Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Études et recherches 19
Jean-Pierre ASTOLFI
Résumé. La didactique des sciences, discipline nouvelle aux confins de l'épistémologie, la psycholo¬
gie cognitive et les sciences de l'Éducation.
L'auteur nous propose trois concepts féconds pour lire les séquences de classe et pour la
formation professionnelle :
» le contrat didactique : à différencier du contrat pédagogique, mais à rapprocher de
la notion de « coutume didactique » ; les élèves répondent à l'enseignant en fonction de
son attente.
le concept de * préconception » : pour chaque niveau d'enseignement, les élèves dis¬
posent d'un corps d'idées préalables construits très tôt pour comprendre le réel.
le concept de « trame conceptuelle s. Il s'agit là d'étudier la structure conceptuelle du
savoir à enseigner.
Pour l'auteur, la didactique apporte des outils, mais ne se substitue pas à la pédagogie, à la
prise de décision de l'enseignant.
Abstract. The didactics of science is a new subject verging on epistemology, cognitive psychology
and education science.
The author offers three fruitful concepts which can be used to read class sequences and for
vocational training.
The "didactic contract" which is different from the educational contract but close to the
notion of "didactic custom"; pupils react to their teacher according to his expectations.
The concept of "preconception": for each teaching level, pupils can dispose of a set of
preliminary ideas built up at a very early stage, to understand reality.
The concept of "conceptual framework", which means studying the conceptual sbvcture
of the subject to be taught.
According to the author, didactics offers tools but cannot be substituted for educational
methods or teachers' decision making.
naux qui n'avaient pas cours sous cette forme jusque-là. Cela entraîne
un certain « jeu » des frontières disciplinaires préexistantes et une réor¬
ganisation logique de leurs relations.
L'EMERGENCE DE LA DIDACTIQUE
Laurence Viennot a été l'une des premières à explorer celle voie. EUe
a interrogé des étudiants avancés en physique et elle leur a soumis des
questions que, dit-elle, eUe osait à peine poser tellement, du point de vue
Par contre, une seconde prise d'information sur les élèves, consécuti¬
ve celte fois à la leçon, fait apparaître une constance dans les idées et
raisonnements qui désarçonne beaucoup plus. C'est seulement quand on
touche ainsi du doigt les lenteurs cl régressions intellectuelles en cours
d'apprentissage que se trouve légitimée une approche constructiviste du
savoir. C'est dans ces instants que l'on prend conscience à quel point
celui-ci ne se transmet pas, mais se réélabore de façon personnelle. Pour
beaucoup d'enseignants, c'est un moment difficile voire douloureux
de prise de conscience, car U fait bouger (lentement, là aussi) leurs
propres représentations de ce que c'est qu'apprendre. Pour certains,
c'est une phase de démobilisation devant l'apparente inutilité de leur
rôle ; pour d'autres, c'est une confirmation de leur intuition que les
modalités traditionnelles de l'enseignement ne sont guère fonctionneUes
; pour tous, c'est un moment de prise de distance par rapport à leur
vécu antérieur, d'élève comme de professeur.
(1) Voir par exemple : André GIORDAN (dir.). L'élève et/ou les connaissances
scientifiques. Berne : Peler Lang, 1983. 2e éd., revue. 1987.
Equipe de recherche ASTER. Procédures d'apprentissage en sciences expérimen¬
tales. Paris : INRP, 1985.
Études et recherches 27
LA DIDACTIQUE ET LA « PEDAGOGIE »
Ceci explique mes réticences envers toutes les formes d'« ingénierie
didactique » dès lors qu'elles prétendraient dicter aux acteurs les règles
de leurs décisions. La Didactique me semble beaucoup mieux dans son
rôle quand eUe parvient à proposer des outils ouverts qui permettent à
l'acteur d'éclairer ses prises de décision sans les lui dicter, d'enrichir la
palette de ses modes d'intervention sans le contraindre à user de moyens
qu'U ne pourrait s'approprier. Car, à l'aspect rationnel des procédures
didactiques, se combine toujours une dimension personnelle qui expli¬
que qu'en aucune manière, et quelles que soient ses vertus, par ailleurs
montrées mais non démontrées, aucune méthode ne saurait réussir
contre celui qui l'emploie (1).
(1) Je renvoie pour une discussion plus précise des interactions entre Didactique et
Pédagogique à ma note de synthèse pour l'Habilitation à diriger les recherches : La
didactique des sciences peut-elle être scientifique ? Université « Lumière », Lyon 2. 105
p. 1989.
(2) Daniel HAMELINE. Préface à Neil POSTMAN. Enseigner c'est résister.
Paris : Centurion, 1981.
30 Recherche et Formation
Jean-Pierre ASTOLFI
Chargé de recherches à l'iNRP-DPl