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CURRICULUM Forum Med Suisse 2006;6:794–803 794

Insuffisance rénale chronique:


prise en charge
Vincent Bourquina, Pierre-Yves Martinb
Hôpitaux Universitaires de Genève
a
Service de Médecine interne générale, b Service de Néphrologie

Introduction
Quintessence
쎲 L’insuffisance rénale chronique (IRC) aboutissant à l’insuffisance rénale ter- L’insuffisance rénale chronique (IRC) aboutissant
minale (IRT) nécessitant une dialyse ou une transplantation est un problème de à l’insuffisance rénale terminale (IRT) nécessi-
santé publique majeur. Il est donc important d’identifier précocement une IRC tant une dialyse ou une transplantation est un
afin de ralentir sa progression et de diminuer ses conséquences. problème de santé publique majeur. Environ
3000 patients sont dialysés en Suisse et 256 pa-
쎲 La progression de l’IRC peut être ralentie par une prise en charge optimale tients ont été transplantés en raison d’une insuf-
des facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier l’hypertension artérielle
fisance rénale chronique (chiffres de l’année
(but TA <130/80 mm Hg). Un traitement hypotenseur agissant sur le système
2004). Ceci représente un coût approximatif de
rénine-angiotensine-aldostérone doit être introduit en première intention.
180 millions de francs en prestations de santé.
쎲 Les conséquences de l’IRC doivent être connues car leur prise en charge adé- La première démarche à faire pour un médecin
quate diminue la morbidité associée: anémie, hyperkaliémie, surcharge hy- praticien confronté à une insuffisance rénale est
drique, anomalies du bilan phosphocalcique, problèmes de nutrition, acidose de déterminer si elle est aiguë ou chronique.
métabolique … Dans la démarche diagnostique initiale, il faut
ensuite déterminer si l’insuffisance chronique
쎲 Une prise en charge néphrologique doit être mise en place précocement. est d’origine glomérulaire, interstitielle ou vas-
En cas d’IRC modérée, le néphrologue peut poser le diagnostic et donner
culaire (tab. 1 p) sur la base d’une anamnèse
les recommandations nécessaires au médecin praticien non néphrologue.
dirigée et d’un examen urinaire avec estimation
En cas d’IRC avancée (Clcreat <30 ml/min), le néphrologue doit avoir un rôle
de la protéinurie sur un spot. Pour un diagnostic
plus important dans la prise en charge pour informer et préparer le patient
définitif, il faut souvent avoir recours à des
à un traitement de substitution rénale (dialyse, dialyse péritonéale ou trans-
examens immunologiques et/ou sérologiques et
plantation).
à une biopsie rénale et/ou une imagerie du sys-
tème urinaire.
Summary La prise en charge commence par l’identification
Chronic kidney disease: therapy and care et la correction des causes réversibles de l’insuf-

쎲 Chronic kidney disease (CKD) leading to kidney failure necessitating renal


Tableau 1. Incidence des différentes étiologies d’IRC
replacement therapy is a major public health problem. It is therefore important
selon l’évaluation qualité des centres de dialyse
to identify CKD early in order to slow its progression toward kidney failure and de Suisse romande mars 2001 [1].
to decrease its morbidities.
Glomérulonéphrite primitive (15%)
쎲 CKD progression can be delayed by optimal clinical action on cardio-
Hyalinose segmentaire et focale
vascular risk factors, with emphasis on hypertension treatment (target:
Glomérulonéphrite extramembraneuse
<130/80 mm Hg). A treatment blocking the renin-angiotensin-aldosterone sys-
tem is the first choice. Glomérulonéphrite membrano-proliférative
Néphropathie diabétique (15%)
쎲 The metabolic consequences of CKD have to be evaluated since their appro-
Néphroangiosclérose hypertensive (31%)
priate treatment decrease the associated morbidities: anemia, hyperkalemia,
fluid overload, abnormal bone metabolism, malnutrition, metabolic acidosis. Néphrite interstitielle (14%)
Maladies polykystiques (11%)
쎲 An early referral to the nephrologist is necessary. When chronic kidney
Autres (16%)
failure is moderate, the nephrologist can provide a set of recommended inter-
Néphropathie obstructive
ventions to the primary care physician. When the kidney failure is severe
(Crcl <30 ml/min), the nephrologist assume a more important responsability to Vasculite
prepare the patient for renal replacement therapy. Néphropathie lupique
Amylose rénale
Néphropathie ischémique
Autres maladies héréditaires (Alport, etc.)
Inconnu

Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 783 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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fisance rénale chez les patients avec IRC. Plu- de fonction (anémie d’origine rénale, malnu-
sieurs excellentes études ont montré qu’il était trition, anomalies du métabolisme phosphocal-
possible de ralentir la progression de l’insuffi- cique, hypertension artérielle, hypertrophie ven-
sance rénale avec un traitement hypotenseur ef- triculaire gauche, dyslipidémie).
ficace, tout particulièrement avec les inhibiteurs Inversement, tous les patients avec une atteinte
du système rénine-angiotensine-aldostérone. rénale parenchymateuse ont une maladie rénale
D’autres mesures comme la restriction protéique chronique, indépendamment du GFR. Ils présen-
et l’optimalisation du contrôle glycémique chez tent un risque augmenté d’insuffisance rénale
les patients diabétiques ont également démontré chronique.
leur efficacité mais dans une moindre mesure Chaque patient devrait être classé selon l’impor-
comparée au traitement hypotenseur. Quand ces tance de l’atteinte du GFR et mis au bénéfice
traitements sont en place, il est important d’an- d’une stratégie thérapeutique visant à diminuer
ticiper et de traiter les manifestations de l’IRC les complications et la progression de l’IRC
progressive: surcharge hydrique, hyperkaliémie, (tab. 2 p).
acidose métabolique, anomalies du métabolisme Finalement, les patients avec un GFR <15 ml/
phosphocalcique, dénutrition et anémie. min/1,73 m2 sont considérés comme ayant une
Dans cet article, nous allons discuter des points- insuffisance rénale terminale à savoir qu’un trai-
clé de la prise en charge optimale d’un patient tement de substitution rénal va être nécessaire.
avec une maladie rénale chronique. Ces recom-
mandations se basent principalement sur celles
des EBPG («European Best Practice Guidelines») Détermination de la fonction rénale
disponibles sur le site internet http://oxford-
journals.org/supplements.dtl, ainsi que celles Le calcul du taux de filtration glomérulaire en
des K/DOKI (Kidney Disease Outcomes Quality mesurant la clairance d’une substance exogène
Initiative) disponibles sur le site internet comme l’inuline ou des traceurs isotopiques
www.kdoqi.org. (51Cr-EDTA, iohexol, 125I-iothalamate) est la ma-
nière la plus précise (gold standard) pour estimer
la fonction rénale. Toutefois, ces techniques sont
Définition difficiles à réaliser en pratique clinique et à
réserver pour des protocoles d’étude ou des cas
La maladie rénale chronique que l’on nomme difficiles (dénutrition, bilan prétransplantation
communément une insuffisance rénale chroni- chez patient cirrhotiques, etc.).
que se définit: On utilise donc une substance endogène, la créa-
– soit par une atteinte rénale (histologique, sé- tinine, pour estimer le GFR. En effet, cette molé-
diment urinaire anormal, imagerie patholo- cule est filtrée par les glomérules et n’est que peu
gique); sécrétée (7–10%) par les tubules rénaux. Sa clai-
– soit par un taux de filtration glomérulaire rance (mesure du volume de plasma épuré de la
(GFR, glomerular filtration rate) <60 ml/min/ créatinine par unité de temps en mesurant la
1,73 m2 pendant une durée de trois mois au créatinine sanguine et dans les urines de 24 h)
minimum [2]. représente la filtration glomérulaire. Il faut ce-
pendant garder quelques éléments en tête. Pre-
En d’autres termes, tous les patients avec un mièrement, on surestime constamment le GFR
GFR <60 ml/min/1,73 m2 ont une maladie rénale d’environ 7 à 10% pour des valeurs normales et
chronique, qu’il y ait ou non une atteinte rénale jusqu’à 100% pour des valeurs basses de GFR
«structurelle» identifiée. Ce niveau de filtration (aux alentours de 20 ml/min et en dessous, car il
glomérulaire correspond à une perte d’au moins y a une augmentation de la sécrétion tubulaire).
la moitié de la fonction rénale initiale et peut s’ac- Deuxièmement, la créatinine est produite par le
compagner de complications liées à cette baisse métabolisme musculaire à partir de la créatine.

Tableau 2. Classification insuffisance rénale chronique [2].

