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Dominique Lagorgette
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Éditions de la Maison des sciences de l'homme | « Langage et société »
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le dessin » : l’analyse linguistique pour les tribunaux
dans les procès Siné (2009)
Dominique Lagorgette
Université de Savoie (L.L.S.), Institut Universitaire de France
Dominique.Lagorgette@univ-savoie.fr
Ce que les media et de très nombreux sites internet ont rapidement nommé
« l’affaire Siné » aura fourni à l’été 2008 son feuilleton annuel : à partir de la
mi-juillet, difficile en effet de ne pas entendre parler de-ci de-là des démê-
lés opposant Maurice Sinet, dit Siné, dessinateur caricaturiste au journal
Charlie Hebdo, et son rédacteur en chef, Philippe Val. Ce débat, qui aurait
pu rester strictement circonscrit au monde de la presse, s’est finalement
trouvé porté sur la scène pénale après que, d’une part, Siné a porté plainte
contre le journaliste Claude Askolovitch pour diffamation et que, d’autre
part, la LICRA a attaqué Siné pour complicité de provocation à la discri-
mination. Comme dans bien d’autres affaires de presse, la composante
publique des différentes attaques et joutes a modifié la portée des échanges,
puisque la circulation des discours pour ou contre a largement amplifié
débats et procédures. Je ne présenterai ici que ce qui relève strictement du
domaine linguistique, dans la mesure où deux analyses ont été produites
pour les trois procès qui ont suivi.
Cette présentation sera menée en trois temps : je commencerai par
resituer les faits et en particulier les textes incriminés ainsi que le métadis-
cours qu’ils ont généré ; ceci nous permettra d’y voir un peu plus clair dans
l’enchevêtrement des niveaux de discours imbriqués. Je présenterai ensuite
la méthodologie choisie pour chacune des analyses fournies aux avocats.
Enfin, je passerai à la description de la dernière étape, la comparution au
tribunal. Cet ensemble sera réinséré dans les réflexions menées par les spé-
cialistes « historiques » de la linguistique pénale (Shuy, Coulthard) afin de
les resituer dans leur propre champ. Mon objectif est de montrer comment
l’examen linguistique permet d’apporter aux débats une lecture systéma-
tique, reposant sur un cadrage théorique spécifique, celui de l’analyse de
discours, tout en offrant des outils jusqu’alors peu ou pas employés dans
ce type de procès en France. C’est essentiellement en termes méthodolo-
giques que sera menée cette analyse, dans la mesure où il semble important
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de décrire les étapes de construction des documents produits, plutôt que
d’entrer dans le détail des démonstrations, par ailleurs trop longues pour
cette contribution ; les procès seront donc ici exclusivement évoqués à titre
d’exemple.
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est déposée par son avocat, Maître Alain Jakubovitch (du barreau de
Lyon) : elle ne porte plus exclusivement sur la chronique du 2 juillet mais
aussi sur une chronique antérieure, datée du 11 juin ; voici respectivement
le dernier paragraphe du 2 juillet (2.a) et le premier du 11 juin (2.b) tels
qu’ils apparaissent dans le journal1 :
(2.a) La semaine dernière, « L’Express » titrait son édito « ISLAM : Cette
religion doit abjurer les archaïsmes les plus flagrants de son dogme. »
Croyez-vous que ce Christophe Barbier qui se permet d’admonester les
musulmans, les enjoignant brutalement d’abandonner leurs traditions,
aurait le même culot pour s’adresser aussi violemment aux juifs ? Moi,
honnêtement, entre une musulmane en tchador et une juive rasée, mon
choix est fait !
(2.b) Je n’ai jamais brillé par ma tolérance mais ça ne s’arrange pas et, au
risque de passer pour politiquement incorrect, j’avoue que, de plus en plus,
les musulmans m’insupportent et que, plus je croise les femmes voilées qui
prolifèrent dans mon quartier, plus j’ai envie de leur botter violemment le
cul ! J’ai toujours détesté les grenouilles de bénitier catholiques vêtues de
noir et sentant le pipi, je ne vois donc pas pourquoi je supporterais mieux
ces patates à la silhouette affligeante et véritables épouvantails à bites !
