CONFERENCES DE RESIDANAT
PREMIERE ANNEE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2019 – 2020
LA CATATONIE
HISTORIQUE
La catatonie, du grec ancien kata, sous, et tonos, tension, a été décrite pour la première fois
dans la littérature anglaise par Philip Barrough en 1553 dans son observation d’un patient
stuporeux intitulée "Of congelation or taking".
D’autres descriptions de patients catatoniques suivront dans l’école anglaise et
particulièrement celle faite en 1850 par Henry Monro.
C’est au milieu du 19ème siècle que débutent les essais de regroupement nosographique des
maladies mentales dont l’un des pionners fut Karl Ludwig Kahlbaum. C’est en 1869, lors
d’une communication, que ce médecin allemand isole le syndrome catatonique pour la
première fois de façon nette. Cette première description, basée sur l’étude de 26 cas cliniques,
insiste sur l’expression somatique des symptômes de la catatonie. En 1874 il publia
unemonographie intitulée "La catatonie ou folie tonique" 3 (Die
KatatonieoderdasSpanungsIrresein), dans laquelle il individualisa le syndrome catatonique et
en fit une soigneuse description. Ce syndrome comportait 17 signes, ayant une évolution
cyclique avec alternance de périodes d’excitation et de stupeur. Il y définissait la catatonie
ainsi : "une maladie cérébrale qui affecte un cours cyclique, variable, dans lequel les
symptômes psychiques ont l’aspect de la mélancolie, de la manie, de la stupeur, de la
confusion et, enfin, de la démence, l’une ou l’autre de ces phases pouvant faire défaut. Cette
affection comporte comme manifestations essentielles, à côté des symptômes psychiques, des
phénomènes du système nerveux moteur". Il décrivit ce trouble comme étant l’association de
signes affectifs et de troubles moteurs.
L’œuvre de Kahlbaumne connut pas l’impact qu’elle méritait et elle fut supplantée par celle
de Kraepelin. Ce dernier reprit, 25 ans après, les travaux de son prédécesseur sans cependant
reconnaitre la composante affective ou thymique de la catatonie. Pour lui la catatonie se
réduisaità un trouble moteur spécifique de la schizophrénie mais,cependant, il admettait que
l’on puisse rencontrer des signes catatoniques dans d’autres pathologies. 4Kraepelin a été suivi
par Bleuler qui associait la catatonie à un stade d’évolution de la schizophrénie (schizophrénie
catatonique).L’idée que la catatonie est une forme de la schizophrénie va persister par la suite
et ce jusqu’aux années 1980. Il y eu quelques travaux originauxqui apportaient une version
différente, parmi ceux-ci nous pouvons citer ceux de Kirby qui, en 1913, plaida en faveur
d’un lien entre catatonie et folie maniaco-dépressive5, ou De Jong qui publia dans les années
1940 des travaux sur les causes toxiques de catatonie.
Ce n’est qu’au début des années 1970 que plusieurs études remirent en cause cette association
privilégiée entre catatonie et schizophrénie. La dualité catatonie/schizophrénie avait été
remise en cause, suite aux travaux de l’école de Chicago dans les années 1970. Dans une
étude prospective menée sur des patients catatoniques, l’école de Chicago 6a mis en évidence
une forte proportion de patients bipolaires (70,9 %) contre une faible proportion de patients
schizophrènes (07,3 %). Ces résultats amèneront d’autres études cliniques avec des
conclusions similaires parmi lesquelles les études de Taylor et Abramsdès1973 7, de Barnes en
19868 et de Rosebush en 19909. Ces travaux associés à la découverte de l’efficacité des
benzodiazépines et de la sismothérapie dans le traitement des états catatoniques vont amener à
revisiter le concept de catatonie et aider à la modification de la perception de ce syndrome
comme uniquement lié à la schizophrénie.
Ainsi, le DSM IV, publié en 1994 par l’Association de Psychiatrie Américaine (APA), bien
qu’il proposait toujours la catatonie comme forme de schizophrénie, intégrait également la
catatonie comme pouvant être associée à des causes médicales ou à un trouble de l’humeur
(manie/dépression).
A l’heure actuelle le syndrome catatonique est considéré comme un syndrome
transnosographique, retrouvé dans la schizophrénie mais aussi dans les troubles de l’humeur
et des pathologies organiques.
EPIDEMIOLOGIE
Il n’existe pas d’études chez des patients hors épisode aigu ou en population générale.
L’incidence de la catatonie dans la population mondiale est inconnue et sa prévalence dans
une population de patients atteints de troubles psychiatriques est très variable d’une étude à
l’autre. De nombreux facteurs pourraient expliquer cette variabilité tel que l’origine ethnique,
la faible taille des échantillons étudiés,la grande diversité clinique de ce syndrome ou encore
l’utilisation de critères diagnostics différents d’une étude à l’autre. L’épidémiologie de la
catatonie est à approfondir et il semble intéressant qu’à l’avenir les études utilisent le même
outil de dépistage.
Contrairement à l’idée reçue, le syndrome catatonique n’est pas rare. En 2003, Kruger et
collaborateurs10 estimaient la prévalence de la catatonie en Europe entre 7 et 15 % des
admissions psychiatriques11. De récentes études retrouvent une prévalence en population
hospitalisée en psychiatrie de 10 % chez les adultes12.Le DSM-IV-TR évoque parmi ces
patients une faible proportion de schizophrènes (1%)13, la majorité des étiologies retrouvées
étant des troubles affectifs et des étiologies somatiques.
L’évaluation des différentes études effectuées montre que la prévalence de la catatonie parmi
les patients hospitalisés pour un épisode psychiatrique aigu varie de 6 à 17 %14, variation due
à la différence descritères diagnostiques employés.Ainsi, sur des cohortes de patients
hospitalisés pour un épisode psychiatrique aigu, la prévalence du diagnostic de catatonie était
de 16,9 % d’après le DSM-5 pour Stuivenga et al. 15, de 15 % d’après le DSM-IV pour Lee et
al.16et de 7 % d’après la BFCRS pour Busch et al.17.
