Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
Terminales ES-L-S
Livre du professeur
Sous la direction de
Jean-Michel LAMBIN
Agrégé d’histoire, professeur en Première supérieure au lycée Watteau,Valenciennes
Catherine CASSAGNE
Agrégée d’histoire, professeur au lycée Branly, Nogent-sur-Marne
André KASPI
Agrégé d’histoire, professeur d’Histoire de l’Amérique du Nord à l’université Paris I - Sorbonne
Marie-Anne MATARD-BONUCCI
Agrégée d’histoire, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Hélène SADOWSKI
Agrégée d’histoire, professeur au lycée Couffignal, Strasbourg
Jean-François SIRINELLI
Agrégé d’histoire, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris
Marcel SPISSER
Agrégé d’histoire, inspecteur pédagogique régional
Anne VANNOUQUE
Certifiée d’histoire, professeur au lycée Audiberti, Antibes
Jean VASSORT
Agrégé d’histoire, professeur en Première supérieure au lycée Descartes,Tours
Jean-Luc VILLETTE
Agrégé d’histoire, professeur en Première supérieure au lycée Gambetta, Arras
Nicolas WERTH
Agrégé d’histoire, chargé de recherches au CNRS
HACHETTE
Éducation
© HACHETTE LIVRE 2004, 43, quai de Grenelle 75905 Paris Cedex 15
www.hachette-education.com
ISBN 2.011353521
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 et L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une uti-
lisation collective », et d’autre part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but d'exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’au-
teur ou de ses ayants droits ou ayants cause, est illicite ».Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie
(20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
SOMMAIRE
Programme ES / L ........................................................................................................................................ 4
Programme S .................................................................................................................................................... 10
PRÉCISION
Les commentaires des nouvelles épreuves du Baccalauréat rédigées par
l’Inspection ayant été publiées après la date de publication des spécimens
envoyés aux professeurs, leur contenu n’a pu être totalement pris en
compte dans la rédaction des pages « Prépa Bac » de ces spécimens qui
s’appuient essentiellement sur le texte du BOEN n° 7 du 17 février 2004
définissant l’épreuve d’histoire-géographie au Baccalauréat.
Les manuels imprimés pour les élèves (rentrée de septembre 2004), ainsi
que ce Livre du professeur rédigé durant l’été 2004, prennent en compte
les commentaires écrits relatifs au Baccalauréat, rédigés par l’inspection
et accessibles fin mars 2004.
3
Programme ES-L
4 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
ES-L
2. L’évolution politique
On étudie les grandes phases de la vie politique depuis 1945. On analyse les institutions de
la Ve République et leur fonctionnement.
3. Économie,société,culture
On met l’accent sur les bouleversements des structures économiques et sociales. On ana-
lyse l’évolution de la population, des modes de vie, des pratiques culturelles et des croyan-
ces.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 5
Sommaire ES-L-S
Les éléments sur fond grisé correspondent aux pages traitant le programme de la série S
6 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
ES-L-S
CHAPITRE 6 Les relations internationales de 1945 aux années 1970 ............................................ 49
Leçon 1 La formation des deux blocs (1946-1949) ............................................................................................................................................ 49
Leçon 2 La guerre froide (1948-1962).......................................................................................................................................................................... 50
Dossier Aux origines du problème du Moyen-Orient ...................................................................................................................................... 51
Leçon 3 Le Proche-Orient (de 1948 à 1973) .......................................................................................................................................................... 52
Cartes Les blocs et les crises de la guerre froide ................................................................................................................................................ 53
Leçon 4 La détente à partir de 1963 .............................................................................................................................................................................. 54
Fiche de révision
Prépa Bac Explication d’un document : Une affiche américaine de propagande dans les années 1960 ............................................56
Prépa Bac Composition : Le Proche-Orient dans les relations internationales de 1947 à 1967.............................................................. 56
Prépa Bac Étude d’un ensemble documentaire : La crise de Cuba,sommet de la guerre froide .............................................................. 57
8 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
ES-L-S
CHAPITRE 16 La Ve République avec,puis sans de Gaulle (1962-1981) .......................................... 117
Leçon 1 La révision constitutionnelle de 1962 .................................................................................................................................................... 117
Leçon 2 La France gaullienne .......................................................................................................................................................................................... 118
Dossier Les opposants à de Gaulle ............................................................................................................................................................................ 118
Dossier La politique étrangère du général de Gaulle ......................................................................................................................................119
Leçon 3 Le septennat interrompu .............................................................................................................................................................................. 120
Dossier Mai 68 .......................................................................................................................................................................................................................... 121
Leçon 4 Un gaulliste succède au général de Gaulle .......................................................................................................................................... 121
Leçon 5 Le « changement » entravé par la crise ................................................................................................................................................ 122
Fiche de révision
Prépa Bac Explication d’un document : La présidence du général de Gaulle vue par Henry Kissinger ............................................ 123
Prépa Bac Composition : Quelle place le général de Gaulle occupe-t-il dans la vie politique
intérieure française de 1944 à 1969 ? ........................................................................................................................................................ 124
Prépa Bac Étude d’un ensemble documentaire : Quel rôle jouent les gaullistes dans la vie politique française
de 1947 à 1981 ? .................................................................................................................................................................................................. 124
2. Économie,société,culture
On met l’accent sur les mutations des structures économiques et sociales. On analyse
l’évolution de la population, des modes de vie, des pratiques culturelles et des croyances.
10 © Hachette Livre – Histoire 1re ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
Sommaire S
14 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
Curzio Malaparte (1898-1957), ancien membre du parti fas- On ne connaît pas le nombre exact des victimes, mais des esti-
ciste, a été correspondant de guerre sur les fronts d’Ukraine et mations ont été établies à partir des archives allemandes (très bien
de Finlande en 1941, avant d’être exclu du parti fasciste et de tenues) et de sources par pays. Certaines données sont très fia-
devenir admirateur du parti communiste chinois. Il a publié ses bles (France, Belgique, Italie), d’autres sont plus incertaines
souvenirs de guerre en 1944 (Kaputt) puis en 1949 (La Peau) et (Pologne, Roumanie, URSS), du fait en particulier des modifi-
se caractérise par son goût du réalisme et son cynisme, venus de cations de frontières. C’est à l’Est et dans les Balkans que la Shoah
sa vie aventureuse et des multiples expériences qu’il a vécues. a été la plus meurtrière. À l’inverse, certains États ont œuvré plus
Les Anglo-Américains débarquent dans la baie de Salerne les ou moins activement pour sauver leur population juive. En août
8-9 septembre 1943, au sud de Naples, et se heurtent à une forte 1943, les autorités danoises ont ainsi organisé le paysage clan-
résistance des troupes allemandes qui avaient envahi l’Italie à la destin en Suède de la presque totalité des Juifs danois. En Italie,
nouvelle de l’arrestation de Mussolini (juillet 1943) et de la fin la politique d’extermination fut tardive, menée en grande partie
de la guerre entre l’Italie et les Alliés (8 septembre 1943). Les dans la partie de l’Italie occupée par les troupes allemandes à par-
Britanniques entrent à Naples le 1er octobre 1943, avant de lais- tir de 1943. De tous les pays soumis à l’Axe ou alliés de
ser la ville aux mains de la Ve armée américaine. Rapidement remis l’Allemagne, seule la Bulgarie refusa d’exterminer les Juifs : seuls
en état, le port de Naples sert de base de débarquement pour les 4 221 Juifs de Thrace annexée furent déportés, tandis que les Juifs
troupes et le matériel des Alliés combattant les Allemands plus bulgares furent protégés par le gouvernement et la population.
au nord, le long de la ligne Gustav qui barre la péninsule, de Le tribunal de Nuremberg a accrédité le chiffre de six millions
Cassino à Ortona. de morts juifs du fait de la Shoah.
plan concerté et complot crime contre la paix crimes de guerre crime contre l’humanité
Goering
Jodl
Keitel coupable coupable coupable coupable
Von Ribbentrop
Rosenberg
Von Neurath (prison à vie, libéré en 1957)
Frick
Seyss-Inquart innocent coupable coupable coupable
Funk (prison à vie, libéré en 1957)
Frank
Kaltenbrunner innocent coupable coupable
Bormann (jugé par contumace)
Fritsche
Von Papen innocent innocent
Schacht
Les condamnés à des peines de prison ont purgé leur peine à la prison de Spandau (Berlin-Ouest) sous la garde de soldats des qua-
tre nations occupantes de l’Allemagne, le tout jusqu’à la mort du dernier condamné, R. Hess, qui s’est suicidé dans sa prison en
1987, à l’âge de 93 ans.
18 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
tice, la paix, les droits de l’homme, l’importance de l’État de droit, des ponts, des voies ferrées, des ports qui étaient la cible des bom-
l’égalité entre les hommes et les femmes : ce sont là les droits bardements ;
fondamentaux de l’homme issus de la Déclaration des droits de – par la désorganisation de la production et des échanges en
l’homme de 1789 et réaffirmés solennellement par l’ONU. Europe.
3. Droits civils et libertés fondamentales : art. 1, 4, 5, 7, 9, 16, 4.
17, 18, 22, 24, 26.
Les conférences de Yalta en février 1945 et de Potsdam en juillet
Droits politiques : art. 9, 13, 14, 18, 19.
1945 décident :
4. La Déclaration universelle des droits de l’homme veut réaf-
– du sort de l’Allemagne : occupation et partage en quatre zones
firmer les droits de l’homme après le choc de la Seconde Guerre
(à l’est une zone soviétique, à l’ouest des zones britannique, fran-
mondiale. Elle réaffirme les droits de l’homme proclamés en 1789
çaise et américaine) ; Berlin où siège le gouvernement quadri-
(liberté, égalité, propriété : droits civiques et politiques), en pré-
partite est aussi divisée en quatre ;
cisant les droits politiques (interdiction de la torture et de l’es-
– la dénazification avec la mise en place du Tribunal de
clavage, droit de circuler librement…). Elle y ajoute des droits
Nuremberg ;
économiques (droit au travail) et des droits sociaux (droit à la
– chaque peuple libéré se dotera d’un gouvernement démocra-
famille, protection de l’État et de la société, sécurité sociale, droit
tique résultant d’élections libres.
aux loisirs et à l’éducation).
C’est « un idéal à atteindre par tous les peuples et toutes les 5.
nations » (préambule), mais qui nécessite la liberté et la démo- Les frontières sont modifiées et des États disparaissent. L’URSS
cratie dans tous les pays. Le problème vient cependant du sens et la Pologne sont les grands bénéficiaires de ce remodelage.
différent que l’on donne à ces deux notions (liberté, démocratie) L’URSS gagne ou conserve des territoires à l’ouest :
à l’Ouest et à l’Est. – les pays Baltes, l’est de la Pologne et la Bessarabie, acquis en
1940 en application des clauses secrètes du pacte germano-
soviétique signé par Hitler et Staline en 1939.
– la Prusse orientale.
ÉTUDE D’UN ENSEMBLE DOCUMENTAIRE L’URSS retrouve globalement ses frontières de 1914. Les fron-
(1/16) tières de la Pologne sont déplacées vers l’ouest. La Pologne
acquiert le sud de la Prusse orientale, la Silésie et l’Est de la Prusse
Sujet : Quel monde à la fin de la Seconde Guerre [Posnanie] jusqu’à la ligne formée par les rivières Oder et Neisse
mondiale ? (ligne « Oder-Neisse » qui devient la nouvelle frontière germano-
PREMIÈRE PARTIE polonaise). L’Allemagne perd 100 000 km2 surtout à l’est.
1. DEUXIÈME PARTIE : réponse organisée
Dans un ensemble de cinq documents concernant la fin de la Entre 1939 et 1945, la Seconde Guerre mondiale voit s’affron-
Seconde Guerre mondiale, deux textes (doc. 1 et 5) sont des témoi- ter l’Axe, en particulier l’Allemagne et le Japon et les Alliés, prin-
gnages directs des événements, des récits autobiographiques cipalement les États Unis, le Royaume-Uni, l’URSS et la France
rédigés après les événements. Le premier témoin est une dépor- libre. Le bilan de ce conflit est très lourd. Au niveau humain, ce
tée autrichienne, d’origine juive, qui relate l’état d’esprit des dépor- qui frappe le plus, c’est l’ampleur des pertes humaines. Les com-
tés et de l’opinion publique allemande à propos du génocide des bats et les bombardements ont tué au moins 50 millions de per-
Juifs. Le titre de son ouvrage – Refus de témoigner – et la date sonnes en Europe et en Asie, dont les six millions de victimes
tardive de publication montrent sa réticence à évoquer ce qui est de la Shoah. Les victimes civiles représentent 50 % des pertes
arrivé à elle et à sa famille. Le second témoin est le général de totales. C’est l’URSS qui a payé le plus lourd tribut avec 13 %
Gaulle, chef de la France libre de 1940 à 1944 puis du de sa population disparus. La Pologne perd presque toute sa popu-
Gouvernement provisoire de République française en 1945, lation juive.
lorsqu’il s’entretient avec le président américain Truman. C’est De plus, on assiste à des déplacements massifs de population :
donc un acteur de tout premier plan qui analyse ici le rôle des États- plus de trente millions de personnes se sont croisées sur les rou-
Unis à la fin du conflit. Ses mémoires datant de 1959, c’est-à- tes d’Europe et d’Asie, prisonniers de guerre, déportés, Allemands
dire pendant la Guerre froide ; cela a probablement modifié refluant vers l’ouest de l’Allemagne suite au nouveau tracé des
quelque peu son regard. La photo (doc. 3) nous montre Berlin frontières. Les populations sont aussi affectées moralement par
après la capitulation allemande. le génocide, et par l’utilisation du progrès scientifique (la bombe
2. atomique) dans la guerre.
