Introduction (B.Lahire)
Les divers corps de métier qui composent la formation sociale sont inégalement justifiés d’exister et
sont travaillé par la question de leur utilité sociale.
En général ceux qui pratiquent une activité ne se demandent plus le rôle qu’elle joue dès lors qu’elle
les occupe.
Pourquoi est en premier lieu une question des débutants, qui cache des inquiétudes
-soit prosaïques du type « quel débouchés avec un diplôme de sociologie ? »
-soit sur la nature de la science « dans quel but faire l’analyse du monde social ? » , « quel rôle
de la sociologie sur les changements sociaux, dans l’Histoire… ? »
Pour la sociologie interrogation forte car :
-discipline académique moins légitime que les autres sciences car plus récente
Le sentiment d’utilité ou d’inutilité d’un savoir provient moins de la nature du savoir que de sa
valeur académique ou extra-académique(prestige des études, débouchés forts, renommée des
emplois occupés etc.).Une haute valeur économique ou symbolique, ou haute légitimité écarte
souvent les remises en cause.
-science contrainte à se justifier beaucoup plus souvent et remettre en cause ses
résultats du fait de son objet :
Sociologue porte son attention sur sa propre société et sur des faits contemporains, elle a souvent
un fonction critique, ses résultats sont lisibles par son propre « objet » : il s’agit d’une science forcée
de passer autant de temps à justifier sa démarche qu’à donner ses résultats.
Le sociologue qui se veut scientifique doit défendre son indépendance d’esprit face aux impositions
des logiques extérieures à sa démarche, la demande sociale (particulièrement visible chez les
sociologues américains : Goffman , Merton contre les sociologues mandatés qui ne choisissent pas
l’objet de leurs études)
Mise à distance des demandes d’utilité :
Durkheim « la science commence dès que le savoir est recherché pour lui même […]Le savant se
désintéresse des conséquences pratiques. Il ne se préoccupe pas de savoir si les vérités qu’il
découvre seront agréables ou déconcertantes[…]
R.AronLa curiosité sans autre souci que la connaissance, sans autre discipline que celle qu’elle
s’impose à elle même, sans considération de l’utilité qui dans la civilisation pragmatique et pécuniaire
demeure celle de quelques uns et non de tous, cette curiosité livrée à elle même offre un garantie
contre le despotisme de l ’argent, un chance de progrès et de critique »
Production de vérité sur le monde social va souvent à l’encontre de la légitimation des
pouvoirs :« Demander à la sociologie de servir a quelque chose c’est toujours un manière de lui
demander de servir le pouvoir » Bourdieu
Qui a intérêt à dire quelle type de vérité sur le monde social ?
A quoi et à qui sert la sociologie ?Doit elle nécessairement servir quelque chose ?A qui ne doit elle
surtout pas servir ?
Si elle doit être utile, comment : usage politique (technocratique), thérapeutique, purement cognitif ?
Cela amène a traiter les questions de l’engagement du sociologue de la fonction critique de la
science des conséquence de la professionnalisation du métier de sociologue.
Les réponses du livre sont « une incitation à la réflexion sur le métier de sociologue, sa fonction
sociale et le rapport au contexte socio-historique dans lequel il s’inscrit inévitablement ».
Aucune distinction entre principe méthodologique; il sont tous également susceptible de produire de la
science, la différence de méthode ne préjuge pas d’une différence quant à la rigueur
A quoi sert la sociologie ?à rien d’autre que produire des vérités scientifiques sur le monde social .
Cela implique plusieurs choses :
-cela ne signifie pas absence de réflexion ou d’engagement politique et social ;
-ni que les recherches doivent être déconnectées de leur époque.
Combiner les deux attitudes est très exigeant que ce soit pour garder un indépendance tt en militant
(pr le pôle expérimental) ; ou entrer en contact avec les militants tout en gardant une crédibilité
scientifique (pour le pôle social).
D’autre part on peut s’interroger sur la possibilité de combiner les deux. Il paraît difficile au sociologue
de se donner au maximum à la fois à la recherche et au militantisme, produire un travail ayant une
rigueur scientifique demande du temps , et il est de plus combiné à d’autres obligations
(enseignement etc.). D’où une méfiance, pour ne pas faire que la moitié dans chaque domaine, et
n’être satisfaisant dans aucun.
Qu’est ce qui justifie une utilité du sociologue, qu’il intervienne sur le monde ?
