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Prise en charge chirurgicale en urgence


des lésions caustiques du tractus digestif
supérieur
M. Chirica, N. Munoz-Bongrand, F. Fieux, B. Halimi, E. Sarfati, P. Cattan

Les brûlures caustiques du tractus digestif supérieur constituent une urgence médicochirurgicale fréquente
chez l’adulte. La survenue d’une nécrose digestive étendue chez 20 % des patients engage le pronostic
vital et fonctionnel. Une exérèse viscérale en urgence est nécessaire dans cette situation pour prévenir le
décès précoce par perforation digestive ou extension de la brûlure aux organes de voisinage. La fibro-
scopie œsogastrique confirme la réalité des lésions, donne une idée du pronostic et apporte une aide
dans l’orientation thérapeutique. La décision de réaliser une exploration chirurgicale, et particulièrement
une œsophagectomie, repose sur les données de la tomodensitométrie. Une œsogastrectomie totale est
l’intervention pratiquée le plus souvent en urgence. En l’absence de lésions de nécrose transpariétale, une
préservation gastrique et/ou œsophagienne doit être tentée, car une attitude conservatrice améliore le
pronostic et les options de reconstruction en cas de séquelles sténosantes. Bien qu’elles soient grevées d’un
pronostic plus sombre, les exérèses élargies sont licites, car elles permettent la survie de bon nombre de
patients et aucun facteur prédictif de décès précoce n’a clairement été identifié dans ces situations. Enfin,
lors de ces interventions de résections, tout doit être fait pour préserver les chances de reconstruction
ultérieure.
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Mots-clés : Ingestion de caustiques ; Fibroscopie œsogastrique ; Tomodensitométrie ; Œsogastrectomie totale ;


Résection étendue ; Patch pulmonaire ; Duodénopancréatectomie céphalique

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les brûlures caustiques du tractus digestif supérieur constituent
■ Épidémiologie 1 une urgence médicochirurgicale fréquente chez l’adulte. La

survenue d’une nécrose digestive étendue chez 20 % des patients
Histoire naturelle des lésions caustiques sévères 2
engage le pronostic vital et fonctionnel [1] . C’est dans cette
■ Bilan lésionnel 2 population que se discute une exérèse viscérale en urgence pour
Examen clinique 2 prévenir le décès précoce par perforation digestive ou extension
Imagerie standard 2 de la brûlure aux organes de voisinage [2] . Dans cette situation, le
Endoscopie digestive haute 2 délai écoulé entre l’ingestion et la résection est un facteur pro-
Tomodensitométrie thoracoabdominopelvienne 2 nostique majeur. Ce chapitre a pour but de clarifier l’indication
Fibroscopie trachéobronchique 2 d’exploration chirurgicale en urgence pour brûlures caustiques du
Examen oto-rhino-laryngologique 3 tractus digestif supérieur, maintenant fondée sur les résultats de
Algorithme décisionnel 3 la tomodensitométrie (TDM). Sont décrites les interventions sus-
■ Technique chirurgicale 3 ceptibles d’être réalisées en urgence, de l’œsogastrectomie
Installation du patient 3 totale aux exérèses viscérales étendues aux organes de
Voies d’abord 3 voisinage.
Exploration intra-abdominale 4
Indications de résection digestive 4
Jéjunostomie d’alimentation 4
Œsogastrectomie totale 5  Épidémiologie
Œsophagectomie avec préservation gastrique 7
Gastrectomie totale 8 En France, l’incidence des ingestions de substances caustiques
Chirurgie des lésions étendues 10 était estimée à 15 000 nouveaux cas par an en 1995 [3] . Aux États-
■ Conclusion 14 Unis, plus de 200 000 ingestions ont été déclarées en 2002 [4] .
Dans notre expérience, 20 % des patients sont porteurs de lésions

EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif 1


Volume 9 > n◦ 4 > novembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0424(14)62317-7
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de nécrose digestive qui font discuter une résection chirurgi- Endoscopie digestive haute
cale [5] . Dans cette population, qui comporte 55 % d’hommes, l’âge
moyen est de 44 ans et l’ingestion a lieu dans un but suicidaire La fibroscopie œsogastrique confirme la réalité des lésions,
dans 95 % des cas [6] . Il existe des antécédents psychiatriques chez donne une idée du pronostic et apporte une aide dans
65 % de ces patients. En Occident, c’est l’ingestion de base forte l’orientation thérapeutique [1, 7, 15, 16, 25, 26] . Elle doit être réalisée
(75 %) qui est le plus souvent en cause dans la survenue d’une quelle que soit la gravité supposée de l’ingestion, car la gravité des
nécrose digestive. L’acide chlorhydrique contenu dans les liquides lésions n’est corrélée ni à la sévérité des lésions oropharyngées,
de batteries est la principale substance en cause en Inde, à Taiwan ni à la symptomatologie. Cependant, en cas d’ingestion certai-
et en Afrique du Nord [7] . nement accidentelle d’une substance irritante et non corrosive
(eau de Javel diluée) chez un patient asymptomatique, on peut
y surseoir. L’endoscopie doit avoir lieu entre la troisième heure
(délai au-delà duquel les lésions sont maximales pour les acides
 Histoire naturelle des lésions et les bases fortes) et la sixième heure (pour ne pas retarder une
éventuelle prise en charge chirurgicale), suivant l’ingestion, en
caustiques sévères présence du chirurgien et du réanimateur. Un schéma détaillé de
l’examen est réalisé en précisant l’étendue et la nature des lésions
En cas de nécrose œsophagienne ou gastrique, la brûlure peut selon la classification de Zargar [27] .
donner lieu à une perforation digestive ou s’étendre par conti- En cas de nécrose œsophagienne diffuse (grade IIIb), on
guïté aux organes de voisinage dans le médiastin et l’abdomen. s’attache à analyser le péristaltisme de l’œsophage qui, s’il est pré-
Sont alors préférentiellement atteints le côlon et le mésocôlon sent, est en faveur de la persistance de la viabilité de la musculeuse
transverse, le pancréas, la rate, le lobe gauche du foie [2] . Des œsophagienne.
lésions duodénales et de l’intestin grêle surviennent lorsque, ini-
tialement, le siège d’une contraction réflexe, le pylore, a été
secondairement rendu béant par la brûlure [8] . L’atteinte tra-
chéobronchique par contiguïté à partir de l’œsophage évolue Tomodensitométrie
vers la perforation de la membraneuse trachéale ou bronchique thoraco-abdomino-pelvienne
(d’évolution toujours mortelle) ou vers la constitution de fistules
trachéo- ou broncho-œsophagiennes, de sténoses ou de broncho- En cas de nécrose œsogastrique, si l’endoscopie évalue avec pré-
malacies, dont le traitement est toujours difficile [9] . En l’absence cision l’étendue des lésions muqueuses, elle ne peut diagnostiquer
de perforation trachéale, les obstructions bronchiques distales avec fiabilité une nécrose transpariétale, qui justifie à elle seule une
secondaires au délitement de la nécrose muqueuse sont source exérèse viscérale en urgence. Jusqu’à récemment, faute d’outils
d’atélectasies et de surinfection, d’évolution souvent fatale [10] . permettant l’évaluation de l’extension transpariétale de la brûlure,
En l’absence de décès précoce, des complications à type de nombreux auteurs recommandaient une résection œsopha-
d’hémorragie [11] , de perforation bouchée, de fistule gastroco- gienne en urgence chez tous les patients porteurs d’un grade
lique [1] et de fistule aorto-œsophagienne [12] peuvent survenir endoscopique IIIb [7, 28–30] . Cette politique a probablement conduit
jusqu’au 21e jour. En dehors de ces complications, les phé- à réaliser des œsophagectomies inutiles (absence de nécrose trans-
nomènes inflammatoires régressent et une sclérose rétractile pariétale en anatomopathologie), aux conséquences péjoratives
pourvoyeuse de sténoses s’installe, demeurant évolutive envi- sur la survie et le résultat fonctionnel à distance [31] . La place de
ron six mois [13, 14] . Ainsi, les lésions de nécrose de l’œsophage la TDM avec injection de produit de contraste a été récemment
et de l’estomac sont susceptibles d’évoluer vers la sténose évaluée prospectivement dans la décision d’œsophagectomie en
dans 65 et 14 % des cas, respectivement [15, 16] . À distance, un urgence. Une étude préliminaire a montré une excellente cor-
reflux gastro-œsophagien par incompétence du sphincter infé- rélation entre trois critères tomodensitométriques (absence de
rieur de l’œsophage [17] et une diminution du péristaltisme de visualisation de la paroi œsophagienne et de la graisse péri-
l’œsophage [18] sont fréquents. Le risque de dégénérescence néo- œsophagienne au temps sans injection, et absence de prise de
plasique de l’œsophage cicatriciel est présent uniquement en cas contraste de la paroi œsophagienne après injection de produit de
d’œsophage en fonction et soumis à de multiples séances de dila- contraste, acquisition des images à 90 secondes de l’injection) et
tation endoscopique [19–22] . Ce risque n’existe pas chez les patients la présence d’une nécrose transpariétale de l’œsophage en anato-
porteurs d’une coloplastie et dont l’œsophage natif court-circuité mopathologie [32] .
est laissé en place [23] . Nous avons ensuite analysé de façon prospective les résul-
tats de l’intégration de la TDM dans l’algorithme thérapeutique
des patients porteurs d’une œsophagite de grade IIIb. Cet exa-
men permet sans risque un traitement conservateur initial chez
 Bilan lésionnel 67 % de ces patients et 55 % d’entre eux gardent finalement leur
œsophage natif en fonction. Ainsi, dans notre expérience, la
La prise en charge préhospitalière et intrahospitalière initiale tomodensitométrie est devenue l’examen décisionnel de référence
est codifiée et a été détaillée dans le traité « Gastro-entérologie » pour une exploration chirurgicale en urgence chez les patients
de l’EMC [24] . porteurs d’une œsophagite caustique de grade IIIb et, par exten-
sion, d’une gastrite de grade IIIb.