Sur le plan économique, l’Europe est à reconstruire. Des centres
De lourdes conséquences démographiques : des militaires
industriels, des voies de communication, des ports ont été détruits
(13,6 millions de tués pour l’URSS ; 3,5 millions pour
en URSS en Allemagne au Royaume-Uni, en France. L’Europe
l’Allemagne…) mais aussi presque autant de civils, victimes des
est sinistrée. Partout le PNB s’est effondré et la population
bombardements, des mauvaises conditions sanitaires générales,
connaît des restrictions (rationnement). En revanche, les États-
des exactions des armées d’occupation ou de l’extermination de
Unis, loin des lieux de combat, produisent massivement.
millions de Juifs et de Tziganes.
Sur le plan politique et territorial, les modifications décidées à Yalta
Des conséquences morales : les populations sont désorientées et
ne savent faire face à la souffrance, à la disparition de proches, puis Potsdam, mais aussi sur le terrain des combats, sont profon-
au génocide. des. Le nouveau tracé des frontières favorise l’URSS qui annexe
de nombreux territoires ; l’Allemagne perd des territoires à l’est,
3. la Silésie, la Prusse orientale. Elle est, de plus, occupée et parta-
Des pays sont épargnés : les États-Unis éloignés des lieux du gée entre les quatre Alliés. Cette occupation engendre très vite des
conflit. tensions et, à partir de 1947, une « guerre froide » entre monde occi-
Des pays sont gravement atteints en Europe et en Asie : dental dirigé par les États-Unis et monde communiste, dominé par
– par les destructions de villes (plus de 1700 en URSS, presque l’URSS : la Grande Alliance n’a pas résisté à la disparition du
toutes les grandes villes allemandes, Hambourg, Dresde…), nazisme et les deux grands vainqueurs sont désormais ennemis.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 19
ES/L/S CHAPITRE 2
De la croissance à la mondialisation
INTRODUCTION qui constitue le fait dominant de la fin du XXe s. Le doc. 2
(Cybercafé, Times square, New York) montre à quel point le
1) Comment traiter le chapitre micro-ordinateur s’est intégré à notre vie quotidienne. La mon-
Le chapitre est introduit par une double problématique : dialisation devient ainsi une notion clé de ce chapitre.
1. Quelles sont les caractéristiques des trois décennies de crois- 2) Bibliographie
sance exceptionnelle ? • Jean FOURASTIÉ, Les Trente Glorieuses, Fayard, 1979.
Au lendemain de la guerre, la reconstruction favorisée par le plan • Jacques MARSEILLE et Alain PLESSIS, Vive la crise et l’infla-
Marshall et la mise en place d’une réglementation internationale tion !, Hachette, 1983.
dans le domaine économique (Bretton Woods, GATT, OECE…) • Lucile MARBEAU (dir.), La Crise dans les pays développés
marque le début d’une croissance exceptionnelle par son impor- d’économie de marché, INRP, 1987.
tance et sa régularité. La portée de cette croissance dépasse le seul • Armand MATTELART, Histoire de la société de l’information,
cadre de l’histoire économique : à travers elle, c’est toute la vie La Découverte poche, 2003.
sociale des pays concernés qui se trouve modifiée. • Paul BAIROCH, Histoire économique et sociale du monde du XVIe
L’économiste Jean Fourastié invente, pour définir cette période siècle à nos jours, t. III, Victoires et déboires, le XXe siècle,
d’expansion de trente ans, l’expression de « Trente Glorieuses ». Gallimard, Folio Histoire, 1997.
Cet essor spectaculaire met en évidence les réussites qui frappent • Jacques MARSEILLE, Les Nouvelles Trente Glorieuses, à paraî-
les générations qui en sont les témoins : le volume du PNB par tre, Plon, 2004.
habitant croît de près de 4 % par an, le processus d’industriali-
sation impose ses valeurs et ses modes d’organisation (fordisme)
et de consommation, le chômage reste très faible et le niveau de LEÇON 1 - Le temps de la croissance
vie est en progression constante. Le doc. 1 (L’usine Simca de Doc. 1 : Une période optimiste
Nanterre, mars 1949) symbolise bien cette période de progrès
et de croissance pendant laquelle les ménages s’équipent, et où Ces trois témoignages font apparaître des aspects très positifs des
le sort de chaque génération est meilleur que celui de la précé- « Trente Glorieuses » :
dente dans les domaines de l’emploi, des salaires, du niveau de – La croyance à l’impossibilité d’une crise majeure comme
vie, de la consommation, de la santé… celle de 1929 ;
Cet « âge d’or » a cependant des limites. Si le tiers-monde est – Les progrès techniques qui permettent des gains de producti-
partie prenante de cet essor, il ne réussit pas, sauf quelques vité énormes et des loisirs de plus en plus importants ;
exceptions, son décollage économique. Dans les pays dévelop- – Une augmentation fantastique du pouvoir d’achat ;
pés, la pauvreté ne disparaît pas, et quelques intellectuels s’in- – La course à la consommation.
quiètent d’une croissance prédatrice des richesses de la planète Et pourtant tout cela se passe sans que l’on s’en rende compte.
(club de Rome). Ces documents peuvent être complétés par un article de J.-P. Rioux
(« Ah si les Français avaient connu leur bonheur », L’Histoire,
2. La mondialisation de l’économie dans un contexte libéral n° 192, octobre 1995) : les sondages le prouvent, entre 1956 et
est-elle une solution aux problèmes économiques du début du 1974, seule une minorité de Français a le sentiment que leur niveau
XXIe s. ?
de vie s’améliore ! Les bienfaits de la consommation de masse
À partir des années 1970, la chute de la production industrielle, sont alors tenus pour naturels.
le recul du PIB, la poussée inflationniste, l’irrésistible ascension
du chômage et la perte de compétitivité industrielle enfoncent les Doc. 2 : Des années de croissance
pays industrialisés dans une crise que l’on attribue, dans un pre- De 1945 à 1973, les économies occidentales ont bénéficié d’une
mier temps, au choc pétrolier de 1973 et à l’ébranlement moné- période de croissance exceptionnelle. Le maintien d’une bonne
taire de 1971-1972. La réalité est plus complexe et la dépression croissance signifie investissement et création d’emplois (on a cal-
de la fin du XIXe s. présente un caractère inédit, voire « insolite », culé que dans un pays comme la France, l’augmentation de 1 %
comme le constate Jacques Marseille dans la revue L’Histoire de la croissance correspond à la création de 100 000 emplois).
(n° 279, sept. 2003). Pendant les « Trente Glorieuses », la croissance surclasse en
La dépression de la fin du XXe siècle apparaît peu comparable ampleur et en régularité tout ce qu’on a connu dans le passé. Si
au « modèle classique » de la crise de 1929 car, dès 1976, la crois- cette croissance est largement partagée, les rythmes varient
sance est à nouveau à l’ordre du jour. Les années 1970 ne cons- cependant selon les États. Dans son Dictionnaire d’économie,
tituent donc pas la rupture que l’on imaginait et le programme Richard Dubreuil distingue trois types de croissance :
de terminale l’exprime clairement. « On tracera le cadre écono- – la croissance « sauvage » (ou à la japonaise) : il s’agit d’une
mique et social du second vingtième siècle en évoquant succes- croissance forte (5 à 10 %), souvent déséquilibrée (essor hyper-
sivement la croissance et la crise » affirmait le programme de 1995. trophique des biens de consommation individuels marchands) et
Pour le même thème, le programme de 2002 prévoit un chapi- prédatrice (atteintes à l’environnement et épuisement rapide des
tre intitulé « De la société industrielle à la société de communi- ressources naturelles) ;
cation » et invite à une « présentation synthétique des grandes – la croissance « sobre » : expression qualifiant une croissance
transformations du second XXe siècle ». Le choc pétrolier de 1973 modérée (moins de 5 %) réorientée dans un sens plus qualitatif ;
ne marque plus une rupture décisive qui mettrait fin aux « Trente – la croissance zéro : état stationnaire de l’économie, préconisé
Glorieuses ». par certains experts du club de Rome après la publication en 1972
Dès lors, les remèdes préconisés pour « sortir de la dépression » du rapport Meadows (halte à la croissance).
(keynésianisme, monétarisme ou néolibéralisme) ne peuvent plus
se concevoir que dans le contexte d’une mondialisation accélérée Doc. 3 : Neil Armstrong sur la Lune (1969)
par les progrès techniques (« troisième révolution industri-elle ») Le 21 juillet 1969, à 3 h 56 (heure de Paris), Neil Armstrong pose
20 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
le pied sur la Lune puis plante le drapeau américain. « C’est un kiste Ernest Mandel qui reprend dans son analyse les principaux
petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’huma- éléments de l’interprétation marxiste des crises : suraccumula-
nité », dit-il. « Vous nous avez donné le jour le plus fier de nos tion du capital, baisse du taux de profit, sous- consommation…
vies », lui répond le président Nixon. Pour la première fois, Réponses aux questions
l’homme s’est posé sur un corps céleste et les télévisions du monde Les causes de la crise antérieures au choc pétrolier sont :
entier vivent en direct l’événement. Dans la course à l’espace que 1. le cycle de récession qui commence dès les années 1970-1971 ;
se livrent les États-Unis et l’URSS, les Américains viennent de – l’inflation ;
gagner la deuxième manche, alors que douze ans auparavant – les capacités de production excédentaires (marché saturé…) ;
l’URSS avait affiché une nette avance avec le lancement du pre- – d’où la baisse du taux moyen de profit du capital industriel.
mier satellite artificiel, Spoutnik. 2. Le quadruplement des prix du pétrole est tout simplement un fac-
teur additionnel qui amplifie lourdement la crise et la fait éclater.
Doc. 4 : Des années sans chômage
Le plein-emploi, objectif prioritaire de la plupart des pays au len- Doc. 2 : La dépression dans le secteur du bâtiment
demain de la guerre, devient une réalité pendant les « Trente et des travaux publics
Glorieuses ». À partir de 1973, la baisse de l’indice d’activité du secteur BTP
Réponses aux questions (bâtiment-travaux publics) est brutale dans trois des quatre pays
1. On se rapproche le plus du plein-emploi dans les années représentés, elle est moindre en RFA. Entre 1973 et 1982, la
1960, où le taux de chômage est partout au plus bas ; moins de consommation de ciment, considérée comme un indicateur
2 % de la population active en Allemagne, au Japon et en France. essentiel d’activité dans ce secteur, a chuté de 10 % en France,
2. La comparaison des deux diagrammes montre que les pays qui 27 % aux États-Unis et 30 % en Grande-Bretagne. En France
ont à leur actif la croissance la plus forte sont également ceux qui 343 000 logements ont été mis en chantier en 1982 contre
ont le moins de chômage (Allemagne, Japon, France). 556 000 en 1973. Ainsi, dans les pays occidentaux, les marchés
intérieurs du logement, des routes, des bâtiments industriels et
Doc. 5 : Une consommation abusive publics s’effondrent et provoquent la disparition de nombreuses
L’écologiste français René Dumont dénonce la société de consom- entreprises.
mation qui entraîne énormément de gaspillage et provoque la pol- En revanche, ce que le graphique ne montre pas, c’est le fait que
lution et l’épuisement des richesses de la planète. Consommer, les grosses entreprises, ayant su capter les marchés en expansion
c’est également détruire et éliminer : détruire progressivement dans les pays en voie de développement, ont réalisé de remar-
le milieu naturel, éliminer les résidus de la production et de la quables performances. Les ressources financières procurées par
consommation. Le tout s’accompagne d’une pollution insoute- la hausse des prix des matières premières et du pétrole leur per-
nable et de la baisse de la qualité de vie. Bien plus grave, cela mettent de réaliser de gros bénéfices en Arabie Saoudite, dans
entraîne également l’exploitation et la domination économique les émirats du Golfe et en Libye, pays qui deviennent les premiers
des pays du tiers-monde. (R. Dumont est l’auteur d’un livre qui consommateurs mondiaux de ciment, suivis par Singapour,
a obtenu un fort impact dans les années 1960, L’Afrique noire est Taïwan et Hong kong. Et globalement, la consommation totale
mal partie ; voir extrait, doc. 5 p. 153). La pensée de R. Dumont de ciment dans le monde passe de 700 millions de tonnes en 1973
inspire également le club de Rome, de nombreux mouvements à 900 millions en 1982 !
contestataires et, dans une certaine mesure, les hippies qui
vivaient en communauté et proposaient le retour à la nature. Doc. 3 : Les chocs pétroliers
Ce graphique révèle que la croissance des pays industrialisés a
Doc. 6 : Super-cocotte SEB, affiche de Falcucci, 1954 longtemps bénéficié des bas prix imposés par les grandes com-
La société de consommation, telle qu’elle s’épanouit pendant les pagnies aux pays producteurs de pétrole. Tout change dans les
« Trente Glorieuses », est une société industrielle où l’homme années 1970, après la création de l’OPEP et la guerre du Kippour
est sans cesse sollicité pour consommer des biens et des servi- (premier choc pétrolier). Née à Bagdad en 1960, l’OPEP regroupe,
ces dont il n’aurait pas forcément besoin (gadgets). Cette fréné- au début des années 1970, 13 pays exportateurs de pétrole (repré-
sie de consommer est rendue possible par une augmentation sentant 85 % des exportations mondiales) : l’Arabie Saoudite,
régulière des salaires et du pouvoir d’achat. Elle est entretenue l’Iran, l’Irak, le Koweït, le Qatar, Abu-Dhabi, la Libye, l’Algérie,
par une publicité qui se fonde sur la psychologie de l’individu, le Gabon, le Nigeria, l’Indonésie, le Venezuela et l’Équateur.
transformant l’objet de consommation en mythe qui, par des Officiellement, le but de l’organisation est d’assurer la stabilité
attraits insoupçonnés, déclenche le besoin d’acheter. des prix, en réalité il s’agit de faire face aux exigences des com-
Réponse aux questions pagnies pétrolières.
