ajoute Amantha, que l’objet sur la passerelle, robot ou


marionnette, est déjà lui-même une copie. On pourrait dire qu’ils ne
voient que l’ombre d’une ombre.
 

- Et, complète Glauque, qu’ils n’entendent que la copie numérique d’une


copie physique des voix humaines.
 
- Eh oui ! Ces spectateurs captifs n’ont aucun moyen de conclure que la
matière du Vrai est autre chose que l’ombre d’un simulacre. Mais que se
passerait-il si, chaînes brisées et aliénation guérie, leur situation changeait
du tout au tout ? Attention ! Notre fable prend un tour très différent.
 │La libération, l’ascension vers la contemplation du Vrai│ Imaginons qu’on détache un
spectateur, qu’on le force soudain à se lever, à tourner la tête à droite et à
gauche, à marcher à regarder la lumière qui jaillit des projecteurs. Bien
sûr il va souffrir de tous ces gestes inhabituels. Ebloui par les flots
lumineux, il ne peut pas discerner tout ce dont, avant cette conversion
forcée, il contemplait tranquillement les ombres. Supposons qu’on lui
explique que sa situation ancienne ne lui permettait de voir que
l’équivalent, dans le monde du néant, des bavardages, et que c’est
maintenant qu’il est proche de ce qui est, qu’il peut faire face à ce qui est,
en sorte que sa vision est enfin susceptible d’être exacte. Ne serait-il pas
stupéfait et gêné ? Ce sera bien pis si on lui montre, sur la passerelle, le
défilé des robots, des poupées, des pantins et des marionnettes, et qu’à
grand renfort de questions on tente de lui faire dire ce que c’est. Car à
coup sûr les ombres antérieures seront encore, pour lui plus vraies que
tout ce qu’on lui montre.
 

- Et, remarque Amantha, en un certain sens elles le sont : une ombre que
valide une expérience répétée n’est-elle pas plus « réelle » qu’une
soudaine poupée dont on ignore la provenance ?
 

Immobile, agacé autant qu’émerveillé, Socrate fixe Amantha en silence.


Puis :
 

- Sans doute faut-il aller au bout de la fable avant de conclure quant au


réel. Supposons que l’on contraigne notre cobaye à regarder fixement les
projeteurs. Les yeux lui font atrocement mal, il veut fuir, il veut retrouver
ce qu’il supporte de voir, ces ombres dont il estime que leur être est bien
plus assuré que celui des objets qu’on lui montre. Alors de rudes
gaillards, payés par nous le tirent sans ménagement dans les travées de la
salle. Ils lui font passer une petite porte latérale jusqu’ici dissimulée. Ils le
jettent dans un tunnel crasseux par lequel on débouche en plein air, sur les
flancs illuminés d’une montagne au printemps. Ebloui, il couvre ses yeux
d’une main faible ; nos agents le poussent sur la pente escarpée,
longtemps, toujours plus haut ! Encore ! Ils arrivent au sommet, en plein
soleil, et là les gardes le lâchent, dévalent la montagne et disparaissent.
Le voici seul au centre d’un paysage illimité. L’excès de lumière dévaste
sa conscience. Et comme il souffre d’avoir été ainsi traîné, malmené,
exposé ! Comme il hait nos mercenaires ! Peu à peu, cependant il essaie
de regarder vers les crêtes, vers les vallées, le monde éblouissant. Il est
d’abord aveuglé par l’éclat de toute chose et ne voit rien de tout ce dont
nous disons communément : « Cela existe, cela est vraiment là. » Ce n’est
pas lui qui pourrait dire, comme Hegel devant la Jungfrau, et d’un ton
méprisant, « das ist » : cela ne fait qu’être. Il essaie cependant de
s'habituer à la lumière. Après bien des efforts, sous un arbre isolé, il finit
par discerner le trait d’ombre du tronc, la découpe noire des feuilles qui
lui rappellent l’écran de son ancien monde. Dans une flaque au pied d’un
rocher, il arrive à percevoir le reflet des fleurs et des herbes. De là, il en
vient aux objets eux-mêmes. Lentement il s’émerveille des buissons, des
sapins, d’une brebis solitaire. La nuit tombe. Levant les yeux vers le ciel,
il voit la lune et les constellations, il voit encore se lever Vénus. Assis
raide sur une vieille souche, il guette la radieuse. Elle émerge de ses
derniers rayons et, de plus en plus brillante, décline et s’abîme à son tour.
Vénus ! Enfin, un matin, c’est le soleil, non dans les eaux modifiables, ou
selon son reflet tout extérieur, mais le soleil lui-même, en soi et pour soi,
dans son propre lieu. Il le regarde, il le contemple dans la béatitude qu’il
soit tel qu’il est.
 

