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N° 231
2 ilan
p h an d
Trimestriel
45e Année
ph on s u
ve os o à lan
de rb yn og 6 ga
Septembre 2007
en s al ta ie, a g
év fa in et xe ns e
m al nts ter n , le , o r a
di arc ua ac on xi p l , b n g
th ag h tio ob tio v m que rag en ad ilan ie, c
re od no e n se ns er ét , m fan la ol e om
re nd ol st rv ba ap at t ng es t r
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ps d u g s c q ti ic a l h ch ag ce ééd
p i l o , on m iqu de
Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY
yc u a e o ini ua n pa a o o e a e n u
da ng , ré t, la ca
Rencontres
ho pa re d rth qu lit re na log r-
Perspectives
r n
af e n t a u e a c
op , ti o nt lys ie p e é n t
Données actuelles
fe t a l , b h v g s e tio tat , sé du ga
ct l, d ila on in e nit n io m ge
Examens et interventions
if, d év n, iq tu iv di , d n, an
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ba ve lo c e itio é- e u d sc év in ti
nn o u r e l o t e n
tte lo pp om , m n e s p t
Rééducation
rie p p e m p é
e t in lle , c pe io
te , p o m m
EV m e e n t e in rpe ré p e
Orthophonique
AL n t te rs ve ét
O pr rsu on nti en
l’enfant de moins de 6 ans
é b n o c
Le bilan de langage oral de
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Jacques Roustit
Orthophoniste
24 boulevard Andrieu
81000 Albi
Courriel : jacques.roustit@wanadoo.fr
1. Texte intégral dans Rééducation Orthophonique n° 209 - 2002, Ortho Edition, Isbergues
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3. Rondal, J.A., (1998), Pour une évaluation intégrative du langage oral, Rééducation Orthophonique n° 196 -
déc. 1998 « Langage oral – Production », pp59-66, Ortho Edition, Isbergues
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sémantique des récits doit ainsi permettre de repérer les retards d’acquisition
du langage et des asynchronies de développement qui peuvent exister chez
certains enfants.
Lydie Morel, quant à elle, centre notre attention sur l’importance de la
structuration de l’objet pour le développement des premiers mots. Par une
approche clinique complémentaire des données standardisées, le praticien est
invité à être très attentif au jeu de la main et aux mots de l’enfant qui marquent
la mesure de « sa relation au monde ».
© Outils et modélisation
Les principes et cadres méthodologiques ainsi posés, nous avons
demandé aux différents auteurs de présenter les principaux tests et batteries
existants et d’en décrire leurs caractéristiques.
Evaluer les capacités de la communication humaine amène à explorer
tous les domaines qui en constituent l’essence. Parmi eux, les habiletés pragma-
tiques en sont un des axes les plus importants, une véritable porte d’entrée dans
la construction langagière. Marc Monfort nous présente divers instruments et
démarches que nous retrouvons dans notre pratique clinique et relève les élé-
ments les plus pertinents pour dépister précocement des troubles de la pragma-
tique du langage.
Marie-Pierre Thibault, Mickaël Lenfant et Marie-Christel Helloin, à tra-
vers la batterie informatisée Exalang 3/6 ans, défendent l'intérêt d'une évalua-
tion normée à partir de 3 ans et sa non pertinence pour un plus jeune âge. Exa-
lang 3/6 s'inscrit dans un travail longitudinal qui permet de mesurer un grand
nombre des compétences cognitives de l'enfant et de l'adolescent, de 3 à 15 ans,
tout en attachant une importance réelle à l'aspect qualitatif et métalinguistique
des productions des patients.
Claude Chevrie-Muller soulève un certain nombre de points méthodolo-
giques importants pour l’évaluation du langage, appliqués aux batteries BEPL (2
ans 9 mois à 4 ans 3 mois) et N-EEL (3 ans 7 mois à 8 ans 6 mois). Elle expose
ensuite, en relation avec les explorations possibles à l’aide de ces deux batteries,
les problèmes propres à l’évaluation du langage oral à l’âge de l’entrée en mater-
nelle (diagnostic d’un retard d’acquisition du langage) et ceux concernant la
période préscolaire avant l’entrée au Cours Préparatoire (diagnostic d’un déficit
éventuel des capacités nécessaires pour aborder l’apprentissage de l’écrit).
Bernadette Piérart nous présente la toute nouvelle batterie ISADYLE
construite en appui sur les théories développementales de la parole, du lexique,
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Marylène Stroh nous donnent des pistes pour une observation cognitive de l'en-
fant de deux à six ans lors du bilan orthophonique de langage oral, au travers,
plus spécifiquement, d’une activité permettant d’aborder le nombre dans ses
multiples composantes.
© Perspectives
Françoise Coquet, Jacques Roustit et Benoît Jeunier tracent les bases
d’une méthodologie originale de la conduite de l’évaluation du langage oral
de l’enfant de 2 ans 3 mois à 6 ans 3 mois 4. Les choix méthodologiques réa-
lisés pour l’élaboration de la batterie EVALO 2-6 (à paraître) ouvrent de
nouvelles perspectives tant pour la démarche d’élaboration du diagnostic
orthophonique (parcours diagnostiques intra-domaine ou inter-domaines)
que pour la caractérisation d’indicateurs (quantitatifs ou qualitatifs) permet-
tant d’identifier les sujets porteurs de troubles du langage. La mise en évi-
dence des facteurs sous-jacents par l’analyse des corrélations intra et inter
domaines aide, en effet, à dresser de facto le programme de traitement. Elle
permettrait certainement aussi de mieux adapter les conseils de soutien ou
d’adaptation. Une nouvelle réflexion est née qui nécessitera un débat et des
échanges dans les mois à venir.
© Conclusion
Evaluer le développement du langage oral du jeune enfant et porter un
éventuel diagnostic orthophonique de retard ou de trouble suppose de prendre
en compte la complexité des processus mis en œuvre dans la boucle de la com-
munication et l’interrelation qu’ils entretiennent dans les différents domaines
qui composent l’architecture langagière.
Ainsi, cette complexité a longtemps contribué, à moins d’aller piocher les
épreuves nécessaires, ici et là, dans plusieurs batteries, à ce qu’aucun outil ne
soit suffisamment complet pour les traiter exhaustivement. Elle doit nous inciter,
en outre, à être vigilants pour nous assurer de la sensibilité des tests, comme
nous le rappelle J.A. Rondal : « … plus les items (valides) d'un test sont nom-
breux et diversifiés, et plus la probabilité est élevée que ce test puisse faire
apparaître et préciser des différences objectives entre les sujets, et donc plus il
est sensible ».
4. Coquet, F., Ferrand, P., Roustit, J., Nespoulous, J.L. (2006). Réflexions pour la mise au point d’une batterie
d’évaluation du langage oral. Glossa, 95. 60-72.
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Par ailleurs, dans le sillage des travaux d’EVALO 2-6 (Coquet F, Fer-
rand P, Roustit J), un débat devra s’ouvrir sur la notion du seuil déterminant
la pathologie et sur ses indicateurs ; les seuls écarts à la norme déterminant
un profil de réussite aux différentes épreuves - certes nécessaires - peuvent
nous paraître dorénavant insuffisants pour porter un diagnostic précis de
retard ou de trouble. L’usage étant de considérer qu’à moins 2 ou 3 écarts
types sur une échelle de profil, le caractère « pathologique » du trouble
peut être affirmé, il pourrait être opposé à cette conception celle de « seuil
de rupture » dans le continuum d’une capacité donnée. Dans cette optique,
les analyses des corrélations intra et inter-domaines nous paraissent être une
démarche plus pertinente et plus complète pour déterminer les phénomènes
pathogènes sous-jacents. Nous passerions ainsi d’une considération globa-
liste du trouble à une conception plus analytique mettant en évidence des
ruptures spécifiques dans le développement dit « normal » des différents
domaines impliqués dans la boucle du langage. L’évocation de cette hypo-
thèse donne matière à une grande recherche, mais nous pouvons déjà perce-
voir que les données récoltées permettront de dégager des pistes concrètes
pour l’étayer. Les réponses à cette interrogation pourraient grandement aider
à clarifier les notions de retard et de trouble spécifique.
Enfin, nous insisterons, en notre qualité de praticien sur la nécessaire
approche clinique faite d’observation et d’intuition qui doit étroitement se
combiner avec l’analyse quantitative pour répondre à la remarque de
Rondal.
Malgré une certaine universalité de mise en place des processus langa-
giers, de la similitude des étapes respectives, chaque être a son histoire, ses sen-
sibilités propres, son capital biogénétique, ses vécus familiaux, sociaux,
culturels et psychiques. Chaque être est singulier, comme l’est son langage.
C’est en ce sens que quantification et observation qualitative sont indissociables.
Elles répondent aux besoins spécifiques des thérapeutes du langage et de la
communication que sont les orthophonistes.
Après avoir rappelé l'assertion de Guillaume (1942) : « La quantité est
toujours la quantification d'une certaine qualité », nous pouvons affirmer, sans
trop nous tromper que la clé d’un diagnostic valide et d’une bonne prise en
charge sera plus que jamais une démarche rigoureuse et scientifique. Le bilan du
langage oral du jeune enfant et l’expérience des orthophonistes y contribuent.
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Résumé
L’orthophonie connaît depuis des années de nombreux débats et de profondes modifications
dans la manière d’aborder les conduites du bilan. En prenant comme point de départ la
nécessité d’un cadre méthodologique d’évaluation du langage oral, nous essayerons de
montrer en quoi et comment l’approche neuropsychologique permet de définir des axes
d’orientations du bilan orthophonique selon le principe de la dissociation et grâce à l’apport
théorique des modélisations cognitives du fonctionnement linguistique. D’autre part, en
s’appuyant sur la sémiologie des troubles du langage, les signes spécifiques ou marqueurs
de déviance, sur le style cognitif et la personnalité de l’enfant, nous verrons comment en
utilisant en clinique un raisonnement hypothético-déductif, il est plus aisé de dégager les
éléments nécessaires à la pose d’un diagnostic positif ou différentiel d’un trouble spécifique
du langage oral.
Mots clés : bilan orthophonique, diagnostic orthophonique, méthodologie du bilan langage
oral, psychologie cognitive, neuropsychologie
Abstract
Over the years, there have been numerous discussions and important changes in speech
and language therapy concerning ways to carry out evaluations. Taking as a given the
necessity of a methodological framework for the evaluation of oral language, we will attempt
to show why and in what way a neuropsychological approach helps to define the directions
to be followed in a speech and language evaluation, according to the principle of disassocia-
tion and with theoretical support from cognitive models of linguistic functioning. In addition,
by referring to the semiology of language disorders, to specific signs or markers of diffe-
rence, to the cognitive style and the child’s personality, we will see how, through the use of
hypothetico-deductive reasoning in the clinical setting, it is easier to identify the elements
necessary for arriving at a positive or differential diagnosis of a specific disorder of oral lan-
guage.
Key Words : speech and language evaluation, speech and language diagnosis, oral lan-
guage evaluation methods, cognitive psychology, neuropsychology
Gilles LELOUP
Orthophoniste
Hôpital Trousseau, Libéral
Chargé de cours à l’UFR médicale
Pitié Salpetrière,
Doctorant en Linguistique
Laboratoire psychologie
de la perception FRE 2929
75000 Paris
Courriel : gleloup@club-internet.fr
L
’orthophonie en France connaît de profondes modifications dans les
démarches de conduites des bilans. Elles sont perçues par certains
comme des contraintes ou comme des orientations trop formelles car
reposant sur des obligations d’évaluations à partir de tests et selon des réfé-
rences à des modélisations principalement issues de la psychologie cognitive.
Pour d’autres, il est encore complexe d’arriver à faire les liens entre les diffé-
rentes épreuves actuellement proposées et le trouble à diagnostiquer. Cependant,
tout le monde semble s’accorder sur un point, le bilan a pour but de poser ou
d’apporter les hypothèses d’un diagnostic orthophonique afin de permettre une
définition des objectifs de la rééducation et de planifier les étapes de la rééduca-
tion. Ce diagnostic ne répond pas seulement à des critères de normes mais éga-
lement à des critères qualitatifs (Piérart, 2006). Ainsi quelles que soient les
options personnelles du clinicien, il peut librement choisir ses outils et le cadre
de l’évaluation selon ses positions théoriques et morales, selon ses choix cli-
niques et sa connaissance des pathologies qu’il doit évaluer. La question n’est
sans doute pas une obligation à une référence mais à une réflexion sur un cadre
méthodologique en clinique orthophonique.
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l’âge du sujet est plus débattu ainsi que la place du sujet dans son appétence à la
communication. Les tests employés tiennent compte plus ou moins des aspects
de réception et de production mais ils s’appuient tous sur les travaux de la lin-
guistique pour décrire les différents niveaux phonologique, lexical, syntaxique,
sémantique et parfois sur des aspects plus globaux de la communication comme
les niveaux du discours, les compétences pragmatiques.
L’évaluation du langage pathologique ne peut, en effet, se limiter aux
aspects formels du langage, elle doit aussi prendre en compte la communication
de l’enfant qu’elle soit verbale ou non-verbale. Cette observation doit aussi éva-
luer les capacités de compensation actuelles et en devenir, les relations entre les
activités cognitives transversales (attention, mémoire, raisonnement) et le désir
propre à chacun de communiquer.
Le clinicien est confronté à une équation bien complexe, d’une part il doit
avoir une démarche analytique en évaluant les différentes capacités linguistiques
de l’enfant et d’autre part garder une observation globale (systémique) de son
fonctionnement langagier. Toutes ces données doivent être replacées dans un
contexte cognitif, psycho-affectif en tenant compte des contraintes environne-
mentales et sociales. Cela ne peut se faire sans l’intuition clinique qui est à la
fois le guide et le liant entre ces différents aspects de la démarche de l’évalua-
tion. Elle constitue le socle de la relation puisqu’elle doit garantir que le bilan
n’est pas qu’une succession d’épreuves mais aussi un échange sur le motif et le
sens de la plainte. Toutefois elle ne suffit pas toujours à faire émerger des élé-
ments significatifs, explicatifs du trouble, du retard de langage. D’où la néces-
sité de proposer des méthodologies du bilan en orthophonie afin de définir et
d’orienter l’évaluation.
L’ensemble du raisonnement qui aboutit à la pose d’un diagnostic des
troubles du langage, devrait s’appuyer sur la base d’une norme de développe-
ment, des connaissances sémiologiques et théoriques en référence à des modéli-
sations fonctionnelles, développementales ou psychiques. Une des questions
centrales est de rechercher à partir d’épreuves ou de tâches, les marqueurs spé-
cifiques ou les prédicteurs de déviances qui confirmeront la classification du
trouble mais également les dissociations de fonctionnement. Le bilan doit aussi
permettre d’anticiper une prospective de développement des compétences lin-
guistiques et de communication de l’enfant d’après les stratégies de compensa-
tion qu’il met en place et leurs coûts de fonctionnement cognitif et psychique.
Cette approche méthodologique, tout en s’inspirant directement de la
neuropsychologie infantile et développementale, n’exclut pas les pratiques
orthophoniques des différents courants et repose sur les choix cliniques du prati-
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© La psychologie cognitive
Ces quelques rappels pourront paraître hors de propos or il semble qu’il y
ait beaucoup de confusions et de passions autour des concepts de la psychologie
cognitive. Celle-ci étudie les systèmes de connaissances (systèmes cognitifs) et
les processus de traitement (processus cognitifs). Elle se centre davantage sur
l’activité et l’organisation symbolique de la pensée que sur la structure physio-
logique du cerveau (les neurones). La psycholinguistique et la neuropsychologie
sont des branches de la psychologie cognitive.
Cette approche ne s’est pas construite spontanément, elle est le résultat
d’un long processus d’évolution des conceptions de l’esprit humain (Bertrand et
Garnier, 2005), elle a été, entre autres, nourrie des apports du béhaviorisme, de
la Gestalt, du structuralisme et de l’esprit cybernétique. Elle est surtout imagée
par la théorie modulaire (Fodor, 1983) postulant que le psychisme humain ne
fonctionne pas comme un tout unifié mais traite l’information sous formes de
modules spécialisés (gnosies, praxies et fonctions supérieures). Le courant
cognitiviste est aujourd’hui fortement influencé par les neurosciences. Dans le
champ de compétence en orthophonie, le développement d’une neuropsycholo-
gie cognitive a permis de renouveler la clinique des troubles développementaux
chez l’enfant, en relevant que des fonctions comme la perception, la motricité,
le langage, le raisonnement peuvent être de nature biologique. De nouvelles
approches intégratives s’étayent, elles abordent davantage les rapports entre les
fonctions comme émotion et cognition ou attention et motricité.
Le courant connexionniste critique le postulat d’un traitement sériel de
l’information qui n’est pas compatible avec la rapidité avec laquelle nous trai-
tons l’information. Les connexionnistes refusent la notion de modularité et
considèrent la pensée comme le résultat de l’activité d’un immense réseau neu-
ronal. Cette discussion amène en clinique à s’interroger sur les temps de traite-
ment des tâches proposées lors du bilan et sur le(s) lieu(x) de la dysfonction qui
renvoie à la dimension de l’erreur.
L’étude du langage oral, tel qu’on le pense aujourd’hui, pourrait être
décrite par un continuum allant de Saussure aux modèles psycholinguistiques
comme celui de Garrett (1984). Une idée actuellement débattue est qu’il ne
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© La neuropsychologie de l’enfant
La neuropsychologie est l’étude de la relation entre les diverses structures
du cerveau et du comportement, le comportement recoupe ici aussi bien les
fonctions supérieures que les états comportementaux. (Luissier et Flessas,
2001). Cette branche de la psychologie cognitive a déployé des méthodologies
pour expliquer les rapports qui unissent le comportement humain et son substrat
neurologique (Eustache et Faure, 2005). La validation des modèles de lecture
dits à double voie est certainement la plus connue de ces conduites (Marshall et
Newcombe, 1973 ; Coltheart, 1993).