1. La cocotte-minute est un autocuiseur, c’est-à-dire un ustensile L’OPEP profite de l’opportunité de la guerre du Kippour pour
cuisant les aliments sous pression, donc bien plus rapidement que augmenter unilatéralement de 70 % le prix du pétrole brut, pre-
la cocotte traditionnelle. mière escalade qui, en deux mois, aboutit au quadruplement du
Cette publicité donne l’image d’une femme moderne (elle adopte prix des hydrocarbures. L’or noir est désormais utilisé comme arme
les progrès techniques), économe (c’est deux fois moins cher), de guerre, d’autant plus que, parallèlement à l’augmentation du
et recherchant la simplicité (c’est d’un usage aisé). Assez curieu- prix, l’OPEP décide une réduction de la production de 5 % par
sement, l’aspect gain de temps n’apparaît pas sur cette affiche qui mois « aussi longtemps que la communauté internationale n’aura
semble plutôt s’adresser à la femme au foyer. pas forcé Israël à évacuer les territoires occupés en 1967 »…
L’arme sera à nouveau utilisée lors de la révolution islamique en
Iran en 1979/80 (deuxième choc pétrolier).
Mais, entre-temps, les États consommateurs adoptent des mesures
LEÇON 2 - La fin du XXe siècle : d’économie, développent des énergies de substitution, exploitent
crise ou dépression ? de nouveaux gisements (mer du Nord, Mexique, Angola,
Alaska…), tandis que l’OPEP éclate, ses différents membres pra-
Doc. 1 : Les multiples causes de la crise tiquant la politique du « chacun pour soi ». Dès lors, les prix du
Ce texte est un extrait de La Crise 1974-1978, les faits, leur inter- brut amorcent une chute dans les années 1980, chute que même
prétation marxiste (Flammarion, 1978) par l’économiste trots- la guerre du Golfe n’arrivera pas à enrayer durablement.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 21
Doc. 4 : La croissance de 1973 à 1992 Plantu ainsi que les déclarations de F. Mitterrand et J. Chirac sont
Les taux de croissance représentés sur ce diagramme sont les à mettre en rapport avec la courbe de Laffer (doc. 2 p.36).
moyennes pour la période de 1973 à 1992. Dans la réalité, ces taux
ont été beaucoup plus fluctuants d’une année à l’autre. À certains
moments, on a frôlé la croissance zéro : 0,1 % en France en 1983.
DOSSIER - Quels remèdes à la crise ?
D’une façon générale, dans la plupart des pays industrialisés, elle Doc. 1 : Un aspect des politiques keynésiennes
a baissé de moitié après le premier choc pétrolier pour s’effond- de relance dans les années 1970
rer encore davantage après le second choc. Mais, sur l’ensemble
La politique économique keynésienne fut préconisée, lors de la
de la période, on mesure toutefois un accroissement.
crise de 1929, par l’économiste britannique Maynard Keynes. Le
Réponses aux questions
New Deal fut sa première application. Son principe est simple :
1. La comparaison avec le diagramme de la croissance pendant
en augmentant ou en diminuant le volume de la demande glo-
les « Trente Glorieuses » montre une baisse de 50 % environ : la
bale, l’État est en mesure d’influencer le volume de l’offre
France passe de 5,5 à 2,3 %, l’Allemagne de 5,4 à 2,3, le
puisque à une demande en progrès les producteurs répondent par
Royaume-Uni de 2,9 à 1,6, le Japon de 12,6 à 3,8 et les États-
un accroissement de la quantité des biens et services offerts sur
Unis de 4,9 à 2,4 %.
le marché. Si l’entreprise offre davantage, cela se traduit par plus
2. Des points communs existent cependant entre les deux pé-
de bénéfices à distribuer, donc par une augmentation du pouvoir
riodes :
d’achat. Le plus délicat étant le démarrage initial : c’est l’État qui
– la croissance reste toujours positive (entre 1,6 et 3,8 %) ;
doit le provoquer en distribuant plus de revenus (allocations diver-
– la baisse est la plus marquée au Japon mais ce pays garde la
ses, travaux publics, recrutement de fonctionnaires, aide aux entre-
croissance la plus forte ;
prises en difficulté, subventions aux collectivités locales pour
– la France et l’Allemagne ont une évolution parallèle ;
qu’elles embauchent, aide aux entreprises pour l’insertion des jeu-
– le Royaume-Uni reste le moins performant des cinq pays com-
nes, etc.). Quand la crise apparaît dans les années 1970, la plu-
parés.
part des États applique des politiques de relance keynésienne.
Résultats : les dépenses publiques ne cessent d’augmenter ainsi
Doc. 5 : Une onde de choc dès 1972 ?
que le révèle le diagramme.
Ce texte d’Alain Bosquet, journaliste au Nouvel Observateur daté
de 1971, montre que la crise était déjà perceptible deux ans avant Doc. 2 : La courbe de l’économiste américain Laffer
le choc pétrolier ; il confirme donc les affirmations d’Ernest Selon Franz-Olivier Giesbert (Nouvel Observateur du 10 août
Mandel (doc. 1), même si les arguments développés ne sont pas 1984), Arthur Laffer « est le grand sorcier de la politique amé-
semblables. Il appuie sa démonstration sur la détérioration des ricaine de réduction des impôts. Son groupie le plus célèbre s’ap-
échanges extérieurs, autre indicateur très important de la dépres- pelle Ronald Reagan ». Laffer fait partie de l’école des
sion. Avec l’exemple de l’automobile l’auteur décrit, dans un économistes « libertariens », née aux États-Unis, qui veut reve-
contexte de mondialisation, l’impitoyable lutte pour conquérir ou nir à une société capitaliste fondée sur le « laisser- faire » inté-
garder des marchés extérieurs car exporter des voitures c’est aussi gral, considérant l’État comme le mal suprême et souhaitant que
« exporter le chômage chez les autres ». toutes les fonctions politiques soient privatisées. Il préconise de
laisser faire la mécanisme des prix, donc la non-intervention de
Doc. 6 : Fluctuations du dollar par rapport l’État dans le domaine économique, ce qui permet une baisse
à la livre sterling considérable des impôts.
Les dérèglements monétaires internationaux sont souvent invoqués Pour la petite histoire, on peut retenir que Laffer a dessiné cette
– avec le choc pétrolier – comme cause de la crise. En 1971, la courbe sur une nappe de restaurant lors d’un déjeuner avec
confiance universelle dont jouissait le dollar depuis Bretton Woods Donald Rumsfeld, alors secrétaire d’État au Trésor de Gerald Ford,
est en chute libre, car la balance commerciale des États-Unis est qu’il voulait ainsi dissuader d’augmenter certains impôts de 5 %.
de plus en plus déficitaire. Le 15 août 1971, le président Nixon Un journaliste du Wall Street Journal a récupéré la nappe et a dif-
décide que la monnaie américaine n’est plus convertible en or ; c’est fusé ensuite la « courbe de Laffer ».
la fin du système de Bretton Woods, mais les différentes monnaies
des pays industrialisés gardent des taux de change fixes entre elles. Doc. 3 : Quelques mesures prises par Margaret Thatcher
Février 1973, nouveau coup de théâtre : l’Amérique abandonne le Le document comprend deux appréciations sur l’œuvre écono-
taux de change fixe et laisse « flotter » le dollar, dont le cours varie mique et sociale de la « Dame de fer », celle de Dominique
en fonction de l’offre et de la demande. Le graphique, en prenant Dhombres, journaliste au Monde et celle de Guy Sorman, éco-
l’exemple de la livre sterling, montre à quel point l’amplitude de nomiste proche de la pensée néolibérale de Laffer, auteur notam-
ces variations peut être forte. Le résultat de ces fluctuations est un ment de La solution libérale (1984) et de L’État minimum (1985).
inquiétant dérèglement de l’économie mondiale.
Réponses aux questions Doc. 4 : Manifestation des ouvriers sidérurgistes
1. De telles fluctuations du dollar sont possibles depuis les allemands dans la Ruhr en 1987
années 1971/73 : voir ci-dessus. Pendant la période du « miracle allemand » (années 1950 et 1960),
2. Un dollar faible provoque une certaine panique car : l’Allemagne avait reconstitué une puissante industrie sidérurgique
– les États-Unis peuvent exporter plus facilement leurs produits, (production multipliée par 6 entre 1950 et 1980), la première
qui reviennent moins cher ; d’Europe. Alimentée par des matières premières importées, la sidé-
– si le dollar baisse, d’autres monnaies fortes montent ; c’est le rurgie allemande résiste d’abord mieux à la dépression que cer-
cas du mark allemand. Cette spéculation sur le mark a alors des taines de ses voisines (France, Italie), mais, à partir des années
effets néfastes sur les autres monnaies de la CEE. 1980, la concurrence devient plus aiguë à l’échelle de la planète
et les sidérurgistes allemands connaissent à leur tour licenciements,
Doc. 7 : La hausse des impôts faillites et besoin de restructuration. D’où la manifestation de ces
Cette hausse est généralement le résultat du financement des mesu- ouvriers venant essentiellement de la Ruhr (Duisbourg,
res mises en place afin de lutter contre la crise. Mais elle dimi- Rheinhausen,…) et travaillant dans des entreprises telles que
nue d’autant le pouvoir d’achat des populations. Le dessin de Krupp, Thyssen, Mannesmann.
22 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
Doc. 5 : Un keynésien repenti : Jimmy Carter 7. La synthèse montrant les principaux remèdes pour limiter les
Jimmy Carter, président démocrate des États-Unis de 1977 à 1981, effets de la dépression peut s’articuler autour de trois paragra-
se trouve à la tête de l’État au moment où la répercussion de la phes : le keynésianisme, le néolibéralisme et le monétarisme. On
crise atteint le plus durement le pays. Michel Albert, économiste peut définir chacune de ces doctrines à l’aide de la rubrique voca-
français, auteur du Pari français, livre à grand succès dans les bulaire, qu’on complète par des exemples tirés du tableau ci-des-
années 1960, explique ici les causes du revirement de la politique sus et des documents de ce dossier.
économique du président américain.
Le texte de Michel Albert décrit la volte-face de la politique éco-
nomique de Carter. Il avait inauguré son mandat par une politique LEÇON 3 - Mondialisation de l’économie
économique résolument keynésienne afin de défendre l’emploi
(création de 10 millions d’emplois nouveaux) en faisant redémarrer Doc. 1 : Les autres sont liiiibres !
la croissance de 4 à 5 %. Mais cette politique creuse le budget de Ce dessin de Missiouk est une critique subtile et cynique de la
l’État, relance l’inflation, dévalorise le dollar, augmente les mondialisation qui se fait au profit des plus riches, ceux qui ont
impôts et provoque le mécontentement populaire. Carter change pris place sur l’arche de Noé et qui seront sauvés… alors que tous
alors de cap et s’oriente vers une politique monétariste (baisse du les autres, qui n’y ont pas leur place, doivent se contenter de la
déficit et contrôle de la monnaie) dont son successeur Reagan se promesse de liberté (libéralisme économique) ; la liberté de
fera le champion. (Quelques années plus tard en France, Pierre disparaître sous les flots du déluge (de la mondialisation) ; c’est
Mauroy, premier ministre du président F. Mitterrand, suivra une l’opposition Nord-Sud vue par un anti-mondialiste !
