professionnelles en psychiatrie
CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
Dans la collection:
LES PRESCRIPTIONS MÉDICAMENTEUSES EN PSYCHIATRIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT,
par D. BAILLY ET M.-C. MOUREN, 2007.
LES TRAITEMENTS DU TROUBLE OBSESSIONNEL COMPULSIF, par B. AOUIZERATE ET J.-Y. ROTGÉ,
2007.
LE DIAGNOSTIC EN PSYCHIATRIE: QUESTIONS ÉTHIQUES, par A. DANION-GILLIAT, 2006.
LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA SCHIZOPHRÉNIE, par F.-S. KOHL, 2006.
ADDICTIONS ET PSYCHIATRIE, par M. REYNAUD, 2005.
PSYCHOTRAUMATISMES: PRISES EN CHARGE ET TRAITEMENTS, par G. VAIVA et al., 2005.
MESURER LES ÉVÉNEMENTS DE VIE EN PSYCHIATRIE, par Ph. GORWOOD, 2004.
Retrouvez tous les ouvrages du Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française sur
www.masson.fr.
CONGRÈS DE PSYCHIATRIE ET DE NEUROLOGIE DE LANGUE FRANÇAISE
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Responsables d’édition
Comme le rappelle la HAS, «le décret n° 2006-653 du 2 juin 2006 relatif à l’EPP
précise que la période quinquennale court à compter de la date d’installation des
4 Le point de vue du psychiatre
Il faut distinguer dans cette question les acteurs chargés de l’information à diffuser
auprès des praticiens sur les modalités possibles d’EPP et responsables, in fine, de
leur accréditation (Commissions médicales d’établissement [CME] pour les hospita-
liers et Unions régionales des médecins libéraux [URML] pour les libéraux), et les
acteurs mis à la disposition des praticiens pour les accompagner dans la conduite de
leur EPP (MH pour les libéraux et MEE pour les hospitaliers ou OA). Si le médecin
est salarié non hospitalier, c’est l’OA qui le prend entièrement à sa charge et sera
alors autorisé à émettre un certificat d’EPP.
Chaque praticien a la liberté de faire le choix des modalités d’EPP qu’il souhaite
mettre en œuvre, dans le large éventail de possibilités que la HAS lui offre.
Les URML pour les libéraux et les CME pour les hospitaliers représentent les
instances chargées de l’information sur la conduite de l’EPP.
Cependant, à ce jour, toutes ne sont pas encore organisées pour offrir toutes les
informations utiles aux praticiens qui souhaiteraient s’engager dès aujourd’hui dans
l’EPP.
La HAS est un recours pour les praticiens, notamment par le biais des chefs de
projets régionaux qui en sont le relais régional.
Les OA eux-mêmes peuvent apporter des informations sur la conduite de l’EPP.
Ils sont cependant, en situation d’opérateur, plus à même d’offrir une information sur
les objectifs et la méthodologie de l’EPP et sur la nature des programmes et actions
d’EPP qu’ils mettent en place que sur l’ensemble des opérateurs possibles en matière
Comment conduire, en pratique, son EPP? 5
de conduite de l’EPP. La visite de leur site Internet peut permettre aux praticiens de
se faire une idée sur leur fonctionnement et sur les modalités d’accompagnement
qu’ils proposent. La HAS, mais également les URML et les CME tiennent à la dispo-
sition des praticiens la liste des OA.
Les URML comme les CME ne peuvent assurer la conduite de l’EPP, mais elles
ont la mission d’en assurer les conditions de réalisation pour leurs membres.
Comme toute action d’EPP l’exige, une disjonction existe entre le «regard exté-
rieur» nécessaire à l’évaluation de la qualité de l’action réalisée (assuré par un MH
ou un OA si le praticien est libéral, par un MEE ou un OA si le praticien est hospita-
lier et par un OA si le praticien est salarié mais non hospitalier) et le certificateur
(URML si le praticien est libéral ou CME si le praticien est hospitalier) qui, au vu des
conclusions de ce regard extérieur, rédigera le certificat d’accréditation. Cette mesure
vise à éviter que le certificateur soit «juge et partie» dans l’évaluation de l’action
menée. Ainsi, il serait bien difficile à une CME de refuser à l’un de ses membres un
certificat d’accréditation s’il ne pouvait s’appuyer, pour le justifier, sur une évalua-
tion externe. Ce souci d’éviter les conflits d’intérêt dans la certification des soignants
est l’une des grandes exigences de la HAS. Dans le même souci, l’existence d’un lien
d’intérêt autre que celui de la conduite de l’EPP (notamment lien de subordination ou
intérêt d’ordre corporatiste ou financier) entre l’organisme accompagnant (MH, MEE
ou OA) et le praticien évalué doit faire l’objet d’une déclaration.
Les interlocuteurs des praticiens en matière d’organisation des actions d’EPP sont
les URML pour les libéraux et les CME pour les hospitaliers. Ces instances vont
rédiger le certificat d’accréditation pour les praticiens qui sera adressé aux conseils
de l’ordre pour enregistrement et aux CRFMC.
Le rôle de la CME est bien défini dans le texte sur l’EPP en établissement de
mai 2007. Il n’existe pas de texte comparable pour les URML.
J’en présenterai trois extraits qui me paraissent répondre clairement aux questions
posées par les praticiens exerçant en établissement.
«C’est la CME qui certifie, en formation restreinte, l’accomplissement de chaque
EPP réalisée par les médecins, après avoir pris connaissance, le cas échéant, des
conclusions des OA chargés de l’évaluation des pratiques.
«Lorsque ces évaluations n’ont pas été conduites avec le concours d’un OA, la
CME délivre les certificats après avis d’un MEE à l’établissement désigné selon des
modalités définies par la HAS.»
«Pour ce faire, la sous-commission recense les programmes d’EPP réalisés dans
l’établissement et organise, en présence du MEE, des séances de présentation/discus-
sion des programmes réalisés en interne. Ainsi, le MEE siégeant dans la sous-
commission EPP sera à même de transmettre à la CME des avis et recommandations
afin que cette dernière puisse délivrer le certificat d’EPP à chaque médecin engagé.»
«La CME choisit, après s’être assurée de l’absence de conflits d’intérêt, sur la liste
arrêtée par la HAS, le ou les MEE qu’elle souhaite solliciter pour assurer ce “regard
extérieur” dont on connaît l’importance en matière d’évaluation.
6 Le point de vue du psychiatre
«Au sein de cette structure [la CME], le MEE donnera son avis sur: l’éligibilité
au titre de l’EPP, des programmes et actions présentés; l’implication des praticiens
sollicitant la validation individuelle de leur obligation d’EPP.
«Cet avis concernant les programmes d’EPP réalisés en interne est transmis à la
CME qui, in fine, délivre, à chaque médecin, le certificat d’accomplissement d’EPP
qui sera signé par son président.
«Une copie de ce certificat est adressée au Conseil régional de la formation médi-
cale continue (CRFMC). Enfin, le CRFMC en informe le Conseil départemental de
l’ordre des médecins qui délivre l’attestation au médecin concerné.»
Le praticien, seul ou dans le cadre de son service, de son pôle ou de son unité fonc-
tionnelle, ou dans le cadre de son association ou de sa société savante, pouvant
choisir de réaliser son EPP avec l’aide d’un OA, spécialiste de sa discipline, la CME
pour les hospitaliers et les URML pour les libéraux doivent tenir à sa disposition la
liste de tous les OA relevant de sa spécialité. Celle-ci figure également sur le site de
la HAS.
Mais le praticien peut également profiter d’éventuelles organisations des condi-
tions de réalisation de son EPP que peuvent proposer les CME ou les URML. Les
CME et les URML ont alors l’obligation de faire accompagner les programmes
d’EPP qu’ils organisent pour leurs membres par un MH, un MEE ou un OA.
Dans la mesure où les dispositifs sont en train de se mettre en place et que les
délais accordés pour réaliser son EPP sont fixés à 5 ans, les praticiens ont devant eux
un peu de temps pour s’informer et décider des modalités qu’ils souhaitent adopter
pour remplir leurs obligations d’EPP.
Déclinée selon une logique strictement soignante, la démarche EPP est une
démarche d’autant plus aisée qu’elle est habituelle et largement partagée par les
professionnels du soin.
Elle se décline en différentes étapes, que les praticiens pourraient, en théorie,
réaliser seuls ou au sein d’un groupe:
— faire le choix, à partir d’une autoévaluation (analyse) de sa pratique d’une
thématique d’amélioration, en lien avec son exercice spécifique: par exemple:
comment améliorer les échanges avec les médecins généralistes?
— évaluer l’écart de sa pratique à une pratique «recommandée». Pour cela, le
praticien devra s’appuyer sur les recommandations existantes. En leur absence, il
pourra, dans l’exemple choisi, constituer un groupe pour partie composé de médecins
généralistes, afin d’élaborer des propositions d’amélioration;
— à partir de la constatation d’un écart de sa pratique avec les propositions de
recommandations élaborées, le praticien se fixe des objectifs d’amélioration et une
méthode pour y parvenir. Par exemple: constatant que je n’ai pas l’habitude, dans
mes liens avec les médecins généralistes qui m’adressent des patients, de leur
envoyer un courrier mentionnant les raisons du projet de soin qu’il me paraît légitime
de proposer, les mesures à prendre pour gérer au mieux les risques de cette prise en
charge, et la place de chacun dans la mise en œuvre de ce projet de soin, je me donne
comme objectif d’amélioration de le faire de manière systématique;
Comment conduire, en pratique, son EPP? 7
conduite de l’EPP mais non spécialistes de la discipline des praticiens évalués fait
courir le risque d’une priorité donnée à la méthode sur l’intelligence professionnelle
du processus d’amélioration.
Le rôle du MH ou du MEE ne peut être superposable à celui des OA. Leur cahier
des charges, d’ailleurs, souligne bien la différence des missions qui leur sont
confiées.
Le MH et le MEE possèdent une compétence reconnue dans la méthodologie de
l’EPP, et ils sont garants de la rigueur et de l’objectivité de sa mise en œuvre. En tant
qu’opérateurs de la HAS, ils veillent au contrôle de qualité de la démarche.
En cela, leur rôle peut être complémentaire de celui des OA, mais devrait se situer
davantage dans un contrôle de qualité des OA eux-mêmes qu’en direct auprès des
praticiens.
méthodologiques posées par la HAS, l’OA devra offrir aux praticiens inscrits dans un
programme d’EPP les données référencées disponibles sur le thème de leur EPP
(notamment les recommandations lorsqu’elles existent), et les aider à en extraire
quelques propositions d’amélioration nécessaires à la conduite de leur EPP. En
retour, le recueil par l’OA des propositions de thèmes d’amélioration faites par les
praticiens de terrain sera utile pour sélectionner les portes d’entrée pertinentes aux
références médicales à construire pour la discipline. Le risque en effet de ne pas
élaborer de références validées pour la profession est celui d’orienter les équipes de
soin vers les thématiques les plus facilement réalisables (par exemple: «Améliora-
tion du dépistage d’un syndrome métabolique lors de la prescription d’un
neuroleptique») et non vers les thématiques les plus porteuses d’amélioration (par
exemple: «Comment améliorer l’engagement dans les soins des patients»). Le rôle
d’un OA est donc de travailler, en amont ou parallèlement à la conduite de l’EPP, à
l’élaboration de références médicales susceptibles d’être utilisées (et discutées et
améliorées) lors des programmes EPP mis en œuvre;
— le recours à des références médicales validées selon les exigences méthodologi-
ques de la HAS: les référentiels dont la psychiatrie doit se doter et dont les règles de
validation ont été publiées par la HAS doivent relever d’une méthodologie beaucoup
plus rigoureuse que celles qu’une équipe isolée pourra réaliser, même avec l’aide
d’un OA, pour extraire quelques propositions d’amélioration. Prat Psy a élaboré une
méthodologie spécifique pour conduire la construction de références médicales adap-
tées à la psychiatrie. Cette méthodologie vise à préserver la complexité de l’acte de
soin en psychiatrie et inscrit résolument l’EPP dans une démarche formative, bien
qu’encadrée. Nous y reviendrons dans le chapitre consacré aux «outils» de l’EPP.
Le rôle institutionnel des OA est difficile à comprendre, sans doute parce que les
intentions à l’origine de leur création demeurent en partie obscures.
Il semblerait que les OA aient trois missions:
— produire des références médicales. Mais quelle est la nature des références
médicales qui pourraient relever de la compétence d’un OA? La HAS continue
d’assurer la production des recommandations et, pour la conduite de l’EPP, elle a
donné autorité aux équipes elles-mêmes d’élaborer les référentiels ad hoc à l’action
d’EPP menée (cf. méthode d’élaboration de critères d’évaluation et d’amélioration
des pratiques [CEAP]). Nous y reviendrons;
— conduire les EPP. Mais leur mission de conduire des actions d’EPP se confond
avec celle que des MH ou des MEE peuvent assurer. Par ailleurs, le recours à des MH
ou des MEE ne peut qu’être largement plébiscité par les praticiens, du fait, notam-
ment, de son économie;
— participer avec la HAS, en tant qu’opérateur de l’EPP, au développement de la
qualité. Dans ce sens, la HAS a récemment constitué un groupe de travail composé
d’OA représentant leur spécialité (hors médecine générale). Ainsi Prat Psy est-il
l’OA qui y représente la psychiatrie. Mais la composition et les missions de ce
groupe de travail ne sont pas encore arrêtées.
Si la création d’OA pouvait témoigner de l’introduction d’opérateurs profession-
nels dans le paysage de l’EPP, leur place reste, encore aujourd’hui, très ambiguë par
rapport à celle des autres acteurs.
Comment conduire, en pratique, son EPP? 11
Les liens entre FMC et EPP sont plus qu’étroits. L’EPP, en effet, apparaît dans les
textes comme une action de formation médicale continue (FMC).
Mais ces deux modalités de formation continue ont été distinguées pour de multi-
ples raisons qu’il ne m’appartient pas ici de questionner.
Ce que l’on peut en dire, dans une approche relevant de l’évidence commune, est
que cette distinction peut se justifier pour deux raisons:
— du fait des modalités très différentes d’amélioration des pratiques qu’elles
mettent en œuvre;
— du fait de l’existence de dispositifs déjà existants de FMC, qui, par leur finalité et
leur organisation propres, ne peuvent assurer la responsabilité de la conduite de l’EPP.
Dans le rapport de la conférence de presse donnée par la HAS en mars 2006, la
HAS précise ce lien.