La modélisation des différentes étapes par lesquelles un sujet acquiert et
met en œuvre le système d’une langue naturelle est plus complexe à aborder.
Une approche synthétique d’une architecture fonctionnelle des systèmes de trai-
tement, facilement utilisable en clinique orthophonique est sans doute celle
décrite par Ségui et Ferrand (2000) [Voir Annexe A]. La production et la com-
préhension du langage sont assurées par le fonctionnement coordonné d’une
série de composants relativement autonomes qui sont maintenant bien connus
(phonologie, syntaxe, sémantique, etc.). Le traitement s’effectue de manière
sérielle selon un axe d’encodage et un axe de décodage, un module conceptuel
et de stockage. Le modèle neuropsycholinguistique proposé par Chevrie-Muller
(1992) définit également des modalités auditivo-orales primaires (niveau sen-
sori-moteur) de la périphérie aux zones corticales du traitement de l’informa-
tion, un niveau secondaire d’intégration gnosique et praxique correspondant au
cortex associatif et un niveau tertiaire, lieu des opérations cognitives linguis-
tiques. Ce modèle postule que les niveaux périphériques conditionnent large-
ment « le développement et /ou le fonctionnement des niveaux centraux »
(Chevrie-Muller, 1996). Des conceptions discrètes de l’accès lexical en produc-
tion verbale de mots (Levelt, 1999 ; Dell, 1992 ; Caramazza, 1997) sont utili-
sées en clinique pour soutenir l’interprétation d’un trouble de l’évocation (défi-
cit sémantique, phonologique, phonétique) [pour une revue voir Bonin, 2003 et
Lambert, 2004].
Ces différents modèles ont à divers degrés cherché une validation auprès
de patients cérébrolésés, or dans le cadre de l’évaluation de l’enfant, il ne s’agit
pas de transposer les données de la neuropsychologie adulte. Il faut pouvoir se
référer au développement normal et au développement pathologique pour établir
une distinction entre retard (délai dans l’acquisition d’une habileté cognitive) et
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Si on peut apporter des critiques à cette démarche qui peut paraître méca-
niste, elle s’associe à des approches, dites intégratives, qui s’attachent à étudier
les dimensions sociales, fonctionnelles et communicatives du développement du
langage comme les premières interactions à l’émergence du langage décrit par
Bruner (1987), l’acquisition de la grammaire ou l’installation de la fonction
pragmatique selon Halliday (cité par Aguado, 1996).
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éléments d’un diagnostic différentiel ont été relevés (selon la classification par
critère d’exclusion : DSM IV et CIM 10) et si le caractère significatif du déficit
verbal a été validé par un examen standardisé. Ils se retrouvent dans la classifi-
cation sémiologique des syndromes dysphasiques, telle que la définissent Rapin
et Allen (1988).
Le choix de définir des signes prototypiques d’une pathologie est néces-
saire car il permettra au clinicien, lors du bilan, de délimiter ses conduites de
recherche mais aussi de ne pas limiter son analyse à des productions de surface.
Toutefois des critiques sont émises sur la validité de ces marqueurs. Le
développement phonologique chez les enfants dysphasiques montre un certain
nombre de similitudes avec celui des enfants contrôles (Maillart, 2006), leur
organisation phonologique s’élabore plus lentement mais l’ordre d’acquisition
développementale des phonèmes (les fricatives) serait globalement identique
(Farwell, 1972). Il faut donc rester prudent dans un contexte développemental.
La confirmation de marqueurs de déviances d’une pathologie du langage oral
repose sur la localisation de la dysfonction. Un trouble phonologique spécifique
entraînera une dysfonction à plusieurs niveaux (décoder, coder, encoder
« l’image verbale » d’un mot) avec de possibles variations de performances
alors qu’un trouble d’ordre phonétique, par définition, est constant et systéma-
tique (sigmatisme).
Cette notion de marqueurs est complémentaire d’une approche sémiolo-
gique descriptive.
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© Critiques et Limites
Si les recherches expérimentales et cliniques permettent de valider des
modèles de fonctionnement du langage, si l’exploration en imagerie fonction-
nelle montre qu’il ne s’agit plus de parler de zone spécifique de traitement du
langage mais de réseaux d’activation, l’évaluation du langage chez l’enfant de
2 à 6 ans reste prise dans des contraintes développementales. Le postulat de mar-
queurs de déviance est critiqué comme pouvant être l’expression des représenta-
tions de stratégie palliative : « la production d’énoncés ne satisfait pas unique-
ment des normes grammaticales, mais aussi des exigences liées au succès de
l’échange verbal, aux fonctions de la parole et non aux structures de la langue »
(Forest, 2005). Un enfant est agrammatique aussi parce que ce type de produc-
tion le soulage des efforts pour encoder et contrôler son langage oral. Cette
constatation amène à réfléchir sur la notion de coût de traitement, les consé-
quences sur le développement cognitif et psychique du patient et inversement.
Enfin, les outils d’exploration ne se référent pas tous à des modèles théo-
riques et ils souffrent de la limite propre à toute démarche psychométrique.
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© Conclusion
La nécessité d’un cadre méthodologique d’évaluation du langage oral
chez l’enfant est incontournable. Elle ne l’est pas dans une obligation de réfé-
rence à des positions théoriques telles qu’elles sont définies dans cet article mais
dans l’optique d’organiser des conduites de bilan orthophonique. Le bilan ne se
résume pas à une suite d’épreuves, il est un exercice de formulations d’hypo-
thèses que l’on doit valider ou infirmer au service de la plainte du patient.
La démarche neuropsychologique permet d’orienter le bilan et de se rap-
procher au plus près des signes nécessaires pour confirmer un diagnostic de
retard ou de trouble du langage.
D’autres voies sont à développer autour des conduites de bilan comme les
coûts cognitifs (mémoire et attention) engendrés par le dysfonctionnement,
même à minima, d’une des procédures du langage et les stratégies de compensa-
tions spontanément mises en place par l’enfant pour communiquer.
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22
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Annexe A
Composants hypothétiques impliqués dans la production et la perception de la
parole d’après Segui et Ferrand (2000)
23
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Résumé
Dans leur pratique d’évaluation des troubles du langage de l’enfant, certains praticiens
expriment leur crainte de voir la rigueur scientifique réduire peu à peu la place de la
démarche clinique.
Après avoir décrit les divers aspects de cette démarche, l’auteur tente de montrer que ces
deux approches, loin de s’opposer, se complètent et interagissent l’une sur l’autre, conser-
vant ainsi à la clinique sa dimension fondamentale dans l’élaboration du diagnostic ortho-
phonique.
Mots clés : langage oral, évaluation quantitative, rigueur scientifique, démarche clinique,
intuition.
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Pierre FERRAND
Orthophoniste
D.E.A en Sciences du langage
Le Mas d’Enfau
81210 Roquecourbe
Courriel : pierre.auguste.ferrand@wanadoo.fr
D
epuis les années 90, le concept de la pratique clinique fondée sur des
preuves sous-tend la démarche d’évaluation et de soin.
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© La démarche clinique
Etymologiquement, le mot clinique est issu de klinein (pencher vers),
dérivé en klinè (le lit) d’où klinikos (qui concerne le lit) : c’est la méthode d’ob-
servation directe au chevet du malade, déjà pratiquée par Hippocrate au Vème
siècle avant notre ère.
D’après Alain Rey, c’est au XVIIIe siècle que le terme a pris le sens qu’il
conserve aujourd’hui : « examen qui s’établit d’après l’observation du malade
et non par la théorie » (Dictionnaire historique de la langue française, 1992).
Cette attitude « de proximité » du praticien lui permet de mieux com-
prendre non seulement la souffrance mais l’être souffrant considéré dans le
respect de sa Personne tout entière.
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L’approche clinique
Dès le premier contact, (prise de rendez-vous, accueil en salle d’attente,
réception en cabinet), les premiers regards, le premier sourire et les premiers
mots établissent la base de la relation d’empathie. Selon la qualité de son atti-
tude, le praticien crée d’emblée une situation d’écoute et de disponibilité. Beau-
coup de choses se jouent, à cet instant, entre Sujets qui vont nouer des liens de
confiance. C’est le moment du recueil de la plainte, de la formulation de la
demande d’aide, du motif de la consultation et de la perception de l’état de souf-
france du consultant et de son entourage.
Ensuite, le recueil de l’anamnèse prendra la forme d’un entretien.
Loin d’un interrogatoire ou d’un jeu de question/réponse de type Quiz,
cet entretien se déroulera dans le respect de l’expression de l’Autre : avec
finesse, intelligence et discrétion, le clinicien fera préciser le motif de la consul-
tation et saura évaluer si elle est justifiée ou non, entraînant éventuellement un
conseil de nouvelle orientation. Il entendra l’histoire du jeune patient, la des-
cription de ses difficultés et les façons dont il les vit ; il cernera ses intérêts et
ses capacités et tiendra compte des antécédents, de la situation socioculturelle et
économique de la famille…. sans oublier les dimensions psychoaffectives du
sujet, les influences et les interactions qui le lient avec ses divers milieux de
vie… Tous ces aspects seront abordés.
Cette forme d’entretien devra se renouveler à plusieurs reprises, comme
une sorte de mise à jour de l’évolution du sujet et de ses environnements…
sachant qu’il existe toujours des jardins secrets et que, parfois, l’information
importante ne nous sera donnée que sur le seuil de la porte au dernier jour de la
dernière séance !
L’observation clinique
Elle se fera tout au long de l’évaluation mais aussi hors du lieu de l’évaluation.
Dans un premier temps, il conviendra d’observer les réactions du sujet
face à la tâche proposée.
Plusieurs comportements sont possibles : incapacité à comprendre la
consigne ; acceptation, refus ou rejet de l’épreuve proposée ; difficulté à mobi-
liser attention, intérêt et motivation ; silence ou commentaires parlés ; sens du
regard, choix de la main, précision du toucher ; excitation, inhibition, instabilité
de l’attitude…
Dans un deuxième temps, les observations porteront sur les réactions, les
attitudes et les comportements du sujet en cours d’examen.
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© En guise de conclusion
Le débat n’est pas clos, mais les termes en sont clairs :
Par la mise en évidence de corrélations de plus en plus fines, l’analyse
statistique des données recueillies auprès d’un sujet en situation de test permet
de nourrir les observations qualitatives du testeur.
Par la description précise des comportements du sujet en situation de test,
la prise en compte de ses comportements et de ses dimensions affectives et rela-
tionnelles favorise l’enrichissement des données objectives.
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REFERENCES
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33
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Résumé
Grâce au dialogue que l'orthophoniste privilégie dès la prise de rendez-vous jusqu’à la prise
en charge, en passant par le bilan, il offre aux parents une place de partenaires dans la
prise en charge de leur enfant.
Le bilan est l’occasion de les écouter, de répondre à leurs questions, de leur poser des
questions fermées, puis ouvertes laissant place à un réel échange. L’orthophoniste valorise
les parents, il leur donne des pistes pour observer leur enfant mais aussi des modèles de
comportements porteurs pour son développement langagier. Il mesure la "mobilisabilité" de
la famille. Il instaure un climat propice au respect des systèmes de valeurs de chacun. Il
analyse les compétences de l’enfant en tenant compte de la dialectique des interactions
parents/enfant.
Il partage avec les parents les résultats du bilan en veillant à projeter l'enfant dans un avenir
positif évoquant les progrès, les étapes à franchir, les moyens pour y arriver.
Enfin, il organise avec eux le travail en réseau.
Mots clés : dialogue, écoute, empathie, analyse des interactions parents / enfants, dialec-
tique de l’interaction, analyse des compétences, annonce des résultats du bilan, plan théra-
peutique, travail en réseau.
Paulette ANTHEUNIS
33 rue de l’Hôtel de Ville
54260 Longuyon
Courriel : antheunis.paulette@wanadoo.fr
Françoise ERCOLANI-BERTRAND
7 bis rue du Chanoine Pieron
54600 Villers les Nancy
Courriel : ercolanig@yahoo.fr
Stéphanie ROY
5 rue de la Monnaie
54000 Nancy
Courriel : royste@gmail.com
Co-auteures de « Dialogoris 0/4 ans »
et de « Dialogoris 0/4 ans Orthophoniste ».
L
a réalisation du bilan orthophonique commence par la prise de rendez-
vous. Celui-ci sera pris directement au cabinet ou par téléphone, par la
mère, le père de l’enfant, seul(e) ou par un autre membre de la famille,
un(e) ami(e), une assistante sociale, la puéricultrice de PMI ou un autre profes-
sionnel, …
Ce premier contact et ses caractéristiques sont déjà les premières pièces
d’un grand puzzle que l’orthophoniste va tenter d’assembler pour avoir
« l’image » la plus complète possible de l’enfant et de sa famille. La réponse à
des questions comme : la maman a-t-elle demandé à un professionnel de télé-
phoner pour elle ? ; la grand-mère téléphone-t-elle pour sa fille qui travaille
beaucoup ? ; le papa semblait-il particulièrement inquiet pour son enfant ou
anxieux face au rendez-vous avec l’orthophoniste ? ; quels ont été les motifs
donnés ?
Par exemple :
« C’est le médecin de PMI qui a dit qu’il fallait venir » ou « Le médecin
a dit que ça viendrait tout seul, mais moi je suis inquiète », « Il bégaie », « Il a
du mal à dire les [ch] », « Il a deux ans et il ne dit encore rien » ou bien « Il a 4
mois et est porteur d’une Trisomie 21 »,…
Toutes ces questions apportent déjà des informations capitales pour le bilan.
Si le premier rendez-vous est donné par l’orthophoniste lui-même, celui-
ci entame d’emblée son bilan (incluant l’accompagnement parental), grâce à son
empathie, à son écoute attentive, à son intérêt pour l’enfant.
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© Un véritable dialogue
Écoute et empathie
L’ensemble des questions posées par l’orthophoniste lors de cette pre-
mière rencontre sont intégrées à un véritable dialogue où il se met à l’écoute,
reformule, offre aux parents la possibilité d’exprimer leurs doutes, leurs
craintes, leurs espoirs, leur tristesse ou leur colère, … Il les invite à préciser leur
demande, à poser les questions qui les tracassent. Il tente de leur répondre sur le
canal qu’ils ont choisi pour s’exprimer (canal émotionnel, canal de la pensée ou
canal de l’action décrits par Françoise Estienne, 2002) afin de mieux se faire
comprendre, mais aussi afin d’amener progressivement les parents à expérimen-
ter les autres canaux.
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Par exemple :
• « Vous pourriez / nous pourrions ensemble essayer de remplir ce tableau
(comme les grilles du centre Hanen) qui reprend comment votre enfant
communique (en pleurant, en criant, en pointant, en faisant des
mimiques,…), dans quels buts il communique (pour attirer l’attention,
pour protester, pour demander un objet,…) et au sujet de quoi il commu-
nique (ses frères et sœurs, la nourriture, les jouets,…)
• ou « Vous pourriez essayer de compter le nombre approximatif de mots
que connaît votre petit ? ». L’orthophoniste veille dans ce cas à expli-
quer avec des mots simples, adaptés au niveau de langage des parents
(illustrés, si nécessaire, par un exemple) que communiquer peut se faire
de façon verbale mais aussi non verbale, … ou que « mot » signifie
« toute production stable ayant une valeur sémantique ».
Ces pistes données aux parents ont divers avantages. L’orthophoniste :
• recueille ainsi des informations intéressantes qui seront une base de départ
pour évaluer la compétence communicationnelle de l’enfant au niveau de
la forme, du contenu et de l’utilisation du vocabulaire actif de l’enfant
(élément pour l’analyse de l’étendue, de la diversité et plus tard de la
dynamique d’évolution par exemple).
• permet aux parents de jouer dès le départ un rôle actif s’ils le désirent et
s’ils en sont capables,
• attire l’attention des parents sur les compétences de l’enfant : ses compé-
tences socles (son regard, ses capacités d’attention conjointe ou d’imita-
tion par exemple), sa communication non verbale ou ses mots, ce qui
valorise l’enfant à leurs yeux,
• amène les parents à mieux observer, à mieux écouter (ou du moins diffé-
remment) et peut-être déjà à adopter des comportements différents, plus
porteurs pour le développement de l’enfant (réponses émotionnelles plus
positives, interprétation du non verbal…).
Des modèles de comportements
A la fin de cette (ou de ces premières rencontres), les parents doivent
avoir été entendus dans ce qui est prioritaire pour eux et, le cas échéant, avoir
compris les causes possibles des difficultés de communication d’un enfant, d’un
retard de parole ou de langage et avoir reçu des informations. Mais ils doivent
aussi, si l’enfant était présent, avoir reçu des modèles de comportements leur
permettant de commencer à percevoir ce qui favorise le développement de leur
enfant (l’imitation, l’interprétation, l’adaptation du langage à adresser à l’enfant,
… tous les comportements à adopter ou qu’ils ont déjà mis en place).
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cer l’enfant avec l’ébauche syllabique, …), des modèles de comportements (le
plaisir, l’émerveillement, les sourires, les encouragements, …), des idées de
matériel, de jeux adaptés à l’enfant (des jeux de manipulations, combinatoires,
symboliques, des livres avec des photos, qui sont plus lisibles, …)
Ils sont d’emblée valorisés par l’orthophoniste (« C’est important pour
moi que vous soyez là aujourd’hui car vous m’aidez à le comprendre, cela me
permet de mieux noter de quoi il est capable ! ») et se sentent donc compé-
tents, utiles. Ceci les incitera donc à collaborer, à adhérer, à participer à la prise
en charge, si elle a lieu.
L’orthophoniste valorise également l’enfant pendant le bilan en mettant
en avant toutes ses réussites, tous ses points forts, ce qui restaure le sentiment
narcissique des parents, la confiance qu’ils ont en leur enfant, en ses capaci-
tés de progrès et en l’avenir.