Examen clinique
Fibroscopie trachéobronchique
L’examen clinique recherche des signes de perforation digestive
(emphysème sous-cutané, irritation péritonéale) qui, lorsqu’ils Une fibroscopie trachéobronchique est réalisée en cas de lésions
sont présents, font poser l’indication d’exploration chirurgicale de nécrose (grades IIIa et IIIb) des deux tiers supérieurs de
d’emblée. l’œsophage ou s’il existe des signes fonctionnels respiratoires. Elle
est réalisée de préférence sur un patient intubé. Deux types de
lésions peuvent être vus :
Imagerie standard • les brûlures par inhalation sont diffuses, principalement locali-
sées circonférentiellement dans la trachée et la bronche souche
Une radiographie de thorax peut mettre en évidence un droite ;
pneumomédiastin ou un épanchement pleural hydroaérique, • les brûlures par diffusion médiastinale à partir de l’œsophage
témoin d’une perforation œsophagienne. Une radiographie de touchent la face postérieure de la trachée, de la carène et de la
l’abdomen, sans préparation réalisée en cas de suspicion de per- bronche souche gauche. La présence d’une brûlure par diffusion
foration gastrique, peut mettre en évidence un pneumopéritoine. modifie la stratégie opératoire [9] .

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Figure 1. Arbre décisionnel pour la prise en charge des


FOGD lésions caustiques œsogastriques. FOGD : fibroscopie œso-
gastro-duodénale ; TDM : tomodensitométrie.

Grade I-IIIa Grade IIIb

Absence de nécrose
Surveillance TDM

Évolution Nécrose de Nécrose


Aggravation
favorable l'œsophage de l'estomac

Nécrose
Traitement Résection Laparotomie
conservateur confirmée

Absence de nécrose

Examen oto-rhino-laryngologique
En cas de nécrose digestive, un examen oto-rhino-
laryngologique (ORL) est réalisé dans les 24 heures suivant
l’ingestion. La présence de lésions nécrotiques du carrefour 2
pharyngolaryngé, qui ont généralement conduit à une intu-
bation en urgence, indique la réalisation d’une trachéotomie
secondaire. Quarante-quatre pour cent des patients nécessitant
une reconstruction œsophagienne présentent des lésions ORL
qui nécessitent un geste ultérieur de reconstruction du pharynx,
associé une fois sur deux à une laryngectomie susglottique [6] .

Algorithme décisionnel
L’algorithme thérapeutique des lésions caustiques du tube
digestif (Fig. 1) indique que chez les patients porteurs d’une
œsophagite de grade IIIb, la décision d’œsophagectomie repose
uniquement sur la présence de critères tomodensitométriques de
nécrose transpariétale de l’œsophage. En cas de lésions gastriques
de grade IIIb et de suspicion de nécrose transpariétale gastrique
en TDM, une exploration chirurgicale est effectuée et la décision
de gastrectomie est finalement prise après analyse macroscopi-
que de l’estomac. Chez les patients non opérés en urgence, un 3
traitement conservateur fondé sur le jeûne et une surveillance en 1
milieu hospitalier sont entrepris. L’apparition secondaire d’une
défense abdominale, de troubles neuropsychiques, d’un état de
choc cardiocirculatoire, d’une acidose métabolique, d’une coa-
gulation intravasculaire disséminée (CIVD) ou d’une insuffisance
rénale conduisent à la réalisation d’un nouvel examen tomoden-
sitométrique, à la recherche d’une complication nécessitant une
réintervention [33] .

 Technique chirurgicale 4

Installation du patient
Le patient est installé pour un abord chirurgical combiné, abdo-
minal et cervical. Le bras gauche est positionné le long du corps
pour faciliter l’abord cervical gauche. La tête est orientée vers
la droite, en hyperextension grâce à un billot placé sous les
omoplates. La voie d’abord veineuse centrale doit être placée Figure 2. Œsophagectomie pour lésion caustique. Installation. Incision.
préférentiellement à droite afin de ne pas gêner une cervicoto- 1. Opérateur principal ; 2. anesthésiste 3. aide ; 4. instrumentiste.
mie gauche. Pour le temps abdominal, l’opérateur est à droite du
patient, l’aide et l’instrumentiste sont à gauche, avec une table
pont d’instrumentation aux pieds. Un second opérateur peut être Voies d’abord
simultanément présent à gauche, pour le temps cervical, avec
une table d’instrumentation, un bistouri électrique et un système Une laparotomie médiane est préférée à une incision sous-
d’aspiration dédiés (Fig. 2). costale, car elle permet une meilleure exposition de l’ensemble

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Figure 3. Jéjunostomie d’alimentation de type Fontan.


