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soviétique
Buttino Marco. Turkestan 1917 : La révolution des Russes. In: Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 32, n°1, Janvier-
mars 1991. En Asie Centrale soviétique Ethnies, nations, États. pp. 61-77;
doi : https://doi.org/10.3406/cmr.1991.2263
https://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1991_num_32_1_2263
Abstract
Marco Buttino, Turkestan 1917. The Russians' rebellion.
In 1917, a famine resulting from the policy pursued by Petrograd in the colony of Turkestan was at the
origin of a conflict that developed between the Russian minority and the native population. Whilst
Russians were engaged in a dispute with the autochtons for the control of food resources, the
Provisional Government endeavored to settle the crisis by political means, promoting the participation
of Muslim organizations in the administration of the colony. The October upheaval was a reaction to
this compromise resulting in the creation of a Russian dictatorship desirous of confining famine to the
native community. During the first years of the Soviet regime, this dictatorship brought about a frightful
loss of indigenous population.
MARCO BUTTINO
TURKESTAN 1917
LA RÉVOLUTION DES RUSSES
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXXII (I), janvier-mars 1991, pp. 61-78.
62 MARCO BUTTINO
versive hostile à l'ouverture et au partage du pouvoir (de la terre et du blé) avec les
autochtones. Finalement ce fut un nouveau pouvoir émanant du fond de la société
russe immigrée qui s'imposa, un pouvoir dictatorial.
La révolution démocratique, qui impliquait une redistribution du pouvoir en
faveur de la majorité autochtone, avait échoué. Le gouvernement enfanté par
Octobre était russe et excluait les populations indigènes ; il défendait les intérêts
immédiats des prolétaires (russes), favorisait l'expropriation des terres (des
autochtones).
Les pages suivantes traiteront en premier lieu des dimensions, des
caractéristiques et de la dynamique de la crise économique. Nous y verrons qu'elle fera
disparaître les terrains sur lesquels se fondait, sous le tsarisme, la collaboration entre les
Russes et les couches influentes de la société autochtone, qu'elle empêcha la
formation de nouvelles ententes (si ce n'est à l'intérieur de l'univers étroit de la
politique) et provoqua un violent conflit ethnique dans la colonie. Nous verrons ensuite
comment, en 1917, la menace et la réalité de la faim aggravèrent les conflits et
favorisèrent la naissance d'une tendance subversive dans les couches pauvres de la
société russe, ouvrant ainsi la voie au coup d'État d'Octobre.
1. La crise
a) La population :
La donnée la plus évidente et la plus dramatique de la crise est celle qui
concerne la population. Dans les rapports statistiques de l'époque, on relève que le
Turkestan avait 7 334 500 habitants en juillet 1916, et 6554 300 l'été suivant. On
en déduit donc une diminution de la population d'environ 1 1 %.
La crise s'aggrava après Octobre, et elle continua à s'aggraver jusqu'au début
des années 20. En 1920, la population du Turkestan était de 5 336500 habitants;
deux millions de moins qu'en 1916'.
La population des campagnes du Turkestan, en 1917, comptait
349 200 Russes ; en 1920, ils étaient 394 300. Cependant que les autochtones
diminuaient de façon dramatique : rien que dans les campagnes, entre 1915 et 1917, il
en disparut un demi-million ; et au cours des deux années suivantes, plus d'un
million. La crise frappa plus particulièrement un secteur de la population
autochtone, les nomades, qui diminuèrent d'un tiers environ, c'est-à-dire de 550 000, entre
1917 et 19202.
Les événements politiques de 1917 se situent donc dans une période de crise,
crise qui ne fit que s'accentuer par la suite, prenant des dimensions encore plus
importantes.
b) La production agricole :
c) La consommation alimentaire :
tes subies, en s'appropriant une partie du bétail des autochtones25. Les actions des
colons à l'encontre des nomades continuèrent également au cours de 1917.
De plus, le général Kuropatkin, gouverneur du Turkestan, ordonna la
réquisition des terres dans toutes les régions où du sang russe avait été versé. Il s'agissait
d'une mesure punitive qui se transforma bientôt en un projet plus vaste de
«pacification» du Semirec'e. En effet, après avoir constaté que la cohabitation
entre colons et nomades était désormais impossible, Kuropatkin décida de profiter
des réquisitions de terres pour déplacer la population nomade dans des territoires
où les Russes n'habitaient pas. On décréta donc que deux uezd étaient réservés
uniquement aux Russes. Les cosaques et les colons prendraient possession des terres
où vivaient auparavant 35 000 familles indigènes26.