Si les parents sont inquiets car ils pensent que cela ne se passera pas bien
ou simplement désireux de savoir comment nous allons nous y prendre, ce que
nous allons faire ou encore impatients de se faire une idée personnelle de l’or-
thophonie, de l’orthophoniste, du problème de leur enfant et pressés de
connaître notre opinion sur les capacités de leur enfant et sur son problème ... ils
seront rassurés et intéressés par le fait d’assister au bilan.
Pour l’orthophoniste
Si les parents sont présents lors du bilan de l’enfant, il reçoit de l’aide
pour comprendre l’enfant, pour interpréter son comportement, pour obtenir la
participation de l’enfant.
Ils nous apportent des informations sur le quotidien qu’eux seuls peuvent
donner. Ils ont des éléments pour relativiser : « Il sait le faire à la maison
ça ! » et pour mieux comprendre pourquoi l’enfant est en difficulté « On n’en a
pas à la maison, c’est nouveau pour lui ! ».
Pour l’enfant
Si les interactions parents/enfant ne souffrent pas de modifications émo-
tionnelles négatives, la présence des parents peut, d’une part, rassurer l’enfant,
mais également le stimuler, l’encourager. A plus long terme, la présence des
parents et l’impact positif que celle-ci aura eu sur le travail de l’orthophoniste
lui-même (meilleure évaluation) et sur les parents (meilleure compréhension du
problème de l’enfant, meilleure adhésion au projet de rééducation) ont des effets
bénéfiques dont l’enfant profitera à coup sûr !
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Les freins
Accueillir les parents dans nos cabinets peut présenter un certain nombre
d’inconvénients pour les trois acteurs que sont les parents, l’enfant et l’ortho-
phoniste.
Pour l’orthophoniste
En ce qui concerne l’orthophoniste lui-même, il n’est pas toujours facile
d’être observé et ce d’autant moins en présence d’enfants avec lesquels il
risque de se sentir en difficulté. Les enfants très jeunes, les enfants porteurs de
lourds handicaps, les enfants sans langage, les enfants avec des troubles impor-
tants du comportement, les enfants en grande souffrance, « fermés », sur la
défensive peuvent nous dérouter, nous déstabiliser si nous n’avons que peu l’ha-
bitude de les accueillir. Nous pourrons alors nous sentir jaugé, jugé, évalué par
les parents et de ce fait être moins naturels, moins à l’aise, …
Certains parents se montrent fort envahissants, négatifs, trop exigeants,
terriblement anxieux ou simplement maladroits. Ils risquent alors de faire dis-
paraître le climat propice à un bilan de qualité.
Si les parents n’ont pas eu la chance d’être préalablement écoutés (ou pas
suffisamment), ils risquent d’accaparer totalement le professionnel qui ne sera
plus disponible pour son petit patient.
L’orthophoniste peut donc éprouver une légitime appréhension à inviter
les parents à participer ou à assister au bilan.
Si les parents sont encore très fragiles et que les difficultés de leur enfant
risquent de générer chez eux une souffrance importante malgré nos efforts pour
le mettre en valeur, si les jeux ou les exercices que l’enfant réalisent avec nous
risquent d’être difficiles à accepter car trop éloignés de la norme, … cela peut
nous limiter dans les mises en situations que nous voudrions proposer et dans
notre spontanéité…
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L’orthophoniste peut donc préférer être seul avec l’enfant pour cette par-
tie du bilan dont il distillera les résultats aux parents avec précaution, tact et res-
pect de leur sensibilité.
Pour l’enfant
Les productions incomplètes, erronées des enfants dont le développement
est sévèrement retardé et perturbé, les réponses incorrectes aux items des tests,
les comportements inadéquats de l’enfant, les difficultés qu’il éprouve, … ris-
quent d’être suivis de marques évidentes de déception, d'angoisse, voire même
de colère et de réprimandes. Toutes ces manifestations négatives que nous
aurons à cœur de faire disparaître risquent également d’instaurer un climat défa-
vorable à l’investissement de l’enfant.
Comme le bilan nécessite souvent plusieurs rendez-vous, l’orthophoniste
peut envisager des moments avec et d’autres sans les parents et décider, au cas
par cas, de ce qu’il y a lieu de faire pour le bien de chacun, en fonction de ce
qu’il sait de l’enfant, de ce qu’il a « déduit » de la première rencontre avec les
parents. Il a bien en tête que, si le moment où il évalue les compétences de l’en-
fant n’est pas, dans certains cas, le moment idéal pour accueillir les parents, le
projet d’accompagnement parental doit, quant à lui, bien être présent.
© La valorisation
C’est sans doute grâce à la valorisation des parents et de l’enfant lors du
bilan que l’orthophoniste s’assure les conditions les plus favorables à celui-ci.
L’orthophoniste, chaque fois que cela sera possible, commente en les
valorisant les réussites de l’enfant, en le félicitant (« Bravo ! Tu me renvoies
le ballon et tu me regardes bien pour voir si je vais l’attraper ! »), en l’encou-
rageant (« Eh oui ! encore un petit effort et tu vas l’attraper le petit nounours !
super ! »), en verbalisant combien il est conscient des efforts de l’enfant
(« C’est difficile pour toi de tourner ta tête mais tu fais des efforts ! c’est
chouette tu vas voir ça vaut la peine, il est joli ce petit lapin ! ») ou bien en
s’émerveillant de ses points forts (« Eh bien toi alors tu es un petit malin, j’en
vois peu des enfants qui sont aussi rapides que toi ! »), en lui montrant des
signes d’empathie (« Je comprends que c’est trop difficile pour toi ») …
De même, si l’enfant est plus grand, en âge d’entrer dans une situation de
tests, le professionnel ne manque pas d’encourager verbalement et non verbale-
ment ses efforts pour être attentif, pour accepter telle ou telle situation de répé-
tition, de désignation, de dénomination,…
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Conclusion
L’accompagnement parental est repris à la nomenclature des orthopho-
nistes depuis 2002 et ils ne cessent d’en découvrir les richesses et les avantages
pour l’enfant lui-même et sa famille.
Tout au long du bilan, et dès la première rencontre, l’orthophoniste veille
à donner une place de choix aux parents. Il leur indique d’emblée, implicitement
et/ou explicitement, que la rééducation ne se fera pas sans eux, que les décisions
prises le seront toujours avec leur accord, que leur soutien, leur adhésion, leur
aide sont importants à ses yeux pour optimiser la prise en charge de leur enfant.
Les parents apportent à l’orthophoniste des informations sur l’histoire de
l’enfant et de sa famille, sur les comportements de l’enfant au quotidien qui l’ai-
dent à préparer sa venue, à optimiser les conditions de réalisation du bilan, à
préciser les hypothèses diagnostiques, à relativiser les conclusions de son bilan,
à choisir les objectifs prioritaires.
Ils aident éventuellement aussi l’orthophoniste à obtenir la participation
de l’enfant. Ils permettent à l’orthophoniste d’élargir son système de valeurs en
apportant leur vision, de l’enfant, de la famille, de l’éducation, de la
pathologie, …
D’autre part, l’orthophoniste écoute les parents avec empathie, il répond à
leurs questionnements tant théoriques que pratiques. Il cherche toujours en prio-
rité à valoriser l’enfant à leurs yeux. Il leur apporte, dès le bilan, des modèles de
51
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Résumé
Dans cet article, nous illustrerons les principaux fondements et enjeux de la démarche éva-
luative chez le jeune enfant en présentant quelques données nouvelles à la méthode d’éva-
luation de la production spontanée du langage oral accompagnant le jeu chez l’enfant de 24
à 48 mois et l’activité sémantique du récit utilisant un livre d’images sans texte (récit de la
grenouille, Mayer, 1969) chez l’enfant de 4 à 6 ans. L’objectif est de décrire de manière pré-
cise le développement de l'acquisition du langage oral des jeunes enfants dans sa compo-
sante dynamique, c'est-à-dire son rythme, sa régularité, ses variations et de prendre en
compte l’organisation linguistique liée au système de traitement de la parole et du langage
particulièrement dans sa composante lexicale et morphosyntaxique. Les résultats montrent
que pour une durée de 20 minutes, les performances moyennes de la productivité, de la
diversité lexicale et de la maturité syntaxique (LME) évoluent de manière très significative
chez les enfants entre 24 et 33 mois et qu’elles se stabilisent après surtout à partir de 36
mois. L’évaluation précoce de la production du lexique, de la morphologie grammaticale et
de la représentation sémantique des récits devrait permettre au praticien de définir des
objectifs d’éducation mais de repérer aussi les retards d’acquisition du langage et des asyn-
chronies de développement qui peuvent exister chez certains enfants.
Mots clés : morphosyntaxe, évaluation, acquisition du langage, lexique, récit
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Marie-Thérèse LE NORMAND
Directeur de recherche
INSERM
Service d’audiophonologie, de génétique
médicale et de neurologie pédiatrique
Hôpital Robert Debré
18 Boulevard Sérurier 75935 Paris
Courriel : lenormand@rdebre.inserm.fr
L
a pratique orthophonique s’orientant actuellement vers une prise en
charge très précoce, la nécessité d’outils adaptés à l’évaluation du lan-
gage oral d’enfants d’âge pré-scolaire s’impose de plus en plus. Il existe
plusieurs façons d'évaluer le langage chez le tout jeune enfant : l’adaptation
française du compte-rendu parental Bates-McArthur (Fenson et coll 1994, voir
Kern, 2003, Bovet et coll, 2005 pour évaluer les premiers mots 1), l’administra-
tion de tests standardisés (Chevrie-Muller et coll, 1997, Piérart et coll, 2004 ;
Coquet et coll, à paraître) et l’observation dite « naturelle », permettant des
relevés exhaustifs de comportements pour en faire ensuite des analyses verbales
et non verbales (Le Normand, 1986, 1991).
Dans cet article, nous illustrerons les principaux fondements et enjeux de
la démarche évaluative chez le jeune enfant en présentant quelques données
nouvelles à la méthode d’évaluation de la production du langage oral accompa-
gnant le jeu chez l’enfant de 24 à 48 mois ainsi qu’à celle de l’activité du récit
utilisant un livre d’images sans texte (récit de la grenouille, Mayer, 1969) chez
l’enfant de 4 à 6 ans.
1. La production des premiers mots de l’enfant se réfère à des contextes familiers : personnes et objets avec
lequel il est le plus souvent en contact, et qui font partie de son univers familier : membres de sa famille, ani-
maux, nourriture, boissons et jouets. Il a été estimé, dans des études à grande échelle qu’en moyenne un enfant
produit 10 mots à 13 mois, 50 mots à 17 mois, plus de 300 mots à 24 mois. La croissance du vocabulaire serait
critique entre 16 et 20 mois, période de l’explosion lexicale des 50 mots qui s’étendrait sur une période de 4 à
5 mois.
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les jouets, il peut jouer librement avec le matériel proposé. L’adulte assis à ses
côtés, doit se comporter comme un partenaire de jeu bienveillant. Il répond aux
requêtes verbales et non verbales de l’enfant, l’accompagne dans son jeu par des
interactions verbales ou gestuelles, le laisse parler autant que possible sans
intrusion et l’incite à parler, s’il reste silencieux, sans lui poser de questions
mais en l’encourageant par l’utilisation au plus près du contexte de jeu.
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Le logiciel Clan
Pour effectuer les analyses des productions orales recueillies, nous avons
utilisé les outils du CHILDES (http://childes.psy.cmu.edu/). Ces outils permet-
tent de manipuler et d'étiqueter le langage oral : il donne entre autres la possibi-
lité de faire des alignements audio et vidéo avec les transcriptions (conformes
aux conventions de transcription CHAT). Il est ainsi possible de réaliser des
relevés exhaustifs de tous les types de mots de la langue cible en utilisant le
code du CHILDES (Child Language Data Exchange System = Système
d’Echanges des Données du Langage chez l’Enfant) qui ont révolutionné depuis
1981 les opérations de transcription, de codage, de stockage, d’analyse automa-
tique, et de transfert et partage des données (McWhinney, 2000 ; Parisse et Le
Normand, 2000b).
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six ans à sur employer l’article défini, comme si les référents de l’unité [Déter-
minant+nom] étaient connus des auditeurs alors qu’ils ne le sont pas. La relation
entre la connaissance mutuelle et l’emploi des articles n’est pas facile à maîtri-
ser. Une perspective similaire est défendue par Karmiloff-Smith (1979) pour qui
l’article défini est d’abord utilisé dans une fonction déictique, c’est-à-dire en
situation « hic and nunc ». C’est dans un deuxième temps que l’enfant prend
en considération la situation extralinguistique.
Du point de vue des phonologues, l’article est considéré comme un élé-
ment inaccentué qui dépend de l’élément lexical qui suit (l’adjectif/le nom).
L’article n’a pas d’accent individuel. En français, cette dépendance de l’article
est explicite, dans le contexte d’un mot lexical qui commence par une voyelle
ou un « h » dit « muet ». Le français connaît un allomorphe élidé de l’article
défini dans ce contexte :
• « l’avion » peut devenir « le navion »
• « l’éléphant » peut devenir « le néléphant ».
Lorsque l’article défini masculin est sélectionné par les prépositions « à »,
ou « de », deux autres allomorphes apparaissent comme le résultat de la
contraction de l’article défini et la préposition. Étant donné que seuls les élé-
ments ayant le statut de têtes syntaxiques peuvent s’amalgamer, il est attendu
que cette opération ne s’étende pas aux démonstratifs qui sont des catégories
maximales :
• « à » + « le » devient « au » ;
• « de » + « le » devient « du ».
La capacité qu’a l’article défini de s’élider et de se contracter avec les
prépositions (« à » et « de ») relève d’une propriété plus générale d’éléments
nommés « clitiques ».
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Épisode V
Matériel : 5 images
© Conclusion
En privilégiant d’observer l’évolution de la production de la parole et du
langage oral dans un contexte de jeu chez l’enfant de 24 à 48 mois et dans une
activité sémantique non verbale de récit sans texte (histoire de la grenouille,
« Frog where are you », Mayer, 1969) chez l’enfant de 4 à 6 ans, on a pu différen-
cier les régularités et les variations et préciser la chronologie des acquisitions en
fonction de l’âge : leur émergence, leur stabilité, et le moment où elle s’achève.
L’ensemble de ces données sur l’évaluation de la parole et du langage
chez l’enfant à l’âge préscolaire peut contribuer à l’élaboration d’un outil dia-
69
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71
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Résumé
Après quelques considérations sur l’importance de l’évaluation des habiletés pragmatiques
chez l’enfant et les difficultés et limitations de celle-ci, divers instruments et démarches
sont présentés et commentés du point de vue de la pratique clinique. A partir de cette pers-
pective, sont extraits de la littérature les éléments jugés les plus importants pour le dépis-
tage précoce des troubles de la pragmatique chez l’enfant.
Mots clés : pragmatique, évaluation, trouble spécifique du langage, autisme
Abstract
Following discussion of the importance of the assessment of children’s pragmatic [lan-
guage] skills and its difficulties and limits, several instruments and procedures are presen-
ted and discussed from the clinical point of view. Using this perspective, the aspects judged
most important in the literature for early screening of children’s pragmatic [language] disor-
ders are highlighted.
Key Words : pragmatic [language], assessment, specific language disorder, autism.
Marc MONFORT
Logopède
Directeur du centre « Entender y hablar »
Pez Austral, 15, bajo C
28007 Madrid - Espagne
Courriel : marcmonfort@hotmail.com
D
ans cette définition aussi précise que concentrée, il faut souligner plu-
sieurs points importants :
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Son évaluation est donc essentielle mais, comme nous le verrons, elle
reste encore aujourd’hui extrêmement malaisée à réaliser.
Il est même difficile de se mettre d’accord sur une simple énumération
des savoirs et savoir-faire qui sous-tendent les habiletés pragmatiques : on peut
comparer par exemple la proposition de Bowen (2001) :
• savoir qu’il faut répondre quand une question vous est posée ;
• être capable de participer à une conversation en respectant le tour de
parole ;
• être capable de percevoir et de répondre aux éléments non verbaux de la
communication ;
• être capable d’introduire un thème de conversation de façon à ce que votre
interlocuteur puisse vous comprendre ;
• connaître les mots ou petites expressions que l’on utilise pour entamer une
conversation et la gérer ;
• savoir maintenir un thème de conversation ou en préparer un changement ;
• savoir utiliser un contact oculaire approprié ;
• savoir comment parler et se comporter avec différents interlocuteurs.
aux habiletés développementales de Ninio et Snow (1996) :
• intentions communicatives et leurs expressions linguistiques ;
• capacités conversationnelles dans le dialogue ;
• acquisition des stratégies de gestion du discours ;
• adaptation des formes linguistiques aux critères de l’interaction sociale ;
• règles de courtoisie et autres éléments culturels de l’interaction ;
• habileté à comprendre et à utiliser les formes déictiques.
On voit bien les chevauchements dont les différences sont uniquement
expressives mais aussi des éléments dont l’importance est jugée différemment
par chaque auteur.
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chose de partagé ; nous sommes très intéressés par l’entourage et, entre autres
choses, par la perception qu’a celui-ci des difficultés de l’enfant.
Par rapport au concept de « normalisation sociale du langage » qui est
fondamental dans l’intervention orthophonique (c’est notre objectif principal,
bien avant la normalisation statistique des résultats aux tests), les jugements de
personnes différentes nous fournissent des renseignements essentiels. Un pro-
fesseur peut juger le comportement d’un enfant d’une manière plus positive que
sa mère parce que ses difficultés sociales et pragmatiques se révèlent surtout
dans des situations ouvertes, non dirigées (ce n’est pas le cas de la classe, sur-
tout au secondaire). Il peut se passer exactement le contraire quand il s’agit d’un
enfant qui communique bien avec des adultes mais très mal avec des pairs. Une
personne qui ne connaît l’enfant que d’une manière superficielle ne sera peut-
être pas à même de bien apprécier certaines de ses limitations mais il représente
en même temps l’aune du « jugement » général, c’est à dire un critère très
important pour l’intégration sociale et professionnelle.