La part respective des différentes causes de catatonie varie énormément en fonction des
études. Les causes organiques seraient responsables de 20 à 30 % des catatonies d’après
Mauras et al.18. Taylor et Fink relèvent une prévalence de la catatonie chez des patients
maniaques de 10 à 31 %, et une prévalence de manie chez des patients catatoniques de 20 à 70
%19.Par ailleurs, certaines études décrivent la catatonie comme rare dans la schizophrénie,
tandis que d’autres montrent une prévalence de 32 % de syndromes catatoniques dans une
population de patients schizophrènes chroniques20,21.
CLINIQUEi
1. Signes cliniques
La catatonie est un syndrome psychomoteur et plus de quarante signes cliniques ont été
décrits dans la littérature22. Pour plusieurs auteurs la sémiologie du syndrome catatonique
résulte en fait d’une interaction entre trois groupes de signes et symptômes :
des signes moteurs marqués par des difficultés au démarrage et à l’arrêt d’un
mouvement comme dans la catalepsie, le mutisme et les stéréotypies,
des signes comportementaux donnant une impression de dépendance à
l’environnement, comme dans les écho-phénomènes, les comportements d’utilisation
ou d’aimantation.
des signes neurovégétatifs.
certains y rajoutent des signes affectifs
1.1. Les signes moteurs :
La perturbation de la motricité se rencontre dans la motricité spontanée et dans la motricité
passive (mobilisation passive du sujet)
motricité spontanée :
o réduite :
- immobilité, stupeur : définie par une absence d’activité psychomotrice et de
relation active avec l’environnement,
- mutisme : défini comme une absence ou quasi-absence de réponse verbale,
- fixité du regard : regard fixe, exploration minimale de l’environnement, rareté du
clignement,
- repli sur soi, refus alimentaire : refus de s’alimenter, de boire ou maintenir un
contact visuel,
- prise de posture : maintien actif, contre la gravité, d’une posture adaptée
spontanément ;
o augmentée, bizarre :
- concernant des activités simples : agitation psychomotrice : hyperactivité
motrice non dirigée, inadaptée, non influencée par des stimuli externes,
accompagnée d’une tension intérieure ; impulsivité : adoption soudaine d’un
comportement inadapté, inexpliqué et spontané (déambulation, cris déshabillage) ;
maintien d’expressions faciales inadaptées : grimaces,
- concernant des activités complexes : stéréotypie : répétition d’une activité motrice
non dirigée vers un but, dont le caractère anormal est lié à la fréquence
d’apparition ; maniérisme : caricature bizarre ou solennelle d’actions ordinaires,
dont le caractère anormal est lié à la nature du mouvement.
motricité induite passivement lors de l’examen :
Voir : Quiles C, Amad A, Mocoulaud-Franchi JA, Fovet T, Thomas P. Sémiologie du syndrome catatonique. .
i
2. Outils diagnostiques
Il est à relever que la plupart des signes cliniques évoqués sont aspécifiques et peuvent se
retrouver dans d’autres syndromes et pathologies. Afin de palier à la difficulté diagnostique
liée à la diversité symptomatique importante du syndrome catatonique et d’aider le clinicien à
mieux reconnaître et traiter la catatonie, de nombreux auteurs ont proposé des critères
diagnostiques ainsi que des échelles d’évaluation. On retrouve dans la littérature plus d’une
quinzaine de systèmes de critères cliniques différents. En voici les plus connus dans l’ordre
chronologique :
Fisch (1964),
Gelenberg (1976),
Barnes (1986),
Lohr et Wisniewski (1987),
DSM III-R (1987),
Rosebush (1990),
Fink et Taylor (1991),
Rogers (1991 RCS Rogers CatatoniaScale revisitée en 1996 MRS ou Modified Rogers
Scale),
Benegal (1993),
DSM IV (1994),
Bush et Francis (1996 BFCRS ou Bush-Francis Catatonia Rating Scale),
Fink (1997),
Peralta (1997 et 2001),
Northoff (1999 NCRSouNorthoff Catatonia Rating Scale),
Bräunig (2000 BCRS ou BraunigCatatonia Rating Scale),
Caroll (2008)
DSM 5 (2013).
L’étude des différents critères proposés dans ces différentes échelles relève qu’il n’existe pas
de consensus sur le choix des signes et le nombre de signes nécessaires pour établir le
diagnostic. Néanmoins, il existe des similitudes concernant la nature des signes, avec des
manifestations motrices et comportementales.
En 1999, Northoff et al comparent les critères de Lohr et Wisniewski (1987), de Rosebush et
al. (1990), du DSM-IV (1994), de Bush et al. (1996), ainsi que leurs propres critères. Ils en
déduisent que quel que soit le système critériologique utilisé le clinicien aboutira à un
diagnostic de catatonie (14).
En 2011, Sienaert et al., dans une revue de la littérature, ont étudié 7 échelles : Modified
Rogers Scale (MRS), Rogers CatatoniaScale (RCS), Bush-Francis Catatonia Rating Scale
(BFCRS), NorthoffCatatonia Rating Scale (NCRS), BraunigCatatonia Rating Scale (BCRS),
l’échelle de Kanner et les critères du DSM-IV. Selon ces auteurs, seules les échelles
proposées par Bush, Northoff et Braunig sont fiables pour une utilisation dans tous les
syndromes catatoniques quelle que soit l’étiologie. Ils concluent également que la BFCRS est
l’échelle de référence à utiliser dans la pratique en raison de sa validité, sa fiabilité et sa
simplicité d’utilisation23.
Nous allons nous intéresser à l’échelle BFCRS ainsi qu’aux critères diagnostiques du DSM 5,
nosographie actuelle de référence. Ces deux instruments semblent pouvoir être les outils les
plus intéressants pour accompagner une démarche diagnostique devant des signes
catatoniques. Nous complèterons par la description du test thérapeutique aux
benzodiazépines.
