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Alkylation des énolates

Et dérivés apparentés
I_ Formation des énolates

A. Équilibres de formation
1) Différents dérivés énolisables
On forme des énolates, par action d'une base sur une cétone, un ester, un
cyanure ou un nitrate. Ces réactions sont équilibrées.
H
R' Base R' R'
R R R
O O O
H
O Base O O
R R' R R' R R'
O O O
H
Base C N
R C N R C N
R

H O O
Base
R NO2 R N R N

O O
2) Bases
Les différentes bases que l'on peut utiliser sont :
q Des amidures (pKA ≃ 30-35 )
 peu encombrés : KNH2, NaNH2
 encombrés (non nucléophiles) : LDA, LHMPS, LTMP

(CH3)3Si Li

N Li N Li N

(CH3)3Si
LDA LHMPS LTMP
O
Na
S
H2C CH3
q Des hydrures : NaH, KH
q Un dérivé du DMSO : le dimsylsodium Dimsylsodium
q Des alcoolates (pKA ≃ 15-20) : tertiobutanoate, méthanoate

3) Déplacement de l'équilibre B
La nature de la base utilisée et la forme du composé
pKA
H
énolisable influencent l'équilibre d'énolisation.
C R
L'acidité du proton dépend de l'effet attracteur de la fonction
en α. Plus cet hydrogène est acide, moins la base utilisée aura Effet inducteur
attractif
besoin d'être puissante.

Nitro Cétone Ester Cyanure Phényl Hydrogène Alkyle


Fonction
—NO2 —CO —COO —CN —Ph —H —CH3
pKA 10 14 16 16 20 22 25

Lorsqu'un composé possède deux groupements attracteurs, la réaction


fonctionne encore mieux. On dit que la composé est bis-activé. De même si
l'énolate est stabilisé par résonance, la réaction se fait aussi plus facilement.

De la même manière, plus la base utilisée est puissante, plus l'équilibre est
déplacé vers la formation de l'énolate (marche mieux avec un amidure).

B . Ré g i o s é l e c t i v i t é
Lorsque deux hydrogènes peuvent servir à former un énolate, la forme
privilégiée dépendra des conditions opératoires.
O O O

H H Base
+

Énolate thermodynamique Énolate cinétique


 plus encombré  moins encombré
plus stable, plus difficile à former plus facile à former

Dans des conditions cinétiques, on forme E


l'énolate le plus facile à former (Ea la plus faible).
C'est généralement l'énolate le moins encombré. On
utilise alors une base très forte et encombrée (ex :
LDA), à faible température et pendant un temps de
réaction court.
Dans des conditions thermodynamiques, on
forme l'énolate le plus stable (∆G le plus faible). C'est
généralement l'énolate le plus encombré. On utilise
alors une base faible (ex : hydrure, alcoolate), sous
chauffage et pendant un temps de réaction long.

l Cas des α-énones t


O O O

H Base
+

H Énolate cinétique Énolate thermodynamique


 H le plus acide  le plus stable
plus près de la cétone délocalisation plus grande

C. Stéréosélectivité
En les énolates peuvent acquérir deux conformations différentes : Z ou E.
O Base
O O
+

Z E
Lorsqu'un des deux groupements présente un fort encombrement (ex :
tertiobutyle), on
forme presque toujours la forme Z.
O Base
O

Moins
d'encombrement
stérique
Z
Dans un cycle, on ne peut former que la configuration E.
O O

Base

II_ Autres méthodes de formation d'énolates

A. Clivage d'éthers d'énols silylés


Si(CH3)3
O O
TMS
CH3 Li
Si(CH3)4 TetraMéthylSilane
+

O
N
F
Affinité très forte entre FSi(CH3)
le Fluor et le Silicium +
B. Clivage d'acétate d'énol
Très
nucléophile Li
CH3 Li
O O CH3 Li
Addition - + O Li
Ph Très Ph
électrophile Élimination O
O

C. Ré d u c t i o n d e s é n o n e s

Na0  Na+ + e- e-
O NH3 liq O O
Réaction
radicalaire Réaction
acide/base NH3 liq

III_ Alkylation des énolates

A . In fl u e n c e s u r l a v i te s s e
En fonction du solvant utilisé, la vitesse d'alkylation variera.

1) Solvant aprotique dipolaire


Ce type de solvant solvate fortement les cations et peu les anions. De plus il
dissocie fortement les ions. L'alcoolate se trouve alors fortement dissocié de son
cation et peu solvaté, il est très réactif.
O N
N H
N
S P O
O
N
DMSO DMF HMPT

2) Solvant protique polaire


Ce type de solvant solvate fortement les anions et les cations par des liaisons
hydrogènes et dissocie fortement les ions. L'alcoolate est fortement solvaté, il est
peu réactif.