Le résultat moyen entre toutes les applications d’une même grille est sans
doute un élément intéressant pour mesurer l’évolution de la gravité des troubles
de l’enfant, dans la perspective d’une évaluation dynamique, mais chacun des
résultats, analysés en fonction du statut de celui qui a répondu au questionnaire,
nous semble une information tout aussi intéressante.
La technique du questionnaire fait évidemment partie de l’anamnèse : il
est important d’enrichir parfois notre protocole classique quand la demande est
faite à partir d’une inquiétude qui peut nous suggérer des difficultés dans ce
sens : Tanya Gallagher a proposé il y a déjà plusieurs années un modèle de ce
genre, c’est à dire un questionnaire antérieur à sa propre évaluation (Gallagher
et Prutting 1983).
Situations interactives dirigées
Il existe une série de comportements - cibles que l’on peut essayer de
faire émerger au moyen d’une situation de jeu partagé, le fameux Bain des pou-
pées de la batterie de Chevrie-Muller et col.(1988), par exemple, ou l’évaluation
du langage accompagnant le jeu de Le Normand (1986,1991), de conversation
ou d’apprentissage coopératif dirigé par l’adulte. La plupart des auteurs propo-
sent de fixer notre attention sur des aspects tels que le contact oculaire et la
communication non verbale, l’ampleur des fonctions communicatives, le respect
du tour de parole, l’adaptation au contexte et à l’interlocuteur, la gestion de
l’échange, la pertinence de l’information... Le problème, surtout chez le jeune
enfant, se pose au niveau de la valorisation de certains symptômes (les difficul-
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séparant ce spectre des troubles spécifiques du langage, dans leur version mixte
et concrètement dans le syndrome sémantique pragmatique.
© Conclusion
L’insuffisance de références évolutives et la pauvreté des instruments dis-
ponibles ne justifie pas l’économie de l’évaluation des aspects pragmatiques du
langage et de la communication puisqu’il s’agit là d’un aspect fondamental du
diagnostic et du pronostic des enfants ; c’est précisément en les appliquant que
nous, cliniciens, contribueront à améliorer leur qualité et l’étendue de leurs per-
formances.
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Résumé
Entre 2 et 6 ans l’éclosion du langage oral est contemporaine d’une évolution considérable
de l’enfant au niveau psychoaffectif. Même si ce développement est un tout fortement intri-
qué avec celui du langage, on peut distinguer différents domaines dans la construction de la
personnalité à cet âge. L’un est celui du concept de soi, qui se forge à partir de l’identité
émotionnelle, de l’identité sociale, de l’identité corporelle et sexuelle. L’autre est celui de
l’évolution des relations sociales, tant avec les adultes qu’avec les autres enfants. L’évolu-
tion du langage et de la personnalité de l’enfant se renforcent l’un l’autre plutôt que d’évo-
luer en parallèle, toute atteinte de l’un pouvant retentir sur l’évolution de l’autre. Cette
période marque un tournant important dans la vie psychoaffective de l’enfant. Elle constitue
la première grande marche à franchir pour passer de la dépendance du bébé à l’autonomie
de l’enfance. Elle est préparatoire de l’autre grande marche qui permettra d’accéder à l’in-
dépendance lors de l’adolescence.
Mots clés : développement psychoaffectif, personnalité, concept de soi, relations sociales.
Abstract
Between two and six years, the blossoming of oral language occurs simultaneously with
considerable psychoaffective changes in the child. Even though this development forms a
whole, strongly tied to that of language, it is possible to distinguish different dimensions in
the construction of the personality at this age. One of these is the concept of self, which is
created from emotional identity, social identity, bodily and sexual identity. The other is that of
evolving social relationships, with adults as well as with other children. The child’s language
and personality evolve and reinforce each other rather than going through parallel develop-
ment, and any effect on one may have an impact on the evolution of the other. This period is
a turning point in the psychoaffective life of the child. It marks the first important step to be
taken in going from the dependency of the baby to the autonomy of the child. It prepares the
way for the other important step, which will allow access to independence in adolescence.
Key Words : psychoaffective development, personality, self concept, social relationships.
Régis BRUNOD
Pédiatre et psychiatre
37 rue Anatole France
94270 Le Kremlin Bicêtre
Courriel : rebrunod@aol.com
L
e langage oral se développe de manière exponentielle entre l’âge de 2 et
6 ans. Ce développement d’une des principales fonctions cognitives
influe directement sur le développement psychoaffectif du jeune enfant,
qui lui-même retentit sur le développement du langage. Il contribue donc forte-
ment à la construction de la personnalité dont beaucoup d’éléments fondamen-
taux se mettent en place à cette période de la vie, même si « tout n’est pas joué
avant 6 ans » et que d’importants remaniements peuvent se produire ultérieure-
ment. Cette construction résulte de l’interaction permanente entre le tempéra-
ment dont l’enfant a hérité à sa naissance et les effets de son environnement,
ceci pour aboutir à un caractère original propre à chaque individu. Le langage va
devenir progressivement le support préférentiel de cette interaction à côté des
représentations visuelles ainsi que des autres aspects sensoriels et des autres
moyens de communication. Non seulement le langage intervient comme outil de
communication de l’enfant avec son entourage, mais il participe aussi aux repré-
sentations mentales de ces liens et de l’idée que l’enfant se fait de lui-même,
ceci grâce au langage intérieur qu’il se construit. Nous allons développer suc-
cessivement l’évolution durant la période de 2 à 6 ans de ces deux éléments,
c’est à dire le concept de soi puis celui des relations sociales, même si évidem-
ment les deux aspects sont totalement intriqués dans la réalité quotidienne.
© Le concept de soi
Il est maintenant bien établi que le bébé n’est pas une page vierge sur
laquelle s’imprimeraient les messages de l’environnement, et que dès les pre-
miers jours il possède certaines compétences propres à le distinguer de son
entourage et à faire émerger la conscience de soi. A la fin de sa deuxième année
le nourrisson a déjà la notion de son individualité et de quelques unes de ses
caractéristiques personnelles. Ce sont surtout les aspects sensoriels et psycho-
moteurs de son développement qui l’ont aidé jusqu’à présent dans cette émer-
gence du sens de soi. L’apparition et l’utilisation du langage, conjointement aux
éléments précédents, vont multiplier les possibilités de cette émergence. A cet
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âge l’enfant se décrit à partir d’éléments concrets tels que son sexe, ses habits,
ses cheveux, sa maison, ses parents et frères et sœurs, ce qu’il aime,…Les élé-
ments visibles sont au premier plan et l’enfant privilégie les caractères apparents
des choses, ce qui correspond à son développement cognitif. Même son prénom
peut être assimilé à une caractéristique du même ordre, et c’est d’ailleurs sou-
vent un des premiers mots qu’il saura écrire, mais un peu à la manière d’un des-
sin. A partir de ses expériences et de la compréhension du monde qu’il met peu
à peu en place, le jeune enfant élabore progressivement son propre concept de
soi, souvent simplement dénommé le « moi ». De manière schématique quatre
grands secteurs participent à sa constitution : l’identité émotionnelle, l’identité
sociale, l’identité corporelle et l’identité sexuelle.
L’identité émotionnelle
L’identification et la maîtrise de ses émotions sont probablement une des
acquisitions les plus importantes, mais parfois des plus difficiles, dans la
construction de la personnalité de l’enfant. A deux ans l’enfant est dans l’immé-
diat. Il veut satisfaire ses besoins tout de suite et tolère mal la frustration liée à
l’attente. Il ne peut résister aux tentations. Cette impulsivité physiologique est
bien connue des parents qui vont mettre en place des mesures aptes à protéger
leur enfant d’éventuelles conséquences fâcheuses, dans la rue ou à la maison par
exemple. Mais ils vont aussi entourer leur enfant en lui apprenant à supporter les
temps d’attente et que la réalisation d’un désir puisse être différée. C’est une des
premières expériences de l’enfant pour apprendre à gérer une émotion après
celle de l’attente pour la préparation du biberon. Cet apprentissage va progressi-
vement être étendu par les parents aux autres émotions, mais leur tâche est ren-
due plus ou moins facile par le tempérament sous-jacent de l’enfant. L’acquisi-
tion d’une capacité d’autocontrôle est un des points forts de la construction de la
personnalité chez l’enfant et des études ont mis en évidence une corrélation
entre l’obtention de résultats scolaires élevés dans les études secondaires et la
capacité à tolérer le délai d’attente d’une gratification à l’âge de 4 ans. Les
enfants ayant eu un retard à l’apparition du langage éprouvent souvent des diffi-
cultés à maîtriser leurs émotions à l’âge préscolaire.
Vers l’âge de 3-4 ans, l’enfant va remarquer chez les autres le lien exis-
tant entre certains évènements de la vie et les émotions exprimées par les per-
sonnes concernées : la tristesse par exemple à la perte d’un objet auquel on
tenait ou plus tard après un échec, la joie des retrouvailles ou d’un succès, etc. Il
comprend peu à peu que les émotions naissent d’une relation entre un désir et la
réalité. Intervient alors l’apprentissage des règles sociales dans la manière d’ex-
primer ses émotions : tout ne peut pas se dire n’importe où, n’importe quand ni
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entourage il leur faudra trois ans de plus pour intégrer totalement le concept de
constance du genre.
En même temps que l’enfant apprend à reconnaître son sexe et le fait
qu’il le restera toute sa vie, il intègre le rôle de ce sexe et les stéréotypes qui y
sont liés dans le milieu socioculturel où il grandit. Dès l’âge de 2 ans les enfants
associent certaines occupations avec les hommes ou les femmes et vers 5 ans ils
peuvent même leur attribuer certains traits de caractère. C’est ainsi que dans des
milieux culturels variés, les jeunes enfants croient aux hommes forts et agressifs
et aux femmes faibles et gentilles, ces assertions pour caricaturer brièvement
des études beaucoup plus intéressantes et sophistiquées, et aux résultats évidem-
ment plus nuancés que nos propos.
Cette identification sexuelle et au rôle qui y est associé va bien entendu
influer fortement sur le comportement de l’enfant. On peut remarquer dès la fin
de la deuxième année une préférence pour des jouets dont l’image est nettement
stéréotypée dans l’attribution sexuelle, comme les voitures ou les poupées dans
le contexte culturel occidental. Avant même l’acquisition de la notion de stabi-
lité du genre les enfants montrent une préférence pour les enfants de même sexe
comme compagnons de jeu et à l’intérieur du même jeu accordent plus d’atten-
tion aux enfants du même sexe qu’eux, et en particulier les plus « vieux ».
C’est ainsi que ces derniers « modèlent » les plus jeunes et leur apprennent ce
qu’il faut faire pour avoir l’air d’une fille ou d’un garçon. C’est entre 2 et 6 ans
que l’on observe fréquemment des comportements sexuels croisés, c’est à dire
l’adoption d’un comportement typique de l’autre sexe, le plus souvent un jeu.
Les comportements de « garçonne » des filles seraient mieux tolérés par les
adultes que ceux, « efféminés », des garçons. La crainte non fondée par les
adultes d’une homosexualité ultérieure du garçon semble intervenir dans cette
différence alors qu’à l’inverse les filles aux comportements de garçon auraient
tendance à montrer plus tard une meilleure « affirmation de soi ».
Diverses théories tentent d’expliquer comment l’enfant développe les
comportements correspondant à son sexe. Les psychanalystes parlent d’identifi-
cation au parent de même sexe dans la résolution du complexe oedipien, ceci
même si les processus cognitifs d’identification ne se mettent guère en place
avant 4-5 ans. Le modèle de l’apprentissage social (Bandura) met en avant le
rôle inducteur des parents qui renforcent les comportements qui leur semblent
adaptés au sexe de leur enfant. Pour Kohlberg, qui s’inspire des théories de Pia-
get, ce serait l’acquisition du concept de genre, auquel l’enfant chercherait à se
conformer une fois qu’il en aurait compris le caractère définitif, qui serait déter-
minant. Cette hypothèse semble se vérifier comme sensibilisateur aux représen-
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tations de leur propre sexe une fois le concept de genre acquis, mais il faut
remarquer que les enfants ont des choix orientés sexuellement avant d’avoir
acquis le concept de genre. Un autre modèle, lui aussi inspiré des modèles pia-
gétiens, est celui de schème du genre. La mise en place de la notion de genre se
fait à la manière d’un « schème » au sens de Piaget et commence dès que l’en-
fant fait la distinction entre les deux sexes et reconnaît le sien, c’est à dire au
cours de sa 3ème année. Les expériences quotidiennes ultérieures vont ensuite
venir renforcer ce schème initial, tout comme plus tard l’acquisition de la
constance du genre. Il sera alors possible d’appliquer cette notion aux substan-
tifs pour que le concept de genre puisse aussi concerner la plupart des êtres et
des choses du monde dans lequel vit l’enfant.
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comme ses frères et sœurs. L’enfant ayant vécu un attachement sécurisant avec
sa mère a toutes les chances d’établir une relation gratifiante avec sa maîtresse
de maternelle.
L’autonomie
Alors que pendant les deux premières années de sa vie les parents assu-
rent eux-mêmes totalement tous les besoins de l’enfant, leur préoccupation va
être ensuite de le rendre autonome sans qu’il se mette en danger. L’indépen-
dance que lui donnent ses progrès physiques, cognitifs et linguistiques doit être
canalisée. L’apprentissage de la propreté, la résolution des conflits avec l’auto-
rité et les rivalités fraternelles sont parmi les principales tâches qui attendent les
parents. Il va leur falloir trouver le cadre éducatif adapté au tempérament de leur
enfant : suffisamment discipliné pour qu’il puisse vivre heureux en société mais
pas trop pour ne pas annihiler ses initiatives personnelles. Au cours des troi-
sième et quatrième années son autonomie croissante va de plus en plus souvent
confronter certains désirs de l’enfant à ceux différents de ses parents ou à des
réalités tangibles. L’apprentissage de la tolérance à la frustration devient un élé-
ment majeur de la gestion des émotions à cet âge. L’opposition est l’autre face
de ce miroir et les refus se manifestent surtout vers l’âge de 2-3 ans. Ils peuvent
s’exprimer de manière passive ou par un « non » catégorique. L’intensité et la
persistance de ce mode de réponse dépendront du tempérament de l’enfant mais
aussi du succès qu’il rencontrera auprès des adultes. Avec l’âge et l’évolution
des capacités cognitives et linguistiques de l’enfant, les colères et les pleurs vont
s’estomper pour laisser place à la négociation. Parfois certains parents sont plus
déstabilisés par cette dernière que par une franche opposition pour maintenir le
cadre éducatif, surtout lorsqu’elle est utilisée par d’habiles négociateurs ou
négociatrices.
La structure familiale
Depuis quelques décennies les migrations et les évolutions sociales ont
conduit à une grande diversification des types de structures familiales dans les-
quelles les enfants sont amenés à grandir. De plus en plus de ceux-ci doivent
même arriver à s’adapter successivement à plusieurs types d’organisation fami-
liale au cours de leur enfance. Plus que le type d’organisation familiale en lui-
même, ce sont les dislocations qu’il peut subir ou sa plus ou moins grande
concordance avec le modèle socioculturel environnant qui semble intervenir
dans la genèse d’éventuelles difficultés. Les études longitudinales menées
auprès de familles bi- ou monoparentales montrent que le développement cogni-
tif et social des enfants dépend plus du mode de relation ayant cours dans la
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famille que de son type de structure. Les premières études concernant le déve-
loppement des enfants de parents de différentes orientations sexuelles vont dans
le même sens et montrent que les enfants élevés par des parents homosexuels
développent leur identité sexuelle de la même manière que ceux élevés par des
parents hétérosexuels et qu’ils sont même susceptibles de devenir hétérosexuels.
Les arrivées ou les départs dans la famille (naissance, séparation, remariage,…)
entraînent des bouleversements importants pour les très jeunes enfants, à un âge
où ils apprécient tout particulièrement d’avoir des repères stables dans leur
monde de découvertes quotidiennes. Les conséquences de ces remaniements
peuvent perdurer sur plusieurs années et le mode de réponse des adultes est
déterminant pour aider les petits à surmonter ces moments difficiles. L’effet pro-
tecteur des larges réseaux familiaux a été démontré lorsqu’un des parents se
retrouvait en situation d’avoir à élever seul de jeunes enfants. D’ailleurs ce n’est
pas seulement dans ce cas de figure que les grands parents par exemple prennent
une place particulière dans les pensées des plus jeunes et peuvent contribuer
grandement à leur développement psychoaffectif ainsi qu’à leur langage.
Les relations horizontales
Très tôt les enfants peuvent s’amuser à des jeux solitaires dans leur ber-
ceau. Dès la fin de la première année ils manifestent de l’intérêt pour un bébé du
même âge qui se trouve en face d’eux et pendant la seconde année ils peuvent
mener des jeux parallèles, chacun s’occupant de son côté avec des jouets diffé-
rents. Vers la fin de cette seconde année on peut observer un début de relation
entre les jeux des deux enfants, l’un imitant l’autre par exemple, on parle alors
de jeux associatifs. Mais ce n’est que vers 3-4 ans, au moment de l’entrée en
maternelle, que l’on parle de jeux coopératifs, c’est à dire de jeux où plusieurs
enfants vont produire quelque chose en commun : un jeu symbolique ou phy-
sique où chacun tient son rôle, une construction de quelque nature qu’elle soit,
etc. L’utilisation du langage oral ou d’un moyen de communication équivalent
devient un élément indispensable à la réalisation de tels jeux, mais ce n’est pas
le seul. En effet le développement des jeux n’est pas seulement associé au déve-
loppement des capacités cognitives, mais également à celui des habiletés
sociales. Pour se faire des amis et ne pas se faire rejeter il faut savoir comment
se faire accepter dans un groupe. Les enfants n’ayant pas encore de bonnes
habiletés sociales essaient d’entrer « en force » par des comportements agres-
sifs ou en essayant d’interrompre l’activité en cours, ce qui aboutit le plus sou-
vent à un rejet par les autres. Ce rejet, s’il se répète régulièrement parce que
l’enfant n’arrive pas à trouver d’autres entrées en matière, peut mener à un pro-
cessus d’auto-renforcement du cycle rejet / agressivité qui risque de marquer les
relations sociales ultérieures de l’enfant.