Est il nécessaire d’être savant pour s’indigner contre les inégalités : le savant peut expliquer pourquoi
on observe une telle situation, mais cela ne leur confère pas une plus grande légitimité à s’indigner.
3 types de justifications avancées pour l’engagement du sociologue :
- chercheur s’autorise à intervenir dans le monde public en vertu de compétence spécifique
qu’il a sur le monde social. Ainsi , il ne s’engage pas lorsqu’il s’agit d’un objet sur lequel il n’a
aucune compétence.[conception de l’intellectuel spécifique M.Foucault]
- chercheur intervient en vertu d’un capital de reconnaissance i .e une forme de vedettariat
dans son champ scientifique, dans les médias. Il ne pèse alors que d’un poids symbolique, au
même titre qu’un acteur qui s’engage pour une cause
- chercheur s’engage au nom de valeurs universelles(désintéressement, probité..) dont les
scientifiques sont sensés être les garants.[position de Bourdieu à partir des années 1990]
Pour B.Lahire les deux dernières sont insuffisantes : l’utilisation de capital de reconnaissance n’est
pas probante dans la mesure où le sociologue n’est que rarement un personnage public connu de
tous et « mieux vaut avoir le soutien d’un chanteur de variétés » de ce point de vue. La défense de
valeur universelle apparaît également insuffisante, le champ scientifique est également sujet à des
affrontements, à une concurrence.
Reste l’utilité spécifique pour laquelle il faut penser en détail les modalités d’intervention du
sociologue.
La sociologie et la réponse à la demande sociale (R.Castel)
Méfiance vis-à-vis de la demande sociale, réponse souvent vue par les sociologues comme une forme
de compromission.
Pour R.Castel la sociologie de la connaissance pour la connaissance( idéaltype expérimental pour
Lahire, « puritanisme sociologique » pour Castel) est un forme d’élitisme. Il faut évidemment se méfier
du sens commun, mais un des objectifs principaux de la sociologie est de se pencher sur ce qui pose
problème aux « gens ». En effet ce que les individus identifient comme des problèmes, est aussi ce
qui perturbe la société, le fonctionnement des institutions, etc.
Ces « configurations problématiques » constituent le champ privilégié de la sociologie théorique
comme pratique, elles sont souvent la reformulation en termes sociologique d‘une demande sociale.
Pour R.Castel c’est précisément ce que l’on doit appeler sociologie. Epistémologie, méthodologie sont
nécessaires à la recherche sociologique mais n’en sont pas moins différenciées par leur objet.
La demande n’est pas seulement les commandes des mandataires, mais impose au sociologue une
lucidité par rapport au monde social pour discerner ce qui pose problème et qui n’est pas
nécessairement formulé en parole, en révolte ouverte( puisqu’il existe des inégalités par rapport à la
capacité à formuler la révolte). La sociologie refuse donc un conception purement empiriste avec
observation au premier degré [ex : les travaux d’Erving Goffman sur les Asiles , contre la vision d’un
apparent progrès des sciences en l’occurrence la psychologie véhiculée par les administrations et les
conditions de vie des handicapés mentaux].
Se référant à Durkheim, la connaissance trouve sa justification dans les applications pratiques
non dans la spéculations théorique, cette dernière devant être mise au service de l’action quitte à ce
que ce soit par l’entremise des décideurs et éventuellement par une perte de contrôle du sociologue.
Dc la demande sociale est le « terreau de la sociologie », la socio tire les questions qu’elle se pose de
la société et de son état. Sociologie : toutes les tentatives d’élucider les configurations problématiques
actuelles ( se poser la question sur le passé est faire de l’Histoire), sans réduire nécessairement le
problème à sa manifestation présente, ce qui justifie l’utilisation d’arguments apportés par d’autres
sciences, en particulier l’histoire et l’anthropologie.
Ceci est une forme d’engagement du sociologue. Chercher à répondre à une demande
sociale revient à considérer qu’un fait est problématique -par ex qu’il met en danger la cohésion
sociale- et cela implique une prise de position « idéologique ». Par ex : considérer la cohésion sociale
comme objectif , va à l’encontre une représentation ultra-libérale, qui établirait un primat de la
productivité sur cette cohésion.
D’une certaine façon faire de la sociologie revient à s’ engager, à avoir une position partisane sur le
monde ;et à ne pas oublier que le sociologue est lui même un sujet social.