Martin Gladu
Constituée le 9 septembre 1985 par des hommes d’affaires du monde la radio (voir
la liste en annexe), ses objectifs – le premier étant de leur assurer un
approvisionnement en musique francophone – furent fixés en consultation avec
l’association des producteurs de disques du Québec, l’ADISQ (Le Devoir, 28
octobre 1985).
En fait, sa mise sur pied découle d’une promesse de CHUM Ltd. au CRTC suite à
son acquisition, en août 1985, des stations CHOM et CKGM (RPM, 15 mars 1986).
CHUM Ltd. a ainsi contribué 100 000$ à son fonds de départ, et Standard
Broadcasting, second en lice, 20 000$.
Le contexte
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Les radios sont, elles aussi, « pointées du doigt comme responsable du mauvais
sort jeté sur la chanson québécoise » (La Presse, 1er mai 1986). On avance même que
la mise sur pied d’une fondation leur permet de se racheter d’avoir tourné le dos
aux artistes francophones canadiens. L’industrie de la radiodiffusion est
réglementée : les radiodiffuseurs ont des quotas à respecter (65% de la
programmation des radios québécoises doit être du contenu francophone).
Moribonde depuis 1978 (Le Devoir, 10 mai 1986), l’industrie canadienne du disque,
qui compte alors entre 11 000 et 15 000 travailleurs, génère plus de 663 millions de
dollars en revenus (La Tribune, 11 octobre 1986). Friands de disques et de cassettes,
les Canadiens ne sont devancés dans le palmarès des consommateurs de musique
que par les Hollandais (Le Devoir, 10 mai 1986), et ce, malgré le chômage élevé, la
forte inflation et la récession du début des années 1980.
L’industrie du vidéoclip, propulsée par Moses Znaimer, en est alors à ses premiers
balbutiements. La Fondation veillera à la soutenir, au grand plaisir de CHUM Ltd.
Il est aussi question d’un accord de libre-échange avec les États-Unis. La question
de la « souveraineté culturelle, » qui avait été le thème de la campagne électorale
de Robert Bourassa de 1973, du Canada est sur toutes les lèvres alors que le
négociateur en chef des États-Unis, Peter Murphy, soulève l’ire des élus Canadiens
de ses déclarations revêches. « Pourtant, les États-Unis reconnaissent que c'est par
l'exportation culturelle qu'ils réussiront à amener les autres peuples à partager leur
idéologie, » dira plus tard devant la Commission de l’économie et du travail du
Gouvernement du Québec le producteur de films et de spectacles René Malo.
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Trois types d’aides sont dès lors offertes par MusicAction :
Nota : Le financement par prêt est accordé jusqu’à concurrence de 50% du devis du
projet d’enregistrement et seulement si les dépenses pour l’administration n’excèdent
pas 10%. Pour profiter du volet Tournée, le producteur doit avoir un distributeur
reconnu dans le marché qu’il veut percer.
Les premières aides sont accordées dès février 1986, les producteurs de la
chanteuse Estelle Esse et du duo Paparazzi se voyant accorder les prêts
inauguraux. Chantal Beaupré, Jacques Demers, Daniel Jean, et Sophie Lapierre en
sont les premiers boursiers.
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radiodiffuseurs étaient trop chiches, CBC/SRC était sous-financée, et le CRTC avait failli
à son mandat.
Puis, en mai 1986, Marcel Masse, alors ministre des Communications, annonce la
création d’un programme d’aide à la production de disques de 25 millions
(51 047 904$ en 2020) sur cinq ans. Masse, qui a intégré l’équipe de négociateurs
du Canada pour l’Accord de libre-échange canado-américain, est ensuite réaffecté
par le premier ministre Brian Mulroney au Ministère de l’Énergie, des Mines et
des Ressources le 30 juin 1986. Soucieux des impacts négatifs qu’une telle mesure
discrétionnaire peut engendrer, il renonce à l’imposition d’une surtaxe à
l’importation de disques étrangers.
L’ex-Harmonium Michel Normandeau, qui vient tout juste de faire son entrée
dans la fonction publique fédérale, est aussitôt nommé gestionnaire du
programme, poste qu’il occupera pendant vingt-deux ans.
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Un journaliste de La Presse écrit en décembre 1986 que la subvention fédérale a
provoqué une affluence d’investisseurs privés dans le marché. Cela était
vraisemblablement attribuable au fait que les contribuables canadiens assumaient
maintenant 50% du risque lié à la production et à la commercialisation de
nouveaux enregistrements musicaux. Le budget de la Fondation est de 2,2 millions
en 1987. Il provient majoritairement du Gouvernement du Canada.
L’affaire Jastar
On pense que les dirigeants de Jastar – qui s’appelait Provicom au moment des
faits allégués – ont conclu, à l’été 1984, un marché secret avec la station CKRS-TV
de Jonquière pour la remercier d’avoir acheté l’émission, l’octroi par Téléfilm de
la subvention de 957 000$ étant conditionnel à l’achat de l’émission par un
diffuseur privé. En plus de la subvention de Téléfilm, Jastar reçoit directement de
Radio-Québec près de deux millions pour produire trente épisodes de l’émission.
Le budget total est de quatre millions (La Presse, 10 octobre 1984).
Le contrat entre Téléfilm et Jastar stipule que CKRS-TV achète de Jastar les trente
épisodes au coût de 2 000$ chacune pour un total de 60 000$. Or une lettre déposée
en preuve démontre que Jastar s’est engagée à reverser hebdomadairement 2 500$
en argent comptant à CKRS-TV pour un total de 75 000$.