Stade Description GFR Action


(ml/min/1,73 m2)
– Risque augmenté 060 Dépistage: réduction risque maladie rénale chronique
1 Maladie rénale 090 Diagnostic et traitement: traitement des comor-
avec GFR normal bidités, diminution progression, diminution FRCV
2 Maladie rénale 60–89 Evaluation progression
avec faible baisse GFR
3 Baisse modérée GFR 30–59 Evaluer et traiter les complications
4 Baisse sévère GFR 15–29 Préparation pour traitement de substitution rénale
5 Insuffisance rénale terminale <15 ou dialyse Substitution rénale (si signes d’urémie présents)
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Un taux de créatinine doit donc être interprété raplégie ou une tétraplégie, l’estimation du GFR
en fonction de l’âge et de la masse musculaire par ces équations est inadéquate et il faut mesurer
(valeur de créatinine à 100 µmol/L normale à une clairance de la créatinine par une récolte des
20 ans et pouvant représenter une baisse de moi- urines de 24 heures voire utiliser une substance
tié du GFR à 80 ans). Troisièmement, le taux de exogène comme l’inuline ou les radio-isotopes.
créatinine est influencé par le volume de distri- Chez les patients avec un GFR <30 ml/min/
bution, et les patients en surcharge volumique 1,73 m2, il faut utiliser l’équation MDRD ou faire la
(ascite, œdèmes) ont tendance à avoir des moyenne entre la clairance de l’urée qui est sous-
valeurs de créatinine plus basses. Enfin, certains estimée en raison de la réabsorption tubulaire
médicaments (cimétidine, triméthoprime) inhi- proximale et la clairance de la créatinine pour
bent la sécrétion tubulaire de la créatinine et pallier la surestimation du GFR de cette dernière.
augmentent son taux sanguin, sans changement
du GFR. Ces médicaments sont quelquefois utili-
sés pour améliorer la précision de la clairance à Prise en charge néphrologique
la créatinine quand on suspecte une augmenta-
tion de la sécrétion. Le moment de la prise en charge du patient en
Le taux de filtration glomérulaire (GFR) peut être IRC est crucial, comme le montrent les études qui
estimé à partir de la valeur de la créatinine séri- ont évalué le devenir des patients en fonction du
que en utilisant des équations qui prennent en début de la prise en charge néphrologique.
compte l’âge, le sexe, la race et le poids. Ces deux On parle de prise en charge retardée de l’IRC
équations sont: lorsque la première visite néphrologique s’est
faite à moins de un à six mois (selon les études)
1. L’équation de Cockroft-Gault: avant la mise en dialyse. Elle va être au détri-
(140 – âge) x poids [kg]
ment du patient avec une mortalité à court et long
x 1,03 [pour les femmes] resp. terme augmentée, une augmentation des comor-
x 1,23 [pour les hommes] bidités, des coûts d’hospitalisation initiaux aug-
Clairance de la créatinine [ml/min] =
Créatinine sérique [µmol/L] mentés, une dialyse en urgence avec des problè-
mes d’accès veineux, un prolongement de l’arrêt
2. Equation simplifiée tirée de l’étude MDRD: maladie et une orientation préférentielle vers
GFR [ml/min/1,73 m2] = 186,3 x créatinine–1,1547 [mg/dl]
l’hémodialyse vs la dialyse péritonéale et la
x âge-0,203 x 0,742 [pour les femmes] transplantation. Cette prise en charge retardée
resp. x 1,21 [pour les afro-américains] de l’IRC varie entre 30 et 64% des patients débu-
tant une dialyse. Ces chiffres n’ont pas changé
Ces équations sont accessibles via internet sous depuis ces 20 dernières années.
www.kdoqi.org (GFR calculator). Etant donnés ces faits, on peut recommander
L’équation de Cockroft et Gault est adéquate chez une consultation néphrologique pour évaluer
les personnes sans maladie rénale ou avec une l’IRC dans plusieurs cas de figure [3]:
atteinte modérée de la fonction rénale (GFR >30 1. pour poser le diagnostic d’IRC si une maladie
ml/min/1,73 m2). Cette équation reste donc très rénale est suspectée et définir le cadre de la
utile dans l’évaluation précoce, mais elle ne doit prise en charge;
pas être utilisé si le GFR est <30 ml/min/1,73 m2 2. une fois par année quand le diagnostic d’IRC
ou pour déterminer l’indication à la dialyse. est posé et que celle-ci n’évolue pas vers l’IRT;
L’équation tirée de l’étude MDRD a plusieurs 3. quand le GFR diminue de plus de 20% pour
avantages. Elle est plus adaptée et précise que mettre en évidence une cause surajoutée et
l’équation de Cockroft et Gault pour des person- revoir le traitement.
nes avec un GFR inférieur à 90 ml/min/1,73 m2.
Elle prédit le GFR comme mesuré par une Tableau 3. Valeur de la créatinine en fonction de l’âge
pour un GFR estimé à 60 ml/min/1,73 m2.
méthode reconnue, la clairance urinaire du
125
I-iothalamate. Elle a été développée à partir Age Concentration créatinine sérique (mmol/L)
d’une grande cohorte de plus de 1000 patients Equation simplifiée Equation Cockroft
avec des maladies rénales diverses et validée étude MDRD et Gault
chez une autre cohorte de plus de 500 patients. Hommes Femmes Hommes Femmes
Le tableau 3 p compare les valeurs de créatinine 30 130 100 162 138
correspondant à un GFR à 60 ml/min/1,73 m2
40 123 95 148 126
estimé soit par Cockroft-Gault soit par MDRD
simplifiée en fonction de l’âge et du sexe. 50 118 91 133 113
Néanmoins, ces équations sont des estimations qui 60 115 88 118 100
ne sont validées que dans des groupes de patients 70 111 86 103 88
relativement limités et ne peuvent être transférées 80 109 84 88 75
à tous les groupes. Dans certaines situations Les calculs de cette table sont valables pour
comme un âge avancé, une malnutrition sévère une personne d’un poids de 72 kg et d’une surface
ou une obésité, une maladie musculaire, une pa- corporelle de 1,73 m2.