2.1. Echelle Bush-Francis Catatonia Rating Scale (BFCRS)
En 1996, devant l’absence d’échelle permettant l’évaluation de la sévérité d’un syndrome
catatonique, Bush et al. ont développé une échelle de cotation de catatonie se composant de
23 items. Ils ont inclus les symptômes les plus fréquemment retrouvés dans la littérature
parmi les signes décrits par Kahlbaum, Kraepelin, Lohr, Taylor, Rogers, Morrison, Rosebush,
ainsi que dans le DSM-III et le DSM-IV. La notation des 23 items se fait de 0 à 3 afin
d’évaluer la gravité de la symptomatologie
Afin d’obtenir un instrument de diagnostic, ils retirent 9 items et les 14 items restants sont
uniquement mesurés par leur présence ou leur absence. Le diagnostic est posé en présence
d’au moins deux des quatorze signes suivants : excitation, immobilité/stupeur, mutisme, fixité
du regard, postures spontanées/catalepsie, grimaces, écho-phénomènes, stéréotypies,
maniérisme, verbigération, rigidité, négativisme, flexibilité cireuse, attitudes de refus. Le
diagnostic positif justifie ensuite la passation de l’échelle complète pour mesurer la sévérité
du syndrome. Cette échelle permet également de mesurer l’évolution de la symptomatologie
catatonique avec l’instauration d’un traitement24(voir échelle en annexe).
2.2. Critères du syndrome catatonique selon DSM-5
Dans le DSM-5 la catatonie est classée dans le groupe du "Spectre de la schizophrénie et
autres troubles psychotiques" et son existence est retenue devant la présence de 3 signes sur
les 12 signes décrits. Le DSM 5 ne traite pas de la catatonie comme une classe indépendante
mais la reconnaît comme la spécification d’un trouble : la catatonie peut être associée à un
trouble psychiatrique (neuro-développemental, psychotique, bipolaire, dépressif ou autre), ou
due à une autre affection médicale.
Changements par rapport au DSM-IV : Dans le DSM 5, les mêmes critères sont utilisés
pour diagnostiquer la catatonie, qu'elle survienne dans le cadre d'un trouble psychotique,
bipolaire, dépressif ou d'une autre cause organique. Dans le DSM-IV, deux des cinq groupes
de symptômes étaient nécessaires si le cadre était un trouble psychotique ou de l'humeur, alors
qu'un seul groupe de symptômes était nécessaire dans le cadre d'une affection médicale
générale. Dans le DSM 5, trois symptômes catatoniques sur douze symptômes caractéristiques
sont requis, quel que soit le cadre.
S'il n'y a pas de changement concernant les symptômes utilisés, ils ne sont plus regroupés,
mais indépendants ce qui facilite l'utilisation de ces critères. A noter toutefois la séparation de
la flexibilité cireuse de la catalepsie à laquelle elle est pourtant classiquement intégrée. Il faut
reconnaître que cette forme de résistance à la mobilisation passive est difficile à distinguer
d'une raideur extra-pyramidale lorsque celle-ci ne cède pas par à-coup. Il y a là un risque
important de faux positifs.
Enfin, même si la catatonie est un spécificateur, elle a un code propre (F06.1, en attendant la
CIM-11), en plus de celui du trouble mental ou organique associé. C'est un pas de plus vers
l'autonomisation, sans y être déjà toutefois.
Critères diagnostiques de la catatonie selon le DSM-5
pour la catatonie associée à un trouble mental
A. Le tableau clinique est dominé par au moins trois des symptômes suivants :
1. Stupeur (c.à.d. absence d'activité psychomotrice ; pas activement lié à
l'environnement).
2. Catalepsie (c.à.d. maintien contre la gravité de postures imposées par l'examinateur).
3. Flexibilité cireuse (c.à.d. résistance légère et constante à la mobilisation passive).
4. Mutisme (c.à.d. absence ou quasi-absence de réponse verbale, exclure si secondaire à
une aphasie connue).
5. Négativisme (c.à.d. opposition ou absence de réponse à des instructions ou à des
stimuli extérieurs).
6. Prise de posture (c.à.d. maintien actif, contre la gravité, d'une posture adoptée
spontanément).
7. Maniérisme (c.à.d. caricature d'actions ordinaires empreinte de bizarrerie, de
solennité).
8. Stéréotypie (c.à.d. mouvements non dirigés vers un but, répétitifs et anormalement
fréquents).
9. Agitation, non influencée par des stimuli externes.
10. Expression faciale grimaçante.
11. Écholalie (c.à.d. répétition des paroles d'un autre).
12. Échopraxie (c.à.d. reproduction des mouvements d'un autre).
Le clinicien peut donc s’appuyer sur des outils simples et fiables pour guider sa démarche
diagnostique devant un syndrome catatonique : critères diagnostiques du DSM 5, échelle
d’évaluation (BFCRS) et test thérapeutique aux benzodiazépines.
3. Formes cliniques
La présentation du syndrome catatonique est très variable et plusieurs formes cliniques
peuvent être observées. Plus de quarante phénomènes catatoniques ont été identifiés dans la
littérature. Si les tableaux majeurs typiques de stupeur catatonique avec maintien de la
position sont facilement identifiables, les formes modérées sans symptôme spectaculaire
passent inaperçues et les formes agitées sont souvent assimilées à une agitation dans le cadre
d’un trouble psychotique.
Les formes cliniques de la catatonie ont été différenciées sur la base de la symptomatologie et
sur celle de l’évolution, de même des spécificités sont décrites chez l’adolescent.
3.1. Selon le profil évolutif
la forme aiguë : de durée brève, elle possède une bonne réponse thérapeutique ;
la forme périodique : il s’agit d’une évolution cyclique avec des intervalles libres. Les
résurgences ont dans la plupart des cas la même composition symptomatique. Dans
cette forme les patients conservent parfois le souvenir du vécu des périodes
catatoniques, avec l’impression de ne plus pouvoir commander leur corps,
la forme chronique : elle est semblable à la forme aigüe symptomatiquement. Elle
diffère par sa mauvaise réponse au traitement qui entraîne des signes cliniques
persistants.