«L’évaluation des pratiques (EPP) et la FMC ont toutes deux une même finalité
d’amélioration de la qualité des soins et du service rendu au patient. Pour atteindre
cette même finalité, EPP et FMC empruntent des voies complémentaires:
— «La FMC privilégie une approche davantage pédagogique, fondée sur l’acqui-
sition de nouvelles connaissances/compétences;
— «L’EPP privilégie une approche davantage clinique et professionnelle, fondée
sur l’analyse des données de l’activité.»
Cette proximité reconnue entre FMC et EPP a conduit certains organismes profes-
sionnels, dans un souci d’économie, à adosser la conduite de l’EPP aux actions de
FMC déjà existantes.
Il est facile de comprendre les raisons qui ont conduit à développer de telles moda-
lités d’EPP. De nombreux organismes ayant demandé l’agrément pour l’EPP étaient
déjà de longue date des organismes de FMC. Afin d’offrir à leur public des condi-
tions d’EPP économiques et de réalisation facile et, en retour, de valoriser leurs
actions de FMC, ils ont adossé des actions d’EPP à leurs programmes de FMC.
Cependant, faire le choix de telles modalités conduisait à faire le choix d’EPP
ponctuelles et individuelles.
L’industrie pharmaceutique, financeur habituel des actions de FMC, a largement
facilité la diffusion de ces modalités ponctuelles et individuelles d’EPP.
Mais de ponctuelle et individuelle, l’EPP évolue vers des exigences d’évaluation
continue et collective.
En effet, l’objectif est bien d’inscrire l’EPP dans l’exercice du praticien et pour
cela, d’une part de l’accompagner au plus près des lieux de son exercice et d’autre
part de configurer les programmes d’EPP et leur suivi dans la continuité de cet exer-
cice professionnel.
L’utilisation qui peut être faite des actions de FMC pour favoriser la mise en
œuvre de programmes d’EPP impose une réflexion approfondie et des dispositifs
susceptibles de répondre aux nouvelles orientations prises pour l’EPP sans déroger
aux exigences méthodologiques qui l’encadrent. Prat Psy offre à cet égard des solu-
12 Le point de vue du psychiatre
tions visant à préserver le caractère économique et réaliste que doivent respecter les
actions de FMC, EPP comprise, pour être réalisables par les praticiens tout en garan-
tissant la validité des actions d’EPP proposées.
Ces nouvelles exigences pour la conduite de l’EPP imposent une organisation
nouvelle pour tous les OA ayant fait le choix d’EPP ponctuelles et individuelles.
Le choix initial de Prat Psy comme OA a été de développer la démarche d’EPP en
toute indépendance par rapport à la FMC. Ses priorités ont été de construire une
méthodologie rigoureuse d’élaboration de référentiels de bonnes pratiques et d’orga-
niser les conditions optimales, pour les professionnels évalués, d’une conduite de
leur EPP tout en répondant aux exigences d’EPP continue et collective.
C’est secondairement, en développant les actions d’EPP, que de nouvelles pers-
pectives pour des actions de FMC sont apparues.
En effet, les actions développées dans le cadre de l’EPP ont apporté un savoir sur
les pratiques de soin d’une grande richesse pouvant constituer des contenus pédago-
giques d’intérêt pour tous les praticiens. Par ailleurs, les modalités pratiques de
conduite d’EPP conçues par Prat Psy au plus près des formes habituelles de réflexion
collective inventées par les praticiens eux-mêmes offrent des cadres de transmission
des savoirs particulièrement adaptés et insuffisamment exploités. Les actions de
FMC, comme les modalités d’EPP, doivent s’adosser à la diversité des espaces déjà
conçus par les professionnels pour se rencontrer et réfléchir ensemble.
En pratique, cela signifie que s’il n’est plus pertinent d’adosser à des actions de
FMC des programmes d’EPP, et cela même si une autoévaluation des pratiques est
réalisée avant la session de FMC, les liens entre EPP et FMC doivent être réfléchis et
renforcés tant au plan des contenus pédagogiques des actions FMC que pour orga-
niser de manière économique et réaliste pour les praticiens les différentes actions
relevant de leurs obligations de FMC.
Les liens possibles entre actions d’EPP et actions de FMC doivent, dans ce sens et
sans déroger à la rigueur de la démarche, être renforcés.
D’ailleurs, la HAS semble aller dans ce sens lorsqu’elle écrit, dans le rapport de la
conférence de presse donnée par la HAS en mars 2006: «… dans la réalité, EPP et
FMC se rejoignent, notamment parce que la FMC ne peut qu’être attentive aux résul-
tats qu’elle obtient et que l’EPP doit s’appuyer sur les “bonnes pratiques” actualisées
pour analyser les données de l’activité clinique des médecins.»
Au demeurant, le décret du 14 avril 2005 indique clairement la relation entre les
deux: «L’EPP, avec le perfectionnement des connaissances, fait partie intégrante de
la FMC.»
Afin d’être très concrète, je présenterai la manière dont Prat Psy procède lorsqu’il
reçoit une demande d’accompagnement d’un programme d’EPP.
Le dispositif Prat Psy, de périmètre national, est, pour la conduite de l’EPP, forte-
ment régionalisé. Ainsi, la demande qui lui sera adressée sera transmise au bureau
régional qui sera chargé d’y répondre.
Le bureau régional vérifie la faisabilité du programme (existence d’une organisa-
tion collective permettant de mettre en place un programme d’EPP collective).
En effet, le dispositif n’assure que des EPP collectives, qu’il s’agisse de groupes
de pairs libéraux ou hospitaliers, d’associations de professionnels, d’équipes de soin,
de pôles d’activité hospitalière, d’unités fonctionnelles à l’intérieur de pôles d’acti-
vité, que ces structures soient publiques ou privées, de réseaux de soin ou de
dispositifs de soin innovants (centres ressources, réseaux thématiques de recherches
et de soin…) que Prat Psy accompagne pour la mise en place de leur démarche
qualité.
Une fois le groupe constitué, deux membres de Prat Psy, formés au sein de
Prat Psy à la conduite de l’EPP, sont désignés à partir de la liste nationale constituée
par cet OA. Selon les cas, ce binôme sera ou non assisté par un MH (lorsque les
professionnels sont libéraux) ou par un MEE ou le référent EPP de l’établissement
hospitalier (médecin et qualiticien) lorsqu’ils exercent en établissement de soin.
Les modalités de suivi du programme ont fait l’objet d’un cahier des charges
élaboré par le conseil scientifique et la commission «projet EPP» de Prat Psy. Ce
cahier des charges comporte différentes rubriques qui encadrent les différentes étapes
du programme d’EPP.
1. Une première réunion dite «étape initiale d’évaluation et d’élaboration de
l’action EPP» permet de fixer les différentes étapes du programme et les besoins
d’encadrement du groupe pour le suivi de cette action. Cette première rencontre est
l’occasion d’apporter une information aux participants sur les objectifs de l’EPP et
d’échanger avec eux sur les questions qu’ils se posent à propos de la démarche
qualité. Lors de cette réunion, qui se déroule sous la forme d’un échange entre pairs,
sont décidés:
— le choix de la thématique d’EPP. L’OA veille à ce que le choix du thème soit
porteur d’amélioration, soit suffisamment renseigné, réponde à un dysfonctionne-
ment repéré par les praticiens et pour lequel les soignants souhaitent se mobiliser. Les
arguments avancés pour justifier le choix du thème d’amélioration sont relevés;
— le mode de recueil et d’analyse des données. Le choix de la méthode est une
étape importante. Il est nécessaire de réfléchir avec les praticiens à la méthode la plus
pertinente pour analyser les données de l’exercice, c’est-à-dire faisable et adaptée
aux processus d’amélioration envisagé. Les différentes méthodes proposées par la
HAS constituent des guides méthodologiques utiles. Mais le facteur essentiel réside
dans l’adéquation de la méthode à la thématique choisie. Le praticien peut faire le
choix de coordonner et de protocoler une partie de son exercice (staffs-EPP, groupes
de pairs, réseaux de soin) ou choisir d’autres méthodes en fonction de ses objectifs
d’amélioration (audit clinique? revue de morbimortalité? suivi d’indicateurs? concer-
tation pluriprofessionnelle? visites académiques?…). Il peut choisir par exemple de
réaliser son programme d’EPP au sein de son unité fonctionnelle, de son service, de
son pôle, de son établissement ou à l’extérieur de celui-ci, notamment dans le cadre
d’un réseau de soin auquel il participe s’il est hospitalier et, s’il est libéral, au sein
d’un groupe de pairs, d’un établissement hospitalier privé ou public qu’il connaît ou
dans lequel il exerce, ou dans le cadre du réseau de soin auquel il participe;
Comment conduire, en pratique, son EPP? 15
de constater que les praticiens non seulement acceptent mais souhaitent que la
démarche soit exigeante, c’est-à-dire qu’il ne s’agisse pas simplement d’un
exercice obligé mais d’une démarche leur imposant une réelle réflexion (avec
la formalisation qu’impose une réflexion de qualité) portant sur leur pratique et
sur les connaissances acquises. Seule une telle exigence permettra d’impliquer,
sur le long terme, les praticiens dans une démarche certes contraignante, mais
dont ils tireront réellement une satisfaction professionnelle.
— expliciter et formaliser la démarche d’amélioration réalisée afin de répondre à
l’obligation évaluative de la démarche.
S’engager dans l’EPP, comme le souligne la HAS, «se traduit par un double enga-
gement des médecins: premièrement, ils s’engagent à fonder leur exercice clinique
sur des recommandations, et deuxièmement, ils mesurent et analysent leurs pratiques
en référence à celles-ci».
Cependant, ces deux obligations ne sont pas sans poser problème aux
professionnels.
L’outil de comparaison pose la question délicate d’une norme de la pratique.
Les méthodes proposées pour conduire l’EPP peuvent, par leur formalisme parfois
excessif, déplacer l’objectif de l’EPP d’une démarche de questionnement réel et
pertinent sur ses pratiques vers la simple application d’une méthode validée par la
HAS, sans tenir compte de la pertinence clinique de la démarche.
La HAS met à la disposition du lecteur qui le souhaite tous les documents de
présentation des outils de l’EPP: méthodes d’élaboration de recommandations et
autres références médicales et outils servant de guides méthodologiques à la conduite
de l’EPP.
Tout praticien intéressé à la démarche qualité devrait en prendre connaissance.
Il ne s’agira donc pas pour moi de présenter ces outils que la HAS met à la dispo-
sition de tous, mais plutôt de tenter d’en extraire la logique de construction et de la
discuter.
La lecture des différents outils, références médicales ou méthodes de conduite de
l’EPP, laisse perplexe. Outre qu’il semble que les outils se multiplient sans que
l’élaboration de nouveaux outils soit toujours explicable, on a le sentiment que cette
production tous azimuts poursuit différents objectifs conduisant à une complexité du
paysage d’ensemble dont le développement se fait selon une logique dont la perti-
nence n’est pas toujours évidente.
Pris un à un, chacun de ces outils est compréhensible et clairement décrit par la
HAS. C’est la logique globale de production et les raisons de la multiplication des
outils qui échappent au professionnel.
Afin d’interroger ces différents outils et pour la clarté de l’exposé, nous distingue-
rons la discussion sur les «outils de comparaison», recommandations ou références
médicales en tout genre, des «outils de mise en œuvre», méthodes proposées pour
conduire l’EPP.
2
Les «outils de l’EPP»:
les recommandations
La question de l’outil de comparaison, de sa forme et de son contenu est sans
doute celle qui a donné lieu au plus grand nombre de réactions au sein de la
profession.
Pour aborder ce champ, il est nécessaire de faire d’abord une lecture «technique et
méthodologique» des méthodes et des outils proposés avant d’aborder les raisons de
la «levée de boucliers» des professionnels face à l’élaboration de «normes de bonnes
pratiques».
En conclusion, j’exposerai les solutions apportées par l’organisme agréé (OA)
Prat Psy pour répondre aux exigences méthodologiques soulevées par cette problé-
matique tout en prenant en compte les réserves formulées par les praticiens.
Il est intéressant de suivre l’évolution des recommandations et autres références
médicales proposées et de leur méthode d’élaboration.
Cette évolution et le développement d’outils de comparaison diversifiés s’expli-
quent par une double exigence: celle de la validité scientifique (comment rester au
plus près des données scientifiques?) et celle de l’applicabilité de l’outil (comment
rendre ces recommandations applicables en pratique et faire en sorte que les profes-
sionnels puissent se les approprier?).
Contrainte par ces deux exigences, l’Agence nationale d’accréditation et d’évalua-
tion en santé (ANAES) puis la Haute Autorité en santé (HAS) ont procédé par
«essais et erreurs», proposant de nouvelles méthodes visant à lever les impasses
constatées lors de la mise en œuvre des méthodes précédentes.
Il s’ensuit une profusion, parfois difficilement compréhensible, de méthodes
nouvelles conduisant, pour chacune d’elles, à de nouvelles appellations pour leurs
produits: recommandations, référentiels, critères d’évaluation et d’amélioration des
pratiques (CEAP).
Nous présenterons rapidement les différents outils de comparaison («normes de
qualité»?) produits par la HAS et la manière dont la HAS justifie la nécessité de
chacun d’eux. Dans un second temps, nous ferons quelques commentaires à propos
20 Le point de vue du psychiatre
déclinaison, pour l’EPP, le référentiel. Ce postulat n’est pas sans poser problème.
Nous y reviendrons largement dans ce chapitre.
Ce postulat implique que la synthèse des connaissances acquises peut être en
partie indépendante de l’usage qui en sera fait. Ainsi, des recommandations sur la
dépression doivent aussi bien servir à fixer les propositions d’un référentiel dans le
cadre d’un programme d’EPP portant sur la dépression qu’à conduire une campagne
d’information ou des actions de formation médicale continue (FMC), ou encore à
élaborer des outils de régulation dans un cadre conventionnel.
Les recommandations offrent une synthèse des connaissances acquises sur une
thématique donnée qui permet de fixer «ce qui est approprié, ce qui ne l’est pas ou ne
l’est plus et ce qui reste incertain ou controversé».
Le niveau de preuve des propositions avancées est donc essentiel, afin que ces
recommandations soient suffisamment valides pour s’imposer à tous. Leur validité
réside dans le pourcentage de propositions ayant un niveau de preuve élevé.
Il faut ici rappeler ce que recouvre cette notion de niveau de preuve.
Le choix des recommandations repose sur une lecture critique pour affecter à
chaque article un niveau de preuve scientifique. «Selon le niveau de preuve des
études sur lesquelles elles sont fondées, les recommandations ont un grade variable,
coté de A à C selon l’échelle proposée par l’ANAES» (tableau 2.1).