Leurs maris barbus embabouchés et en sarouel coranique sous leur tunique
n’ont rien à leur envier point de vue disgracieux. Ils rivalisent de ridicule
avec les Juifs loubavitch ! Je renverserais aussi, de bon coeur, le plat de
lentilles à la saucisse sur la tronche des mômes qui refusent de bouffer du
cochon à la cantine. Quand on a des parents aussi bornés que les leurs, le
seul remède est de leur désobéir et de les envoyer se prosterner ! Et quand
ils prétendent que c’est pour des raisons d’hygiène qu’ils refusent le porc,
évoquant des maladies datant du temps de leur prophète mais éradiquées
depuis belle lurette, mon sang ne fait qu’un tour et se transforme aussitôt
en boudin ! La bêtise n’a pas de limites, c’est connu, mais arrêtons de la
respecter et, qui plus est, de l’entretenir au nom d’une indulgence dont ils
ne font, eux, aucune preuve !
1. L’intégralité des transcriptions de ces deux textes était donnée en annexe ; nous ne pou-
vons les reproduire ici pour des questions de respect des droits d’auteur.
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Cour d’Appel de Lyon le 15 octobre (relaxe du prévenu le 27 novembre).
Le procès Siné contre Askolovitch n’a pas donné lieu à une procédure
d’appel, mais le procès LICRA est toujours en cours (pourvoi en cassation
déposé par la LICRA).
Mon intervention a été demandée pour le premier procès par Maître
Dominique Tricaud (barreau de Paris) qui représentait Siné ; nous avi-
ons déjà collaboré pour le procès en appel opposant le Ministère Public
au groupe de rap La Rumeur. La demande de Me Tricaud portait sur la
production d’une analyse linguistique des textes et propos à l’antenne des
deux parties. Cette analyse a été versée au dossier soumis au tribunal par
la partie civile. J’ai produit une seconde analyse pour le procès opposant
la LICRA à Siné, soumise au tribunal par la défense. Dans cette dernière
affaire, qui m’a échu après le premier procès, outre l’analyse écrite, j’ai
été citée en tant que témoin au procès en première instance et au procès
en appel. Lorsque j’ai rédigé la première analyse, j’ignorais que j’aurais à
produire la seconde : la chronique du 11 juin n’a donc pas été en arrière-
plan de ma première étude ; en revanche, de nombreux éléments de la
première ont été repris dans la seconde.
Une complète liberté m’a été laissée par le cabinet Tricaud et Traynard
pour ce travail ; j’avais du reste prévenu les avocats que le contenu de mon
analyse pouvait ne pas servir leur cause, selon les résultats qui en émane-
raient. Ainsi, jusqu’au dernier moment n’étais-je pas sûre que ce travail
soit utilisé : le statut de témoin et non d’expert est en effet problématique
de ce point de vue, puisque l’on travaille un certain temps (ici, plusieurs
dizaines d’heures, au bas mot) sans avoir la certitude que cet ouvrage aura
une quelconque utilité in fine. Bien entendu, aucune rémunération n’est
associée (statut de témoin oblige).
Ce cadre étant posé, voyons maintenant plus précisément comment
se sont constitués les corpus primaire et secondaire des analyses : dans le
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1.2. Délimitation et composition du corpus
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le corpus même à analyser
est souvent bien plus complexe qu’il n’y paraît : en effet, il peut apparaître
sous deux formes, celle de la plainte, et celle de sa production initiale. On
ne peut mettre les deux éléments sur le même plan, puisque la plainte
fragmente généralement un tout pour en extraire une section qu’elle pré-
sente comme litigieuse. Cette section est resituée dans un contexte qui est
reprofilé par le plaignant dans une optique argumentative ; les citations
sont donc insérées dans un discours modalisé qui présente un système de
lecture sémantico-pragmatique spécifique, puisqu’il faut pouvoir justifier
le choix de la qualification de l’infraction ou du délit. Outre le fait que la
plainte ne donne pas accès aux contextes gauche et droit, ni à l’entier du
texte, peut aussi s’ajouter un problème bien plus inattendu, celui de l’éta-
blissement même des données poursuivies. De plus, si l’on intervient après
la première instance (en appel, par exemple), d’autres documents sont aussi
disponibles : le jugement et parfois les notes d’audience prises par le cabinet
d’avocats. Le texte là encore est passé à travers un filtre et peut apparaître
modifié. Nous avons donc plusieurs corpus : d’une part, celui constitué par
les documents originaux (pas toujours faciles à obtenir), que j’appellerai
« corpus primaire », et celui constitué par le métadiscours pénal sur ces
textes (« corpus secondaire »). Bien souvent, là où l’on s’attendrait à ce que
les citations soient conformes d’un corpus à l’autre, on a quelques surprises.
