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■ EN FRAN C AIS FACILE

La reine Margot
ALEXANDRE DUMAS

INTEUiMATIONAL
Pour écrire ses oeuvres, A lexa n dre Dumas a
souvent cherché ses sources dans l’histoire. Certains
de ses romans, c’est le cas entre autres de La Reine
Margot, ont lieu au moment des guerres de religion.
Dans ce récit, Alexandre Dumas nous décrit l'un
des événements les plus sanglants de l ’histoire de
France, la Saint-Barthélemy.
En 1572, la famille royale établit une politique qui
cherche à réconcilier les partis religieux opposés de
Fépoque, le parti catholique et le parti protestant;
ceci a pour conséquence l ’influence marquée de
Coligny - chef protestant - dans les décisions prises
par le roi, et le mariage de Marguerite de Valois avec
Henri de Navarre. Mais le parti catholique, qui
n’apprécie pas ces changernents, devient rnenagant
et risque de s'opposer au roi Charles IX.
En voyant ce danger, Catherine de Médicis
pousse son fils, le roi Charles IX,à une réaction
violente. Ce dernier charge le due de Guise d'agir.
Dans la nuit du 23 au 24 aout 1572, plus de 3000
protestants, dont Coligny, sont assassinés.

Les m ots ou expressions suivis d’un astérisque* dans le texte


sont expliqués dans le Vocabulaire page 61.
CHAPITRE I

E lundi, le 18 aoút 1572,il y a une grande


fete au Louvre1. À m inuit, les lumières
de la m aison ro ya le sont encore
allumées et les places et les rues qui se trouvent
près de là sont pleines de monde.
Tous ces gens sont venus a ssiste r à
l ’événement du jo u r : les noces2 de Marguerite
de Valois, fille d'Henri II et soeur du roi Charles IX,
avec Henri de Bourbon, roi de Navarre.
Dans la salle de bal, tous les grands: i sont là :
la b e lle m a rié e , M a rg u e rite , avec ses
magnifiques cheveux noirs, accompagnée de la
duchesse H e n rie tte de Nevers, sa m eilleure
am ie ; ses frè re s , le due d 'A n jo u , le due
d'Alengon et le roi Charles IX ,qui ne l ’appelle
que « ma soeur M argot », et la reine m ère,
Catherine de Médicis. Et naturellement le roi de
Navarre entouré de ses amis, ces huguenots'1

1. Le Louvre : ce grand musée de Paris a d’abord été une maison


o il vivaient les rois.
2. N o c e s : mariage.
3. Grands : personnes importantes.
4. H u g u e n o t: protestant.
autrefois ennemis du royaume et m aintenant
amis.
Tous, catholiques et p rotesta nts, parlent.
ensemble ; le due de Guise avec l ’a m ira l1 de
Coligny, huguenot dont le roi Charles IX ne peut
plus se passer, à tel point qu’il l'appelle mon père.
Tous se m b le n t devenus frè re s , m ais en
apparence seulement, car personne ne croit en
ce rapprochement2, mème si le roi Charles IX ne
cesse de déclarer, à qui veut l'entendre :
— En donnant ma soeur Margot à Henri de
N a varre, je donne m on coeur à tous les
protestants.
Pendant la soirée, le due de Guise se place
discrètement près de Margot et lui dit tout bas :
— Que va-t-il se passer, ce soir ?
— Viens, comme d'habitude, répond Margot.
Le roi de Navarre ne voit rien de cela car, de
son còté, il mange des yeux Madame de Sauve,
sa maìtresse'3 depuis quelques mois. II s’avance
alors vers elle :
— Dans peu de temps, le roi de Navarre sera
dans tes bras.
— Je crois plutòt, Sire, qu’il sera dans ceux
d'une autre.

1. A m ir a l: com m andant dans l ’armée de mer.


2. R approchem ent: rétablissem ent de relations amicales.
3. Maitresse de quelqu’un : femme qui a des relations amoureuses
avec un homme sans étre son épouse.
— Tu te trompes, il passera la nuit avec toi.
En entendant cela, Madame de Sauve rougit
légèrement, sourit au roi puis s’éloigne à petits pas.
米来来

Après avoir conduit la duchesse de Nevers,


sa belle-soeur, chez elle, le due de Guise court
au Louvre retrouver Margot.
Une fois dans sa chambre, Margot lui d i t :
— Alors, es-tu content ?
— Content de quoi ?
— De la preuve d’amour que je te donne. Le
soir mème de mes noces, je passe la nuit avec
toi et non avec celui que je viens d’épouser et
qui ne m ’a mème pas remerciée d’avoir accepté
de devenir sa femme.
— II viendra, j ’en suis sur.
C’est alors que la servante de la reine Margot
entre dans la chambre : 么
— Madame, le roi de Navarre se dirige vers
vos appartements.
一 Tu vois, dit le due de Guise, je savais qu’il
viendrait.
— Henri, dit Margot au due en lui prenant la
m ain, e n tre dans ce c a b in e t1, et écoute, tu
verras que je ne serai jamais à lui.

1. C abinet : p e tite pièce à cóté d ’une cham bre p o u r tra v a ille r,


lire...
Et elle pousse le due dans le cabinet.
Elle vient juste de fermer la porte lorsque le
roi de Navarre entre.
— Vous n'etes pas encore couchée, madame,
dit Henri de Navarre, d'un ton ironiaue. Est-ce
que vous m’attendiez,par iiasard?
— Non, m onsie ur, car vous savez
parfaitem ent que notre union est uniquement
politique et que vous ne m ’obligerez jamais à
ètre à vous.
— P a rfa it! Mais cela ne nous| ernpeche pas
de parler un pen ensembl e ^ ’
— Comme il vous plaira, M ajesty, répond
Margot.
— Madame, je vais ètré franc1. Notre mariage
me semble étre un g,le^e^ Le roi me déteste, le
due d'Anjou me déteste, le due d’Alengon me
déteste ;quant à votre mère, elle détestait ma
mère et doit aussi me détester.
— Que dites-v^us, monsieur ?
— La verité, Marguerite. Et je sais, comme
vous le savez, que e’est René, le parfumeur* de
la reine mere, qui a empoisonné ma mère, et je
sais égalem ent qui a donné cet o rdre. Par
conséquent, vous imaginez bien que je ne crois

1. Ètre franc : ètre sincère, dire exactem ent ce qu'on pense.


2. Piège : ruse pour trom per quelqu’un.
3. Paxfumeur : personne qui crée des parfums.
absolument pas en cette amitié soudaine que
m 'offrent le roi et vos chers frères.
— Sire, sire, parlez moins fort, je vous prie.
— Et pourquoi done, ma chère, nous sommes
bien seuls ?
— N a tu re lle m e n t, répond M argot, mal à
Faise.
— Je disais done que je suis d é te sté et
m enacé1 de tous les còtés. Je ne peu x me
défendre sans votre aide, car tous ceux qui me
menacent vous airnent, vous, Marguerite.
— Moi?
— Naturellement. Vos frères d'abord, puis le
due de Guise, votre...
—Monsieur... voyons, que voulez-vous dire ?
Et, je vous en prie, parlez plus bas.
— Ce que je veux dire... je vous prie d'etre
non mon amie, car e’est trop demander, mais
mon alliée2. Est-ce que je peux com pter sur
vous ?
— Je ne serai ja m a is v o tre ennem ie,
m onsieur! d it Margot
— Et mon amie ?...
— Peut-ètre.
— Et mon alliée ?

1. Menacé : en danger.
2. A llié : personne qui partage les opinions d’une autre personne
et la soutient.
— Surement.
Le roi lui prend la main.
- Nous ne nous devons done rien comme
mari et femme, mais nous ne ferons qu’un s’il le
faut pour lutter contre nos ennemis. C'est bien
cela. ?
— Oui, monsieur, répond Margot, très bas ;
mais, partez, je suis fatiguée. Partez, je vous en
prie."
— Bon, nous reparlerons de tout cela ; nous
sommes done alliés ?
— Oui, monsieur... Mais laissez-moi.
— Je pars, madame, et merci, Margot, tu es
une vraie fille de France. Je n’ai pas ton amour
mais je sais que je peux compter sur toi.
Et, après lu i avoir baisé la main, le roi de
Navarre s’en va.
Le due de G uise e n tre a u s s itò t dans la
chambre.
— Ainsi, Margot, tu n'es pas sa femme mais
son alliée.
— Tu as tout entendu !
- Oui, et je comprends que tu as changé de
camp. Adieu, Margot.
Et le due part à son tour.
Margot, seule, se dit alors :

-1 1 -
« Quelle nuit de noces, le mari n’est pas là
et Famant1me quitte ! »

来来来

Pendant les jours suivants, la fete continue


au Louvre et dans les rues.
Un soir, C harles IX se tro u v e dans ses
appartements avec le due de Guise. II l'écoute
a tte n tiv e rn e n t to u t en caressant son chien
A cté o n . Sa n o u rric e 2, M adelein e, q u i est
protestante et qui l’aime comme un fils, lui sert
à boire puis se retire. C’est alors qu’entre Henri
de Navarre.
— Q uel p la is ir de vous v o ir, m on cher
H e n rio t!
— Je voulais savoir si l’amiral Coligny était là,
car il d o it avo ir des nouvelles de quelques
gentilhommes: ! que j ’attends.
— Encore des gentilhommes ! Mais il y en
avait huit cents pour vos noces et tous les jours
il en arrive des nouveaux. Vous voulez nous
envahir, dit Charles IX en riant.