Le projet aurait dû être achevé en mars 1917, mais en réalité il ne fut exécuté
que partiellement et n'instaura pas la paix entre colons et nomades.
Du point de vue de la Russie, le bilan n'était pourtant pas tellement négatif:
malgré la révolte, la mobilisation des indigènes avait eu un certain succès et il avait
été possible de continuer la réquisition des biens destinés à l'armée russe.
Kuropatkin rendit compte au tsar de la situation. On était en février 1917. Dans le
rapport du gouverneur général, on lit que le recrutement se déroulait dans « un
ordre parfait» et qu'il concernait déjà 120000 hommes dont 110000 avaient été
envoyés en Russie et 10000 avaient été maintenus au Turkestan pour travailler aux
chemins de fer (on les employait probablement à la reconstruction des nombreux
tronçons de voies ferrées détruits pendant la révolte) et dans des usines de
fournitures pour l'armée. Kuropatkin prévoyait d'en recruter 80 000 avant la fin du mois
de mai27.
Le Gouvernement provisoire décida cependant de suspendre la mobilisation de
la population locale. Les autochtones mobilisés et une partie de ceux qui s'étaient
enfuis en Chine revinrent au Turkestan dès le printemps 1917 ; quand aux Russes
enrôlés, ils commencèrent à rentrer à l'automne. Par conséquent leur éloignement
provoqua d'abord une diminution de la production de blé ; puis, leur retour
contribua à augmenter la demande en blé et donc à aggraver le déficit alimentaire.
Les conditions atmosphériques firent empirer la situation. L'hiver 1916-1917
fut en effet un hiver pratiquement sans neige ni pluie ; le printemps, sec lui aussi,
commença par de fortes gelées qui compromirent la récolte à venir. Entre-temps la
crise s'étendait jusqu'à toucher la production du coton. En effet, en 1915, celle-ci
avait augmenté de 28 % par rapport à l'année précédente ; en 1916, malgré
l'importante extension des terres cultivées, la quantité de coton vendue diminua de 21 %,
parce que l'ordre de mobilisation des populations indigènes et la révolte entravèrent
la récolte ; en 1917, les terres cultivées diminuèrent encore de 36 % et la production
de 7 %28. Le commerce du coton entrait ainsi en crise et les crédits nécessaires aux
paysans autochtones pour travailler la terre diminuaient drastiquement. Les terres
les moins fertiles furent alors abandonnées et l'on commença à cultiver du blé sur
une partie des terres autrefois destinées au coton.
fin de l'été, lorsque, en Russie, le climat politique changea et que les bolcheviks
prirent de l'importance dans les soviets, on les jugeait différemment.
Les premiers grands pillages eurent lieu dans les derniers jours de juin et au
début de juillet, aux dépens des boutiques des autochtones qui vendaient des fruits
et légumes36.
La crainte de voir les musulmans profiter des faiblesses des représentants du
Gouvernement provisoire et du soviet du kraj et s'emparer du pouvoir politique
dans la ville et au Turkestan, en chassant les Européens, contribuait largement à
attiser les tensions. La menace de la faim se confondait donc avec la menace
musulmane.
L'hostilité des Russes à l'égard des indigènes devint en effet encore plus
évidente après le succès des organisations musulmanes traditionalistes aux élections
de la Duma de Tachkent, fin juillet. Le gouvernement de la ville passa alors
formellement sous contrôle musulman37. A la mi-août il y eut en outre une grande
manifestation des autochtones en faveur des nomades du Semirec'e. Le défilé partit
de la vieille ville, traversa les quartiers européens et alla former un meeting au
centre de la ville nouvelle, place Kaufman38. C'était la première fois qu'une
manifestation d'autochtones osait défier aussi ouvertement les Russes.
Le lendemain de la manifestation eurent Heu des pillages de grande envergure :
des soldats et des citoyens russes armés s'emparèrent des réserves de produits
alimentaires dans les rues, dans les bazars, à la gare et dans les voies d'accès à la
ville39.