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L’amitié
On a remarqué dans les garderies que dès l’âge de 2 ans certains enfants
montraient une préférence régulière pour un de leurs camarades au cours des
jeux. La prévalence de ce prototype de relation amicale va augmenter pour
concerner la moitié des enfants à l’âge de 4 ans. Elle est souvent basée sur des
intérêts communs, mais elle peut déboucher sur des comportements de récipro-
cité et de soutien mutuel. Ces liens amicaux s’établissent le plus souvent sponta-
nément entre enfants du même sexe, surtout chez les plus jeunes, tandis que les
amitiés entre garçon et fille suscitent des visions plus romantiques chez les
adultes qui s’en occupent. L’apparition des rudiments de théorie de l’esprit coïn-
cide avec celle de comportements altruistes dès l’âge de 2-3 ans, les enfants
commençant à percevoir les états de souffrance chez les autres et cherchant à les
soutenir. Ce sont les enfants qui réguleraient au mieux leurs propres émotions
qui montreraient le plus de comportements altruistes et seraient à même de les
conserver ultérieurement.
La popularité
La notion de popularité commence aussi à intervenir dans les groupes de
jeunes enfants. La compagnie de certains enfants est plus spécifiquement
recherchée par les autres. A cet âge, plus que leur aspect ou leurs aptitudes phy-
siques, ce sont surtout les capacités sociales de ces enfants qui seraient à l’ori-
gine de cet intérêt, mais certains garçons agressifs peuvent également devenir
populaires. A l’inverse les enfants timides, régulant mal leurs émotions ou
même très originaux dans leurs créations, sont parmi ceux qui peuvent être lais-
sés pour compte, voire franchement rejetés.
L’agressivité
La réponse aux frustrations par un comportement agressif est banale chez
les petits. Mais avec le développement du langage on va voir chez la plupart des
enfants le mode de réponse à ces frustrations évoluer. D’une agressivité phy-
sique dirigée contre les objets ou les personnes, l’expression de l’agressivité va
progressivement se faire sur un mode verbal avec l’aide d’un lexique que l’en-
fant utilise sans toujours vraiment comprendre le sens ou l’intensité de mots
qu’il utilise parce qu’ils l’ont séduit. Parallèlement on voit se développer dans
les groupes une organisation hiérarchique avec apparition de relations de domi-
nance, organisation qui contribue peut-être à la diminution des comportements
agressifs. A l’inverse, les enfants évoluant dans un milieu où l’agressivité est
régulièrement utilisée par les adultes avec succès pour régler leurs conflits sont
à risque de façonner leur comportement sur ce modèle. Il faut mettre à part les
comportements agressifs limités aux relations entre frères et sœurs qui ne sem-
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© Conclusion
Le développement du langage oral s’accompagne d’une évolution consi-
dérable du modelage de la personnalité du jeune enfant et de ses relations
sociales. Ses relations avec les membres de sa famille, les autres adultes et les
autres enfants, les différentes facettes de son identité évoluent grâce aux sym-
boles que l’enfant peut utiliser pour communiquer ses pensées et comprendre
celles des autres. Ses capacités sociales sont directement en lien avec ses capaci-
tés de communication et réciproquement. Toute atteinte de l’une des deux fonc-
tions retentit considérablement sur l’autre.
Le contexte psychoaffectif oriente le langage dans ses thèmes : c’est ce
qui occupe ou préoccupe l’enfant, qu’il a envie de partager avec son entourage
par le langage. Les sujets abordés commencent à se différencier suivant les
interlocuteurs et un thème aussi plébiscité à cet âge que celui du contrôle
sphinctérien n’est pas abordé de la même manière avec les parents qu’avec les
copains. Non seulement le langage facilite la compréhension et la mise en place
d’une activité aussi fondamentale pour l’enfant que celle du jeu, mais il devient
lui-même un jeu fantastique où l’enfant réalise rapidement qu’à l’intérieur de ce
registre tout devient possible. L’imagination peut enfin prendre le pouvoir en se
démarquant des basses contingences matérielles et l’ère de la fabulation s’ouvre
au jeune enfant. Il se rend vite compte ainsi du pouvoir considérable que lui
confère l’acquisition du langage. Assez rapidement, il va également moduler la
forme de son langage suivant le contexte social et n’utilisera pas le même voca-
bulaire ni la même syntaxe avec ses parents, ses copains ou des inconnus, en
changeant de registre de manière plus ou moins automatique une fois que ses
parents l’auront aidé à différencier quelques convenances sociales de base.
Comme toute autre fonction apparaissant au cours de la croissance, le
langage oral ne se met pas en place de manière isolée. La connaissance du
contexte psychoaffectif dans lequel il se développe est un élément fondamental
à prendre en compte lors d’un bilan de langage oral chez le jeune enfant. Cela
ne signifie pas qu’il faille compléter le travail plus spécifiquement orthopho-
nique par une étude exhaustive de ce contexte pour chaque enfant, mais plutôt
d’en avoir une bonne connaissance générale en n’hésitant pas à demander l’aide
d’un collègue plus spécialisé (psychologue ou psychiatre compétents dans le
domaine de l’enfance) quand on se demande si certains éléments particuliers de
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REFERENCES
de BOYSSON-BARDIES, B. (1996). Comment la parole vient aux enfants. Paris : Odile Jacob.
BEE, H., BOYD D. (2003). Psychologie du développement (adaptation française). Bruxelles : De Boeck.
[Titre original : Lifespan development, 2002, Allyn & Bacon : Canada]. Sous la direction de J.
RONDAL et E. ESPERET. (1999). Manuel de psychologie de l’enfant, Sprimont, Belgique :
Mardaga.
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Résumé
L’association fréquente de troubles psychomoteurs, notamment le Trouble de l’Acquisition
de la Coordination et le Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité, et de troubles du langage
oral chez le jeune enfant rend nécessaire la prise en compte des données de l’examen psy-
chomoteur. Différents domaines sont abordés au cours de cet examen : les coordinations
motrices (générales et fines), l’équilibre, les praxies gestuelles et visuo-constructives, les
aspects visuo-spatiaux et visuo-moteurs, la dominance latérale, le tonus. Ces éléments
favoriseront tout à la fois une prise en charge plus adaptée et une réflexion sur d’éventuels
mécanismes plus généraux communs au langage et à la motricité.
Mots clés : comorbidité, troubles neurodéveloppementaux, évaluation psychomotrice, dia-
gnostic.
Abstract
The frequent association in the young child of, on the one hand, psychomotor disorders, in
particular developmental coordination disorders and attention deficit/hyperactivity disorder
and, on the other hand, oral language disorders makes it necessary to take into considera-
tion data from psychomotor testing. Different areas are examined during testing: general
and fine motor coordination, balance, gestural and visuo-constructive praxies, the visuospa-
tial and visuomotor aspects, laterality and muscle tone. These aspects encourage better-
adapted care as well as consideration of more general mechanisms common to both lan-
guage and motor skills.
Key Words : co-morbidity, neuro-developmental disorders, psychomotor evaluation, diagnosis.
Jean-Michel ALBARET
Maître de conférences universitaire
EA 3691 “Laboratoire Adaptation
Perceptivo-Motrice et Apprentissage”
Directeur de l’Institut de Formation en
Psychomotricité
Faculté de Médecine de Rangueil
133, route de Narbonne
31062 Toulouse cedex
Courriel : albaret@cict.fr
L
’intérêt d’un examen psychomoteur pour les enfants de moins de 6 ans
présentant un trouble du langage oral trouve une justification, d’un point
de vue théorique, dans la présence particulièrement fréquente de troubles
associés au niveau moteur. Cette notion de troubles comorbides est devenue
incontournable dans la compréhension des troubles du développement diagnos-
tiqués chez l’enfant (Corraze, 1999) et occupe une position centrale dans diffé-
rents modèles théoriques actuels (Kaplan et al., 2006 ; Ramus, 2004). L’évalua-
tion d’un enfant suspecté d’avoir un trouble spécifique du langage nécessite
donc le recours à une équipe multidisciplinaire (Fernell et al., 2002 ; Ors,
2002 ; Westerlund et al., 2002).
1. « Les troubles psychomoteurs sont des troubles neurodéveloppementaux qui affectent l’adaptation du sujet
dans sa dimension perceptivomotrice. Leurs étiologies sont plurifactorielles et transactionnelles associant
des facteurs génétiques, neurobiologiques et psychosociaux qui agissent à différents niveaux de complémen-
tarité et d’expression. Ils sont souvent situationnels et discrets, entravant en priorité les mécanismes d’adap-
tation, constituant une source de désagrément et de souffrance pour le porteur et le milieu social. Leur ana-
lyse clinique nécessite, outre une connaissance référentielle approfondie du développement normal, des
investigations spécifiques dont l’examen psychomoteur. » (Albaret, 2001).
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avec une telle comorbidité sont considérés comme ayant des difficultés sévères
au niveau de l’intégration visuo-motrice et des scores au test d’intelligence infé-
rieurs à ceux des enfants présentant un TDAH ou un langage normal associé à
d’autres troubles psychiatriques (Beitchman et al., 1987). De plus, le fait de pré-
senter, pour des enfants TDAH, un trouble du langage associé affecte de façon
significative les performances en mémoire de travail que le matériel soit verbal
ou non (Cohen et al., 2000 ; Williams et al., 2000).
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2. L’épreuve du “pantin” consiste, l’enfant étant debout pied joints et bras le long du corps, à sauter en écar-
tant les jambes et en levant les bras pour taper dans les mains au-dessus de la tête, puis à sauter en ramenant
les jambes et les bras en position initiale.
3. Pour “l’animal préhistorique”, l’enfant est à quatre pattes, genoux en extension, et doit avancer successive-
ment et indépendamment une main puis l’autre et un pied puis l’autre.
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sence et l’intensité des syncinésies au cours de ces items (aspect qualitatif). Des
normes existent pour les enfants de 5, 7, 9, 12, 15 et 18 ans. Différentes études
de fidélité ont été réalisées (Largo et al., 2001a et b). La batterie ZNA comporte
les items suivants :
• Mouvements répétitifs des doigts, des mains et des pieds ;
• Mouvements alternatifs des mains en position assise et debout (diadococi-
nésies), des pieds ;
• Mouvements séquentiels des doigts ;
• Pegboard ;
• Equilibre dynamique (sauts) ;
• Equilibre statique ;
• Marches contraintes (sur les orteils, sur les talons, sur la face externe ou
interne).
NP-MOT
La batterie d’évaluation des fonctions neuro-psychomotrices de l’enfant
(NP-MOT, Vaivre-Douret, 2006) reprend, en les modifiant, un certain nombre
d’épreuves originellement développées par l’équipe de Zazzo (1960) auxquelles
sont ajoutées différentes épreuves motrices. Elle porte sur neuf fonctions qui
sont évaluées par plusieurs items :
• Tonus – ballant, extensibilité, mobilisation passive des membres, tonus de
soutien (assis), tonus d’attitude, réflexes rotuliens, tonus d’action ;
• Motricité Globale – équilibre dynamique (marches et saut), équilibre sta-
tique (pieds joints et unipodal) ;
• Latéralité – spontanée, usuelle, « psychosociale » (pantomimes) ;
• Praxies manuelles – prono-supination bimanuelle symétrique et asymé-
trique, touche pouce / index, opposition pouce / doigts ;
• Gnosies tactiles digitales ;
• Habileté oculo-manuelle – mettre des jetons dans une boîte ;
• Orientation spatiale – connaissance droite / gauche sur soi, sur autrui et
par rapport à des objets, orientation par rapport à un plan ;
• Rythme – tempo spontané, adaptation aux rythmes auditivo-visuo-kines-
thésiques, adaptation aux rythmes auditivo-visuo-moteurs (frappe et
marche) ;
• Attention auditive (sélective) – épreuve de frappes.
La batterie a été étalonnée sur une population de 452 enfants âgés de
4 ans à 8 ans 5 mois. Différentes études de fidélité (test-retest, inter-observa-
teurs) et de validité (contenu et construction) ont été réalisées.
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Figure de Rey
La figure complexe de Rey (1959) est constituée de formes géométriques
sans signification évidente, construites autour d'un rectangle. Différentes fonc-
tions sont mesurées : visuo-spatiales et visuo-constructives, planification ou
fonctions exécutives, mémoire d’informations visuelles complexes. La passation
comporte deux parties : une copie réalisée à l’aide de plusieurs crayons de cou-
leur et une reproduction de mémoire après un délai de 3 minutes.
La richesse et l'exactitude de la copie sont déterminées en notant la pré-
sence et le placement des 18 éléments qui composent la figure. Le type d’orga-
nisation de la construction (prise en compte de l'armature, contour général, jux-
taposition de détails) est également considéré ainsi que le temps de copie. La
figure A peut être utilisée dès 4 ans mais il existe une figure (B) plus simple qui
paraît plus adaptée pour les enfants les plus jeunes et qui est étalonné de 4 à
8 ans avec un effet plafond dès 6 / 7 ans.
Test des bâtonnets
Le test des bâtonnets, élaboré initialement par Butters et Barton (1970)
pour mesurer les praxies visuo-constructives et la capacité à opérer des transfor-
mations spatiales (réversibilité) chez l’adulte, consiste en une reproduction à
l’identique de dix modèles réalisés au préalable par l’expérimentateur à l’aide
de deux, trois ou quatre bâtonnets dans le même sens que le modèle, puis en
sens inverse. Une adaptation française a été réalisée pour les enfants de 6 à
10 ans (Albaret et Couderc, 2003).
Test de praxies tridimensionnelles (Benton, 1968)
Ce test fournit également une mesure des praxies constructives avec mani-
pulation, il propose trois assemblages, de difficulté croissante, réalisés à partir de
pièces de bois de tailles et de formes différentes (parallélépipèdes et cubes). A
partir d’un modèle, l’enfant doit reproduire la construction. Un étalonnage est
disponible pour des enfants de 5 ans 4 mois à 10 ans 3 mois, âge auquel la per-
formance est maximale pour plus de la moitié des sujets (Duliot, 1984).
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© Dominance latérale
La dominance latérale peut être appréciée par l’épreuve d’Auzias (1975)
dans laquelle sont observées des réalisations de gestes utilisant différents maté-
riels présentés à l’enfant. Un quotient de latéralité est calculé. L’épreuve est
constituée de 20 items, dont 10 fortement différenciateurs qui sont les suivants :
allumette, piquage, cirer les chaussures, transvaser, planter une épingle sur bou-
chon, tapping, gommer, se brosser, compte-gouttes, cuillère, clochette.
Dans une étude utilisant une épreuve de ramassage, dans un ordre aléa-
toire, de 7 tas de 6 cartes disposés en arc de cercle tous les 30 degrés devant les
sujets, Hill et Bishop (1998) trouvent que les enfants présentant un trouble spé-
cifique du langage, avec ou sans troubles moteurs associés, sont moins bien laté-
ralisés que les enfants ordinaires.
© Batteries neuropsychologiques
NEPSY – Bilan Neuropsychologique de l’enfant
Cette batterie, directement inspirée des travaux de Luria (1973), évalue le
développement de cinq domaines neuropsychologiques : Attention et fonctions
exécutives, Langage, Fonctions sensorimotrices, Traitements visuo-spatiaux,
Mémoire et apprentissage (Korkman et al., 2003, version française). Dans cha-
cun de ces domaines, des subtests de base sont complétés par des subtests com-
plémentaires et optionnels, le tout assorti d’observations qualitatives. Les diffé-
rents subtests peuvent être utilisés séparément. Elle est destinée aux enfants de 3
à 12 ans.
Les subtests de base des Fonctions sensorimotrices sont Tapping (simple
et séquentiel pour évaluer la dextérité digitale et la vitesse d’exécution), Imita-
108
texte 231 21/04/08 15:18 Page 109
© Conclusion
La place importante du langage dans le développement du jeune enfant ne
doit pas faire oublier pour autant que les aspects moteurs et psychomoteurs
jouent aussi un rôle, y compris dans la réalisation dudit langage. Au-delà de ce
qui pourrait n’être qu’une simple boutade, il est fondé de penser que des méca-
109
texte 231 21/04/08 15:18 Page 110
nismes communs peuvent être à la base de troubles différents ayant pour cibles
des domaines apparemment sans liens. La question de l’association fréquente de
troubles neurodéveloppementaux a donc pour conséquence pratique la nécessité
de ne pas se focaliser sur les seuls signes d’appel ou sur les manifestations les
plus visibles mises en avant lors d’une consultation. Un examen psychomoteur
constitue donc, dans de nombreux cas, un complément indispensable aux exa-
mens orthophonique et psychologique afin de favoriser une vue d’ensemble des
différentes manifestations pathologiques et d’orienter le parcours de soins.
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Résumé
Entre deux ans et six ans, l’enfant passe, à propos des objets qui l’entourent, de centrations
qualitatives à des centrations quantitatives lui permettant d’aborder le nombre dans toute sa
dimension.
Nous avons illustré cette évolution au travers des observations de quatre enfants avec le
même matériel et au cours d’une activité libre avec des billes chinoises. Les composantes
du nombre sont multiples, dépassant celle du simple dénombrement, et émergent dans un
contexte de nécessaire organisation de la pensée. Nous posons donc ici quelques jalons
pour observer l’enfant durant le bilan de langage oral.
Mots clés : observation cognitive, centration sur l’objet, élaboration de classifications, pen-
sée qualitative / quantitative.
Suggestions for cognitive observation of the two to six year old child
during speech and language assessment of oral language
Abstract
Between two and six years, children go from qualitative to quantitative focusing on the
objects around them, thus confronting the concept of number in all its dimensions.
