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Mécanismes de Rupture
et Endommagement
des Matériaux Composites
12.1.1 Introduction
Par mécanisme de rupture, il faut comprendre tout processus mécanique
produisant au sein d'un matériau une “discontinuité” locale de matière appelée
fissure. Il est usuel de parler d'initiation de la rupture et de propagation de la rup-
ture. L'initiation de la rupture peut être considérée comme la création de micro-
fissures à l'échelle microscopique (celle des constituants) à partir d'un défaut. On
parlera de microfissuration. La propagation de la rupture est le résultat de la
création de nouvelles surfaces de rupture à l'échelle macroscopique (plusieurs fois
celle des constituants), à partir des microfissures existantes. On parlera également
de macrofissuration. Dans le cas des matériaux composites, l'initiation de la
rupture se produit généralement bien avant l'observation d'un changement du
comportement macroscopique.
rupture
σ f = σ fu
de fibre
(a) (b)
(c) (d)
FIGURE 12.2. Différents modes de rupture de la matrice associés à la rupture d'une fibre.
(a) Rupture transverse de la matrice ; (b) Rupture en cisaillement de la matrice ; (c)
Décohésion de l’interface fibre-matrice ; (d) Rupture longitudinale de la matrice.
226 Chapitre 12 Mécanismes de rupture et endommagement des matériaux composites
σ m = σ mu
rupture
transverse
τ m = τ mu rupture
longitudinale
τm = τd décohésion
σ fu
contrainte
fibre
σ cu = σ fuVf + (σ m )ε (1 − Vf )
fu
composite
σ mu
matrice
(σ m )ε fu
ε
ε fu ε mu
déformation
FIGURE 12.6. Courbe contrainte-déformation d'un composite unidirectionnel soumis à
une traction longitudinale, dans le cas où εfu < εmu.
σ fu
(σ f )ε mu
contrainte
fibre
σ cu = (σ f )ε mu Vf + σ mu (1 − Vf )
composite
σ mu
matrice
ε
ε mu ε fu
déformation
(a) (b)
(c) (d)
FIGURE 12.8. Propagation de la rupture dans le cas d'une forte adhérence fibre-matrice.
décohésion
fibre-matrice
direction de propagation
de la fissuration
FIGURE 12.9. Propagation de la rupture dans le cas d'une faible adhérence fibre-matrice.
12.1 Mécanismes de rupture dans les composites 231
FIGURE 12.10. Surfaces de rupture dans le cas d'une faible adhérence fibre-matrice.
σ m = σ mu < σ d
FIGURE 12.11. Rupture d'un composite unidirectionnel soumis à une traction transverse.
rupture longitudinale
rupture transverse de
de la matrice
la matrice
décohésion
rupture de fibre
fibre-matrice
délaminage
90° 0° 90° 0°
FIGURE 12.13. Stratifié croisé soumis à une traction dans la direction 0°.
Dans le cas d'un stratifié croisé ±45°, soumis à une traction longitudinale dans
la direction 0° (figure 12.15), on observe d'abord une rupture longitudinale dans
les couches à ±45°, suivie d'un délaminage entre les couches. La figure 12.16
donne un exemple de rupture observé dans ce cas.
Un autre exemple intéressant est celui d'une plaque trouée, constituée d'un
stratifié [0°, ±45°, 90°]n et soumise à une traction dans la direction 0° (figure
12.17a). Plusieurs phases de fissuration sont observées dans ce cas. Dans une
première phase, il se produit une fissuration longitudinale de la matrice dans les
couches à 90° (figure 12.17b). Dans une deuxième phase, on observe l'initiation
de la fissuration dans les couches à ±45°, à partir des fissures propagées dans les
couches à 90°, avec une propagation limitée de ces fissures à ±45° (figure 12.17c).
La troisième phase est marquée par l'apparition de fissures longitudinales,
234 Chapitre 12 Mécanismes de rupture et endommagement des matériaux composites
FIGURE 12.14. Rupture en présence d'un trou d'un composite [0°/90°]2S à fibres de
carbone. (haut) Rupture macroscopique au droit du trou (× 1). (bas) Bord de l'éprouvette
loin du trou : les couches à 90° sont microfissurées (Document ONERA).