A, B. Deux bourses concentriques d’un diamètre de 1 cm et 1,5 cm, respectivement, sont confectionnées avec du fil résorbable Vicryl® 3/0. La sonde de
jéjunostomie Charrière 16F ou 18F est introduite dans l’intestin grêle sur une longueur de 45 à 50 cm par un orifice ponctiforme réalisé avec le bistouri
électrique.
C. La sonde de jéjunostomie est extériorisée à travers du muscle grand droit gauche et fixée à la peau en colimaçon par plusieurs fils non résorbables.

de la cavité péritonéale et elle sert de voie d’abord pour une colo- Il n’y a pas de place dans cette situation pour une attitude
plastie reconstructrice ultérieure. Cette laparotomie, initialement initialement conservatrice avec programmation d’une chirurgie
sus-ombilicale, peut être prolongée en sous-ombilical selon les de second regard, car de telles lésions de nécrose progressent
besoins de l’exposition. Selon nous, la cœlioscopie n’est pas adap- constamment vers la perforation digestive. Une thrombose des
tée dans cette indication, dans laquelle l’exploration manuelle et vaisseaux du mésocôlon transverse ou une nécrose du côlon trans-
la rapidité de l’intervention sont importantes. L’abord cervical par verse, favorisée par leurs rapports anatomiques avec l’estomac,
cervicotomie pré-sterno-cléido-mastoïdienne gauche n’est réalisé doivent conduire à la réalisation d’une colectomie segmentaire.
que lorsque la décision d’œsophagectomie est prise. Une nécrose transpariétale du duodénum au-delà de D1 nécessite
la réalisation d’une duodénopancréatectomie céphalique. Une
nécrose du lobe gauche du foie est ignorée, car la nécrose hépa-
Exploration intra-abdominale tique est le plus souvent superficielle, rendant son exérèse sans
intérêt. En revanche, une nécrose de la rate est traitée par splénec-
Après laparotomie, le premier temps consiste à réaliser une tomie. Actuellement, l’abstention à la résection est recommandée
exploration de l’ensemble de la cavité péritonéale afin de faire en cas de nécrose extensive de l’intestin grêle, dont la résection
le bilan de la brûlure et de rechercher une anomalie annexe pou- aboutit à un grêle court (< 1 m), en raison des faibles chances de
vant modifier l’attitude thérapeutique. Une exploration complète survie et d’autonomie nutritionnelle ultérieure du patient dans
nécessite un temps de dissection, pour analyser notamment la via- cette situation. En l’absence d’indication de résection au terme
bilité de la face postérieure de la grosse tubérosité gastrique, après de cette exploration, on profite de cette laparotomie pour réaliser
ouverture de l’arrière cavité des épiploons par division du liga- une jéjunostomie d’alimentation.
ment gastrocolique. C’est à cet endroit, déclive lors du décubitus,
que les lésions gastriques sont maximales. De la même manière,
une manœuvre de Kocher est réalisée pour analyser l’ensemble du Jéjunostomie d’alimentation
cadre duodénal.
Les jéjunostomies à la Witzel sont évitées dans cette indica-
tion. En effet, un trajet en chicane dans la paroi intestinale peut
Indications de résection digestive rendre difficile, voire impossible, un repositionnement de la sonde
en cas de chute (assez fréquente en raison du contexte psycholo-
À nouveau, la décision d’œsophagectomie repose uniquement gique). La jéjunostomie est réalisée de façon directe sur le sommet
sur les données de la TDM préopératoire. L’exploration chirur- de la première ou deuxième anse jéjunale (Fig. 3). Deux bourses
gicale de l’œsophage n’est en effet pas recommandée, car elle concentriques d’un diamètre de 1 cm et 1,5 cm respectivement
nécessiterait la réalisation d’une thoracotomie et sa dissection ris- sont confectionnées avec du fil résorbable Vicryl® 3/0. Un orifice
querait de compromettre sa vascularisation. À l’inverse, c’est au ponctiforme est réalisé dans la paroi intestinale avec le bistouri
moment de l’exploration chirurgicale que la décision de résection électrique et une sonde de jéjunostomie Charrière 16F ou 18F est
d’organes intra-abdominaux est finalement prise. Tout segment descendue dans l’anse efférente sur une longueur de 45 à 50 cm.
digestif qui fait l’objet d’une nécrose transpariétale doit être résé- Les deux bourses sont serrées en enfouissant la sonde, qui est fixée
qué. Ces lésions se présentent sous la forme d’une plage noirâtre à l’intestin par le fil de la bourse externe. La sonde de jéjunosto-
bien circonscrite. La paroi digestive y est amincie, fantomatique. mie est sortie à travers du muscle grand droit gauche à environ