1. A m a n t : hom m e q u i a des re la tio n s am oureuses avec une


femme sans ètre son époux.
2. N ourrice : femm e qui élève un enfant.
3. G entilhom m e : homme de naissance noble.
Le due de Guise regarde Henri de Navarre
d’un mauvais oeil1.
— Sire, ces jeunes gens viennent pour vous
aider dans les préparatifs de la guerre contre
FEspagne. Je réunis tous les gentilhommes de
mon pays pour pouvoir vous servir.
Le due de Guise ne perd pas un mot de ce
que d it H e n ri de N avarre. E t, comme il se
rappelle la conversation qu'il a entendue entre
la reine Margot et le roi de Navarre, il semble un
peu inquiet.
— Moi aussi, Sire, je cherche p a rtout des
jeunes hommes courageux, prèts à se battre
pour vous.
C’est alors qu’arrive l’amiral.
— Ah ! Vous v o id ! s’écrie Charles IX. On
parle de guerre, savez-vous, de gentilhommes
courageux qui viennent nous aiden-
— Avez-vous des n o u velles, m o n sie u r ?
demande le roi de Navarre.
— Oui, et tout particulièrement de M. de La
Mole ; il était hier à Orléans et sera bientòt à
Paris.
— P a rfa it, d it C harles IX , vous v o ilà
tranquille, H e n rio t; et maintenant, messieurs,
laissez-nous, je veux parler avec l'amiral.

1. D,
un mauvais o e il: d ’un regard mauvais.
Le due de Guise et le ro i de N avarre se
séparent sans se dire un mot.
— Écoutez, d it alors Charles IX à Coligny,
une fois seuls. Je suis occupé aujourd'hui, je ne
peux done pas vous donner tous les plans de
guerre faits par mes m inistres. Je chercherai
tout cela et je vous les donnerai demain matin.
— À quelle heure, Sire ?
— À dix heures. Mais je serai surement à la
chasse. Vous les prendrez vous-mème dans mon
c a b in e t de tra v a il. Ils se ro n t dans un
portefeuille1rouge.
— Bien, Sire. Adieu.
Et Coligny s’en va.
C harles IX fa it v e n ir sa n o u rric e et lu i
dem ande de fa ire e n tre r l ’hom m e qui d o it
l’attendre.
L'homme, qui a un air mauvais, entre peu
après.
— C’est vous, d it le roi, que l ’on appelle
Frangois Maurevel.
— Oui, Sire.
— Je voulais vous voir. Vous savez que j'airne
tous mes sujets, qu’ils soient huguenots ou
catholiques.
一 Oui, Sire.
— Mais, d’après ce que je sais, il n’en est pas

1. Portefeuille : carton ou Von range des papiers.


de mème pour vous. Vous détestez les huguenots,
il me sernble, au point de les tuer, comme vous
avez essayé de le fa ire avec l'a m ira l, il y a
quelque temps, et avec un autre huguenot fort
célèbre, Monsieur de Mouy. Au fait, combien le
due de Guise devait-il payer pour tuer l’amiral ?
L'homme regarde le sol et ne répond pas.
— Combien !
— Dix mille écus', Sire.
— Vous aimez les armes, monsieur Maurevel.
— Oui, Sire.
— Voyez cette arquebuse2, sur le m ur ; je
vous la donne. Je dois faire plaisir à mon cousin
de G uise. II a un ennem i q u i le dérange
beaucoup. Vous nous débarrasserez:Jde lui.
— E t que l est cet enn em i ? dem ande
Maurevel.
— Est-ce que je sais, m o i! La seule chose
que je peux vous dire, c’est q u 'il s o rtira du
L o u vre dem ain, vers d ix heures, avec un
portefeuille rouge sous le bras.

1. Écu : ancienne monnaie.


2. Arquebuse :ancienne arme à feu.
3. Se débarrasser de quelqu’un : le tuer.
CHAPITRE II

T" 了ers la fin de la jo u rn é e du 23 aout


I / 1572, le gentilhomme, appelé La Mole,
V que le ro i de N avarre a tte n d avec
im patie nce, a rrive à Paris. II a fa it un long
voyage et il est fatigué. Au bout d’un moment, il
s’arrète devant une auberge1. Son nom, ^4 la
Belle Étoile, lui plait et il décide d’y entrer.
Au merne moment, un autre jeune homme
s'arrete devant l'auberge, regarde un instant et
décide lui aussi d’entrer.
L’aubergiste leur dit que, n’ayant plus qu’une
chambre, ils devront la partager.
— Paris est plein de gentilhom m es venus
pour le mariage et pour la guerre d'Espagne,
vous aurez bien du mal à trouver autre chose
que ce que je vous propose.
— Bien, dit La Mole, cela ne me gene pas, et
vous ?
— Puisque c’est la seule solution, acceptons,
d it l ’a u tre je u n e hom m e. Je suis le com te
Annibal de Coconnas, pour vous servir.

1. Auberge : endroit où les voyageurs peuvent. m anger et dorm ir.


— Et moi, je suis le comte Hyacinthe de La
Mole, votre humble serviteur.
Et, pendant que l’aubergiste leur prépare la
chambre, les deux jeunes gens se m e tte n t à
bavarder.
一 — Je cRerche le Louvre, dit La Mole.
— V ra im e n t ! Comme c’est, c u rie u x, m oi
aussi, répond Coconnas. Je dois rencontrer le
due de Guise le plus vite possible. Et vous aussi,
sans doute ? ,
- M oi, je suis chargé de v o ir le ro i de
Navarre ou l'a m ira l de Coligny, si le ro i est
absejiL.
L’aubergiste, qui vient de descendre, entend
cette dernière phrase et d i t :
— Vous aurez du mal à le trouver, après ce
qui s’est passé.
— De qui parlez-vous et que s'est-il passé ?
demande La Mole.
— De Coligny. A va nt-hier, en s o rta n t du
Louvre, il a regu un coup d'arquebuse.
— E t il est m ort ?
— Non, mais il est gravement blessé au bras.
Cette nouvelle inquiète La Mole et, au lieu de
diner à l'auberge, comme il pensait le faire, il
préfère se rendre au plus vite au Louvre. II part.
Peu après, le comte de Coconnas sort à son
tour de l ’auberge.

-17 -
Une fois au Louvre, La Mole se demande
comment il va faire parvenir son message au roi
de Navarre, quand il voit so rtir un groupe de
cavaliers1 huguenots. II s’avance vers eux et
demande à celui qui semble ètre le chef s, il peut
voir le roi de Navarre.
— Q ui ètes-vous ? dem ande le ch e f des
cavaliers.
— Le comte de La Mole.
— En effet, vous ètes atteridu. Suivez-moi, je
vais vous conduire jusqu'à l’appartement du roi.
Une fois devant la porte de l'appartement,
l’homme dit à La Mole :
一 Entrez, monsieur, on vous informera.
Et il s’en va.
La Mole regarde autour de lui, appelle, mais il
n ’a pas de réponse. Les appartem ents du roi
sont vides.
II ressort dans le couloir, espérant trouver
quelqu’un,lorsque la porte qui se trouve en face
de lui s'ouvre et laisse passer une jeune femme
d’une grande beauté.
En voyarit le jeune homme, la femme s’arrète
et lui demande :
— Que voulez-vous, monsieur ?
一 Je cherche le roi de Navarre.
— Sa Majesté n’est pas chez lui. Mais, si vous

1. C a v a lie r: personne montée sur un cheval.


La Mole rencontre Margot p o u r La prem ière fois.
voulez, vous pouvez dire à la reine...
— Oui, bien sur, puis-je voir la reine ?
— Mais vous la voyez, monsieur.
— Com m ent! s’écrie La Mole.
— Je suis la reine de Navarre, répond Margot
en souriant. Mais, je vous en prie, monsieur,
parlez vite car je suis pressée.
— Oh, madame, pardonnez ma lenteur, mais
votre vue m ’a ébloui1. Je suis le comte de La
M ole et je dois re m e ttre une le ttr e à Sa
Majesté...
一 Le roi, mon mari, a en effet parlé de vous ;
donnez-moi votre lettre, je la lui remettrai.
La Mole lu i donne aussitòt la le ttre qu’elle
cache dans sa robe.
— Et maintenant, monsieur, dit-elle, l’un de
mes serviteurs vous conduira dehors. Revenez
plus tard ; on vous indiquera ce que vous devez
faire.
En sortant du Louvre, La Mole rencontre par
hasard Coconnas.
— A lo rs, avez-vous vu le ro i ? dem ande
Coconnas.
— Pas encore. Et vous, avez-vous eu plus de
chance avec le due de Guise ?
— Eh b ie n , non, m ais je vais r e n tre r à

1. É b lo u ir : troubler, im pressionner.
l'auberge ; j'attends un message1. Venez done,
nous dinerons ensemble.