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4. Enfin quand le GFR est inférieur à 20–25 ml/ Son traitement, en sus de traiter un facteur de
min/1,73 m2 une prise en charge néphrologi- risque cardiovasculaire majeur, est l’interven-
que est indispensable pour informer le patient tion la plus importante pour freiner la progres-
des différentes formes de substitution rénale, sion de l’IRC. De plus, l’HTA essentielle est une
pour préparer un accès pour la dialyse et pla- cause d’IRC (néphroangiosclérose hypertensive)
nifier le début de la dialyse ou pour entamer même si souvent une HTA secondaire à une
un bilan prétransplantation rénal. A ce degré atteinte rénale non diagnostiquée est difficile à
d’insuffisance rénale, la perte de la fonction exclure.
peut être variable: de lente (1–3 ml/min/an) à Toutes les recommandations actuelles ont défini
très rapide (10 ml/min ou plus/an). On doit la valeur tensionnelle cible comme devant être
habituellement débuter un traitement de inférieure à 130/80 mm Hg. Pour atteindre ce
substitution rénale lorsque le TGF est entre but, le patient avec une IRC doit recevoir un trai-
10–12 ml/min/1,73 m2. tement hypotenseur agressif qui se composera le
plus souvent de plusieurs molécules [4, 5].
Il faut savoir que la confection d’une fistule arté- Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
rioveineuse de bonne qualité est souvent difficile et les antagonistes du récepteur de l’angioten-
et le délai entre la décision de la construire et son sine II (ARAII) sont les médicaments de premier
utilisation peut être de plusieurs mois, De même, choix et ont montré un effet bénéfique dans la
l’organisation d’une dialyse péritonéale à domi- progression de la néphropathie diabétique et
cile nécessite des arrangements dans le loge- non diabétique. Une augmentation modérée de
ment, un enseignement, etc. qui prennent plu- la créatinine, jusqu’à 30% de la valeur de base,
sieurs mois. Finalement, un bilan pour une avec les IEC ou les ARAII est acceptable et n’est
transplantation rénale demande également sou- pas une raison pour arrêter ces traitements, sauf
vent plusieurs mois. Cependant, si le patient si associée à une hyperkaliémie (>5,6 mmol/L)
remplit les critères pour être mis sur liste d’at- [6] (fig. 1 x). Il ne faut pas hésiter à monter aux
tente, il bénéficiera d’y être mis le plus tôt possi- doses maximales tolérées. La combinaison d’un
ble (à savoir dès que la clairance de la créatinine IEC et d’un diurétique est idéale pour débuter un
est inférieure à 15 ml/min/1,73 m2 ou si le re- traitement hypotenseur. En effet, l’hypertension
cours à la dialyse est certain dans les 18 mois à artérielle associée à l’IRC est volume-dépen-
venir). Il est important que les médecins traitants dante, cette caractéristique augmentant avec le
sachent qu’il n’est pas nécessaire d’attendre la degré de l’IRC. On choisira un diurétique type
mise en dialyse pour être mis sur une liste de thiazidique pour un GFR >30 ml/min/1,73 m2 et
transplantation. La possibilité d’une transplan- l’on préférera un diurétique de l’anse pour un
tation rénale à partir d’un donneur vivant (parmi GFR <30 ml/min/1,73 m2 (par ex. 10–20 mg de
la famille ou les proches) doit pouvoir être éga- torasémide 2x/j).
lement abordée. De telles questions demandent En seconde ligne, on ajoutera un anticalcique de
souvent un long temps de réflexion. Si une trans- longue durée d’action. Afin de faciliter l’obser-
plantation à partir d’un donneur vivant est pos- vance médicamenteuse, il faut considérer les
sible, une transplantation préemptive est la meil- combinaisons fixes de molécules (IEC/antical-
leure solution et elle s’accompagne de meilleurs cique ou IEC/diurétique par exemple).
résultats. En troisième ligne, on choisira un bêtabloquant,
C’est dans cette période également que la dé- tout particulièrement si la fréquence cardiaque
cision de ne pas recourir à un traitement de de repos est élevée. Une alternative peut être un
substitution rénale doit se prendre. Ceci est par- alpha-2-mimétique central comme la clonidine
ticulièrement important chez les patients âgés (Catapresan®) ou la moxonidine (Physiotens®)
(habituellement plus de 80 ans) pour lesquels la car il existe une hyperactivité du système ner-
question de la futilité d’un tel traitement peut se veux sympathique dans l’IRC.
poser. Le patient, le médecin traitant et la famille Si, malgré tout, la TA reste supérieure à 130/
doivent avoir le temps de se renseigner sur ce 80 mm Hg, il faut discuter soit l’ajout d’un vaso-
qu’implique le traitement ou son abstention et dilatateur périphérique comme le minoxidil
prendre les mesures nécessaires pour une prise (Loniten®) soit la combinaison IEC et ARAII ou
en charge adéquate. Les conseils du néphrolo- bêtabloquant et un alpha-2-mimétique central.
gue, même en cas d’abstention de dialyse, sont Une hypervolémie doit toujours être suspectée
nécessaires. dans une hypertension difficile à traiter et il faut
ajuster la dose de diurétiques en fonction de
la sévérité de l’IRC (on peut aller à des doses de
Hypertension artérielle 200 mg de torasémide [Torem®] ou de 500 mg de
furosémide [Lasix®] par jour). Finalement, une
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a es- hypertension difficile, résistante aux diurétiques
timé que l’hypertension artérielle (HTA) cause la et associée à une IRC de stade 5 doit poser l’in-
mort d’une personne sur huit, ce qui en fait la dication à débuter la dialyse même si les autres
troisième cause de mortalité à travers le monde. symptômes ne sont pas encore trop importants.
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Début traitement:
IEC ou ARAII