Les campagnes étaient elles aussi le théâtre de conflits qui tendaient à suivre la
même voie.
Une partie des colons, surtout ceux récemment immigrés et les plus pauvres,
était en effet dans une situation qui avait de nombreux points en commun avec celle
des Russes qui étaient descendus dans les rues de Tachkent : eux aussi, nous l'avons
vu, étaient en conflit avec les autochtones et bien plus violemment encore, et leurs
aspirations au contrôle des maigres ressources (possession de terres et utilisation de
l'eau) semblaient incompatibles avec le respect des droits des populations indigènes.
Si nous examinons dans ses grandes lignes le conflit ethnique dans les
campagnes, nous découvrons que les colons les plus impliqués daas l'affrontement avec
les autochtones faisaient partie du groupe social qui avait soutenu la révolution.
Revenons encore à la situation du Semirec'e.
Après Février, on continua à appliquer le plan de pacification prévu par
Kuropatkin dont le but était de libérer complètement deux uezd de la région de
leurs nomades et de parquer ceux-ci dans un territoire - en fait une réserve - où il
n'y avait pas de Russes. Cependant, la réalisation du projet fit naitre de violents
conflits, également à cause des initiatives contradictoires des autorités russes.
L'amnistie accordée aux autochtones et aux Russes pour les événements de 1916,
l'une des premières initiatives du nouveau gouvernement, servit de détonateur aux
nouveaux affrontements40. En effet, le décret reconnut aux Kirghizes exilés en
Chine le droit de revenir dans leur patrie sans aucune crainte de représailles
légales, mais les colons s'opposèrent par la force à leur retour même par le biais des
soviets locaux.
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qui avaient été recrutés et envoyés dans d'autres régions) effectuèrent des
réquisitions dans les boutiques, puis les soldats de la garnison pillèrent tout un quartier de
la ville pour s'emparer des biens entreposés dans les dépôts et les magasins des
commerçants musulmans48.
A Tachkent aussi, les soldats se mobilisèrent encore. C'était l'époque où les
musulmans fêtaient le kurban-bayrami et où débutait le IIe Congrès des musulmans
du Turkestan. La ville, en ce 9 septembre, veille de fête, assistait à de nombreuses
allées et venues d'autochtones ; en effet, les habitants des kišlaki (villages) voisins
arrivaient à Tachkent pour apporter des animaux de boucherie et pour acheter du
riz, du blé et d'autres denrées destinées aux réjouissances. Les indigènes qui
avaient fait leurs achats ou échangé des marchandises dans les bazars de la vieille
ville, traversaient les quartiers européens en direction de la gare. Les Russes les
voyaient passer avec des cargaisons de nourriture qui allaient sortir de la ville. Le
10 septembre, les soldats du Ier et du IIe régiment de Sibérie se présentèrent en
masse à la gare: ils bloquèrent un train, firent descendre tous les passagers et
s'emparèrent des bagages ; ils fouillèrent tous ceux qui partaient et
réquisitionnèrent les denrées alimentaires en leur possession. Le jour suivant, les soldats se
réunirent en assemblée, décidèrent de continuer les réquisitions et d'inclure également
la vieille ville (ils se limitèrent en réalité à la gare) et convoquèrent un grand
meeting pour le lendemain49.
Six mille personnes environ, essentiellement des soldats des deux régiments et
des ouvriers des chemins de fer de Tachkent, participèrent au meeting et
approuvèrent, par leurs acclamations, une résolution de style bolchevik. On y affirmait qu'il
était possible de sortir de la crise en réquisitionnant tous les biens de première
nécessité possédés par les capitalistes, en instaurant le contrôle ouvrier sur la
production et la distribution des produits alimentaires, la nationalisation de toutes les
entreprises et des banques importantes par l'État, le transfert immédiat de la
terreaux paysans qui la travaillent. Pour réaliser ces mesures, il fallait - disait-on - que
les soviets s'emparent du pouvoir. On nomma donc un comité révolutionnaire qui
devait remplacer les organismes du Gouvernement provisoire pour effectuer
ensuite, selon des méthodes révolutionnaires, la distribution des denrées
alimentaires50.
On était donc passé de la question des approvisionnements à celle du pouvoir51.