- Ah, s’écrie Amantha, quelle ascension vous nous décrivez ! Quelle


conversion !
 

- Merci, jeune fille. Ferais-tu comme lui ? Car notre anonyme, appliquant
sa pensée à ce qu’il voit, démontre que de la position apparente du soleil
dépendent les heures et les saisons, et qu’ainsi l’être-là du visible est
suspendu à cet astre, si bien qu’on peut dire : oui le soleil est le régent de
tous les objets dont nos anciens voisins, les spectateurs de la grande salle
fermée, ne voient que l’ombre d’une ombre. Evoquant ainsi sa première
demeure – l’écran, le projecteur, les images artificielles, ses compagnons
d’imposture -, notre évadé involontaire se réjouit d’en avoir été chassé et
prend en pitié tous ceux qui sont restés cloués sur leurs fauteuils de
visionnaires aveugles.
 

-  La pitié, objecte Amantha, est rarement bonne conseillère.


 
-  Ah, répond Socrate en la fixant de ses petits yeux noirs et durs, tu es
bien une jeune fille : violente et sans pitié. Revenons donc à la pensée
pure. Dans le royaume des artifices, dans la caverne du semblant, qui
donc avait le premier rôle ? Qui pouvait se flatter de l’emporter sur les
autres, sinon celui dont l’œil perçant et la mémoire sensible
enregistreraient les ombres passagères – repérant celles qui revenaient
souvent, celles qu’on voyait rarement, celles qui passaient groupées ou
toujours solitaires – le plus apte en somme à percevoir ce qui allait
survenir sur la surface contraignante du visible. Croyez-vous que notre
évadé, après avoir contemplé le soleil, serait jaloux de ces devins du jeu
des ombres ? Qu’il envierait leur supériorité et désirerait jouir des
avantages qu’ils en retirent si grands soient-ils ? Ne serait-il pas plutôt
comme Achille dans l’Iliade, qui préfèrerait cent fois être un serviteur
attaché à la glèbe et à la charrue plutôt que de vivre, comme il le faisait,
dans une somptuosité purement illusoire ?
 

-  Oh ! Socrate ! Je vous voit avec ravissement vous cacher, vous aussi,
derrière Homère, se moque Amantha.
 

-  Je suis grec après tout, murmure Socrate sur la défensive.


 

- │le retour dans la caverne│Si nous imaginions, coupe Glauque redoutant une
querelle, que notre évadé, redescend réellement dans la caverne ?
 

-  Il y sera forcé, dit gravement Socrate. En tout cas, s’il regagne sa place,
ce sont cette fois les ténèbres qui, après l’illumination solaire, l’aveuglent
soudain. Et si, avant même que ces yeux soient réaccoutumés à l’ombre,
il entre en compétition avec ses anciens voisins, qui n’ont jamais quitté
leur fauteuil, pour anticiper le devenir de ce qui est projeté sur l’écran, il
sera à coup sûr le comique de la rangée. On murmurera partout qu’il n’est
sorti et monté si haut que pour revenir myope et stupide. Conséquence
immédiate : plus personne n’aura la moindre envie de l’imiter. Et si,
hanté par le désir de partager avec eux l’Idée du soleil, l’Idée du Vrai
visible, il tente, lui de les détacher et de les conduire pour que, comme
lui, ils sachent ce que c’est que le jour nouveau, je crois qu’on s’emparera
de lui et qu’on le tuera.
 
- Vous y allez fort ! dit Glauque.
 

- C’est qu’un de ces devins minables dont se moquait hier soir ta sœur me
l’a annoncé : on me tuera moi Socrate, parce qu’à soixante-dix ans je
m’obstinerai encore à demander où est la sortie de ce monde obscur, où
est le vrai jour.

 Première étape : le monde de la caverne

"Imaginez , dit Socrate, des prisonniers dans une caverne souterraine, qui
ont derrière eux un feu, et sont attachés d'une façon telle qu'ils ne puissent
voir sur le mur d'en face, que les ombres de marionnettes manipulées au-
dessus d'un mur situé dans leur dos".

Ils pensent qu'il n'y a rien d'autre à voir, que ces ombres sont réelles,  car ils
ont toujours connu ce monde. Ils ne sont pas malheureux.