We illustrate this evolution through observations of four children using the same materials
and during free activities with Chinese marbles. There are multiple components of number,
going beyond simple counting, and they come to light within the context of the indispen-
sable organisation of thought. Here, we suggest several guidelines for observing the child
during oral language assessment.
Key Words : cognitive observation, focusing on the object, development of classifications,
qualitative/quantitative thinking.
Marie-Paule LEGEAY
Orthophoniste, membre de Cogi’Act
38 rue Avisseau
37000 Tours
Courriel : mplegeay@wanadoo.fr
Marylène STROH
Orthophoniste, membre de Cogi’Act
53 route de Bischwiller
67300 Schiltigheim
Courriel : ortho.stroh@wanadoo.fr
A
u cours de cet article, nous proposons d'examiner l'enfant lors de
séquences d'activités libres avec des billes plates appelées aussi billes
chinoises.
Nous entrevoyons comment les enfants ont une élaboration différente à
partir du matériel proposé. Ces diverses élaborations nous paraissent non seule-
ment traduire leurs préoccupations numériques, mais aussi exprimer leur façon
plus générale d’être au monde. Nous considérons que le langage employé lors
de ces différentes activités reflètera à la fois le niveau d’organisation de la pen-
sée de l’enfant et le besoin de communiquer ce qu’il a compris de la situation.
Ainsi, après l’analyse des conduites face aux collections présentées, nous
situons chaque enfant par rapport aux points suivants :
- les différentes centrations concernant l'objet et son identité, permettant
de passer de la lecture des propriétés (aspect qualitatif) à la mise en correspon-
dance, puis à la mise en relation (aspect quantitatif).
- l'élaboration des classifications : constitution des classes d’objets pou-
vant être mis en relation.
Nous verrons ainsi quelles constructions sont nécessaires à l'enfant, pour
que, indépendamment de la nature de l'objet, celui-ci puisse être considéré
comme « un », puis comme « un parmi » pour enfin parvenir à être un « outil »
de dénombrement.
En effet, au-delà de l'unité de l’objet, son unité interne, l'enfant va passer,
entre deux et six ans, à l'unité d'objet c'est-à-dire à l'idée que n'importe quel
objet peut être le représentant de l'unité qui devient unité en soi, concept d'unité.
C'est ainsi que de l'unité qualitative comme unité de l'objet, on passe à
l'unité quantitative, abstraction faite de la réalité de l'objet. En dehors des
aspects « capacité à énoncer les mots nombres, capacité à pointer », le dénom-
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brement ne peut avoir lieu que sur des UNS distincts, reconnus comme équiva-
lents et substituables à l’intérieur de classes d’objets.
© Noémie (2 ans)
Observation
Temps 1
Noémie met la main dans le sac, tripote les billes visiblement avec délice,
elle ne dit rien mais elle change de main et recommence. Elle verse le contenu
du sac sur la table et déplace quelques billes puis les prend dans sa main et les
lance en l’air en rigolant plusieurs fois en s’exclamant « y’a ! » ; elle fait
semblant de les mettre à la bouche tout en regardant l’adulte pour s’assurer que
ce n’est guère « recommandé ». Elle les pose les unes à la suite des autres
comme une longue queue leu leu (environ la moitié des billes) et laisse les
autres en vrac sur la table puis elle pose son index sur le premier, puis le
deuxième et ainsi de suite presque jusqu’à la fin de sa file et dit « hop, hop,
hop » à chaque fois. Puis, elle délaisse le jeu.
Temps 2
Noémie regarde, curieuse de voir ce qu’il y a dans ce sac un peu plus gros
que celui de la fois précédente, écarte un peu les bords, s’exclame « oh la la ! »
et se précipite à verser tout le contenu sur la table : « c’est beau ! ». Elle les
tripote, les passe d’une main dans l’autre, les lance en l’air, s’exclame « bing »
quand elles retombent ; elle lance des petites, puis des grandes, puis des petites,
puis des grandes et là elle se bouche les oreilles comme si elle s’attendait à un
115
texte 231 21/04/08 15:18 Page 116
gros bruit. De nouveau elle lance les billes sans faire attention à la composition
de ce qu’elle lance. Nous lui glissons un couvercle de boîte en carton pour rat-
traper les billes, elle s’étonne un peu et s’amuse à les lancer pour que ça tombe
dans le couvercle (enfin plus ou moins) et à chaque fois elle s’exclame « et
y’a ! Et y’ou ! », la première onomatopée plus spécialement pour le lancer des
petites billes et la deuxième pour le lancer des grandes. Nous lui glissons un
couvercle de boîte métallique, de nouveau elle s’étonne, elle lance et se tait puis
les « et y’a et y’ou » reprennent. Nous lui laissons les deux couvercles à sa dis-
position : elle met toutes les billes dans le couvercle en carton puis transvase
dans le couvercle métallique et annonce « a plus » ; elle recommence dans
l’autre sens et affirme de nouveau « a plus ». Et le jeu s’arrête là.
Commentaire
Analyse des conduites
Noémie manipule les billes avec grand plaisir ; la manipulation du pre-
mier sac de billes montre clairement qu'elle s'inscrit dans « ce qui peut être
fait » avec les objets qu'elle a devant elle.
Face au deuxième sac de billes plates, elle reste au même niveau percep-
tif. On la voit passer un long moment à la découverte des propriétés de ces
objets, avant de s'interroger sur « ce qui est à faire avec ces billes-là », puis
elle décide de les lancer en l’air. Les billes deviennent donc « à lancer ». Elle
signifie l'effet de son geste en disant à chaque fois « bing ». Elle rend les billes
plates identiques sous « bing », puis, ce faisant, se met à les différencier. Elle
anticipe alors le fait que la « retombée » des grandes n'aura pas le même effet et
se bouche les oreilles. Nous notons que ce moment est important parce qu'il
construit certes que toute action a le même effet (si je lance les billes en l’air,
elles retombent), mais que cet effet n'est pas toujours identique, il a des proprié-
tés particulières aussi, différentes selon ce qui l’a créé (petite bille entraîne petit
bruit, grande bille entraîne grand bruit).
Puis l'adulte présent avec l'enfant tente, par l'introduction d'un couvercle
de boîte, de changer le statut de l'action de l'enfant. De « lancer en l'air », l'ac-
tion devient rapidement « lancer en l'air pour que cela retombe dans le cou-
vercle ». Nous considérons comme essentiel le moment où l'enfant accepte de
changer le statut de l'action ; ici elle devient un but.
116
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cer en l'air et observer l'effet de son action. Piaget caractérise le schème d’action
comme relié à un objet, la signification de l’objet étant ce que l’action effectue :
les perles sont à enfiler en collier, l'eau est à boire ou à verser,... Lorsque Noé-
mie nomme les objets qu'elle a devant elle, elle parle de « le caillou » ou « ce
caillou ». Elle reconnaît l'objet, c'est tout. Elle ne peut prendre en compte que
des objets particuliers. Son intérêt cognitif va vers des « objets-actions ». Elle
reste dans le domaine du singulier, du particulier. Un caillou quelconque de la
collection ne désigne pas un représentant quelconque de la catégorie des
cailloux sur la table, mais un élément singulier et déterminé. Sa pensée n'est pas
préoccupée par les transformations ou plutôt, s'il y a transformation, c'est que ce
n'est plus le même objet.
Lorsque Noémie fait des queues leu leu avec une partie des billes, elle
montre qu'elle réunit par juxtaposition ou énumération des objets qui sont
« mêmes ». Elle forme une collection par colligation. Son « hop » répété lors-
qu'elle pose son doigt sur chaque caillou de la file vient signifier qu'elle leur
attribue bien ce statut de « mêmes ». Elle nous dit qu'elle a bien dégagé le carac-
tère stable de l'objet (la nature de la matière dont est fait l'objet, sa couleur, etc.).
De même, elle identifie des différences à ces billes (petites / grosses) par le biais
d’effets différents lors d’actions identiques d’où la nécessité de donner deux
onomatopées différentes. Elle pointe « des objets identiques en n’insistant pas
sur la nature de l’objet mais bien sur une qualité particulière « être un de plus
de la même espèce », « appartenir à une collection définie ». » (Droz, 1991).
Son « a plus » termine son action, elle a besoin de signifier qu’elle a passé en
revue toutes les billes sous la même action.
117
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Temps 2
D’emblée en voyant les billes, Adrien s’exclame : « c’est pas les
mêmes ! ». Il commence à aligner les grosses billes vertes et, avant d’avoir
épuisé la collection, il essaie de les mettre en correspondance une à une, mais
comme elles sont en nombre impair, il est visiblement gêné : « ça va pas ! – et
pourquoi ça va pas ? – là y’en a pas ! » dit-il en montrant la bille sans parte-
naire « il en faut une autre ». Ne la trouvant pas cette autre identique, il lui
attribue alors une grande bille blanche ce qui l’amène finalement à détruire les
paires effectuées pour attribuer une grande bille blanche à chaque grande bille
verte mais cela lui pose problème car il y a plus de billes blanches que de billes
vertes « ça va toujours pas », dit-il en soupirant et il défait tout. Finalement il
les met deux par deux « allez !... En rang, les enfants ! », sans s’occuper de la
couleur, les petits devant, les grands derrière.
Commentaire
Analyse des conduites
Au temps 1, lorsqu' Adrien affirme devant l'assemblage qu'il a fait :
« c'est un soleil », puis « une fusée», il désigne un objet qu'il a construit ici et
maintenant (le soleil, la fusée). Mais, très vite, l'objet « fusée » subit une
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© Lucas (5 ans)
Observation
Temps 1
« Des billes !»… Lucas en regroupe une bonne partie en petits tas mais
non égaux entre eux. Puis il commence à compter les billes « un, deux, trois,
quatre, cinq, six », s’arrête, regarde dans le sac, semble réfléchir et décide qu’il
va faire « une maison ». Il prend quatre billes, une à une, en les comptant et les
dispose horizontalement puis il continue toujours le « un, deux, trois, quatre »
(il énonce chaque mot-nombre en même temps qu’il prend une bille et la pose)
pour faire la verticale, puis l’autre ligne horizontale, puis la dernière verticale.
Cela revient à avoir cinq billes sur chaque côté, mais il ne tient pas compte de la
différence entre le comptage effectué et le résultat. Il rectifie seulement l’aspect
spatial pour que ce soit un carré. Puis il prend quelques billes sans les compter
et fait un toit proche d’un triangle bien qu’un peu arrondi.
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Temps 2
Devant les billes du deuxième sac, Lucas commence à réaliser des col-
lections de billes identiques. Puis il met face à face les grandes billes vertes et
les grandes billes blanches et comme il y a plus de billes blanches, il semble
désarmé : « il y en a plus ! – plus de quoi ? – là il y a plus et là il y a pas
plus ! ». Il laisse tomber les grandes billes et fait la même correspondance
avec les petites billes mais comme cette fois il y a autant de billes orange que
de billes blanches, il affirme : « c’est pareil… là c’est plus et là c’est plus ».
Nous lui cachons « sous un tunnel » les billes blanches toujours en ligne et
lui demandons si sous le tunnel il y en a plus, moins ou pareil beaucoup que
tout à l’heure. Il nous regarde et affirme « pareil – pourquoi ? – parce que
t’en as pas rajouté ». Nous lui laissons le tunnel, il joue à cacher certaines
parties de ses billes puis à les faire réellement passer sous le tunnel avec un
bruit de voitures. Quand toutes les billes blanches sont passées, la configura-
tion des billes représente une vague ligne. Il commence à les remettre en ligne
et il s’avère que les deux premières sont en correspondance. Nous lui posons
alors la question « Il y a plus de blanches, plus de orange ou la même chose
beaucoup des deux ? – plus de blanches – Pourquoi ? – là ça va jusque là, là
c’est plus long – Et avant, au début c’était comment ? – c’était pareil, les
deux allaient jusque là ! ».
Commentaire
Analyse des conduites
Au début, Lucas dénombre sans but, se laissant porter à la fois par la
comptine et ses habitudes scolaires de Grande Section de Maternelle ; puis le
dénombrement devient un besoin pour mettre en œuvre la connaissance acquise
antérieurement qu’un carré a quatre côtés égaux. Il ne relie toutefois pas l’action
de prendre 4 billes et l’état final « avoir un carré de 5 de côté ». Notons toute-
fois qu’il y a anticipation de l’action à faire, certes dans un futur très immédiat,
et mise en œuvre de moyens pour la réaliser.
Dans la deuxième partie, la mise en correspondance terme à terme
entraîne des comparaisons « y’a plus », mais sans réversibilité : il ne men-
tionne pas que le ‘plus’ de l’un implique le ‘moins’ de l’autre (et pourtant il
connaît le mot), il signifie simplement que les deux collections ne sont pas
regardables de la même manière mais que lui n’a qu’un point de vue : les
« plus » et les « pas plus » ; ce ne sont que les prémices des mises en relations
où on aura non seulement des « plus » et des « moins » mais surtout des
« plus de blanches que de orange ».
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© Margaux (6 ans)
Observation
Temps 1
Margaux regarde les billes, les effleure. « Y’en a dans la cour de l’école
ils jouent aux billes mais elles sont pas comme celles-là ! – Comment elles
sont ? – toutes rondes – Et qu’est-ce qu’ils font avec ? – ils jouent ; ils tapent
avec une bille comme ça (geste des doigts). – Et là qu’est-ce que tu peux en
faire ? – jouer avec … mais je sais pas y jouer aux billes … j’sais pas quand
c’est bon ». Alors elle prend les billes et en fait des petits tas : d’abord des
petits tas indifférenciés en nombre (trois à six) puis très vite, elle les organise en
petits tas de trois, puis elle les réorganise en tas de quatre pour finalement les
mettre en tas de deux « parce que ça tombe juste » !
Et puis spontanément elle se met à étaler en deux lignes et à dénombrer la
première ligne : « 1, 2, 3… 23 – Et avec les autres, il y en a combien de
billes ? – 23 et 23 … mais je sais pas combien ça fait - Et comment tu peux faire
pour le savoir ? ». Elle reprend son dénombrement et alors que nous lui
cachons la première ligne, elle fait une correspondance entre la bille restant
visible et la bille cachée un - deux, trois - quatre, …etc. et ainsi arrive à « 46 »
après nous avoir demandé ce qu’il y avait « après 29 » et « après 39 ».
Temps 2
« Celles-là ne sont pas pareilles ! – pareilles que quoi ? – y’en a des
vertes, y’en a des orange et pis aussi y’en a des blanches et pis aussi y’en a
aussi des grandes ». (Elle ne dit pas qu’il y en a des petites, peut-être veut-elle
juste souligner la différence par rapport à celles vues précédemment). Et en
même temps qu’elle dit cela elle sépare les grandes et les petites et sépare
encore les billes par couleur. Elle essaye de les organiser spatialement mais
« elles ne sont pas pareilles (air embêté) – pourquoi donc ? – là y’a des vertes
et des blanches et là y’a des orange et des blanches – et alors qu’est-ce qu’il
faudrait faire pour que ce soit pareil ? – faudrait des orange là … t’en as pas ?
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guer, mais aussi séparer et réunir mentalement ce qui est de l'ordre de la matière
ou de la forme. Elle se met alors à admettre des compensations au sein d'un objet :
plus la boule de pâte à modeler prend de place sur le bureau, moins elle est haute.
Elle peut composer des transformations puisque sa pensée est devenue réversible.
Elle passe progressivement de l'identité de l'objet à sa conservation en dépit des
transformations. De même, dans une épreuve de conservation numérique, elle éta-
blit une correspondance terme à terme et une équivalence durable entre les collec-
tions, quelle que soit la disposition spatiale des éléments. Toute transformation
spatiale portant sur la disposition des éléments va être corrigée par une opération
inverse. Le nombre est invariant, l'idée du nombre est construite, même si ses cer-
titudes demeurent fragiles lorsque les leurres perceptifs sont trop importants pour
lui permettre d’effectuer les compensations nécessaires.
Elaboration des classifications
Elle réalise des collections non figurales elle fait des petites collections
identiques qu’elle trouve par approches successives (d’abord la taille puis la
couleur). Elle n’énonce pas de projet de classement et n’envisage pas encore de
remaniement au sein des collections.
Le monde de Margaux est un monde de relations, et par là même, un
monde de quantité. Elle a surmonté la conception qualitative du même (même
couleur, même forme perceptive, … etc.) parce qu'ici comme là il y en a pareil
ou autant. Elle dispose désormais de l'opération nécessaire à la conception du
« même nombre (que) ».
La question du « combien ? » est devenue pertinente pour elle. Margaux
sort de sa manière infantile de penser, elle distingue le sentiment immédiat de la
compréhension objective, elle n' « éprouve » plus seulement les objets, elle les
a construits. La causalité est consciente et objectivée. C'est maintenant elle qui
impose son organisation aux objets, et non plus l'inverse.
© Conclusion
Au travers des observations de ces quatre enfants, nous nous sommes
arrêtées quelques instants sur leurs actions différentes à propos du même maté-
riel : nous avons mis ainsi en exergue des organisations d'actions différentes qui
relèvent d'une façon différente d'être au monde.
Nous avons choisi volontairement des situations porteuses de nombre
mais ne l’avons pas suggéré. Au contraire, nous avons vu que, notamment pour
les enfants les plus jeunes, le nombre n'apparaît pas d'emblée comme élément
déterminant d’une situation qui pourtant le portait en elle. Nous avons tenté de
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montrer, comme le dit Droz (1991), que les enfants « font n’importe quoi des
nombres et de ce qui leur ressemble. Ils en font surtout ce dont ils ont besoin à
un moment donné ».
Concernant le langage, les propos de chaque enfant ne sont pas des lec-
tures simples de l’expérience perceptive mais reflètent la construction interne du
moment. Ils sont toujours porteurs d’une signification qu'il convient de décoder
selon plusieurs regards : les nuances lexiques et syntaxiques ont leur place dans
un champ d’analyse cognitive.