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4 cm de la ligne médiane, elle est fixée à la peau en colimaçon par incision est poussée vers la droite à proximité de la veine sus-
plusieurs fils non résorbables de Mersuture® 0 afin d’éviter toute hépatique gauche en prenant soin de ne pas la léser, ni de léser un
traction directe sur la partie intraluminale de la sonde. L’anse est vaisseau diaphragmatique. Le lobe gauche peut ainsi être récliné
fixée à la paroi abdominale antérieure par quatre points cardinaux vers le haut et la droite, sous une valve malléable. La région hiatale
de Vicryl® 4/0. En cas de chute, la sonde doit être repositionnée est exposée par la main gauche de l’opérateur, qui attire l’estomac
par un des membres de l’équipe soignante (pas forcément le méde- en bas et en arrière. On libère ensuite le bord antérieur du pilier
cin) dans un intervalle inférieur à quatre heures. Après ce délai, droit du diaphragme. L’espace entre ce pilier et le bord droit de
l’orifice cutané se referme spontanément et le repositionnement l’œsophage abdominal est ouvert de haut en bas. La membrane
nécessite une nouvelle laparotomie. La sonde de jéjunostomie est phréno-œsophagienne est ouverte en avant de l’œsophage abdo-
laissée en déclive et la remise en charge est débutée à partir du cin- minal, jusqu’à prendre contact avec le pilier diaphragmatique
quième jour postopératoire si les suites opératoires sont simples. gauche. La dissection médiastinale postérieure de l’œsophage est
Elle est retirée en consultation si le patient garde un poids stable initiée au doigt (Fig. 8).
avec un apport alimentaire per os supérieur à 1500 kcal.
Cervicotomie
Œsogastrectomie totale La cervicotomie pré-sterno-cléido-mastoïdienne gauche des-
cend jusqu’au bord supérieur du manubrium sternal. En revanche,
Dans notre expérience, l’œsogastrectomie totale est une incision remontant jusqu’à l’angle de la mandibule ne donne
l’intervention la plus souvent réalisée (84 % des résections) pas de jour supplémentaire. Après section du muscle peaucier,
en cas de nécrose digestive caustique [31] . Dans cette situation le bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien est dissé-
et en l’absence de nécrose trachéobronchique de contiguïté, qué, puis les muscles omohyoïdien et sous-hyoïdiens gauches
l’œsophagectomie est effectuée par stripping par une double voie sont sectionnés. Une veine thyroïdienne moyenne et l’artère thy-
d’abord, cervicale et abdominale. roïdienne inférieure sont liées et sectionnées. Le nerf récurrent
gauche est repéré dans le dièdre œsotrachéal gauche, et suivi vers
Gastrectomie le médiastin. L’œsophage cervical est exposé en utilisant le doigt
Le ligament rond est sectionné entre deux ligatures et le liga- de l’aide pour éviter de léser le nerf récurent (Fig. 9).
ment falciforme est incisé pour permettre la mise en place d’une Le contact est pris avec la face antérieure du rachis cervical, ce
valve sous-costale. Afin de faciliter l’exposition, l’estomac est vidé qui permet de disséquer la face postérieure de l’œsophage cervi-
de son contenu par une gastrotomie antérieure, en prenant soin cal au doigt puis au tampon monté et d’entrer facilement dans
de ne pas provoquer d’extravasation intrapéritonéale du produit le médiastin postérieur. En avant, l’œsophage est délicatement
caustique. La gastrolyse est menée au ras de l’organe, soit par liga- séparé de la membraneuse trachéale. Cette dissection prudente est
tures successives (Fig. 4), soit au bistouri à ultrasons (Ultracision® , poursuivie vers le bas, au doigt et aux ciseaux, avec électrocoagula-
Ligasure® ). Elle débute par la libération de la grande courbure tion de petits vaisseaux péri-œsophagiens. Le tour de l’œsophage
gastrique. Le corps de l’estomac est saisi à l’aide d’une pince de est réalisé au moyen d’un grand dissecteur en avant et de l’index
Babcock et tracté vers le haut. Le côlon transverse est laissé à de l’opérateur en arrière. Il est impératif de rester au contact de
la partie inférieure du champ opératoire et l’épiploon est légè- l’œsophage pour éviter une blessure du nerf récurrent droit qui
rement soulevé afin de tendre les vaisseaux l’unissant à l’estomac. n’est pas visualisé lors de cette manœuvre.
La section du ligament gastrocolique peut emmener ou préserver
l’arcade gastroépiploïque en prenant soin d’éviter une lésion du Œsophagectomie
côlon transverse et de son arcade bordante. La grande courbure Une ouverture de la face antérieure de l’œsophage cervical
est ainsi dévascularisée de proche en proche. Cette dissection est est réalisée le plus bas possible. Une sonde gastrique est des-
poursuivie par la section des vaisseaux gastriques courts jusqu’au cendue prudemment par cet orifice jusqu’à l’estomac où son
ligament gastrophrénique qui est sectionné, libérant ainsi le bord extrémité est récupérée par une gastrotomie antérieure. La tranche
gauche de l’œsophage. L’arrière cavité des épiploons est ensuite de section distale de l’œsophage cervical est fixée solidement à
libérée par section d’adhérences postérieures unissant l’estomac cette sonde par plusieurs points transfixiants de fil résorbable
au pancréas et d’un éventuel pédicule gastrique postérieur nais- ou non (Vicryl® 1 ou Mersuture® 1) (Fig. 5). Une fois la sonde
sant des vaisseaux spléniques. La dissection de la grande courbure fixée, la section de l’œsophage est complétée par la section de son
gastrique est ensuite poursuivie vers la droite jusqu’au pylore. Le hémi-circonférence postérieure. L’extrémité cervicale de la sonde
pédicule vasculaire gastroépiploïque droit est ensuite sectionné gastrique est fixée par des points transfixiants à un drain siliconé
au ras du bord inférieur du bulbe duodénal. L’estomac est bas- no 30, destiné à être positionné dans le médiastin postérieur, à la
culé vers le bas pour exposer le petit épiploon. La pars flaccida suite du stripping.
est divisée de haut en bas jusqu’au pylore. Il est alors possible de Le stripping œsophagien débute alors par la traction progres-
passer la main gauche en arrière du pylore pour l’exposer. Cette sive sur l’extrémité abdominale de la sonde gastrique, ce qui a
préhension assure à la fois la présentation du pylore qui permet pour conséquence d’invaginer l’œsophage sur lui-même (Fig. 10).
de disséquer et de lier l’artère gastrique droite (artère pylorique) au Il arrive que des adhérences vasculaires retiennent l’œsophage
contact du pylore et la protection, en arrière, de l’artère hépatique au médiastin postérieur en fin de stripping. Il est alors préfé-
commune. Il est à ce moment possible de terminer la dissection rable de les contrôler par une mise en place de clips ou par
du duodénum mobile en liant ou coagulant un ou deux petits coagulation ultrasonique ou bipolaire, pour éviter un saignement
vaisseaux supraduodénaux. La section duodénale est réalisée 1 à difficilement contrôlable. Une hémorragie de faible abondance
2 cm en aval du pylore à l’aide d’une pince à autosuture (GIA® 60) peut être tarie par tamponnement médiastinal postérieur par
(Fig. 5). L’hémostase de cette ligne d’agrafes est assurée par un sur- une mèche à prostate. Cependant, la nécrose péri-œsophagienne
jet de Vicryl® 3/0. L’estomac est basculé vers le haut afin d’exposer rend en général le stripping peu hémorragique. Enfin, l’examen
sa face postérieure. Cette manœuvre permet de réaliser la ligature de la pièce opératoire doit vérifier que l’œsophagectomie a été
des vaisseaux coronaires stomachiques à proximité de l’estomac. complète.
L’artère et la veine coronaire sont sectionnées après ligature sélec-
tive avec Vicryl® 0. Il est prudent d’assurer ces ligatures par un
point serti de Vicryl® 0 (Fig. 6).
Gestes à proscrire
Après ouverture complète vers le haut du petit épiploon, la Lors de la résection digestive en urgence, certains gestes sont à
région hiatale et l’œsophage abdominal sont abordés. L’abord de proscrire. Il est formellement contre-indiqué de réaliser une colo-
la région hiatale est facilité par la mobilisation préalable du lobe plastie reconstructrice dans le même temps opératoire. D’une part,
hépatique gauche. Pour cela, un champ est placé en avant du hia- le caractère évolutif de la sclérose rétractile en amont de la section
tus, en arrière du lobe gauche. Le ligament triangulaire gauche est œsophagienne, notamment au niveau de l’hypopharynx, risque
ensuite incisé au bistouri électrique sur ce champ, sous contrôle de de faire porter l’anastomose cervicale en aval d’une zone vouée à
la vue, et sans risque de lésion de la région hiatale (Fig. 7). Cette la sténose ; d’autre part, parce que l’instabilité hémodynamique

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Figure 4. La gastrolyse est menée au ras de l’organe afin d’éviter les lésions de l’arcade vasculaire bordante du côlon. La section du ligament gastrocolique
peut emmener ou préserver l’arcade gastroépiploïque (A à D).

