Objet d’étude : Le texte théâtral et sa représentation, du XVIIè siècle à nos jours. La question de
l’homme dans les genres de l’argumentation du XVIè siècle à nos jours.
Lectures cursives :
20 novembre
Lectures analytiques :
2- Lucrèce Borgia, acte II, partie 1, scène 4, Victor Hugo : Lucrèce/Don Alphonse.
Activités complémentaires :
· Analyse d’extraits de la mise en scène du texte de Victor Hugo par David Bobee au Festival de
Grigan (2015)
· Corpus de textes autour de la question de la violence: Médée, acte I, scène 4 - Pierre Corneille
(1635), Lucrèce Borgia, acte II, première partie, scène 3 – Victor Hugo (1833), Les Bonnes, Genet, 1947
· Sujet de dissertation : Pour intéresser le public, un spectacle théâtral doit-il nécessairement
comporter des scènes violentes ? Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les textes du
corpus, les œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles.
· Sujet d’invention : Deux amis dialoguent après avoir vu la pièce Lucrèce Borgia. L’un pense que le
théâtre a vocation à faire naître des émotions, l’autre qu’il permet avant tout la réflexion. Rédigez ce
dialogue, sous forme d’une courte scène de théâtre, en inscrivant des didascalies pour guider le jeu des
comédiens. Soignez les arguments avancés par l’un et l’autre personnage en proposant des exemples
précis de pièces.
CREATION D’UN ATELIER DE THEATRE : Mise en scène d’extraits autour du mythe de Médée (Euripide,
Corneille, Gaudé) – travail sur la diction, la gestion de l’espace, la mise en scène chorale
ARGUMENT
Partie 1
Scène 1
A cause d'une femme qu'ils aimaient tous 2 : leur soeur, "cette femme monstrueuse".
Scène 2
-Apparition de Lucrèce masquée, elle est venue secrètement à Venise, laissant son mari le duc de
Ferrare à Spolète.
Gubetta raille ces bonnes résolutions : "Vous avez métamorphosé votre nom, vous avez métamorphosé
votre habit, à présent vous métamorphosez votre âme!"
-Gubetta sort, Lucrèce contemple son fils, pleure, ôte son masque, baise la main du jeune homme.
Projet de vengeance : cela tombe bien puisque Gennaro doit venir à Ferrare avec plusieurs de ses amis.
Scène 3
Jeppo, ami de Gennaro, a reconnu Lucrèce, il est inquiet pour son ami.
Scène 4
Gennaro et Lucrèce.
-Gennaro lui dit à quel point il aime sa mère, qu'il ne connaît pourtant pas.
-Gennaro confie à Lucrèce que le 1er jour de chaque mois, il reçoit une lettre de sa mère : ce à quoi il
tient le plus.Il montre une des lettres à Lucrèce. Elle lit, pleure.
Scène 5
-Ils rappellent tous les crimes que Lucrèce a commis contre leurs proches.
Maffio la démasque.
-Ils disent à Gennaro qu'elle est Lucrèce Borgia, Gennaro la repousse, elle s'évanouit.
Partie 2
Scène 1
-Lucrèce et Gubetta : elle expose son projet de vengeance contre les amis de Gennaro qui l'ont outragée
devant lui.
-Gubetta se fait passer pour un comte espagnol auprès des amis de Gennaro, il est devenu leur ami.
Scène 2
-Gubetta, seul, s'interroge sur l'identité de Gennaro auquel Lucrèce tient tant.
Ils craignent un danger : ils sont venus à Ferrare, en ambassade, sur ordre du sénat de Venise, alors
qu'ils ont offensé la duchesse de Ferrare, Lucrèce.
-Tous sont invités à souper chez la princesse Negroni : palais voisin du palais Borgia.
Scène 3
ACTE II : Le couple
Partie 1
Scène 1
Le duc de Ferrare prépare sa vengeance : envoie un serviteur chercher le poison des Borgia dans une
cachette secrète.
Scène 2
Elle lui rapporte l'acte odieux : on a mutilé son nom sur la façade du palais.
-Quiproquo : Lucrèce ne sait pas que c'est Gennaro, elle demande sa mort.
Scène 3
Effroi de Lucrèce.
Scène 4
Elle le flatte d'abord puis affirme qu'on n'est pas tenu de respecter ses serments.
Eloge de la miséricorde.
-Le duc ne cède pas, révèle à Lucrèce qu'il croit que Gennaro est son amant.
Scène 5
Il boit.
Scène 6
-Avant de partir, G. lui demande de jurer que ses "crimes ne sont pour rien dans les malheurs" de sa
mère.
Il la maudit.
Partie 2
Scène 1
-Rustighello, messager du duc, l'informe de la fuite de Gennaro et du contre-poison donné par Lucrèce.
Scène 2
-Maffio vient trouver Gennaro pour lui demander s'il ne veut pas venir au souper chez la princesse
Negroni.
Scène 1
-Dispute entre Gubetta et Oloferno (à propos d'un sonnet que ce dernier veut lire).
-Gennaro se mêle aux autres. Tous boivent du "vin de Syracuse", excepté Gubetta.
-Gubetta interprète sa "chanson à boire" adressée à St Pierre / en contrepoint en entend une procession
(prières des morts) dehors qui se rapproche peu à peu.Les lumières s'éteignent.
-Entrée des pénitents blancs et noirs : stupeur des convives qui comprennent le "piège affreux".
Scène 2
-Apparition de Lucrèce : "vous êtes chez moi"
Annonce aux convives qu'ils sont empoisonnés : vengeance de la scène du bal à Venise.
Scène 3
-Lucrèce implore sa grâce, Gennaro est sur le point de céder.Il entend la voix de Maffio, mourant. Il la
tue.
Hugo se regroupe avec quelques écrivains pour créer le cénacle. : le foyer du mouvement romantique.
Le Romantisme
Le règne glorieux de Napoléon Ier a pris fin et ils se sentent désoeuvrés, inutiles.
-La Nature
Se sentant inadapté à la société qui l'entoure, le poète trouve souvent réconfort dans la Nature.
Le poète lyrique
Les Contemplations : recueil consacré à sa fille Léopoldine, morte accidentellement très jeune.
Le romancier du peuple
*Notre-Dame de Paris
*Les Misérables
Le dramaturge romantique
Hugo rompt avec les codes du théâtre classique dans la préface de sa pièce : Cromwell
Il publie ensuite des drames romantiques qui ne vont pas sans choquer certains : Hernani, Ruy Blas,
Lucrèce Borgia.