Le climat politique qui existait en Russie, après la tentative de coup d'État de
Kornilov et l'intensification du consensus aux bolcheviks à Petrograd, donnait
entre-temps une autre dimension aux faits et gestes des soldats de Tachkent.
Le 13 septembre, le comité révolutionnaire et un comité exécutif du soviet de
Tachkent, élu sous la pression des troubles, annoncèrent qu'ils avaient pris la
direction de la ville. Le comité du Gouvernement provisoire avait été écarté, le
commandant de toutes les forces armées du Turkestan était aux arrêts, les membres du
soviet du kraj s'étaient enfuis de la ville52.
Notre intention n'est pas de suivre ici les hauts et les bas de cette révolution
prématurée. Le pouvoir des révolutionnaires ne dura que quelques jours, puis
Kerenskij intima aux rebelles l'ordre de se rendre et envoya des détachements de
l'armée, fidèles au Gouvernement provisoire. La tentative révolutionnaire avait
échoué parce qu'il n'y avait pas encore de révolution en Russie ; elle fut renouvelée
en octobre, au moment où l'insurrection touchait également Petrograd, et ce fut un
succès.
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La crise, née dans les campagnes, apporta donc la faim, et puis la révolution
dans la ville. L'époque des compromis avec les populations autochtones était finie,
les soviet modérés avaient été mis à l'écart et remplacés par des comités
révolutionnaires, le danger de l'Assemblée constituante était conjuré. Une dictature des seuls
Russes s'était installée au Turkestan, et ceux-ci cherchaient des alliés dans les
campagnes : le décret de Lenin relatif à la terre, publié à Tachkent le lendemain de
l'insurrection, était le terrain de rencontre entre les révolutionnaires russes de la
ville et ceux des campagnes: «La terre à qui la travaille» devint alors le mot
d'ordre des colons russes et justifia leurs prétentions sur les pâturages et l'eau des
nomades53.
La révolution s'affirmait donc comme la voie permettant de régler autrement les
rapports avec les autochtones. Les soldats, les ouvriers et les colons russes qui
soutinrent au début le tournant révolutionnaire, voulaient en effet un pouvoir fort qui
défende leurs intérêts immédiats contre les autochtones. C'était également un
moyen de maintenir la domination coloniale : la crise ne permettait pas, comme par
le passé, d'impliquer les travailleurs et les marchands indigènes, et d'attirer les
personnages influents de la société locale ; il fallait donc utiliser le pouvoir, et sous
une forme dictatoriale.
Bientôt la répression remplaça le dialogue avec les organisations musulmanes,
les massacres reprirent au Semirec'e, les soldats et les colons organisèrent leurs
comités et imposèrent des réquisitions à la population locale ; ce fut le début d'un
génocide des populations indigènes par la faim.
Turin, 1989.
Abréviations :
CSU : Central'noe Statisticeskoe Upravlenie (Direction Statistique Centrale).
CSUT : Ccntral'mx* Statisticeskoe Upravlenie Turkrespubliki (Direction Statistique Centrale de la
République du Turkestan).
1 . Les données concernant la population que je reporte ici et plus loin sont fournies par Otčet o deja-
tel'nosù Turkestanskogo ekanomičeskogo sověta za fevral'-oktjahr' m-cy 1921 goda (Compte rendu
d'activité du conseil économique du Turkestan pour les mois de février à octobre 1921) (cité infra
Otčet). Taškent. 1922, p. 25; Trudy CSU, Statističeskij eiegodnik 1921 g. (Annuaire statistique de
1921) (cité infra SE), Moscou, 1 922, p. 6 ; CSUT, Statističeskij eiegodnik 191 7-1923 gg. (Annuaire
statistique des années 191 7 1923) (cité infra SE Tu). Taškent, 1924, 2, 3r partie, p. 23 ; Materiály po rajo-
nirovaniju Turkestana (Matériaux pour la création des rajóny au Turkestan), Taškent, 1922, 1, p. 21.
Pour une critique des sources citées ici et daas la note 2, voir mon article « Study of the economic crisis
and depopulation in Turkestan, 1917-1920», Central Asian Survey 9, 4, 1990, pp. 59-74.