qui entoure la résection en urgence risque de compromettre la futur transplant colique. Enfin, il ne faut pas réséquer en totalité
viabilité du transplant. Le préconditionnement ischémique du l’œsophage cervical, même s’il est nécrosé. Laisser en place cet
transplant colique, afin de rendre fonctionnelle une arcade vas- œsophage n’a jamais entraîné de complication dans notre expé-
culaire bordante déficitaire, est aussi contre-indiqué. Alors que rience. Sa résection complique le drainage salivaire et le reliquat
cette technique diminuerait la morbi-mortalité des gastroplas- œsophagien sert de guide lors du temps cervical de la reconstruc-
ties [34] , son bénéfice n’est pas démontré pour les coloplasties. Par tion.
ailleurs, toute tentative de dissection et/ou de ligature des vais-
seaux coliques augmente les difficultés de dissection et risque
de limiter les choix du pédicule vasculaire lors de la recons- Drainages
truction. Il ne faut pas réaliser de cholécystectomie de principe, L’œsophage cervical est extériorisé en œsophagostomie au
car elle entraîne des adhérences entre l’angle colique droit et le milieu de la cervicotomie, fixé à la peau par des points séparés
lit vésiculaire, source, là encore, de difficulté de dissection du de fil résorbable. Une lame de type Penrose est placée en arrière

6 EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif

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Prise en charge chirurgicale en urgence des lésions caustiques du tractus digestif supérieur  40-210

Figure 5. La section duodénale est réalisée à 1 à 2 cm en aval du pylore à l’aide d’une pince à autosuture (GIA® 60). L’hémostase de cette ligne d’agrafes
est assurée par un surjet de Vicryl® 3/0 (A, B).

Suites opératoires
Le drain médiastinal est retiré 48 heures après l’intervention et
si son débit est inférieur à 100 ml/j. Le module drain-lame est pro-
gressivement retiré à partir du troisième jour. La réalimentation
est débutée par la jéjunostomie après reprise du transit, par du
sérum glucosé à 5 ‰, puis par une solution de nutrition entérale.
Des lésions de nécrose peuvent continuer à évoluer en postopé-
ratoire. Une dégradation inexpliquée de l’état clinique du patient
doit conduire facilement à une nouvelle exploration chirurgicale.

Résultats
Sur les 173 œsogastrectomies réalisées en urgence, la mortalité
postopératoire a été de 7 % et la morbidité de 60 %. La complica-
tion la plus fréquente a été la pneumopathie (48 %), une reprise
chirurgicale a été nécessaire dans 10 % des cas. Au terme du suivi,
une reconstruction œsophagienne a été réalisée chez 141 patients
(82 %) et le taux de succès fonctionnel, défini comme le sevrage
de la jéjunostomie d’alimentation et de la trachéotomie, a été de
65 %.

Œsophagectomie avec préservation gastrique


L’existence d’une nécrose œsophagienne transpariétale isolée
justifie la réalisation d’une œsophagectomie avec préservation
gastrique. Cette situation se présente chez 10 % des patients chez
lesquels une résection est réalisée. L’intérêt de la préservation gas-
Figure 6. L’estomac est basculé vers le haut afin d’exposer sa face pos- trique est de préserver un transplant potentiellement utilisable
térieure. Cette manœuvre permet de réaliser la ligature des vaisseaux lors de la reconstruction œsophagienne ultérieure.
coronaires stomachiques à proximité de l’estomac.
Points techniques
L’œsophagectomie est réalisée dans les mêmes conditions que
de l’œsophagostomie et est extériorisée à l’extrémité inférieure de précédemment. La gastrotomie permettant de récupérer la sonde
l’incision cervicale. Le drain médiastinal postérieur est extériorisé œsophagienne est réalisée au niveau du cardia. La région cardiotu-
dans l’hypochondre droit et mis en aspiration douce à la valise. Un bérositaire est mobilisée a minima. Cependant, il est nécessaire de
module drain-lame est positionné en arrière du hiatus de Winslow sectionner quelques vaisseaux gastriques courts pour explorer la
pour drainer le moignon duodénal et est extériorisé dans le flanc face postérieure de la grosse tubérosité gastrique et fermer le cardia
droit. Une jéjunostomie d’alimentation directe de type Fontan est par une application de TA30 agrafes vertes. Cette ligne d’agrafes
extériorisée en pararectal gauche. est doublée d’un surjet hémostatique de Vicryl® 3/0. (Fig. 11).

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Figure 7. L’abord de la région hiatale est facilité par la mobilisation préalable du lobe hépatique gauche (A, B). Pour cela, un champ est placé en avant
du hiatus, en arrière du lobe gauche. Le ligament triangulaire gauche est ensuite incisé au bistouri électrique sur ce champ, sous contrôle de la vue, et sans
risque de lésion de la région hiatale.

Suites opératoires
La gastrostomie est clampée au 15e jour et laissée en place
jusqu’à la reconstruction œsophagienne. Elle peut éventuel-
lement être utilisée pour la nutrition entérale, en cas de
dysfonctionnement de la jéjunostomie.

Résultats
Sur les 31 œsophagectomies avec préservation gastrique, la
mortalité opératoire a été de 6 % et la morbidité de 55 %. La
complication la plus fréquente a été la pneumopathie postopé-
ratoire (48 %). Une reprise chirurgicale a été nécessaire dans 6 %
de cas. Au terme du suivi, une reconstruction œsophagienne a été
réalisée chez 23 patients (74 %) et le taux de succès fonctionnel a
été de 71 %. L’estomac a été utilisé pour cette reconstruction chez
deux patients (9 %).

Gastrectomie totale
La présence d’une nécrose gastrique transpariétale isolée peut
conduire à la réalisation d’une gastrectomie totale avec ana-
stomose œsojéjunale immédiate. Une telle intervention a été
effectuée chez 4 % des patients chez lesquels une résection a été
réalisée. Le risque de sténose ultérieure de l’œsophage en cas
d’œsophagite caustique ne justifie pas, à elle seule, d’y associer une
œsophagectomie, car ces sténoses œsophagiennes peuvent être
efficacement traitées par dilatation endoscopique. Afin de limiter
le taux de fistules de l’anastomose œsojéjunale, il est cependant
souhaitable qu’il n’existe pas d’instabilité hémodynamique ni de
Figure 8. Œsophagectomie par stripping. Laparotomie. Dissection doute sur la viabilité de l’œsophage abdominal sur lequel va porter
médiastinale inférieure au doigt. l’anastomose.

Points techniques
Drainages L’installation est la même que pour une œsogastrectomie totale,
car la décision de préservation œsophagienne est finalement
Un drain médiastinal postérieur aspiratif est extériorisé en prise en peropératoire. La technique de la gastrectomie totale est
sous-costal droit. Une gastrostomie de décharge directe de type la même que celle décrite précédemment. Après libération de
Fontan (Fig. 12) est systématiquement réalisée sur la face anté- l’œsophage abdominal, celui-ci est sectionné. En cas de doute
rieure du fundus, côté petite courbure, en raison des troubles de sur la viabilité de la paroi œsophagienne (paroi amincie ou
la vidange gastrique inhérents à la vagotomie qui accompagne atone, absence de saignement artériel), une œsophagectomie par
l’œsophagectomie. Une jéjunostomie d’alimentation est confec- stripping est réalisée. Dans le cas contraire, une anastomose œso-
tionnée en fin d’intervention, ce qui permet la reprise d’une jéjunale est réalisée sur anse en Y dans le même temps opératoire.
alimentation entérale plus précoce et moins à risque que par une Elle est passée systématiquement en prémésocolique, afin d’éviter
gastrostomie réalisée dans ces conditions. de blesser l’arcade bordante du côlon qui est utilisée pour la

8 EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif

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Prise en charge chirurgicale en urgence des lésions caustiques du tractus digestif supérieur  40-210

Figure 9. Œsophagectomie par stripping.