来来来

Pendant que Coconnas et La Mole dìnent à


La Belle Étoile, le due de Guise vient d’entrer
chez Catherine de Médicis, au Louvre.
- Tout va mal, d it le due en referm ant la
porte.
C a th e rin e , s u rp ris e , lève la tè te et lu i
demande :
— Que voulez-vous dire, Henri ?
— Je veux dire que le roi est plus que jamais
fasciné2 par ces huguenots qui ne cessent de
venir ici. Si cela continue, nous serons bientòt
dominés par eux.
— Voyons, Henri, dites-moi exactement ce
qui s’est passé, dit Catherine d’un ton calrne et
froid.
— Je viens de lui demander si nous allons
s u p p o rte r lo n g te m p s les in s u lte s 3 que les
huguenots nous adressent depuis la tentative
d'assassinat contre l'amiral. E t savez-vous ce
q u ’il a répondu ? II a répondu que l ’on d o it

1. Message : lettre, mot...


2. Fasciné : très attiré.
3. Insultes : paroles dites pour blesser, offenser.
croire que je suis le responsable de l'a tte n ta t1
contre son père, et que, si les protestants sont
un peu nerveux, c’est bien normal. Puis il s’est
mis à donner à manger à ses chiens de chasse.
— Est-il seul chez lui ?
— II est avec sa nourrice.
— Bien, suivez-moi.
C a th e rin e de M é d icis, p re n a n t un a ir
préoccupé, entre chez Charles IX.
— Mon fils ! dit-elle d’une voix tremblante.
— Qu’avez-vous, ma mère, vous ne semblez
pas très bien ?
— En effet,mon fils, et je viens te demander
la permission de partir dans un de tes chateaux,
à la campagne, car je ne supporte plus d'etre à
Paris.
— Et pourquoi done ? dit Charles IX.
— Pourquoi ? Tu me demandes pourquoi ?
Centendez-vous, Guise ? Parce que chaque jour
je me sens insultée et menacée par tous ces
h u g u e n o ts e t que c e tte s itu a tio n d e v ie n t
insupportable.
— Mais, mère, c’est assez normal, on vient
d’essayer de tuer un de leurs chefs. Ne vous
inquiétez pas, ils se calmeront.
— C’est ce que tu cro is, mais c ’est une
erreur. A ujourd’hui, ils nous insultent et nous

1. A tte n ta t: tentative pour tuer quelqu’un.


menacent, mais demain, ils passeront à Faction
et se vengeront1 sur le due de Guise, sur moi,
sur toi...
— Vous croyez ? dit Charles IX qui commence
à ètre inquiet.
— J’en suis sure !
— Mais, alors, que faut-il faire ?
— Que fais-tu, à la chasse, quand un sanglier
vient vers toi ?
— Je prépare mon épieu" et je le lui plante
dans le corps.
— Ainsi, Fanimal ne pent plus te faire de mal,
c’est bien cela ?
— Oui, mère.
— Eh bien, avec eux, c’est pareil. Si tu ne fais
pas comme avec le sanglier, ils te tueront. II faut
vite te débarrasser de tes ennemis.
— Écoute ta mère, Charles, elle a raison, dit
le due de Guise. E t agis le plus vite possible.
— Ah ! Vous me fatiguez ; vlens, Actéon, mon
chien, viens te prom ener. Quant à to i, mon
cousin, fais ce que tu veux..., je ne veux rien
savoir.
Et Charles IX sort.
Le due de Guise et, la reine mère en profitent

1. Se venger : répondre à une mauvaise action que l ’on a subie par


une autre mauvaise action.
2. Épieu : long baton term iné par un fer.
pour parler et réunir leurs hommes pour agir
cette nuit mème.
Mais le Louvre est une maison où les murs
ont des oreilles.
H e n rie tte de Nevers, qui est au Louvre,
apprend b ie n tò t q u ’il va se passer quelque
chose. Elle se rend vite chez Margot et lui dit :
— Margot, je crois que cette rm it va ètre
terrible ; je ne sais pas exactement ce qui va se
passer, mais, je fe n supplie, reste chez toi. Moi-
mème je vais vite rentrer chez moi.
Margot, apprenant cela, se rend discrètement
chez le roi de Navarre.
— Toi ici, Margot, quel plaisir de te voir ! dit
Henri de Navarre d’un ton un pen ironique.
— Henri, l’heure n’est pas à la plaisanterie.
Un grand événement va se passer, je le sens, on
me l’a dit. Ne sors pas ce soir, fais ce que je te
dis.
Henri de Navarre comprend que Margot dit
vrai et devient pale.
— Cgun'est pas tout, ajoute Marguerite, j ’ai
une_lettre_pour toi de monsieur de La Mole.
- Donne, et m erci, Margot, m erci de ton
aide. E t maintenant, je crois que nous devons
nous retirer chacun chez soi et attendre la suite
des événements.

米米米
II est onze heures du soir. À La Belle Étoile,
Coconnas et La Mole, qui ont fin i de d in e r
depuis un bon moment, bavardent tranquillement.
— Je crois . *****
que je vais aller me coucher, dit
La Mole. Le voyage a été long ; je veux me
reposer un peu car on viendra surem ent me
donner des nouvelles, cette nuit.
- Eh bien, bonne n u it, m onsieur de La
Mole ; quant à moi, je vais rester un peu car je
crois que je vais bientòt recevoir un message.
La Mole monte done dans sa chambre tandis
que Coconnas reste boire un verre de vin.
Un moment plus tard, un homme au visage
dur entre dans l ’auberge, suivi de quelques
hommes. II regarde dans la salle, s’approche de
Coconnas et lui dit assez bas :
— Monsieur de Coconnas ?
— En e ffe t; mais qui ètes-vous ?
— Je m ’appelle Maurevel et j ’ai un message
pour vous de la part du due de Guise.
— Dites, s’écrie Coconnas, fo rt intéressé,
est-ce que je dois aller tout de suite au Louvre ?
— C’est là en effet que nous allons. II y a une
fete ce soir encore au Louvre. Mais cette féte
n'est que pour les bons catholiques. Tous ces
c h ie n s 1 d 'h u g u e n o ts n ’y sont pas in v ité s ,