3.2. Selon le profil symptomatique
Il n’existe à ce jour aucun consensus quant aux différentes formes cliniques symptomatiques
ou dimensions psychopathologiques de la catatonie. Dans la plupart des études on retrouve
deux dimensions fréquemment citées.
La première est la dimension d’excitation, associantfréquemment :
hyperactivité/agitation, impulsivité, maniérisme, stéréotypies, grimaces et
verbigération.Appelée également forme agitée elle comprend également une
désorientation ou une confusion27.
La deuxième est la dimension d’inhibition, elle rassemble de son côté : stupeur,
mutisme, immobilité, postures spontanées, catalepsie/flexibilité cireuse et négativisme.
Il est intéressant de remarquer que cette forme, appelée également stuporeuse
correspond au tableau décrit par Kahlbaum et est donc également appelée
"Kahlbaumsyndrom".
Ces deux formes correspondent aux deux formes cliniques décrites par Kraepelin et Bleuler.
3.3. Selon la gravité du tableau, la catatonie maligne ou létale
En 1934, Staudersera le premier à utiliser le terme de catatonie létale. Cette forme clinique est
aussi être nommée catatonie pernicieuse. Le lien a parfois pu être fait avec le syndrome malin
des neuroleptiques et certains auteurs évoquent une même physiopathologie. Elle se
différencie par l’existence de signes dysautonomiques ii et de perturbations biologiques. On
retrouve :
au niveau clinique : elle est accompagnée de fièvre et d’un dérèglement du système
nerveux autonome. Il est relevé un dérèglement thermique avec une température
supérieure à 38° C, une pression artérielle élevée ou labile, une tachycardie, une
hypersudation et parfois une cyanose. Il peut exister alors des troubles de la conscience.
On note aussi l’apparition ou l’aggravation de signes extrapyramidaux. La catatonie
létale est le plus souvent décrite en association avec la forme clinique agitée. Cette
agitation conduit souvent le patient jusqu’à un épuisement stuporeux.
au niveau biologique : des signes de déshydratations, une hyperleucocytose (supérieure
à 20 000/mm3), une élévation des CPK (supérieure à 10 fois la normale).
Avant l’avènement de l’ECT, la mortalité induite par cette forme était de 75 %, aujourd’hui
elle est de 16 %.La mortalité dans cette forme est secondaire à un collapsus (d’origine
probablement centrale), une complication du décubitus (embolie pulmonaire, infection des
voies respiratoires surtout), ou une insuffisance rénale aiguë.
Il est à relever qu’un lien entre syndrome malin de neuroleptiques et catatonie létale est
évoqué par plusieurs auteurs.
3.4. Selon l’origine organique
Il n’existe pas de spécificité clinique du syndrome catatonique entre les étiologies organiques
et psychiatriques. Néanmoins, on retrouve souvent des signes cliniques en faveurs des
étiologies organiques sous-jacentes.
ETIOLOGIES
dysautonomie. Ensemble des troubles dus à un fonctionnement anormal, héréditaire ou acquis, du système
ii
nerveux végétatif, qui commande les viscères, le cœur, les muscles lisses et certains éléments du revêtement
cutané.
de Jong sur la catatonie expérimentale (toxique) et un cas de kyste épidermoïde du 3 ème
ventricule dont la cure chirurgicale avait amené une résolution de la catatonie30.
2/ Troubles psychiatriques
Parmi les troubles psychiatriques, il est aujourd’hui admis que la première étiologie de
syndrome catatonique est le trouble de l’humeur. Selon Rosebush et Mazurek, le syndrome
catatonique surviendrait dans le cadre d’un trouble de l’humeur dans 46 % des cas, contre
20 % des cas pour un trouble psychotique de type schizophrénie 34. Au sein des troubles de
l’humeur, c’est l’épisode maniaque qui semble le plus impliqué35.
D’autres troubles psychiatriques peuvent être à l’origine d’un syndrome catatonique, tels les
troubles neuro-développementaux, voire même le trouble obsessionnel compulsif.
Il est à souligner le lien étroit qu’entretient le syndrome catatonique avec l’utilisation des
neuroleptiques et le syndrome malin des neuroleptiques. En effet, parmi les facteurs de risque,
sont retrouvés l’utilisation d’un traitement neuroleptique et un antécédent de syndrome malin
des neuroleptiques36. Inversement, l’instauration d’un traitement neuroleptique dans la
catatonie est un facteur de risque d’apparition d’un syndrome malin des neuroleptiques 37,qui
pourrait être un sous type de catatonie pharmacologiquement induite.
HYPOTHESES PSYCHOPATHOLOGIQUES ET PHYSIOPATHOLOGIQUES
1. Hypothèses psychopathologiques
1.1. Réaction de peur :
Pour nombreux auteurs, la catatonie serait une réaction de peur comme la stratégie
d’immobilité tonique qu’adoptent les animaux face à un prédateur. La peur serait liée à un
traumatisme, une maladie psychiatrique ou physique grave et déclencherait une réponse
catatonique comme dernier recours face à un sentiment de mort imminente38,39.
1.2. Psychanalytique :
Les psychanalystes se sont peu intéressés à la catatonie et l’on ne retrouve que quelques
hypothèses psychopathologiques, qui positionnent toutes la catatonie dans le champ de la
psychose, au sens psychanalytique du terme40,41.
Pour Mélanie Klein, psychanalyste britannique d'origine autrichienne, "la catatonie pourrait
être une tentative pour paralyser l’objet intérieur et ainsi le rendre inoffensif"42.
D’autres auteurs définissent la catatonie comme "la perte de la fonction de pulsatilité de
l’organisme"43.
Lacan différencie l’instinct chez l’animal de la pulsion chez l’homme, le langage permettant
la mise en place de l’inconscient et la dénaturation de l’instinct en un fonctionnement
pulsionnel. La pulsation de l’inconscient donne un rythme d’organisation à la vie de chacun
(cycles veille-sommeil, rythme de la sexualité). Le syndrome catatonique révèle "la
disparition de tout ce qui dans l’organisme fonctionne sur un mode pulsatile. Ce dérèglement
de la rythmicité amènerait à la disparition de l’Autre"44.