12.1 Mécanismes de rupture dans les composites 235
FIGURE 12.15. Stratifié croisé ±45° soumis à une traction dans la direction 0°.
partant du trou, dans les couches à 0°. Ces fissures génèrent également des
fissures secondaires à ±45° (figure 12.17d). Dans la dernière phase, les fissures à
0° produisent un délaminage des couches, suivi de la rupture des couches à 90°,
puis des couches à 45°, et enfin d'une rupture des fibres dans les couches à 0°,
conduisant à la rupture finale de la plaque.
(a) (b)
(c) (d)
FIGURE 12.17. Fissuration d'un stratifié [0°, ±45°, 90°]n. (a) Plaque avec un trou en son
centre soumise à une charge de traction; (b) 1ère phase: fissuration dans les couches à
90°; (c) 2ème phase: fissuration dans les couches à ±45°; (d) 3ème phase: rupture dans les
couches à 0°.
FIGURE 12.18. Surface de rupture associée à une faible adhérence fibre-matrice dans le
cas d'un composite à fibres de carbone (Document ONERA).
238 Chapitre 12 Mécanismes de rupture et endommagement des matériaux composites
FIGURE 12.19. Surface de rupture associée à une bonne adhérence fibre-matrice dans le
cas d'un composite à fibres de carbone (Document ONERA).
12.1 Mécanismes de rupture dans les composites 239
éprouvettes
lisses
éprouvettes
trouées
éprouvettes
impactées
de fissuration (figure 12.20). Il est cependant aisé de localiser les dommages dans
l'épaisseur du stratifié lorsque l'on connaît l'orientation des couches. La
radiographie permet une visualisation très fine des fissures, et en particulier des
fissures transverses à l'épaisseur de l'éprouvette. Il faut noter qu'il est nécessaire
pour chaque radiographie de démonter l'éprouvette, puis de la remonter sur la
machine d'essai pour poursuivre l'essai. Il en résulte un alourdissement consi-
dérable des essais.
Il est également possible d'observer l'état de fissuration d'une éprouvette par
radiographie à l'aide d'un scanner médical. L'analyse des variations de densité
permet alors d'accéder à des informations en trois dimensions.
amplification
capteur d’émission
acoustique
signal d’émission
acoustique
matériau
processus de rupture
(événement)
0
Amplitude normalisée ( 1 = 50 mV )
-1
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
1
-1
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
1
-1
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
1
-1
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
Temps ( µs )
FIGURE 12.22. Signaux d'émission acoustique enregistrés lors d'essais de flexion sur des
composites époxyde-fibres de verre unidirectionnelles.
σ σ
rupture
limite élastique
ε ε
(a) (b)
T′
σ LT σL
T
σT σ LT
σT
σ LT
L σ LT
σL
FIGURE 12.24. Contraintes dans les axes des matériaux d’une couche.
Xt
1400
1200
1000
800
σ fu = 2500 MPa
600
0 Vf
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7
FIGURE 12.25. Contraintes longitudinales à la rupture en traction de composites unidi-
rectionnels à fibres de verre.
Dans la pratique, il est assez difficile de déterminer avec précision les valeurs
de σfu. Par exemple, à la sortie des filières, les fibres de verre E possèdent une
contrainte à la rupture de l'ordre de 3 500 MPa. Cette valeur diminue ensuite du
fait des manipulations mécaniques et des agressions chimiques, auxquelles les
fibres sont soumises jusqu'à leur incorporation dans la matrice. À ce stade, les
valeurs des contraintes à la rupture des fibres sont estimées être de l'ordre de
1 500 à 2 000 MPa. Les valeurs mesurées pour les contraintes à la rupture en
compression longitudinale dépendent de la nature des fibres. La figure 12.25
donne une estimation des contraintes longitudinales à la rupture en traction de
composites unidirectionnels à fibres de verre, pour des fractions volumiques de
fibres comprises entre 0,2 et 0,7.
Dans le cas d'un essai de traction transversale sur un composite unidirectionnel,
la contrainte à la rupture (paragraphe 12.1.4) correspond au maillon le plus faible :
la matrice ou l'interface fibre-matrice. Les valeurs de la contrainte transversale Yt
sont généralement inférieures à la contrainte à la rupture en traction de la matrice,
et varient peu avec la proportion de fibres. Compte tenu des dispersions obtenues
dans les essais, il est usuel de considérer que cette valeur est constante et
d'adopter une valeur comprise entre 20 et 60 MPa. Par contre, la contrainte
transversale Yc en compression est plus élevée, de l'ordre de 100 à 150 MPa.