1. C hien : un « chien » est une m auvaise personne ; c ’est une


insulte.
ou p lu tò t si, d it M a urevel avec un s o u rire
méchant, ils seront là et ils seront les héros.
Mais to u t d'abord, allons in vite r leur chef, ce
cher a m ira l!
— Je ne comprends pas bien ce que vous
voulez dire, d it Coconnas. Nous allons chercher
l ’amiral alors que cette fète n’est que pour les
catholiques ?
— R egardez d eh ors, m o n sie u r, et vous
comprendrez.
Coconnas jette un coup d'oeil par la fenètre
et voit plein d’hommes à cheval et armés.
— Cette fete, c’est done pour...
— Oui, pour tous les tuer, pour en fin ir avec
eux... Par ordre du roi et de monsieur de Guise.
Allons, il ne faut pas perdre de temps, partons
chez l'amiral. Mais, au fait..., ajoute Maurevel
d'une voix plus forte, j ’espère q u 'il n ’y a pas
dans c e tte auberge un de ces chiens
protestants.
— Si, d it ra u b e rg is te , là -h a u t, dans une
chambre, il y en a un. N’est-ce pas, monsieur ?
dit-il à Coconnas.
— II faut le tuer, s’écrie Maurevel, il ne doit
plus en rester un seul.
Et il monte l'escalier en courant, suivi de ses
hommes et de Coconnas.
Au moment où ils arrivent à la porte de la
chambre, plusieurs coups de feu éclatent dans
la rue. On entend alors La Mole sauter de son lit
et ouvrir la fenètre. Maurevel ouvre aussitót la
porte, La Mole se retourne, comprend tout et
saute par la fenètre.
— Un de moins ! dit Maurevel.
Coconnas s’avance,regarde par la fenètre et
s’écrie :
— Erreur, il se sauve par le toit.
— Nous le retrouverons. Vite, allons chez
l’amiral,c’est le plus im p o rta n t!
E t ils partent tous en courant à travers les
rues de Paris, déjà rouges de sang et pleines
d'horribles cris de colère et de douleur.
Ils arrivent enfin devant la maison de ramiral.
Des hommes se battent sur la place. D’autres
essaient d ’o u v rir la p o rte de la m aison de
Famiral. II y a des coups de feu partout.
Tout à coup, un groupe de cavaliers arrive.
— Le due de Guise ! crie Maurevel. Ah ! Ah !
Coligny est m o rt!
— Mais, s’écrie tout à coup Coconnas, qui
vois-je là-bas ? La Mole. Ah, le chien, il est venu
prévenir Coligny. Tu ne m'échapperas pas, dit-il
en courant vers lui, suivi de plusieurs hommes.
Coconnas le ra ttra p e e t p a rv ie n t à lu i
enfonce r un couteau dans le bras. La Mole
tombe, se relève aussitót, blesse de son épée'

1. Épée : arme form ée d’une grande lame.


plusieurs hommes et court, court comme un
fou. II ne vent qu'une chose, aller au Louvre et
voir le roi de Navarre, le prévenir.
— Tuez-le, tuez-le ! crie Coconnas qui court
après lui avec plusieurs hommes.
La Mole est couvert de sang et a très mal au
bras. Mais il court, il court toujours. II arrive au
Louvre, réussit à passer à travers les coups de
feu, échappe aux épées et parvient à se faire un
chem in parm i les cadavres1. II entre dans le
Louvre, monte le plus vite possible un escalier,
reconnait une porte et, malgré sa douleur au
bras, frappe. II est temps, Coconnas le suit de
près.
— Q ui est là ? d it to u t bas une v o ix de
femme.
- Ouvrez, je vous en prie..., je meurs..., je
veux voir le... roi de Navarre.
La porte s’ouvre aussitòt. La Mole entre et se
trouve devant Margot. II la regarde et lui d i t :
- Madame, sauvez-moi ;et il tombe évanoui.
La p o rte s’ouvre à nouveau et p lu sie u rs
hommes, dont Coconnas, essaient d’entrer.
Alors Margot se précipite à la porte et d it
d’une voix forte et calme :
— Que venez-vous faire ici ? Tuer une fille de
France. Sortez, je vous l’ordonne.

1. Cadavre : homme m ort.


Les hommes, impressionnés1, commencent à
faire quelques pas en arrière.
— Tuez-moi, d it Margot, et non seulement
vous serez fiers d’avoir assassiné des huguenots,
mais vous pourrez aussi vous vanter2 d’avoir tué
une reine.
Mais tout ce bruit a attiré des soldats qui font
fuir les assassins.
Margot rentre vite dans ses appartements,
ferm e la p o rte à clé et appelle a u ssitò t sa
servante3.
Ensem ble, elles p o rte n t La Mole dans le
cabinet qui se trouve à còté de la chambre de la
reine de Navarre, le couch ent sur un li t et
Margot, qui est une femme non seulement belle
mais fo rt c u ltiv é e et qui conn ait un peu la
médecine, commence à le soigner.
La Mole f in it par o u v rir les yeux. II v o it
Margot penchée sur lui.
— Que vous ètes belle, dit-il, sauvez-moi...
Sauvez-moi.
— Vous ètes sauvé, répond Margot. Ne vous
in q u ié te z pas, to u t va bien. E t m aintenant,
dormez.
La Mole s'endott. C’est alors qu'on frappe à la porte.

1. Im pressionné : touché par ce qui vient d’étre dit.


2. Se vanter : ètre fie r de ce qu,
on a fa it et le raconter.
3. Servante : domestique ; femme qui est au service d’une personne
noble.
Margot se précipite dans sa chambre et dit :
— Qui est là ?
— C’est moi, la duchesse de Nevers.
Margot, qui a grande confiance en son amie,
lui ouvre la porte.
— H e n rie tte , mais com m ent es-tu venue
jusqu’ici ?
— Le due de Guise m , a dit que je serais plus
en sécurité au Louvre et il m’a fait conduire ici
avec des gardes. J’ai vu le massacre1; les rues
sont rouges de sang. Je les ai vus se battre, c’est
à la fo is te r r ib le et beau, s a is-tu , M argot.
Certains se battaient avec un tel courage ! J’en
ai vu un, par exemple, un catholique, il était
magnifique.
- Tais-toi, Henriette, tais-toi. Tout cela est
horrible, je...
— Mais, que t'ost-il arrivé, Margot, ta robe,
sous ton manteau, est pleine de sang ?
一 Tais-toi, encore une fois, Henriette. Viens.
Et elle conduit son amie dans le cabinet où se
trouve La Mole.
— Tu l’a sauvé, Margot ? demande Henriette.
Tu as raison, il est bien beau ; il est huguenot,
mais peu importe, il a l ’air si charmant.
Et elles sortent du cabinet.
— Henriette, maintenant qu’il dort, je veux

1. Massacre : grande tuerie.


La Mole ouvre les yeux et voit Margot à còté de lui.
savoir ce qui est arrivé au roi de Navarre. Tout
est calme maintenant, viens.
Elies arrivent devant les appartements du roi
de Navarre. Marguerite essaie d'entrer mais des
gardes l’en empèchent.
— On n'entre pas chez le roi de Navarre,
ordre de Sa Majesté, Charles IX.
C’est alors qu’arrive Charles IX.
— Charles, mon frère, pourquoi ne puis-je
pas voir mon mari ?
— Tu veux le voir, eh bien, entre avec moi,
car moi aussi je veux bavarder avec lui.
Ils entrent tous les deux dans la chambre.
H e n ri de N a varre, m a lg ré la g ra v ité 1 des
événements, semble calme.
— Bonsoir, H enriot, d it Charles IX, tu es
content de me voir ?
— Oui, Sire, je suis toujours content de voir
Sa Majesté.
— Ne fais pas l’hypocrite. Tu sais très bien ce
qui s’est passé ce soir et ce qui continue de se
passer. Cette nuit, on me débarrasse de tous les
huguenots, de tous, entends-tu ?
II cesse de parler et m et sa tète dans ses
mains. Margot écoute sans rien dire.
— Ils doivent tous mourir, continue Charles IX,
c’est ce que d it ma mère, c’est ce que d it le due

1. G ra v ité : im portance.
de G uise, car sinon, é ta n t ennem is de ma
religion, ils me tueront. C’est ce que tu veux
faire, Henriot, me tuer ?
— Sire, vous avez dit, le jour de mes noces,
que vous d on nie z v o tre coeur à to u s les
protestants.
— Le jour de tes noces est passé, on n’en est
plus là a u jo u rd ’hui. Tu dois m o u rir à moins
que... À moins que...
— Quoi, Sire ? dit Henri de Navarre.
— Que tu... abjures1.
— Non, Sire, non..., dit Henri.
— Margot, je t ’en prie, dis-lui qu’il doit le
faire ; tu es son alliée, je le sais, dis-lui que c’est
la seule solution.
Margot profite d’un moment où son frère a le
dos to u rn é p o u r d ire to u t bas à H e n ri de
Navarre :
— Fais-le, rien ne sera perdu pour autant.
Henri de Navarre fin it par accepter.
Une fois sortie de chez son m ari, M argot
retrouve Henriette et rentre vite chez elle voir
son blessé. Mais, en entrant dans le cabinet, elle
voit qu’il a disparu.
— Mon Dieu, Henriette, il est p a r ti! II faut le
retrouver. Je le veux !

1. A b ju re r : abandonner sa religion.
— On ne peut pas sortir, tout est plus calme
mais on entend toujours des coups de feu.
— Je sortirai, m ’entends-tu,Henriette !
E t elle va che rch e r quelques se rvite u rs.
Alors, suivie de son amie, elle marche dans les
rues de Paris. Elle regarde, retourne tous les
cadavres. Elle est capable de tout pour sauver
l’homme qu’elle a décidé de sauver.

Margot et Henriette.