Ces prisonniers sont "semblables à nous", dit Socrate. La Caverne n'est


pas l'état dégradé d'une société mauvaise. C'est la condition humaine. Même
dans une société juste, nous commençons tous dans la Caverne.

Les ombres sur le mur de la caverne sont nos opinions et nos préjugés,  fondés
sur notre expérience sensible et sur la force de l'habitude (représentés dans
l'Allégorie par les chaînes qui entravent les prisonniers)

Deuxième étape : la libération   

On les libère de ses liens un prisonnier et on le force à se retourner vers la


lumière du feu et vers les marionnettes dont les ombres se projettent sur le
mur de la caverne. On force ensuite ce prisonnier à sortir de la caverne.

Le prisonnier qui n'était pas malheureux de son sort, qui n'avait pas connu
autre chose que la pénombre de la caverne, ne comprend pas ce qui lui
arrive, d'autant moins que ce "retournement" est douloureux et pénible. Ses
yeux n'étant pas habitués à contempler autre chose que l'obscurité, il est
ébloui et aveuglé par la moindre source de lumière. Cependant lorsque ces
yeux se seront habitués et qu'il pourra distinguer les formes des marionnettes,
il n'aura pas plus de repères, il  saura pas plus ce qui est réel, si ce sont les
ombres de la caverne ou ces objets qui se présentent désormais à lui.

Sans repères, le prisonnier sera en proie à la confusion. Il s'emportera même


contre quiconque chercherait à lui dire combien sa situation initiale était
pitoyable. Il souhaitera d'ailleurs pouvoir y revenir.

 
 

De la même façon, une fois arrivé à la surface et à la lumière du jour, il sera


tout d'abord éblouis et ne pourra supporter de voir les objets réels qu'au
moyen de leurs reflets dans l'eau ou sur une surface opaque et polie, et de
façon indirecte.
 

Ce n'est qu'ensuite au terme d'un long apprentissage, une fois que ses yeux se
seront accoutumés à la luminosité, qu'il pourra regarder ces objets
directement, sous la lumière du soleil et pourra même tourner son  regard vers
le soleil lui-même.
 

Le retour dans la caverne


 

Il faut se souvenir ici que pour Platon,  le but de la connaissance n'est pas la
connaissance en elle-même mais la justice et le bonheur qu'elle procure
concrètement.Tel est le sens de l'activité philosophique.
 

Cette connaissance à laquelle accède le philosophe n'a de sens que si celui-ci


peut la partager avec les autres hommes et la mettre en pratique dans la
Caverne. Une fois que le philosophe aura terminé sa formation et sera parvenu
à la contemplation du Vrai, il retournera donc     dans la caverne pour
expliquer aux hommes que leur monde est un monde d'illusions et de
mensonges, un monde dans lequel le bonheur auquel ils croient accéder n'est
lui aussi qu'une illusion destinée à les maintenir enchaînés.
 
Une telle révélation sera insupportable aux hommes de la caverne qui dans le
meilleur des cas le traiteront comme un fou ou un original et refuseront de le
croire, et dans le pire des cas le mettront à mort.

Interprétation de l'Allégorie

• Dans ce texte Platon expose le pouvoir libérateur de la phisophie, comme


pensée abstraite, qui conduit à la connaissance et au  discernement.

L'homme qui se met à penser  y est décrit comme celui qui rompt avec les
liens de la conformité à l'expérience ordinaire et à  l'opinion reçue.

La progression vers l'état éclairé (vers la vérité) y est décrite comme un voyage
de l'obscurité vers la lumière.  Après avoir été délivré de ses liens, celui qui
remonte péniblement de la Caverne vers la surface doit fournir un effort
maximal qui n'est pas sans douleur. Ce voyage prend la forme d'une
conversion de l'individu dans tout son être, une conversion qu'il éprouve dans
son corps et qui le transforme en profondeur. En effet, celui qui se met à faire
usage de son  esprit, fait quelque chose pour lui-mêmes. Il prend soin de lui-
même (ce qui est une des maximes socratiques : "Prends soin de toi").
 

• En parallèle, Platon dresse un tableau très pessimiste de ceux qui ne sont
pas éclairés par la philosophie. Impuissants et passifs, ils sont manipulés par
d'autres (les marionnettistes). Bien pire, ils sont habitués à cet état et ils
l'aiment ( link), résistant à tout effort qui viserait à les en libérer. Leur
satisfaction est une sorte de conscience aveugle de leur état car  ils ne peuvent
même pas reconnaître la vérité de leur condition pour y réagir.
 