Conrôle électrolytes et
créatinine, 1–2 semaines

A B C
Créatinine inchangée Augmentation de la créatinine <30% Augmentation
Electrolytes N de la créatinine >50%

Continuer titrer TA obtenue TA non obtenue Exclure hypoperfusion


pour obtenir TA (hypovolémie et ttt AINS)

Contrôle électrolytes Contrôle créatinine, Continuer IEC ou ARAII Rechercher


et créatinine, 2–3 semaines Ajout autre ttt sténose bilatérale à rénale
3–4 semaines pour obtenir TA

Si stable: Augmentation Contrôle électrolytes


contrôle annuel de la créatinine >30% et créatinine,
Si AINS ou hypoperfusion: 2–3 semaines
contrôle plus fréquent

IEC ou ARAII Augmentation Augmentation


Diminution 50% de la créatinine <30% de la créatinine <30%
Ajout autre ttt TA obtenue: ad A TA non obtenue: ajout autre ttt
pour obtenir TA pour obtenir TA

Contrôle dans 4 semaines Contrôle créatinine,


Si stable: ad A 3–4 semaines
Si >30%: stop IEC ou ARAII
Débuter autre ttt

TA obtenue: ad A
Créatinine >30%: ad C

Figure 1
Approche systématique d’un patient avec IRC chez qui un traitement par IEC ou ARAII est débuté. (Adapté selon Bakris et al. [6]).
Abréviations: IEC = inhibiteur enzyme de conversion, ARAII = antagoniste du récepteur de l’angiotensine 2, TA = tension artérielle,
AINS = anti-inflammatoire non stéroïdien, ttt = traitement.

Anémie (baisse de la synthèse d’érythropoïétine (EPO),


inhibiteurs urémiques de l’érythropoïèse, déficit
Tous les patients avec une anémie chronique en fer fonctionnel ou absolu, diminution de la
associée à une insuffisance rénale chronique demi-vie des érythrocytes en circulation et spo-
doivent être investigués dans l’optique d’un trai- liation). C’est un diagnostic d’exclusion.
tement. Si l’anémie n’est pas corrigée, elle peut Si le bilan martial est anormal, c’est-à-dire: une
avoir des conséquences importantes, tant sur la ferritine sérique inférieure à 100 µg/ml et un
qualité de vie, que sur l’augmentation de compli- coefficient de saturation en fer de la transferrine
cations cardiaques par hypertrophie ventricu- (TSAT) inférieur à 20% (à noter que le rôle du ré-
laire gauche et fibrose. cepteur soluble à la transferrine n’est pas encore
On diagnostique une anémie devant une valeur déterminé) on débutera une substitution en fer
d’hémoglobine inférieure à 115 G/L chez la par voie intraveineuse avec comme cible une
femme et 135 G/L chez l’homme (<120 G/L chez ferritine entre 200 et 500 µg/ml et un TSAT entre
l’homme >70 ans). (tab. 4 p) L’anémie de l’IRC 30 et 40%. La voie per os est à éviter en raison
est classiquement normochrome normocytaire d’une absorption du fer par le tractus digestif
hyporégénérative et d’origine multifactorielle diminuée chez les patients urémiques.
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Tableau 4. Approche anémie chez patient avec IRC (EBPG).

1. Anémie si Hb <115 G/L chez la femme et <135 G/L chez l’homme (<120 G/L si >70 ans)
2. Bilan initial: Hémoglobine, index corpusculaire (MCV et MCHC), nombre absolu réticulocytes, ferritine,
coefficient de saturation en fer de la transferrine (fer sérique/transferrine) et protéine C-réactive
3. Bilan complémentaire (en fonction bilan initial): recherche spoliation digestive, dosage vitamine B12 et folates,
dosage leucocytes avec répartition et thrombocytes, recherche hémolyse (haptoglobine, LDH, bilirubine,
test de Coombs), électrophorèse et/ou immunoélectrophorèse des protéines sang et/ou urine, dosage alumi-
nium, électrophorèse hémoglobine et myélogramme dans cas sélectionné
4. Investigations normales, ad substitution EPO s.c. et fer i.v.
5. But: ferritine entre 200 et 500 µg/L et TSAT entre 30–40%
1re cure: venofer® 3x 100 mg i.v. la première semaine, puis hebdomadaire:
100 mg/semaine i.v. si ferritine <200 µg/L
50 mg/semaine i.v. si ferritine >200 µg/L
Stop si ferritine >600 µg/L
6. But: Hémoglobine >110 G/L
a) EPO-r-Hu (Recormon® ou Eprex®1); dose initiale 50–150 UI/kg/semaine, 3x par semaine s.c. dans phase
de correction, puis 1x par semaine dans phase de maintien:
a) Si augmentation Hb <10 G/L après 2 semaines, augmenter les doses de 25%
b) Si augmentation Hb >20 G/L après 2 semaines, diminuer les doses de 25–50%
b) Darbépoétine alfa (Aranesp®); dose initiale 0,75 µg/kg 1x toutes les 2 semaines ou 0,45 µg/kg 1x par semaine
s.c. dans la phase de correction, puis 1x par mois dans la phase de maintien:
a) Si augmentation Hb <10 G/L après 4 semaines, augmenter la dose de 25%
b) Si augmentation Hb >25 G/L après 4 semaines, diminuer la dose de 25–50%
7. Durant phase de correction: contrôle Hb toutes les 2–4 semaines et bilan martial (dosage 1 semaine après
fer i.v.) tous les 1–3 mois
8. Durant phase de maintien: contrôle Hb tous les 1–2 mois et bilan martial (dosage 1 semaine après fer i.v.)
tous les 1–3 mois