évolution analogue en passant de la relance à la « rigueur »).
Doc. 2 : La mondialisation, est-ce plus de prospérité ?
Réponses aux questions Texte tiré d’un dossier du journal La Croix des 23/24 janvier
1. Voir commentaire du doc. 1. 1999 : « La mondialisation a-t-elle une âme ? » L’étude s’arti-
2. La courbe de Laffer illustre l’idée que le total des recettes de cule autour de six thèmes :
l’État croît à mesure que s’élève le taux de l’impôt, mais seule- – la mondialisation, est-ce plus de prospérité ?
ment jusqu’à un certain degré (quand il atteint 50 % du PIB), et – la mondialisation, est-ce plus de précarité ?
diminue ensuite. Il existe en effet un point à partir duquel le mon- – la mondialisation, est-ce plus d’instabilité ?
tant du prélèvement devient dissuasif pour le contribuable et l’in- – la mondialisation, est-ce le règne de l’économie de marché ?
cite à réduire ses activités plutôt que de gagner davantage et payer – la mondialisation, est-ce un mouvement irrépressible ?
encore plus au fisc. À la limite, un taux d’imposition de 100 % – la mondialisation, n’est-ce pas une transparence appréciable ?
annulerait tout revenu de l’État.
Doc. 3 : Le commerce mondial en 2002
3. Les mesures prises par M. Thatcher permettent de rééquilibrer
le budget de l’État, mais ont un coût social très élevé : augmen- Réponses aux questions
tation du chômage, faillites des entreprises les moins compéti- 1. Les grands pôles économiques de la planète sont ceux que les
tives, accroissement des inégalités sociales, pauvreté d’une partie géographes nomment la « Triade » :
de la population. Le texte de G. Sorman approuve la politique that- – L’Europe de l’Ouest, essentiellement constituée par l’Union
chérienne de privatisation car il y voit un signe d’efficacité éco- européenne ;
nomique et « une chance exceptionnelle d’avancée sociale ». – L’Asie du Sud-Est avec le Japon et la Chine ;
4. Ce document met en évidence la restructuration de l’industrie – Les États-Unis et le Canada.
sidérurgique allemande et le problème majeur qui en découle : Ensemble, ces trois pôles représentent 77,2 % des exportations
le chômage. Les ouvriers et les chômeurs (« Arbeitslose » sur les et 78,8 % des importations à l’échelle planétaire.
pancartes) manifestent contre la mort de leurs entreprises, sym- 2. Dans le contexte de cette carte, l’expression « économies en
bolisée par un cercueil noir au premier plan ; ils réclament du tra- transition » désigne l’économie des pays qui, depuis les années
vail et la semaine des 35 heures sans baisse de salaire. 1990, passent de la planification communiste au capitalisme libé-
5. Voir commentaire du doc. 5 ral. Il s’agit des pays nés de la dislocation de l’URSS et des PECO
6. (pays de l’Europe centrale et orientale). Les PECO, coupés pen-
dant quarante ans de l’Ouest ont accumulé de profonds retards
Mesures Carter, Carter, M. Thatcher économiques. Cette transition et modernisation de l’économie
préconisées début fin n’est pas menée partout au même rythme. La Pologne, la Hongrie
par : de mandat de mandat
et la République tchèque sont plus avancées que les autres pays
Keynes création d’emplois comme la Roumanie ou l’Albanie.
augmentation de
la croissance Doc. 4 : Le « requin chinois »
baisse des taux
d’intérêt augmentation Commencée en 1978 par Deng Xiaoping, l’intégration de la Chine
des dépenses de l’État dans l’économie mondiale s’est accélérée cette dernière décen-
augmentation des nie. Le pays, qui s’affirme toujours communiste, est désormais
impôts
une puissance économique qui compte. En 2003, à l’issue d’â-
von Hayek dénationalisations pres négociations, Pékin signe un accord avec Washington qui
et privatisations,
lui ouvre les portes de l’OMC. Depuis, la Chine, avec son
libéralisation,
baisse des retraites milliard d’habitants, est devenue un acteur incontournable de la
et allocations vie économique mondiale. Tout se passe comme si elle était en
diverses train de trouver un « modèle de sortie du communisme » que la
Friedman contrôle des prix Russie post-soviétique cherche en vain.
réduction des Actuellement la poursuite de la croissance chinoise a non seulement
déficits contribué à relancer l’économie mondiale mais elle a également pesé
contrôle de sur le marché des principales matières premières, pétrole inclus, dont
la monnaie
les cours poursuivent une hausse continue depuis des mois. Le mar-
Laffer baisse des impôts baisse des impôts ché chinois reste celui pour lequel les grands pays industrialisés se
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 23
battent, car il devient un Eldorado dont la porte d’entrée est sévè- mouvement ATTAC (Association pour la taxation des transac-
rement contrôlée par une Chine soucieuse de créer des entreprises tions financières pour l’aide aux citoyens). Ce sont donc des
en participation avec ceux qui veulent profiter de son développe- personnes venus d’horizons très divers et qui s’accordent sur une
ment. Les perspectives économiques éblouissent à un point tel que idée : les entreprises multinationales et les financiers sont en train
la question du respect des droits de l’homme, qui pesait parfois sur d’édifier un nouvel ordre économique dans lequel une petite mino-
l’image de la République populaire, ne joue plus guère. rité s’enrichira davantage encore, alors que la grande majorité ne
Réponses aux questions pourra que s’appauvrir. (voir doc. 1). Pour empêcher cela, ils se
1. Les 146 pays membres de l’OMC se sont réunis en septem- retrouvent régulièrement, à Gênes en 2001, à Cancun en 2003.
bre 2003 dans la station balnéaire mexicaine de Cancun dans le
but de doter le commerce international de règles équitables dans
un contexte de capitalisme libéral et de libre-échange, démarche
très contestée par les pays du « Sud » et par les altermondialis- DOSSIER - La troisième révolution industrielle,
tes. Par « requins de Cancun » l’auteur désigne des puissances
accélérateur de la mondialisation ?
comme le Brésil, l’Inde et surtout la Chine qui veulent faire enten-
dre leur voix tout en contestant que le libre-échange restât le prin- Doc. 1 : Trois cycles d’innovation depuis le début du XXe s.
cipal moteur du progrès économique et du progrès humain.
Ce schéma complète le doc. 3 sur la 3e révolution industrielle.
2. Le « club des grands du libre-échange » désigne les pays déve-
Pour éviter toute confusion, il convient de préciser que la pre-
loppés capitalistes, partisans du libéralisme économique et plus
mière révolution industrielle (charbon et machine à vapeur) n’y
particulièrement du libre-échange.
figure pas. Les deux courbes (industries nées à la fin du XIXe siè-
3. Le dynamisme de l’économie chinoise se manifeste par :
cle et industries de l’après-guerre) correspondent à ce que Yves
– une très forte croissance, autour de 8 % ;
Trotignon appelle la 2e révolution industrielle.
– un gonflement des échanges ;
– l’abondance des investissements internationaux ; Doc. 2 : Un des premiers satellites artificiels (1960)
– une industrialisation galopante ;
Les satellites artificiels sont des corps lancés de la Terre de façon
– une grande compétitivité sur les marchés du jouet, de l’ha-
à devenir un satellite de notre planète. Le premier (Spoutnik I) a
billement de sport et du matériel informatique.
été lancé par l’URSS le 4 octobre 1957. Pesant 83,6 kg, il gra-
vita autour de la Terre jusqu’au 4 janvier 1958. Les Américains
Doc. 5 Quand les droits de douane baissent… ne lancèrent leur premier satellite, Explorer I, que le 31 janvier
Il convient d’attirer l’attention sur le fait que les chiffres des droits 1958. Aujourd’hui, les satellites artificiels sont des sortes de labo-
de douane (ex. : 40 % en 1947) ne concernent que les produits ratoires automatiques en vue d’explorations militaires ou scien-
de l’industrie et qu’ils ignorent les protections bien plus fortes tifiques (météorologiques notamment) et pouvant servir de
dans d’autres secteurs, tels l’agriculture ou les services. Ensuite, stations d’observation de la Terre. Les satellites de télécommu-
il faut aussi relever que les pourcentages indiqués constituent des nications ou satellites-relais sont devenus indispensables à la 3e
moyennes recouvrant des réalités variées, les droits de douane révolution industrielle.
pouvant s’échelonner de 0 % à 50, voire 70 %.
Entre 1973 et la fin du siècle, les droits de douane ne baissent que Doc. 3 : Une troisième révolution industrielle ?
faiblement, passant de 10 à 5 % ; or c’est à la même époque que Le texte d’Yves Trotignon date de 1978. Depuis cette époque,
les échanges progressent le plus. La diminution des droits de la 3e révolution industrielle s’est confirmée et accélérée. À la liste
douane n’explique donc pas, à elle seule, la progression des échan- des innovations qu’il énumère il faut ajouter l’arrivée d’Internet,
ges. La mondialisation de l’économie, avec la libre concurrence, innovation la plus révolutionnaire, et qui constitue un élément
les délocalisations des entreprises de main d’œuvre, le dévelop- moteur de la mondialisation.
pement des multinationales, la révolution des communications
et la disparition du communisme sont autant de facteurs qui expli- Doc. 4 : La révolution informatique
quent l’explosion du commerce planétaire. Dès 1978 (date du texte), les auteurs S. Nora et A. Minc ont com-
Réponses aux questions pris l’importance de l’informatique, à partir du moment où l’or-
1. Les droits de douane ont le plus fortement baissé pendant les dinateur devient accessible à tous (informatique de masse) et où
« Trente Glorieuses ». Ils étaient de 40 % au lendemain de la les ordinateurs sont reliés entre eux en réseaux (télématique : com-
Seconde Guerre mondiale, lorsque débutèrent les premières binaison des télécommunications et de l’informatique). L’avenir
négociations du GATT pour tomber à 10 % à la veille du premier a donné raison aux deux auteurs car aujourd’hui la révolution de
choc pétrolier. Après 1945, les grands États du monde capitaliste l’Internet transforme la planète, créant une économie nouvelle,
collaborent pour un abaissement général des tarifs douaniers. À un monde nouveau et même un nouveau langage (« e-business »,
l’échelle du commerce mondial, un effort analogue fut poursuivi « start up », « Web agencies », etc.)
par le GATT. Le but des accords durement négociés est d’éviter
le retour au protectionnisme d’avant-guerre, de permettre aux Doc. 5 : Une parabole au Sénégal
signataires de bénéficier des gains du libre-échange et de parti- Doc. 6 : Internet et fracture numérique
ciper ainsi à la régulation du commerce mondial aux côtés du FMI. Il y a cinq ans encore, le Bhoutan, petit royaume bouddhiste coincé
2. Voir ci-dessus. entre la Chine et l’Inde, ne connaissait pas la télévision. Autant
dire que la culture des technologies de l’information en est
Doc. 6 : Manifestation de syndicalistes antimondialistes encore à ses balbutiements. Cette situation caractérise la « frac-
à Seattle (États-Unis) ture numérique » séparant le « Nord » et le « Sud ». Et pourtant,
La manifestation antimondialiste de Seattle réunissant quelque dans le même journal, on découvre qu’à Thimbu, la capitale, naît
50 000 participants venus du monde entier réussit à empêcher la actuellement une réelle volonté d’accéder aux circuits mon-
réunion de l’OMC. Il s’agit d’un mouvement très hétéroclite où diaux : des lieux de consultation Internet apparaissent, le cour-
se côtoient des combattants des droits de l’homme, des défen- rier électronique fait des bonds de géant, de nombreux foyers
seurs de l’environnement, des syndicalistes, des féministes, des s’équipent du téléphone et le télécopieur devient monnaie cou-
réseaux tiers-mondistes, des leaders paysans, des membres du rante dans les bureaux.
24 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
La fracture numérique, d’après l’exemple du Bhoutan, accentue Internet supprime la distance et favorise l’accès au savoir plané-
les disparités économiques et sociales entre le Nord et le Sud et taire ;
creuse les inégalités entre les pays industrialisés qui ont largement – en favorisant l’innovation, la révolution technologique engen-
accès au Web et tous les autres qui, faute d’équipements, sont de dre des gains de productivité qui dopent la croissance et déve-
plus en plus « condamnés face à la concurrence ». Il existe cepen- loppent les échanges.
dant une autre fracture numérique, à l’intérieur des pays développés, Théoriquement, en favorisant l’accès au savoir planétaire, Internet
entre les foyers urbains à revenu élevé et à diplôme universitaire devrait limiter les exclusions, mais pour cela il faudrait que le
et les ménages à revenu modeste, souvent handicapés par un moin- réseau soit à la portée de tous, ce qui est loin d’être le cas. Et si
dre bagage éducatif et un parcours professionnel moins réussi. certains estiment que le Web offre une chance de réduire les écarts
entre les riches et les pauvres, nombreux sont ceux qui craignent
Doc. 7 : De l’invention à son exploitation industrielle : en revanche une double aggravation des inégalités :
un temps toujours plus court – entre le Nord et le Sud à l’échelle de la planète ;
Ces chiffres sont tirés du livre de J.-J. Servan-Schreiber, Le Défi – entre les riches et les pauvres à l’échelle d’un État.
américain (1967). Il y démontre que l’innovation est devenue la
forme moderne de la concurrence et qu’en conséquence, l’effort
qu’une entreprise consacre à la recherche scientifique et au COMPOSITION (1/10)
développement technique a désormais une importance décisive.