L’EXEMPLE DE LA DÉPRESSION
Il est signalé que les antidépresseurs et les psychothérapies sont efficaces (grade A
pour les antidépresseurs, grade B pour les thérapies cognitivocomportementales
[TCC], grade C pour les autres psychothérapies, accord professionnel pour la
psychanalyse).
Par ailleurs, il est signalé que «l’association antidépresseurs-psychothérapie n’a
pas fait la preuve d’une plus grande efficacité que la psychothérapie seule dans ces
formes légères à modérées (grade C)».
La sévérité des troubles permet de distinguer:
— l’épisode dépressif léger où, selon la préférence du patient, une psychothérapie
ou des antidépresseurs pourront être proposés (accord professionnel);
— l’épisode dépressif modéré, où les antidépresseurs sont proposés en première
intention (accord professionnel) et où l’association psychothérapie-antidépresseurs
peut être proposée en cas de difficultés psychosociales ayant un retentissement
marqué sur la vie du patient (accord professionnel);
— l’épisode dépressif sévère, où les antidépresseurs sont indispensables
(grade A). L’association antidépresseurs-psychothérapie peut être proposée
(grade C). Les antidépresseurs peuvent être associés aux neuroleptiques dans les
formes psychotiques (accord professionnel).
Concernant les modalités de prise en charge, «la fréquence optimale des consulta-
tions n’a pas fait l’objet d’études spécifiques […], chaque patient représente un “cas”
trop particulier pour permettre d’énoncer une recommandation générale».
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 25
Des principes sont rappelés: informer le patient d’un recours médical 24 heures
sur 24, d’un accompagnement: «pendant les premières semaines, un rythme de
consultation au moins hebdomadaire est souvent nécessaire».
L’information au patient fait l’objet de recommandations, toutes de grade C ou
d’accord professionnel, mais de grande précision:
— «manière et moment de prendre ses médicaments;
— «délai avant l’apparition des effets positifs du traitement;
— «nécessité de la poursuite du traitement même après amélioration;
— «possibilités de contacts en cas de questions ou de problèmes;
— «nécessité d’un avis médical avant l’arrêt du traitement.»
l’intérêt d’utiliser en pratique courante les deux questions suivantes pour le repérage
des sujets à risque (accord professionnel): «Au cours du dernier mois, avez-vous
perdu tout intérêt et plaisir pour la plupart des choses qui vous plaisent habituelle-
ment?»; «Avez-vous perdu votre entrain, ou vous sentez-vous inexplicablement
fatigué? (ou vous sentez-vous déprimé?)».
«Amélioration de la coordination entre médecine générale et médecine
psychiatrique.»
Plusieurs remarques peuvent être faites à partir de la lecture de ce texte.
Le choix de la thématique
Elle porte sur des états dépressifs, ne posant aucun problème diagnostique (plus de
90% des médecins généralistes reconnaissent ces situations cliniques) ni évolutif
(premier épisode dépressif), et ne présentant aucune comorbidité pouvant rendre
difficile le traitement.
Il est dommage de ne pas avoir une estimation de ces situations cliniques et de la
pertinence à élaborer une recommandation pour ces situations qui, a priori, ne posent
que peu de problèmes de diagnostic, de pronostic immédiat, ou de traitement.
La seule explication réside dans le fait que la plupart des articles de haut niveau de
preuve portent sur ces situations.
L’URCAM, s’appuyant sur les propositions contenues dans la RPC sur la dépres-
sion, a développé un programme d’action de formation en direction des médecins
généralistes.
Ce programme visait à diffuser, au travers d’un support de formation, les proposi-
tions soulignées dans les RPC que certaines données montraient par ailleurs
insuffisamment maîtrisées par les médecins généralistes.
À l’origine de ce programme, deux propositions avaient été choisies au titre de
contenu pédagogique:
— mieux reconnaître la dépression: le message de formation reprenait deux
propositions contenues dans la RCP: d’une part, le dépistage d’une dépression peut
être amélioré par l’utilisation de deux questions simples à adresser au patient, et
d’autre part, la confirmation du diagnostic passe par l’utilisation d’une classification
validée (type CIM 10 ou tout autre outil de diagnostic validé);
— mieux traiter: le contenu de formation était de poursuivre le traitement durant
6 à 12 mois (pour un premier épisode), des données recueillies auprès de médecins
généralistes ayant effectivement montré la fréquence des prescriptions courtes.
Les critiques apportées à ce programme de formation ont été les suivantes:
— la reconnaissance de la dépression n’était peut-être pas la meilleure porte
d’entrée pour améliorer la prise en charge des déprimés par les médecins généra-
listes. En effet, le diagnostic est correctement posé par 97,3% des médecins
généralistes lorsque la dépression est majeure. Ce point est intéressant, car il pose la
question des objectifs opérationnels d’une démarche qualité et déplace la pensée
commune du praticien sur la visée de cette démarche. Pour un praticien, poser
comme objectif d’amélioration une meilleure reconnaissance de la dépression
majeure n’apparaît pas comme un objectif pertinent, dans la mesure où la pratique de
98% des médecins généralistes est adaptée à l’objectif. D’un point de vue
«national», le fait que 2% des médecins généralistes ne répondent pas à cet objectif
«minimal» de prise en charge des déprimés impose de s’y attacher;
— le recours à une classification validée n’était peut-être pas la meilleure réponse
aux difficultés diagnostiques rencontrées par les médecins généralistes. En effet, la
majorité des difficultés diagnostiques sont liées à l’absence de dépression caracté-
risée chez les patients consultant un médecin généraliste ou à l’existence d’une
28 Le point de vue du psychiatre
comorbidité somatique rendant le tableau moins évident. Dans ces cas, l’usage d’une
classification ne permet pas de lever les difficultés;
— il était légitime de penser que le contenu de formation envisagé ne répondait
pas aux attentes des médecins généralistes dans la mesure où elle n’offrait pas de
guides aux difficultés réelles rencontrées par ces professionnels. L’hypothèse que le
diagnostic de dépression pouvait être insuffisamment porté du fait d’une compétence
insuffisante dans la prise en charge d’un patient déprimé repose sur le postulat que
l’on ne reconnaît que le trouble que l’on sait gérer. Si cette hypothèse était juste, axer
la formation sur le dépistage plutôt que sur le suivi risquait de passer à côté des
besoins réels de formation des médecins généralistes. Si cette hypothèse était juste, il
était préférable d’améliorer la compétence des médecins généralistes à répondre à la
dépression qu’à la reconnaître. Et le contenu de formation dans cette perspective ne
pouvait se résumer à la recommandation de poursuivre le traitement de 6 à 12 mois.
Ainsi, même dans un objectif aussi simple que celui d’utiliser les recommanda-
tions comme contenus de FMC, le travail d’extraction à réaliser à partir des
recommandations pour les adapter aux besoins réels de formation des professionnels
n’est pas évident. En somme, ces recommandations ne pourront être intégrées dans
l’exercice professionnel que si elles viennent répondre à des questions que se posent,
préalablement à la formation, les médecins confrontés, dans leur pratique, aux
patients déprimés.
Les remarques faites ont conduit les organisateurs de ce programme à réaliser une
enquête auprès de 101 médecins généralistes, visant à évaluer leurs besoins et leurs
attentes en matière de formation à la prise en charge de la dépression.
Cette enquête a permis de confirmer que la demande portait davantage sur le suivi
que sur la détection du trouble.
Parmi les difficultés exprimées:
— 28,7% portaient sur les difficultés de reconnaissance liées à la pathologie;
— 23,8% portaient sur les difficultés dans la mise en œuvre du traitement;
— 47,5% portaient sur le suivi.
Si 7% des médecins généralistes disaient avoir des difficultés en lien avec la seule
pathologie, 82,2% déclaraient avoir au moins une difficulté liée à la relation médecin
– malade et 8% estimaient n’avoir de difficultés qu’à ce niveau relationnel.
Les difficultés en lien avec la seule pathologie étaient les suivantes:
— 41,6% de difficultés liées à la présence de symptômes atypiques;
— 29,7% à des pathologies intriquées;
— 24,8% à l’évaluation du risque suicidaire;
— 22,8% à l’évaluation de la sévérité;
— 19,8% à la prescription d’arrêt de travail;
— 21,8% à l’évaluation du risque de rechute;
— 21,8% à l’arrêt du traitement;
— 17,8% au choix de la thérapeutique;
— 7,9% à la coprescription;
— 6,9% au jugement de l’efficacité ou de l’échec du traitement.
Les difficultés liées à la relation médecin/patient concernaient:
— les difficultés vis-à-vis de l’information à transmettre au patient:
• patient avec une personnalité difficile (22,8%);
• difficulté d’annonce du diagnostic (27,7%);
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 29
degré de consensus réel, entre l’ensemble des métiers de la santé mentale, sur cet
accord professionnel, d’autre part pourquoi il n’est pas mentionné dans l’améliora-
tion à apporter la nécessité d’augmenter le niveau de preuve de ces propositions
«accord professionnel», enfin, quelle serait la méthode pour améliorer ce niveau de
preuve;
— enfin, le groupe a souligné que «l’alliance thérapeutique évoquée n’est jamais
développée dans la recommandation». Ce point est essentiel. Il marque la distance
séparant le savoir et le savoir-faire du médecin, et signale la nécessité de prendre en
compte la relation thérapeutique comme levier de changement potentiel. Si les
recommandations ne mentionnent pas ce point, c’est sans doute parce que les auteurs
considèrent que la relation thérapeutique ne peut faire l’objet d’une formalisation
suffisante pour être évaluée.
Les objectifs de qualité retenus ont été:
— affirmer le diagnostic de dépression (accord professionnel);
— évaluer le risque suicidaire (accord professionnel);
— évaluer les possibilités de prise en charge des patients en ambulatoire (accord
professionnel);
— évaluer les facteurs environnementaux et sociaux: critères importants pour la
prise de décision de la prise en charge ambulatoire des patients (niveau de preuve non
précisé);
— informer le patient des effets bénéfiques et indésirables du traitement, de la
nature du trouble dépressif (grade A);
— définir une stratégie thérapeutique (accord professionnel);
— traiter une dépression légère par antidépresseurs (grade A), TCC (grade B) ou
autre thérapie (grade C);
— traiter une dépression sévère par antidépresseurs (grade A);
— poursuivre le traitement 6 à 12 mois après rémission (grade A);
— assurer le suivi du patient (accord professionnel).
Le choix des objectifs à privilégier a reposé sur l’utilité liée au potentiel d’amélio-
ration de la qualité des soins. «Les autres motifs de prise en compte ont été le niveau
de preuve scientifique de la recommandation, la gravité pour le patient du non-
respect de l’objectif et la faisabilité, c’est-à-dire la capacité du professionnel à mettre
en œuvre l’objectif de qualité.»
«En conclusion, le groupe a retenu quatre aspects de la prise en charge d’un
patient adulte consultant en ambulatoire et présentant un épisode dépressif caractérisé
pertinent pour évaluer la pratique du médecin généraliste:
— «la méthode utilisée pour poser le diagnostic;
— «l’évaluation de la possibilité d’une prise en charge ambulatoire;
— «l’information du patient sur sa maladie;
— «la mise en place du traitement.»
Le diagnostic
«Pour faire le diagnostic d’épisode dépressif caractérisé, le médecin doit
s’appuyer sur un système de classification validé. La référence à ce système (DSM
ou CIM) doit être notée dans le dossier médical du patient.»
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 33
La prise en charge
L’objectif 2 concerne les possibilités de prise en charge du patient déprimé en
ambulatoire.
L’évaluation du risque suicidaire est importante, car elle conditionne en partie les
possibilités de prise en charge ambulatoire. Mais elle ne constitue pas le seul critère
de suivi ambulatoire. En effet, l’existence de formes particulières a été considérée par
le groupe comme un élément limitant le suivi ambulatoire, notamment l’existence de
signes psychotiques, comme l’existence de facteurs environnementaux défavorables
(isolement).
Le groupe a retenu trois critères d’exclusion pour un suivi ambulatoire:
— critère 2: le risque suicidaire (qui impose donc d’être évalué);
— critère 3: les signes psychotiques sont recherchés (délire de persécution,
hallucinations);
— critère 4: les facteurs socioenvironnementaux limitant la prise en charge en
ambulatoire sont recherchés.
Le choix de ces critères impose d’avoir tenu compte de la capacité des médecins
généralistes à pouvoir les évaluer.
L’information
L’objectif est «informer le patient». Cet item étant tenu pour le grade A par les
RPC.
Toute thérapeutique devant faire l’objet d’une information au patient, ce critère
n’a pas été retenu comme spécifique de la dépression.
En revanche, afin de répondre à une autre proposition de grade A (durée de traite-
ment), le groupe a proposé d’en faire un critère d’information essentiel devant figurer
dans le dossier.
Critère 5: le médecin informe le patient de la nature de son trouble psychique.
Critère 6: la durée du traitement de 6 à 12 mois est explicitée au patient (ce qui est
un moyen par ailleurs pertinent pour évaluer la connaissance que possède le praticien
de cet item).
Bien que les coprescriptions soient de moins bonne qualité, les «critères de juge-
ment nécessaires à cette évaluation sont trop contraignants pour être intégrés dans ce
référentiel».
Il a été relevé que «la validité des options thérapeutiques retenues est aussi un
objectif difficilement mesurable». Ce constat est d’un intérêt considérable. Il
exprime le fait que la démarche retenue par les RPC pour valider les choix thérapeu-
tiques ne permet pas d’établir de recommandations utilisables en pratique.
Le groupe a retenu comme critère «que les traitements proposés devraient être
notés dans le dossier, aussi bien les médicaments que la prise en charge psychothéra-
pique ou le recours à un psychiatre». Les raisons de ces choix restent non validées
dans les RPC et n’apportent aucun élément de validation, la question n’étant pas
posée de cette manière dans la littérature.
Les seuls critères retenus ont donc été:
Critère 7: les traitements proposés sont notés dans le dossier.
Critère 8: le rendez-vous de consultation de suivi après l’initiation du traitement
est fixé au patient.
Ce référentiel a fait l’objet, comme tout référentiel, d’une relecture par un groupe
de lecture constitué d’experts. L’objectif de ce groupe est de «critiquer le référentiel
d’évaluation sur le fond et la forme des objectifs, les critères retenus et la formulation
des questions».
Dans un second temps, un groupe test, constitué de médecins généralistes, a été
audité.
L’évaluation du référentiel par les quatre experts du groupe de lecture a été très
favorable.