Hugo devient républicain. Il est élu à l'Assemblée en 1848 : pronoce de nombreux discours engagé.
Les Misérables : Jean Valjean est condamné au bagne pour avoir volé un croûton de pain
*Pour l'éducation
-Les jeunes romantiques prennent pour modèle Shakespeare, pour plusieurs raisons :
*Il varie les genres, enfreint les règles des unités de temps et de lieu, envisage tous les aspects de la
nature humaine ("sublime et grotesque)
Après la 1ère de la pièce, violente opposition entre les tenants du Classicisme et les défenseurs du
Romantisme naissant.
Cette bataille consacre la victoire des Romantiques.
*Vigny : Chatterton
I) Un théâtre en rupture
*Refus de la règle des 3 unités : les romantiques veulent se libérer de la forme et refusent cette règle car
elle étouffe, selon eux, le génie.
*Refus de la règle de bienséance : par souci de réalisme, les romantiques veulent montrer sur scène ce
qui existe (meurtres, suicides, duels...)
Les romantiques refusent cette illusion de faire vrai au nom de l'imagination et de l'expression du génie.
Le drame bourgeois est pour les romantiques un théâtre moralisateur (le dénouement est toujours
moral).
1) L'esthétique du mélange
*"le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans ce monde, dans l'Histoire, dans l'homme,
tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette de l'art.
*Le mélange des genres : les romantiques prétendent qu'on peut écrire une pièce de théâtre en
mélangeant les tons, les registres.
Ils refusent ainsi qu'il n'y ait que du tragique dans une tragédie, que du comique dans une comédie.
D'où le mélange du "sublime" et du "grotesque" : comment mettre dans une même scène la tragédie et
la comédie?
2) Les personnages
*Des héros singuliers remplacent les personnages stéréotypés des XVIIème et XVIIIème.
Le héros romantique est un individu original qui évolue et dont le destin est illustré par la pièce.
Sa marginalité peut être sociale : Ruy Blas, un laquais amoureux d'une reine.
Le héros romantique est porté par ses désirs, ses défis, mais il rencontre la fatalité : il est sacrifié par
l'histoire et meurt.
3) Le rôle de l'Histoire
*Un théâtre critique de la société : le drame romantique représente les bouleversements politiques,
avec l'idée que le passe illustre le présent.
Cela permet aussi d'éviter la censure car les dramaturges masquent leurs allusions au présent par le
recours à l'Histoire.
4) Le déchirement amoureux
*La thématique amoureuse : élévation morale, lyrique mais qui est objet de tension.
Jeu, tension entre extériorité du héros romantique, qui se veut épique, et son intériorité, lyrique : la
furor du personnage.
5) La scénographie
Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle1, cette
antichambre, lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne
sait comment, les conspirateurs pour déclamer contre les conspirateurs, chacun à leur tour, comme s’ils
s’étaient dit bucoliquement :
Où a-t-on vu vestibule ou péristyle de cette sorte ? Quoi de plus contraire, nous ne dirons pas à la vérité,
les scolastiques en font bon marché, mais à la vraisemblance ?
Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local, pour se passer dans
l’antichambre ou dans le carrefour, c’est-à-dire tout le drame se passe dans la coulisse. Nous ne voyons
en quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l’action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes,
nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions. De graves personnages placés, comme le
chœur antique, entre le drame et nous, viennent nous raconter ce qui se fait dans le temple, dans le
palais, dans la place publique, de façon que souventes fois nous sommes tentés de leur crier : «Vraiment
! mais conduisez-nous donc là-bas! On s’y doit bien amuser, cela doit être beau à voir ! » [ ... ]
L’unité de temps n’est pas plus solide que l’unité de lieu. L’action, encadrée de force dans les vingt-
quatre heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée propre comme
son lieu particulier. Verser la même dose de temps à tous les événements ! appliquer la même mesure
sur tout ! On rirait d’un cordonnier qui voudrait mettre le même soulier à tous les pieds. Croiser l’unité
de temps à l’unité de lieu comme les barreaux d’une cage, et y faire pédantesquement entrer, de par
Aristote3 tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la providence déroule à si grandes
masses dans la réalité ! c’est mutiler hommes et choses, c’est faire grimacer l’histoire. Disons mieux :
tout cela mourra dans l’opération; et c’est ainsi que les mutilateurs dogmatiques4 arrivent à leur
résultat ordinaire : ce qui était vivant dans la chronique est mort dans la tragédie. Voilà pourquoi, bien
souvent, la cage des unités ne renferme qu’un squelette.
Et puis si vingt-quatre heures peuvent être comprises dans deux, il sera logique que quatre heures
puissent en contenir quarante-huit.
2. Citation du poète latin Virgile (Bucoliques, III, 59) : « Chantons en couplets alternés ; les Camènes
(Muses) aiment l’alternance. »
3. Philosophe grec, auteur de la Poétique, qui donne des règles de création littéraire.
La bataille d'Hernani
-La "claque", groupe de spectateurs payés pour applaudir aux endroits stratégiques des pièces, chargés
aussi d'expulser les spectateurs trubulents. Ils sont des proches des dramaturges classiques.
-Hugo, pour la 1ère, décide de se passer de leurs services et recrute sa propre "claque" : "l'armée
romantique".
Ensuite, le climat se tend. Le 10 mars, le public en vient aux mains, la police doit intervenir.
Rodrigo Borgia est nommé cardinal en 1456 par son oncle, le pape Calixte III.Son adresse redoutable fait
de lui un homme incontournable au Vatican.
Corrompu et débauché, il est élu pape en 1492 après avoir acheté les voix de nombreux cardinaux.
Dès lors, il ne songe qu'à étendre son pouvoir. Il vit dans le luxe et la luxure.
Le poison des Borgia devient une arme redoutablement célèbre.
Ses 2 fils aînés se déchirent : César fait assassiner son frère Jean en 1497.
Après un 1er mariage annulé, elle épouse Alphonse d'Aragon, dont le meurtrier n'est autre que César.
Protectrice des arts, elle est alors une duchesse aimée de son peuple.
-Cette fille de pape semble donc être avant tout une victime des ambitions de son père et de ses frères.
Malheureuse en amour, elle s'éprend sans doute d'un valet dont elle a un enfant.En 1501, son père et
son frère reconnaissent tour à tour ce garçon comme étant leur fils.