Quand le diagnostic d’anémie «rénale» est posé, épidémiologiques ont montré qu’une élévation du
le but est d’obtenir et de maintenir une valeur produit phosphocalcique est associée à une aug-
d’hémoglobine >110 G/L (hématocrite >33%). mentation du risque cardiovasculaire [8].
Cette valeur devra être obtenue dans les quatre La prise en charge du bilan phosphocalcique vise
mois suivant l’instauration du traitement d’éry- les objectifs suivants: le maintien d’une concen-
thropoïétine (EPO). Trois médicaments sont à tration normale en calcium (Ca) et en phosphate
disposition: deux EPO recombinantes humaines (PO4), ainsi que la baisse de l’hypersécrétion de
(le Recormon® et l’Eprex®1) et la darbépoétine parathormone (PTH).
alpha (Aranesp®) (tab. 4). L’administration de La phosphatémie doit être maintenu à une va-
l’EPO se fait préférentiellement par voie sous-cu- leur <1,5 mmol/L, la calcémie à une valeur com-
tanée. La plupart du temps, la fréquence de l’ad- prise entre 2,2 et 2,4 mmol/L et le produit phos-
ministration peut être d’une fois par semaine ou phocalcique à une valeur <4,4 mmol2/L2. Dans ce
moins lors du traitement de maintien. Il y a une but, on commence par une restriction alimen-
synergie entre le traitement d’EPO et la substitu- taire en phosphate en diminuant les apports à
tion martiale. En début de traitement, la tension 800 mg par jour, qui va de pair avec une restric-
artérielle doit être mesurée de façon rapprochée tion protéique. Si cette mesure est inefficace
(risque d’aggravation de l’HTA). ou non réalisable, on prescrit un chélateur du
phosphate. En première intention, on utilise le
carbonate ou l’acétate de calcium à raison de
Bilan phosphocalcique 2–3x 500 mg par jour (à prendre pendant les
repas). Néanmoins, il faut augmenter les doses
Au cours de l’évolution de la maladie rénale chro- pour avoir un effet sur la phosphatémie avec le
nique, des modifications importantes de l’homéo- risque d’augmenter la charge calcique et d’aug-
stasie phosphocalcique se développent, pouvant menter les calcifications artérielles (si équivalent
conduire à des altérations osseuses comme l’os-
téite fibreuse, l’ostéopathie adynamique ou l’ostéo-
1 Actuellement l’indication à l’Eprex® SC a été transi-
malacie [7]. Cette dysrégulation va entraîner des
toirement suspendue en raison d’érythroblastopénie
complications osseuses, avec des douleurs ostéo- secondaire au solvant. Ce problème est en train
articulaires et des fractures, ainsi que des compli- d’être résolu et ce médicament pourra bientôt être
cations cardiovasculaires. En effet, des études à nouveau utilisé par cette voie.
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calcique >1,5 g/j). L’acétate de calcium est utilisé de phosphate. Les études actuelles ont démontré
si un anti-acide a également été prescrit. l’efficacité de ce traitement sur le contrôle de la
En cas de contrôle insuffisant de l’hyperphos- PTH et ce médicament est utilisé de manière ré-
phatémie par les mesures diététiques associées gulière chez les patients dialysés avec un hyper-
aux chélateurs à base calcique et en présence PTH secondaire non ralenti par les traitements à
d’une hypercalcémie, il existe l’alternative de base de chélateurs et le régime (indication recon-
l’hydrochloride de Sevelamer (Renagel®). Il s’agit nue par les caisses maladies). Il n’y a pas encore
d’un complexant non calcique, non aluminique d’étude prospective montrant un avantage de
et non magnésien fixant les anions tels que le ce traitement sur la mortalité et la morbidité
phosphate et les sels biliaires. Actuellement, ce osseuse et cardiovasculaire mais une métanalyse
traitement est de deuxième ligne uniquement des trois plus grandes études avec le cinacalcet
en cas d’hypercalcémie associée (cf. indications rapporte un effet bénéfique sur les taux de frac-
d’emploi et de remboursement du «Compen- ture et d’événements cardiovasculaires [12].
dium suisse des médicaments»®).
Finalement, le carbonate de lanthanum, un ché-
lateur du phosphate, non calcique et non alumi- Nutrition
nique, est très prometteur. Il a une efficacité en
tout cas similaire voire supérieure aux autres La dénutrition protéino-calorique est associée à
chélateurs. Il semble avoir peu d’effets secondai- une augmentation de la morbidité et de la mor-
res même si un doute persiste quant à une accu- talité au cours de l’IRC avancée. La dénutrition
mulation osseuse et hépatique à long terme du n’est pas limitée à un stade particulier de l’IRC.
lanthanum. Sa posologie est avantageuse (peu de Il est maintenant bien établi que l’état nutrition-