Les principales remarques ont porté sur la porte d’entrée utilisée pour ce référen-
tiel: caractère «isolé» et «inaugural». En somme, c’est la nature de la réduction
opérée sur la clinique qui a été le plus problématique, à la fois pour le groupe ayant
élaboré le référentiel que pour le groupe de lecture. Le groupe de travail a finalement
choisi de conserver le terme «isolé» mais en le définissant mieux (sans antécédent de
dépression caractérisée et sans antécédents de prise de médicament antidépresseur),
et de ne pas conserver le terme «inaugural», redondant dans sa définition, donc
n’apportant rien de plus que le terme «isolé».
Si le groupe de lecture a proposé de faire figurer dans le dossier tous les signes
cliniques ayant conduit à ce diagnostic, le groupe de travail a considéré que «cette
démarche, concevable dans un programme de recherche, était irréaliste en pratique
quotidienne».
Le groupe test a été constitué de 33 médecins généralistes sans expérience
reconnue dans domaine de l’EPP.
Les médecins généralistes se sont sentis très concernés par le thème du référentiel.
Le «manque de rigueur dans la tenue du dossier médical» a été un constat fréquent.
Les médecins généralistes ont admis la nécessité d’améliorations à apporter dans
leur exercice professionnel, en particulier:
— «améliorer la qualité du dossier (noter davantage les différents éléments) et sa
structuration pour faciliter le suivi du patient;
— «dépister systématiquement le risque suicidaire;
— «prendre en compte les antécédents psychotiques et les rechercher;
— «améliorer la qualité de l’information donnée au patient;
— «évaluer la prise en charge en ambulatoire du patient;
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 35
Plusieurs points de la démarche adoptée par la HAS peuvent faire l’objet d’une
analyse critique en vue de proposer des aménagements techniques.
Les recommandations sont l’élément essentiel du dispositif. Ce sont les recom-
mandations qui fixent les «normes». Les autres outils n’en seront que la déclinaison.
Si nous prenons l’application des recommandations à la conduite de l’EPP, la
question qui se pose est: qu’est-ce que ces normes peuvent «recommander» à la
pratique et leur méthode d’élaboration même permet-elle de répondre à un objectif
d’évaluation et d’amélioration des pratiques?
Nous argumenterons le fait que les recommandations actuelles:
— manquent de validité, comme en témoigne le faible pourcentage de proposi-
tions de niveau de preuve A et l’usage extensif qui est fait du consensus de
professionnels;
— ne sont pas applicables, en partie du fait d’une négligence pour le processus
d’extraction-adaptation à la question posée alors qu’il est le plus important et le plus
difficile;
— ne sont que des revues de la littérature, «non orientées par un objectif de
qualité» mais par la seule analyse méthodologique de leur niveau de preuve.
Elles ne peuvent donc pas prétendre guider des objectifs de qualité. De fait, ces
recommandations rencontrent une grande réserve chez les professionnels.
Les recommandations ne sont qu’une revue critique de la littérature si l’on en ôte
le recours à la notion de consensus professionnel dont nous avons vu, dans l’exemple
de l’élaboration du référentiel d’autoévaluation pour le suivi ambulatoire de la
dépression par les médecins généralistes, qu’il n’entraînait pas la conviction des
praticiens, faute de validité suffisante.
36 Le point de vue du psychiatre
Par ailleurs, l’aspect critique de la lecture de la littérature est guidé par le niveau
de preuve des données acquises. Il s’agit donc d’une revue très orientée par l’analyse
méthodologique des données et les données finalement retenues sont celles qui ont
été obtenues dans le cadre de plans expérimentaux ou quasi expérimentaux, seuls
susceptibles d’apporter un niveau de preuve élevé.
Le recours au consensus professionnel pour pallier le manque de données validées
et offrir quand même les réponses attendues et l’applicabilité faible, en situation
réelle d’exercice, de données obtenues dans des cadres expérimentaux sont deux
limites importantes à la validité et à l’applicabilité des recommandations pour un
usage d’EPP.
On peut comprendre que, dans l’idée de répondre rapidement aux missions qui lui
incombent, la HAS ait besoin de recommandations dans lesquelles des réponses
soient apportées à l’ensemble des questions posées.
Ainsi, comment envisager une EPP sans que des recommandations soient disponi-
bles pour guider le praticien dans son processus d’amélioration?
Comment offrir rapidement des guides aux questions que pose le cadre
conventionnel?
La constatation du faible pourcentage de propositions de rang A disponibles à
partir d’une revue de la littérature fondée sur le niveau de preuve impose de faire
appel à d’autres arguments pour obtenir les réponses attendues.
Le consensus de professionnels répond à cette demande.
Mais, si on réaffirme, comme l’a fait en son temps l’ANAES, que le propre de
recommandations crédibles est de distinguer «ce qui est approprié de faire, ce qui ne
l’est pas ou ne l’est plus et ce qui reste controversé», le risque est grand, en utilisant
le consensus de professionnels ou d’experts, d’obérer la possibilité d’éclairer un jour
les zones de questionnement restées dans l’ombre.
L’amélioration de la validité des recommandations impose de réduire la portée du
consensus professionnel. En effet, la valeur du consensus telle que la méthode
d’élaboration des références médicales l’utilise est très faible. Il faut rappeler que
c’est du fait de l’absence de consensus et de l’hétérogénéité des pratiques que
l’élaboration de références médicales se justifie. De ce fait, l’appel à un consensus
dans le cadre de l’élaboration de références médicales ne peut aboutir qu’à un
consensus «mou», c’est-à-dire non légitime pour proposer une pratique optimale. Ce
consensus ne porte donc en lui aucune validité et ne peut pas espérer entraîner la
conviction, l’opinion ou la croyance des professionnels. D’ailleurs, les professionnels
en psychiatrie ont fait savoir leur opposition aux recommandations publiées par la
HAS, qui donnaient une large place au consensus (accord professionnel). Le seul
intérêt du consensus dans la manière dont il est ici utilisé serait d’évaluer l’applicabi-
lité de la recommandation. Mais en cela aussi son intérêt est faible, car d’autres
moyens plus efficaces existent pour améliorer l’applicabilité d’une recommandation.
La HAS a bien noté la faiblesse de cette notion de consensus. Il est intéressant
d’analyser la manière dont elle y a répondu.
En offrant une formalisation plus grande du consensus (comme le propose la
méthode récemment publiée des recommandations par consensus formalisé), la HAS
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 37
réaffirme son intention d’offrir les réponses manquantes sans apporter beaucoup plus
de validité à la réponse apportée. Cette manière de tenter de donner plus de «puis-
sance» au consensus ne me semble pas permettre d’en augmenter la crédibilité.
Quelle que soit l’urgence d’offrir des guides pour mener l’ensemble des actions
que la démarche qualité impose, il n’est pas admissible d’utiliser, pour le faire, des
méthodes n’ayant pas de validité méthodologique.
Deux démarches permettraient d’apporter des réponses là où les données
manquent, de manière plus valide que le recours au consensus professionnel.
La première s’appuie sur les retours du terrain, tels que la conduite de l’EPP
permet de le faire. En effet, la notion de consensus n’a de validité qu’appliquée au
plus près de la situation réelle. Ce concept de consensus ne deviendra un réel «cons-
truct méthodologique», c’est-à-dire porteur d’une certaine validité, que s’il est utilisé
en situation réelle comme tout un courant de la psychologie scientifique l’a proposé
et formalisé.
Le débat de professionnels en vue d’atteindre un consensus n’a de valeur que pour
peu qu’il ait lieu autour de situations cliniques réelles. Le consensus obtenu par une
discussion d’experts ne peut conduire qu’à l’absence de consensus ou à un consensus
mou, aucun argument ne permettant de trancher en faveur de telle ou telle opinion.
Mais, pour bénéficier de ces retours de terrain comme élément de validation des
recommandations, il faudrait lier EPP et élaboration de recommandations, ce que la
logique des deux étapes adoptée par la HAS ne permet pas.
Prat Psy lie l’élaboration de références médicales à son objet, ici la conduite de
l’EPP. En somme, l’EPP, qui utilise souvent en psychiatrie l’analyse intensive de cas
réels sur une thématique donnée, est utilisée comme un élément de validation essen-
tiel de la référence médicale produite. Le consensus est, dans ce schéma de
validation, utilisé dans les termes proposés par la psychologie scientifique, comme
un construct méthodologique mis en œuvre en situation réelle, au cours des analyses
intensives de cas réalisées dans le cours du programme d’EPP. Ce lien établi entre la
référence médicale et la conduite de l’EPP permet également de poser le caractère
provisoire de la «référence» produite que l’utilisation, dans l’EPP, par les praticiens
de terrain permettra d’améliorer.
La deuxième démarche est la démarche de recherche. C’est l’insuffisance en
matière de recherches évaluatives sur les dispositifs de santé et les pratiques
soignantes qui constitue la principale limite à l’obtention des données dont la
démarche qualité a besoin pour se développer. Le recours au consensus ne permettra
pas de faire l’économie de ces recherches, qui seules permettront de lever les zones
d’ombre entachant la validité des recommandations. Timidement, la HAS a récem-
ment été dans ce sens. En effet, elle souligne la possibilité de recourir à des enquêtes
pour apporter des arguments plus valides à l’élaboration de recommandations. Cette
ouverture vient poser, plus crûment qu’elle ne se pose déjà, la question des finance-
ments des dispositifs supposés mettre en œuvre cette méthodologie pour concevoir
des références médicales «valides et crédibles». À titre d’exemple, un groupe de
travail, dans l’OA Prat Psy, s’est attelé à l’élaboration d’un référentiel portant
(comme la RCP sur la dépression en soulignait l’importance) sur l’amélioration des
échanges entre médecins généralistes et psychiatres. Ce groupe a noté l’insuffisance
de données référencées sur ce thème. Malgré cela, le conseil scientifique ayant jugé
que ce thème portait un haut potentiel d’amélioration, le groupe s’est constitué. Afin
d’obtenir les données minimales nécessaires à l’élaboration d’une référence médi-
cale, deux des groupes constitués ont conduit des enquêtes dont l’une a impliqué
38 Le point de vue du psychiatre
139 médecins généralistes. Un autre groupe ayant travaillé sur une référence médi-
cale visant à améliorer la prise en charge des patients s’adressant à un dispositif
psychiatrique d’urgence a été confronté à une abondance de littérature disponible sur
ce thème. Deux thèses de médecine ont été nécessaires pour venir à bout de la lecture
de cette bibliographie. Malgré l’importance des données acquises, le groupe a cons-
taté le faible intérêt de cette littérature pour construire une référence médicale sur ce
thème. Une étude a été réalisée pour apporter des données complémentaires. Cette
recherche, qui a donné lieu à un master en épidémiologie, a permis d’obtenir des
données validées utiles à l’objectif de construction d’une référence médicale de
bonne pratique.
Si la validité scientifique (prise en compte des seules données relevant d’un niveau
de preuve suffisant) a pu être tenue pour l’argument essentiel de la crédibilité des
recommandations auprès du corps médical, elle n’a pas tenu ses engagements.
L’absence d’applicabilité des recommandations a été largement constatée. Des argu-
ments méthodologiques ont d’ailleurs été avancés pour souligner la différence de
niveau d’observation entre les plans expérimentaux ou quasi expérimentaux de la
recherche scientifique et la situation naturelle de l’exercice médical, cette différence
interdisant l’application directe des données scientifiques à la clinique.
Cela souligne une limite méthodologique importante de la méthode proposée, qui
est la difficile extrapolation de données issues d’un cadre méthodologique quasi
expérimental (qui seul remplit les exigences d’un niveau de preuve A) à une popula-
tion «tout venant» de psychiatrie. Le niveau de preuve exigé ne correspond pas à une
preuve au sens de sa pertinence clinique. En effet, pour que les niveaux de preuve
soient équivalents pour le champ de la recherche et celui de la pratique, il faudrait
que les patients vus en pratique quotidienne soient comparables, en tous points, aux
patients composant l’échantillon sur lequel les différents essais thérapeutiques ont
porté et les données obtenues.
Par ailleurs, les études permettant d’obtenir des données de haut niveau de preuve
portent quasi exclusivement sur des temps de suivi courts, ne dépassant pas quelques
mois, dans le meilleur des cas. Dans ce design, le principe «toutes choses étant égales
par ailleurs» peut trouver une certaine pertinence et cela d’autant plus que le cadre de
vie du patient est homogénéisé comme il l’est lorsque le patient est hospitalisé. Dès
que l’objectif porte sur des temps de traitement plus longs ou implique des patients
ambulatoires, c’est-à-dire soumis à des contextes de vie difficiles à homogénéiser, le
«toutes choses étant égales par ailleurs» n’est plus acceptable et l’ensemble des
facteurs pouvant intervenir dans le devenir du patient demandent à être contrôlés.
En somme, lorsque les questions sont, comme dans la RPC sur la dépression, des
questions pratiques du type: «Quelles sont les dépressions qui peuvent être prises en
charge en ambulatoire?»; «Les choix thérapeutiques» ou «Comment améliorer la
prise en charge des patients déprimés?», d’autres recherches cliniques, de design
différent, adapté aux questions posées par la pratique, s’imposent.
Enfin, les données de haut niveau de preuve sont souvent des données obtenues
selon un schéma d’épidémiologie évaluative dans lequel une technique de soin est
comparée à une autre ou dans lequel l’efficacité d’une technique de soin est évaluée.
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 39
Pour utiles qu’elles soient, ces données n’offrent pas les réponses attendues au niveau
clinique dans la mesure où les questions posées diffèrent, de la recherche à la
pratique.
En pratique, la question ne se pose pas sous la forme: «Quel traitement est-il
supérieur à tel autre dans cette situation clinique?» mais: «Quel traitement est-il le
plus approprié pour ce patient à ce moment de son évolution?» Cependant, cette
dernière question ne se pose que si différentes options thérapeutiques sont possibles
(dont surseoir à toute démarche invasive de soin) et si la situation présentée par le
patient ne correspond pas à la situation «artificielle» prise comme comparaison.
Ainsi, la question que le clinicien se pose est: «La situation clinique présentée par le
patient correspond-elle à la situation où un traitement s’est montré supérieur à un
autre?» et, en l’absence de réponse positive à cette réponse: «Compte tenu des diffé-
rentes options thérapeutiques que la littérature – dont les accords professionnels,
jusqu’à preuve du contraire, font partie – a montré efficaces, quel est le meilleur
levier de changement pour ce patient?»
Une autre limite à l’élaboration de références médicales applicables est l’absence
de pertinence à utiliser les données issues de l’application d’une théorie du soin
exclusive pour répondre aux questions posées par la pratique. Les pratiques réelles
mêlent en effet les savoirs issus de théories épistémologiquement disjointes. En cela,
la démarche qualité vient interroger la psychiatrie sur la place des différents leviers
de changement que les diverses théories du soin en psychiatrie ont mis à la disposi-
tion des psychiatres. La réponse se trouve dans une épistémologie du soin, que nous
avons définie dans des publications récentes, et que nous ne développerons pas ici.