Autour d'elle, la rumeur gronde alors : on en fait une femme incestueuse et diabolique, avide de
pouvoir, vraie incarnation de tous les péchés.
L'oeuvre d'Hugo
Pour cette salle dont le public est plus populaire que celui de la Comédie-Française, Hugo signe une
pièce en prose qui connaît un succès immédiat.
-Raisons du succès :
*Elle n'est pas immorale car Lucrèce est une femme étrangère de la fin du Moyen Age, il ne s'agit pas
d'un souverain français : pas comme François Ier dont le comportement est dénoncé dans Le roi
s'amuse. Cette pièce qui précède Lucrèce a été considérée comme immorale.
Extraits de la Préface
Horreur et sublime
-"Qu'est-ce que Lucrèce Borgia? Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus
complète; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le coeur d'une femme, avec toutes les conditions de
beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à
toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment
maternel; dans votre monstre mettez une mère; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et
cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux."
Le grotesque et le sublime
-"Il (poète) laissera quelquefois le carnaval débraillé chanter à tue-tête sur l'avant-scène; mais il lui
criera du fond du théâtre : memento quia pulvis es (Souviens-toi que tu es poussière)."
Le drame qu'il rêve et qu'il tente de réaliser pour toucher à tout sans se souiller à rien. Faites circuler
dans tout une pensée morale et compatissante, et il n'y a plus rien de difforme ni de repoussant. A la
chose la plus hideuse mêlez une idée religieuse, elle deviendra sainte et pure."
La "mission" du théâtre
-"Le théâtre, on ne saurait trop le répéter, a de nos jours une importance immense, et qui tend à
s'accroître sans cesse avec la civilisation même. Le théâtre est une tribune. Le théâtre est une chaire. Le
théâtre parle fort et parle haut."
-"(...) le drame, sans sortir des limites impartiales de l'art, a une mission nationale, une mission sociale,
une mission humaine."
-"Le poète aussi a charge d'âmes. Il ne faut pas que la multitude sorte du théâtre sans emporter avec
elle quelque moralité austère et profonde."
*Le pouvoir
Le pouvoir monarchique, subverti et avili, est placé au rang de l'orgie (cf "Orgia" au lieu de Borgia).
Les vertus sont rabaissées au rang des vices : "Si nous devenions; vous une bonne femme, et moi un bon
homme, ce serait monstrueux" (Gubetta, Acte I, 2ème partie, scène 1).
Pratiques qui frôlent le grotesque dans la pièce, comme les contrepoisons, les papes qui ont des enfants
ou encore la "moralité" de certains "nobles" qui peuvent tuer sans discernement, mais qui, en même
temps, tiennent à ce que leur nom ne soit pas souillé publiquement.
"Il y a deux choses qu'il n'est pas aisé de trouver sous le ciel, c'est un italien sans poignard, et une
italienne sans amant" (Acte II, 2ème partie, scène 1).
-L'amour maternel, la vertu / l'inceste : ressort du sublime
C'est ce qui permet au personnage de Lucrèce d'accéder par moments au rag d'héroïne tragique.
-Héros et anti-héros
"nous nous sommes jurés de nous aider en périls comme en amour, de nous venger l'un l'autre quand
besoin serait" (I, 1)
Pour eux, il n'y a pas de vertu plus sacrée que l'honneur et la loyauté.
Des valets corruptibles occasionnellement ("Son valet, que la duchesse avait gagné, est à présent gagné
par moi", II, 2ème partie, scène 1).A ceux qui sont fondamentalement vicieux : Gubetta, alias le comte
de Belverana. Pour lui, la pratique du mensonge, de la ruse, de l'espionnage et du meurtre est courante.
"j'ai l'honneur d'être le contraire d'un personnage vertueux" (Acte I, 2ème partie, scène 1).
Lucrèce appartient elle aussi à cette catégorie d'être dépravés et immoraux.Par contre, la rencontre
avec son fils la "métamorphose". Elle veut alors se repentir de tous ses péchés : "j'ai hâte de racheter
mon passé, de laver ma renommée" (Acte I, 1ère partie, scène 2).
Mais elle est allée trop loin dans ses manipulations pour faire marche arrière.
Introduction
-Extrait constitue la scène d'exposition : présente 5 jeunes seigneurs, dont Gennaro, personnage
principal.Les jeunes gens discutent de l'assassinat de Jean Borgia, dont la famille est détestée par le
peuple.
I) Présentation de Gennaro
Les 2 hommes sont très fortement liés : "Tu m'as sauvé la vie à Rimini, je t'ai sauvé la vie au pont de
Vicence" (l21-22).
On s'attendrait à ce que Gennaro réponde à cet éloge par celui de son ami, mais il n'en est rien.
Didascalie qui suit la tirade : "Il se jette dans un fauteuil, dans l'attitude de quelqu'un qui va dormir".
*Un orphelin
Thème classique du héros orphelin qui doit compter sur ses propres capacités plutôt que sur un héritage
avantageux.
Dès sa 1ère évocation, elle est qualifiée de "famille de démons" (l81) : diabolisation.
Dans son récit, Jeppo évoque le fratricide des frères Borgia, crime inhumain au possible, rappelant le
péché de Caïn dans la Bible.
*L'amour incestueux
Dibolisation faite de la famille Borgia fait d'emblée planer une menace sur cet enfant, puisque les crimes
familiaux sont courants chez les Borgia.
Le lecteur fait intuitivement le lien entre Gennaro et les Borgia.
Contraste entre la fête donnée dans le palais et les discours sombres et inquiétants.
Champ lexical de l'obscurité et de la nuit. Présence d'une musique "lugubre" (didascalie initiale).
*Effet de mise en abyme avec le récit de Jeppo : "une lugubre aventure" (l75), racontée dans une
atmosphère lugubre.
*Réplique de Jeppo : "Et connaissez-vous une créature humaine qui soit sûre de vivre quelques
lendemains dans cette pauvre Italie avec les guerres, les pestes et les Borgia qu'il y a!" (l127-129).
Conclusion
Dona Lucrezia, lui saisissant vivement le bras, et l'attirant près de Gennaro endormi.
Gubetta. Ce jeune homme n'est pas nouveau pour moi, et je sais bien que c'est après lui que vous
courez sous votre masque depuis que vous êtes à Venise.