Enfin, elles finissent par le trouver.


II est blessé à la poitrine et couché près d’un
autre homme également blessé à la tète.
— Mon D ie u ! s’écrie Henriette, Fautre, c’est
lui, c’est ce jeune homme courageux dont je te
parlais avant. Sauve-le aussi, Margot Je fe n prie.

-3 4 -
La reine Margot les fait conduire dans une
maison sure et les fait soigner.

* 来米

Après ces horribles événements, le calme


revient à Paris.
H enri de Navarre abjure solenne lle m e nt1
quelques jo u rs plus ta rd . Mais il co n tin u e
cependant à ètre très surveillé.
Margot, quant à elle, revoit souvent La Mole,
dont elle est tombée amoureuse. La Mole n'a pas
tardé à g u é rir et s’est occupé de Coconnas
quand il était encore très mal. Une fois remis de
ses blessures, Coconnas, apprenant que La Mole
l’a soigne, devient son ami et décide de ne plus
le quitter.
La M ole d o it m a in te n a n t ré u n ir des
protestants et chercher des renforts2 pour aider
Henri de Navarre à fuir et à reconstituer le parti
protestant. II part.
Catherine de Médicis, qui déteste Henri de
Navarre, décid.e de le tuer.

1. S olennellem ent: en public, devant témoins.


2. R enforts : des gens, de l’aide.
CHAPITRE III

omme e lle le f a it hab ituellem ent, ce

C soir-là , C a the rine de M édicis v ie n t


consulter René, son parfumeur, qui sait
aussi lire Favenir. Elle veut savoir ce qui va
arriver à ses fils.
— A lo rs , que me d is -tu , a u jo u rd ’h u i ?
demande-t-elle.
— La mème chose, madame.
— Com m ent! Toujours trois morts, ce n’est
pas possible ! Et l'autre ?
— II régnera.
— Navarre, toujours Navarre, murmure-t-elle
en q u itta n t René. Pourquoi Charles ne s’en
débarrasse-t-il pas ? II va envoyer son frère, le
due d ’A n jo u , ré g n e r en Pologne ;il v e u t
égalem ent fa ire p a r tir le due d ’A lengon en
Navarre. II finira par me chasser du pays, s’il
continue comme cela, et ce m audit H enri de
Navarre sera toujours là. Non ! II n ’en est pas
question ! Demain, il y a une grande chasse à
courre*, il faut que j ’aille voir Charles avant son
départ.
Le lendemain, il fait une journée splendide ;
le soleil brille et tout est prèt pour la chasse.
Charles IX est sur le point de descendre dans
la cour du Louvre pour partir, quand la reine
mère entre dans ses appartements.
— Je dois te parler, Charles.
— Mère, cela peut surem ent attendre. Je
pars à la chasse à l ’instant méme, tout est prèt,
nous parlerons plus tard.
— Non, Charles, c’est maintenant qu’il faut
parler. Je sais qu’Henri de Navarre, malgré son
abjuration, agit contre nous. II prépare quelque
chose, je le sens.
— Encore H enriot, ma mère. Vous croyez
done qu’il va nous tuer, mes frères et m oi ;
allons, nous saurons nous défendre.
— Écoute, Charles, l’affaire est sérieuse et je
crois que tu dois agir vite pour éviter le pire. II
faut le faire surveiller encore plus étroitement,
le mieux serait...
— Mon Dieu ! Sept heures, déjà, ma mère. Le
tem ps d 'a rrive r, nous ne pourrons pas nous
m ettre à chasser avant neuf heures. Vraiment,
vous me faites perdre mon temps.
一 C h arles, je t , en p rie , la chasse p e u t
attendre ; fais d’abord ton travail de roi puis tu
pourras chasser autant que tu veux.
— Bien, ma mère, je vous écoute. Mais parlez
vite. Que voulez-vous faire ? Tuer ce pauvre
Henriot ?

-3 7 -
Catherine de Médicis et Charles IX.

— Non, je veux le m ettre en sureté quelque


part, à la Bastille1, par exemple.
一 Pas question! Nous chassons le sanglier*
ce matin, et Henriot est un des meilleurs à la
chasse.
— Je ne dis pas ce m atin, mon fils, ajoute
Catherine. Arrètons-le après la chasse..., cette
nuit...
一 C’est différent, alors. Dans ce cas, je ne dis pas.
— II suffit de signer un ordre.
— Écrire un ordre, le signer..., mais vous ne
comprenez done pas, mère, que je suis pressé !

1. La B a s tille : ancien cháteau de Paris qui est devenu p riso n


d,État. II se trou va it sur Factuelle place de la Bastille.
— Tout est prèt. Tiens, signe, d it Catherine
en lu i do rm a n t un p a p ier. Q uand vous
reviendrez de la chasse, ce soir, des gardes
Fattendront dans sa chambre.
— Vous gagnez,comme toujours, mère, dit
Charles en signant l’ordre. Adieu.
II donne le papier à sa mère et part en courant.
Dans la co u r du L o u vre , to u t le m onde
l ’attend : Henri de Navarre, le due d’Anjou, le
due d’Alengon...
Le signal de départ est donné. Tous partent
au g a lo p 1 et a rriv e n t à h u it heures au
rendez-vous de chasse.
Un piqueur* annonce alors au roi qu’il a vu
un sanglier et qu’il va le conduire à l'endroit où il
se trouve.
Charles sonne du cor* pour donner le signal
de départ et la troupe part au galop.
Le sanglier est en effet à l'endroit indiqué par
le piqueur. On met aussitòt un lim ie r* sur sa
trace2. Le lim ier disparait entre des arbres et,
quelques minutes plus tard, le sanglier passe à
toute vitesse à cinquante pas du roi.
Charles IX galope alors derrière lui, suivi du
due d ’A njou, du due d ’A le n g o n ,d 'H e n ri de
Navarre et de plusieurs autres chasseurs.

1. Galop : allure la plus rapide du cheval.


2. Trace : les marques que ran im a l a laissées.
M a lh e u re u se m e n t, au b o u t d ’un q u a rt
d’heure, il arrive ce qui se passe souvent dans
ces cas-là. II y a tant d’obstacles2 sur le chemin,
que bientòt les cris des chiens se perdent au
loin. Charles IX est en colère :
— D'Alengon, d’Anjou, Henri, crie-t-il, je vous
vois bien calmes ! Ce n’est pas chasser cela. Où
sont vos é p ie u x , vos arquebuses ? Mais,
j'entends à nouveau les chiens. Au galop !
Et il part aussitòt, suivi de près par Henri et
d’Anjou.
Au bout de dix minutes, on voit le sanglier,
poursuivi par les chiens. Charles, le due d’Anjou,
H e n ri et deux p iq u e u rs g a lo p e n t plus v ite
encore. Mais, soudain, le sanglier s'arrete et se
retourne vers les chiens. Le combat commence.
Les chiens se battent avec rage, mais beaucoup
sont blessés.
— Courage, les chiens ! crie Charles à ses
animaux. Un épieu, vite, un épieu !
Un piqueur s’avance pour lui en donner un.
Mais, à cet in sta n t, le sanglier se libère des
chiens et, fou de rage, se précipite vers le cheval
du roi.
Le cheval tombe.
Tous les homines poussent un cri. Charles a
la jambe prise sous le cheval. II essaie de sortir

1. O bstacles: diffícultés.
son couteau pour tuer le sanglier mais il n ’y
parvient pas.
— À moi, d’Anjou, le sanglier ! crie-t-il.
D'Anjou ne bouge pas. Au mème instant, le
sanglier frappe la botte1de Charles.
« Oh ! pense d’Anjou en souriant, je crois que
je serai bientòt roi de France. »
Mais Henri de Navarre est là. II saute de son
cheval, lève son couteau et l'enfonce dans le
coeur du sanglier qui m eurt sur le coup.
— Sire, dit Henri, ce n’est rien. C’est fini.
On aide le roi Charles IX à se lever. Charles
reste un moment sans bouger, puis il s’avance
vers Henri de Navarre, lui prend la main et lui
dit avec une grande sympathie :
— Merci, Henriot.
— Mon pauvre frère, s’écrie alors le due
d’Anjou, nous avons eu bien peur.
— J’en suis sur, répond froidement Charles IX.
Puis tous se dirigent vers une maison où ils
ont prévu de déjeuner.
Pendant to u te la jo u rn é e , Charles IX ne
quitte pas un seul instant Henri de Navarre.
Quand, le soir venu, on rentre au Louvre,
Charles qui, tenant Henri par le bras, se rappelle
l ’ordre qu ’il a signé le m atin mème, devient
soudain pale. C’est alors qu’apparait Margot.