3) Solvant aprotique apolaire


Ce type de solvant ne dissocie pas les paires d'ions. L'alcoolate est peu
dissocié de son cation, il est peu réactif.
O O
O O

DME THF Acétone

On peut cependant obtenir une réactivité comparable à un solvant dipolaire,


en ajoutant une molécule capable de piéger le cation.

O O
N N
O O
O O N N

Éther-couronne TMEDA

L'efficacité du piégeur de cation sur la vitesse en fonction de sa taille sera par


contre inverse à l'effet d'un solvant dipolaire :
_ Dans un solvant dipolaire, plus le cation est petit, plus l'alcoolate est
réactif car il est plus facilement dissocié
_ Dans un solvant apolaire avec un piégeur de cation, plus le cation est
gros, plus l'alcoolate est réactif.

B. C et O alkylation
L'énolate peut être alkylé sur deux sites différents.
R
O
O O
R—X
R ou

La différence de réactivité peut être expliquée par la théorie HSAB dans la


plupart des cas. La O alkylation est une réaction dure, tandis que la C alkylation est
une réaction molle.

1) Influence du solvant

Type de solvant Effet du solvant Réaction majoritaire


 énolate dur
Aprotique dipolaire Solvate et dissocie le cation
O alkylation
 énolate mou
Protique polaire Solvate l'anion
C alkylation
 énolate mou
Aprotique apolaire Ne dissocie pas les ions
C alkylation
2) Influence du groupe partant

Groupe partant Force du groupe partant Réaction majoritaire


 électrophile dur
—O—Ts Excellent groupe partant
O alkylation
—Cl  électrophile mou
Mauvais groupes partants
—Br C alkylation
 électrophile mou
—I Groupe partant moyen
C alkylation

3) Influence du contre-ion
Selon le solvant utilisé, le contre-ion aura une influence différente :
q Dans un solvant aprotique dipolaire, plus le cation est petit, plus il est
solvaté  O alkylation avec Li+ et C alkylation avec K+
q Dans un solvant aprotique apolaire, plus la cation est petit, plus il reste
lié à l'énolate  C alkylation avec Li+ et O alkylation avec K+

Ainsi de manière générale, pour favoriser une O alkylation, on emploiera un


solvant aprotique dipolaire sur un électrophile portant un bon groupe partant
(sulfonates), et pour favoriser une C alkylation, on utilisera un solvant aprotique
apolaire sur un électrophile portant un mauvais groupe partant (halogéné).

l Cas des réactions intramoléculaires


Pour que la réaction ait lieu, les orbitales considérées doivent être parallèles
entre elles. Ainsi lorsqu'une réaction intramoléculaire a lieu, on fait presque toujours
une C alkylation pour un cycle à 6 (bon recouvrement orbitalaire), et une O alkylation
pour un cycle à 5 (mauvais recouvrement).

IV_ Exemples d'alkylation des énolates

A. Alkylation des énolates bisactivés


Les atomes d'hydrogènes portés par le carbone entre les deux fonctions
électroattractrices sont beaucoup plus acides. Cette alkylation s'appelle une
alkylation indirecte.
On utilise toujours la même séquence :
O O O O O O

1) Base forte non 2) Électrophile avec


nucléophile groupe partant
H Formation de R
l'énolate Alkylation
Très acide
par SN2

Ex :

O O O O SN2 O O
NaNH2 CH3I
Base forte non Électrophile avec
nucléophile groupe partant

H Formation de CH3
l'énolate
Très acide
Cette méthode d'alkylation peut aussi être utilisée pour remplacer un
groupement halogéné par un groupement acide carboxylique avec l'ajout d'un
carbone.
O O
EtO
O O O
SN2 NaOH 2 eq H+/H2O
R X R R R H
Saponification
EtO O O Réaction O
O EtO acide/base
O HO

Na O
EtO
Décarboxylation ∆
Nucléophile et
électrophile

R
R Réarrangement OH + CO2
O Gaz stable
HO  tire la réaction
HO

B. Alkylation directe
Ce sont surtout des alkylations de cétones, en général plus efficaces.

1) Alkylation des cétones et des aldéhydes


Les aldéhydes étant très réactifs, la forme énolate peut parfois réagir avec
l'aldéhyde, c'est une autocondensation.
O Base forte O O
encombrée