La théorie platonicienne de l'Être


 

Pour un élève de terminale, il n’est pas facile de comprendre la théorie


platonicienne des Idées, tellement la représentation platonicienne  du
monde physique, est éloignée de la conception de la nature  que nous avons
héritée de la révolution galiléo-cartésienne du XVII° siècle. D'autant que
pour Platon connaître ce n'est pas "rendre raison", ou produire un discours
vrai sur l'Être, c'est contempler sans aucune médiation, éprouver, l'Être
qui habite toutes choses. 

• Pour Platon ce qui est n'est pas  ce qui  nous apparaît. L'Être ne se
réduit pas à ce  qui apparaît ou se qui se manifeste dans la
perception (to phainoménon).

L'apparence est "habitée" par l'être mais elle n'en est qu'une copie ou une
réalisation imparfaite et dégradée. Par exemple le cube de bois que je tiens
dans ma main  n'est que la réalisation imparfaite de l'idée vraie du cube qui
permet d'appréhender tous les cubes existants. En effet, pour comprendre que
cet objet que je tiens dans ma main est un cube, j'ai besoin d'avoir l'Idée de
l'être du cube. Ainsi l'être du cube se réalise dans le cube en bois qui apparaît
dans ma main, mais ce cube  de bois n'est qu'une des apparitions possibles de
l'être du cube, il n'est pas LE cube. De même l'artisan qui construit un lit doit
posséder une règle (l'Idée du lit) qui lui permet de diriger ses gestes. 

• Ce qui définit l'Idée c'est donc sa validité générale. Ce qui implique
qu'elle doive être complètement indépendante du monde sensible, qu'elle ne
doivent rien à autre chose qu'elle même. Attention pour Platon (et c'est là la
difficulté)  l'idée n'est pas une simple construction intellectuelle
conventionnelle et abstraite (comme par exemple les figures géométriques),
car dans ce cas elle ne serait encore qu'une "image" mentale du cube. L'idée
possède une réalité.

• Lors de son ascension vers la surface, puis vers le sommet où brille la


lumière du soleil qui écalire toute chose, le prisonnier traverse successivement
les différentes régions de l'Être. Il passe progressivement du monde
visible (le monde des apparences sensibles) au monde intelligible (le
monde des Formes ou des Idées). L'allégorie de la Caverne décrit donc
ce mouvement du connaître qui nous amène à dépasser les
phénomènes ou les apparences sensibles, pour contempler  les
Idées intelligibles qui ne sont pas de pures abstractions mais qui
possèdent bien une réalité en soi. 

  

→ Dans la caverne, le prisonnier ne voit que des copies et des images. Il n'a
accès qu'à la forme la plus dégradée de l'être.

→ A l'entrée de la caverne, puis à la surface le prisonnier désormais libre voit


les objets et les êtres. Mais qu'est-ce qui lui garantit que ce ce ne sont pas à
nouveau des images et des copies ? Que ces êtres ont plus de réalité ou de
vérité que les ombres dans la caverne ?

Rien nous dit Platon. Dans la région du monde visible, que nous soyons
dans la Caverne, ou à l'extérieur de la Caverne, nous appréhendons les choses
par l'intermédiaire de notre expérience sensible.  Aussi rien ne nous garantit
que les objets que nous percevons aient plus de réalité que leurs ombres. Ici
Platon remet en question les fondements de l'évidence qui identifie
l'être et l'apparence.

• Remarque concernant la thèse opposée à Platon:  ce qui apparaît


est ce qui est

 Cette évidence qui tient l'expérience sensible pour infaillible est au


fondement de l'empirisme.

Elle  peut être résumée par la phrase de Protagoras qui affirmait que


" l'homme est la mesure de toute chose". Ce qui signifie que les chose
sont, "existent" telles qu'elles m'apparaissent. Cette thèse ne va pas sans poser
problème lorsqu'on veut connaître ce que sont les choses.

Prenons par exemple un souffle de vent. Il est possible que sous le même
souffle de vent l'un frissonne et l'autre pas. Si chaque homme possède sa
propre vérité, que dirons nous de ce souffle de vent ? Qu'il est froid ou qu'il
n'est pas froid ? Qu'il est froid pour celui qui frissonne et qu'il n'est pas froid
pour celui qui ne frissonne pas ? A moins que les chose puissent à la fois être
et n'être pas,  nous voilà fasse à une contradiction.