Cependant, deux remarques viennent nuancer cette attitude critique à l’égard de ce
que certains prêtent à l’evidence-based medicine (médecine fondée sur la preuve).
La première remarque porte sur l’interprétation très restrictive souvent faite de
l’EBM.
Le concept d’EBM a été développé par des épidémiologistes canadiens de la
McMaster Medical School au début des années 80. La «médecine factuelle» ou
EBM consiste à baser les décisions cliniques non seulement sur les connaissances
théoriques, le jugement et l’expérience qui sont les principales composantes de la
médecine traditionnelle, mais également sur des «preuves» scientifiques, tout en
tenant compte des préférences des patients. Par «preuves», on entend les connais-
sances qui sont déduites de recherches cliniques systématiques, réalisées
principalement dans le domaine du pronostic, du diagnostic et du traitement des
maladies, et qui se basent sur des résultats valides et applicables dans la pratique
médicale courante.
L’EBM est une démarche qui nécessite les étapes suivantes (Sackett et al., 1996;
Rosenberg et Sackett, 1996; Rosenberg et Donald, 1995):
— 1. la formulation claire et précise d’une question clinique à partir d’un
problème clinique donné;
— 2. la recherche d’articles pertinents dans la littérature (quel article lire?);
— 3. l’évaluation systématique de la validité et de l’intérêt des résultats et
l’extraction des preuves qui sont à la base des décisions cliniques (quel article
croire?);
— 4. l’intégration de ces preuves dans la pratique médicale courante afin de
répondre à la question posée au départ.
En aucun cas, ces «preuves» ne peuvent remplacer le jugement et l’expérience du
médecin, ce qui explique que la «médecine factuelle» complète la pratique médicale
40 Le point de vue du psychiatre
traditionnelle, mais ne la remplace pas (Sackett et al., 1996). Elle se traduit par une
augmentation des connaissances individuelles conduisant à des pronostics, diagnos-
tics et traitements plus efficaces, ainsi qu’à une attitude plus adaptée vis-à-vis de la
situation difficile du patient et de ses préférences concernant son traitement. Elle a
pour mission d’aider les cliniciens à suivre les développements récents de la
médecine.
Il n’en reste pas moins que l’EBM a soulevé dans la communauté scientifique un
certain nombre d’objections qui peuvent être résumées comme suit (Feinstein et
Horwitz, 1997):
— manque d’études et de données scientifiques pour un certain nombre d’actes
cliniques qui ne seront jamais évalués en utilisant l’approche EBM ou études non
représentatives de malades auxquelles elles prétendent s’appliquer. Ainsi «ce qui est
blanc ou noir dans une revue scientifique peut rapidement devenir gris dans la
pratique clinique»;
— problèmes à résoudre en médecine de «premier contact» (notamment en méde-
cine générale), où les problèmes sont le plus souvent liés à plusieurs pathologies, où
se mêlent des dimensions sociales, culturelles, familiales, sanitaires. Le généraliste
doit également interpréter un mode individualisé de présentation de la maladie plutôt
que de reconnaître un tableau clinique classique;
— les informations valides et exactes d’aujourd’hui seront-elles utilisables
demain?
La deuxième remarque vise à souligner l’intérêt pour la clinique d’une revue de
littérature de haut niveau de preuve, ne serait-ce que parce qu’elle permet d’affirmer,
au moins pour l’échantillon de patients évalués, l’efficacité d’une technique de soin à
laquelle le praticien pourrait être, par manque de connaissance, hostile ou réservé.
Cette opportunité qu’offre une lecture attentive de la littérature de modifier les
croyances des praticiens fait partie de la démarche qualité.
Il est intéressant d’analyser comment la HAS a pris en compte ce constat évident
de la non-applicabilité directe des données de la science à la pratique médicale.
Deux réponses ont été apportées par la HAS.
La première réponse a été de formaliser des modalités d’adaptation des recom-
mandations à la pratique, dont témoigne la publication, en février 2007, d’une
«Méthode et processus d’adaptation des recommandations pour la pratique clinique
existante».
Le processus d’adaptation y est défini de la manière suivante:
«L’adaptation correspond à la modification d’une ou plusieurs RPC existantes
pour le développement et la mise en œuvre d’une RPC ajustée au contexte local. Ces
modifications peuvent conduire à:
— «des changements mineurs tels que la traduction simple d’une RPC de sa
langue originale à la langue de ses futurs utilisateurs;
— «la création d’une nouvelle RPC adaptée aux besoins de ses futurs utilisateurs
élaborée à partir de plusieurs RPC existantes où chaque proposition de recommanda-
tion a été modifiée pour répondre au mieux aux exigences de son nouveau contexte.»
L’autre réponse a consisté à réduire les exigences de la «norme de comparaison»
utilisée dans la conduite de l’EPP.
La publication d’une nouvelle méthode, à côté de celle d’élaboration de référen-
tiels d’autoévaluation, pour élaborer des CEAP, constitue cette réponse (cf.
présentation citée plus haut).
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 41
Les deux éléments venant marquer la moindre exigence acceptée pour les outils à
usage EPP sont d’une part que ces outils peuvent être rédigés par les équipes
soignantes elles-mêmes là où les référentiels d’autoévaluation étaient sous la respon-
sabilité de la HAS, et d’autre part qu’il ne s’agit plus d’élaborer un référentiel
d’autoévaluation supposé contenir l’ensemble des normes de bonnes pratiques, mais
d’établir quelques critères d’évaluation et d’amélioration pour conduire sa démarche
d’amélioration et d’évaluation.
Il n’en demeure pas moins qu’un haut degré d’exigence pèse sur le recours aux
données référencées pour réaliser ce travail d’extraction de quelques critères
d’amélioration et que le rapport à rédiger pour justifier des propositions retenues est
de réalisation difficile.
Pourtant, il est mentionné que toute équipe soignante peut construire ces réfé-
rences. Ce point mérite d’être éclairci. On peut comprendre, dans le cadre d’un
accompagnement par un médecin habilité ne relevant pas de la spécialité, l’intérêt de
cette mention. Mais la plupart des équipes soulignent qu’il s’agit bien là de l’essentiel
de l’aide dont les équipes ont besoin. Aider les équipes à construire un référentiel ad
hoc pour les thématiques qu’elles souhaitent aborder lors de la conduite de leur EPP
devrait relever des missions des accompagnants de l’EPP. On voit bien là l’intérêt
d’une conduite de l’EPP assurée par des spécialistes de la même discipline (OA).
L’élaboration de recommandations à partir de la seule prise en compte des
données de haut niveau de preuve, puisque nous avons établi l’insuffisance de la
notion de consensus à rendre crédibles les recommandations, et la formalisation
d’une seconde étape d’adaptation de ces recommandations à la pratique compliquent
le processus et réduisent la crédibilité et la validité des recommandations.
La méthode permettant de sélectionner les données les plus valides et les plus
appropriées pour répondre à la question posée par la recommandation impose de
fixer préalablement à leur élaboration leur visée.
Les objets pouvant se prêter à l’application d’une logique normative sont les auto-
risations d’activité (description et fonctionnement des dispositifs de soin fixant les
ressources matérielles et les compétences requises pour réaliser une activité) ou les
pratiques de soin non dépendantes directement du patient (actes dits «techniques»).
Nous nous inspirerons d’une thèse de médecine générale, réalisée en 2007, consa-
crée à cette question.
Cette thèse introduit des distinctions intéressantes dans le champ de la transmis-
sion d’informations. Il ne s’agit pas d’évaluer, comme l’y oblige la loi, que le
praticien donne de l’information, mais plutôt la nature de l’information donnée.
L’étudiant, dans cette thèse, évalue l’information donnée sur les effets secondaires
des antalgiques. Il propose de distinguer: information absente ou présente, sugges-
tion d’effets indésirables, conseils pour la prévention de ces effets, informations sur
les événements graves ou fréquents.
L’étudiant conclut, sur la base d’une méthode qualitative d’orientation ethnogra-
phique, que les praticiens évalués:
— ne donnent pas ou peu d’informations sur les effets indésirables, prétextant que
celles-ci pourraient induire un effet nocebo;
— lorsqu’ils donnent de l’information, ne le font que sous une forme suggestive
ou en n’évoquant que les effets secondaires les moins graves. Il n’y a jamais d’infor-
mations sur les effets indésirables graves. Ils soulignent manquer de connaissances
sur les effets indésirables;
— ne donnent que très rarement des conseils quant à l’attitude à adopter en cas
d’effets indésirables et lorsqu’ils en donnent, ceux-ci ne portent que sur certains
effets indésirables très fréquents (douleur gastrique ou somnolence).
La conclusion de cette thèse suggère la nécessité de construire un référentiel afin
d’améliorer la qualité de l’information donnée au patient.
La question est alors: faut-il souhaiter que ce référentiel soit configuré comme
une conduite à tenir, considérée comme «l’attitude optimale» pour transmettre
l’information? ou faut-il opter, dans la construction même du référentiel, de
préserver, dans tous les cas, le choix qu’adoptera le praticien?
Selon la première option, la recommandation viendrait «fixer», sous la forme
d’une conduite à tenir, la nature de l’information à transmettre, par exemple, les
raisons de la prescription, les informations sur les produits (les effets attendus), les
informations sur les effets indésirables et les conseils en cas d’effets indésirables.
Tous les praticiens savent l’effet délétère que peut avoir une transmission d’infor-
mations sous cette forme «non personnalisée».
On pourrait même aller jusqu’à dire que l’incompétence pourrait s’évaluer à
l’application systématique de conduites à tenir préétablies.
La seconde option, qui nous semble la seule pertinente, impose d’introduire dans
la référence médicale l’obligation de renseigner un certain nombre de rubriques qui
sont autant de facteurs du contexte dont on sait qu’ils contribuent à la pertinence de
l’information finalement donnée au patient. Ainsi, l’exploration des connaissances et
des représentations du patient sur son trouble et ses traitements, l’investigation du
sens du trouble et des traitements dans son histoire personnelle, l’évaluation de ses
attentes par rapport à la relation de soin et des traitements proposés, l’exploration des
facteurs prédictifs d’un effet placebo ou nocebo sont autant de savoirs à mettre en
œuvre pour adapter l’information donnée à un patient donné. Il est légitime de parler
de savoirs dans la mesure où chacun de ces facteurs a donné lieu à une vaste
littérature.
Dans ce type de recommandations, le praticien reste seul juge de l’information à
transmettre à son patient. Seules sont fixées les propositions d’amélioration allant
dans le sens d’une contextualisation de la situation prenant en compte les données
acquises. Aucun praticien ne devrait en effet méconnaître les savoirs objectifs et
50 Le point de vue du psychiatre
interrogations. Pour la RPC sur «la prise en charge du nodule thyroïdien», une étude
des pratiques de 685 cliniciens a mis en exergue le besoin de recommandations pour
la pratique des examens biologiques et pour la prise en charge des nodules de moins
de 1 cm;
— thèmes d’amélioration tels que les professionnels collaborant dans le cadre
d’un OA peuvent les fixer, notamment du fait de l’existence de données suffisantes et
d’un potentiel d’amélioration fort constaté sur la thématique;
— prise en compte, dans le choix, de l’existence de controverses sur la thématique
pressentie, de l’importance des données acquises et du potentiel d’amélioration des
pratiques. Trois situations peuvent se présenter:
• lorsque, sur des points précis, les controverses sont majeures et les données
insuffisantes pour trancher, il semble délicat de se hasarder à faire des recom-
mandations. Les conférences de consensus ou les débats publics qui en sont la
version light, du fait de l’absence de recommandations qui viennent les sanc-
tionner (à l’inverse des conférences de consensus), n’ont jamais apporté de
données valides ou utilisables pour l’un ou l’autre objectif;
• lorsque de nombreuses données existent, elles s’obtiennent, en règle générale,
de manière dispersée et concernent un champ vaste dont il s’agit de prendre
connaissance avant même de fixer la thématique. C’est cette prise de connais-
sance large et exhaustive qui permet d’évaluer l’opportunité d’élaborer des
références. En règle, le champ ainsi couvert et défini par les données de la litté-
rature peut donner lieu à la déclinaison de différentes questions ou sous-
questions qui pourront être traitées par des groupes distincts;
• lorsque les données manquent mais que le thème paraît porteur d’un fort poten-
tiel d’amélioration, il est légitime de tenter d’offrir des recommandations dont
le caractère provisoire doit être largement souligné, du fait de l’absence de
données. Dans ce sens, le groupe doit offrir des questions pouvant se décliner
selon la méthodologie de la recherche. Par ailleurs, le groupe doit s’attacher à
travailler avec des experts de la thématique, choisis de manière large. La
méthode du consensus formalisé peut alors être utilisée par le groupe, selon les
directives offertes par la HAS.
La seconde étape est celle du recueil et de l’analyse de la littérature en rapport
avec le champ de la thématique choisie. Cette revue de la littérature ne doit pas être,
initialement, trop restreinte, car c’est de son analyse qu’émergeront les questions ou
sous-questions pertinentes en regard des données acquises. Deux facteurs orienteront
le choix des différents sous-thèmes pouvant faire l’objet de références médicales:
une prise en compte large et non réduite aux données de haut niveau de preuve et les
intérêts des professionnels pour certaines questions posées par la pratique et compor-
tant un haut potentiel d’amélioration.
Le travail à mener au cours de cette étape sera largement facilité si des revues
bibliographiques, des recommandations, des guidelines ou des méta-analyses existent
déjà. À titre d’exemple, le travail réalisé par l’Inserm dans le cadre d’expertises
collectives est une source bibliographique précieuse dans la mesure où un travail
d’analyse méthodologique des études et de la validité méthodologique des données
acquises est réalisé par des experts.
Cependant, il est essentiel de souligner que ce travail de lecture orientée vers la
sélection des données les plus valides ne suffit pas à pouvoir élaborer des
recommandations.
Les «outils de l’EPP»: les recommandations 53
Il faut en effet admettre qu’une revue de la littérature n’ayant pas été faite avec
l’intention préalable de construire une référence médicale, mais avec l’objectif de
sélectionner les articles de haut niveau de preuve, risque de manquer son objet et de
négliger les données les plus intéressantes pour construire une référence médicale.
En l’absence de données suffisantes pour répondre aux questions posées par la
thématique, des enquêtes ou des recherches cliniques complémentaires doivent
pouvoir être réalisées. La méthode du consensus formalisé pourra être utilisée au titre
d’enquête complémentaire pour vérifier, a posteriori, le niveau de consensus entou-
rant les recommandations proposées.