Dans les procès Siné, un premier point important dans les étapes de
la réflexion a tout d’abord été de préciser les données du corpus primaire :
en effet, que la source soit un texte écrit ou oral, les deux plaintes adverses
contenaient un certain nombre d’approximations (nous les signalons entre
crochets en (3)). Dans le cas de la plainte déposée par la LICRA, la trans-
cription du texte du 11 juin présentait deux omissions, ainsi que deux
pluriels erronés et un futur simple à la place d’un conditionnel présent (je
renverserai, au lieu de je renverserais) :
(3.a) Je n’ai jamais brillé par ma tolérance mais ça ne s’arrange pas et,
au risque de passer pour politiquement incorrect, j’avoue que, de plus
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avec les juifs loubavitchs [< s] ! Je renverserai [< renverserais] aussi de bon
coeur le plat de lentilles à la saucisse sur la tronche des mômes qui refusent
de manger du cochon à la cantoche.
qui concerne le texte du 2 juillet, les inserts étaient soit des dessins, soit
des coupures de presse ; le paragraphe 3 n’en contenait pas (ce qui a eu
son importance, on le verra), tandis que le dernier paragraphe était clôt
par un dessin représentant deux femmes, en gros plan, l’une à la tête
voilée, l’autre rasée.
Pour revenir maintenant à la première procédure, le texte même de
l’intervention radiophonique était à éditer : comme l’ont bien établi les
travaux en linguistique de corpus depuis les années 80, avec notamment
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l’intérêt suscité par l’étude du français parlé autour de Claire Blanche
Benveniste et du Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe, la transcrip-
tion n’est jamais ni aisée ni rapide. Dès lors, on ne s’étonnera pas que des
non spécialistes aient été perturbés par le matériau parlé et aient commis
des erreurs, comme le note Shuy (1993 : XVII-XVIII)4. Ce sont en effet
bien souvent les “petits” faits de langue qui passent inaperçus, et l’on
a vu avec les transcriptions des textes que ce phénomène ne se limite
pas à la seule couche vocale. Ce domaine particulier sera clairement un
enjeu de taille pour la linguistique légale dans les années à venir, puisque
les formations de sciences du langage proposent toutes des modules de
transcription – et l’on sait combien ce genre d’exercice est périlleux, même
pour des auditeurs experts. Les nombreux travaux de la linguistique légale
anglo-saxonne dans ce domaine sont d’une grande utilité : on pensera
ici par exemple aux exercices proposés dans les formations de Forensic
Linguistics délivrées par Aston University ou par le Text Institute, pour
ne citer que l’Europe de l’Ouest.
Dans le cas qui nous intéresse, plusieurs erreurs étaient donc notables
(elles apparaissent en italiques dans le texte original ci-contre ; je ne présente
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étaient déjà apparus en co-occurrence dans d’autres textes médiatiques.
J’ai dans cette optique d’abord consulté un moteur de recherche internet,
puis interrogé la base de données Factiva : les résultats se sont révélés tout
à fait étonnants, dans la mesure où ils m’ont permis d’établir que le para-
graphe 3 de Siné (2 juillet) était en fait une citation non marquée (article
de Libération, cf. les annexes du plan en 2.2 ci-après), et non une invention
lui étant propre. On voit ici combien les simples limites du seul texte cité
dans la plainte sont réductrices : établir que le texte appartenait au genre
de la revue de presse n’était donc pas un détail.
Pour présenter plus schématiquement les corpus, on se trouve donc
face à :
a) Un corpus primaire prêt à l’emploi : les textes attaqués en justice. Ici les
articles de Siné, Charlie Hebdo des 11 juin et 2 juillet 2008 ; intervention
de Claude Askolovitch, 8 juillet 2008
b) Un corpus secondaire : Le discours de la Cour. Ici, dans le procès Siné vs.
Askolovitch : la plainte (non fournie) ; procès LICRA vs. Siné en1e instance :
la plainte et le jugement.
c) Un corpus tiers : le corpus créé par l’analyste :
– Bases en ligne [BFM, BTMF, Frantext ; Factiva, etc.] ;
– Moteurs de recherche Internet [Google] ;
– Corpus « manuels » [polars, chansons].