1.3. Neurocognitives :
David Cohen propose un modèle psychopathologique se basant sur le modèle cognitif du
mouvement volontaire humain. Dans un article en 2006, il expose sa théorie
psychopathologique au sujet de la catatonie 45. Il utilise le vécu phénoménologique des patients
comme base théorique. Lors d’interrogatoires rétrospectifs à une catatonie aiguë, l’auteur
observe que la plupart des patients rapportent un vécu émotionnel intense et incontrôlable. Le
plus souvent, le vécu est angoissant. En parallèle, ils ne semblent pas avoir conscience de
leurs troubles moteurs. Selon l’auteur, il faut un modèle intégrant à la fois la perturbation du
mouvement volontaire et l’expérience subjective.
Le mouvement volontaire résulte de la conjonction de l’intentionnalité, de la planification
comportementale et du contexte émotionnel, entraînant une réponse du système moteur. Selon
Cohen, la perturbation du mouvement volontaire dans la catatonie résulte du contexte
subjectif du patient.
De façon plus large, Cohen distingue trois modalités d’expérience subjective impliquant un
dysfonctionnement du mouvement chez ces patients :
l’adhésion aux idées délirantes.
la résistance aux idées délirantes
les états hyper anxieux ou hyper émotionnels.
Dans le premier cas, le patient présente un mécanisme hallucinatoire particulier,
l’automatisme psychomoteur, lui imposant des mouvements corporels ou verbaux. Selon cette
modalité, le patient peut donc présenter des mouvements automatiques stéréotypés sans lien
avec l’environnement dans lequel il se trouve.
Dans la seconde hypothèse, dans le but de contrer les ordres de mouvements commandés par
les hallucinations, le patient met en place des gestes ritualisés, proche des mouvements
automatiques compulsifs. L’angoisse d’une catastrophe imminente, annoncée par les
hallucinations, peut amener le patient à se trouver dans une position d’immobilité, voire une
catalepsie.
Enfin, la troisième modalité serait la plus fréquente chez les patients catatoniques stuporeux
ou akinétiques. Les états hyper anxieux ou hyper émotionnels. La catalepsie et l’immobilité
peuvent être comprises comme une réponse à l’angoisse d’une catastrophe imminente. Cette
réponse serait comparable à l’immobilité tonique. Dans ce cas, l’émotion n’est pas secondaire
à un danger extérieur, mais à une cause interne au sujet. Selon Cohen, la catatonie n’est pas
uniquement déclenchée par la peur, mais par des émotions intenses. Néanmoins, il semble que
la peur soit l’émotion la plus souvent perçue.
La troisième modalité serait, d’après D. Cohen, plus fréquente chez les patients stuporeux et
akinétiques.
Cet auteur imagine, contrairement à la plupart des auteurs actuels, deux autres expériences
subjectives (hormis la peur) responsables d’un état catatonique : la résistance ou l’adhésion
aux idées délirantes.
2. Hypothèses physiopathologiques
Concernant les mécanismes physiopathologiques associés au syndrome catatonique, plusieurs
modèles neurobiologiques ont été proposés.
Différentes régions du cerveau (dont les lobes frontaux, les noyaux gris centraux, le lobe
pariétal ou le cervelet) ont été impliquées dans l’apparition de la catatonie, cependant aucune
lésion focale n’a été retrouvée. Il semblerait que la catatonie soit liée à une dysrégulation de
réseaux cortico-sous-corticaux.
Grâce à l’imagerie fonctionnelle, en 2002, Northoff et al ont établi un lien entre les
symptômes catatoniques et l’atteinte de certaines régions corticales. Les symptômes affectifs
et comportementaux pourraient être expliqués par une diminution de l’activité du cortex
orbitofrontal, et les symptômes moteurs pourraient être liés à une activation des aires motrices
et prémotrices46.
Plusieurs hypothèses neurobiologiques ont également été formulées incluant acide gamma-
amminobutyrique (GABA-A), dopamine et glutamate.
• L’hypothèse GABAergique s’appuie sur l’efficacité des traitements comme les
benzodiazépines qui sont des agonistes GABAergiques. Northoff et al ont montré dans
une étude utilisant l’imagerie nucléaire, une diminution significative de la liaison aux
récepteurs GABA-A dans le cortex sensori-moteur gauche, le cortex orbitofrontal latéral
droit et le cortex pariétal postérieur droit chez les patients catatoniques47.
• L’hypothèse dopaminergique se base sur la ressemblance clinique entre la catatonie et
certaines pathologies dans lesquelles la dopamine est impliquée comme la schizophrénie
et la maladie de Parkinson. De plus, les antipsychotiques atypiques, agonistes
dopaminergiques, améliorent les symptômes catatoniques48.
• L’hypothèse glutamatergique est fondée sur l’évolution favorable de syndrome
catatonique suite à la prescription d’antagonistes glutamatergiques comme la
mémantine ou l’amantadine. De plus, la découverte d’encéphalite auto-immune à auto-
anticorps anti-NMDA-récepteur pouvant causer un syndrome catatonique a ouvert la
voie à de nouvelles perspectives de recherche49.
Ces hypothèses physiopathologiques s’appuient sur l’efficacité de certains traitements de la
catatonie, un des points clé de la prise en charge de la catatonie.
Extrait de : Blain C. Catatonie : approche clinique et thérapeutique. Thèse de diplôme d’état de docteur en
iii
En 2015, Ellul et Choucha résument la théorie physiopathologique qui fait le lien entre
réaction primitive à la peur et la catatonie 67. De nombreuses recherches ont retrouvé une
persistance des dysfonctions cérébrales même après la rémission de la catatonie. Les auteurs
imaginent donc qu’il pourrait exister une prédisposition à développer ce syndrome. Les
troubles psychiatriques (états délirants, dépression, manie, angoisses, etc.) génèrent des
émotions intenses, ils précipiteraient donc sur ce terrain des états catatoniques. La plupart des
études retrouvent une dérégulation corticale du système GABAergique, entrainant l’échec du
contrôle cognitif des émotions. Schématiquement, en réponse à des émotions négatives, le
contrôle inhibiteur du système GABAergique sur le COF ne pourrait avoir lieu. Cela
conduirait à une dérégulation de l’équilibre entre le CPFVM et le CPFDL, et lèverait
l’inhibition de réactions primitives à la peur (stuporeuses ou furieuses) qui suit le circuit
amygdale-CPFVM-régions du mouvement. Le CPFDL ne serait pas suffisamment activé, ce
qui empêcherait le contrôle cognitif des émotions négatives, la connectivité avec le cortex
pariétal et les zones motrices supplémentaires, et le rétrocontrôle négatif sur les amygdales.