• Le monde visible est un monde marqué par le mouvement et le changement.


Pour connaître nous avons besoin d'un objet stable, permanent, qui soit
identique à lui-même de toute éternité (ce que Platon appelle une Idée). 

• Ainsi pour connaître je dois apprendre à "voir" différemment le monde.


Apprendre à "voir" différemment suppose une conversion de mon regard.
Puisque rien ne me garantit que les objets que je perçois maintenant aient
plus de réalité que les ombres de la caverne, je dois saisir la réalité du monde
différemment, non plus par mon expérience sensible, mais par "le regard" de
l'esprit. 

• Attention le monde visible et le monde intelligible ne sont pas deux monde


distincts. Le monde visible et le monde intelligible sont le même monde, mais
un monde dans lequel l'homme adopte une posture ou un regard  différent. le
monde intelligible existe toujours en creux dans le monde visible.
• Le monde intelligible est lui-même divisé en deux zones. La première
correspond à la zone des idées mathématiques qui bien qu'étant abstraites et
dépourvues de toute relation au sensible, procèdent encore dans leur
construction en ayant recours à des "images" ou des concept (comme par
exemple la figure du triangle ou celle du cube) qui servent de point de départ
au raisonnement. Pour Platon le concept du cube n'est encore qu'une des
représentations possibles du cube. Ce n'est pas LE cube. Il faut donc remonter
au delà de ces hypothèses pour trouver l'être ou l'idée du cube. Ainsi l'Idée du
cube ne se saisit pas par la médiation de la pensée, mais elle s'éprouve dans
l'intuition contemplative de l'être. A la limite le rapport de l'homme qui
connaît à l'être est un rapport extatique dans lequel l'homme n'est plus que ce
regard qui se fond immédiatement dans l'Être.

http://www.aline-louangvannasy.org/article-l-allegorie-de-la-caverne-platon-
la-republique-lvii-111715935.html

      liens : 

ww.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/la-caverne-de-platon-ou-la-
151628

Dans la caverne, le faux-semblant règne en maître : c’est le domaine


flou de l’apparence, du chatoiement trompeur, du clair-obscur perpétuel.
Platon aurait-il prophétisé l’aliénation télévisuelle ? Ensorcelée par l’écran,
abreuvée de simulacres, la conscience abusée par sa propre clôture prête
une réalité à ce qui n’en a pas.

« SOCRATE — Imagine des hommes dans une demeure souterraine en forme


de caverne, possédant une entrée ouverte à la lumière, qui s’étend sur toute sa
longueur. Imagine aussi que ces hommes sont là depuis l’enfance, les jambes et
le cou enchaînés, de sorte qu’ils restent toujours à la même place et ne peuvent
rien voir que ce qui se trouve devant eux, leur chaîne les empêchant de tourner
la tête. Imagine, enfin, que la lumière d’un feu allumé loin derrière eux, sur une
hauteur, leur parvient ; et qu’entre le feu et les prisonniers s’élève un chemin le
long duquel un petit mur a été construit, semblable aux panneaux que les
montreurs de marionnettes dressent entre eux et le public, et au-dessus
desquels ils font voir leurs tours prestigieux. Envisage maintenant tout au long de
ce petit mur des hommes portant toutes sortes d’objets fabriqués qui dépassent
le mur, des statuettes d’hommes et des animaux en pierre, en bois, façonnés
dans toutes les formes ; et, bien entendu, parmi ces hommes qui défilent, les uns
parlent et les autres se taisent. GLAUCON — Ton image et tes prisonniers sont
très étranges. SOCRATE — Pourtant, ils nous ressemblent. Et d’abord, penses-
tu que de tels hommes aient vu autre chose d’eux-mêmes et de ceux qui les
entourent que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne en face
d’eux ? GLAUCON — Comment pourraient-ils faire autrement, s’ils sont forcés
de garder la tête immobile pendant toute leur vie ? SOCRATE — Mais alors, s’ils
pouvaient discuter, ne penses-tu pas qu’en désignant par un nom ce qu’ils
voient, ils croiraient nommer les choses elles-mêmes ? GLAUCON —
Nécessairement. SOCRATE — Et si le lieu de leur détention était tel que la paroi
qui leur fait face leur renvoyait un écho ? Chaque fois que l’un des porteurs
parlerait, ne crois-tu pas qu’ils prendraient sa voix pour celle de l’ombre qui
passe devant eux ? GLAUCON — Si, par Zeus. SOCRATE — Il ne fait aucun
doute que, dans une telle situation, ces hommes ne considéreraient comme
vraies que les ombres des objets fabriqués. GLAUCON — Sans aucun doute.
SOCRATE — Examine alors ce qui leur arrivera naturellement s’ils sont libérés
de leurs chaînes et guéris de leur ignorance : chaque fois que l’un d’entre eux
sera délivré et soudain contraint de se dresser, de tourner le cou, de marcher, de
lever les yeux vers la lumière, tous ces actes le feront souffrir, et, à cause de la
lumière éblouissante, il ne sera pas capable de regarder les objets dont il voyait
jusqu’alors les ombres. Que répondra-t-il, à ton avis, si on lui dit qu’il n’a vu
auparavant que des choses futiles, mais que maintenant il voit mieux, étant
donné qu’il se trouve plus près de la réalité et qu’il est tourné vers des choses
plus réelles ; et si, en outre, en lui montrant chacun des objets qui passent
devant lui, on le force par des questions à dire ce qu’est chacun d’eux ? Ne crois-
tu pas qu’il sera dans l’embarras et qu’il considérera les objets vus auparavant
comme plus vrais que ceux qu’on lui montre à présent ? ».