Gubetta. Je dis que c'est un jeune homme qui dort couché sur un banc, et qui dormirait debout s'il avait
été en tiers1 dans la conversation morale et édifiante que je viens d'avoir avec votre altesse.
Gubetta. Il serait plus beau, s'il n'avait pas les yeux fermés. Un visage sans yeux, c'est un palais sans
fenêtres.
Dona Lucrezia. Si tu savais comme je l'aime!
Gubetta. C'est l'affaire de don Alphonse, votre royal mari. Je dois cependant avertir votre altesse qu'elle
perd ses peines. Ce jeune homme, à ce qu'on m'a dit, aime d'amour une belle jeune fille nommée
Fiametta.
Gubetta. Voilà qui est singulier et n'est guère dans vos façons. Je vous croyais plus jalouse.
Gubetta sort. Dona Lucrezia reste quelques instants comme en extase devant Gennaro; elle ne voit pas
deux hommes masqué qui viennent d'entrer au fond du théâtre et qui l'observent.
Dona Lucrezia, se croyant seule. C'est donc lui! Il m'est donc enfin donné de le voir un instant sans péril!
Non, je ne l'avais pas rêvé plus beau. Ô Dieu! Epargnez-moi l'angoisse d'être jamais haïe et méprisée de
lui; vous savez qu'il est tout ce que j'aime sous le ciel! Je n'ose ôter mon masque; il faut pourtant que
j'essuie mes larmes.
Elle ôte son masque pour s'essuyer les yeux. Les deux hommes masqués causent à voix basse pendant
qu'elle baise la main de Gennaro endormi.
Premier homme masqué. Cela suffit, je puis retourner à Ferrare. Je n'étais venu à Venise que pour
m'assurer de son infidélité; j'en ai assez vu. Mon absence de Ferrare ne peut se prolonger plus
longtemps. Ce jeune homme est son amant. Comment le nomme-t-on, Rustighello?
Deuxième homme masqué. Il s'appelle Gennaro. C'est un capitaine aventurier, un brave, sans père, ni
mère, un homme dont on ne connaît pas les bouts2. Il est en ce moment au service de la république de
Venise.
Deuxième homme. Cela se fera de soi-même, monseigneur; il part après-demain pour Ferrare avec
plusieurs de ses amis, qui font partie de l'ambassade des sénateurs Tiopolo et Grimani.
Premier homme. C'est bien. Les rapports qui m'ont été faits étaient exacts. J'en ai assez vu, te dis-je;
nous pouvons repartir.
Ils sortent.
Dona Lucrezia, joignant les mains et presque agenouillée devant Gennaro. Ô mon Dieu, qu'il y ait autant
de bonheur pour lui qu'il y a eu de malheur pour moi!
Gennaro, saisissant par les deux bras Lucrèce interdite. Un baiser! Une femme! Sur mon honneur,
madame, si vous étiez reine et si j'étais poète, ce serait véritablement l'aventure de messire Alain
Chartier3, le rimeur français. Mais j'ignore qui vous êtes, et moi, je ne suis qu'un soldat.
Introduction
Pièce conçue comme faisant un ensemble avec le drame romantique "Le roi s'amuse", représentée 1 an
avant.
A travers ces pièces, Hugo cherche à briser les codes du théâtre classique, avec le mélange des genres
notamment.
LB est ainsi une pièce d'apparence mélodramatique, typique du théâtre de la Porte-St-Martin, mais sous
laquelle se cache une tragédie.
-Pièce connaît un immense succès puisque le public visé est les classes populaires, contrairement aux
pièces de la Comédie-Française qui s'adressent aux aristocrates.
-Pièce met en scène le personnage historique de Lucrèce Borgia, qui donna lieu à un véritable mythe
auprès des artistes (cf séance 3).
*enfin, le bref échange entre Lucrèce et Gennaro. Le tout se terminant par la fuite de Lucrèce suivie par
son fils.
Pbmatique : En quoi cette scène illustre-t-elle l'esthétique du contraste, chère au drame romantique?
*Vivacité des actions : 1ère didascalie, "lui saisissant vivement le bras" (l1)
*Admiration
"Quelle noble figure" (l19) : permet d'évoquer à la fois la beauté physique mais aussi la grandeur morale
du personnage. Jeu sur le double sens du terme.
Didascalie : "contemplant Gennaro" (l19), terme à prendre dans son sens étymologique fort : du latin
"templum", l'espace sacré.
Didascalie reoublée et encore renforcée par celle de l42 : "joignant les mains et presque agenouillée
devant Gennaro". Attitude de prière, de vénération. Mais cela peut aussi évoquer l'attitude de Marie à la
descente de Croix.
*Amour
Aveu (l11) qui frappe par sa brièveté, et sa rapidité : intervient très tôt dans la scène et en présence d'un
autre personnage, certes son homme de main.
Prière : "Ô mon Dieu, qu'il y ait autant de bonheur pour lui qu'il y a eu de malheur pour moi" (l42-43).
Antithèse + exclamation + interjection qui renforcent intensité des sentiments.
Tout ceci contraste très fortement avec l'image de la "femme monstrueuse" donnée par Jeppo dès la
scène 1 (l92) ou encore par Gubetta dans le début de la scène 2.
L'effet de contraste repose sur un quiproquo : Gubetta pense que Lucrèce est amoureuse de Gennaro.
Il désamorce la noblesse des propos et des sentiments de l'héroïne, en les faisant retomber dans le
trivial.
-Gubetta
"c'est après lui que vous courez" (l3-4), "c'est l'affaire de don Alphonse" (l12)
Usage de formules faussement poétiques : "Un visage sans yeux, c'est un palais sans fenêtres" (l9-10)
L'échange s'arrête brusquement : intuition de Gubetta qui perçoit ressemblance entre la mère et le fils.
Mais Lucrèce ne lui laisse pas le temps de formuler son intuition (l21) : impératifs brusques.
-Ce jeu de quiproquo et de contraste se répète ensuite avec les 2 hommes masqués.
*Trivialité de l'expression
Esthétique de la nuit dans la littérature romantique : "Les Nuits", Musset; "Ballade à la lune"...
-La lune est le moment de l'amour, du mystère.Mais aussi des actes qu'on peut et doit dissimuler : scène
d'enlèvement et de meurtre dans "Le roi s'amuse", fête nocturne dans le palais des Negroni au
dénouement.
2) Révélation et dissimulation
Le personnage de Lucrèce
-Lucrèce est masquée mais elle se révèle, au sens propre : elle ôte son masque à cause des larmes.