En résulteraient les signes moteurs et la perception d’une angoisse intense. Le défaut
d’activation du CPFDL serait aussi responsable de l’écholalie, des stéréotypies et des
persévérations, ces comportements étant observés chez les patients qui présentent une lésion
organique de cette région. L’anosognosie motrice des sujets catatoniques résulterait du
manque d’activation du cortex pariétal postérieur.
Les deux neurotransmetteurs présents en plus grande quantité dans le système nerveux central
central sont le glutamate, neurotransmetteur excitateur ubiquitaire du cerveau, et l’acide γ-
aminobutyrique ou GABA, principal neurotransmetteur inhibiteur dont le rôle
électrophysiologique consiste à inhiber le potentiel d’action membranaire. La balance de ces
deux neurotransmetteurs est responsable de l’équilibre entre inhibition et excitation du
système nerveux central. Des chercheurs ont donc naturellement essayé de traiter les patients
catatoniques résistants aux benzodiazépines par des antagonistes du récepteur NMDA (en
particulier l’amantadine)68. Ils ont observé une amélioration, mais avec une cinétique plus
lente que les agonistes GABA. Cette théorie a été confortée par la découverte de cas de
catatonie liés à l’encéphalite limbique anti-recepteur NMDA. Les chercheurs ont postulé que
l’hyperactivité NMDA provoque une dérégulation de la fonction GABA-A et que les
antagonistes du NMDA peuvent indirectement restaurer la fonction GABA-A dans les lobes
frontaux. En 2002 Northoff émet aussi l’hypothèse de l’existence d’un rôle direct du système
glutaminergique, via un circuit reliant le lobe pariétal, le subcortex et le cortex frontal 69. Le
glutamate en excès ou l’hyperactivité de ses récepteurs provoquerait un dysfonctionnement du
lobe pariétal postérieur. Ce dysfonctionnement serait responsable selon lui des symptômes
tels que les gesticulations et la perte des repères spatiaux qui se produisent chez les patients
présentant des lésions du cortex pariétal.
En dehors des systèmes GABAergique et glutaminergique, l’implication des réseaux
dopaminergiques a été suspectée sur de nombreux arguments. Cliniquement, il y a bien sûr le
rapprochement entre le syndrome catatonique et d’autres pathologies dans lesquelles la
dopamine a un rôle central, telles que la schizophrénie et la maladie de Parkinson, maladie
dans laquelle les symptômes moteurs se rapprochent de ceux retrouvés dans la catatonie et
sont dus à un déficit dopaminergique au sein des noyaux gris centraux (par dégénérescence de
la substance noire).
Expérimentalement, des études (Northoff et al., 1996, 1995a, 1995b) retrouvent dans le
plasma des patients en état de catatonie aiguë un taux augmenté de métabolite de la dopamine
(l’acide homovanillique)70,71. Ces données suggèrent que le système dopaminergique peut être
interactif lors d’une catatonie aiguë. Cependant, ces résultats sont en contradiction avec
l’observation du syndrome malin des neuroleptiques. Cette complication présente une grande
ressemblance clinique avec la catatonie maligne. Puisque le rôle des neuroleptiques est de
bloquer les récepteurs de la dopamine, la symptomatologie serait donc secondaire à un déficit
en dopamine. Cette contradiction implique une complexité de l’action de la dopamine dans la
catatonie. Plusieurs auteurs (Mann et Croff en 2004 72, Caroll en 200473 et Northoff en 200274)
ont essayé d’expliquer le rôle de la dopamine dans la catatonie. Le COF est relié aux aires
sous-corticales à travers une "boucle thalamo-corticale". Cette boucle lie le striatum, le
pallidum, la substance noire, le thalamus, pour finir dans le cortex orbitofrontal latéral. Elle
est modulée par la dopamine. Ces aires sont impliquées dans le contrôle de l’action. Par
conséquent, des altérations dans le COF peuvent moduler les structures motrices tant
corticales que sous-corticales via des connexions fonctionnelles directes. Il existerait une
"modulation top-down" du cortex vers les zones sous corticales dans la catatonie. Donc la
dérégulation GABAergique du COF régulerait négativement la dopamine dans la "boucle
thalamo-corticale", donnant un défaut d’activation striatonigrée dopaminergique, responsable
d’une rigidité musculaire. Selon Northoff, dans le syndrome malin des neuroleptiques, la
modulation se ferait dans le sens contraire ("bottom-up modulation") des aires sous corticales
au COF75. Cela expliquerait que dans un cas il s’agit d’un déficit en dopamine (le SMN) et
dans l’autre d’une hyperactivité dopaminergique (la catatonie).
3.5. Conclusion
La théorie neurobiologique dominante est celle de l’existence d’une dérégulation de la
balance excitation-inhibition des circuits cortico-sous-corticaux lors d’émotions fortes. Il
semble exister une dérégulation des systèmes GABAergique, dopaminergique et
glutaminergique dans certaines zones cérébrales :
au niveau cortical : le COF, le CPFDL, le CPFVM, les aires motrices, le cortex
pariétal
au niveau sous-cortical : les amygdales, le pallidium, la substance noire, le
striatum, le thalamus.
Ces zones sont responsables de la gestion des émotions, donc de leurs régulations et de la
réponse cognitive et motrice adaptée à la situation dans un contexte donné. Dans le cas de la
catatonie, il semble exister un échec des régulations cognitives corticales des émotions fortes,
laissant place à des réactions primitives sous corticales. Donc, comme l’avait écrit Kahlbaum,
il s’agit d’une pathologie psychique et motrice, car le vécu émotionnel impacte la motricité et
la volonté?