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une affaire qui a mon avis va faire beaucoup de bruit, euh: c’t’un
faire beaucoup de bruit. C’est article antisémite, euh: dans un
un article antisémite dans un journal qui ne l’est pas et qui s’ap-
journal qui ne l’est pas du tout pelle Charlie Hebdo. L’auteur de
« Charlie Hebdo ». L’auteur de l’article est un vétéran: du dessin de
l’article est un vétéran du des- presse et de la polémique en France
sin de presse et de la polémique il s’appelle Siné, il est dans Charlie
en France… Il s’appelle Siné. Il Hebdo depuis toujours:. Euh: il
est chez Charlie Hebdo depuis vient de de: il a une chronique
toujours. Il a une chronique hebdomadaire dans Charlie. Euh:
hebdomadaire dans « Charlie sa dernière chronique (est) consa-
». Sa dernière chronique crée, euh: partiellement, à euh Jean
consacrée partiellement à Jean Sarkozy euh: fils de son père et cæte-
Sarkozy, fils de son père. etc. ra. Euh: j- et à un moment donné,
….Et, à un moment donnée, Siné dérape, mais dérape bien. Euh:
Siné dérape mais dérape bien je cite une phrase. Euh:: voilà il
! Je cite une phrase, voila… il parle de Jean Sarkozy: digne fils de
parle de Jean Sarkozy « digne son paternel et cætera. Euh:: il vient
fils de son paternel etc … et de déclarer vouloir se convertir au
il vient de déclarer vouloir se judaïsme, avant d’épouser sa fian-
convertir au judaïsme avant cée:, jui:ve (0.3 s.),/. ( ?) et héritière
d’épouser sa fiancée, juive et des fondateurs de Darty il fera du
héritières des fondateurs de chemin dans la vie ce petit. Sous-
Darty. Il fera du chemin dans entendu pour faire du chemin dans
la vie ce petit ! ». Sous entendu, la vie (i) vaut mieux être juif, pour
pour faire du chemin dans la avoir des héritiers vaut mieux êt-.
vie, vaut mieux être juif, pour Y en a d’autres du même /eau-mot
avoir des héritiers (ici mot ?/: dans la chronique. Déjà ça pose
inaudible). Et il y en a d’autres un gros problème. Euh: c’est un^
du même type dans la chro- intéressant c’est un article qui est
nique. Déjà, cela pose un gros paru mercredi d’la s’maine dernière,
problème ! Ce qui est intéres- euh:: [on a mis du
sant, c’est un article paru mer- NP [et dont vous
credi de la semaine dernière. CA temps à s’en apercevoir]
NP êtes le premier à parler j’avoue /qu’ ?/]
j’l’avais pas lu
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de responsabilité vis à vis des deux parties, dont le sort peut dépendre de
manière plus ou moins forte des conclusions de l’étude. Si l’on est bien
loin dans les affaires de presse que j’ai eu à traiter des conséquences qui
d’ordinaire suivent les jugements aux Assises6, il n’en reste pas moins que
la question de l’honneur ne doit pas être traitée à la légère – et les accusa-
tions de racisme et d’antisémitisme, au dire de l’accusé et de ses proches,
frappaient de plein fouet sa réputation. D’où la nécessité absolue dans ce
type de cas de résister à la tentation de vouloir à tout prix avoir raison : il
ne s’agit pas là de défendre sa propre réputation de spécialiste mais bien de
livrer un document avec lequel chacune des parties doit pouvoir travailler.
L’équilibre peut s’avérer difficile à trouver, mais éviter d’ajouter un degré
d’argumentation tendancieuse alors que l’on cherche précisément à dégager
les niveaux argumentatifs est crucial – d’autant que le statut de témoin
mandé par un camp contre l’autre place d’entrée l’analyste dans une posi-
tion où sa neutralité est en cause.
La question de la posture du chercheur est au coeur, surtout en analyse
du discours et en sociolinguistique, de bon nombre de réflexions actuelles,
très stimulantes : de plus en plus souvent ancrées dans des pratiques de
terrain impliquant de rendre accessibles les résultats de leurs analyses (autre-
fois plus confinées au dialogue entre pairs), les linguistes redéfinissent sans
cesse leur rôle et leur position lorsqu’ils s’engagent dans une démarche de
réponse à la demande sociale. On est bien loin de la tour d’ivoire dans ce
type de cas, et beaucoup reste à faire pour arriver à un consensus sur les
principes éthiques à partager (degré d’implication de l’enquêteur dans son
recueil de données7, dans sa manière de communiquer ses résultats, dans sa
transmission de recommandations, notamment). Un guide très utile dans le
cas qui nous occupe a été la liste des principes du forensic linguist établie par
Roger Shuy (2006, passim), parmi lesquels on relève (je traduis) : « Soyez
prêt à être attaqué » (pp.57-58), « le camp adverse peut aussi avoir un
linguiste » (122-123), « N’acceptez pas de cas pour lesquels vous n’êtes pas
qualifié » et « N’acceptez pas de cas dans lesquels vos convictions morales
personnelles vous empêcheront de faire pour le mieux » (20, 124), « Ne
vous racontez pas que vous pouvez sauver les cas désespérés » (23), « Ne
devenez pas un avocat du client. Notre seule responsabilité est d’analyser
les données aussi objectivement que possible. Un moyen de tester cela est
d’être certain que vous auriez fait exactement la même analyse si vous aviez
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été dans l’autre camp » (125), « Ne cédez jamais à la tentation d’altérer
« un peu » la vérité (71) ; Nous devons dire la vérité tout le temps » (123).