2. Les données concernant la composition de la population, décomposée entre Russes et
autochtones, se trouvent dans Ocerki hozjajstvennoj iizni Turkrespubliki (Essais sur la vie économique de la
république du Turkestan) (cité infra Ont), Taškent, 192 1, pp. 28-33.
3. Les données sur l'extension de la terre cultivée, réparties par genre de production et par région, se
trouvent dans Oht, pp. 72-73 et dans Otčet, pp. 156-163 (pour 1917 et 1920). Cependant ces sources ne
contiennent pas de données sur la récolte. Les données sur la récolte du blé se trouvent dans
Ekonomiceskoe poloienie Rossii nakanune Velikoj Oktjabr'skoj Socialističeskoj Revoljucii (La situation
économique de la Russie à la veille de la grande révolution socialiste d'Octobre) (cité infra Ep),
Moscou -Leningrad, 1957, 2e partie, p. 279, qui se base sur Uroíaj hlebov v Rossii v 1917 (Récolte du
blé en Russie en 1917), Moscou, 1918, p. 16 (pour les données concernant la production moyenne
annuelle de 1909-1913 et la production en 1917). Les données concernant la production de coton pro-
74 MARCO BUTTINO
viennent de SE, p. 295. Les données concernant la productivité des cultures (pouds par désiatines de
terre) dans les six régions du Turkestan se trouvent dans SE Tu, 2, p. 100 (pendant la période d'avant-
guerre, en 1917 et 1920), mais elles ne sont guère cohérentes et leur valeur est donc purement
indicative. Les données sur l'élevage en 1915 se trouvent dans Ohi, p. 20 , celles qui concernent 1917 et 1920
sont fournies par SE, 2, 3e partie, pp. 2-25.
4. Les données de 1914 se trouvent dans Sredne-Aziatskij ekonomičeskij rajón. Očerki po ekono-
mike Srednej Azii (Le rajon économique de l'Asie Centrale. Compte rendu de l'économie de l'Asie
Centrale), Taškent, 1922, p. 43. Les mêmes sources font part d'un déficit de 46,7 millioas en 1917 ; les
données qui concernent la fin de l'année et que j'ai citées dans le texte, les considérant les plus dignes de
foi, sont extraites de Ер, У partie, p. 455. Le montant des besoins en blé au début de 1917 se trouve
dans « Raport A.N. Kuropatkina na imja Nikolaja Romanova » (Rapport de A.N. Kuropatkin adressé à
Nikolaj Romanov) de février 1917, Krasnyj arftiv, 3, 34, 1929, p. 80. Les données de 1915 et la
première des deux données sur le déficit en blé de 1916 se trouvent dans Z.D. Kastel'skaja, Osnovnye pred-
posylki vosstaniju 1916 goda v Uzbekistáne (l*s principales prémisses de la révolte de l'année 1916 en
Ouzbékistan), Moscou, 1972, p. 75; la deuxième donnée sur le déficit de 1916 est fournie par Ep,
2e partie, p. 280 (on y indique également un déficit de 25 millions de pouds pour 1917 ; il s'agit d'une
donnée très peu fiable) ; la donnée sur l'importation en 1916 se trouve dans Z.D. Kastel'skaja, lz islorii
Turkestanskogo kraja. 1865-1917 (De l'histoire du kraj du Turkestan, 18651917), Moscou, 1980, p. 88.
5. G. Safarov, Kolonial'naja revoljucija, opyt Turkestana (La révolution coloniale, l'expérience du
Turkestan), Moscou, 1921, p. 81. Il s'agit de quantités minimes ; pour avoir un élément de comparaison,
il suffit de penser que la consommation quotidienne de blé à Petrograd était alors de 40 wagons (comme
le rapporte un compte rendu de la situation alimentaire en Russie, rédigé par le ministre Prokopovič le
16 octobre 1917, cf. Ep, 2e partie, p. 359).
6. Nous calculons la production de céréales par tête en utilisant les données citées plus haut dans le
texte et le chiffre de la population de 1913 fourni par Otčet, pp. 23-25, à savoir 6 980 200 habitants.
Cela donne une production de 15 pouds par tête en 1909-1913 et de 8pouds en 1917. Faute de données
sur l'importation de blé en 1909-1913, nous utilisons celles de 1914 (12,6 millions de pouds) et nous
obtenons une consommation d'environ 16 pouds par habitant ; en 1917, nous l'avons dit, on importa très
peu, donc la consommation fut légèrement au-dessus de 8 pouds.