Nous notons que de nombreuses études observent des dérégulations chez des patients guéris,
évoquant une prédisposition à la catatonie.
Ces théories sont basées sur de nombreuses études, qui malheureusement comportent
plusieurs biais car il s’agit souvent d’études de cas, ou des études sur des petits échantillons.
Elles sont souvent réalisées en post catatonie aiguë. Elles n’utilisent pas tout le temps le
même système diagnostique et sont parfois faites sur une population spécifique de patients
catatoniques. Donc, la confirmation scientifique de ces théories neurobiologiques demande à
être affirmée dans le futur.
TRAITEMENT
La catatonie peut avoir de graves conséquences pour le patient, parfois létales et son
traitement constitue une urgence. Un diagnostic rapide et précis est essentiel. Plus la catatonie
sera prise à temps, plus l’évolution du patient sera favorable. Le retard dans la mise en place
du traitement expose le patient à des complications somatiques, au risque de iatrogénie76, sans
oublier l’expérience psychologique de ce trouble, aux conséquences difficiles à évaluer. La
plupart du temps la réponse à des traitements spécifiques, benzodiazépines et sismothérapie,
est efficace77. Ce traitement doit être accompagné du traitement spécifique de la maladie sous-
jacente, psychiatrique ou organique.
N. Pommepuy et D. Januel ont proposé un protocole de traitement de la catatonie en cinq
étapes78 :
1. arrêt des médicaments suspectés de produire les symptômes ;
2. recherche et traitement des pathologies sous-jacentes (bilans biologiques, dosages
urinaires de toxiques, EEG, imagerie cérébrale) ;
3. test au lorazépam, 2,5 mg avec évaluation des signes après 1 heure ;
4. pour les 20 % qui ne répondent pas, recours à l'ECT ;
5. ECT en première intention en cas de catatonie maligne (présence et / ou
d'instabilité autonomique).
1°/ Prévention et traitement de complications somatiques potentielles :
- Prise en charge symptomatique
Une prise en charge contenante et bienveillante doit être mise en place autour du patient. Il
semble important de ne pas laisser dans le noir sans repères spatiotemporels.
L’accompagnement d’un tiers semble permettre d’avoir de temps en temps des moments
d’ancrage dans la réalité et de soulagements et doit être favorisé.
Tous les médicaments prescrits doivent être passés en revue afin de s’assurer qu’aucun n’est
susceptible d’induire des symptômes catatonique. Dans le cas contraire, l’arrêt du ou des
médicaments concernés est recommandé. Une certaine ambiguïté entoure le rôle des
antipsychotique que nous aborderons par la suite.
Il faut veiller à prévenir les complications graves du décubitus : les escarres, les thromboses
veineuses profondes et l’embolie pulmonaire, les contractures musculaires, la déshydratation,
la dénutrition et l’épuisement, qui peuvent survenir à tout moment.79
Une anticoagulation préventive peut être utile, ainsi qu’une prévention des escarres. Il semble
aussi important de pouvoir surveiller certaines constantes (pouls, tension artérielle,
température, poids), pour permettre de détecter certaines complications, ainsi que les signes
physiques de dénutritions et de déshydratation.
Lors de période d’agitation, il est parfois nécessaire de contenir le patient.
Dans les cas de catatonie maligne une prise en charge réanimatoire est indispensable. Quand
le patient refuse de boire et de manger, il faut parfois avoir recours à une sonde nasogastrique
et des perfusions intraveineuses d’hydratation.
Ainsi le traitement intégral de la catatonie inclut la prévention et le traitement de
complications somatiques éventuelles et qui requièrent l’adoption d’une prise en charge
multidisciplinaire. (Voir tableau des mesures à prendre pour prévenir d’éventuelles
complications somatiques).
Tableau des mesures à prendre pour prévenir d’éventuelles complications somatiques.
[Clinebell K, Azzam PN, Gopalan P, Haskett R. Guidelines for preventing common
medical complications of catatonia : case report and literature review. J. Clin Psychiatry
2014;75(6) :644-51]
Complications somatiques Mesures
Thrombose veineuse 1. Prophylaxie pharmacologique, sauf en cas de risque
profonde élevé d’hémorragie (par ex. saignements importants,
administration d’un anticoagulant tel que la warfarine, en
cas de thrombocytopénie grave).
2. Options concernant la prophylaxie pharmacologique :
- faible dose d’héparine non fractionnée : 5.000IE : par
voie sous-cutanée 2-3 fois par jour ;
3. Compression veineuse : bas de contention élastiques ou
bandes élastiques.
4. Mobilisations: mobilisations actives et activité physique
quotidienne si possible et passives par le kinésithérapeute
Escarres 1. Evaluation du risque : échelle de Braden [Barnes TR. A
rating scale fir drug-induced akathisia. Br J Psychiatry
1989 ; 154 :672-6]
2. Si sujet grabataire : changement de position toutes les 2
heures.
3. Concertation avec le diététicien concernant
l’alimentation adéquate (compléments alimentaires).
4. Utilisation de matériaux permettant de bien répartir les
pressions et maintien de la peau aussi sèche que possible,
en particulier en cas d’incontinence.
Contractures musculaires 1. Mobilisations passives par le kinésithérapeute et si
possible : mobilisations actives.
2. Etirements : au moins 30 min. par jour. Concertation
avec le kinésithérapeute et/ou le psychomotricien.
Carences alimentaires 1. L’état nutritionnel (par ex. possibilité d’avaler de la
nourriture), les caractéristiques psychomotrices de la
catatonie (par ex. stupeur et négativisme) et la réponse au
traitement (possibilité de prendre des médicaments par
voie orale) doivent servir de base à l’évaluation du besoin
éventuel de supplémentation.
2. Lorsque les symptômes catatoniques entravent la
capacité de déglutir en toute sécurité, une alimentation par
sonde doit être envisagée (par ex. après 5 jours d’ingestion
inadéquate par voie orale), ainsi qu’un contrôle de la
respiration et du syndrome de renutrition inappropriée.