A. Cervicotomie pré-sterno-cléido-mastoïdienne gauche. Exposition de l’œsophage cervical par réclinement du lobe thyroïdien gauche.
B. Une sonde de Salem est descendue dans l’œsophage jusque dans l’abdomen. Elle est fixée à l’œsophage.

Figure 10.
A. Le stripping œsophagien débute alors par la
traction progressive sur l’extrémité abdominale
de la sonde gastrique, ce qui a pour conséquence
d’invaginer l’œsophage sur lui-même.
B. Aspect en fin d’intervention.

reconstruction œsophagienne, en cas d’apparition d’une sténose entre 2 à 3 cm de la ligne d’agrafes. L’anastomose est ensuite réa-
non dilatable. Le choix de l’anse est important : il faut qu’elle lisée par trois hémisurjets Vicryl® 3/0. Un point d’angle gauche
soit suffisamment longue, mobile et bien vascularisée. Habituel- est noué à l’extérieur et est repassé à l’intérieur en chargeant la
lement, la première ou la deuxième anse jéjunale est utilisée. paroi œsophagienne. Le surjet est continué jusqu’au niveau de
Les arcades vasculaires du grêle sont identifiées après transillumi- l’angle droit de l’anastomose en prenant des points totaux d’une
nation et la première arcade peut être sectionnée pour obtenir épaisseur d’environ 5 mm sur l’intestin grêle et en prenant soin de
une anse libre longue (Fig. 13). La section intestinale est réa- charger la muqueuse sur une épaisseur de 5 mm côté œsophage.
lisée perpendiculaire au grêle, avec une pince à autosuture. Le Le surjet est arrêté à l’angle droit en extraluminal à l’aide d’un
segment distal du grêle peut alors être monté en précolique et point de Vicryl® 3/0, ce fil est utilisé pour faire quelques points
placé à proximité du moignon œsophagien. Dans cette indi- en revers sur le plan antérieur. La fermeture du plan antérieur est
cation, l’anastomose œsojéjunale est réalisée de préférence par réalisée de la même façon par un troisième hémisurjet débuté au
suture manuelle terminolatérale. La ligne d’agrafes du grêle est niveau de l’angle gauche et qui est arrêté par l’hémisurjet en revers
renforcée par un surjet hémostatique de Vicryl® 3/0. Une ouver- (Fig. 14).
ture d’environ 2 cm est réalisée au bistouri électrique sur le bord L’anastomose du pied de l’anse peut être réalisée de façon laté-
antimésentérique de l’anse montée. Cette ouverture doit s’arrêter rolatérale ou terminolatérale par trois hémisurjets de Vicryl® 3/0.

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Drainages nasojéjunale. En raison du risque élevé de fistule anastomotique


et de sténose secondaire de l’œsophage, a fortiori en présence
Un module drain-lame passé derrière le hiatus de Winslow
d’une œsophagite ulcérée qui indique une période de jeûne, une
draine l’anastomose par la droite et est extériorisé dans le flanc
jéjunostomie d’alimentation est confectionnée, 20 cm en aval de
droit. Un drain sous-phrénique gauche aspiratif est extériorisé
l’anastomose au pied de l’anse.
dans le flanc gauche. On ne positionne pas de sonde d’aspiration
Suites opératoires
Un transit aux hydrosolubles est réalisé au cinquième jour et
les drains sont mobilisés progressivement en l’absence de fistule
anastomotique. En cas d’œsophagite sévère (> grade IIb), une ali-
mentation entérale est initiée par la jéjunostomie d’alimentation
dès la reprise du transit et un contrôle endoscopique est réalisé à
j21 afin de s’assurer de la cicatrisation de l’œsophagite, qui auto-
rise alors la reprise d’une alimentation orale. En l’absence d’une
telle œsophagite, la reprise de l’alimentation orale a lieu après
le transit, s’il est normal. Parallèlement, la sonde de jéjunostomie
peut être utilisée pour une alimentation entérale complémentaire,
jusqu’à la reprise d’une alimentation orale normale. Elle est retirée
au deuxième mois en l’absence de sténose œsophagienne.

Résultats
Sur les 12 gastrectomies totales pour lésion caustique, la mor-
talité opératoire a été de 17 % et la morbidité de 67 %. La
complication la plus fréquente a été la pneumopathie postopéra-
toire (50 %). Une reprise chirurgicale a été nécessaire chez quatre
patients (33 %) dont un seul (8 %) pour drainage d’une fistule de
l’anastomose œsojéjunale. Au terme du suivi, une reconstruction
œsophagienne pour sténose caustique a finalement été nécessaire
chez deux patients (16 %).

Chirurgie des lésions étendues


Chez les 52 patients qui ont eu des résections digestives
étendues pour lésion caustique, les résections du bloc duodéno-
pancréatique (n = 18), de l’intestin grêle (n = 16), du côlon (n = 7),
de la rate (n = 16) et de la queue du pancréas (n = 3) ont toujours été
associées à une œsogastrectomie totale [31] . La nécessité de réaliser
des résections étendues alourdit considérablement le pronostic. La
mortalité et la morbidité globales ont été de 37 et 92 %, respective-
Figure 11. Œsophagectomie par stripping avec préservation gastrique. ment ; 71 % des patients ont eu une pneumopathie postopératoire
Si l’estomac peut être conservé, il est fermé sous le cardia par application et le taux de réinterventions a été de 48 %. Une reconstruction
d’une rangée d’agrafes. Une traction progressive est exercée sur la sonde digestive a été réalisée chez 28 patients (54 %) avec un taux de
de Salem, invaginant l’œsophage sur lui-même. succès fonctionnel de 57 %.

Figure 12. Gastrostomie de type Fontan.


A. La zone d’introduction de la sonde est proche de la petite courbure gastrique. Avant ouverture au bistouri électrique, deux bourses de fil résorbable 3/0
est réalisée.
B. Une sonde de Pezzer-Charrière16–18 est introduite et la bourse a été serrée autour de la sonde.

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Figure 12. (suite) Gastrostomie de type Fontan.


C. La première bourse serre la base de la sonde, la deuxième bourse enfouit la première bourse.
D. L’estomac est alors fixé à la paroi abdominale par quatre points péristomiaux.
E. Montage final, gastrostomie fixée en deux endroits à la peau.

discutable en cas de perforation gastrique ou de nécrose trachéo-


bronchique car, dans l’expérience des auteurs, la mortalité est de
100 % dans ces situations [35] .