Cet effort aboutit non seulement à augmenter sans cesse le nom- Sujet : De 1945 à 1974, la croissance économique
bre de découvertes scientifiques, mais aussi à raccourcir de plus est-elle un facteur de progrès ?
en plus le passage de la découverte à son exploitation industrielle.
26
Une des premières caractéristiques de cette société, c’est l’abon- des habitants a donc nettement augmenté, ce qui s’explique en
dance de biens, des produits alimentaires aux biens de consom- particulier par la hausse des salaires. Des améliorations sociales,
mation durables (électroménagers, automobile…). comme l’allongement des congés payés sont aussi à prendre en
Partout en Europe, on constate la modification de la structure de compte : ce nouveau temps disponible génère l’essor de la
la consommation ; les postes traditionnellement les plus élevés consommation de loisirs. De nouveaux procédés de vente (super-
comme l’alimentation et l’habillement, sont désormais dépassés marchés et hypermarchés, soldes, publicité…), ainsi que le cré-
par les biens durables ou les services tels les loisirs. dit plus accessible (en France, il a été multiplié par trois pendant
L’émancipation des femmes, libérées d’un certain nombre de cette période) favorisent cette consommation.
tâches fastidieuses par l’essor de l’électroménager, est également Cependant les bas salaires n’ont pas disparu et ne permettent pas
une des caractéristiques de cette nouvelle société. de participer à cette consommation ; cela concerne essentielle-
De nombreux facteurs ont permis un tel essor. C’est d’abord la ment les ouvriers spécialisés. Le consommateur est aussi souvent
hausse du PNB/tête, critère absolu de progrès ; le niveau de vie perçu comme un individu aliéné.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 27
ES/L CHAPITRE 3
Société et culture de 1945 à nos jours
INTRODUCTION pays en développement, témoigne de la mondialisation mais ne
doit pas faire oublier que l’Afrique est en réalité très peu connec-
1) Comment traiter le chapitre tée (voir doc. 8 p. 41).
Ce chapitre rend compte des mutations sociales et culturelles sur
plus de cinquante ans, mutations très denses qu’il est difficile de Doc. 3 : Écoliers et étudiants par niveau et par continent
résumer en 4 leçons, compte tenu du fait que l’espace couvert (en millions)
concerne toute la planète. Plusieurs traits marquants peuvent Les disparités se situent entre espaces développés (Amérique du
cependant être mis en évidence : Nord, Europe) où les taux de scolarisation à tous les niveaux sont
– Aujourd’hui, les nouvelles technologies de la communication très élevés et pays du Sud. En effet, au Nord, l’enseignement supé-
(doc. 1 : 500 écrans de télévision avec 500 programmes dif- rieur a connu la progression la plus forte, ce qui s’explique par
férents) ne distribuent plus seulement de l’information, mais sont l’essor économique des Trente Glorieuses et l’allongement de la
devenues de véritables prothèses sensorielles qui permettent durée des études. On notera également la stabilisation, voire la
–théoriquement – d’appréhender le monde en temps réel. Cela réduction du nombre des écoliers du primaire : les taux de sco-
reste cependant le privilège des hommes des pays les plus riches larisation dans le primaire sont de 100 %, mais on assiste à un
qui sont submergés par ces nouveaux outils. recul du nombre des scolarisés car la natalité baisse.
– Tous n’ont pas les moyens d’accéder à ces nouvelles techno- Réponses aux questions
logie. Le continent africain (doc. 2 : Télévision collective en Côte- 1. Entre 1970 et 1997, la progression la plus spectaculaire pour
d’Ivoire dans les années 1990) a peu accès à ce monde de la chaque niveau d’enseignement a été celle du continent africain
communication ; son extrême pauvreté – plus de 45 pays parmi (x 3 pour le primaire, x 6,8 pour le secondaire, x 9,6 pour le supé-
les plus pauvres de la planète sont situés en Afrique – l’empê- rieur).
che d’y participer réellement.
2. Voir ci-dessus.
– Autre fait saillant : la mondialisation des pratiques culturelles
domine par le biais du modèle américain qui suscite de nomb-
reux débats. Doc. 4 : 1989, année de la télévision
En développant les satellites de télécommunications et en mul-
2) Bibliographie tipliant les relais, la technologie permet une diffusion partout et
• F. BALLE, Médias et sociétés, Fayard, 1998. en continu. La télévision a joué un rôle considérable dans les évé-
• J.-P. WARNIER, La Mondialisation de la culture, La Découverte, nements politiques de ces dernières années. En donnant à voir
2003. en direct ces événements, elle influe sur les réactions des popu-
• E. Morin, T.X. THUAN, T. DE MONTBRIAL, Donner une âme à lations. En les informant en temps réel, elle les amène à réagir
la mondialisation, Albin Michel, 2003. immédiatement, même si quelquefois, elle contribue à les dés-
• E. D’GUBAIN, C. JACQUES (sous la dir. de), Le Siècle des fémi- informer (exemple de la révolution roumaine en 1989, avec la mise
nistes, éditions de l’Atelier, 2004. en scène de pseudo-charniers) ou encore en incitant à la haine et
au génocide (exemple de la radio des Mille collines au Rwanda).
Réponses aux questions
LEÇON 1 - Quels sont les facteurs des 1. Voir ci-dessus.
mutations sociales et culturelles ? 2. Le mur de Berlin, construit à partir d’août 1961 et qui s’est effon-
dré en novembre 1989.
Doc. 1 : L’essor des médias entre 1970 et 1997
dans le monde.
Doc. 5 : L’élévation du niveau de vie de toute
Ces documents statistiques issus de l’UNESCO, organisme cul-
l’humanité
turel datant de l’ONU, permettent de mesurer l’essor des médias
entre 1970 et 1997 dans le monde. Sont évoqués les médias les Cette vision de l’évolution de l’humanité donné par le secrétaire
plus courants. général de l’OMC est une vision optimiste ; certes, l’humanité
Tous les médias n’ont pas connu la même progression depuis 1970. a connu des progrès incontestables depuis cinquante ans : le niveau
On constate un immense décalage entre pays développés et pays de vie, l’espérance de vie, l’alphabétisation, l’accès à la culture
en voie de développement en ce qui concerne l’accès aux médias. et à la consommation ont augmenté, la mortalité a reculé mais
La presse écrite est en légère régression dans les premiers ; on y combien d’hommes ont réellement profité ces progrès ? Dans les
assiste à une concentration des publications. Pays les moins développés, le revenu mensuel moyen est de 25
La télévision reste le média dominant dans les pays développés, $, l’espérance de vie est de 51 ans et la mortalité des moins de
où le nombre de récepteurs a été multiplié par 2 depuis 1970. La 5 ans de 159/1000 contre 2 144 $, de 78 ans et 6/1000 pour les
progression est plus spectaculaire pour les PED (x 15) et pour pays les plus développés (chiffres OMS 2001). L’alphabétisation
les Pays les moins développés (x 46). Il faut toutefois constater n’est pas encore généralisée dans les pays les plus pauvres (voir
que le niveau de départ y était très faible et que cette progression tableau 3 p. 49). Il existe aussi des écarts à l’intérieur même des
ne suffit pas à combler l’immense retard avec les pays dévelop- États les plus développés (10 % de la population des États-Unis
pés. Cela peut s’expliquer par le coût de production. Pour les récep- vit au-dessous du seuil de pauvreté).
teurs radio, la progression est partout plus faible ; ce média pourtant Réponses aux questions
plus abordable semble moins attirant pour les populations. 1. Voir ci-dessus.
2. Cette vision du monde repose sur des faits difficilement
Doc. 2 : Internet en Côte-d’Ivoire. contestables mais ne concerne pas la totalité de la population mon-
Cette publicité pour l’accès au réseau Internet en Côte-d’Ivoire, diale.
28 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
LEÇON 2 - Populations et modes de vie tions dans le monde, le magazine tire chaque semaine à + de 5,3
millions d’exemplaires. Aujourd’hui, malgré la chute du régime
Doc. 1 : la population mondiale des Talibans, ce combat continue et Elle parraine un magazine
Deux pyramides des âges nous permettent de mesurer l’évolu- féminin Roz (le jour en persan), fondé à Kaboul en 2002, après
tion de la population mondiale par classes d’âges et par sexe entre l’intervention américaine et la chute du régime des Talibans.
1950 et 2050 (prévision). Réponses aux questions
Deux tendances : 1. et 2. Voir ci-dessus.
– le resserrement du bas de la pyramide (les moins de 20 ans) qui 3. L’image spectaculaire d’une femme (une mère) au visage entiè-
s’explique par la baisse de la natalité ; rement caché souligne l’horreur de l’oppression dont sont victi-
– l’élargissement du haut de la pyramide (les plus de 60 ans) qui mes les femmes dans le régime des Talibans, un an avant leur
met en évidence le vieillissement de la population et une espé- chute.
rance de vie plus importante pour femmes.
Doc. 5 : Un tourisme de masse
Ceci va de pair avec la modernisation des sociétés (meilleures
conditions sanitaires, diffusion de la contraception) et la diffu- La foule sur l’Acropole, lieu de convergence d’un tourisme cul-
sion de modèles uniformes de comportement démographique turel élitiste en raison de l’histoire et de la signification profonde
(famille à deux, voire un enfant). de la culture grecque pour la civilisation occidentale et d’un tou-
Dans l’avenir, de nombreux problèmes se poseront dans les risme de masse (charters de touristes attirés par la Grèce en tant
pays du Nord (rapport entre actifs et retraités) et dans les pays que pays méditerranéen ensoleillé, Athènes à 15 km du Pirée, port
pauvres : une jeunesse qui, pour l’instant, ne trouve pas d’ave- d’escale de bateaux de croisière en Méditerranée transportant des
nir et qui alimente migrations et tensions. centaines de personnes).
Réponses aux questions
Doc. 2 : L’uniformisation des modes de vie, vue par 1. Il s’agit du Parthénon, temple dédié à Athéna, construit sur
Konk en 1972 l’Acropole d’Athènes entre 447 et 432 av. J-C.
2. Le site de l’Acropole est l’un des principaux sites culturels de
Datant des années 1970, période durant laquelle le dessinateur Méditerranée qui renvoie aux racines grecques de la civilisation
Konk collaborait au journal Le Monde, ce dessin évoque le occidentale.
métro, le travail (le « boulot ») et les loisirs, sans doute en rela-
tion avec le slogan dénonçant l’aliénation du banlieusard : « métro,
boulot, dodo ».