Cette étape doit être réalisée par un petit nombre de professionnels, entraînés à la
lecture critique de la littérature et experts du thème.
Dans le cas où la revue de la littérature ouvre des thématiques d’ampleur suffi-
sante pour faire l’objet d’une référence médicale, le groupe propose différents sous-
thèmes à la thématique générale. Ce rapport fera figurer les propositions retenues,
mais également les arguments bibliographiques ayant présidé à ce choix et les
données de la littérature recueillies. L’essentiel de ce travail est de bien distinguer
«ce qui semble approprié de faire, ce qui n’est pas approprié de faire ou plus appro-
prié de faire et ce qui est l’objet de controverses».
Cette étape doit se conclure par le choix de quelques recommandations issues de la
revue de la littérature, constituant une référence médicale initiale et faisant l’objet
d’un rapport. Les modalités d’élaboration de ces recommandations devront être choi-
sies en fonction de l’«intention» de ces recommandations, c’est-à-dire de l’objectif
d’amélioration poursuivi. Les thématiques liées aux pratiques de soin en lien avec la
relation directe du médecin au patient, hors actes techniques spécifiques, devront
faire l’objet de recommandations élaborées selon une logique formative. Les thémati-
ques liées aux organisations soignantes (efficience, nature des métiers, nature des
compétences, fonctionnement du dispositif) ou aux actes techniques pouvant être
définis quasi indépendamment de la situation clinique (surveillance du syndrome
métabolique sous neuroleptiques) pourront avantageusement profiter d’une approche
plus normative, nous l’avons vu.
La troisième étape est réalisée par un groupe dit «validant» de professionnels.
Ces professionnels doivent être choisis sur leur compétence clinique dans le champ
de la thématique ou sur leur expertise, notamment en matière de recherches sur le
thème. Ce groupe est constitué d’une quinzaine de personnes. Plusieurs groupes
peuvent travailler conjointement à la validation de la référence médicale initiale. Ces
groupes doivent être composés de professionnels représentant tous les métiers et tous
les exercices impliqués dans la thématique traitée. Le travail de ce groupe est de faire
une revue de pertinence de la littérature présentée dans le rapport et de la référence
médicale initiale, c’est-à-dire de juger de la pertinence pratique des données biblio-
graphiques et de la référence.
Les modalités de validation par le groupe des recommandations provisoires seront
fonction de la thématique et de la nature de la réponse (plus ou moins normée) que la
question impose.
Dans le cas d’une thématique en lien avec la pratique de soin, le travail de ce
groupe consiste le plus souvent à utiliser l’analyse intensive de cas pour juger de la
pertinence de la référence médicale à améliorer effectivement la lecture et la prise en
charge des situations. Cette analyse intensive de cas impose un débat entre les partici-
pants et utilise la méthode du consensus autour de cas réels pour sélectionner les
propositions devant figurer dans la référence médicale.
54 Le point de vue du psychiatre
Cette exigence est sans doute l’élément le plus novateur et le plus fondateur de la
démarche qualité. Sans cette exigence, comme je l’ai déjà souligné, la démarche
qualité pourrait bien ne pas avoir d’avenir.
Le souci d’explicitation et de formalisation de chacune des étapes de la démarche,
comme la rigueur méthodologique qui inscrit la démarche qualité dans une logique
évaluative, constitue le cadre formel nécessaire à toute démarche de qualité.
Au-delà, les questions qui se posent concernent davantage la déclinaison de ces
exigences dans la conception même des «outils» élaborés pour y répondre.
Le rôle de la HAS et des médecins qu’elle forme à la conduite de l’EPP est
d’assurer la mise en œuvre et le respect, à toutes les étapes de réalisation, de la
méthodologie qu’elle a fixée pour remplir les exigences de la démarche. La mission
des médecins habilités (MH) et des médecins experts extérieurs (MEE) n’est en
aucun cas d’évaluer l’intelligence clinique du processus d’amélioration engagé par
les praticiens, mais de veiller au respect des méthodes utilisées. Dans ce sens, on peut
comprendre que les praticiens, confrontés au contrôle de qualité que la HAS réalisera
de leur EPP, tiennent pour prioritaire non pas la pertinence soignante du processus
d’amélioration, mais la seule application d’une méthode validée par la HAS.
Les glissements liés à cette attitude sont évidents. Le premier de ces glissements
réside dans l’impossible appropriation de cette démarche pour des professionnels du
soin. En quoi l’appropriation de ces méthodes pourrait-elle intéresser un praticien?
De quelle manière le praticien pourrait-il être convaincu que la mise en œuvre d’une
méthode suffit à produire une amélioration de la qualité de leurs pratiques?
Si beaucoup de praticiens ont fait savoir l’intérêt des actions d’EPP menées, c’est
qu’ils y ont perçu une vertu formative et y ont vu un moyen, d’usage obligé, de réflé-
chir à leurs pratiques. Au-delà, l’application de méthodes validées ou la formalisation
de la démarche reste aussi étrangère à leurs habitudes que le relevé de leurs activités,
aujourd’hui dévolu à un département spécifique, le département d’information médi-
cale (DIM).
C’est souligner que pour maintenir l’intérêt des professionnels pour l’EPP il
importe, au-delà de la simple application d’une méthode, de garder de cette obliga-
tion l’état d’esprit de questionnement sur les pratiques qui en fait toute l’intelligence
et sans doute l’efficacité.
En somme, par son objectif même, l’EPP constitue avant tout un type nouveau de
formation offert aux professionnels visant à répondre aux limites bien connues des
méthodes classiques de FMC.
On pourrait parler de démarche formative encadrée.
Cet encadrement s’opère de deux manières: par le contrôle de qualité des
contenus médicaux transmis (les références médicales) et par le contrôle d’une mise
en œuvre effective et efficace de ces contenus médicaux par une application des
méthodes de la HAS d’appropriation de ces contenus (les méthodes de conduite de
l’EPP). Le contrôle de qualité du processus même de l’EPP est assuré par le contrôle
du respect de la méthodologie élaborée par la HAS que des médecins, formés par la
HAS, assurent en accompagnant la démarche. Cette méthodologie impose d’être
conforme aux normes méthodologiques fixées et de s’astreindre à une formalisation
qui permette le contrôle de cette mise en conformité de la démarche avec les cadres
méthodologiques proposés.
L’EPP doit préserver son statut de démarche formative, fondée sur le questionne-
ment à partir de l’exercice lui-même, que la loi lui confère en l’inscrivant au titre
La conduite de l’EPP: les outils 57
pertinence clinique du questionnement, qui, seule, pourtant, est à même d’induire une
amélioration des pratiques.
Ainsi, tout dispositif qui prétendrait pouvoir assurer la conduite de l’EPP doit
posséder à la fois les connaissances suffisantes en matière de méthodologie de l’EPP
et les compétences nécessaires pour apprécier la pertinence de contenu du
programme d’EPP.
La grande nouveauté portée par la HAS réside dans l’exigence qu’elle impose aux
modalités de questionnement de la pratique.
Le seul invariant que les praticiens doivent garder à l’esprit lorsqu’ils s’engagent
dans un programme d’EPP est bien cette exigence de la démarche dans laquelle ils
s’inscrivent.
L’essentiel de cette exigence se décline dans le chemin que doit suivre la conduite
de l’EPP, systématique et formalisé, et dans la nécessité, pour le praticien, de rendre
compte du travail réalisé à chacune de ses étapes. Cette exigence de formalisation de
la démarche suivie est difficile pour des soignants peu enclins à expliciter leur
démarche de soin et à justifier de leurs décisions.
Afin d’aider les professionnels dans cette formalisation, la HAS met à leur dispo-
sition des méthodes d’analyse de leurs pratiques qui, malheureusement, loin de leur
faciliter la tâche, ont tendance à alimenter leur conviction d’un exercice obligé, bien
distinct de leurs pratiques réelles.
Le risque de la diffusion de ces méthodes est celui de leur interprétation intuitive.
Comme l’a souligné l’ANAES, en son temps, «afin d’aider les professionnels de
santé, l’ANAES propose un guide méthodologique décrivant les principes et les
conditions d’application de cette méthode, son utilisation intuitive et non structurée
est encore trop fréquente».
Ce constat exprime le fait que la HAS, en offrant des guides méthodologiques
pour la conduite de l’EPP, a introduit un «nouveau langage», de nature «qualiti-
cienne», qui ne correspond ni au «glossaire» médical habituel ni à la démarche de
questionnement clinique dont procède l’exercice médical.
Sans doute pour en faciliter l’appropriation par le corps médical, la précision des
«prescriptions méthodologiques» est souvent impressionnante. Cette précision est
une des caractéristiques des textes de la HAS. Elle est l’objet d’un formalisme
extrême dont l’applicabilité, en situation réelle, mérite d’être nuancée.
Mais seuls des professionnels rompus à l’usage des outils de l’EPP peuvent
évaluer la marge de manœuvre acceptable par rapport aux textes dans la conduite
réelle de l’EPP, et utiliser ces publications de la HAS comme des guides et non
comme des normes intangibles et inadaptables aux objectifs poursuivis et au contexte
de déroulement de l’EPP.
Le risque est de faire de l’EPP un «exercice qualiticien» et non un «exercice
médical». N’évaluer la qualité de la démarche que par la manière dont ces prescrip-
tions ont été respectées renforce largement ce risque. Or, la méthode ne doit être
qu’un moyen de servir la qualité et ne peut se confondre avec la qualité elle-même.
Le langage utilisé dans la description des méthodes validées pour l’EPP n’a pas
été bien compris par les praticiens. Il est souvent vécu comme d’un formalisme
excessif, fixant un cadre trop rigide pour une évaluation qui se voudrait inscrite dans
La conduite de l’EPP: les outils 59
les pratiques elles-mêmes. S’y coller à l’excès, en oubliant la pertinence clinique que
doit conserver la conduite de l’EPP, ou s’en affranchir, par une mise en œuvre «intui-
tive» des méthodes, sont les deux risques que court le praticien qui s’engage dans
l’EPP. Afin d’éviter ces risques, la HAS a mis à leur disposition des dispositifs
d’accompagnement de l’EPP.
Il est dès lors légitime de s’interroger sur l’intérêt de l’adressage de ces méthodes
aux praticiens, comme si un usage direct leur était possible alors que dans le même
temps, un dispositif se met en place pour les accompagner dans leurs programmes
d’EPP dont la mission devrait être d’assurer la mise en œuvre intelligente médicale-
ment parlant et adaptée à la thématique de l’EPP des guides que sont les méthodes
proposées par la HAS.
Les organismes agréés (OA) ont à s’engager dans la démarche qualité de manière
à veiller à la pertinence clinique des méthodes utilisées, des normes de qualité élabo-
rées, de la pertinence clinique des indicateurs choisis.
Décrire le processus de soin, le comparer à des critères préétablis, formaliser
l’amélioration apportée, en suivre la mise en œuvre par des indicateurs ad hoc est une
démarche difficile.
Dans cette démarche, le choix doit d’abord porter sur la pertinence de l’améliora-
tion attendue avant de choisir la méthode la plus appropriée pour l’atteindre.
La HAS a choisi de donner aux praticiens différentes modalités pour conduire leur
EPP à la fois dans les modalités organisationnelles de l’EPP, nous l’avons vu, et à la
fois dans les méthodes pour remplir les conditions d’exigence qui s’imposent
aujourd’hui à toute démarche d’analyse de ces pratiques.
Il est d’usage de distinguer, parmi les différentes méthodes, l’approche par compa-
raison (comme l’audit clinique), l’approche par processus (comme le chemin
clinique) et l’approche par problème (comme la revue de mortalité-morbidité).
Ces distinctions introduisent toutefois une ambiguïté. En effet, toute méthode
impose de décrire le processus soignant et impose une comparaison à une «norme».
C’est pourquoi j’ai choisi de présenter l’ensemble des méthodes sans les regrouper
dans les catégories d’usage.
— L’audit clinique est une méthode d’évaluation des pratiques en comparaison à
des critères préétablis de «bonne pratique». Ces critères sont des éléments concrets,
observables, permettant de porter un jugement valide sur la conformité de la pratique
(mesure de la pratique réelle en écart par rapport à chaque critère). Le référentiel
prévoit les situations où la réponse est non applicable. L’audit clinique ciblé ne porte
que sur un nombre limité de critères. L’évaluation peut être prospective, par autoéva-
luation des professionnels, ou rétrospective, par analyse de dossiers de patients.
L’analyse des écarts au référentiel guidera le processus d’amélioration à mettre en
place dans l’organisation du travail ou dans la pratique de manière à réduire les écarts
observés. Les actions d’amélioration doivent être choisies pour leur caractère concret
et leur facilité de mise en œuvre. Le processus d’amélioration qui sera mis en œuvre
devra conduire à une réduction de l’écart de la pratique réelle en comparaison avec
chacun des critères du référentiel. La persistance d’écart aux critères attendus peut
nécessiter la poursuite des actions d’amélioration (cycles réguliers d’amélioration
assurant le caractère continu de l’EPP).
— Le chemin clinique est une méthode qui, comme toutes les méthodologies de
l’EPP, ne peut être utilisée de manière intuitive. Elle impose des exigences qui relè-
vent des invariants de toute démarche qualité: recueil des données, comparaison à
une référence médicale, analyse des écarts, processus d’amélioration et suivi, par des
indicateurs, de l’amélioration obtenue. Cette méthode est particulièrement adaptée à
l’analyse de parcours de soin de patients pris en charge par différents professionnels
(dans le cadre d’un réseau de soin, d’un établissement de santé ou dans le cadre de
l’exercice libéral quand les professionnels ont à se coordonner entre eux). Le but est
de réduire la variabilité non justifiée des prises en charge. La méthode repose sur la
description d’une prise en charge optimale et efficiente à partir des règles de bonne
pratique et d’une comparaison des pratiques réelles à ces règles de bonne pratique.
Chacune des étapes du parcours de soin du patient doit être explicitée et analysée en
regard des recommandations de pratiques professionnelles établies pour chacune
d’elle. Cette analyse a notamment pour objectif d’identifier les raisons pour
lesquelles le parcours de soin n’est pas optimal. Les professionnels doivent alors
s’efforcer d’améliorer leur organisation de travail et leur pratique de manière à
réduire les écarts constatés.