Points techniques
La technique de DPC fait l’objet d’un chapitre spécifique dans
le traité « Gastro-entérologie » de l’EMC. Les points spécifiques de
1 l’intervention liés à l’étiologie caustique sont décrits ici.
Lors de la dissection de la face antérieure de la veine mésenté-
rique au bord inférieur du pancréas, il faut éviter de lier une veine
2 colique moyenne, qui peut servir de voie de drainage veineux au
futur transplant colique. Contrairement aux principes de la lapa-
rotomie écourtée, qui pourrait trouver une indication dans cette
situation d’urgence, nous avons montré qu’il était préférable de
gérer le drainage pancréatique par la confection d’une anastomose
3
pancréaticojéjunale. L’anse grêle proximale est montée en préco-
lique pour confectionner cette anastomose. Le taux de fistules de
cette anastomose est, dans cette indication, de 25 %, semblable à
celui observé après DPC pour d’autres pathologies [36, 37] . La réalisa-
tion d’un drainage à la Volker ou la mise en place d’un drain perdu
transanastomostique pourrait réduire ce risque de fistule, bien que
cela n’ait pas été le cas dans notre expérience [35] . En cas de forte
instabilité hémodynamique, un drainage pancréatique externe est
Figure 13. Choix de l’anse en « Y ». Les arcades vasculaires du grêle réalisé en intubant le canal de Wirsung par un drain d’Escat fixé
sont identifiées après transillumination et la première arcade peut être au pancréas par une bourse de Prolène® 2/0. L’exclusion pancréa-
sectionnée en cas de manque de longueur de l’anse montée. 1 à 3. Ordre tique par encollage et agrafage du canal de Wirsung est à proscrire,
de section des arcades en fonction de la longueur de l’anse. Plus on veut car il est à risque de pancréatite nécrosante, de faux kystes du
une anse longue plus le chiffre est grand. pancréas et de fistules pancréatiques externes qui engagent le
pronostic vital et compliquent une reconstruction œsophagienne
ultérieure [35] . Il est aussi préférable de réaliser, dans le même
temps opératoire, une anastomose hépaticojéjunale. Le taux de
Duodénopancréatectomie céphalique sténose de cette anastomose, réalisée dans ces conditions sur un
La réalisation d’une duodénopancréatectomie céphalique canal hépatique fin, est nul dans notre expérience [35] . En cas
(DPC) est nécessaire en cas de nécrose transpariétale étendue au- d’instabilité hémodynamique, un drainage biliaire externe est
delà du premier duodénum [8, 35] . réalisé par le positionnement d’un drain d’Escat-Charrière 8 ou
Dans cette situation, la duodénectomie isolée avec préserva- 10 monté dans le canal hépatique sur 3 à 4 cm. La voie biliaire
tion de la papille n’est pas recommandée, compte tenu du risque est fermée de façon étanche autour du drain par une bourse de
d’avoir à effectuer une anastomose sur une papille nécrotique Prolène® 2/0. Enfin, la jéjunostomie d’alimentation est position-
ou ischémique [8] . La duodénopancréatectomie est cependant née 30 à 40 cm en aval de l’anastomose hépaticojéjunale (Fig. 15).

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Figure 14. Anastomose œsojéjunale terminolatérale.


A. L’anse est passée en précolique afin d’éviter une lésion de l’arcade colique.
B à D. L’anastomose œsojéjunale est réalisée par suture manuelle terminolatérale. Une ouverture d’environ 2 cm est réalisée sur le bord antimésentérique de
l’anse montée. L’anastomose est ensuite réalisée par des hémisurjets de Vicryl® 3/0.

Drainages truction biliopancréatique. Cette opération peut être réalisée de


Que les anastomoses pancréaticojéjunale et hépaticojéjunale manière anticipée à partir du troisième mois postopératoire ou au
aient été ou non réalisées, il convient de drainer séparément les moment de la reconstruction œsophagienne. La réalimentation
canaux pancréatique et biliaire par deux modules de drainage est débutée par la jéjunostomie après reprise du transit.
extériorisés séparément dans le flanc droit. Résultats
Suites opératoires Sur les 18 DPC pour lésions caustiques, la mortalité et la mor-
Un traitement antisécrétoire par sandostatine, initié en per- bidité ont été de 39 et 94 %, respectivement. Des complications
opératoire, est prescrit systématiquement. Les drains abdominaux spécifiques liées à la résection pancréatique et biliaire sont sur-
sont progressivement mobilisés à partir du septième jour en venues chez 72 et 33 %, respectivement. Au terme du suivi,
absence de fistule anastomotique biliaire et/ou pancréatique. En neuf patients ont eu une reconstruction œsophagienne et le
cas de drainage externe des canaux biliaires et pancréatiques, taux d’autonomie nutritionnelle en intention de traiter a été de
les drains sont laissés en place jusqu’à l’intervention de recons- 17 % [35] .

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3 2

4 3

4
1 1

2
5 5

A B
Figure 15. Duodénopancréatectomie céphalique pour lésion caustique.
A. Les anastomoses hépaticojéjunale et pancréaticojéjunale sont réalisées dans le même temps opératoire, si le patient est stable sur le plan hémodyna-
mique.1. Drainage sous-hépatique ; 2. drainage de l’anastomose pancréaticojéjunale ; 3. œsophagostomie ; 4. drainage médiastinal postérieur ; 5. jéjunostomie
d’alimentation.
B. En cas d’instabilité hémodynamique, un drainage externe de la voie biliaire et du canal de Wirsung par des drains d’Escat est réalisé en
fin d’intervention. 1. Drainage biliaire externe ; 2. œsophagostomie ; 3. drainage médiastinal postérieur ; 4. drainage externe du canal pancréatique ;
5. jéjunostomie d’alimentation.

Résection colique segmentaire une thoracotomie postérolatérale droite dans le cinquième espace
intercostal préservant le muscle grand dentelé. L’œsophage est
Elle porte le plus fréquemment sur le côlon transverse. Elle est
abordé après ouverture de la plèvre médiastinale et section de
indiquée en cas de thrombose des vaisseaux du mésocôlon trans-
la crosse de la veine azygos entre deux ligatures de Vicryl® 0. Sa
verse ou plus rarement de nécrose transpariétale par contiguïté
face antérieure est précautionneusement clivée de la face posté-
de la paroi du côlon transverse [2] . Les sections coliques, menées à
rieure de l’arbre trachéobronchique, ce qui met à nu la zone de
la pince à autosuture de type GIA® , doivent passer en zone saine.
nécrose trachéobronchique. L’œsophagectomie menée au ras de
L’intervention se termine par l’extériorisation des deux sections
l’organe se termine par une double section de l’œsophage à la
coliques en colostomie en canon de fusil. La réalisation d’une ana-
pince à autosuture, à l’apex et à la base du thorax (Fig. 16). La par-
stomose dans ce contexte n’est pas recommandée pour ne pas
tie supérieure du lobe pulmonaire inférieur droit (lobe de Nelson)
compliquer la gestion des suites opératoires. Si elle n’alourdit pas
est ensuite utilisée pour réaliser un patch pulmonaire cousu au
notablement l’intervention de résection, cette colectomie risque
pourtour de la zone de nécrose trachéobronchique par des points
de compromettre les chances de reconstruction ultérieure.
séparés de fil non résorbable 3/0 (Fig. 17). Il peut être préféré un
patch pleural [38] ou un patch musculaire [39] , fiables dans d’autres
Patch pulmonaire pour lésions indications, mais dont l’usage n’a pas été rapporté dans le cadre
trachéobronchiques des œsophagites caustiques. Un drain médiastinal postérieur et un
drain thoracique apical sont mis en place et en aspiration douce
En présence de lésions de nécrose trachéobronchique par conti-
(–30 cm H2 O).
guïté, l’œsophagectomie doit être menée par thoracotomie droite,
Après réinstallation du patient en décubitus dorsal, sont
pour prévenir le décès peropératoire par plaie de la membraneuse
réalisées une laparotomie pour gastrectomie éventuellement
trachéale ou postopératoire par perforation trachéobronchique.
élargie aux organes de voisinage et pose d’une jéjunostomie
Le temps thoracique constitue le premier temps opératoire, sauf
d’alimentation, et une cervicotomie gauche pour extériorisation
s’il est suspecté une nécrose extensive intra-abdominale, auquel
d’une œsophagostomie.
cas il est préférable de commencer par la laparotomie qui peut
conduire à une abstention thérapeutique. L’intubation doit être Résultats
sélective. Nous n’avons jamais observé de perforation trachéale Sur 18 patchs pulmonaires pour lésion caustique, la mortalité
due à la pose d’une sonde de Carlens dans cette situation. Un et la morbidité opératoires ont été de 44 et 94 %, respective-
billot est positionné sous les omoplates. Le bras droit est main- ment. La complication la plus fréquente a été la pneumopathie
tenu par un appui bras ou laissé tombant. La voie d’abord est postopératoire (89 %) favorisée par le délitement de la nécrose