7. Cf. N.I. Malahovskij, Materiály dlja izutenija hlopkovodstva (Matériaux pour l'élude de la
culture du coton), Saint-Pétersbourg, 1912, pp. 25-26.
8. Les données concernant la pénurie de froment au Ferghana sont fournies par la lettre que les
dirigeants des deux entreprises d'extraction de pétrole de la région envoyèrent à Kerenskij, en août 1917.
On y rapportait que les ouvriers de ces entreprises, tout comme le reste de la population du Ferghana,
souffraient de la faim et ne pouvaient pas continuer à travailler si des aides alimentaires ne parvenaient
pas rapidement. Cf. Ep, 2e partie, pp. 300-301.
9. En 1917, les prix des principales denrées alimentaires augmentèrent de façon très importante : le
prix du froment, qui s'élevait à 4 kopecks par livre ( 1 livre » 409,5 grammes) en octobre 1914, atteignait
16 kopecks en janvier 1917, 50 en avril, 80 en juillet et 150 en octobre; le prix du riz passa de
6 kopecks par livre en octobre 1914 à 23 en janvier 1917, 25 en avril, 129 en juillet et 175 en octobre ;
la viande coûtait 1 1 kopecks en octobre 1914, 35 en janvier 1917, 35 en avril, 25 en juillet et 35 en
octobre (il y eut donc une chute des prix de la viande, produite principalement par les nomades, par rapport
aux autres produits alimentaires) ; le prix du lait passa des 3,5 kopecks d'octobre 1914 aux 6 kopecks de
janvier 1917 ; en avril il était de 7 kopecks, de 8 en juillet et de 13 en octobre ; les pommes de terre qui
coûtaient 2 kopecks en octobre 1914, en coûtaient 16 en janvier 1917, 20 en avril, 25 en juillet et 30 en
octobre : cf. « Dorogovizna žizni i oplata truda » (Cherté de la vie et rémunération du travail), Voennaja
mysl', 2, mai-juil. 1921, p. 121. G. Safarov rapporte que les prix des denrées alimentaires augmentèrent
de 2,3 fois entre 1914 et 1916 et de 17,7 fois de 1914 à 1917 (op. cit., p. 106). Les prix augmentèrent
plus rapidement dans les régions pauvres en production alimentaire ; en effet, au Ferghana, les prix
dépassaient de 40-50 % les moyennes du Turkestan : cf. lstorija Uzbekskoj SSR (Histoire de la RSS de
l'Ouzbékistan), Taškent, 1968, 2, p. 526.
10. Pour d'autres informations sur la production du coton, sur la colonisation et en général sur la
politique coloniale russe, voir R.A. Pierce, Russian Central Asia, 1867-1917, a study in colonial rule,
Berkeley -Los Angeles, 1960.
11. Ibid., p. 267.
12. E. Fedorov, Očerki nacional'no-osvobodilel'nogo dvilenija v Srednej Azii (Essai sur le
mouvement de libération nationale en Asie Centrale), Taškent, 1925, pp. 51-55.
13. Z.D. Kastel'skaja, Osnovnye predposyiki.... op. cit., p. 74.
TURKESTAN 1917 75
Browder, A. Kerensky, eds, The Russian Provisional Government 1917, Documents, Stanford, 1961, 2,
pp. 618-621.
3 1 . Cf. L. Rezcov, Oktjabr' v Turkestane (Octobre au Turkestan), Taškent, 1927, p. 53.
32. Nasa gazeta (cité infra Ng), 9, 3 mai 1917, p. 1 ; 18, 16 mai 1917, p. 4.
33. Ng publia un compte rendu avec des appréciations sur la récolte dans les différents uezdy (35,
6 juin 1917, p. 4).
34. Ng, 32, 2 juin 1917, p. 1.
35. Ahmed Zeki Velidi Togan, qui fut l'un des rares membres musulmans de la commission pour
l'approvisionnement tonnée par le soviet de Taškent, rapporte dans ses mémoires que les Russes étaient
d'accord pour réserver presque tout le blé aux Européens et que Persin, responsable du soviet des
ouvriers et futur dirigeant bolchevik, soutenait que les indigènes étaient destinés à mourir de faim. Cf.