Certains critères sont donnés par les Cours même : ainsi, les conditions
pour l’obtention du statut d’expert sont clairement énoncées sur la plupart
des sites internet des Cours d’appel.
Néanmoins, ce qui vaut pour les experts reconnus doit être encore
renforcé pour ce que j’appellerais volontiers les « témoins ès qualité » (à
savoir les témoins cités pour leurs compétences professionnelles et non pour
leur connaissance personnelle du prévenu) : alors que le statut de témoin
implique, comme l’étymologie le laisse imaginer aisément, que la personne
a assisté sur du plus ou moins long terme à des faits, comportements, etc. de
l’accusé (ce qui situe le rapport entre les deux dans les sphères personnelles,
selon la terminologie de E.T.Hall (1966 ; 1968) telle que nous l’avons
adaptée au champ de l’adresse (Lagorgette 2007)), le témoin ès qualités
au contraire n’est présent qu’à cause de ses compétences professionnelles
(soit les sphères fonctionnelles). Il est très facile, en particulier durant
l’audience, de par son caractère public et aussi du fait des questions plus
ou moins bienveillantes des conseils des deux parties, de sombrer dans le
tendancieux8 : c’est certainement le point le plus délicat à gérer, en fait, car
quoi qu’il advienne, il est tentant (et assez naturel, en somme) de prendre
fait et cause à son tour, surtout lorsque l’analyse délivrée donne raison audit
camp, et que l’autre partie choisit une stratégie plus ou moins offensive (ce
qui est de bonne guerre mais peut être déstabilisant). Si j’insiste tant sur le
statut, c’est qu’il me semble tout à fait crucial de signaler combien le lieu
et la place (au sens de « rapports de places » goffmanien) d’où l’on prend
la parole sont envisagés puis mis en scène (toujours selon la terminologie
de Goffman) de manière différente par les participants de cette interaction
très codée et spécifique du procès : comme nous le verrons plus loin, ces
statuts, places et rapports se négocient durant toutes les étapes du procès,
8. Le séjour plus ou moins long en salle des témoins avec les autres personnes qui com-
paraissent n’arrange rien dans la mesure où chacun est convaincu du bon droit de sa
connaissance, voire ami – les deux bords cohabitant souvent plusieurs heures.
88 Dominique Lagorgette
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Analyse linguistique / Procès Siné – Claude Askolovitch
Comme demandé par Me Dominique Tricaud dans le cadre du procès
intenté en diffamation par Monsieur Maurice Sinet, dit Siné, notre
objectif est de présenter une analyse linguistique des textes et inter-
ventions médiatiques des deux parties aussi complète que possible
afin d’étayer les délibérations. Notre cadre d’analyse est la linguistique
textuelle et la pragmatique, laquelle étudie notamment certains des
crimes ou infractions renvoyant à des faits linguistiques ayant valeur
d’actes.
Dans la mesure où Monsieur Claude Askolovitch reprend des propos
antérieurs, nous commencerons par examiner ces propos, en l’occur-
rence le texte de Siné paru dans Charlie Hebdo du mercredi 2 juillet
2008, afin d’en préciser le sens, puis nous analyserons l’intervention
de Monsieur Claude Askolovitch sur RTL le 8 juillet 2008 dans la
même optique.
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les travaux de Marc Angenot (1982) et des autres spécialistes du domaine
(Andrès 1976, Avril 1978, Declercq et al. 2003, Dumasy et al. 2001,
notamment) ont donc été la clé de voûte permettant d’établir un certain
nombre de critères. Avant de mettre en oeuvre une grille de lecture, il
va de soi qu’une présentation, même succinte, de l’approche théorique
globale est nécessaire, afin que les lecteurs puissent en comprendre la
pertinence pour le cas qu’ils ont à défendre ou juger10. Il s’agit de toute
manière, une fois que l’on s’est familiarisé avec le corpus primaire, de
la première démarche de l’analyste : déterminer une bibliographie qui
permettra de mieux appréhender les mécanismes de discours en oeuvre
et de ressituer un événement discursif dans un contexte plus ample (ou
non, si les critères relevés ne correspondent pas).