Le dessinateur présente ici une vision très ironique de la période
des Trente Glorieuses. Cette période économique correspond au DOSSIER - Le réveil religieux
plein-emploi et favorise des phénomènes de masse dans tous les
Doc. 1 : Les grandes croyances mondiales
secteurs : les individus ont des comportements identiques, à tous
les moments de leur existence, déplacements, travail, loisirs. La religion qui a le plus progressé est l’islam dont les adeptes ont
augmenté de 6,4 % ; la part des chrétiens est restée stable. Les
Doc. 3 : La mondialisation du phénomène migratoire religions qui ont le plus reculé sont le taoïsme et le confucianisme
qui passent de 25,3 % à 6,3 %. : surtout présentes en Chine, ces
Les migrations les plus importantes résultent de la logique
doctrines mi philosophiques mi religieuses ont connu une sévère
nord/sud : les pays développés, tels que les États-Unis ou les États
répression avec la mise en place du communisme en 1949.
d’Europe occidentale, restent les pays d’accueil de la plus grande
partie des migrants. Mais les flux se dirigent aussi vers les pays Doc. 2 : Un jugement sur le retour du religieux
pétroliers (Asie, Moyen-Orient) ou encore de l’Afrique de
Le réveil religieux est perçu comme l’une des grandes évolutions
l’Ouest vers l’Afrique du Sud… La mobilité des hommes, un phé-
de ces dernières décennies. Ces différents documents nous per-
nomène planétaire, est générée par des écarts de richesse, le retard
mettent d’en entrevoir certains aspects. Le premier texte est
dans la transition démographique et l’intensité des tensions géo-
extrait d’un numéro spécial « Les Enjeux » du mensuel écono-
politiques.
mique, Les Échos ; il semble paradoxal de voir traiter de cette
question par un mensuel de ce type, mais dans la mesure où cette
Doc. 4 : Une du magazine Elle, 30 avril 2001 donnée du réveil religieux affecte les sociétés et leur évolution,
Elle est un magazine féminin créé en 1945. À côté de sujets légers elle a aussi des incidences sur les économies.
comme la mode, Elle évoque des problèmes de société touchant
à cette moitié de l’humanité que sont les femmes. Cette couver- Doc. 3 : Le pape Jean-Paul II à Séoul (Corée du Sud)
ture dénonce le sort fait aux femmes sous le régime des Talibans 6 mai 1994
instauré en Afghanistan entre 1996 et 2002. Ce régime, pratiquant
une lecture littérale et islamiste du Coran, considérait les fem- Ces voyages déplacent des millions de fidèles et grâce à leur cou-
mes comme inférieures aux hommes ; à ce titre, elles étaient verture médiatique font percevoir aux fidèles que le catholicisme
exclues de la société et privées de droits. Ici, le personnage prin- est toujours une religion universelle et vivante.
cipal porte la burka, vêtement traditionnel afghan qui cache la
totalité du visage. En avril 2001, peu de voix s’élevaient encore Doc. 4 : Les religions dans le monde, par pays
en Europe contre la condition des femmes dans le régime de dic- L’Europe, les Amériques, l’Afrique subsubsaharienne restent le
tature islamiste des Talibans (voir aussi doc. 4 p. 193 et doc. 6 terrain des religions chrétiennes. L’islam forme une bande conti-
p. 197). nue qui va de la Mauritanie à l’Indonésie. 80 % des musulmans
Des femmes politiques de différents partis (Nicole Fontaine, minis- vivent dans dix pays, et sont minoritaires dans le reste du monde.
tre du gouvernement Raffarin de 2002 à 2004, Ségolène Royal, Seulement 20 % des musulmans sont des Arabes ; la moitié des
ancienne ministre socialiste et concubine du Premier secrétaire musulmans du monde vivent dans 4 pays non arabes, L’Indonésie,
du parti socialiste, Élizabeth Badinter, philosophe très engagée le Pakistan, le Bangladesh et l’Inde. Une petite minorité d’Arabes
dans le mouvement féministe et épouse d’un ancien ministre socia- (en Palestine, en Syrie, en Jordanie) ou d’Arabophones sont chré-
liste, apportent leur soutien à la cause de ces femmes afghanes. tiens, des chrétiens dont les ancêtres sont restés fidèles à leur foi,
L’impact de cette prise de position est énorme car, avec 35 édi- lors du djihad, à partir du VIIe s.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 29
Doc. 5 : Dans une école coranique de Kaboul en 2001 LEÇON 3 - Quelles évolutions culturelles ?
Une école coranique est une école religieuse musulmane où les
enfants musulmans apprennent à réciter par cœur le Coran. Le Doc. 1 : Les footballeurs les mieux payés
niveau d’études est fonction du nombre de sourates apprises et Les salaires des joueurs de football sont aujourd’hui parmi les
sues « par cœur ». Ainsi, les meilleurs élèves sont ceux qui savent plus élevés au monde. Les footballeurs gagnent souvent bien plus
réciter les passages les plus longs du Coran. que les dirigeants des grandes entreprises. Le paradoxe est que,
pour une grande partie de la population, ces salaires énormes ne
Doc 6 : Le phénomène des sectes paraissent nullement disproportionnés. Un véritable culte, déve-
L’état des religions dans le monde, publié en 1987, présente ici loppé au niveau planétaire, est voué à ces stars du football.
le phénomène des sectes. Noter l’importance des revenus annexes dus aux contrats publi-
Les sectes sont des mouvements difficiles à distinguer des reli- citaires, ce qui montre à quel point sport et « business » sont liés.
gions (il n’en existe pas de définition juridique), car elles se pla- Doc. 2 : Le cinéma en 2000
cent sur le même terrain et emploient le même vocabulaire, et
souvent ce sont des groupes séparés d’une religion instituée. Elles Depuis trente ans, l’industrie cinématographique américaine
sont aujourd’hui en pleine expansion face à certaines inquiétu- produit des films qui sont en tête des meilleures recettes de l’his-
des identitaires. Leurs préoccupations sont loin d’être uniquement toire du cinéma. Les grandes Compagnies possèdent une tech-
religieuses, elles exercent un pouvoir absolu sur leurs disciples, nique parfaitement rodée ; elles fabriquent des produits
et ont quelquefois des préoccupations politiques comme la secte consensuels et standardisés, avec un « happy end » le plus sou-
Moon. vent de rigueur. Les recettes faramineuses qui en découlent s’ex-
pliquent les campagnes publicitaires et par tous les produits
dérivés qui accompagnent la sortie de chaque nouveau film ; (vête-
Réponses aux questions ments, gadgets, CD comportant la bande originale du film, pro-
1. Entre 1900 et 2002 les grandes croyances mondiales sont res- duits dérivés à l’effigie des héros). Et pourtant c’est l’Inde qui
tées pour l’essentiel des monothéismes (christianisme, islam). est le premier producteur mondial de film mais ce cinéma ne perce
2. Causes du retour du sacré : nullement en Occident.
– la crise économique et la persistance d’un inégal développe-
ment entre le Nord et le Sud amènent de plus en plus d’exclus Doc. 3 : King of the Zulus (1984) de Jean-Michel Basquiat
de la croissance ; Dans cette toile, J. M. Basquiat reprend les rythmes et la surface
– l’ouverture des mondes à d’autres cultures provoque accultu- des murs urbains qui ont été ses premiers supports. Comme ses
ration et crispations identitaires ; autres toiles, celle-ci constitue une surface d’empilement sur
– la disparition du communisme ; laquelle l’artiste juxtapose des poèmes, des slogans rayés, réécrits,
– l’incompréhension face à la violence du monde comme par rap- des graffitis, des dessins d’écolier, des images de la culture amé-
port au terrorisme. ricaine, des têtes qui sont celles d’individus désœuvrés, délabrés.
Tous ces éléments entraînent une volonté de retrouver des raci- Par ce recyclage incessant d’expériences quotidiennes, la pein-
nes, des repères qu’offrent les nouveaux discours religieux : ture de Basquiat s’inscrit dans la continuité du Pop Art, avec en
l’islam en Algérie dans les années 90 est devenu pour certains plus un certain désenchantement, un besoin de communiquer et
une idéologie, l’islamisme qui propage une foi plus radicale et surtout le désir de reconnaissance de la culture afro-américaine.
un combat à la fois politique et guerrier (la guerre civile a fait Le titre fait référence au monde de ses racines, King of the
environ 100 000 morts) Zulus, les Zoulous étant une population noire arrivée en Afrique
3. Voir commentaire doc. 3. du Sud peu de temps avant les colonisateurs blancs.
4. Voir commentaire doc. 4.
5. Voir commentaire doc. 6. Doc. 4 : Quatre Marilyn (1962), Andy Warhol
6. La religion catholique s’est maintenue en Europe après le choc Andy Wahrol est l’artiste le plus connu du Pop Art américain ;
de la Réforme protestante, elle a largement gagné l’Afrique et son sujet, l’une des actrices les plus emblématique du cinéma amé-
l’Amérique latine. Dans certains pays, elle connaît une forte pro- ricain d’après-guerre. Warhol dépeint la société telle qu’elle se
gression, comme en Corée du Sud. reflète et se voit à travers les médias, toujours à la recherche
7. Depuis les années 1980, on assiste à un retour du sacré. Les d’images d’elle-même. Loin de refuser cette surproduction
explications à ce phénomène sont à rechercher dans différents d’images, il s’en inspire et y participe. Venant de la publicité, il
domaines : en transpose les techniques au domaine des beaux-arts, ici la séri-
– économiques et sociaux : dans les pays occidentaux, la crise graphie, une reproduction mécanisée. Il s’empare de tous les sym-
économique depuis 1970 a laissé des individus en proie en boles de la société américaine. En 1962, Marilyn Monroe vient
doute. Dans les pays musulmans, l’échec économique a souvent de mourir ; son image, ici déshumanisée par la répétition et la
été attribué à l’abandon des valeurs traditionnelles de l’islam et couleur, se répète et se banalise au même titre qu’un quelconque
à l’attrait des modes de vie occidentaux ; produit de supermarché. Cette image est froide, mécanique,
– politiques : l’exclusion de certains groupes sociaux du pouvoir sans émotion ni sentiment. Elle ne dénonce pas, elle montre.
politique ou encore la perte de repères lors de l’écroulement du
monde communiste. Doc. 5 : Une série culte : Friends
Ce retour du sacré peut prendre divers aspects. Par exemple, une Les sitcoms américains sont l’un des instruments de propagation
volonté de reconquête du terrain, exprimée par les catholiques de la culture américaine dans le monde. Même si la fin de
et l’action missionnaire de Jean-Paul II. Le chef de l’Église Friends est programmée, le relais est déjà pris par d’autres séries
catholique a, dès sa nomination en 1978, multiplié les voyages comme Ally Mc Beal, Sex and the City, Urgences…
sur tous les continents (plus de 100 au total), mais il a aussi moder-
nisé textes et discours religieux (plus de 14 encycliques). Un autre Doc. 6 : La culture en crise ?
aspect est la transmission de la foi aux plus jeunes, comme ici Soljenitsyne célèbre écrivain russe a été le premier à faire connaî-
l’islam dans cette école coranique de Kaboul. On constate aussi tre au monde la réalité du Goulag en publiant L’Archipel du Goulag
partout l’essor des sectes ; en France, un rapport d’enquête de 1995 en 1974. Libéré, il quitte l’URSS pour les États-Unis. Dans cet
estime que 172 sectes sont potentiellement dangereuses. extrait d’un article du Figaro paru en 1993, il prend position sur
30 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
les évolutions de l’art moderne et de la culture au sens large. Il Réponses aux questions
y perçoit une volonté d’innovation frénétique qui, dans le domaine
1. Voir commentaire du doc. 1.
de la sculpture, esthétise « des monstruosités ». Cette évolution
2. Voir commentaire du doc. 2.
démontre pour lui une dégénérescence de l’humanité. Cette que-
3. Voir commentaire du doc 3.
relle entre les anciens et les modernes est une question constante
4. Il s’agit d’une œuvre engagée qui dénonce la manipulation de
dans le domaine de l’art.
l’information et des consciences (photo de l’ayatollah Khomeiny)
ainsi que le fait que le pouvoir mondial est détenu par une mino-
rité de gens influents. Ces discours manquent aussi de lisibilité
car ils se superposent et donc se brouillent.
5. Voir commentaire du doc. 5.
DOSSIER - Art et technologie 6. Voir commentaire du doc. 6.
7. L’image, les moniteurs vidéo, les films vidéos, les caméras
Doc. 1 : Les nouvelles technologies au service des artistes numériques, les ordinateurs.
Dans ce texte publié en mars 2003, Florence de Mèredieu sou- 8. Oui, les nouvelles technologies ont considérablement modifié
ligne que les artistes ont toujours utilisé les apports technologiques l’art. De nombreux artistes ont abandonné les outils et les supports
dans leurs pratiques. Ils sont attirés par la modernité et exploi- traditionnels, pinceaux, toiles, etc. pour les remplacer par la
tent toutes les inventions. Mais aujourd’hui, ces outils sont capa- vidéo, les ordinateurs, etc. On assiste aussi à la modification des
bles de créer une réalité virtuelle qui modifie notre perception. espaces de présentation des œuvres (obscurité nécessaire pour les
projections d’images vidéo). L’œuvre d’art n’est plus immuable,
Doc. 2 : High Tech Allergy, L’enfant high tech de alors que La Joconde a toujours le même sourire, les œuvres récen-
Nam June Paik, installation vidéo, 1993 tes, comme par exemple celles de J. Shaw intègrent l’aléatoire et
Telle une sculpture traditionnelle, cette œuvre est construite en le modifiable. L’œuvre d’art n’est plus un objet unique à contem-
trois dimensions. Elle se différencie d’une sculpture traditionnelle pler, mais peut devenir un espace aménagé où les éléments réagis-
par l’absence de socle et par le fait que ces matériaux ne sont pas sent les uns par rapport aux autres en intégrant le spectateur.
forcément prévus pour durer. Elle intègre aussi le son : les moni- Mais si l’art issu des nouvelles technologies ouvre de nouveaux
teurs vidéo multiplient et modifient sans cesse son aspect. champs d’investigation du réel, il crée aussi des doutes, des inter-
rogations sur notre monde. Et ces questionnements sont ceux qui
Doc. 3 : La Prière de la jeune femme shaman, 1996, ont toujours hanté les artistes et ont été le moteur de leur création.
de Mariko Mori
Chez les peuples sibériens et dans les populations indiennes vivant
dant les plaines d’Amérique du Nord, le shaman est un « homme
médecine » qui, après avoir eu des visions, est considéré comme LEÇON 4 - Limites apportées aux mutations
disposant de pouvoirs particuliers, comme le pouvoir de chasser socio-culturelles
l’esprit du mal qui provoquerait la maladie.