Zeki Velidi Togan, Hâtiralar (Mémoires), Istanbul, 1969, pp. 161-162.
36. Tk, 148,6juil. 1917, p. 3.
37. Les élections de la duma citadine représentèrent un grand succès pour la liste présentée par les
milieux traditionalistes musulmans. La majorité des sièges du parlement de la ville passa aux
autochtones qui obtinrent 77 conseillers (dont 65 appartenaient à l'Ulema) sur 1 12. La population russe, habituée
à un pouvoir incontesté, se voyait donc privée du contrôle de la ville. De plus, les Russes commençaient
à craindre que les résultats des prochaines élections de l'assemblée constituante soient semblables et que
leur pouvoir soit remis en question dans le kraj tout entier. Les résultats des élections de la duma se
trouvent dans 7*, 171, 2 août 1917, p. 4 et dans Ng, 83, 2 août 1917, p. 2. Il est significatif que Nasa
gazeta, qui était le quotidien du soviet, publia les noms des Russes élus, omettant les élus indigènes de
l'Ulema ; on se contenta d'indiquer qu'il s'agissait de « quatre juges musulmans, de nombreux mullah et
de riches baj ».
38. Tk, 185, 19août 1917, p. 2.
39. Ng. 101, 24 août 1917, p. 2.
40. Le texte du décret, signé par le ministre de la Justice le 14 mars et publié le 18, se trouve dans
S. M. Dimanstejn, éd., Revoljuaja i nacional'nyj vopros (La révolution et la question nationale),
Moscou, 1930, 3, pp. 71-72.
4 1 . Kuropatkin admit avoir distribué 8 000 fusils, à environ une famille paysanne sur dix, pour faire
face aux situations plus urgentes. Les colons, écrivit le général, en avaient demandé beaucoup plus et,
au cours de la dernière période, les soviets locaux eux-mêmes en réclamaient la distribution (cf. « Iz
dnevnika A.N. Kuropatkina », note du 31 mars 1917, dans Krasnyj arhiv, 1927, 1, pp. 61-64). Quand le
soviet de Taškent, qui était de toute évidence plus modéré que les soviets locaux des colons, demanda la
destitution du général, il accusa ce dernier d'avoir distribué les armes et d'avoir ainsi contribué à
relancer le conflit entre colons et nomades (Ng, 1, 1 avr. 1917, p. 3).
42. Cf. P. Alekseenkov, « Nacional'naja politika Vremennogo Pravitel'stva v Turkestane v 1917 g. »
(La politique nationale du Gouvernement provisoire au Turkestan en 1917), Proletarskaja revoljucija,
8, 1928, p. 117.
43. A la fin du printemps un télégramme arriva au soviet du kraj, signé par les représentants de
70 000 réfugiés qui se plaignaient de ne pas pouvoir revenir sur leurs terres dans l'uezd de Przeval'sk à
cause des colons ; ils demandaient de l'aide car ils mouraient de faim. Un autre télégramme faisait
allusion aux vicissitudes des nomades qui avaient été obligés d'aller dans l'uezd de Narin, où il n'y avait
pourtant pas de blé et où même les habitants souffraient de la faim. On disait dans un troisième
télégramme que les paysans de Przeval'sk exterminaient impitoyablement les réfugiés et l'on demandait
protection. Dans un quatrième télégramme, les représentants de 17 volosli kirghizes demandaient à
revenir dans leurs uezdy et voulaient de l'aide pour ne pas mourir de faim. Voir T. Ryskulov, Kirgizstan,
Moscou, 1935, pp. 62-63 ; A.N. Zorin, Revoljucionnoe dvitenie Kirgizii (Le mouvement révolutionnaire
en Kirghizie), Frunze, 1931, p. 24 ; P. Alekseenkov, art. cit., pp. 120-121.