1. Botte : chaussure qui monte sur la jambe.


Elle sait ce que le roi de Navarre a fait pendant
la chasse et veut le remercier.
— Margot, dit Charles, tu as bien raison de le
remercier et Henriot est vraiment un frère pour
moi. Nous ne pouvons pas nous quitter ainsi, ce
soir. Ma chère soeur, me donnes-tu la permission
de l ’emmener avec moi ?
— Ah ! Mon frère, je crois que je n’ai rien à
dire à cela.
— S ire, je vais p re n d re un m a nteau, je
re viens tout de suite.
— Ce n’est pas la peine, Henriot, celui que tu
as est parfait. Partons. Adieu, Margot.
Et les deux hommes sortent du Louvre.
— Attends-moi un instant, Henri, je reviens
tout de suite.
Charles re n tre ra p id e m e n t au Lou vre et
revient presque aussitót. II prend Henriot par le
bras et se met à marcher dans les rues de Paris
en bavardant gaiem ent. II vie n t de déch irer
l'ordre qu’il avait signé.
— Sais-tu, Henriot, ce que j ’aime le plus dans
la vie ? C’est chasser et sortir ainsi, le soir. Tu
vas bientòt comprendre pourquoi, car je vais te
faire partager un grand secret.
Ils continuent de marcher un bon moment.
Charles s’a rrè te soudain devant une p e tite
maison, entourée d’un beau ja r din. II sort une
clé de sa poche, ouvre la porte, fait passer Henri
puis referme.
— Où sommes-nous, Sire ? demande Henri.
— C h u t! répond le roi. Tu vas comprendre
tout de suite, Henriot. Quand je sors du Louvre,
je respire, et quand j ’arrive ici, je suis enfin
heureux.
Ils montent un escalier et s’arretent devant
une porte que Charles ouvre doucement.
— Regarde, Henriot, dit-il.
Le roi de Navarre entre dans la pièce et, tout
étonné, voit une très belle jeune femme, qui
dort à còté d’un bébé.
— Qui sont-ils ?
— Les seuls qui me rendent heureux. Elle
s’appelle Marie et cet enfant, c’est mon fils.
Marie m ’a aimé lorsque je n’étais pas encore roi
et, depuis qu’elle sait que je le suis, elle m’aime
toujours.
Charles s’approche de Marie et la réveille
doucement.
— Charles, tu es là, dit-elle en souriant. Mais,
tu n’es pas venu seul, je vois...
— Marie, je suis venu avec un autre roi qui
est mon seul ami. Regarde-le bien ; aujourd'hui,
il m’a sauvé la vie. Pour le remercier, je voulais
qu’il dine ici, avec nous. Peux-tu nous préparer
quelque chose ?
— N aturellem ent! répond Marie.
Pendant qu'elle prépare le repas, Charles
joue un moment avec renfant. Puis les deux rois
dinent tranquillement en compagnie de Marie.
II se fait tard ; il faut rentrer.
Les deu x am is re v ie n n e n t au L o u vre ,
heu re u x de ce tte jo u rn é e et de cette belle
soirée.

来米来

Les jo u rs passent. H e n ri de N a varre et


Charles IX sont plus que jamais amis.
La Mole est re venu avec les renforts prévus.
Tout est prèt et le roi de Navarre doit profiter
d’une chasse au vol* pour s’enfuir.
La Mole vient souvent au Louvre donner des
messages à Margot pour le roi. Mais comme on
sait qu’il est son amant, personne ne s'inquiète
vraiment de sa présence. II est parfois accompa-
gné de son cher ami, Coconnas, qui lui, de son
cóté, passe le plus de tem ps possible avec
Henriette de Nevers.
Un soir, Margot et La Mole sont ensemble,
dans la maison oil vlt La Mole.
— Oh ! Mon cher amour, d it M argot à La
Mole, je n ’ai jamais aimé comme je t ’aime. Mon
coeur est fou de joie chaque fois que tu viens, je
ne peux vivre sans toi. Je ne veux qu'une chose :
partir en Navarre et etre enfin avec toi. Le roi
nous laissera tranquilles.
— Moi aussi, je ne désire que cela. Mais, on
ne sait jamais ce qui pent arriver...
— Tais-toi, mon amour, tout est prèt, tout ira
bien. Vous irez avec le roi au pavilion Frangois Iw ,
on viendra me chercher et je serai enfin à toi
pour toujours.
— Mais s ’il m ’a r ri v e m a l h e u r . . . , si no us
sommes p o u rsu ivis…,si je m eurs..., je serai
séparé de t o i ! On dit, ma reine, que tu gardes le
coeur de tes amants dans un coffre1…
— On d it beaucoup de choses sur moi, sur
tout le monde. Mais je te le jure, mon amour, s’il
fa r r iv e quelque chose, tu resteras toujo urs
avec moi.

来来来

Pendant ce temps, Catherine de Médicis, qui


est en colère car elle n, a pas pu faire tuer le roi
de Navarre, cherche une autre solution.
E lle a app ris que son fils , Charles, veut
emmener Henri à une chasse au vol et lui faire
connaitre la fauconnerie*. D’autre part, René,
son p a rfu m e u r, v ie n t de lu i d ire que le ro i
C harles va é tre gravem ent m alade et q u ’il

1. Coffre : caisse où l’on garde des objets, de l’argent...


mourra b ie n tó t; il continue à voir deux autres
morts et Henri de Navarre régnant sur le pays.
C’en est trop !
Le jour de la chasse au vol, très tót le matin,
elle fait venir son fils, le due d'Alengon.
En e n tra n t dans la cham bre de sa mère,
d'Alengon est surpris par une étrange odeur.
Catherine voit son visage étonné et lui dit :
— Je viens de bruler quelques vieux papiers
et j ’ai jeté des herbes dans le feu pour éviter les
mauvaises odeurs.
— Vous vouliez me voir, ma mère ?
— Oui, mon fils. Je veux que tu portes dans
la chambre d 'H enri de Navarre un livre fo rt
intéressant que j ’ai trouvé sur la fauconnerie. Tu
sais que c’est un sujet que ton frère Charles
aime tout particulièrement et il veut apprendre
à Henri de Navarre cet art de la chasse.
一Et je dois porter ce livre de vénerie* dans
la ch a m b re d ’H en ri ?
— En effet, c’est bien cela. Mais, prends
garde ; tu ne dois toucher ce livre qu'avec des
gants.
— Qu'est-ce que c’est que ce livre, mère ?
demande d’Alengon,un peu in quiet.
— Mais enfin, je viens de te le dire, e 'e s t un
livre de chasse. II est un peu vieux et les pages
sont collées les unes aux autres. II faut mouiller
son doigt pour pouvoir passer chaque page.
Mais ne le fais pas, tu perdrais ton temps et... ta
vie serait en danger.
C e tte fo is, le due d 'A le n g o n co m prend
p a rfa ite m e n t ce que sa m ère ve u t d ire , et
tremble en pensant à ce qui va se passer.
— Comme aujourd’hui Henri va à la chasse
au vol avec Charles, je pense qu’il aura envie de
le lire un peu avant de partir. Allez, cours le
mettre sur sa table. Je sais qu’il est sorti, mais il
va bientót revenir.
D'Alengon obéit à sa mère. En effet, il ne
trouve personne dans la chambre d'H enri de
Navarre et pose le livre sur sa table ; puis il
rentre dans ses appartements qui se trouvent
près de là. II a à peine ferm é la p o rte qu ’il
entend des pas dans le couloir. Henri est rentré
chez lui.
Pour retrouver son calme, car ce qu’il vient
de faire l’a rendu un peu nerveux, d'Alengon se
met à regarder par la fenètre les préparatifs de
la chasse. Mais, au bout d’un moment, il est si
mal à l'aise qu’il sent le besoin de bouger un peu
et décide d’aller voir son frère Charles.
II descend l’escalier et arrive devant la porte
de Charles qui est ouverte. II entre. Son frère a
le dos tourné et est en train de lire.
— C’est incroyable ! Je ne savais pas qu’il y
avait en France un livre aussi intéressant sur la
fauconnerie.