comprimés). Il sera disponible en Suisse en 2006 nel des patients avant la dialyse affecte leur sur-
[9]. Les chélateurs du phosphate à base d’alumi- vie à long terme après la mise en route de l’épu-
nium sont efficaces, mais associés à de l’ostéo- ration extra-rénale. Ainsi, une diminution de la
malacie, des anémies microcytaires, des arthro- concentration sérique d’albumine, une réduction
pathies et des encéphalopathies secondaires à de la masse musculaire, une concentration basse
une intoxication à l’aluminium. Ils ne devraient de transferrine et de cholestérol au moment de
plus être utilisés, hormis dans des circonstances la mise en dialyse sont des marqueurs puissants
particulières et des périodes courtes d’un excès de mortalité. Les facteurs contribuant
Le taux sérique de la PTH augmente très tôt dans à la dénutrition sont l’anorexie liée à l’IRC, l’aci-
l’évolution de l’IRC, dès que le GFR est réduit à dose métabolique, (hypercatabolisme muscu-
60–80 ml/min/1,73 m2 [10]. L’excès de PTH ou laire), la résistance à l’insuline, l’hyperparathy-
hyperparathyroïdisme secondaire est à l’origine roïdisme et la résistance à l’effet anabolique de
d’une des formes les plus fréquente d’ostéodys- l’hormone de croissance. Il faut également comp-
trophie rénale, l’ostéite fibreuse. Mais elle a éga- ter avec les comorbidités associées, en particu-
lement des retentissements au niveau cardio- lier le diabète.
vasculaire et un effet négatif sur l’évolution de D’un autre côté, une restriction protidique de 0,4
la fonction rénale. Quand le GFR est supérieur à à 0,6 g/kg par jour permet un ralentissement de
30 ml/min/1,73 m2, le but est une normalisation la progression de l’IRC et retarde le début d’une
de la PTH (1,2 à 6 pmol/L). En deçà, on vise un suppléance rénale. Ces effets sont suggérés par
taux entre 14 et 21 pmol/L (soit deux à trois fois plusieurs études et méta-analyses [13]. Cepen-
la limite supérieure de la norme) pour réduire le dant, les effets de ces restrictions protéiques ont
risque d’ostéopathie adynamique. On débutera été observés dans des collectifs d’étude avec une
par un traitement de calcitriol (Rocaltrol®) per os surveillance diététique intense non réalisable la
avec une dose initiale de 3x 0,25 µg par semaine plupart du temps dans des suivis habituels. C’est
en surveillant régulièrement la calcémie, les ris- pour cela que les recommandations actuelles
ques d’hypercalcémie étant non négligeables. proposent un compromis avec un apport pro-
Une forme intraveineuse du calcitriol existe qui téique de 0,8 g/kg par jour et un apport calori-
est réservée aux patients en hémodialyse. Cette que de 30 à 35 kcal/kg par jour.
alternative est disponible depuis peu en Suisse La diminution de l’apport protidique protège
sous la forme du paricalcitol (Zemplar®). Ce mé- vis-à-vis du développement de lésions glomérulai-
dicament, beaucoup utilisé aux Etats-Unis, sem- res, appelées glomérulosclérose. Cet effet est lié,
ble occasionner moins d’hypercalcémie avec une en partie, à des modifications de la résistance
meilleure efficacité sur le traitement de l’hyper- artériolaire glomérulaire entraînant une réduc-
PTH [11]. tion de la pression intra-glomérulaire et une dimi-
Les calcimimétiques (par ex. cinacalcet [Mim- nution de l’hypertrophie glomérulaire. Il existe
para®]) diminuent le seuil d’activation des récep- probablement des effets non hémodynamiques,
teurs au calcium des glandes parathyroïdes par par régulation de la libération de certaines cyto-
la calcémie. Ils diminuent donc la PTH chez les kines (TGF-b et PDGF) et de gènes régulant la syn-
patients en hémodialyse et permettent égale- thèse de la matrice extracellulaire glomérulaire
ment une diminution des valeurs de calcium et dont l’excès contribue aux lésions sclérotiques.
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Pour que vos patients puissent mettre en appli- diététiques et si l’effet est insuffisant, on débute
cation ces recommandations, il faut souvent un traitement avec une statine. Un effet bénéfi-
qu’ils s’adressent à une consultation diététique. que de l’aspirine® en prévention primaire n’est
Cette dernière est d’ailleurs remboursée à raison pas démontré, mais ce traitement doit être ad-
de deux consultations par année pour les ministré en prévention secondaire. Finalement,
patients présentant une IRC. Ils peuvent éga- une action sur d’autres facteurs de risques car-
lement avoir recours à internet, en utilisant ce diovasculaires comme l’hyperhomocystéinémie
site éducatif: www.soc-nephrologie.org/epublic/ ou le stress oxydatif, très fréquents dans cette po-
dietetique/index.htm. pulation, n’a pas encore démontré son efficacité.