Platon, La République, VI.

Avec la célèbre image de la caverne, Platon brosse le portrait de la condition


humaine. Mais, d’emblée, nous sommes confrontés à un paradoxe : il utilise une
image pour nous montrer que nous vivons dans un monde d’images. Car les
captifs enchaînés face à la paroi de la grotte ne voient que des ombres portées.
Fascinés par l’écran plat qui capte leur regard, ils prennent pour des choses
réelles les ombres des objets transportés par ces hommes, situés dans leur dos,
dont ils ne soupçonnent pas la présence. Les paroles dont ils entendent l’écho,
ils les attribuent à ces mêmes ombres, à ces êtres fantomatiques pris pour des
réalités.

Ainsi l’illusion est totale : sensations visuelles et auditives les induisent en erreur
en leur faisant prendre des vessies pour des lanternes. L’écho sonore est la
copie illusoire de la voix, comme l’ombre est l’imitation fugace de l’objet. La seule
chose que perçoivent les captifs, c’est l’occurrence troublante de phénomènes
dont ils ignorent l’origine. Tout ce qu’ils appréhendent, c’est la succession plus ou
moins régulière de ces ombres fugitives. Dans la caverne, le faux-semblant
règne en maître : c’est le domaine flou de l’apparence, du chatoiement trompeur,
du clair-obscur perpétuel. Platon aurait-il prophétisé l’aliénation télévisuelle ?
Ensorcelée par l’écran, abreuvée de simulacres, la conscience abusée par sa
propre clôture prête une réalité à ce qui n’en a pas.
Cette existence captive évoque même une sorte d’envoûtement, la voûte de la
grotte figurant la clôture mentale des prisonniers. Or la caverne est le modèle
réduit d’un monde qui est le nôtre. « Ces étranges prisonniers sont semblables à
nous », dit Socrate. D’abord image statique, miroir glacé de notre aliénation
mentale, la caverne de Platon se met en mouvement. L’allégorie se fait mythe,
récit, fiction narrative. En effet, « que se passerait-il si l’un des prisonniers était
détaché ? » Cette hypothèse permet d’enchaîner la description de trois moments
successifs : la captivité, la libération et le retour.

Chacun de ces moments représente une figure de la condition humaine où la


vision symbolise la relation de l’homme avec l’être. Premier moment : les captifs
sont enchaînés dans la pénombre d’un monde illusoire. Deuxième moment : l’un
des prisonniers est libéré. Mais aussitôt délié de ses chaînes, il est victime d’un
éblouissement. Quittant le monde des ombres, c’est péniblement qu’il « accède à
des choses davantage véridiques ». A la lueur du foyer de la grotte, on lui
présente les objets dont il ne percevait que les ombres. Il les discerne peu à peu,
il semble prendre conscience de son aliénation antérieure, mais cela ne suffira
pas.