L’univers qui se rapproche de cette œuvre est celui du cinéma de Doc. 1 : « L’Occident n’a pas le monopole de l’art »
science fiction, cheveux décolorés, vêtements en matière plas- Durant les siècles passés, Rome, Paris, Berlin étaient considé-
tique, univers aseptisé et froid, personnage hors du temps, aux rés comme les capitales de l’art. Depuis les années 1950, New
agissements mystérieux. York leur a ravi ce leadership. Désormais, l’art est international,
mais rares sont les artistes non occidentaux pouvant prétendre à
Doc. 4 : The Board Room (1987) Antonio Muntadas, la notoriété qu’atteignent les artistes des pays occidentaux.
installation vidéo Cependant, même si ce sont toujours ces pays qui organisent les
Une salle de conférence est ici représentée, un lieu de prise de grands événements culturels, ces derniers, sont de plus en plus
décision, de pouvoir. Les chaises autour de la table sont vides ouverts à des artistes venus d’autres régions comme l’Afrique avec
comme pour signifier que le pouvoir est aujourd’hui virtuel, imma- le sculpteur Ousmane Sow, à des minorités comme les femmes.
tériel. Les personnages influents de la planète sont présentés en L’auteur déplore la domination du monde occidental car ce ne
photos comme le sont les portraits des dynasties patronales. De sont que des individualités qui émergent et non des ensembles
leurs bouches sortent discours et images d’actualité. Ces discours culturels.
font agir les peuples et conduisent le monde. Réponses aux questions
1. Les arts plastiques (peinture, sculpture, etc.)
Doc. 5 : La Ville lisible (1989-1991) de Jeffrey Shaw. 2. Voir ci-dessus.
Ces artistes sont d’origine diverse mais utilisent tous les nouvelles
technologies. Doc. 2 : Les paradoxes de la mondialisation
Ici le spectateur est acteur. Pour les artistes contemporains il ne Les États confrontés à la crise économique, aux licenciements
s’agit plus de se délecter devant une œuvre mais il faut être ou aux tensions liées à la perte de leur identité propre tentent de
immergé dans celle-ci et participer à son fonctionnement et se préserver de la mondialisation. Ils mettent en place des pro-
donc à sa création. De spectateur passif il devient spectateur actif. tections douanières accrues, des quotas de diffusion de produc-
Mais cette participation est ambiguë car la réalité dans laquelle tions nationales sur les chaînes de télé nationales.
il pense se déplacer est immatérielle. Réponses aux questions
1. La mondialisation est un fait acquis dans les domaines sui-
Doc. 6 : Propos d’artistes vants :
Propos sur les rapports que ces artistes entretiennent avec les nou- – culturel (l’anglais est devenue la langue des échanges, le
velles technologies. cinéma américain domine les marchés) ;
Les réactions sont mixtes, refus, méfiance face à une technolo- – économique (les multinationales procèdent de manière force-
gie qui a le pouvoir de tromper, de manipuler de se substituer au née à la division internationale du travail, dans les services la res-
geste créatif et en même temps une fascination face aux immen- tauration. Les parcs de loisirs (Disneyland) sont dominés par de
ses possibilités que ces outils offrent dans le traitement, dans l’in- grands groupes mondiaux) ;
vention et l’exploration de nouveaux espaces. 2. Voir ci-dessus.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 31
Doc. 3 : L’acculturation de l’Afrique Quant au domaine social, on note que le taux de scolarisation dans
Pour la population africaine, l’influence des cultures étrangères le secteur primaire atteint quasiment 100 %. Cependant les taux
génère et entretient le processus d’acculturation. De plus, une cer- d’alphabétisation de certains pays, tels l’Iran ou l’Algérie, res-
taine dépendance est induite par un comportement alimentaire tent faibles ; les tensions politiques, les difficultés économiques
qui consiste à consommer du pain, alors qu’il est produit à par- de ces dernières années et la généralisation tardive de l’ensei-
gnement peuvent expliquer ce phénomène. Dans l’enseigne-
tir de blé et que cette céréale doit être importée.
ment supérieur, les taux de présence féminine n’atteignent que
Réponses aux questions
50 % environ. La femme quitte donc le monde de l’école plus
1. Les éléments d’acculturation visibles sont Donald, un des héros
tôt avec des diplômes de moindre niveau.
de Walt Disney, l’utilisation de la langue française et aussi la vente
de pain qui rappelle les héritages de la colonisation française. 3.
2. Une dépendance non seulement culturelle mais aussi alimen- La diversité des situations présentées tient tout d’abord à des dif-
taire, en raison des nouveaux comportements qui sont la consé- férences de niveau de développement : plus un pays est développé,
quence des changements culturels plus les droits des femmes sont avancés ; c’est le cas de la Suède
ou des États-Unis. Inversement, plus le niveau de développement
Doc. 4 : L’empire AOL-Time Warner est faible, plus le pays a du retard en matière de droits des fem-
Le 10 janvier 2000, Time Warner numéro un mondial de la com- mes. La culture religieuse explique aussi cette diversité : on cons-
munication et America On Line (AOL), premier fournisseur tate un retard important des pays musulmans, dans lesquels le statut
d’accès Internet, ont annoncé leur fusion. Cette entreprise est donc juridique et politique de la femme est inférieur.
devenue le premier groupe mondial de presse et de communi- 4.
cation. Son emprise s’étend sur le monde entier, emprise mise Non, l’égalité homme-femme n’est pas encore réalisée notam-
en évidence par les différents planisphères. ment dans les domaines de l’accès à l’université, de l’accès au
Réponses aux questions travail et de la participation à la vie politique.
1. Les domaines d’activité du groupe AOL Time Warner sont : Le tableau n’indique pas les écarts de salaires : à formation équi-
– le cinéma : studios, catalogue de plus de 6 000 films, 14 000 valente, les femmes n’occupent pas les postes de décisions qui
dessins animés ; devraient leur revenir dans les entreprises.
– les éditions musicales ; Des signes d’espoir cependant avec l’attribution du prix Nobel
– la presse : Time, Fortune, People, plus de 120 millions de lec- de la paix 2003 à l’iranienne Chirine Ebadi, provenant d’un pays
teurs ; où les droits des femmes sont particulièrement bafoués (obliga-
– la télévision : CNN, plus de 150 millions d’abonnés dans le tion de porter le voile islamique). On peut espérer que ce geste
monde ; symbolique sera porteur d’espoir et d ‘amélioration pour les fem-
– les réseaux interactifs. mes de ce pays et du monde musulman.
2. le grand nombre de médias contrôlés.
PREMIÈRE PARTIE
EXPLICATION D’UN DOCUMENT (2/16) 1.
Le document 1 est un essai dirigé sous la direction d’un socio-
Sujet : Les femmes dans la société actuelle logue français, Edgar Morin : il cerne les motifs des événements
Réponses aux questions de 1968 en France. Le document 3 est l’« appel » d’un journa-
liste américain à conduire une révolution aux États-Unis. Le docu-
1. ment 4 est le point de vue d’un militant révolutionnaire allemand
Voir manuel. sur la nécessité de passer à l’action. Ces deux derniers documents
2. sont des prises de positions politiques, ils sont subjectifs et doi-
La place des femmes est très diverse selon les domaines et selon vent être utilisés avec prudence.
les pays. Deux photos devenues par la suite emblématiques de cette
Dans le domaine politique, le droit de vote (ce droit représente période, évoquent les manifestations et les slogans des mouve-
un des critères de la modernité) est une conquête récente pour ments étudiants aux États-Unis, pays capitaliste mais en
les femmes qui, dans l’ensemble, y accèdent dans la première moi- Tchécoslovaquie qui appartient à cette époque au bloc commu-
tié du XXe s. dans les pays européens et en Amérique du Nord, niste.
dans la seconde moitié du siècle pour les anciennes colonies. Seuls 2.
deux pays évoqués dans le tableau n’ont toujours pas accordé ce
Les contestataires sont :
droit aux femmes, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis.
– des jeunes, des étudiants souvent politisés ;
En ce qui concerne le nombre d’élues, l’inégalité est plus uni-
– des intellectuels, comme aux États-Unis, qui soutiennent et inci-
versellement partagée, excepté en Suède et en Chine : ce taux est
tent à ces mouvements.
en général inférieur à 10 %.
Dans le domaine économique, partout la femme participe au tra- 3.
vail salarié, avec des taux record en Chine, pays communiste. Les Leurs revendications sont de nature diverse :
taux des pays industrialisés dépassent dans l’ensemble les 50 %. – celles qui sont spécifiques à la condition étudiante : contre la
C’est dans les pays musulmans que ce taux est le plus faible : on vétusté des locaux, l’archaïsme des universités, pour une école
y considère encore que la place de la femme est au foyer. mixte, pour une école qui permet la créativité ;
32 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
– celles qui expriment le rejet de la société de consommation, méricain Bob Dylan. Ces contestataires sont parfois suivis par
dénoncent une société repue ; des salariés comme en France.
– celles qui rejettent l’ordre établi, les valeurs des parents, les par- Leurs revendications sont de nature diverse et le paradoxe, c’est
tis classiques, les inégalités sociales ou raciales (comme la que l’on retrouve des slogans identiques aux sociétés libérales
société américaine où l’inégalité entre les Noirs et les Blancs est et aux sociétés communistes. Les jeunes qui arrivent en masse
criante) ; dans les universités en raison du baby-boom et de l’allongement
– celles qui exigent la fin de la guerre du Viêt-nam ; cette reven- de la scolarité obligatoire, souhaitent d’abord que les universi-
dication est à l’origine de ce mouvement qui débute aux États- tés puissent répondre à cet afflux massif. Ils rejettent aussi le
Unis. monde ancien et réclament une société où la liberté d’expression
4. et l’égalité entre hommes et femmes mais aussi entre les races
(Blancs et Noirs aux États-Unis) et seraient reconnues ; ils
Les moyens d’actions sont divers : manifestations, écrits, nou- condamnent l’impérialisme américain au Viêt-nam.
veaux partis à l’extrême gauche. Beaucoup de mouvements
Les moyens d’actions sont divers : des manifestations, des écrits,
reposent sur la non-violence et le pacifisme, à l’instar du slogan
l’adhésion à des partis d’extrême gauche ; ces mouvements
hippie repris par tous : « Peace and Love ».
adoptent généralement la non-violence, le pacifisme résumés par
le slogan hippie « Peace and Love ».
DEUXIÈME PARTIE Les années 1960 sont bien une période de contestation. Cette der-
Dans quelle mesure les années 60 sont-elles le temps de la nière concerne à la fois l’Europe occidentale et les États-Unis,
contestation ? mais aussi d’autres pays, comme les États d’Europe de l’Est ou
Partout, les contestataires sont des jeunes, essentiellement des étu- le Japon. Les revendications mises en avant par la jeunesse étu-
diants, des filles et des garçons quelquefois politisés comme en diante vont au-delà d’une simple remise en cause de l’université.
Allemagne, des militants d’extrême gauche. Des intellectuels s’en- Elles vont parfois jusqu’à la volonté de réaliser une révolution
gagent aussi, qu’ils soient journalistes ou chanteurs comme l’a- des comportements.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 33
ES/L/S CHAPITRE 4
Le modèle américain
INTRODUCTION Massachusetts, Rhode Island, Connecticut, New York, New
Jersey, Delaware, Pennsylvanie, Maryland, Virginie, Caroline du
1) Comment traiter le chapitre Nord, Caroline du Sud, Géorgie). Quant aux étoiles sur le dra-
peau d’aujourd’hui, elles sont aussi nombreuses que les États qui
On commencera par préciser ce que l’on entend par « modèle ».
composent à présent l’Union, soit 50. Dès qu’un État entre dans
Voici la définition du Petit Robert : « Ce qui sert ou doit servir
l’Union, une étoile est ajoutée.
d’objet d’imitation pour faire ou reproduire quelque chose. » Dans
ces conditions, le modèle américain est proposé au reste du Doc. 2 : Le mécanisme des élections
monde. Bon nombre d’Américains ne manquent pas de défen-
L’idée principale est que chaque candidat à la présidence des États-
dre cette conception et considèrent que la réussite de leur pays,
Unis doit être désigné par les membres de son parti avant d’af-
l’influence qu’il exerce sur la planète (doc. 2 : Les États-Unis
fronter l’autre candidat, étant entendu que le système ne vaut que
dans le monde dans les années 1960), les responsabilités poli-
pour les deux grands partis (républicain et démocrate). C’est la
tiques et militaires qu’il assume justifient pleinement la validité
convention nationale de chacun des deux grands partis qui élit
du modèle.
le candidat du parti. Les délégués à la convention sont aupara-
Ils sont également nombreux ceux qui estiment que le modèle
vant élus soit dans les élections primaires du parti soit dans les
est copié ailleurs sans que les États-Unis imposent quoi que ce
caucus qui se tiennent à différents niveaux de l’État.
soit, tout simplement parce que le modèle est particulièrement
La campagne officielle commence après la fête du Travail (le Labor
attrayant, qu’il séduit sans qu’il soit nécessaire de l’imposer. De
Day, soit le premier lundi de septembre). Les électeurs votent le
là, une alternative. S’agit-il d’un modèle ou bien d’un exemple ?
mardi qui suit le premier lundi de novembre. À l’intérieur de chaque
Ne peut-on pas, de la même manière, évoquer l’exemple fran-
État, ils choisissent une liste de grands électeurs (liste démocrate,
çais, l’exemple italien ou anglais ?
liste républicaine, ou toute autre liste). La liste qui obtient le plus
Dans le cadre de la guerre froide, le modèle américain s’oppose
grand nombre de suffrages, et non pas nécessairement la majo-
au modèle soviétique ou socialiste. Il revêt, dès lors, des formes
rité absolue, remporte l’État, c’est-à-dire que ses grands électeurs
précises. Il repose sur les valeurs et les pratiques de la démocratie,
(dont le nombre équivaut aux 2 sénateurs de l’État et aux repré-
sur les libertés individuelles, civiles, politiques (doc. 1 : La
sentants de l’État qui siègent au Congrès fédéral) sont élus. En
flamme de la statue de la Liberté à l’entrée du port de New
décembre, les grands électeurs désignent, à la majorité absolue,
York), sur la libre entreprise (pilier du capitalisme), sur le rôle
le président et le vice-président des États-Unis.
régulateur, et non primordial, du pouvoir politique.