— La revue de pertinence des soins vise à repérer les soins non pertinents. La
méthode est établie pour identifier les admissions et les journées d’hospitalisation
non pertinentes. Une grille de critères objectifs, indépendants du diagnostic, est
fournie. L’admission ou la journée d’hospitalisation est déclarée pertinente si l’un
des critères de la grille est présent. Devant une admission ou une journée d’hospitali-
sation non pertinente, la grille propose une analyse des raisons de cette non-
pertinence (problème d’organisation des soins comme l’attente d’un rendez-vous
d’examen, problème lié à la structure comme une indisponibilité d’une structure
d’aval, problème lié à la décision médicale comme l’attente d’un avis spécialisé ou
d’un avis collégial de staff ou problème lié au patient ou à sa famille comme le refus
64 Le point de vue du psychiatre
Tout OA doit pouvoir offrir aux praticiens qu’il accompagne une variété infinie de
méthodes pour conduire le processus d’amélioration qu’il souhaite engager. La
conception d’un programme d’EPP peut obéir à des variantes infinies des méthodes,
en fonction de la créativité des concepteurs de ces programmes et des praticiens de
terrain.
Dans le cadre de la conduite de groupe d’EPP par l’OA Prat Psy, nous avons pu
relever (et parfois lever) les réticences des professionnels de terrain quant à la
démarche d’EPP. Ces remarques récurrentes mettent en lumière le peu d’acceptabi-
lité de la démarche à l’heure actuelle par les médecins.
Le concept d’EBM n’est pas encore diffusé et compris à grande échelle parmi les
médecins, qui voient dans la démarche l’obligation de suivre des normes fixes. On l’a
vu plus haut, cela ne correspond pas au concept de l’EBM, mais on voit aussi qu’il
est nécessaire de commencer la démarche qualité par une information très largement
diffusée de ce qu’est l’EBM, qui n’est pas par ailleurs exempte de critiques. On
perçoit aussi de la part des professionnels une réticence à accepter des concepts vus
comme réducteurs car provenant d’outre-Manche, ou d’outre-Atlantique (en tout cas
d’outre-France).
Par ailleurs, des réserves de toute nature existent sur la pertinence et l’applicabilité
de certaines recommandations et sur leur caractère parfois trop vague et ne donnant,
in fine, pas d’ordre de préférence dans l’utilisation de telle ou telle technique pour
traiter telle ou telle pathologie. On arrive parfois à des recommandations qui se limi-
tent à énumérer le champ du possible sans donner de priorités. Certaines
recommandations devraient donc posséder un caractère beaucoup plus normatif pour
être efficace, lorsque l’objet est fixé, ou lorsque les utilisateurs potentiels des recom-
mandations le réclament (c’est notamment le cas d’une partie des médecins
généralistes).
66 Le point de vue du psychiatre
Cette réserve se retrouve dans la démarche d’EBM. Si elle est peu justifiée dans le
cas où un référentiel ou des recommandations existent (la question se pose alors de
savoir qui les élabore), elle l’est particulièrement dans le cadre de staff protocolés si
l’équipe doit appréhender la littérature médicale pour élaborer son propre référentiel
et surtout pour le tenir à jour en fonction de l’avancée de la science. Dans ce cas en
effet, la démarche, pour rester pertinente, peut rapidement devenir chronophage et
coûteuse. L’émergence des OA tente de répondre à ces contraintes. En effet, les OA,
outre leur rôle d’accompagnement de groupes d’EPP, ont une fonction d’élaboration
de référentiels sur la base des recommandations de la HAS ou, le plus souvent, par un
travail spécifique de revue de la littérature. Cet aspect représente une des valeurs
ajoutées majeure des OA.
D’un point de vue très concret, la façon dont est formulée une thématique d’EPP
peut avoir une incidence très importante sur les résultats même de la démarche, indé-
pendamment de sa pertinence et de la rigueur du groupe. Il en est de même pour le
choix des indicateurs.
Le choix des méthodes produit aussi parfois un effet éblouissant sur les praticiens
en les poussant à s’attacher plus au respect de la méthode utilisée pour améliorer leur
pratique qu’à la recherche de l’amélioration elle-même. Ce biais assez fréquent est
amplifié par la nature de la formation reçue par les MEE ou les MH par la HAS. En
effet, cette formation est très axée sur les méthodes et sur les outils et fait sans doute
une part insuffisante à l’animation de groupes, à la recherche de l’adhésion et à la
pertinence.
4
Les dimensions institutionnelles
de la qualité
LA PLACE DES ORGANISMES PROFESSIONNELS
DANS LA DÉMARCHE QUALITÉ
À titre d’exemple, Prat Psy a mis en place une organisation fédérative, impliquant
des bureaux régionaux largement autonomes dans la conduite de l’EPP et dans les
actions de formation médicale continue (FMC) proposées sur leur territoire, mais
également, par convention, des sociétés savantes ou d’autres OA, participant à la
gestion du dispositif national.
Un autre argument est que la démarche qualité ne comporte pas qu’une dimension
technique et professionnelle. Elle met en question la politique de santé toute entière
et, à ce titre, comporte aussi une dimension syndicale.
La HAS doit donc faire le choix de deux orientations distinctes pour ces collèges:
une finalité professionnelle dans le sens technique et professionnel du terme, dont
l’objet «de qualité» serait bien défini, ou une finalité incluant la dimension syndi-
cale. Le choix de cette dernière option aurait l’avantage, pour la HAS, de condenser,
dans un même lieu, négociations syndicales et discussions techniques et profession-
nelles sur la qualité en santé.
Pour les professionnels, il n’est pas indifférent d’accepter de fondre, dans un
même lieu de négociation, considérations techniques et considérations syndicales.
La HAS pourrait choisir de mettre en œuvre deux dispositifs de négociation diffé-
rents, d’une part des collèges professionnels «de la qualité», composés
exclusivement d’OA largement fédératifs, et d’autre part, un groupe de contact avec
les fédérations professionnelles dont la visée serait de nature plus syndicale.
Si les professionnels acceptent l’idée d’une représentation unique, pour les aspects
techniques et les aspects syndicaux, l’objet même de cette maison médicale comme
sa finalité se trouveront modifiés par rapport au travail technique et scientifique que
des collèges «de qualité» auraient pu conduire. Il se pourrait bien alors que les objets
traités concernent des aspects plus politiques que techniques et que, quel que soit
l’objet abordé, les professionnels soient conduits à privilégier la position la plus
syndicale, compte tenu de la finalité que la composition du groupe aura induite. Il se
pourrait bien alors qu’aucun des objectifs voulus par la HAS ne puisse être atteint,
l’objet même de ces collèges devenant «intraitable» pour les professionnels.
l’ensemble du dispositif. Cependant, une large proportion des médecins libéraux est
actuellement farouchement opposée à cette option jugée inéquitable, car les médecins
hospitaliers seront eux probablement financés par leur Commission médicale
d’établissement (CME).
L’ÉTAT
L’État finance déjà une partie du dispositif à travers un crédit d’impôt dont tout
médecin peut bénéficier à hauteur de 320 € par an au titre de la formation continue.
Le montant dépensé dans la formation et l’EPP est en outre déductible du chiffre
d’affaires.
Ce financement est déjà effectif, car les établissements utilisent leur budget de
formation pour financer l’EPP, les OA étant généralement en mesure de leur fournir
un numéro d’enregistrement en tant qu’organisme de formation (cet enregistrement
ne nécessite pas d’être agréé par le Conseil national de la formation médicale
continue [CNFMC], l’agrément CNFMC n’est en effet nécessaire que pour rendre les
programmes validants au titre des obligations de FMC).
Cette source de financement est la porte de sortie actuelle de la HAS. Pour des
raisons de conflit d’intérêt, la HAS a refusé le financement du dispositif par l’indus-
trie pharmaceutique. Cependant, devant la pression des professionnels, elle accepte
qu’un organisme professionnel (syndicat, société savante, etc.) lui-même financé par
l’industrie pharmaceutique utilise les fonds dont il dispose pour financer des OA ou
indemniser ses membres des frais engendrés par leur participation à un programme
d’EPP. La rigueur apparente en la matière a donc fait place à un compromis permet-
tant de lever quelques réticences.
Mais la question du coût de la démarche qualité va bien au-delà de ce seul
problème de financement de l’EPP. Sans négliger la réalité de cette difficulté pour les
OA, il est essentiel de prendre en compte les risques de dérapage financier que fait
courir la démarche qualité.
Le premier de ces risques est celui de l’importance du temps soignant consacré à
la démarche qualité. Ce coût concerne en premier lieu le temps médical engagé dans
le fonctionnement d’un OA. Dans le cadre de Prat Psy, nous avons estimé ce coût,
sur 5 ans, à 14 millions d’euros. Ce coût concerne également le temps soignant, pris
Les dimensions institutionnelles de la qualité 73
sur les soins eux-mêmes, qu’impose l’EPP. L’injonction à intégrer l’EPP dans l’exer-
cice lui-même ne peut pas masquer le nécessaire redéploiement de temps médical des
soins vers les réunions «de qualité» que la méthodologie de l’EPP, quelle qu’en soit
la forme, impose. Au jour où les moyens dédiés à la santé s’évaluent au plus près des
actes, il serait légitime d’intégrer dans le coût de ces actes cette nouvelle obligation
«de qualité» faite au corps soignant.
Le deuxième risque encouru par la démarche qualité rejoint la question de l’appli-
cabilité des recommandations. Nous avons proposé, dans le corps du texte, de
distinguer les références médicales portant sur des objets fixés (actes techniques,
organisation et fonctionnement des dispositifs de soin notamment) et les références
médicales portant sur les pratiques de soin directes au patient (objet non fixé). Fixer
des normes de qualité n’est pas sans poser problème. Prenons l’exemple de la recom-
mandation portant sur les transferts de patients en hospitalisation d’office (HO).
Celle-ci recommande des conditions de transfert largement non applicables en
pratique. Pour que les établissements se mettent à ces «normes» de fonctionnement,
les coûts en personnel seraient très importants. La recommandation sur les chambres
d’isolement dont les «normes» architecturales ont également été fixées va dans le
même sens. Bien d’autres exemples pourraient être pris de cette mise en question de
«l’applicabilité financière» des recommandations portant sur des objets fixés.
Enfin, le dernier risque que je soulignerai rejoint celui du fonctionnement et de
l’organisation de la HAS elle-même, dont le coût doit s’évaluer à l’efficacité. Afin
d’établir sa propre efficience, la HAS devra mettre en place une démarche qualité
qui, pour lui être propre, pourrait peser sur les autres actions de qualité. S’il est légi-
time de penser que «le jeu en vaut la chandelle» et qu’un investissement initial
important est nécessaire pour introduire la qualité dans la santé, il importe de veiller à
la distribution légitime de ces financements et notamment de la dotation des OA,
leviers utilisés par la HAS pour mettre en œuvre la démarche qualité.
Ce dernier point rejoint la question des objectifs poursuivis par la démarche d’EPP
et de la nécessité de bien distinguer ce qui en revient à l’évaluation des pratiques et à
leur amélioration et ce qui relèverait d’autres objectifs, notamment celui de l’effi-
cience de la démarche qualité elle-même. Cette réflexion devra intégrer à la fois le
regard soignant et le regard gestionnaire.
Les organismes professionnels devront désormais intégrer dans leur réflexion sur
la démarche qualité cette question essentielle de ses coûts. Cette question dépasse
très largement la compétence et le champ d’influence des soignants. Cependant,
parmi les professionnels du soin, les OA, spécialistes de «la qualité», sont sans doute
les mieux placés pour aborder cette question avec toute la technicité qui s’impose.
5
Les questionnements
et les pistes de solutions
de la HAS
La Haute Autorité en santé (HAS) a publié en décembre 2007 un feuillet intitulé:
«Définir ensemble les nouveaux horizons de la qualité en santé». Ce document
énumère les principales difficultés à surmonter identifiées par la HAS. Il est intéres-
sant de constater que cette institution, qui peut paraître assez éloignée de la pratique
des médecins, a su mettre en place des mécanismes de rétro-information qui lui
permettent de dresser un bilan de la situation très proche de celui émis par les profes-
sionnels de terrain et est capable de faire preuve d’une certaine exemplarité en termes
de questionnements et de recherche d’amélioration. En effet, la HAS constate le
problème d’acceptabilité du dispositif, identifie plusieurs difficultés à surmonter et
propose plusieurs pistes pour renforcer l’acceptabilité du dispositif. En voici un
aperçu commenté.
de la démarche, sauf si les incitations portent sur le fait d’initier une démarche
d’amélioration de la qualité et pas sur la mesure de la performance elle-même. Or un
des problèmes fréquemment mis en avant par les organisations professionnelles par
rapport à la mise en place de l’EPP obligatoire est celui du financement du dispositif.
1. Selon le discours de madame Roselyne Bachelot aux journées de la HAS, le 17 décembre 2007.
Les questionnements et les pistes de solutions de la HAS 77
plissent leur formation et plus tard débutent leur exercice professionnel, tout cela
s’est profondément modifié.
«Divers événements sont survenus, qui pour certains ont entamé la confiance que
le public pouvait placer dans la médecine; de plus, les valeurs traditionnelles sur
lesquelles était fondé le comportement des médecins sont remises en cause chaque
jour, ce qui ne manque pas d’avoir des conséquences dans l’exercice et plus large-
ment la vie au quotidien. En réalité, les “points de repère” qui définissaient le
périmètre de l’exercice médical doivent être reconsidérés.»
C’est donc bien d’une sorte de refondation de l’exercice médical qu’il semble
devoir être question.
Dans ce contexte, deux nouvelles obligations pesant sur les épaules des médecins
sont actuellement mises en œuvre.
On peut espérer que les modalités d’application de ces deux obligations tendent à
une coordination et à une simplification optimales.
60 dernières années, c’est-à-dire notamment les pays de l’OCDE. Et pour les méde-
cins, cette priorité se traduit en particulier par des obligations soit de formation
continue, soit d’évaluation des pratiques ou des compétences, soit de (re) certifica-
tion, soit encore d’autres formes d’encadrement de l’exercice, les «soit» n’étant pas
exclusifs les uns des autres. S’agissant des médecins, singulièrement en France, il
s’agit de contraintes qui ne sont pas faciles à accepter. En effet, rien dans leur forma-
tion initiale en faculté ou à l’hôpital ne les a préparés à cette évolution. D’où
l’ardente nécessité d’en parler aux étudiants d’aujourd’hui de la manière la plus posi-
tive possible;
— ensuite, le débat en cours, qui porte sur les fondements de l’exercice médical.
Pour beaucoup, l’exercice clinique continue de se dérouler dans le cadre du colloque
singulier où s’exprime la liberté du choix réciproque du patient et de son médecin.