Sans être simple, la tâche s’en trouve tout de même relativement aisée
pour la suite de l’étude : l’analyste n’est alors plus « seul » face au texte et aux
événements qui constituent l’ensemble de la procédure mais, au contraire,
il peut prendre la distance nécessaire à un travail scientifique, aussi neutre
que raisonnablement possible, en se saisissant des données et en les reposi-
tionnant, hors actualité, dans une perspective de champ disciplinaire. Dans
le cas de l’affaire Siné, cette distance était plus que désirable, car le débat
allait bon train et il était peu aisé de faire abstraction de l’actualité.
De nombreux travaux se sont penchés, dans la tradition anglo-saxonne
(pour laquelle les jurés sont au centre des procès et des décisions) sur
l’influence de la circulation de discours dans la sphère publique : tant du
9. Procès Ministère Public (Ministère des Armées) vs. Condkoï, appel, sept. 2004 ; pro-
cès Ministère Public (Ministère de l’Intérieur) vs.. La Rumeur, appel après cassation,
juin 2007 ; procès Ministère Public vs.. Jean-Marc Rouillan, novembre 2008 ; procès
Maurice Sinet vs. Claude Askolovitch, janvier 2009 ; procès LICRA vs. Maurice Sinet,
janvier et octobre 2009. L’analyse produite pour le procès Condkoï a été publiée sous
forme raisonnée dans Lagorgette (2009).
10. Pour les procès Siné, il s’agissait des travaux de Charaudeau (2005), Maingueneau
et Charaudeau (2002), Maingueneau (1995), Amossy (2008), notamment. Pour La
Rumeur, une approche sociolinguistique avait été choisie.
90 Dominique Lagorgette
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qu’eux aussi sont susceptibles d’être influencés par leur fréquentation
des media. D’où la nécessité de s’en tenir strictement aux faits de langue
et d’élargir la perspective à un type de discours – tout en restant bien
conscient de toute manière que la neutralité est un objectif dont le seul
outil de mesure reste, en dernier ressort, le jugement final ; cela dit, la
partie adverse, avant cette dernière phase, se charge à la barre, générale-
ment sans nuances (et c’est son rôle), de rappeler à l’ordre par quelques
questions bien senties l’analyste qui s’est fourvoyé ; si la réponse ne vient
pas, c’est qu’elle n’a peut-être pas tort de douter...
Dans l’ordre des actions, nous avons donc : prendre connaissance du
corpus secondaire, établir le corpus primaire, sélectionner un cadre théo-
rique d’analyse pertinent. Peut alors commencer la phase d’analyse en détail
des textes et la construction du rapport. Les modifications des données amè-
nent souvent une lecture autre de la cohérence textuelle : ainsi, les omissions
du texte du 11 juin tendaient à réduire le caractère satirique et carnavalesque
du texte ; la valeur de l’acte de langage produit par le conditionnel présent
(purement hypothétique) changeait radicalement (le futur marquant un
projet d’action) ; l’erreur de ponctuation dans le texte du 2 juillet (« juive et