44. Ng, 37, 8 juin 1917, p. 3.
45. Les commissaires du Gouvernement provisoire ordonnèrent au comité des approvisionnements
de ravitailler tant les Russes que les indigènes ; ils proposèrent d'étendre au Semirec'e la loi sur le
monopole d'État du ble et d'envoyer de l'argent pour l'achat de blé et de bétail pour les nomades ; ils
demandèrent une aide pour les familles de Kirghizes tués (cf. Semirecenskie vědomosti, 108, 18 mai 1917,
p. 1 ; P. Alekseenkov, art. cit., p. 1 19 ; Ng, 37, 8 juin 1917, p. 3). Brojdo, président des soviets de
soldats, demanda à Kerenskij non seulement de réquisitionner les armes, mais également de confisquer la
terre de ceux qui s'étaient rendus coupables de crimes (Tk, 137, 22 juin 1917, p. 3). Au même moment le
soviet du Semirec'e se prononça beaucoup plus prudemment sur le problème de la confiscation des
armes en affirmant qu'il fallait enlever toutes celles que les nomades possédaient et que seuls les fusils
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distribués récemment aux Russes devaient être réquisitionnés ; ces armes ne devaient être remises aux
paysans qu'en cas d'urgence réelle et jamais sur une initiative autonome des comités locaux
(Semirečenskie vědomosti, 136, 21 juin 1917, pp. 3-4).
46. Turkestanskie vědomosti, 167, 22oct. 1917, p. 4.
47. Cf. Tk, 148, cité ; Ng, 101, 24avr. 1917, p. 2 ; L. Rezcov, op. cit., p. 71.
48. Cf. H.Š. Inojatov, éd., Hronika sobytij velikoj oktjabr'skoj socialističeskoj revoljucii v
Uzbekistáne, fevral'-nojabr' 1917 g. (Chronique des événements de la grande révolution socialiste
d'Octobre en Ouzbékistan, février-novembre 1917), Taškent, 1962, pp. 169-170.
49. On fait allusion ici et plus loin aux nombreux articles publiés ces jours-là et les jours suivants sur
les événements des 10-13 septembre à Taškent dans Ng et Tk. Voir également Vestnik Vremennogo
Pravitel'stva, 156, 19oct. 1917, p. 4 (l'article est publié aussi dans R.P. Browder, A. Kerensky, op. cit.,
I, p. 423) ; S. Muravejskij (V. Lopuhov), « Sentjabr'skie sobytija v Taškente v 1917 godu » (Les
événements de septembre à Taškent en 1917), Proletarskaja revoljucija, 10, oct. 1924, pp. 138-161;
F. Gnesin', « Turkestan v dni revoljucii i bol'sevizma, kratkoe opisanie hoda sobytij v Taškente, mart-
dekabť 1917 g. » (Le Turkestan pendant les jours de révolution et de bolchevisme, brève description du
cours des événements à Taškent, mars-décembre 1917), Belyj arhiv, 1, 1926, pp. 84-85 ; R.A. Pierce,
«Toward Soviet power in Tashkent, February-October 1917 », Canadian Slavonic Papers, XVII, 2-3,
1975, pp. 265-266.
50. Le texte de la résolution se trouve dans Ng, 117, 14 sept. 1917, p. 1.
51. C'est ce qu'on lit dans S. Muravejskij, art. cit., p. 145.
52. L'appel du nouveau pouvoir révolutionnaire se trouve dans Ng, 117, 14 sept. 1917, p. 1 et dans
7*, 205, 14 sept. 1917, p. 3.
53. Nasa gazeta (122, 8 novembre 1917) publia deux grands titres : « Le nouveau pouvoir » et « La
reddition de Kerenskij ». On publiait, toujours en première page, le décret sur la paix et le décret sur la
terre, approuvés par le soviet de Petrograd. Le IIIe Congrès des soviets du Turkestan, qui commença le
15 novembre, approuva une résolution proposée par une « fraction des bolcheviks et des maximalistes »
qui s'était constituée pendant ce même congrès. On affirmait dans cette résolution que « l'introduction
des musulmans dans les organismes du pouvoir révolutionnaire suprême du kraj est inadmissible, tant à
cause de la totale imprécision des rapports entre la population indigène et le pouvoir des soviets des
députés des soldats, des ouvriers et des paysans, que par le fait qu'il n'y avait pas d'organisations
prolétaires de classe dans la population indigène dont la représentation dans l'organisme du pouvoir suprême
du kraj serait saluée par la fraction. » (Ng, 133, 23 nov. 1917, p. L).