La contrainte à la rupture S en cisaillement est un paramètre assez difficile à
évaluer. Les valeurs expérimentales obtenues montrent que S ne dépend prati-
quement pas de la proportion de fibres et est du même ordre de grandeur que la
contrainte à la rupture en cisaillement de la résine. Suivant le type de matrice et la
qualité de l'interface fibre-matrice, la contrainte à la rupture en cisaillement est de
l'ordre de 40 à 80 MPa.
Le tableau 12.1 donne des exemples de valeurs mesurées sur des composites à
matrice époxyde : trois composites unidirectionnels et un composite à tissu
équilibré.
L’ensemble des valeurs des contraintes à la rupture rapportées dans le tableau
12.2 Critères de rupture 245
doivent être considérées, comme déjà indiqué, comme des valeurs indicatives
dans le cas de composites unidirectionnels. Ces valeurs peuvent être ensuite trans-
posées aux cas de composites à renfort tissu, suivant la constitution du renfort.
z T′
T
σ xy σ xx
y
σ xy
σ yy θ
σ yy
σ xy
x σ xy L
σ xx
T L
σ xx σ xx
θ x
Xt
S Yt
σ xu = , , σ xu =
(12.13) , σ xu =
cos θ sin θ sinθ cos θ
2 2
2000
traction
X t / cos 2 θ
1000
compression
Contrainte à la rupture σxu ( MPa )
700 X c / cos 2 θ
400
S / sin θ cos θ
200 compression
X c / sin 2 θ
100
traction
70 X t / sin 2 θ
40
20
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Orientation des fibres θ ( ° )
FIGURE 12.28. Critère de la contrainte maximale dans le cas d'un composite unidirec-
tionnel à fibres de verre.
248 Chapitre 12 Mécanismes de rupture et endommagement des matériaux composites
( )
ε L = S11 cos 2 θ + S12 sin 2 θ σ xx ,
ε T = ( S12 sin 2 θ + S22 cos 2 θ ) σ xx , (12.17)
γ LT = S66 sin θ cos θ σ xx .
εL =
1
( cos2 θ −ν LT sin 2 θ )σ xx ,
EL
εT =
1
( sin 2 θ −ν TL cos2 θ )σ xx , (12.18)
ET
1
γ LT = sin θ cos θ σ xx .
GLT
Les critères en déformations maximales doivent conduire à des valeurs
identiques à celles trouvées avec le critère de contrainte maximale dans le cas
d'une traction (ou compression) longitudinale : θ = 0° et dans le cas d'une traction
(ou compression) transversale : θ = 90°. Ceci implique que :
X X
Xε t = t , Xεc = c ,
EL EL
(12.19)
Yt Yc
Yε t = , Yε c = .
ET ET
D'autre part, l'identité du critère de rupture en cisaillement dans les deux cas
conduit à :
S
Sε = . (12.20)
GLT
Il en résulte que les critères en déformations maximales (12.15) peuvent être
réécrits suivant :
−Xc Xt
2 2
< σ xx < ,
cos θ − ν LT sin θ cos θ − ν LT sin 2 θ
2
−Yc Yt
2 2
< σ xx < , (12.21)
sin θ − ν LT cos θ sin θ − ν LT cos 2 θ
2
−S S
< σ xx < .
sin θ cos θ sin θ cosθ
En comparant ces expressions aux expressions (12.12) obtenues dans le cas des
critères en contraintes maximales, nous constatons que les deux critères diffèrent
simplement par l'introduction dans les critères en déformations maximales des
termes fonctions des coefficients de Poisson νLT et νTL. Ces termes modifient
assez peu dans la pratique les résultats numériques.
Les contraintes limites sont modifiées de la même manière. Dans un essai de
traction, la contrainte à la rupture σxu correspond à la plus petite des valeurs :
Xt
σ xu = ,
cos θ −ν LT sin 2 θ
2
Yt
σ xu = , (12.22)
sin 2 θ −ν LT cos 2 θ
S
σ xu = ,
sin θ cos θ
250 Chapitre 12 Mécanismes de rupture et endommagement des matériaux composites
S
σ xu = .
sin θ cos θ
Comme dans le cas des critères en contraintes maximales, il est possible de tracer
σxu en fonction de l'angle θ. Les courbes obtenues diffèrent assez peu de celles
obtenues (figure 12.28) avec les critères en contraintes maximales.