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Figure 16. Lésions caustiques de l’arbre trachéobronchique.


A. L’œsophagectomie est réalisée par thoracotomie droite.
B. L’œsophagectomie menée au ras de l’organe se termine par une double section de l’œsophage à la pince à autosuture de type GIA® , à l’apex et à la base
du thorax.

“ Points essentiels
• L’ingestion des produits caustiques représente une
urgence médicochirurgicale.
• La fibroscopie œsogastroduodénale doit être réalisé
entre la troisième et la sixième heure suivant l’ingestion.
• Parmi les patients porteurs d’une œsophagite et/ou
d’une gastrite de grade IIIb endoscopique, l’examen tomo-
densitométrique permet de différencier ceux qui relèvent
d’un traitement conservateur de ceux qui relèvent d’un
Figure 17. La partie supérieure du lobe pulmonaire inférieur droit (lobe traitement chirurgical en urgence.
de Nelson) est ensuite utilisée pour réaliser un patch pulmonaire cousu au • En cas de nécrose transpariétale, une œsogastrectomie
pourtour de la zone de nécrose trachéobronchique par des points séparés totale est l’opération réalisée le plus souvent.
de fils non résorbable 3/0. • En cas de nécrose intra-abdominale étendue, il est licite
d’étendre la résection digestive aux organes de voisinage.
• En présence de lésions de nécrose trachéobronchique,
de la muqueuse trachéobronchique. Une résection étendue
(DPC : n = 3 ; colectomie transverse : n = 2 ; splénopancréatectomie l’œsophagectomie doit être menée par thoracotomie
gauche : n = 1) a été réalisée chez six de ces patients. La mortalité droite.
a alors été de 66 %. Au terme du suivi en intention de traiter, le • Une jéjunostomie d’alimentation doit être réalisée en fin
taux d’autonomie nutritionnelle était de 28 %. d’intervention chez tous les patients.
• Enfin, lors des interventions de résection, tout geste qui
peut compromettre une reconstruction ultérieure doit être
 Conclusion évité.

La généralisation de la prise en charge chirurgicale des lésions


caustiques sévères dans la plupart des centres médicochirurgi-
caux est nécessaire car, en cas de nécrose digestive transpariétale,  Références
la rapidité de l’exérèse viscérale conditionne le pronostic. En ce
sens, la tomodensitométrie, en apportant des critères objectifs de [1] Ramasamy K, Gumaste VV. Corrosive ingestion in adults. J Clin Gas-
nécrose transpariétale, facilite la décision d’intervention chirurgi- troenterol 2003;37:119–24.
cale. Bien qu’elles soient grevées d’un pronostic plus sombre, les [2] Cattan P, Munoz-Bongrand N, Berney T, Halimi B, Sarfati E, Cele-
exérèses élargies sont licites, car elles permettent la survie de bon rier M. Extensive abdominal surgery after caustic ingestion. Ann Surg
nombre de patients et aucun facteur prédictif de décès précoce 2000;231:519–23.
n’a clairement été identifié dans ces situations. Enfin, lors de ces [3] Gossot D, Cattan P, Fritsch S, Halimi B, Sarfati E, Celerier M. Can
interventions de résections, tout doit être fait pour préserver les the morbidity of esophagectomy be reduced by the thoracoscopic
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14 EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif

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Prise en charge chirurgicale en urgence des lésions caustiques du tractus digestif supérieur  40-210

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M. Chirica (mirceaxx@yahoo.com).
N. Munoz-Bongrand.
Service de chirurgie générale, digestive et endocrinienne, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France.
F. Fieux.
Service de réanimation chirurgicale, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France.
B. Halimi.
E. Sarfati.
P. Cattan.
Service de chirurgie générale, digestive et endocrinienne, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chirica M, Munoz-Bongrand N, Fieux F, Halimi B, Sarfati E, Cattan P. Prise en charge chirurgicale en
urgence des lésions caustiques du tractus digestif supérieur. EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif 2014;9(4):1-15 [Article 40-210].

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Iconosup 18
Classification endoscopique des lésions caustiques selon Zargar et al. .
a. Stade I : érythème, &#x0153;dème.
b. Stade IIa : ulcérations superficielles, fausses membranes, hémorragie muqueuse.
c. Stade IIb : ulcérations creusantes, confluentes, circonférentielles.
d. Stade IIIa : nécrose focale.
e. Stade IIIb : nécrose diffuse.
f. Stade IV : Perforation.
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Iconosup 19
&#x0152;sophagite de stade IIIb. Analyse tomodensitométrique. Nécrose transmurale (a, b). Absence de visualisation de la graisse
péri-&#x0153;sophagienne et de la paroi &#x0153;sophagienne au temps sans injection (a). Absence de prise de contraste de la
paroi &#x0153;sophagienne après injection de produit de contraste (b). Absence de nécrose transmurale (c, d). Visualisation de la
graisse péri-&#x0153;sophagienne (étoile) et de la paroi &#x0153;sophagienne (flèche) au temps sans injection (c). Prise de
contraste de la paroi &#x0153;sophagienne (flèche) après injection de produit de contraste (d).
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Iconosup 20
Vue peropératoire. Nécrose transpariétale de la grosse tubérosité gastrique.
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Iconosup 21
Duodénopancréatectomie céphalique pour lésion caustique.
a. Vue endoscopique. Lésions de stade IIIb du second duodénum.
b. Examen tomodensitométrique avec injection intraveineuse de produit de contraste. Absence de prise de contraste de la paroi
duodénale.
c. Vue opératoire. Nécrose transmurale de la paroi du second duodénum.
d. Pièce d'&#x0153;sogastrectomie et de duodénopancréatectomie céphalique. Nécrose &#x0153;so-gastro-duodénale étendue.
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