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Téléfilm. Sans doute parce que le directeur général de CKRS-TV, Yvon Perron,
avait lui aussi révélé connaître l’existence de la lettre. La journaliste Louise
Cousineau, de toute évidence bien au fait du dossier, écrira dans l’édition de La
Presse du 10 octobre 1984 (notez la date) : « Il fallait donc que Provicom, la
compagnie de production de Variétés Michel Jasmin, trouve un tour de passe-passe
légal pour toucher le magot. C’est fait. »
Peu après son congédiement, Delbast dépose une plainte contre son ex-associé à
la Commission des Normes du travail pour le non-paiement d’une somme de
34 000$. En avril 1986, il intente une autre poursuite, celle-là de 165 000$, contre
Jasmin et Gélinas.
L’enquête n’ayant révélé que des « anomalies administratives » (le PDG de Radio-
Québec dira qu’il s’agissait plutôt de « faits inhabituels » sans toutefois vouloir
rentrer dans les détails) dans la tenue de livre de son entreprise, on lui accorde le
bénéfice du doute. Radio-Québec commande trente épisodes de l’émission l’année
suivante et se voit admissible à l’aide fédérale à la production télévisuelle, laquelle
lui était inaccessible l’année de l’enquête étant donné sa mission éducative.
Or il faut comprendre que le contrat avec Téléfilm était avec firme Jastar, alors que
celui avec Radio-Québec était avec Provicom. Questionné sur cette bizarrerie,
Gélinas affirmera que le changement de nom n’avait pas été fait dans le but de
brouiller les pistes mais pour des raisons cosmétiques, Provicom n’étant « pas un
nom commode. »
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Autres événements importants
Avril 1988 : À l'impulsion des Sylvain Lelièvre, Robert Léger, Diane Juster, Mouffe,
Jacqueline Lemay et Lise Aubut, est créée l'Aide aux auteurs-compositeurs pour
favoriser la création de chansons originales aux fins d'enregistrement sur disque.
Avril 1994 : MusicAction et FACTOR administrent désormais sept des huit volets
du programme PADES, héritant de la gestion de trois autres, soit
Commercialisation à l'étranger, Développement des entreprises et Distribution
d'enregistrements sonores de musique spécialisée.
Avril 1998 : Le CRTC adopte sa Politique sur la radio commerciale. Il revoit ses
règles en matière de propriétés multiples, politique qui favorisera la consolidation
de l'industrie de la radio de langue française. On ajoute une nouvelle règle de
contribution au développement des talents canadiens, soit 6% de la valeur d'une
transaction au titre des avantages tangibles liés aux transferts de propriété et de
contrôle, dont 2% est dévolu à MusicAction ou FACTOR.
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collectives basés sur un financement par projet. Les ententes de contribution s'y
rattachant seront renouvelées en avril 2006 pour trois ans.
Avril 2006 : Le Conseil de MusicAction abolit les remboursements pour tous les
albums financés à compter de l’année financière 2006-2007. La demande de
production d’un album s’est accrue de 73 % dans la dernière année et ce, malgré
le départ des entreprises au VEM et l’attribution d’un statut de Producteur
reconnu à neuf entreprises jadis en jury.
Avril 2012 : Afin de tenir compte et de mieux encadrer l'effervescence qui a cours
au niveau des activités internationales, catalysées entre autres par le programme
de Développement des marchés internationaux, tous les projets de
Commercialisation internationale sont désormais évalués au mérite; il n'y a plus
d'acceptation automatique.
Novembre 2014 : Lancement officiel d'un nouvel outil web, L'Atlas MusicAction,
entièrement dédié aux activités internationales. Celui-ci fournit un portrait
complet des présences collectives et des activités professionnelles soutenues à
l’international ainsi que des événements accueillant des professionnels étrangers
au Canada.
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Annexe
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- Michel Gélinas : Jastar Inc., Provicom Inc., Télé Music-Hall, Music-Hall 80,
Fridolinades Inc., Komoka 2000, Fonds de recherche et de développement des
industries culturelles et des communications, Les Productions Gratien Gélinas
Ltée, Fondation ADISQ/CIRPA (1982), etc. Nommé premier directeur général en
1985, il sera élu président en 1992-96. Il avait été, à l’hiver 1985, l’objet d’une
enquête comptable de TéléFilm. Fils de Gratien Gélinas et oncle de Mitsou Gélinas.
Avec Sam Gesser, produit la version montréalaise de Hair. Candidat du PQ à
l’élection partielle de 1978 dans Notre-Dame-de-Grâce, il est battu par le Libéral
Reed Scowen. Président de l’ADISQ de 1982 à 1984. Quittera MusicAction en 1990
pour prendre la direction de Juste pour rire
- Rob Braide : D’abord chez CJAD-CJFM, puis à CHOM et enfin chez Standard
Broadcasting en 1987
Administrateurs en 1985-1986
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Ian McLean (CHOM) 1986
Diane Pinet (Bloc-Notes) 1986
Michel Sabourin (Fogel-Sabourin) 1986
Yves Thériault (CHOI) 1986
Mots-clés : MusicAction, Michel Gélinas, Malcolm Scott, CHUM Ltd., Standard Broadcasting,
financement public, Marcel Masse, Brian Mulroney, FACTOR, TéléFilm Canada, Michel
Normandeau, enregistrement sonore, Flora MacDonald, ADISQ, CIRPA, musique canadienne,
Accord de libre-échange canado-américain, récession du début des années 1980
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