Insistance sur ce geste éminemment symbolique : didascalie interne (l26-27) qui annonce et redouble la
didascalie qui suit.
-Son amour va jusqu'à se traduire dans les gestes : "elle baise la main de Gennaro endormi" (l29) puis
"Elle dépose un baiser sur le front de Gennaro".
L'amour est ici mis à nu, mais pour être aussitôt à nouveau dissimulé, à cause du brusque réveil du jeune
homme.
*Ni par Gennaro qui pense à une histoire d'amour : 2 phrases nominales exclamatives (l45)
Même lorsqu'elle se démasque, Lucrèce n'est jamais comprise, elle ne parvient pas à sortir de l'image
que les autres ont d'elle.
Le personnage de Gennaro
-Gennaro : ne se dissimule pas, au contraire, il s'offre au regard.-Mais le paradoxe est qu'il est un
mystère pour tous (sauf Lucrèce) : Gubetta, les hommes masqués et pour lui en particulier.
Il se définit comme un "soldat" (l47), définition fort incomplète.Toute la pièce consistera d'ailleurs en la
découverte de son identité qu'il ne connaîtra qu'à la dernière réplique.
3) Fonction dramatique
Il part peu après pour Ferrare (l37-38) : lieu de tous les dangers puisque le duc Alphonse est le maître de
Ferrare.
-Présence aussi de l'ironie tragique.Lucrèce n'a qu'un souhait : "Ô Dieu! Epargnez-moi l'angoisse d'être
jamais haïe et méprisée de lui" (l25-26).
Or, non seulement elle sera haïe de Gennaro mais elle sera poignardée par lui.
Le dieu qu'elle invoque est-elle le dieu chrétien plein de miséricorde ou le dieu implacable de la tragédie
antique?
La toile de Girodet
Endymion, berger, considéré comme le plus beau des mortels selon la mythologie.
Junon, qu'il a offensée, le punit en le plongeant dans un sommeil de 30 ans, au cours desquels il
conservera toutefois sa jeunesse.
Il reçoit ici la visite de la déesse Diane.La chaste déesse a été séduite par sa beauté et elle le rejoint
chaque nuit sous la forme d'un rayon lumineux.
Points de rencontre
*Esthétique commune : la nuit, le mystèreGirodet est un peintre pré-romantique qui fut d'ailleurs
admiré par les romantiques.
NB : les Atrides, dans la mythologie grecque, est une famille maudite par les dieux. Leur destin sera
marqué par le meurtre, le parricide, l'infanticide et l'inceste.
Est-il mort (blancheur cadavérique chez Girodet, position du corps comparable à une descente de croix)
ou endormi?
La question se pose d'autant plus que Gennaro endormi préfigure ici sa propre mort, entouré de sa
mère qui l'empoisonnera et de Gubetta qui permettra la vengeance du duc.
Introduction
-Passage fait suite à la 1ère rencontre entre Lucrèce et son fils.Entre-temps, Maffio et Jeppo sont
apparus, inquiets car eux ont reconnu Lucrèce.
-Le passage repose encore sur le quiproquo : Gennaro ignore identité de celle qu'il a en face de lui.
Quiproquo qui sera levé dans la scène suivante, où Maffio révèlera la vérité à Gennaro provoquant sa
répulsion.
Le pathétique de cette confrontation mère / fils.
Le pathétique permet de communiquer ses sentiments à Gennaro, mais aussi et surtout de susciter
l'émotion du lecteur.
-Les larmes
-Impossibilité de révéler sa vraie identité. Lucrèce utilise alors le lexique de la souffrance pour dire son
mal-être p 77 « ayez pitié des méchants »
-Symbole du masque : face à son fils, Lucrèce est capable de retirer son visage artificiel, révélant ses
sentiments purs.Cependant, à l'arrivée des autres personnages, elle "remet son masque
précipitamment" (l496), se dissimulant à nouveau. Dédoublement de Lucrèce (tutoiement au moment
où elle enlève son masque alors qu’elle le vouvoie quand elle est masquée)
-Etrange complicité qui s'établit d'emblée entre les 2 personnages. « je ne sais pas pourquoi j’ai une
pente à me confier à vous »
Propos qui résonnent de façon troublante aux oreilles du lecteur, qui lui, sait tout : "il me semble que
vous n'êtes pas pour moi la première venue."
-Gennaro ne connaît pas l'identité de celle à qui il parle, il dissocie donc les 2 femmes que sont Lucrèce
et sa mère.
Ce qui donne lieu à des passages étranges : il traite Lucrèce d'"infâme" en sa présence
Dimension tragique de ce quiproquo puisque Lucrèce est tout ce qu'il déteste : "Je n'ai pas pitié de qui
est sans pitié."
Don Alphonse. Tenez, madame, je hais toute votre abominable famille de Borgia, et vous toute la
première, que j'ai si follement aimée! Il faut que je vous dise un peu cela à la fin, c'est une chose
honteuse, inouïe et merveilleuse de voir alliées en nos deux personnes la maison d'Este, qui vaut mieux
que la maison de Valois et que la maison de Tudor, la maison d'Este, dis-je, et la famille Borgia, qui ne
s'appelle pas même Borgia, qui s'appelle Lenzuoli, ou Lenzolio, on ne sait quoi! J'ai horreur de votre
frère César, qui a des taches de sang naturelles au visage! De votre frère César, qui a tué votre frère
Jean! J'ai horreur de votre mère la Rosa Vanozza, la vieille fille de joie espagnole qui scandalise Roma
après avoir scandalisé Valence! Et quant à vos neveux prétendus, les ducs de Sermoneto et de Nepi, de
beaux ducs, ma foi! Des ducs d'hier! Des ducs faits avec des duchés volés! Laissez-moi finir. J'ai horreur
de votre père, qui est pape, et qui a un sérail de femmes comme le sultan des turcs Bajazet; de votre
père, qui est l'antéchrist; de votre père, qui peuple le bagne de personnes illustres et le sacré collège de
bandits, si bien qu'en les voyant tous vêtus de rouge, galériens et cardinaux, on se demande si ce sont
les galériens qui sont les cardinaux et les cardinaux qui sont les galériens! Allez maintenant!
Dona Lucrezia. Monseigneur! Monseigneur! Je vous demande, à genoux et à mains jointes, au nom de
Jésus et de Marie, au nom de votre père et de votre mère, monseigneur, je vous demande la vie de ce
capitaine.