3°/ La sismothérapie
Tous les efforts doivent être faits pour optimiser la condition physique du patient, sans
prolonger inutilement les examens complémentaires conduisant à des retards injustifiés de
prise en charge.
L’efficacité des sismothérapies dans le traitement de la catatonie maligne avait été rapportée
par Philbrick et Rummans en199495. Une revue de la littérature faite par ces auteurs sur une
période de 5 ans (1986-1991) leur a permis d’identifier 18 cas de catatonie maligne. Sur les 13
patients traités par sismothérapie, 85 % ont survécu. Par la suite Trollor et al. ont retrouvé en
1999, dans une revue de littérature, 55 cas documentés de patients souffrant du syndrome
malin des neuroleptiques traités par sismothérapie 96 et il notait une efficacité a dans 72 % des
cas, une récupération complète dans 63 % des cas et une récupération partielle dans 28 % des
cas. Luchini et al. relevaient en 2015, dans une revue de la littérature, une efficacité des
sismothérapies entre 80 % et 100 %, avec un taux moyen de 85 % pour toutes les formes de
catatonies et même après échec des benzodiazépines 97. Ce taux de réponse s’élève à 9 % en
présence d’une catatonie létale. Ces auteurs notaient également une diminution de l’efficacité
chez les patients souffrant d’une catatonie chronique et plus particulièrement les patients
schizophrènes.
On obtient des résultats plus favorables et une morbidité réduite lorsque la sismothérapie est
initiée tôt au cours de la catatonie [Hawkins et al., 1995 ; Philbrick et Rummans, 1994] 98.
Pour Fink et Taylor (2003)99, la sismothérapie devrait commencer dans les cinq premiers jours
d’hospitalisation, pour permettre d’augmenter le taux de réponse et de réduire le taux de
mortalité. Lorsque la catatonie est reconnue tardivement, après de nombreuses semaines de
traitements infructueux et/ou péjoratifs (antipsychotiques, anticonvulsivants, etc.), le nombre
de séances nécessaires pour réduire efficacement les symptômes catatoniques est plus élevé
que le nombre habituellement utilisé lors de catatonie aiguë.
La sismothérapie devrait être considérée comme un traitement de première intention chez les
patients atteints de catatonie maligne, du syndrome malin des neuroleptiques, de manie
délirante ou de catatonie hyperkinétique sévère. Elle est aussi le traitement de deuxième
intention chez tous les patients catatoniques réfractaires ou partiellement sensibles aux
benzodiazépines100,101,102.
L'effet de l'ECT est spectaculaire et remarquablement plus rapide que celui habituellement
observé dans les dépressions et les psychoses et l'absence de réponse est exceptionnelle. G.
Petrides et al. observent une supériorité dans le traitement de la catatonie de l'association
lorazépam et ECT sur chaque traitement proposé seul et concluent en l’existence d’une
synergie entre l'ECT et lelorazépam103.
La place des benzodiazépines lors des sismothérapies fait débat et les résultats des différents
travaux ne tranche pas :
certains auteurs recommandent l’arrêt des benzodiazépines avant les cures, à cause de
l’élévation du seuil épileptogène. Le maintien de fortes doses de benzodiazépines chez les
patients catatoniques aurait pour effet de compromettre le succès de l'ECT. La
prescription dans ce cas de flumazénil, antagoniste des benzodiazépines, permet de lever
l'effet anticonvulsivant des benzodiazépines. Ce médicament peut être injecté avant
chaque ECT avec les produits de l'anesthésie 104. Il est recommandé également de donner 1
à 2 mg de diazépam ou 5 à 10 mg de lorazépam après chaque séance d'ECT pendant
laquelle le flumazénil a été employé.
d’autres recommandent leurs poursuites pendant et après la cure105. Lors d’une étude de
cas en 1997, Petrides et al. ont observé chez cinq patients un effet synergique des deux
traitements106. Une étude rétrospective effectuée en 2013 par Unal et al. a analysé les
dossiers de 57 patients catatoniques107. Cette étude a trouvé que l’utilisation de
l’association benzodiazépine-sismothérapie permettait un rétablissement complet dans
l’ensemble de l’échantillon composé de 63,2 de patients souffrant de troubles de l’humeur
et de 29,8 % de troubles psychotiques. Egalement, il a été observé une aggravation ou une
réapparition des symptômes catatoniques après l’arrêt trop rapide des benzodiazépines
[Deuschle et Lederbogen, 2001 ; Rosebush et Mazurek, 1996]108,109. Les auteurs partisans
de l’association des deux traitements préconisent l’utilisation d’une dose inférieure de
benzodiazépine et leur suspension au moins douze heures avant la séance. La demi-vie
courte de lorazépam et l’absence de métabolites actifs permettent de minimiser
l’antagonisme possible avec la sismothérapie.
Sur le plan pratique, des études axées sur les aspects techniques de la sismothérapie font
défaut. Luchini et al. ont, dans une revue de la littérature, synthétisé les différents consensus
méthodologiques110.
Le placement bitemporal serait le plus efficace.
Pour limiter la possibilité d’une stimulation sous-convulsive, la plupart des auteurs
suggèrent une longueur de saisie d’au moins 25 secondes111.
Le nombre de séances est habituellement de trois par semaine, mais devrait être journalier
en cas de catatonie létale, jusqu’à normalisation de l’état d’urgence. Concernant le nombre
de séances nécessaires, il est difficilement prévisible et il n’y a pas à notre connaissance
d’études sur ce sujet. Cependant, la plupart des patients répondent au bout de deux à cinq
séances et, toujours selon la revue de littérature de Luchini et al.112, entre 12 et 20 séances
sont nécessaires en moyenne. Dans la plupart des cas la sismothérapie est arrêtée lorsque
les symptômes catatoniques sont résolus.
Parfois des séances de consolidation sont utiles. Cependant il n’existe pas de données sur
l’efficacité préventive des sismothérapies de consolidation dans la catatonie périodique.