LHMDS Ph—CH2—Br
Ph
- 78°C

Conditions
cinétiques

2) Alkylation des esters


Il faut utiliser une base forte, car avec un alcoolate, on peut obtenir une
autocondensation de Claisen.
CH3O CH3O CH3O

LDA CH3I
O O O
THF H3C

O O O
L'asymétrie d'un des carbones de départ impose une asymétrie au carbone
alkylé. C'est une induction asymétrique. Les deux faces ne sont alors plus
équivalentes. On peut former deux diastéréoisomères différents, on dit qu'elles sont
diastéréotopiques.
l Induction asymétrique et produits formés
Induction asymétrique Produits formés
(lk) le carbone S impose une
Like attaque par la face si (l) les produits sont deux
Ou le carbone R impose une diastéréoisomères (R,S ; S,R)
attaque par la face ré
(ul) le carbone S impose une
Unlike attaque par la face ré (u) les produits sont deux
Ou le carbone R impose une énantiomères (R,R ; S,S)
attaque par la face si

3) Alkylation des acides carboxyliques


Il faut utiliser deux équivalents de base, ainsi qu'une base très forte.
O O O O
LDA H+/H2O
CH3I
2 eq
OH O O OH

4) Alkylation asymétrique des dérivés d'acide


On l'appelle aussi la méthode de Evans.
H H
Li
H O
O O O O O O
R LDA R R'—X R
O N O N O N Face si
H
H R'
S S S
Induction asymétrique
Carbone S impose une attaque sur la face si
 induction like (lk)
H+/H2O
O
R
HO
H R'
5) Alkylation des nitriles
NC
NaNH2 N
Ph—CH2—CN Ph—CH—CN
Cl
THF Ph

Cl
6) Alkylation des dianions
Le plus
acide
O O O O O O O O Doublet moins
H résonant
H
KNH2 KNH2
H H

CH3I

O O
OH O
O O
H+/H2O

7) Déconjugaison de cétone α,β-éthylénique

O O OH
KNH2 H+/H2O
Conditions
thermodynamiques Réaction
Le plus acide Le plus résonant
 cinétique  thermodynamique acide/base Réarrangement

C. Alkylation des énolates par addition conjuguée


1) Addition de Mickaël
C'est l'addition d'un énolate sur une cétone conjuguée.

O O O O
+ R''
R R' R R'
R''
Ou arrachement d'un
proton par énolisation
d'un composé du milieu H+/H2O
O O

R R'
R''
Le rendement de ces réactions est souvent moyen. On l'utilise plutôt sur des
énolates bisactivés.

2) Sur des silanes


Il est possible d'appliquer la même réaction à des silanes, en utilisant du
fluorure. Les conditions sont alors beaucoup plus douces, et le rendement excellent.
Excellente affinité entre
O le Fluor et le Silicium
O O
F H+/H2O
O Si(CH3)3 O O

O
O O
3) Régiosélectivité
O O O
HO
O
Puis H+/H2O
+ O
O +
O

O
Conditions cinétiques 5% 88 %
- 78°C
Conditions thermodynamiques
25°C 83 % 7%

D. Alkylation des énamines


1) Formation des énamines
l Entre une amine et une cétone
H H H
H
O H O
O
H+
HN N N N + H2O
H
l Entre un dérivé silylé et un aldéhyde
C'est une méthode beaucoup plus douce.
H
H
N N
N Si(CH3)3
O
O
Si(CH3)3
On forme l'énamine la moins substituée. On utilise généralement la
morpholine, peu chère et encombrée.
O O O
O
N
N
+ N
H
N
Morpholine
H
2) Mécanisme
Les énamines se comportent comme des énols, mais elles sont plus
nucléophiles.
O O O O
H H
O
H
N N N NH
O OH
R—X R H+/H2O
H
R R

O
R
O
+
NH

E. Alkylation des imines


Un "énolate d'énamine" s'appelle une métalloimine.
H
+
H
B
O H2N R N R N R N R
+
Énamine Métalloimine
On peut se servir d'une métalloimine pour alkyler un aldéhyde.

O BrMg
+
H
+ NH2 N Et MgBr N
H
H Base forte

H H

Ph
Br

H
H2N HN N

H
Ph Ph Ph H
H H
O H O
O
H H H
O
+ H2N
Aldéhyde alkylé en α
Ph H
Autre exemple :
Iono-covalent

O Bu Li O R—X O + LiX
H Base forte
N N N R
H
Li Réduction
1) NaBH4 Donneur d'hydrure
2) H2O

OH H H
O
OH H O
O H+/H2O Électrophile
O N Hydrolyse
N R
NH2 R
H acide
+ R
H Na
H

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