Don Alphonse.Voilà aimer! Vous pourrez faire de son cadavre ce qu'il vous plaira, madame, et je
prétends que ce soit avant une heure.
Dona Lucrezia, se relevant. Ah! Prenez garde à vous, don Alphonse de Ferrare, mon quatrième mari!
Don Alphonse. Oh! Ne faites pas la terrible, madame! Sur mon âme, je ne vous crains pas! Je sais vos
allures. Je ne me laisserai pas empoisonner comme votre premier mari, ce pauvre gentilhomme
d'Espagne dont je ne sais plus le nom, ni vous non plus! Je ne me laisserai pas chasser comme votre
second mari, Jean Sforza, seigneur de Pesaro, cet imbécile! Je ne me laisserai pas tuer à coups de pique,
sur n'importe quel escalier, comme le troisième, don Alphonse d'Aragon, faible enfant dont le sang n'a
guère plus taché les dalles que de l'eau pure! Tout beau! Moi je suis un homme, madame. Le nom
d'Hercule est souvent porté dans ma famille. Par le ciel! J'ai des soldats plein ma ville et plein ma
seigneurie, et j'en suis un moi-même, et je n'ai point encore vendu, comme ce pauvre roi de Naples, mes
bons canons d'artillerie au pape, votre saint père!
Dona Lucrezia. Vous vous repentirez de ces paroles, monsieur. Vous oubliez qui je suis...
Don Alphonse. Je sais fort bien qui vous êtes, mais je sais aussi où vous êtes. Vous êtes la fille du pape,
mais vous n'êtes pas à Rome; vous êtes la gouvernante de Spolète, mais vous n'êtes pas à Spolète; vous
êtes la femme, la sujette et la servante d'Alphonse, duc de Ferrare, et vous êtes à Ferrare!
Dona Lucrezia, toute pâle de terreur et de colère, regarde fixement le duc et recule lentement devant
lui, jusqu'à un fauteuil où elle vient tomber comme brisée.
Ah! Cela vous étonne, vous avez peur de moi, madame, jusqu'ici c'était moi qui avais peur de vous.
J'entends qu'il en soit ainsi désormais, et pour commencer, voici le premier de vos amants sur lequel je
mets la main, il mourra.
-Passage marqué par une vive discussion entre Lucrèce et son mari Alphonse.
Après qu'un criminel a retiré le "B" de la maison Borgia, Lucrèce est devenue folle de rage, exigeant la
mort de ce dernier.
Apprenant qu'il s'agit de son fils caché, elle fait tout pour dissuader son mari d'accéder à sa requête.
Exercice
*"Ah prenez garde à vous, don Alphonse de Ferrare, mon quatrième mari"
Polysémie de cette phrase, puisque don Alphonse ignore tout de l'identité de Gennaro, et donc de
Lucrèce.
Lucrèce est-elle encore maître du jeu?
En quoi ce passage montre-t-il l'opposition entre 2 Lucrèces? La criminelle dessinée par les répliques de
son mari et la mère brisée et suppliante qui agit dans cette scène.
I) Un archétype de la monstruosité
Dans la littérature antique de l'éloge, panégyrique consiste à parler des ancêtres et de la famille pour
informer sur la noblesse des personnages. Ici, c'est l'exact inverse : ancêtres dégénérés.
-Portrait tout entier sous le signe de la véhémence : lexique du haut degré, procédés de l'accumulation,
anaphores, répétitions, exclamations, ampleur des phrases.
Formule d'annonce : "votre abominable famille de Borgia" : adjectif au sens fort + complément
dépréciatif "de Borgia".
Anaphore de la formule "J'ai horreur" (l5, 7, 10) qui rythme la tirade comme un leitmotiv.
*Jeu d'opposition
Duc présente son alliance avec Lucrèce comme "une chose honteuse, inouïe et merveilleuse" (qui relève
de l'étrange) : gradation qui insiste sur le caractère contre-nature de cette alliance.
Noblesse de la lignée du duc : répétition de l'expression "la maison d'Este" + comparaisons à la maison
des Valois et des Tudor (l4).
Le fratricide : "De votre frère César, qui a tué votre frère Jean"
Formulation concise qui permet de rapprocher les 2 termes "frères", pour faire ressortir l'aspect contre-
nature de ce meurtre.
La mère de Lucrèce : "vieille fille de joie espagnole qui scandalisa Roma après avoir scandalisé Valence"
(l7-8).
Raccourci efficace qui recourt à la métonymie (Rome, Valence) pour amplifier la débauche du
personnage.
Répétition insistante du titre "ducs" pour mieux montrer qu'il est usurpé.
*Un personnage semble concentrer tous ces vices : le père de Lucrèce.Encore plus scandaleux puisqu'il
est pape!
Ceci aboutit à la confusion la plus totale, sorte de chaos : confusion entre les opposés, "cardinaux" et
"galériens" (l13).
2) Une criminelle
Mais Lucrèce est en fait la 1ère visée par cette série de portraits : "et vous toute la première" (l1-2).
La 2ème tirade du duc (l23-31) est une énumération des crimes commis par Lucrèce cette fois.L'étau se
resserre sur elle.
*Anaphore à nouveau qui structure la réplique : "Je ne me laisserai pas" (l24, 25, 26)
Mépris du duc envers ceux qui se sont laissés duper par Lucrèce.
Par opposition, le duc affirme sa force et sa puissance.Insistance avec le pronom "Moi" (l28) +
affirmation "je suis un homme"
Certaines répliques du duc montrent que Lucrèce lui obéit, c'est lui qui mène le dialogue : usage
d'impératifs.
Les répliques de Lucrèce sont particulièrement courtes : formule très condensée de la l19, phrase
nominale, comme un cri.
-Posture d'infériorité
-Prière retardée par les figures que Lucrèce invoque pour donner du poids à sa requête.
"au nom de Jésus et de Marie, au nom de votre père et de votre mère" (l15) : religion puis sphère
privée.
Le fait qu'elle nomme le duc "don Alphonse de ferrare" s'avère contradictoire avec la menace puisque, à
Ferrare, le duc est tout puissant.
D'ailleurs, le duc raille sa femme : "Ne faites pas la terrible, madame!", infantilisation et moquerie.
-2nde "menace" : prolepse d'un repentir pour le duc, mais la réplique s'interrompt.