La libération est un éblouissement

Cette première émancipation, en effet, est vouée à l’échec. Car le prisonnier


détaché demeure captif des apparences trompeuses auxquelles il était
accoutumé. Que ces ombres proviennent d’objets fabriqués, il refuse d’y croire.
La confrontation avec un degré supérieur de réalité lui arrache une protestation
indignée, à la mesure de son aveuglement provoqué par la lumière du foyer.
C’est pourquoi il s’enfuit et retourne piteusement du côté de ces choses qu’il est
capable de voir sans en être ébloui, les tenant pour la seule réalité. C’est la
première leçon platonicienne : on ne s’arrache pas si aisément au monde de
l’opinion.

Le captif libéré de ses chaînes, de surcroît, connaît un second éblouissement


lorsqu’on le tire enfin hors de la caverne. Aveuglé par la lumière du soleil, il
s’habitue peu à peu aux contours du monde extérieur en observant d’abord les
ombres et les reflets. Mais c’est surtout à la lueur blafarde des astres qu’il
apprend ensuite à connaître le monde réel, celui qui se donnera à voir en plein
jour. La lumière diffuse de la voûte étoilée favorise cet apprentissage en lui
permettant d’apprivoiser les contours de la réalité, sans subir l’éclat de la lumière
diurne. Au terme de cette ascension libératrice, c’est le Soleil lui-même qui
s’offrira à sa vue : lui seul, produisant les saisons et les années, commande
l’ensemble de ce qui est visible.

Cette montée symbolique vers la source même de l’être, Platon en explicite le


sens ontologique : le séjour souterrain est la métaphore de l’asservissement au
sensible, comme la sortie hors de la caverne est la métaphore de l’ascension
vers l’intelligible. Le feu intérieur est le soleil, la voûte caverneuse la voûte
céleste, les ombres projetées les apparences dont la vue nous abuse. Confiné au
sensible, l’homme se laisse fasciner par un théâtre d’ombres. C’est pourquoi il
faudra un véritable arrachement pour accéder à l’éclat du jour. L’échappée vers
l’intelligible est toujours l’effet d’une mystérieuse délivrance.

Cet arrachement libérateur signifie aussi que le cheminement vers le vrai est une
violence exercée contre soi-même. Aucun mouvement spontané ne nous guidera
jamais vers la sortie, et pourtant il faut secouer ses chaînes si l’on veut
s’échapper de la prison. En outre, cette libération suppose un aveuglement
temporaire. Le captif à peine délié est doublement ébloui par le feu intérieur, puis
par le soleil extérieur. C’est la deuxième leçon : au fond, toute émancipation
suppose la traversée d’un aveuglement. Mais au terme de ce passage aveugle,
le captif libéré se donne une nouvelle façon de voir : la vision en plein jour
succède au tâtonnement dans la pénombre.

La sortie de la grotte obscure symbolise donc la transformation du regard qui


s’opère entre les deux moments de l’odyssée humaine. Si l’évadé parvenu au
grand jour voit des objets réels, et non de simples imitations artificielles, c’est
parce qu’au cours de cette ascension spirituelle il a opéré une conversion du
regard. Il s’est défait de cette illusion tenace que symbolisait l’enfermement
souterrain. C’est une vision nouvelle, solaire et lumineuse, qui le soustrait
désormais aux séductions trompeuses de l’artifice. La sortie de la grotte obscure
est la métaphore d’une évasion psychique : elle consiste à briser une clôture
mentale.

Une métaphore de la conversion philosophique

Il faut ainsi comprendre la métaphore de la caverne comme une illustration


dramatique des degrés du savoir. Métaphore du sensible, la caverne comprend
deux degrés. La sensation est le degré zéro de la connaissance, l’assentiment
spontané aux apparences, la sphère obscure des ombres et des simulacres.
Mais la libération incomplète dans la caverne ne vaut guère mieux, puisque le
captif délié retourne aussitôt à sa place. C’est la troisième leçon : la vérité ne
sera conquise qu’en rompant définitivement les sortilèges de l’illusion collective.

Le monde extérieur, métaphore de l’intelligible, comprend à son tour deux degrés


de connaissance, couronnés par un principe transcendant. L’apprentissage
nocturne du contour des choses correspond à la géométrie, cette antichambre du
véritable savoir. La découverte des « choses elles-mêmes » correspond au vrai
savoir, à la connaissance philosophique des formes ou idées (eidè), seules
réalités intemporelles. Source de toute lumière, le soleil extérieur figure à son
tour l’idée du Bien. Cette idée transcende les formes elles-mêmes, elle est le
principe d’existence et d’intelligibilité de toutes choses.
Cette structure d’ensemble pourrait suggérer une interprétation dualiste : il y
aurait deux mondes, un monde d’apparences, le monde sensible, et un monde
réel, le monde intelligible. Philosopher, ce serait quitter au plus tôt le premier
pour gagner le second, comme nous y invite un passage du « Théétète », un
autre dialogue platonicien. Or plusieurs éléments infirment cette interprétation. Le
premier repose sur un constat banal : s’il y a des ombres dans le sensible, c’est
parce qu’il y a des choses réelles dont elles sont les ombres. Et s’il y a toujours
des degrés dans la connaissance, c’est parce qu’il y a des degrés dans l’être, et
non la trompeuse alternative éléatique de l’être et du non-être.