- 47 -
D’Alengon s’avance alors et voit que Charles
est en train de lire le livre qu’il a mis peu avant
dans la chambre d’Henri de Navarre.
II ne peut s'empecher de pousser un cri.
Charles se retourne et le voit.
— Ah, c’est toi, mon frère. Viens voir ce beau
livre ; il n ’a qu’un inconvénient, les pages sont si
collées qu’il faut toujours mouiller son doigt.
— Vous..., vous en avez déjà lu beaucoup ?
demande d’Alengon ,d’une voix faible.
— Environ cinquante pages. II est vraiment
passionnant. Mais laisse-moi fin ir ce chapitre ;
ensuite nous parlerons.
D’Alengon ne peut en supporter plus. II sort
de la chambre en se disant :
— II a déjà lu cinquante pages, ce qui veut
dire qu’il a déjà gouté vingt-cinq fois le poison ;
mon Dieu, mon frère est mort.
Six heures sonnent alors. II est temps de
descendre dans la cour pou r p a rtir chasser.
Charles pose son livre sur un fauteuil et fin it de
s'habiller. C'est alors qu’il voit qu'Actéon, son
chien, a saisi le livre dans sa gueule1 et joue
avec. II le lui enlève et le met sur une étagère.
Puis il part.
On arrive sur le lieu de chasse, qui se trouve
près du pavilion Frangois Icr où attendent les
hommes d'Henri de Navarre.

1. Gueule : bouche d ’im animal.

一 48 一
Charles IX part à la chasse au vol.
Charles a vu un héron1et il làche son faucon ;
il veut montrer au roi de Navarre comment on
chasse avec un oiseau de p ro ie *. Le faucon
frappe le héron par surprise. Le héron s’envole ;
le faucon le poursuit ;il le frappe à nouveau. Ils
montent tous les deux haut dans le ciel et on ne
les voit plus.
— Ou sont-ils ? demande Henri.
— Là-bas, au loin, répond Charles. Tu ne les
vois pas mais tu peux les entendre. Écoute ce
cri, le héron se plaint, il est vaincu. Au faucon !
Au faucon !
Charles part au galop, suivi du roi de Navarre
et d'autres chasseurs. Mais soudain, il arrète son
cheval et pousse un cri. Ses amis arrivent.
- Ce n'est rien, d it Charles, j ’ai eu comme
une h o rrib le douleur à Festomac, mais c’est
passé.
Charles repart au galop et arrive à l’endroit
oil est tombé le héron que le faucon commence
déjà à dévorer. II descend de cheval mais doit
s’appuyer contre ce dernier. Tout tourne autour
de lu i et il a très mal à l’estomac.
- Je ne me sens vraim ent pas bien, il vaut
mieux arrèter la chasse et rentrer au Louvre.

1. Héron : grand oiseau qui a un très long bee et de longues pattes.


Tous se p ré c ip ite n t pou r aider Charles à
remonter sur son cheval.
Henri de Navarre, profitant de ce moment de
confusion, disparait dans le bois et arrive au
pavilion Frangois Ior.
Là, une tre n ta in e de g e n tilh o m m e s
huguenots l ’attendent,parmi lesquels La Mole,
accompagné, bien entendu, de son fidèle ami,
Coconnas.
— T o u t est p ré t, Sire, il fa u t p a rtir, d it
quelqu’un.
— En effet, répond Henri de Navarre, il vaut
mieux ne pas tarder à se mettre en route. Mais
quelqu'un doit prévenir la reine Marguerite ; elle
pourra ainsi nous rejoindre en chemin.
II regarde alors La Mole et lui d i t :
— C’est vous qui irez, n’est-ce pas, comte ?
Je sais que vous désirez le faire et je vous
comprends.
Hyacinthe remercie le roi et part aussitót,
suivi de Coconnas.

来来来

Une fois rentré au Louvre, Charles se sent un


peu mieux, mais il désire ètre seul et se reposer.
Personne ne s’est encore rendu compte de
rabsence du roi de Navarre, car la raaladie de
Charles inquiète tout le monde.
C harles IX e n tre done dans ses a p p a r­
tements ; mais là, il a une nouvelle crise. De
plus, il a soif, très soif. II voit une tasse de lait
sur la table et l’avale d’un coup. La douleur se
calme un peu.
II s’étonne alors de ne pas vo ir son fidèle
Actéon. II passe dans son cabinet en l'appelant.
C’est alors qu’il le trouve couché par terre.
— Holà. Actéon ! Holà, mon chien ! dit Charles,
ne bouge pas.
Charles se met alors à genoux à cóté de lui, le
touche et se rend compte qu’il est mort.
II oublie alors son mal. II veut crier et ne peut
pas. II voit, fou de eolère, le regard sans vie de
son chien. Ce dernier a la gueule ouverte et sa
langue est couverte d’horribles boutons.
Charles s’étonne. Qu'est-il arrivé à Actéon ?
S oudain, e n tre ses d en ts, il v o it des
morceaux de papier. II les retire et les regarde.
Ce sont des morceaux du livre de vénerie.
— Ah ! d it - il, to u t pale, le liv re é ta it
empoisonné.
Alors il se rappelle qu’il l ,
a lu.
— Mon Dieu ! s, écrie-t-il ,j ,a i touché chaque
page avec mon doigt mouillé... Ces douleurs à
l ’estomac,ces envies de vomir... Je suis m o rt!
II se relève, court à la porte et crie :
— René ! Am enez-m oi im m édiatem ent le
parfumeur René !
Charles IX découvre son chien Actéon, empoisonné.
Un garde p a rt aussitót. D ix m inutes plus
tard, René est là.
— Sa Majesté voulait me parler ? dit René.
— Mon chien est mort, répond Charles ; je
sais que tu es un grand médecin, ma mère me l’a
dit, examine-le et dis-moi ce qui s’est passé.
René obéit.
— Mon chien a été em poisonné, n ’est-ce
pas ?
— O ui, S ire. S u re m e n t avec un poison
minéral.
— Si un homme avale ce mème poison, que
lu i arrive-t-il ?
— II a très mal à la téte, à Festomac et il ne
cesse de vomir.
— A -t-il soif ?
— Très très s o if!
— Mais, Sire, pourquoi toutes ces questions ?
— Peu importe la raison ! Réponds-moi, c’est
to u t ce que je veux, d it Charles. Y a -t-il un
contrepoison ?
— Je dois savoir de quel poison il s’agit pour
pouvoir répondre.
— Mon chien s’est empoisonné parce qu’il a
mangé une feuille de ce livre, d it Charles en
prenant le livre de chasse sur l’étagère et en le
donnant à René.
Le p a rfu m e u r regarde le liv re avec une
étrange expression.
— II a mangé une feuille de ce livre, répète-t-il.
Puis-je en déchirer une autre ?
— Naturellement.
René arrache une feuille et l’approche du feu.
Une forte odeur envahit alors la pièce.
— Votre chien a été empoisonné avec de
l’arsenic ,Sire, dit-il enfin.
— Tu es sur ?
— Oui, Majesté.
— Et le contrepoison ?
— Le seul remède est d’avaler des blancs
d’oeufs battus dans du la it ; mais il faut le faire
juste après avoir avalé le poison, sinon...
— Sinon...
— Sire, c’est un poison terrible qui tue très
vite.
— René, dit alors le roi, tu connais ce livre, je
le sais. Dis-moi à qui il appartient.
René baisse la tète.
— Réponds, René.
— Ce livre est à moi, mais la reine mère me
l’a demande hier soir.
— C’est cela ! Je comprends tout maintenant.
Elle voulait le faire lire à Henri pour le...
C’est alors que Charles se met à tousser. La
douleur à l’estomac est de plus en plus forte.
— Qu’avez-vous, Sire ?
— Soif, très soif. Donne-moi à boire et quitte
le plus vite possible le pays. Maintenant, va-fen.
René sort. Charles appelle sa nourrice.
— Oh, Charles, mon enfant, que tu es pale !
— A id e -m o i à me co u ch e r, ma bonne
nourrice. Prépare-moi des blancs d’oeufs battus
avec du lait et ne me laisse pas seul, je t ’en prie.
Charles IX est de plus en plus mal. II a d'hor-
ribles douleurs à la tète et à l ’estomac et, en
plus, il commence à suer du sang.
II ne veut voir personne, sauf sa nourrice qui
ne le quitte pas un seul instant.
Pendant ce temps, Margot v it des moments
d'angoisse. Elle a peur pour son frère. Elle se
demande ce qui est arrivé à Henri de Navarre et
attend un messager.
Charles sent que la m ort est proche. II fait
venir sa mère.
— Comment te sens-tu, mon fils ? demande
Catherine en entrant.
— Comment osez-vous m'appeler votre fils !
Une mère qui tue son enfant n ’est plus une
mère.
Catherine de Médicis devient toute pale.
— Que veux-tu dire ?
— Vous le savez parfaitement. Quelle belle
famille nous formons ! Vous ne cessez de dire
que vous nous aimez, que vous voulez tout pour
nous et vous me tuez.
— Tais-toi, Charles, ta is -to i, je f e n prie.
Personne ne doit savoir.
一 La m ort vient, je la sens, mère. Pourquoi
tant de haine ?
Catherine ne peut regarder son fils.
Elle se retourne et s’approche de la fenètre
en d isa n t:
— C h arles, personne ne d o it savoir.
Q u e lq u ’un sera p u n i... il fa u t tro u v e r un
coupable... il le faut, e ntend s-tu ? C’est un
accident..., un simple accident.
Mais Charles ne répond pas. II souffre. II se
sent mourir.
C’est alors que La Mole et Coconnas entrent
dans la cour du Louvre.
Catherine les voit. Son regard change. Elle
sait ce qu’elle va faire. Ces hommes sont au roi
de Navarre. Ils viennent souvent au Louvre. Ils
v o u la ie n t, b ie n e n te n d u , se veng er du ro i
Charles, à cause de la Saint-Barthélemy. Rien de
plus facile que de les accuser. II faut agir, vite !
Elle sort en courant de la chambre et crie aux
gardes qui sont à la porte :
— Courez ! Arrétez ces deux hommes qui
viennent d’entrer au Louvre. Ils ont assassiné Sa
Majesté Charles IX.
Cinq minutes plus tard, La Mole et Coconnas
sont conduits à la Bastille.
Tout va alors très vite. Catherine, dans sa soif
de faire mal, réussit à faire signer à Charles
mourant la condamnation à m ort des deux amis.