-Didascalie finale (l36-37) consacre la défaite de Lucrèce.Privée de parole, son attitude traduit son
désarroi.
Mélange des sentiments : "toute pâle de terreur et de colère", mais une colère impuissante!
Elle "recule", symboliquement, bat en retraite.Attitude finale : "elle vient tomber comme brisée" :
deshumanisation.
-Réplique du duc qui clôt l'extrait consacre sa victoire : jeu de reprise et inversion sur l'expression "avoir
peur".
3) Le tragique
Lucrèce est comme victime d'une force supérieure :
*elle est prisonnière d'une impasse, dont la ville de Ferrare est la métaphore.
Réplique du duc (l33-35) : résume l'impasse dans laquelle Lucrèce se trouve.Série de propositions qui
s'opposent (anaphore du "mais") pour mieux montrer l'impuissance du personnage.
Conclusion
Passage qui annonce l'issue tragique de la pièce et place la relation entre Lucrèce et Gennaro sous le
signe de la fatalité.
Introduction
-Le dénouement approche. Lucrèce a fomenté sa vengeance de l'humiliation qu'elle a subi en présence
de Gennaro à Venise (Acte I, Partie 1, scène 5).
Le piège se referme sur Gennaro et ses amis dans une scène symétrique de celle de l'Acte I : un souper
dans le palais des Negroni, atmosphère de "fête" à nouveau.
Tous les convives, excepté lui, ont bu le fameux poison des Borgia.
Dimension tragique aussi de ce passage, puisque Lucrèce a, sans le savoir, empoisonné son fils, alors
qu'elle venait de le sauver de la mort.
I) Une scène spectaculaire
-L'univers de la fête : un monde clos, à part. Au milieu duquel surgit brusquement la mort.
Ce contraste est annoncé par le titre de l'acte III : "Ivres morts". Jeu sur le double sens du terme "morts",
à prendre dans son sens propre ici.
-Entrée en scène de Lucrèce : "paraissant tout à coup, vêtue de noir, au seuil de la porte".
Ceci apparent la pièce à un mélodrame dans lequel un accompagnement musical est présent.
-Jeu d'échos très net entre cette scène et celle qui a provoqué le désir de vengeance : l'affront fait à
Lucrèce (I, Partie 1, scène 5).
"Vous m'avez donné un bal à Venise, je vous rends un souper à Ferrare. Fête pour fête, messeigneurs!"
(l307-308) : ironie mordante.
Liste des crimes commis par Lucrèce : Hugo prend des libertés avec ses sources historiques (Tomasi en
particulier), en rendant Lucrèce reponsable de l'ensemble des crimes, omettant le rôle prépondérant de
César Borgia.
Variation sur les termes désignant la mort, virtusoité dans le crime : "poignarder", "assassiner",
"empoisonner", "étrangler", "décapiter", "égorger".
Rhétorique de l'énumération, renforcée par les noms propres qui semblent autant d'exploits pour
Lucrèce.
Elle se venge d'un outrage horrible mais il s'agit d'une vengeance froide, sadique.
Jouissance de Lucrèce dans son crime : "A mon tour maintenant, à moi de parler haut et de vous écraser
la tête du talon!" (l296-297).
Ironie glaçante aussi : "Soyez tranquilles" (l320) ou "J'ai eu soin de vos corps" (l324).
-Mais cette vengeance est aussi l'oeuvre d'une femme humiliée qui n'a aucun autre moyen pour se
défendre dans cette société d'hommes.
"Pardieu! Il me semble que je me venge (...) Ceci n'est point mal, je crois! - Hein? Qu'en pensez-vous?
Pour une femme!" (l314-315)
En tant que femme, a-t-elle d'autre moyen que la violence pour se venger?
Commme le dit le metteur en scène Lucie Berelowitsch : "Si Lucrèce est monstrueuse, peut-être est-ce
avant tout un effet de la monstruosité de ces hommes autour d'elle, de ses frères et de son père le
pape, et lorsqu'elle aspire à une rédemption possible, elle est ratrappée par son nom, son histoire, par
ce qu'elle représente dans la société."
-En effet, Lucrèce revient avec insistance sur l'humiliation qu'elle a subie :
"Il y a quelques jours, tous, les mêmes qui êtes ici, vous disiez ce nom avec triomphe." (l289-290), "Vous
arrachez les entrailles à une malheureuse femme, et vous croyez qu'elle ne se vengera pas!" (l328-329).
En se vengeant, elle tue son fils, précisément celui qu'elleveut à tous prix sauver (cf Acte II, Partie 1,
scène 6 et III, 3).
L'expression "écraser la tête du talon" (l297) se retourne contre elle puisque c'est elle qui se retrouve
broyée, écraséé
Dona Lucrezia. Mais c'est lâche ce que vous faites là, Gennaro! Tuer une femme, une femme sans
défense! Oh! Vous avez de plus nobles sentiments que cela dans l'âme! Ecoute-moi, tu me tueras après
si tu veux; je ne tiens pas à la vie, mais il faut bien que ma poitrine déborde, elle est pleine d'angoisses
de la manière dont tu m'as traitée jusqu'à présent. Tu es jeune, enfant, et la jeunesse est toujours trop
sévère. Oh! Si je dois mourir, je ne veux pas mourir de ta main. Cela n'est pas possible, vois-tu, que je
meure de ta main. Tu ne sais pas toi-même à quel point cela serait horrible. D'ailleurs, Gennaro, mon
heure n'est pas encore venue. C'est vrai, j'ai commis bien des actions mauvaises, je suis une grande
criminelle; et c'est parce que je suis une grande ciminelle qu'il faut me laisser le temps de me
reconnaitre et de me repentir. Il le faut absolument, entends-tu, Gennaro?
Gennaro. Vous êtes ma tante. Vous êtes la soeur de mon père. Qu'avez-vous fait de ma mère, madame
Lucrèce Borgia?