Mais une question surgit. Entre le modèle américain et le modèle Doc. 3 : Quelques amendements à la Constitution
soviétique, n’y a-t-il pas place pour d’autres modèles, qui emprun-
Les dix premiers amendements à la Constitution forment le Bill
teraient à l’un ou à l’autre ou suivraient des voies complètement
of Rights. Ils ont été adoptés en 1790-1791. Dix-sept autres
différentes ? Pourquoi serait-on contraint de choisir entre deux
amendements complètent la Constitution. Chacun de ces textes,
modèles, alors que toutes les cultures prennent racine dans l’his-
une fois proposé par le Congrès à la majorité des deux tiers et
toire nationale, régionale ou religieuse ? N’est-ce pas l’un des effets
approuvé par les États à la majorité des trois quarts, précise les
pervers de la guerre froide ?
termes de la Constitution ou ajoute des dispositions que la
Enfin, dans les quarante dernières années du XXe siècle, le
Constitution n’avait pas prévues.
modèle américain ne reste pas figé, immobile, voire immuable
Le premier amendement est capital sur le plan des libertés indi-
(voir axe chronologique p. 65). Au contraire, ce qui caractérise
viduelles et politiques. Le dixième définit les relations entre l’É-
la civilisation américaine, ce sont les changements qui la boule-
tat fédéral et les États fédérés. Le treizième met fin, au terme de
versent, les adaptations à la conjoncture, la mobilité des personnes
la guerre de Sécession, à l’esclavage des Noirs. Le dix-neuvième
et des idées, même si, comme il est naturel, on peut déceler des
donne le droit de vote aux femmes, et le vingt-sixième aux jeu-
permanences.
nes qui ont plus de 18 ans. Le vingt-deuxième amendement limite
à deux mandats l’exercice de la fonction présidentielle.
2) Renouvellement de la question et bibliographie Il faut retenir que la Constitution est la plus ancienne des cons-
Le développement de l’histoire culturelle apporte beaucoup à notre titutions démocratiques, qu’elle a été amendée et interprétée,
connaissance et à notre réflexion. C’est pourquoi deux ouvrages qu’elle reste amendable.
devraient nourrir le débat :
• D. ROYOT, J.-L. BOURGET et J.-P. MARTIN, Histoire de la Doc. 4 : La Constitution américaine
culture américaine, Presses universitaires de France, 1993. La Constitution des États-Unis est élaborée par la convention de
• A. KASPI, F. DURPAIRE, H. HARTER et A. LHERM, La Civilisation Philadelphie en 1787. Elle correspond à un exercice d’équilibre
américaine, Presses universitaires de France, 2004. des pouvoirs. L’objectif est d’éviter que l’un des pouvoirs
• L’Histoire n° 284, fév. 2004, dossier « Les racines de la droite l’emporte sur les autres.
américaine ». – le pouvoir exécutif est détenu par le Président ;
• Collections de l’Histoire n° 7, « L’empire américain ». – le pouvoir législatif est détenu par le Congrès (Sénat et Chambre
des représentants). Le Sénat parle au nom des États (2 sénateurs
par État, quelles que soient la population et la superficie de l’É-
DOSSIER - Les institutions americaines tat) et la Chambre des représentants (435 sièges, répartis entre
les États tous les dix ans suivant les résultats du recensement)
Doc. 1 : Le drapeau américain exprime le point de vue de la population ;
On remarquera que le drapeau américain rappelle, dans le coin – le pouvoir judiciaire est détenu par la Cour suprême et les cours
supérieur gauche, les liens qui unissent les Américains au fédérales.
Royaume-Uni. Mais les treize bandes, blanches et rouges, sym- Exécutif et législatif sont élus. Les juges sont nommés à vie par
bolisent les treize États fondateurs de l’Union (New Hampshire, le Président après consultation du Sénat. Freins et contre-poids
34 © Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit.
empêchent l’un des pouvoirs de prendre le pas sur les autres. Par Doc. 2 : Part des États-Unis dans la production mondiale
exemple, une proposition de loi doit être votée, dans les mêmes des articles manufacturés.
termes, par les deux assemblés législatives. Elle est alors signée Ce graphique illustre les conséquences de la Seconde Guerre mon-
par le Président qui peut mettre son veto. Mais si veto il y a, le diale. En 1938, les États-Unis tiennent une place importante, mais
Congrès peut le briser à la majorité des deux tiers. ils affrontent la concurrence de l’Allemagne nazie, du Royaume-
Pour les Grands électeurs, voir le doc. 2. Somme toute, la démo- Uni, voire de la France et du Japon. En 1950, l’Allemagne tâche
cratie américaine repose sur la souveraineté populaire. Le peu- de retrouver sa place parmi les pays industriels. Une partie
ple fait connaître sa volonté par les consultations électorales. Les importante de ses infrastructures ont été détruites. Elle les recons-
élus rendent compte lors de ces consultations. C’est une démo- truit, les modernise dans les limites de la République fédérale,
cratie représentative. les place sous l’autorité de l’État en RDA. La Communauté euro-
Doc. 5 : Campagne électorale de 1968 péenne du charbon et de l’acier fait ses premiers pas. Bref, la pri-
mauté des États-Unis n’est pas encore menacée. En 1960, la
Les deux principaux candidats (ici Richard Nixon pour les répu- croissance de l’Europe du Marché commun et celle du Japon sont
blicains, Hubert Humphrey pour les démocrates) bénéficient du plus fortes que la croissance des États-Unis. L’écart diminue. La
concours des forces économiques et sociales. Ces forces font concurrence qu’affrontent les États-Unis devient plus rude.
connaître leur opinion, participent au financement des campagnes
et tentent d’influer sur le choix final des électeurs. Le tout est Doc. 3 : La population des États-Unis
contrôlé par une commission chargée de veiller au bon déroule- Ce qui est important, c’est le déclin en pourcentage de la popu-
ment de la campagne électorale. lation blanche. Non pas tellement par la croissance de la popu-
Doc. 6 : Cérémonie de naturalisation lation noire, mais surtout par l’arrivée massive des hispaniques
et des asiatiques. Au début du XXIe s., sur le million d’immigrants
La loi prévoit qu’un immigrant, légalement entré sur le territoire qui, chaque année, s’établissent aux États-Unis, les deux cin-
américain, peut obtenir la nationalité américaine après un séjour quièmes viennent d’Amérique latine (ce sont les Hispaniques),
de 5 ans. C’est là la philosophie d’une nation d’immigrants, qui les deux autres cinquièmes d’Asie, le dernier cinquième du reste
s’efforce d’intégrer aussi rapidement que possible les nouveaux du monde. Les Américains sont de plus en plus les fils et les filles
venus. La naturalisation est précédée par une initiation à l’his- de la planète tout entière, de moins en moins les fils et les filles
toire des États-Unis, une démarche personnelle pour remplir les de l’Europe.
formalités indispensables et la prestation, publique ou non, col-
lective ou non, du serment à la Constitution. Doc. 4 : Une civilisation de l’automobile
Réponses aux questions Les Américains forment une nation qui vit sur quatre roues. Alors
qu’ils avaient le réseau ferré le plus étendu de la planète jusqu’en
1 et 7. Voir commentaire du doc. 1. 1914, les voilà maintenant dépendants de leur automobile. Pour
2. Voir commentaire du doc. 2. aller au travail, pour fréquenter les centres commerciaux, pour
3. Essentiellement les amendements I et XIII. se livrer à leurs loisirs (sports, cinéma, restaurants), ils ont
4. Essentiellement les amendements X et XXVI. besoin de l’auto. De là l’importance du prix de l’essence et l’im-
5. Voir commentaire du doc. 4. pressionnante production de l’industrie automobile. En outre,
6. Voir commentaire du doc. 6. depuis une trentaine d’années, la concurrence étrangère, surtout
8. La liberté (religieuse, d’opinion, de presse, de réunion), la démo- japonaise, a pris pied sur le territoire des États-Unis et enlevé des
cratie, la représentativité des élus et l’équilibre des pouvoirs. parts de marché significatives.
9. Régime démocratique : voir commentaire des documents 2
et 3. Doc. 5 : La General Motors
Séparation des pouvoirs : voir commentaire du doc. 4. La General Motors est, de loin, le principal constructeur d’au-
tomobiles des États-Unis et du monde. Elle se heurte, pourtant,
à des adversaires déterminés : les défenseurs de l’environnement
qui protestent contre la pollution que provoquent les moteurs ;
les défenseurs de la sécurité civile, qui, à l’image de Ralph
LEÇON 1 - Les années 1950 et 1960 Nader, démontrent que des modèles de voitures mettent en dan-
ger leurs occupants, tout simplement parce que, pour des raisons
Doc. 1 : Investissements américains dans le monde esthétiques ou bien pour réduire les coûts de fabrication, les cons-
Le commentaire insistera sur la première ligne. Les investisse- tructeurs ne prennent pas les précautions nécessaires.
ments augmentent considérablement de 1950 à 1980. La crois- Il n’empêche que les grosses sociétés, comme la General Motors,
sance tient à deux facteurs : l’extraordinaire essor de la richesse ne manquent pas de contribuer, par des dons, aux campagnes élec-
des États-Unis ; l’argent disponible ouvre, plus encore aupara- torales. Les uns et les autres ne se contentent pas d’aider un parti
vant, la porte des pays étrangers. Et les effets de la Seconde Guerre au détriment des autres. Ils financent les deux grands partis, dans
mondiale disparaissent, ce qui permet la reprise et le dévelop- les limites qu’impose la loi et qu’une commission de contrôle
pement des échanges commerciaux aussi bien qu’industriels. De s’emploie à faire respecter.
ce point de vue, on notera que le secteur manufacturier correspond Réponses aux questions
à 32,20 % des investissements en 1950, à 40 % en 1980. La mon- 1. Voir ci-dessus.
dialisation, ou si l’on préfère le terme américain la globalisation, 2. Le fait de se considérer au-dessus des intérêts de l’État : « Ce
est largement entamée. pouvoir est indépendant de l’État », formulation voisine de l’ex-
Les autres lignes du tableau montrent l’importance de l’Europe pression célèbre d’un PDG de la General Motors : « ce qui est
qui dépasse, de loin, les autres continents. Cela tient à l’histoire bon pour la General Motors est bon pour les États-Unis ».
des relations transatlantiques, à la modernisation des structures
financières, commerciales et industrielles de l’Europe, étant Doc. 6 : « L’autre Amérique »
entendu qu’il s’agit de l’Europe hors du domaine d’influence de Les États-Unis ont connu la grande pauvreté dans les années 1930,
l’URSS. On notera également que la part du seul Canada dépasse lorsque la crise économique réduisait au chômage des millions
celle de l’Amérique latine tout entière. d’Américains. Puis, l’entrée en guerre a stimulé la croissance.
© Hachette Livre – Histoire Terminales ES-L-S – La photocopie non autorisée est un délit. 35
L’après-guerre a ouvert une ère de prospérité. Les pauvres ont Doc. 4 : La libération de la France en 1944.
été oubliés. Michael Harrington, un journaliste socialiste, dénonce Ce sont là des images, très connues, de la libération de la France
en 1962 cette « autre » Amérique, formée de Noirs et de Blancs, en 1944. Elles montrent l’enthousiasme des Français. Dans le
de femmes célibataires, d’infirmes, d’handicapés mentaux qui