héritière » en place de « juive, et héritière ») a induit une lecture moins fine
de l’énumération, créant un lien de cause à effet ; la même lecture, dans la
production orale radiophonique, est rendue explicite par l’enchaînement
(et non la pause) entre les deux segments, tandis que la dernière phrase
(« il fera du chemin dans la vie ce petit ») est enchaînée à la précédente,
comme si elle la concluait, alors que son statut de closule du paragraphe
entier, qui constitue une énumération des dernières nouvelles publiques
concernant Mr Jean Sarkozy (« ce n’est pas tout : »), est net. Vient ensuite
voire parallèlement l’analyse thématique et structurelle du texte (puis des
extraits) : c’est là qu’une démarche de type linguistique énonciative (étude
de la construction de la référence, du système verbal, de la deixis, schémas
thème/rhème, discours rapporté, par exemple) s’avère éclairante, liée à une
étude des schémas argumentatifs (connecteurs, modalisation, etc.)11. L’étude
11. Toutes ces analyses ont été produites pour les 6 procès.
« Le crime est dans l’oeil de celui qui regarde le dessin » 91
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« calotte », « grenouille de bénitier » et « proliférer » s’est avérée indispen-
sable ; cette recherche a été menée dans le TLFi et la base Frantext12, confor-
mément à la méthodologie de la linguistique de corpus13. Une approche
interdisciplinaire est souvent un plus : le fait d’avoir aussi la « casquette » de
littéraire m’a clairement été très utile, notamment pour les questions liées
à l’usage argumentatif des tropes (très fréquents dans la forme polémique,
en particulier dans le rap conscient ou le discours satirique illustré) mais
aussi pour la lecture diachronique du genre discursif : évoquer l’anticléri-
calisme sans aller consulter la tradition journalistique et littéraire de la fin
du 19e siècle, durant toute la phase précédant la séparation de l’Eglise et
de l’Etat (tradition dont se revendique depuis le début de sa production
Siné), aurait été peu sérieux ; resituer le texte dans un courant politique
et un type discursif spécifique a donc éclairé l’extrait du 11 juin 2008
(en fait très référentiel en ce domaine). Le même procédé s’est aussi avéré
fructueux pour le texte d’Hamé, comparé à d’autres textes appartenant au
rap conscient, dans les traditions francophone et anglophone. A ce stade,
les objectifs sont d’expliciter connotations / intertextualité / implicite et de
mettre en perspective (diachronique, sociale) le discours attaqué pour les
juges et les avocats.
Comme c’est arrivé pour le procès de La Rumeur, si des historiens sont
convoqués eux aussi en tant que témoins14 (car nous partageons ce privilège
de n’être pas reconnus experts) et font un travail tout à fait précis (chiffré) et
sérieux (référencé) dans leurs domaines de spécialité, le paramètre langagier
n’était pas pour autant inclus dans leurs exposés (et c’est bien naturel). Les
différents témoins ont donc des rôles complémentaires ; pour ce cas précis,
je tiens à préciser que nous n’avions pas été en contact avant le procès et
que nous ignorions mutuellement les résultats de nos analyses en rédigeant
12. www.atilf.fr
13. De même, pour le procès de La Rumeur, la consultation de première main du texte de
Paul Nizan (Les chiens de garde) a apporté un éclairage nouveau sur le texte d’Hamé.
14. Pour le procès La Rumeur, il s’agissait de Jean-Luc Einaudi (historien), Jean-Pierre
Garnier (sociologue), Grégory Protche (spécialiste du rap), Maurice Rajsfus (historien).
92 Dominique Lagorgette
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Pour donner une idée plus concrète à nos lecteurs de ce à quoi ressemble
une analyse lorsqu’elle est finalisée, tout en tenant compte du format dans
lequel apparaît cette contribution (les analyses faisaient plus d’une vingtaine
de pages chacune sans les annexes, nous ne pouvons donc les exposer ici),
nous présenterons maintenant le plan de l’analyse produite pour le procès
Siné vs. Askolovitch15 et le titre des annexes fournies :
• Analyse du texte de Siné dans Charlie Hebdo (n°837 du 02/07/2008)
1.1. Analyse thématique et structurelle de la chronique du 2 juillet 2008
1.2. Tonalité du texte : une revue de presse satirique
1.3. Analyse du troisième paragraphe
1.4. Conclusions
• Analyse des propos de Claude Askolovitch (RTL, Nicolas Poincaré, « on
refait le monde », 08/07/2008)
2.1. Analyse thématique et structurelle de l’émission du 8 juillet 2008
15. Une version commentée de l’analyse produite pour le procès Condkoï a été publiée
(Lagorgette 2009).
« Le crime est dans l’oeil de celui qui regarde le dessin » 93
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Annexe 3 : Article de Siné, « Siné sème sa zone », Charlie Hebdo,
02/07/2008
Annexe 4 : Article de Claude Askolovitch, « Bal tragique à Charlie »,
Le Nouvel Observateur, 17 juillet 2008
Annexe 5 : Article de Christophe Ayad, « Sarkozy comme chez lui en
Israël », Libération, 23 juin 2008
Annexe 6 : Résultats Factiva.com
Annexe 7 : Capture d’écran des résultats de l’analyse du logiciel PRAAT
talk exchange in which you are engaged » ; ses maximes, translatées dans
le domaine qui nous intéressent deviennent : sincérité [qualité], quantité
d’information suffisante [quantité], pertinence et clarté [manière]. Autant
d’objectifs louables pour le rédacteur qui n’aura comme feedback que les
commentaires de l’avocat mandataire, d’où l’importance d’un retour de sa
part : il me semble important en effet de lui soumettre le rapport pour lui
demander si le texte est, d’une part, lisible (comprendre « pas trop jargon-
neux et intelligible pour un public non expert ») et, d’autre part, utile pour
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un tribunal. Il s’agit donc bien du tribunal et non de la simple défense – et
c’est d’ailleurs là que l’avocat choisit ou non de produire le texte, puisque
la question porte, cela va sans dire mais rappelons-le tout de même (car
cette question revient sans cesse de la part de la partie adverse), non pas sur
modifier le texte du rapport pour le rendre favorable au camp mandant,
mais sur l’éventuelle nécessité de clarifier certains arguments pour les rendre
compréhensibles de tous ; rien n’empêche en effet un analyste d’être hors
sujet ou opaque.