Enfin, nous avons fixé quelques jalons concernant l'évolution des jeunes
enfants face à la construction de l'objet et de son identité, des classements, puis
des classifications. Ces jalons trouvent leur place à l’intérieur du bilan de lan-
gage oral du jeune enfant et peuvent aider tout praticien dans le décodage d’une
activité spontanée de celui-ci, avant l'émergence du nombre. Ce dernier nous
apparaît comme une réelle construction mentale et non uniquement comme le
produit d'un apprentissage.
« Le nombre naît à l'instant où s'impose une organisation fixe des collec-
tions finies concrètes, c'est-à-dire quand la différence reconnue entre des
ensembles de trois et de quatre pommes devient le principe d'une hiérarchisa-
tion précise, linéaire et ordonnée, de ces collections selon l'une de leurs caracté-
ristiques qu'on appellera leur quantité, et qui viendra répondre à la question du
combien ? Le nombre « psychologique » est donc déjà une structure close et
séparée, présentant l'aspect d'une échelle de mesure à l'aune de laquelle il est
loisible d'ordonner, selon leur cardinalité ou leur quantité -qui n'est au départ
qu'une qualité parmi d'autres qui se « quantifie » en s'ordonnant- les collections
concrètes finies » (Doridot, 2004).
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Résumé
L’exercice du bilan orthophonique relève de notre pratique quotidienne. Tout en tenant
compte des exigences de l’ANAES, nous adaptons tous notre entretien et nos évaluations au
patient que nous avons avec nous. L’anamnèse est primordiale, puis vient le choix des tests
et leur administration. Quels sont nos manques, quelles difficultés se posent à nous lorsqu’il
s’agit d’évaluer les perceptions et les traitements cognitifs à l’origine de l’acquisition du lan-
gage ? Nous proposons ici quelques remarques qui traduisent les questionnements d’une
orthophoniste au jour le jour.
Mots clés : bilan orthophonique, langage oral, enfant, tests, adulte.
U
ne famille se présente en consultation orthophonique, pour un bilan.
Avons-nous tout le matériel sous la main afin de pouvoir donner une
piste, un début d’information, des conseils à la famille de cet enfant
potentiellement porteur de troubles du langage ?
Dans un premier temps nous allons utiliser nos propres ressources, ce que
nous connaissons du développement et de la pathologie pour entrer en discus-
sion et peu à peu élaborer l’anamnèse avec la famille et l’enfant.
Dans un second temps, en général, nous utilisons le matériel d’évaluation,
pour un screening de départ. Puis, nous avons recours à des tests plus ciblés en
fonction des difficultés notées lors de la première phase. Il faut une rencontre,
parfois deux ou trois, pour établir un diagnostic ou pour définir une orientation
de prise en charge. Mais, comment tirer des conclusions, donner des conseils,
décider ou non de suivre cet enfant après ces entretiens ?
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© Situations cliniques
Pratique du bilan de l’adulte
Une expérience de la pathologie traumatique est certainement rassurante
pour les cliniciens. L’accident vasculaire est brutal, le traumatisme crânien
aussi, ce choc violent pour l’entourage nous permet, à nous, praticiens, de faire
une analyse assez « claire » voire « médicalisée » du traumatisme vécu, des
plaintes actuelles, de l’état antérieur du patient, de son niveau scolaire et de ses
occupations.
Dès l’anamnèse, nous sommes assez rapidement orientés sur les épreuves
que nous allons utiliser. Nous possédons des tests plus ou moins bien étalonnés,
peu de choix, mais souvent plus de facilités que chez l’enfant à poser un dia-
gnostic car il s’agit là de pathologies acquises (aphasie, trouble cognitivo-lin-
guistique à plusieurs degrés de sévérité). Puis, l’analyse des résultats à chaque
épreuve nous permet de poser les premières pierres d’un chemin de rééducation.
La famille, quant à elle, participe à la rééducation en aidant le patient au domi-
cile et en informant le praticien des pratiques communicationnelles du sujet
dans les situations de vie quotidienne.
Depuis une dizaine d’années, nous avons vu, en pathologie neurologique,
surgir de nombreux tests « écologiques », créés à la demande des praticiens.
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Ceux-ci ont été imaginés parce que la réalité de la pratique d’évaluation était sou-
vent très éloignée de la réalité sociale du patient et la négligeait. Nous n’évaluions
pas les besoins réels de la personne que nous avions à charge. La rééducation s’en
trouvait ainsi souvent éloignée de la réalité (tâches de désignation pour la compré-
hension, d’évocation à partir d’une image pour l’expression). Peu à peu et en par-
tant de méthodes de rééducation écologiques comme la PACE, sont nées ces
épreuves basées sur une analyse conversationnelle et des questionnaires à l’entou-
rage sur les comportements communicationnels du patient. L’aspect pragmatique
du langage de l’adulte était enfin pris en compte. Ces batteries d’évaluation de la
communication se nomment par exemple : TLC 1, ECVB 2.
Pratique du bilan de l’enfant
Dans le Décret de compétences de 2002, les orthophonistes ont un rôle de
prévention, de diagnostic et de rééducation. Nous disposons d’outils de préven-
tion qui servent au dépistage des troubles du langage à grande échelle, ce ne
seront pas ces épreuves que nous ferons passer en cabinet lorsqu’un enfant se
présente pour un bilan orthophonique du langage oral.
Comment définir le langage d’un être en pleine évolution ? Bien entendu
nous pouvons nous référer à pléthore de grilles proposant des points de repère
de développement du langage, exposant les échanges attendus pour des enfants
dès la naissance (Grilles Hanen, Dialogoris). La difficulté, pour le praticien, à
moins d’une pathologie congénitale ou périnatale avérée, est de faire un choix
d’épreuves, de comparer à des normes et enfin de poser un diagnostic chez un
sujet en pleine évolution, en pleine maturation et de surcroît un sujet unique.
Dans un premier temps, à l’aide d’un « screening », l’orthophoniste
affine l’observation peu à peu et cherche à voir, lever le voile sur l’articulation,
la parole, le langage en compréhension et en expression ; il examine aussi le
dessin du bonhomme, l’écriture du prénom, si l’enfant a plus de 4 ans. Ces
épreuves de base nous permettent, habituellement, de faire un diagnostic préli-
minaire.
Cependant, personnellement, je ressens le besoin de poursuivre et de
chercher le facteur explicatif, ce qui me renseignerait sur telle ou telle fonction
de la langue qui ne s’est pas développée comme il le faudrait selon les grilles de
développement admises. Ceci dans le but de construire un plan rééducatif
adapté au patient.
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Ainsi, il me faudra utiliser des épreuves évaluant non seulement les pro-
ductions mais aussi les perceptions (auditives et visuelles) et les traitements
(attention, mémoire, cognition, linguistique, pragmatique, non verbal). Il s'agit
de partir à la recherche des socles qui seraient absents ou mal intégrés, des dys-
fonctionnements fondamentaux qui n’ont pas permis à l’enfant de faire des
acquisitions adéquates et parmi elles le langage. L’important sera donc d’obtenir
lors de la première rencontre, l’expression d’une plainte claire, de la part de la
famille, de l’enfant, de l’enseignant parfois et du médecin, ceci afin de définir
une orientation qui permette d'avancer vers la détermination des causes des
troubles présentés.
L’enquête anamnestique donne l’occasion de rendre la parole au sujet et à
sa famille par rapport aux difficultés, de laisser la place au trouble. Elle nous
permet, de notre côté, de noter de quelle manière ce trouble envahit le quotidien
des familles. Enquête sous-entend recherche et nous laissons à cette partie du
bilan le temps nécessaire qui doit lui être imparti (parfois toute la première
séance de trois quarts d’heure).
A partir de l’anamnèse, il m’arrive d’aider la famille et l’enfant à élaborer
une plainte, cible principale de l’évaluation. Je choisirai les premières épreuves
en fonction de la plainte, c’est pourquoi elle doit être précise.
Expériences originales
Nous avons vécu au cabinet deux expériences ces dernières années.
La première a été de participer à l’action COM’ENS (Communiquer
Ensemble) développée sur le Nord / Pas de Calais. Cette action s’inscrit dans
un partenariat entre des orthophonistes et des personnels de l’Éducation
Nationale sous l’égide de l’Académie de Lille. Il s’agit d’un dépistage langa-
gier d’enfants de Moyenne Section de Maternelle à l’aide du PER 2000 3 (Fer-
rand, 2000). Suite au dépistage, sont orientés vers le soin et l’orthophonie les
enfants qui se révèlent pathologiques. Une stimulation en petits groupes
autour d’albums accompagnée d’activités suite à la narration des dits albums
est proposée aux enfants « fragiles » dans leur développement du langage.
Nous participons à cette action depuis trois ans déjà au cabinet. Le PER 2000
s’est révélé très discriminant grâce à l’épreuve de narration (« Les cerises »)
en particulier parce qu’elle permet d’évaluer la LME (Longueur Moyenne
d’Énoncé) chez l’enfant.
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© Les besoins
La notion de Longueur Moyenne des Énoncés utilisée dans un test de
dépistage comme le PER 2000 (Ferrand, 2000) n’est évaluée que dans la
N-EEL 5 pour ce qui concerne les batteries de bilan chez l’enfant alors que chez
l’adulte aphasique par exemple, on cherche systématiquement à savoir si la per-
sonne est réduite ou non dans son expression spontanée. Il en va de même avec
les grilles d’observation de la communication des patients Alzheimer (Rous-
seau 1995) : les aspects cohésion et réduction du langage sont déterminants
dans la progression de cette pathologie.
Des formations sur les techniques rééducatives comme le Makaton, m’ont
poussée à ouvrir les champs d’exercice et donc d’expérimentation et d’évalua-
tion. Si je ne peux mesurer les compétences non verbales, les perceptions
visuelles et auditives des patients, comment mettre en place des techniques
d’aide à la communication de ce type (gestes, pictogrammes) ?
Les profils établis par les tests de langage oral de l’enfant (indispensables
au demeurant), donnent à mon idée un profil linguistique, mais pas encore un
profil communicationnel (ce que l’on obtient dans les tests récents pour adultes
comme le TLC ou l’ECVB par exemple).
Au quotidien, dans la pratique clinique, je suis confrontée à la contrainte
du temps de passation de bilan, à la fatigabilité du sujet, au coût du bilan, et au
diagnostic, puis au projet de rééducation que je dois établir pour nous et les par-
tenaires (famille, médecins, enseignants). J’estime que nous manquons
d’épreuves « à tiroirs », avec lesquelles nous gagnerions en précision et en
temps, sans omettre d’établir un profil quantitatif et qualitatif. Une épreuve
courte au départ, qui nous orienterait vers d’autres épreuves à soumettre au
patient dans une même batterie nous serait utile afin de compléter nos
recherches sur le langage et la communication de nos jeunes patients. Pouvoir
établir des corrélations entre certaines épreuves, serait idéal ; pour le moment
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© Le bilan au quotidien
Pour qu’un bilan soit précis, complet, bien représentatif, il me semble
important que le sujet et moi-même acceptions d’y consacrer le temps
nécessaire.
Parfois, l’information sur les troubles du langage et leurs origines me per-
met de faire comprendre aux familles que j’aurai besoin de plus de temps pour
évaluer l’enfant tout en apprenant à le connaître. Pour établir un plan de prise en
charge j’aurai la nécessité de faire passer au cours des rencontres qui suivront, des
examens complémentaires : traitement visuo-attentionnel, perception auditive et
visuelle…. Le bilan n’est donc pas l’affaire d’une seule rencontre à mon sens.
L’anamnèse
Lors de l’anamnèse déjà, les familles posent des questions, font des
remarques telles que : « Je ne savais pas que l’âge de la marche avait un lien
avec le langage »….En clinicienne habituée aux lésions traumatiques, je
demande systématiquement si l’enfant a fait des chutes et une mère m’a
répondu un jour: « Il se blesse souvent à la tête, une fois il est même tombé
dans les pommes, mais on n’est pas allé à l’hôpital, il s’est réveillé tout de
suite …. ». Au cours de l’enseignement aux futurs orthophonistes il ne faut
cesser de répéter que l’information aux partenaires (la prévention primaire)
est indispensable.
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Une fois l’anamnèse réalisée, le choix des épreuves est vaste, je possède
de nombreux tests de langage oral mais peu d’entre eux évaluent les traitements
linguistiques au complet.
Le choix des tests
Dois-je faire passer au patient toutes les épreuves d’une batterie, pour éta-
blir ainsi un profil et pouvoir le comparer à la norme de sa classe d’âge ? Géné-
ralement, je prends le temps nécessaire à cette étape, il m’est utile pour compa-
rer les performances de l’enfant par rapport à la norme mais aussi pour
examiner son évolution lors de prochaines évaluations. Les épreuves utilisées
doivent donc être :
normalisées, où la norme est une moyenne dégagée statistiquement et qui
représente les caractéristiques d’un groupe prédéterminé (selon une classe
d’âge, un niveau scolaire, un niveau socioculturel…) ;
étalonnées : « l’étalonnage d'un test est la graduation de cet instrument
de mesure, sous la forme d'un barème qu'on utilise pour le classement de la
valeur d'un individu par rapport à l'ensemble des valeurs de même nature, carac-
téristiques d'une population, notamment d'une classe, d'un groupe d'élèves »
(Leif et Rustin, 1974).
Grâce à la normalisation et à l’étalonnage, le test sera valide.
Pour compléter ces profils, j’utilise fréquemment des tâches tirées
d’autres batteries, parce qu’intuitivement et aussi théoriquement il me faut cher-
cher sur le plan les traitements cognitifs. Il n’est pas rare, par exemple, chez un
enfant de Grande Section de Maternelle, présentant un trouble sévère du lan-
gage, que j’utilise la N-EEL ou l’ELO 6. J’établis ainsi un profil, mais par la
suite je compléterai avec des épreuves de mémoire de l’EXALANG 5-8 7 , avec
l’analyse du traitement attentionnel proposée par ANITEST 8, après avoir sou-
mis le patient à la BREV 9 auparavant.
Est-ce un manque de confiance de ma part ? Je pense au contraire que
plus mes années d’expérience augmentent, plus mon exigence clinique et mon
regard s’affinent. Jeune orthophoniste et inexpérimentée, je me trouvais très
fière d’établir mes premiers diagnostics sans erreur, mais j’étais souvent trou-
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blée lorsqu’il s’agissait d’établir un plan de rééducation avec des objectifs clairs
et précis, avec des échéances.
© Conclusion
Mon expérience clinique auprès de l’adulte, au Québec en particulier, a
requis des références théoriques très importantes, sur le plan de la pragmatique,
sur celui du langage élaboré, et aussi à propos de la Longueur Moyenne des
Énoncés. Une plus grande rigueur, un cadre théorique plus large m’ont été
nécessaires pour pouvoir présenter au reste de l’équipe la manière de communi-
quer des patients dont j’avais la charge et pas simplement donner des résultats
quantitatifs à des épreuves de dénomination ou de désignation.
Chez l’enfant, il faut pouvoir expliquer à l’entourage que certaines com-
pétences ont manqué ou failli certainement lors du développement, dès la toute
petite enfance, parfois même in utero ; il faut en connaître les causes (avec
l’aide des bilans complémentaires : ORL, ophtalmologie, orthoptie) ; seulement
après, il est possible de commencer à établir un projet.
Cela se fera avec la participation de l’enfant, de sa famille et aussi
d’autres partenaires.
Un bilan exhaustif nous permettra de mettre en place des objectifs com-
muns dans l’équipe pluridisciplinaire (famille, enseignant, médecins, autres
rééducateurs), chacun à notre mesure, avec notre propre matériel.
Grâce à un bilan plus complet de notre part et des examens complémen-
taires, les pratiques seront modifiées, il s’agira de croiser les regards de la
famille avec le nôtre, avec l’enseignant, et le médecin, et à ce prix nous parvien-
drons à nous faire une idée claire de l’état de la communication de l’enfant.
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www.orthomotus.com
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Résumé
Actuellement, les acteurs de la psycholinguistique développementale mais également les
praticiens de la petite enfance font couramment appel aux parents pour évaluer le dévelop-
pement langagier des enfants par le biais de comptes rendus auto-administrés. Ces
comptes rendus parentaux permettent l’évaluation des enfants tout-venants mais également
celles de populations pathologiques. L’un de ces questionnaires, d’origine américaine et
connu sous le nom des Inventaires du Développement Communicatif de MacArthur-Bates
(MCDI) est utilisé fréquemment dans l’étude du développement des gestes, des mots et de
la grammaire chez l’enfant entre 8 et 30 mois. Après une discussion des avantages et des
inconvénients des comptes rendus parentaux, le contenu des versions françaises du MCDI
ainsi que les premiers résultats qui ont été tirées de ces outils seront décrits de manière
exhaustive.
Mots clés : évaluation précoce, compte rendu parental, Inventaire Français du Développe-
ment Communicatif de MacArthur-Bates, version longue et courte.
Sophie KERN
Chargée de recherche (CNRS-Lyon2)
Laboratoire Dynamique du Langage
Institut des Sciences de l’Homme
14 avenue Berthelot
69363 Lyon Cedex 07
Courriel : sophie.kern@univ-lyon2.fr
L
es recherches fondamentales tout comme les recherches cliniques dans le
domaine de la psycholinguistique développementale se multiplient depuis
une bonne vingtaine d’années. Cette expansion des travaux particulière-
ment nette dans celui de l’acquisition précoce du langage profite actuellement à
tous les praticiens de la petite enfance en ce qu’elle leur procure à la fois des
données mais également des méthodes d’investigation fiables.