C’est la quatrième leçon : le monde dont la caverne est la métaphore, qui est le
monde de l’expérience concrète, n’est pas frappé d’irréalité, mais entaché d’une
sorte d’inconsistance cognitive. Si nous nous en tenons à la perception sensible,
nous ne saisissons aucun objet réel, mais un flux ininterrompu réfractaire à toute
détermination. C’est pourquoi l’expérience sensible est en défaut par rapport à la
vérité et source d’insatisfaction intellectuelle : non pas pour les captifs qui
s’accommodent de leur sort et prennent leur opinion pour le savoir, mais pour le
philosophe en quête de la vérité.

Le deuxième élément qui invalide l’interprétation dualiste, c’est le moment du


« retour » dans la dramaturgie de la caverne. A peine échappé de sa prison, en
effet, l’évadé y redescend. Celui qui a saisi la vérité ne doit pas la garder pour lui
mais en partager le bénéfice. La vérité n’est pas faite pour être contemplée, mais
pour être enseignée. C’est la cinquième leçon : il n’y a pas de consommation
individualiste du vrai, et la destinée humaine se joue ici-bas, au milieu de nos
semblables. Du coup, cette description du retour nous délivre peut-être le secret
de la libération elle-même : les libérateurs sont probablement d’anciens captifs.
Mais alors qui a libéré les premiers évadés s’ils ne l’ont fait eux-mêmes ?

La visibilité de l’invisible

En guise de réponse, Platon décrit la philosophie comme « une conversion de


l’âme, d’une sorte de jour nocturne au jour authentique, grâce à une voie unique
montant vers la réalité ». La sortie de l’antre obscure vers la lumière du jour est la
métaphore de la conversion philosophique. Or cette conversion est difficile et
douloureuse. Ebloui par l’éclat du soleil lorsqu’il émerge de l’antre, l’évadé qui
retourne dans la caverne tâtonne dans l’obscurité. Le long détour de la
philosophie est donc indissociable d’une double altération du champ visuel, où
l’excès de lumière est la réplique inversée de l’excès d’obscurité.

Car, lors de son retour au monde ordinaire, l’obscurcissement de sa vision met le


philosophe en mauvaise posture. L’échec dramatique du retour signifie, comme
dit Paul Ricoeur, que « l’optimisme de la vérité est lié à un pessimisme de la
vie ». La condamnation de Socrate apparaît ici comme en filigrane : le philosophe
s’expose toujours à l’incompréhension des autres. C’est la sixième leçon : le
philosophe sera toujours un gêneur, un empêcheur de tourner en rond, un paria.

En quoi consiste la conversion philosophique ? A rompre avec les séductions du


sensible au profit de l’intelligible. A ancrer le savoir dans la permanence de l’être,
loin de l’inconsistance du paraître. L’ascension vers la lumière est donc la
métaphore d’une expérience dont la vertu est de nous arracher aux idoles pour
nous mettre en présence des idées. Philosopher, c’est chercher derrière le
chatoiement des apparences l’immutabilité des essences. Penser
rationnellement, c’est toujours préférer l’original à la copie, en remontant à la
lointaine source de toute réalité.

L’idée, ou la forme (eidos), est le nom que Platon donne à cette source
lumineuse. C’est ce qui ne change pas sous ce qui change. Non pas un autre
monde, encore moins un arrière-monde, mais ce qui fait que le monde est ce
qu’il est. Le cosmos n’est cosmos, monde ordonné, que parce qu’il y a un
principe d’ordre, l’eidos. Peut-on voir l’eidos ? Oui, avec les yeux de l’âme, c’est-
à-dire l’intelligence. A quoi sert l’image-récit de la caverne ? On le voit bien. Elle
nous invite à vivre une expérience bouleversante qui, en brisant notre prison
mentale, nous octroie la visibilité de l’invisible.

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