La phase suivante, qui n’est ni obligatoire ni systématique, se chargera
de toute manière d’une saine remise en place puisqu’avec l’étape de la com-
parution vient la présentation très brève (en général, pas plus d’un quart
d’heure) du rapport au tribunal. Le linguiste, témoin comme les autres
(donc absent de la salle d’audience jusqu’à sa comparution), prête serment
et n’a généralement droit à aucun document ; mieux vaut donc avoir son
corpus bien en tête (même s’il est parfois autorisé). Suivent les questions
du juge et des assesseurs, du procureur, puis de la partie « adverse » et de la
partie mandante (phase, donc, ô combien dynamique).
Cette présentation doit aller à l’essentiel et constitue un retour sur la
façon dont l’analyse a été perçue par les avocats et magistrats, ainsi qu’en
témoignent leurs questions - l’ultime retour étant bien entendu le jugement,
qui permet de voir si le raisonnement proposé a ou non été pris en compte
par les juges. La négociation de la place dans l’interaction peut être plus
ou moins longue, selon que le statut de spécialiste est reconnu ou non : le
linguiste doit en se présentant décliner ses noms, adresse et qualité, mais
rien n’oblige la partie adverse et le jury à reconnaître la pertinence de ce
choix stratégique. Il n’est pas rare ensuite d’être ramené au témoignage
en tant qu’énoncé d’opinions, et non de conclusions scientifiquement
démontrées (c’est généralement la partie adverse qui remet en cause l’ana-
lyse, voire l’analyste, ramenant vers les sphères personnelles une présence
fondée exclusivement sur du fonctionnel) – c’est là aussi de bonne guerre,
après tout, puisque le statut même permet ce doute. La phase des questions
est tout à fait cruciale (et l’on pensera ici au même phénomène dans les
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connaître les règles et procédures pénales n’aide pas ; avoir vu le procès en
appel de Condkoï a été pour moi une étape importante car je ne me rendais
pas compte, avant d’y assister, de ce qu’impliquait réellement ce type de
démarche. Les avocats avec lesquels j’ai travaillé16 ont aussi tous été de très
bons guides dans ce domaine, notamment lorsqu’ils me rappelaient mon
rôle : ne pas usurper celui qui leur incombe, celui du juge ou du législa-
teur – très utile lorsque définir l’injure, la diffamation et l’outrage sont des
activités de recherche quotidiennes depuis vingt ans, et que la tentation
de statuer sur l’acte même est donc brûlante17. Les collègues juristes de la
Faculté de Droit et d’Economie de mon université ont eux aussi été d’une
aide non négligeable lorsque des questions de définition des infractions se
posaient : ainsi, la consultation régulière de mon collègue Fabrice Gauvin
s’est-elle avérée essentielle (et je ne saurais trop le remercier). Mais il me
semble, lorsque l’on travaille dans le champ linguistique, qu’il faut s’en tenir
à son domaine de compétences : suivre une formation juridique modifierait
certainement mon approche des cas et me ramènerait justement plus fort
encore vers la tentation de dépasser mes vraies limites disciplinaires. Or,
l’intérêt pour une Cour de solliciter un linguiste est précisément d’avoir
un point de vue autre, venant d’une discipline complémentaire, et non
formatée par la spécialisation inhérente à toute formation juridique. S’il est
certainement important d’avoir un double profil pour analyser le langage
du droit, pour le traduire ou pour faire des recommandations au législateur,
au contraire la spécialisation hors droit me paraît garante de la non ingé-
rence de l’analyste de cas. Plus encore, j’ajouterai que tous les délits où des
faits de langue sont en jeu ne doivent pas échoir au même linguiste : par
exemple, refuser une analyse de contrat industriel semble la moindre des
16. Et j’en profite pour remercier vivement Maître Richard Malka, Maître Dominique
Tricaud et Maître Jean-Louis Chalanset pour leur confiance et leur patience durant la
phase percevalienne de mes questions naïves.
17. Mais comme le précisent dans leurs contributions D. Vincent et M. Coulthard, rien
n’empêche de décrire le fonctionnement des actes de langage selon « nos » critères ; la
nuance est fine, mais elle existe.
96 Dominique Lagorgette
Bibliographie indicative
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