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1.

L’OULIPO
a. Définition

Un oulipien est avant tout un « rat qui construit lui-même le


labyrinthe dont il se propose de sortir ». Voilà la définition que l’OULIPO donne
de tout écrivain qui appartient à ce groupe. Enchevêtrée et transparente à parts
égales, cette formule reflète bien l’essence de ce groupe orienté vers
l’expérimentation avec le langage et porté à faire des ponts avec d’autres
disciplines, notamment les mathématiques, dont plusieurs de ses membres en
sont issus.
Le sigle se décompose ainsi :
Ou : OUvroir. On le caractérise comme un lieu où l’on œuvre, mais
immédiatement, faute de spécification, on commence à le définir à l’aide de tout
ce qu’il n’est pas. Ainsi, les oupenpiens le diffèrent d’un laboratoire, d’une société
savante, d’une secte, d’une école, d’une académie, d’un musée, d’une loge, d’un
commissariat, d’un institut, bref, de toute sorte d’institution.
X peut désigner n’importe quelle discipline. On trouve actuellement : l’OULIPO,
de littérature ; l’OUPEINPO, de peinture ; l’OUTRANSPO, de traduction ;
l’OUPHOPO, de photographie ; l’OULIPOPO, de littérature policière ; l’OUHISPO,
d’histoire ; l’OUBAPO de bande desinée ; etc.
Po : Potentiel. Des œuvres qu’on ne peut forcément trouver. Des œuvres en
quantité illimitée, potentiellement productible, en quantités énormes, infinies
pour toutes fins pratiques. Les ouxpiens ne veuillent pas aux œuvres, mais aux
méthodes, aux contraintes, aux dispositifs. Leur rô le est de proposer des
contraintes dont d’autres artistes peuvent se servir. Leur occupation principale
est celle de créer des techniques.

b. Principes oulipiens

Les oulipiens ont trois traits caractéristiques : ils travaillent de


manière collective ; ils embrassent un seule domaine artistique, la littérature ; ils
utilisent un seul outil stratégique privilégié, la contrainte. Le projet sacré de ce
groupe sera donc l’exploration méthodique, systématique, des potentialités de la
littérature. Leur travail est marqué par la créativité et la volonté inlassable de
jouer avec le langage et ses formes. Ils insistent cependant avec l’idée d’être
considérés comme des anti-académistes ; leur talent réside dans la capacité
d’introduire des concepts parfois assez complexes d’une manière qui ne se
prétende pas érudite. Et en opposition à une idée romantique de littérature ils
rejettent la notion de « inspiration » : les oulipiens préfèrent un esprit ludique
caractérisé en même temps par une rigueur scientifique et expérimentale.
Eduardo Berti décrit d’une manière très simple leur tâ che, il s’agit de « jouer
sérieusement ».
Et pour mener à bien ce projet ils s’accordent deux types de tâ ches :
- la première consiste à inventer des contraintes, de formes, de défis qui
permettent la création de œuvres originales ;
- la deuxième c’est la recherche d’anciennes œuvres littéraires qui ont
contribué à la création ou à l’utilisation de contraintes. Ces recherches ont fait
apparaître ceux qu’ils ont appelés les « plagiaires par anticipation ».

c. Leur vedette : La contrainte

Comme on vient de le préciser, au centre du cœur de ce projet, les


oulipiens ont placé la contrainte. Paradoxalement à ce que l’on peut penser, cette
notion, loin de limiter la créativité et l’inspiration, les nourrit, les stimule, les
éveille. On ne peut pas nier que dans l’univers littéraire, tout écrivain doit
concevoir ses œuvres en respectant des règles plus ou moins strictes, même les
écrivains les moins formalistes souscrivent à quelques exigences. Des
restrictions de vocabulaire, de syntaxe, des restrictions liées aux règles du
roman, de la tragédie, de versification. Mais dans le monde des oulipiens, on
traite le langage comme un objet en lui-même, comme un aspect matériel, et à
partir de cette considération, la contrainte oblige le langage à sortir de son
fonctionnement de tous les jours. Ils expérimentent avec de nouvelles
possibilités. Grace à cette méthode ils ont découvert qu’ils pouvaient appliquer
ces expériences à des faits qui n’existaient pas encore, déterminant ainsi la
direction que prenaient les recherches oulipiennes. Jean Lescure manifestait que
la majeur potentialité était la potentialité de ce qui n’existait pas encore.
Ainsi, l’objectif de la littérature potentielle consiste à fournir aux
écrivains du futur de nouvelles techniques qui puissent encourager l’inspiration
de leur créativité. Prenons l’exemple du sonnet : quand cette forme littéraire est
née, on n’a rien fait d’autre que créer des procédures mécaniques, une nouvelle
possibilité, qu’on peut choisir ou ne pas choisir. Le mot « potentiel » est lié à la
nature même de littérature, ce qui signifie qu’au fond il s’agit non pas de
littérature proprement dite, mais plutô t de fournir de formes d’utilisation qu’on
peut appliquer à la littérature.
Il s’agit là de la règle d’or de l’OULIPO : découvrir de nouvelles
structures et les présenter à travers de quelques exemples crées uniquement à
ce propos.
Ils ont même crée la Bibliothèque Oulipienne qui publie des fascicules
présentant les créations individuelles et les collectives. C’est surtout la
prolifération de nouvelles contraintes et la multiplication de découvertes des
plagiaires par anticipation ce qui a poussé les membres de l’OULIPO à chercher
un type d’organisation qui les aiderait à bien les examiner de plus près.
Outre les publications, les oulipiens animent des ateliers dans
lesquels on met l’accent sur le bon usage des contraintes crées. Ils n’hésitent pas
à tester la fécondité de leur travail en partageant ces inventions avec un public
réceptif qui n’a aucune relation avec le groupe et qui s’agit parfois de non-
écrivains.

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