Dona Lucrezia. Attends, attends! Mon Dieu, je ne puis tout dire. Et puis, si je disais tout, je ne ferais
peut-être que redoubler ton horreur et ton mépris pour moi! Ecoute-moi encore un instant. Oh! Que je
voudrais bien que tu me reçusses à tes pieds! Tu me feras grâce de la vie, n'est-ce pas? Eh bien, veux-tu
que je prenne le voile? Veux-tu que je m'enferme dans un cloître, dis? Voyons, si l'on te disait : cette
malheureuse femme s'est fait raser la tête, elle couche dans la cendre4, elle creuse sa fosse de ses
mains, elle prie Dieu nuit et jour, non pour elle, qui en aurait besoin cependant, mais pour toi, qui peux
t'en passer; elle fait tout cela, cette femme, pour que tu abaisses un jour sur sa tête un regard de
miséricorde, pour que tu laisses tomber une larme sur toutes les plaies vives de son coeur et de son
âme, pour que tu ne lui dises plus comme tu viens de le faire avec cette voix plus sévère que celle du
jugement dernier : Vous êtes Lucrèce Borgia! Si l'on te disait cela, Gennaro, est-ce que tu aurais le coeur
de la repousser? Oh! Grâce! Ne me tue pas, mon Gennaro! Vivons tous les deux, toi pour me pardonner,
moi, pour me repentir! Aie quelque compassion de moi! Enfin cela ne sert à rien de traiter sans
miséricorde une pauvre misérable femme qui ne demande qu'un peu de pitié! - Un peu de pitié! Grâce
de la vie – Et puis, vois-tu bien, mon Gennaro, je te le dis pour toi, ce serait vraiment lâche ce que tu
ferais là, ce serait un crime affreux, un assassinat! Un homme tuer unefemme! Un homme qui est le plus
fort! Oh! Tu ne voudrais pas! Tu ne voudras pas!
Dona Lucrezia. Oh! Je le vois bien, j'ai ma grâce. Cela se lit dans tes yeux. Oh! Laisse-moi pleurer à tes
pieds!
Gennaro, relevant le couteau. C'est dit. Je n'écoute plus rien. Vous l'entendez, madame, il faut mourir!
Dona Lucrezia, se débattant et lui retenant le bras. Grâce! Grâce! Encore un mot!
Gennaro. Non!
Gennaro. Non!
Il la frappe.
Introduction
Gennaro et Lucrèce se retrouvent seuls après que Gennaro a été empoisonné, comme ses amis, par sa
propre mère.
On assiste à la révélation finale de Lucrèce, tout commeau dénouement de la relation entre les 2
personnages.
1) Mise en garde
-Elle vouvoie Gennaro (l1) et commence même par un reproche + modalité exclamative.Ce reproche
sera répété : l25-26, énumération "un crime affreux, un assassinat"
"Tuer une femme, une femme sans défense!" (l1-2) : appel au code d'honneur chevaleresque.
Même jeu de répétition dans la 2nde réplique : "Un homme tuer une femme! Un homme qui est le plus
fort" (l26-27).
-Elle fait d'ailleurs appel aux "nobles sentiments" (l2) de ce cavalier pour réveiller son sens de l'honneur.
Présent de vérité générale et apostrophe "enfant" : elle tente de garder sa position d'autorité.
"il faut que ma poitrine déborde, elle est pleine d'angoisses de la manirèe dont tu m'as traitée jusqu'à
présent" (l3-4).
Habilement, Lucrèce se place en position objet, comme la victime.
2ème réplique constitue une échappée, une lueur d'espoir : Lucrèce entrevoit un possible futur.
Insistance sur les durs traitements qu'elle est prêt à endure : effet d'accumulation, image saisissanten
macabre et hyperbole.
"cette malheureuse femme s'est fait raser la tête, elle couche dans la cendre, elle creuse sa fosse de ses
mains, elle prie Dieu nuit et jour"
Effet de dramatisation avec le discours direct fantasmé qui introduit cette énumération : "si l'on te
disait" (l15).
*Mise en parallèle des souffrances de Lucrèce / pardon de Gennaro : "que tu me reçusses à tes pieds"
(l14), "Tu me feras grâce de la vie" (l14), "pour que tu abaisses un jour sur sa tête un regard de
miséricorde, pour que tu laisses tomber une larme sur toutes les plaies vives de son coeur et de son
âme" (l18-19).
Formule qui résume l'opposition entre les deux personnages, avec une anaphore : "toi pour me
pardonner, moi, pour me repentir" (l22-23).
*Habileté de Lucrèce : décalage entre sa souffrance hyperbolique et le peu qu'elle demande à Gennaro.
On retrouve ceci dans l'antithèse : "non pour elle, qui en aurait besoin cependant, mais pour toi, qui
peux t'en passer" (l17-18).
II) Le tragique
-Appel pressant à la pitié et la compassion du jeune homme : "compassion" (l23), "miséricorde" (l24),
"un peu de pitié" répété 2 fois + exclamation (l24) encore redoublé par la phrase nominale "Grâce de la
vie" (l25)
"Tu ne voudrais pas! Tu ne voudras pas!" (l27) : passage du conditionnel au futur qui montre à quel
point Lucrèce tente désespérement de le persuader.
Champ lexical de la vue qui atteste évidence du pardon : "Je le vois bien, Cela se lit dans tes yeux".
-Gennaro se trompe sur l'identité de Lucrèce, ce qui rend le dialogue impossible.Les 2 personnages ne
peuvent pas se comprendre.
Comme le montre la question de Gennaro : "Qu'avez-vous fait de ma mère, madame Lucrèce Borgia?"
(l10-11). Apostrophe résonne étrangement : 2 personnages distincts ou un seul?
-Impossible aveu
Lucrèce se trouve face à un dilemme : dévoiler son identité à son fils ou se taire et mourir.
3) Le retournement final
Choix de l'expression "Une voix au-dehors" fait songer à la voix du destin : le Fatum
Les répliques deviennent très courtes, très rapides, phrases nominales et exclamatives.
Présent d'énonciation : "Je meurs" (l35) : dramatisation + appel à la vengeance qui suit directement.
-Appel à Dieu (l12, 41) : s'agit-il du Dieu clément des chrétiens ou du dieu vengeur de la tragédie?
"je ne veux pas mourir de ta main (...) Tu ne sais pas toi-même à quel point cela serait horrible" (l5-6)
La scénographie
*Costumes : cuir
Ajouts / pièce
"tragédie survitaminée"
Comédiens
Ils ne sont pas tous comédiens professionnels, danseurs, acrobates : le spectacle "total"
Lucrèce
Gubetta
Costume noir
Diction naturelle, effet "parlé"
Dramatisation de la scène
Le dénouement [2h16-2h27]
Décor mobile
*Les cercueils : les pontons de la fête transformés en cerceuils
*Lumière rouge
Le pathétique
*Modernisation : pistolet
*Pleurs de Gennaro