- 57 -
M argot apprend alors l'arrestation de son
amant. Elle court chez le roi, son frère. Quand
elle entre, il va très très mal et elle ne peut
s’empècher de pleurer. Charles lu i d it, d’une
voix très faible :
— Margot, ma soeur Margot, viens près de
moi. Tu m ’aimes ,n'est-ce pas ?
— Oui, Charles, parvient à murmurer Margot.
Mais to i aussi, tu m'aimes, je le sais et tu ne
veux pas me fa ire s o u ffrir. C harles, deu x
hommes viennent d'etre conduits à la Bastille ;
l'un d’eux, dit-elle en essuyant ses larmes, est
toute ma vie, tu comprends, Charles ? Je sais
que toi aussi tu aimes et je te demande de...
— Ta main, Margot, je meurs, je meurs..., dit
Charles.
— Je t ’en p rie , C h arles, m on C h a rio t,
sauve-les.
— Trop tard, Margot, je ne puis plus rien
poureux.
Et, serrant la main de sa soeur, Charles IX
ferme les yeux pour toujours.
Margot se relève, baise la main de son frère
puis sort de la pièce en disant aux gardes :
— Le roi est mort.
Puis elle se dirige vers ses appartements. Elle
ne cherche plus à savoir ce qui se passe autour
d’elle. Elle prend un manteau et sort du Louvre.
E lle avance à pas le n ts , e lle ne v o it rie n ,

-58 -
n entend rien. Elle demande un cheval, donne
un ordre à deux serviteurs fidèles au roi de
Navarre et s’éloigne au moment où son frère, le
due d ’A n jo u , s o rt du L o u vre avec ses
gentilhommes. L’un d’eux s’écrie alors :
— Le roi est m o rt! Le roi est, m o rt! Vive le
roi Henri III.
Catherine de Médicis apparait alors derrière
son fils.
一 Tu règnes enfin, mon fils, lui dit-elle. Cette
fois encore je gagne.

Le roi est m o r t! Vive le ro i H enri III.

一 5 9 -
M a rg u e rite , su ivie des deux s e rv ite u rs ,
galope comme le vent.
Elle se rend sur la place de Grève1. Là, on
rin fo rm e que deux hommes viennent d ’etre
décapités2. Elle court chez le bourreau3. Elle
parle avec lu i et, quelques minutes plus tard,
elle ressort avec un paquet.
— Jamais je ne te quitterai, murmure-t-elle
en s e rra n t c o n tre son coeur le p a q u e t qui
contient la tète de son amant.
Puis elle se to u rn e vers les se rviteurs et
s’écrie :
— M ainten ant, allons re jo in d re le ro i de
Navarre.

1. Place de Grève : place de Paris où l ’on exécutait les condamnés


à m o rt.
2. D écapiter : couper la tète de quelqu’un.
3. Bourreau : homme qui exécute les condamnés.
VOCABULAIRE

La chasse

Chasse à courre : chasse qui se fait avec des chiens


et à cheval.
Chasse au vol : chasse qui se fait avec un oiseau de
proie.
Cor : instrument à vent dont on se sert, à la chasse à
courre, pour appeler.
Fauconnerie : art d'élever des faucons et autres
oiseaux de proie pour chasser.
Limier : grand chien de chasse que Fon met sur les
traces de l’animal chassé.
Oiseau de proie : oiseau qui se nourrit de viande, et
qui chasse des animaux - ses proies - pour les
manger (faucon, aigle...).
Piqueur : serviteur qui poursuit à cheval l’animal
chassé.
S an glier : pore sauvage que l’on chassait à cheval
(gros gibier).
Vénerie : art de la chasse à courre.
QUESTIONS POIJR COMPRENDRE

Chapitre I
1. Quel est révénement qui a lieu au Louvre le
18 aoút 1572 ?
2. Qui sont les amis du roi de Navarre ?

3. Pourquoi est-ce qu'on a arrangé le mariage de


Marguerite de Valois avec Henri de Navarre ?
4. Qu'est-ce que le roi de Navarre propose à Margot
quand il va lui rendre visite dans ses appartements,
le soir de leurs noces ?

5. Qu'est-ce qui est arrivé à la mère du roi de


Navarre ?
6. Pourquoi est-ce que Henri de Navarre rend visite
ail roi Charles IX ?
7. De quoi est-ce que Charles IX accuse Frangois
Maurevel ? ^^
8. Qu'est-ce qu’il lui ordonne ensuite ?

Chapitre II
1. Quels personnages arriven t à Paris le 23 aout
1572 et qu’est-ce qu’ils veulent faire ?
2. Qu'est-ce que l'aubergiste apprend au comte de
La Mole ?

3. Arrivé au Louvre, que fait le comte de La Mole et


qui rencontre-t-il ?
4. De quoi est-ce que le due de Guise se plaint à
Catherine de Médicis ?

5. Qu’est-ce que le due de Guise et Catherine de


Médicis décident de faire ?
6. Qu’est-ce que Maurevel vient dire à Coconnas ?
7. Comment est-ce que La Mole parvient à se
sauver de l’auberge ?
8. Quand Coconnas poursuit La Mole, pourquoi est-ce
que ce dernier veut absolument aller au Louvre ?
9. Qu’est-ce qui va se passer au Louvre ?

10. Quelle est la seule solution pour le roi de Navarre


s’il veut ètre sauvé de la mort ?
11. Qu’est-ce que La Mole devient après la nuit de la
Saint-Barthélemy ?

Chapitre III
1. P o u r q u o i e s t - c e qu e C a th e rin e d e M é d ic is
consulte René ?

2. Qu’est-ce que Catherine de Médicis demande à


son fils, Charles IX ?

- 63-
3. Qu'est-ce qui se passe pendant la chasse à
courre ?
4. Quel est le secret du roi Charles IX ?
5. Qu'est-ce que Margot promet à La Mole ?
6. Pourquoi est-ce que Catherine de Médicis fait
appeler son fils, le due d'AIengon ?
7. De quoi est-ce que le livre traite et qu’est-ce qu’il
a de particulier ?
8. Q u ’est-ce que le due d 'A le n g o n v o it quand il
arrive chez Charles IX ?
9. Qu’est-ce qui arrive à Actéon, le chien de Charles IX ?
10. Qu’est-ce que René apprend à Charles IX ?

11. Pour sauver l'honneur, que va décider Catherine


de Médicis ?
12. Avant de quitter Paris pour aller rejoindre Henri
de Navarre, que fait Margot ?

Édition :Martine Ollivier


Maquette :Wok
Couverture : Michèle Rougé
Photos couverture et intérieur :La Reine Margot (1954),
réalisation Jean Dreville. © Les films Vendòme/M.F. Osso,
tous droits de reproduction réservés pour tous pays. (En
couverture, Jeanne Moreau et André Versini).
Page 3, portrait de Dumas par Nadar. Archives Nathan.
Recherche iconographique : Gaélle Mary
Coordination artistique : Catherine Tasseau

N° cle p r o je t : 10149392 - Janvier 2008


Im prim é en France par France Quercy - 46090 Mercuès
N° d'impression : 73169n

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