σT
σL σ L = 12σ T L
σT
Cette contradiction réside en fait dans l'abus fait pour établir la relation entre
les valeurs des contraintes maximales et des déformations maximales. Dans la
pratique, ces valeurs devraient être déterminées dans le cas respectivement de
contraintes planes et de déformations planes. Les critères respectifs qui en seraient
alors déduits ne pourraient s'appliquer qu'à ces schémas. Dans ce cadre, les
relations entre contraintes et déformations maximales seraient plus complexes.
F (σ T − σ T ′ ) + G (σ T ′ − σ L ) + H (σ L − σ T )
2 2 2
(12.31)
2 2 2
+ 2 Lσ TT ′ + 2 M σ LT ′ + 2 Nσ LT = 1.
Cette égalité constitue le critère de Hill, rapporté aux axes principaux (L, T, T') du
matériau. Il peut également être mis sous une autre forme suivant :
( G + H ) σ L2 + ( F + H ) σ T2 + ( F + G ) σ T2′ − 2 H σ Lσ T − 2Gσ Lσ T ′
(12.32)
2 2 2
− 2 Fσ T σ T ′ + 2 Lσ TT ′ + 2 M σ LT ′ + 2 Nσ LT = 1.
Les paramètres F, G, H, L, M et N sont des paramètres caractéristiques du
matériau considéré, qui sont reliés aux contraintes à la rupture X, Y et S du
12.2 Critères de rupture 253
2000
tension
1000
Contrainte à la rupture σxu ( MPa )
700
400
200
compression
100
70
40
20
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Orientation des fibres θ ( ° )
FIGURE 12.30. Critère de Tsai-Hill dans le cas d'un composite unidirectionnel à fibres de
verre.
12.2 Critères de rupture 255
C1 (σ T − σ T ′ ) + C2 (σ T ′ − σ L ) + C3 (σ L − σ T )
2 2 2
(12.43)
2 2 2
+ C4σ L + C5σ T + C6σ T ′ + C7σ TT ′ + C8σ LT ′ + C9σ LT = 1.
1⎛ 1 1 1 ⎞
C1 = ⎜ + − ,
2 ⎝ YtYc Z t Z c X t X c ⎟⎠
1⎛ 1 1 1 ⎞
C2 = ⎜ + − ,
2 ⎝ Z t Z c X t X c YtYc ⎟⎠
1⎛ 1 1 1 ⎞
C3 = ⎜ + − ,
2 ⎝ X t X c YtYc Z t Z c ⎟⎠
(12.44)
1 1 1
C4 = − , C7 = 2 ,
Xt Xc STT ′
1 1 1
C5 = − , C8 = 2
,
Yt Yc S LT ′
1 1 1
C6 = − , C9 = 2
.
Z t Zc S LT
Dans le cas d'un état de contraintes planes dans le plan (L, T), le critère de
Hoffman se réduit à :
σ L2 σ T2 σ Lσ T Xc − Xt Y −Y σ2
+ − + σ L + c t σ T + LT
2
=1. (12.45)
Xt Xc YtYc Xt Xc Xc Xt YcYt S LT
T T
σ LT σ LT −σ LT −σ LT
L L
σ LT σ LT −σ LT −σ LT
(a) (b)
1 ⎡ ⎛ 1 1 1 1⎞ ⎛ 1 1 ⎞ 2⎤
F12 = ⎢1 − ⎜ − + − ⎟ σ + ⎜ + ⎟σ ⎥ . (12.61)
2σ 2 ⎣ ⎝ X t X c Yt Yc ⎠ ⎝ X t X c YtYc ⎠ ⎦
où σ45 est la contrainte de traction exercée. Le critère (12.48) s'écrit dans ce cas :
. (12.63)
12.2 Critères de rupture 259
F12∗ = − 12 , (12.68)
⎛ 1 1 ⎞ ⎛1 1⎞ σ L2 σ T2 σ LT
2
σ σ
⎜ − σ +
⎟ L ⎜ − σ
⎟ T + + + 2
− L T = 1 . (12.69)
⎝ Xt Xc ⎠ ⎝ Yt Yc ⎠ X t X c YtYc S LT X t X c
Nous retrouvons le critère de Hoffman (12.45) en contraintes planes.
Si, de plus, les contraintes à la rupture en traction et en compression sont
identiques :
Xt = Xc = X , Yt = Yc = Y , (12.70)
260 Chapitre 12 Mécanismes de rupture et endommagement des matériaux composites
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