Pour d’autres, l’exercice médical devrait – sans renier la dimension personnelle – de
plus en plus évoluer vers la mise en œuvre de «recommandations de bonne
pratique», incluses dans des schémas d’organisation de la prise en charge des
malades, faisant intervenir des équipes pluriprofessionnelles;
— enfin, il est de plus en plus généralement admis que la qualité des soins admet
deux composantes principales:
• d’abord, bien sûr, une composante liée à la compétence individuelle de chaque
médecin et plus largement de chaque professionnel de santé;
• ensuite, une composante correspondant à l’organisation du système de soin et
des diverses structures et administrations qui contribuent à son fonctionnement.
Cette seconde composante a été longtemps méconnue par les médecins. Elle
était cependant portée par les gestionnaires et financeurs du système de santé
eux-mêmes en miroir, insuffisamment attentifs aux points de vue des
médecins.
L’enjeu d’aujourd’hui est donc que ces deux composantes, compétence indivi-
duelle et organisation efficiente, voient leurs effets se cumuler au bénéfice de la
qualité du service rendu aux patients [3].
C’est dans ce sens que les Britanniques, depuis quelques années, ont promu le
concept de «clinical governance» pour accroître l’efficacité de leur National Health
Service (NHS).
C’est également dans ce sens que les Hollandais [4], synthétisant des travaux
menés des deux côtés de l’Atlantique, nous invitent à poursuivre en proposant l’inté-
gration des deux approches portées pour la première par les cliniciens et pour la
seconde par les managers. En réalité, cette invitation est plutôt impérative, en aval du
constat qu’ils font du gouffre (d’un abîme, chasm en langue anglaise) existant entre les
deux approches: «De nombreuses initiatives distinctes contribuent à améliorer les
différentes composantes de la qualité. Au moyen des recommandations de pratique et
des audits, les cliniciens développent la dimension “evidence-based” de leur activité.
De leur côté, les managers et les qualiticiens organisent les procédures d’accréditation
ou de certification, tandis que d’autres gestionnaires/managers s’impliquent dans les
systèmes d’information médicalisée ou de rationalisation des ressources. La plupart du
temps, cependant, toutes ces initiatives sont conduites séparément et les équipes
travaillent chacune pour elle-même, dans l’ignorance des autres.»
88 Le point de vue de la HAS
Se posent ensuite des questions d’ordre technique: comment faire pour réaliser
l’évaluation des pratiques médicales?
Au cours des 50 dernières années, deux écoles de pensée se sont intéressées à cette
question, de manière indépendante l’une de l’autre.
Il y a eu d’une part l’approche managériale développée autour des travaux réalisés
par les «qualiticiens».
Cette approche s’est appliquée au monde de l’entreprise industrielle, commerciale,
puis de plus en plus au secteur des services. Elle consiste principalement à formaliser
les procédures ou les processus suivis, à établir des standards et à s’assurer que les
productions sont autant que possible conformes aux standards (ce qui inclut évidem-
ment l’analyse des éventuelles erreurs).
Il y a eu d’autre part l’approche pédagogique, développée autour des travaux
réalisés par les medical educators de culture anglo-saxonne. Cette approche s’est
appliquée aux médecins en formation initiale ou continue, dès lors que l’objectif s’est
déplacé de la traditionnelle évaluation des connaissances vers celle plus délicate des
compétences. Différents programmes expérimentaux d’analyse du comportement
professionnel et de description des compétences avaient alors été réalisés au cours de
la décennie 70/80 par des pionniers comme Christine McGuire ou Howard Barrows,
mais ces recherches étaient restées cantonnées dans le champ limité de la pédagogie,
sans relation avec le fonctionnement du système de soin.
C’est précisément la convergence entre ces deux approches, jusque-là ignorantes
l’une de l’autre, qui est en train de se réaliser.
En témoignage de cette convergence, on trouve, par exemple, une équipe
d’universitaires et de gestionnaires de la santé travaillant sur la côte ouest des États-
Unis.
Cette équipe a entrepris depuis une dizaine d’années d’analyser la pratique des
médecins au moyen de diverses approches [5,6].
Ont ainsi été comparées:
— des consultations menées avec des malades simulés;
— des données consignées par les médecins dans leurs dossiers (après chaque
consultation);
— la résolution de cas cliniques.
Bien entendu, les cas cliniques (que nos collègues américains appellent vignettes)
étaient élaborés exactement sur les mêmes thèmes (BPCO, dépression, diabète) et
selon les mêmes caractéristiques que les scénarios appris par les malades simulés.
Les conclusions des auteurs sont enthousiastes: à très peu de choses près, la réso-
lution de cas cliniques donnerait une appréciation aussi valide et fiable de la
performance des médecins que les data issues des consultations menées avec des
patients simulés ou extraites des dossiers médicaux correspondants. Des réserves
peuvent naturellement être faites sur ces résultats [7].
Plus généralement, on peut également conclure que dans la plupart des cas, ce ne
sont ni les seules approches managériales, pas plus que les seules approches pédago-
giques qui pourront permettre la mise en œuvre d’une politique mature d’évaluation
des pratiques médicales.
Cette limite avait été utilement soulignée par les auteurs d’une analyse publiée
dans le JAMA en septembre 2004.
L’évaluation des pratiques: un moyen de primer la qualité 89
Les auteurs de cette analyse [8] sont des membres actifs et influents de l’ABIM
(American Board of Internal Medicine), qui regroupe aux États-Unis plus de 200 000
des 700 000 médecins actifs.
Ils font le constat que les médecins américains sont plutôt en retrait au sein du
mouvement d’amélioration de la qualité des soins. Ce retrait s’explique selon eux par
deux motifs principaux.
Le premier motif concerne l’évolution récente de la politique de qualité des soins
aux États-Unis.
Elle a été avant tout marquée par la publication en 1999 d’un rapport [9] élaboré
par l’Institute of Medicine et intitulé To Err Is Human. L’un des points soulignés par
ce rapport était l’importance d’une iatrogénie à l’origine d’une létalité conséquente
(et potentiellement évitable) dans les hôpitaux américains.
En conséquence, des actions concertées avaient été engagées; elles étaient fondées
sur l’identification des six composantes suivantes, dont l’ensemble constituait la
qualité des soins: la sécurité, l’efficacité, l’efficience, la juste adaptation (opportu-
nité), l’équité, et bien entendu l’importance centrale accordée au patient. Mais dans la
réalité, la plupart des actions correctrices ont été ciblées sur la sécurité des soins et les
modifications engagées ont surtout concerné les systèmes et les organisations, et non
les médecins eux-mêmes, qui sont donc restés au second plan.
Le second motif concerne les difficultés signalées par les experts de l’ABIM pour
évaluer et garantir les compétences des médecins américains.
Cet aspect renvoie à la politique de recertification professionnelle (régulièrement
promue par l’ABIM depuis 1936!) et qui avait été instituée avec le premier Board
d’ophtalmologie dès 1917.
Depuis lors, l’ABIM a constamment tenté d’améliorer la validité et la fiabilité
(voir Annexe) de ses procédures conduisant à la recertification, sans pour autant
parvenir à un résultat satisfaisant.
Ainsi, la mesure de la qualité des prestations de chaque praticien pris individuelle-
ment reste considérée comme un défi, en dépit des procédures de plus en plus lourdes
et complexes. Aujourd’hui, ces procédures associent la démonstration d’activités de
formation continue et d’(auto-) évaluation, la vérification de la capacité cognitive de
résolution de problèmes cliniques et l’analyse de la performance en pratique clinique,
incluant l’avis d’autres professionnels et des patients.
Néanmoins, les résultats obtenus ne sont pas assez fiables pour que la qualité des
médecins américains puisse être, dans l’absolu, garantie.
Cela confirme à la fois l’intérêt et les limites des politiques de formation continue
et d’évaluation des compétences. En réalité, ces limites sont bien connues; elles ont
été signalées à maintes reprises au cours des 10 dernières années [10,11]. Il apparaît
en particulier que les efforts constants de formation et l’attention croissante portée à
l’évaluation restent très souvent sans effet durable dès lors qu’ils ne se traduisent pas
également par une réorganisation de l’exercice médical.
C’est précisément cette avancée – essentielle – qui vient d’être concrétisée par une
équipe de collègues universitaires américains.
Pour cela, ils ont étudié [12] les démarches et les données cliniques de près de
2 millions de patients suivis pendant une année dans près de 120 practice groups
(cabinets de groupe médical). Au terme de l’étude, il apparaît clairement que la prise
en charge des patients suivis dans des groupes fonctionnant de manière intégrée – où
90 Le point de vue de la HAS
les échanges entre les différents professionnels sont permanents, tout comme le
recours à des bases de données – est supérieure (sur la base de six critères de bonne
validité clinique) à celle de malades comparables pris en charge dans des cabinets où
les médecins travaillent de manière indépendante, isolée.
Bien entendu, de nombreux commentaires et limitations peuvent être adjoints aux
conclusions de cette étude.
Il reste que les médecins qui se sont engagés en France dans des modes d’exercice
rénovés, tels qu’ils s’imposent au sein des maisons médicales ou dans le cadre de
réseaux ayant pris l’habitude de constituer et d’exploiter des registres d’activité ou
encore dans les groupes de pairs, auraient pu anticiper les résultats publiés en
décembre 2006 dans Annals of Internal Medicine.
CONCLUSION
Ce constat doit encourager l’évolution vers une formation continue et une évalua-
tion des médecins qui ne seraient pas limitées à un dispositif constituant sa propre
finalité. Au contraire, formation permanente et évaluation sont les éléments constitu-
tifs de ces modes d’exercice rénovés – le cas échéant au sein d’équipes
multiprofessionnelles – dont on voit bien qu’ils représentent les conditions de
pratique pour l’avenir.
Dès lors, l’évaluation des pratiques, loin d’apparaître comme une obligation légale
à satisfaire, deviendra synonyme d’amélioration des conditions d’exercice et des
pratiques cliniques.
L’évaluation des pratiques: un moyen de primer la qualité 91
RÉFÉRENCES
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[10] DAUPHINEE WD. Assessing clinical performance: where do we stand and what might we
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[11] LANDON BE, NORMAND SL, BLUMENTHAL D, DALEY J. Physician clinical performance
assessment: prospect and barriers. JAMA, 2003; 290: 1183-9.
[12] MEHROTA A, EPSTEIN A, ROSENTHAL A. Do integrated medical groups provide higher-
quality medical care than individual practice associations? Annal Intern Med, 2006;
145: 826-33.
Évaluation: vade-mecum
L’évaluation est, dans le secteur de la santé tout comme dans celui de l’éducation
et de la formation, une préoccupation croissante. Cela tient sans doute à ce que les
moyens humains et matériels mis en œuvre sont de plus en plus conséquents et,
surtout, à cette heureuse évolution qui fait que l’analyse des effets produits par la
mise en jeu des moyens est désormais associée à tout programme d’action mené de
manière responsable.
Ainsi, il est aujourd’hui acquis que toute action inclut sa propre évaluation, ou
plus simplement que l’évaluation d’une action fait partie intégrante de cette action,
ou encore plus radicalement: il n’y a pas d’action sans évaluation.
Dès lors, il devient licite de s’intéresser à l’évaluation, à ses qualités, à ses caracté-
ristiques et à ses finalités; toutes choses qui ont été trop longtemps méconnues ou
négligées.
TROIS QUALITÉS
D’une manière quasi unanime [1-4], trois notions principales sont avancées, dès
lors que l’on discute des qualités que doit présenter, autant que possible, toute
évaluation.
Ces trois qualités sont sa validité, sa commodité et sa robustesse. Derrière ces trois
termes qui empruntent volontiers au langage familier se cachent une série de caracté-
ristiques métrologiques, le plus souvent d’inspiration anglo-saxonne. Traduites en
français, ces caractéristiques métrologiques s’expriment par un ensemble de néolo-
gismes, inégalement compréhensibles et quelquefois irritants pour le lecteur non
spécialiste.
À ce stade, il est essentiel de noter que ces trois qualités potentielles d’une évalua-
tion sont applicables aussi bien à l’échelle d’une institution (politique d’évaluation)
que d’une organisation (procédure d’…), que d’un programme particulier (instru-
ment d’…), ou même que d’un élément constitutif d’un programme
(critère/indicateur d’…).
— Parmi ces trois qualités, la commodité s’entend aisément. Elle renvoie à la
faisabilité – pour l’évaluateur – et à l’acceptabilité – pour l’évalué – que doit recher-
cher toute évaluation. Force est de reconnaître que cette commodité est trop souvent
négligée. C’est en particulier le cas lorsque le questionnaire (d’une évaluation) est
trop long, inutilement détaillé, ou bien, par exemple, quand l’utilisation de questions
«ouvertes» rend laborieux le traitement des données recueillies; c’est également le
cas quand l’objectif de l’évaluation déclenche la défiance ou provoque l’opposition –
plus ou moins larvée – de celui qui se sent mis sur la sellette.
96 Annexe
QUATRE CARACTÉRISTIQUES
l’évaluation formative, cette appréciation n’a pour seule finalité que de favoriser un
progrès permanent, à l’exclusion de toute autre utilisation, notamment sommative ou
sanctionnante. Ainsi, l’évaluation formative (formative assessment des Anglo-
Saxons) se traduit comme une approche dynamique, axée vers l’amélioration
continue de l’objet évalué.
— De son côté, l’évaluation sommative – dont la synonymie riche reconnaît les
termes de «finale» ou «certifiante» ou «sanctionnante» – a pour finalité la prise de
décision au terme d’une procédure d’évaluation. Ainsi, l’évaluation sommative se
traduit par le constat d’un état (par exemple la reconnaissance d’une compétence) à
un moment donné (vision statique ou stabilisée). C’est ce type d’évaluation – et les
menaces qui s’y rattachent en cas d’un résultat insuffisant – qui se trouve totalement
associé à notre culture dominante; d’où la difficulté d’envisager sans crainte
l’évaluation.
CRITÉRIÉE OU NORMÉE?
RÉFÉRENCES
[1] DAUPHINEE WD. Assessing clinical performance: where do we stand and what might we
expect? JAMA, 1995; 274: 741-3.
[2] LANDON B, NORMAND SL, BLUMENTHAL D, DALEY J. Physician clinical performance
assessment: prospects and barriers. JAMA, 2003; 290: 1183-9.
[3] CHOUDHRY NK, FLETCHER RH, SOUMERAI SB. Systematic review: the relationship
between clinical experience and quality of health care. Ann Intern Med, 2005; 142: 260-
73.
[4] CAMPBELL SM, BRASPENNING J, HUTCHINSON A. Research methods used in developing
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[5] LIEBERMAN D. Measuring the quality of colonoscopy. N Engl J Med, 2006; 355: 2188-9.
[6] LEE TH. Eulogy for a quality measure. N Engl J Med, 2007; 357: 1175-7.