Traitement hypolipémiant Acidose métabolique


et traitement cardioprotecteur
Le taux de bicarbonate doit être maintenu au-
La maladie cardiovasculaire (MCV) mérite une dessus de 22 mmol/L. En effet, l’acidose méta-
considération particulière comme complication bolique chronique a des effets néfastes sur le plan
de l’IRC. En effet, la survenue d’événements car- osseux en stimulant l’activité ostéoclastique et en
diovasculaires est plus fréquente que l’évolution causant une dissolution directe physico-chimi-
en IRT chez les patients présentant une maladie que du calcium. De plus, l’acidose augmente le
rénale chronique. La maladie rénale chronique catabolisme du muscle squelettique, aboutissant
est un facteur de risque cardiovasculaire indé- à une fonte musculaire et à une faiblesse muscu-
pendant. Enfin la MCV associée à l’insuffisance laire. Elle a un effet anorexigène, aggravant l’état
rénale chronique est traitable et peut potentiel- nutritionnel et est probablement responsable en
lement être prévenue. Les patients avec une IRC soi de la progression de l’IRC.
sont classés dans le groupe «haut risque» pour L’utilisation de carbonate ou acétate de calcium
une MCV et doivent être pris en charge comme comme chélateurs du phosphore fournit du bi-
telles. carbonate. En cas de correction insuffisante, un
Les facteurs de risque cardiovasculaires doivent traitement de bicarbonate de sodium (Néphro-
être identifiés et traités; tabagisme, hyperglycé- trans®) per os, 3x 500 mg par jour, peut être en-
mie, dyslipidémie et hypertension. Les patients visagé (jusqu’à 4 g/j) mais avec une surveillance
avec un diabète sucré bénéficient d’un traite- de la tension artérielle et de la prise pondérale
ment visant une hémoglobine glyquée de <7% en raison de la charge sodée.
[14]. La consommation de tabac doit être arrê-
tée. La tension artérielle est traitée agressive-
ment (cf. paragraphe à ce sujet). Il n’existe pas Conclusion
d’étude randomisée contrôlée chez les patients
avec une IRC qui évalue l’effet d’un traitement En optimisant la prise en charge d’un patient
hypolipémiant sur l’évolution de la néphropa- avec une maladie rénale chronique (tab. 5 p),
thie. Des études expérimentales et des études on offre une chance aux patients de retarder le
épidémiologiques, ainsi que des analyses de pe- début d’un traitement de substitution rénale.
tits sous-groupes inclus dans les essais de la po- Pour les patients qui auront néanmoins besoin
pulation générale ont suggéré le bénéfice des sta- de ce traitement, la mise en pratique de ces re-
tines en termes de protection cardiovasculaire commandations va aboutir à un début de dialyse
chez les patients ayant une IRC. Ces données dans les meilleures conditions possibles sur le
viennent d’être confirmées partiellement par les plan physique, moral et social [17].
résultats de l’étude ALERT [15] chez les trans- Ce début «idéal» est possible chez un patient bien
plantés rénaux. D’autres études d’intervention nourri; avec une tension artérielle inférieure à
avec des statines sont en cours chez les patients 130/80 mm Hg; une hémoglobine à 110 G/L ou
ayant une IRC (AURORA [rosuvastatine] et plus; un taux sérique normal de calcium, de
SHARP [simvastatine/ézétimibe]). Parmi celles- phosphore, d’albumine et de bicarbonate; une
ci, l’étude 4D semble ne pas démontrer d’avan- PTH entre 14 et 21 pmol/L; un abord vasculaire
tages des statines pour les patients en hémodia- établi ou un cathéter de dialyse péritonéale en
lyse [16]. place; une attitude déjà déterminée vis-à-vis de
Les objectifs d’un traitement hypolipémiant la transplantation et une prise en charge opti-
visent à obtenir un LDL cholestérol inférieur male de ses comorbidités. Un patient qui remplit
à 2,6 mmol/L et des triglycérides inférieurs à tous ces critères aura une meilleure survie à long
2 mmol/L. Pour cela, on débute avec des conseils terme.
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Tableau 5. Recommandation pour prise en charge patient avec maladie rénale chronique en dix points
(adapté selon Wauters et al. [17]).

1. Contrôle de la tension artérielle Tension artérielle <130/80 mm Hg


2. Traitement par IEC ou ARAII Indépendamment de l’étiologie de l’IRC (cf. tab. 4 pour mise en place
du traitement)
3. Restriction protéique Restriction protidique à 0,8 g/kg/j
Prise calorique autour de 30–35 kcal/kg/j
(Commentaire: pour réaliser ces buts, une consultation diététique est généra-
lement nécessaire. Si le patient est mal nourri, il faut augmenter la prise pro-
tidique et calorique. En cas de doute, on peut s’aider en dosant l’albumine.)
4. Bicarbonates Maintenir >22 mmol/L
5. Anémie Fer i.v. pour obtenir ferritine entre 200–500 mg/L et TSAT entre 30–40%
EPO pour Hb >110 G/L
6. Calcium et phosphate Chélateur du phosphate si phosphate >1,5 mmol/L
GFR >30 ml/min: calcitriol si PTH >norme et phosphate <1,5 mmol/L
GFR <30 ml/min: calcitriol si PTH >2,5–3x la norme et phosphate <1,5 mmol/L
Conseils diététiques
(Commentaire: suivi régulier valeurs sériques calcium, phosphate, produit
phosphocalcique et PTH)
7. Dyslipidémie Pour les patients avec:
LDL >2,6 mmol/L
HDL <1 mmol/L
TG >2 mmol/L:
Conseils diététiques
Augmentation exercice physique
Si nécessaire traitement par statine
8. Veines Essayer de préserver les veines céphaliques pour confection d’une fistule
artérioveineuse
9. Infection Dépistage hépatites
Vaccination hépatite B
Vaccination grippe et pneumocoque selon calendrier habituel
10. Consultations Psychologique, sociale, familiale, anti-tabac …
Néphrologique avec planification pour substitution rénale et discussion
possibilité transplantation rénale

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