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attentif ne peut mieux connaître les changements subtils qui ont lieu dans le
monde de l’enfant et de son comportement mais, d’autre part, personne n’est en
mesure de distordre autant la vérité qu’un parent aimant ». Au moins deux fac-
teurs peuvent venir biaiser les évaluations parentales : d’une part, la fierté natu-
relle des parents qui tendrait à enjoliver le portrait linguistique de leur enfant, et
d’autre part, une plus ou moins grande méconnaissance du système linguistique
et de son fonctionnement qui au contraire pourrait les amener à sous-estimer les
capacités de leur progéniture. Pourtant de multiples recherches ont conclu à une
fiabilité des évaluations parentales en montrant la validité psychométrique de la
plupart d’entre elles. Une technique de recueil de données est considérée comme
valide si elle répond à certaines exigences. Elle doit manifester une cohérence
interne et externe. Fenson et al. (1993) définissent la cohérence interne de la
manière suivante : « la cohérence interne renvoie au fait que les différents items
d’une même catégorie mesurent bien les mêmes capacités ». La cohérence
externe (ou validité de contenu) concerne quant à elle l’adéquation du contenu
avec celui que l’investigateur cherche à appréhender. Par ailleurs, il est nécessaire
de tester la fidélité d’un instrument, la fidélité étant selon Amyotte (1996) « la
constance dans les résultats lorsqu’on effectue la même mesure sur le même
objet à plusieurs reprises », cette mesure pouvant être réalisée par le biais d’une
même technique d’observation (test-retest) ou par des techniques complémen-
taires (fidélité concurrente). Enfin, il est important de vérifier le caractère prédic-
tif d’une technique de recueil de données tout particulièrement si elle est utilisée
dans l’observation de populations pathologiques. Nous verrons dans la suite de
notre propos que le compte rendu parental de MacArthur-Bates (Fenson et al.,
1993) que nous allons décrire maintenant répond à ces exigences.
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1. Un manuel comprenant les versions françaises du MCDI ainsi que leur étalonnage est en cours de rédaction.
Pour plus de renseignement à propos de cette publication ou des questionnaires : sophie.kern@univ-lyon2.fr
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quelquefois ou souvent deux mots au sein d’un même énoncé. Cette compétence
est un peu plus faible chez les garçons que chez les filles (86% vs. 94% ;
t=2,93 ; p=0.0036). La LMaxE est de 3,5 mots. Les phrases produites par les
filles sont significativement plus longues que celles des garçons : 4 mots vs 3,5
mots (t=3,95 ; p<0.0001).
© Conclusion
En recherche fondamentale le MCDI est utilisé pour collecter des don-
nées écologiques à grande échelle. Ces données permettent de faire avancer nos
connaissances sur l’émergence et le développement de la compétence communi-
cative chez l’enfant typique (Marchman & Bates, 1994 ; Heilmann et al., 2005)
ainsi que sur le rôle des variables endogènes et exogènes sur cette trajectoire
développementale (Berglund, Eriksson, Westerlund, 2005 ; Arriaga et al.,
1998). Par ailleurs ces données servent de point de comparaison dans l’évalua-
tion des populations pathologiques comme les enfants dysphasiques (Ellis Weis-
mer & Evans, 2002 ; Thal et al. 1999), trisomiques (Kay-Raining Bird et al.,
2005) ou autistes (Charman et al. 2003). Ainsi, sont mises en lumière les forces
et les faiblesses des populations atypiques, ce qui permet aux praticiens de dres-
ser des profils individuels sur lesquels prendre appui pour la formulation de
stratégies d’intervention. Par ailleurs, le MCDI est utilisé par les praticiens
comme outil d’évaluation des effets de traitements ou d’interventions (Girola-
metto et al. 2001 ; Robertson & Ellis Weismer, 1999). Puisque les question-
naires sont basés sur une variété de contextes en dehors du laboratoire ou de
l’observation clinique, ils peuvent être utiles pour détecter les changements chez
un patient. A l’heure actuelle, malgré une part de prédictibilité du MCDI, cet
instrument n’a encore été utilisé véritablement comme outil de dépistage systé-
matique. A noter cependant quelques tentatives notables (Fischel, Whitehurst,
Caufield & De Baryshe, 1989 ; Rescorla, 1989) qui concluent qu’une évalua-
tion des enfants dès 24 mois par le biais du MCDI permet de tirer des conclu-
sions sur leur devenir langagier à moyen voire même à long terme. Ces tenta-
tives demandent à être répétées et élargies de manière systématique.
Le MCDI est un outil pratique et fiable dans la mesure où son utilisation
implique la participation des parents et aucune sollicitation vis-à-vis de l’enfant.
Par sa nature multidimensionnelle, il peut servir de premier outil d’évaluation
afin de dresser un portrait des forces et des faiblesses des enfants testés. Néan-
moins, ce premier état des lieux devra ensuite être approfondi par d’autres tech-
niques d’observation et devra être réalisé avec beaucoup de précaution auprès
des populations sensibles (parents d’enfants atypiques, parents plurilingues).
148
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Annexe 1
Inventaire Français du Développement Communicatif chez le nour-
risson : mots et gestes
1) Des renseignements concernant l’enfant, sa famille, son approche au
langage et son développement psychomoteur
3) Phrases : 32 items.
Est-ce que l’enfant réagit à des phrases du quotidien, telles que « tu as faim » ?,
« debout » ?, « on va se promener », etc.
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Annexe 2
Inventaire Français du Développement Communicatif chez le nour-
risson : mots et phrases
1) Des renseignements généraux concernant l’enfant, sa famille, son approche
au langage et son développement psychomoteur.
2) Production du vocabulaire : 690 items répartis en 22 catégories
sémantiques
On demande aux mères de regarder la liste pré-établie et de cocher les mots que
son enfant utilise au moment de la passation du questionnaire. Après cette liste
de mots, on trouve 4 questions concernant l’utilisation du langage par l’enfant.
3) Les mots que l’enfant utilise
Est-ce que votre enfant parle d’événements passés ou de personnes absentes ?
Est-ce qu’il arrive à votre enfant de parler de choses qui vont se produire dans le
futur ?
Est-ce qu’il arrive à votre enfant de parler d’objets qui ne sont pas présents ?
Est-ce qu’il arrive à votre enfant de comprendre si vous lui demandez quelque
chose qui n’est pas dans la pièce ?
4) Grammaire
On demande aux mères de cocher parmi des phrases proposées, celles qui sont
les plus fréquemment produites par l’enfant au moment de la passation. Ces
phrases concernent principalement l’expression de la détermination nominale,
de la détermination verbale, de la localisation, de la négation, de la modalité et
de l’interrogation. Le questionnaire s’achève sur l’expression du temps et sur les
trois phrases les plus longues que l’enfant est capable de produire.
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18 mois
- 98 mots, évaluation de la production et de la compréhension
- combinaison de mots
24 mois
- 100 mots, évaluation de la production
- combinaison de mots
- longueur maximale des énoncés
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Résumé
L’évaluation du langage du jeune enfant (3-6 ans) doit associer à la mesure quantitative, une
mesure qualitative. Une batterie cognitive se doit de respecter des critères très stricts, pour
différencier les variations interindividuelles développementales d'une réelle pathologie. Ce
travail montre les intérêts d'un bilan langagier incluant des items lexicaux, morphosyn-
taxiques en émission et en réception, couplés à des items non verbaux. Les données statis-
tiques, associées à des analyses qualitatives, mettent également en évidence des limites
concernant l'âge d'application de tests normés. Les âges d'acquisition phonologique, lexi-
cale, morphosyntaxique et les potentialités attentionnelles apparaissent clairement. Les trai-
tements statistiques appliqués aux données montrent tout l'intérêt d'une évaluation normée
à partir de 3 ans et sa non pertinence plus tôt.
Mots clés : batterie cognitive, verbal et non verbal, enfant de 3 à 6 ans, bilan orthopho-
nique.
The language of the young child: assessment and diagnosis using the
Exalang 3-6 years battery.
Abstract
Language assessment of the young child (3-6 years) should associate qualitative with quan-
titative measurements. A cognitive battery should follow strict criteria, in order to differen-
tiate individual developmental variations from true pathology. This paper shows the impor-
tance of a language assessment including lexical items, morphosyntactic in production and
in reception, coupled with non-verbal items. Statistical data, along with qualitative analysis,
also show the age limits for applying the test norms. The ages for phonological, lexical, and
morphosyntactic acquisition, as well as attention skills, are clearly apparent. Statistical pro-
cessing of data shows the importance of norm-based evaluation beginning at age 3, and its
lack of pertinence prior to that age.
Key Words : cognitive battery, verbal and non-verbal, 3 to 6 year old child, speech and lan-
guage assessment
Marie-Pierre THIBAULT
Orthophoniste
Docteur en linguistique,
Laboratoire Dyalang, CNRS,
Université de Rouen
1 Parc de la Londe
76100 Mont-St-Aignan
Mickaël LENFANT
Docteur en linguistique
Laboratoire Dyalang, CNRS,
Université de Rouen
Marie-Christel HELLOIN
Orthophoniste
Courriel : mp.thibault@wanadoo.fr
© Objectifs
Les objectifs de ce travail sont pluriels :
1- Établir un réel diagnostic de pathologie, qui situe l’enfant selon un étalon-
nage précis. Ce diagnostic doit pouvoir se démarquer de connotations
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© Population et étalonnage
Les enfants ont été recrutés sur plusieurs écoles dans différents secteurs
géographiques de France et de Belgique. La répartition socioprofessionnelle des
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familles correspond aux critères habituellement retenus par l’INSEE. Elle est
globalement équilibrée, avec un déficit en parents étudiants et retraités, ce qui
s’explique aisément par l’âge des enfants.
Les enfants ont été testés au sein des écoles maternelles. La gamme cou-
verte pour les âges des enfants testés s’étend de 2 ans 2 mois à 6 ans. Pour l’éta-
lonnage, et l’établissement de Moyennes, Ecarts-types et Notes Standard, n'ont
été retenus que les enfants de 2 ans 8 mois à 5 ans 10 mois, répartis en 6 catégo-
ries, par tranche d’âge de 6 mois. Une exception a été faite pour les tranches
d’âges des enfants qui se situent aux extrémités de l’échantillon et pour lesquels
une catégorie de 7 mois a été admise.
Critères d’inclusion
- Age adapté à la demande ;
- Langue maternelle : le français devait être la langue majoritaire ;
- Intégrité mentale et sensorielle, absence de trouble neurologique ;
- Absence de trouble sévère spécifique du langage diagnostiqué ;
- N’ont cependant pas été éliminés de l’échantillon, les enfants qui présen-
taient un retard de parole ou de langage suspecté ou avéré, afin de conser-
ver un caractère "tout-venant" à cet échantillon.
Conditions d’étalonnage
Ordre de passation des items et temps de passation
Les items ont été présentés aux enfants dans un ordre aléatoire à chaque
passation. La randomisation d'un test permet d’éviter un effet de fatigabilité qui
porterait sur les mêmes items (en fin de protocole).
Testeurs
Ont participé au testing, deux chercheurs du laboratoire Dyalang / CNRS
(76130 Mt St Aignan, France), douze orthophonistes, deux étudiantes
d’I.U.F.M. et quatre étudiantes en orthophonie/logopédie dans le cadre de leurs
mémoires de fin d’étude (Universités de Lille et de Liège).
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La fiabilité
Cette étude a été effectuée par corrélations (coefficient de Pearson – r)
par enfant et par item. Par enfant, en test / re-test, les résultats sont sensiblement
les mêmes. Cependant, des variations de scores peuvent être observées. Dans le
cas d’une amélioration des résultats, cela peut être expliqué par un éventuel
effet d’apprentissage (i.e. dans l’épreuve de compréhension de récit où l’histoire
entendue peu de temps auparavant est plus simple à mémoriser).
L’étude s’est effectuée sur un échantillon d'une trentaine d'enfants, âgés
de 3 ans à 6 ans, les deux passations étant espacées de 2 à 6 semaines. Le
groupe d’enfants comprend des enfants tout-venant et des enfants présentant
une pathologie. Le calcul des coefficients de corrélation est effectué pour
chaque enfant pour tous les items des deux passations. Par enfant, les coeffi-
cients de corrélation obtenus varient entre 0.899 et 0.998, ce qui est tout à fait
satisfaisant et démontre une bonne fiabilité temporelle des résultats. Par item, la
plupart des coefficients se situent entre 0.8 et 0.99, ce qui montre également une
très bonne fiabilité. Quelques items montrent un coefficient entre 0.6 et 0.8, ce
sont notamment les épreuves où l'effet d'apprentissage, ainsi que l'effet de sur-
prise, sont importants.
Ces conséquences de double passation se retrouvent dans tout test, ce qui
nécessite de ne pas proposer un même test après un laps de temps trop court
pour diminuer l’effet d’apprentissage.
La sensibilité
Le test concerne 5 aptitudes majeures, réparties en 24 items, ce qui signi-
fie qu'un petit nombre d'aptitudes est mesuré par un grand nombre d'items et
permet d'affirmer la sensibilité de la batterie.
Commentaires sur les résultats
Les résultats obtenus lors de l'étalonnage, selon une procédure de norma-
lisation, sont cohérents. En effet, on observe pour chaque subtest une améliora-
tion progressive des résultats et une diminution de l’écart-type en fonction de la
tranche d’âge des enfants.
On constate des écarts de moyennes et d’écarts-types plus importants
entre deux tranches d’âge avant 4 ans, ce qui correspond bien aux modèles théo-
riques de développement langagier.
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© Résultats
De nombreux items montrent le même schéma d’acquisition. Les résul-
tats comparés aux différents items, par tranches d'âge, révèlent une première
étape d'acquisition, pour la tranche des plus petits (i.e. avant 4 ans 3 mois), sui-
vie d'une acquisition plus linéaire sur les tranches médianes et une stagnation,
voire une saturation, sur les deux dernières tranches. Ces courbes de résultats
corroborent les données de la littérature (Florin, 1999, Karmiloff et Karmiloff-
Smith, 2001, Rondal et Seron, 1999) et indiquent que les enfants présentent
deux à trois grands moments d'évolution : une modification importante de leurs
acquis et compétences entre la 1ère et la 2ème année de scolarisation, puis une
évolution plus progressive ensuite, pour atteindre un plafond de certaines com-
pétences linguistiques en fin de scolarité pré-primaire.
En compétences lexicales
Le lexique constitue une composante très importante de l’efficacité cogni-
tive ; le parti pris d’Exalang 3/6 était de mesurer un lexique plancher (Thibault
et al, 2006).
En expression, dans l'épreuve de dénomination, les plus jeunes enfants ne
maîtrisent pas encore l’ensemble des items à dénommer. Une grande phase d'en-
trée dans le lexique est notable entre 3 ans 6 et 4 ans 6, pour s'affiner beaucoup
plus lentement ensuite. Le lexique plancher recherché dans cet item est bien
atteint vers 4 ans. L’écart-type passe de 7 à 3 ans, à 4 à 3 ans1/2 puis à 2 à 5
ans. L’épreuve est alors saturée et recoupe en cela les données trouvées lors de
l’étalonnage d’Exalang 5/8, qui faisait apparaître une épreuve de dénomination
lexicale saturée dès la plus petite tranche d’étalonnage. Il faut signaler que les
items ont été choisis de façon à pouvoir effectuer une étude longitudinale de 3
ans à 8 ans, avec des sub-tests complémentaires entre eux (lexique, compréhen-
sion de récit…).
En réception, le niveau de compréhension des termes lexicaux concrets
est déjà bien élevé à 3 ans, pour approcher de la saturation ensuite. La connais-
sance des parties du corps suit approximativement la même courbe d’évolution,
tout en arrivant moins vite à saturation.
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En phonologie
Les compétences de sortie et de réalisations praxiques progressent très
rapidement jusque vers 4 ans 6 pour se stabiliser ensuite. La sensibilité phonolo-
gique, quant à elle, ne montre pas de résultats significatifs avant les âges de 4
ans 6 pour les gnosies et 5 ans pour les rimes. Ceci corrobore les résultats précé-
demment obtenus, lors de l'étalonnage d'Exalang 5/8, et permet d'affirmer que la
compétence épiphonologique s’installe entre 5 et 7 ans ; elle est peu présente
avant cet âge et elle se stabilise très rapidement ensuite. Sa mesure ne prend
alors son intérêt véritable qu’à partir de 5 ans et un retard dans l’apparition de
cette compétence implicite peut présager de difficultés d’apprentissage ulté-
rieures.
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En mémoire et attention
Les résultats au module mémoire montrent une progression constante de
l’empan, qui passe de 2 à 4 (pour ensuite évoluer vers un empan adulte de 7 ±2).
L’empan de mots évolue un tout petit peu moins vite ; on aura remarqué dans
Exalang 5/8 que cet empan est toujours inférieur d’un point à l’empan de
chiffres, en raison de la charge plus importante en mémoire de travail auditivo-
verbale.
Les résultats au test de barrage progressent jusqu’à 4 ans pour se stabili-
ser ensuite (seul le temps de traitement continue à décroître en fonction de
l’âge).
L’attention auditive devient une donnée stable (et de ce fait intéressante à
prendre en considération) à partir de 5 ans. L’effet d’inhibition ne joue pas avant
cet âge.
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© Conclusion
L'intérêt d'une batterie neuropsychologique de ce type est de mesurer
diverses composantes du langage de l'enfant, et de pouvoir corréler entre eux
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des résultats obtenus aux différents items. Exalang 3-6 se présente comme une
« boîte à outils », chacun des éléments pouvant être utilisé isolément.
Exalang 3/6 est un outil de diagnostic complet chez le jeune enfant. Il
permet, en limitant la dispersion attentionnelle de l'enfant, de mesurer avec une
certaine rapidité (tout en conservant une grande fiabilité) ses principales carac-
téristiques linguistiques et non verbales, de remarquer ses compétences et défi-
cits dans chacun des domaines testés et de rapprocher les résultats obtenus aux
différents sub-tests pour en tirer des données croisées, nécessaires au clinicien
pour établir un profil rigoureux.
Exalang 3/6 s'inscrit dans un travail longitudinal unique en son genre, qui
permet de mesurer un grand nombre des compétences cognitives de l'enfant et
de l'adolescent, de 3 à 15 ans, tout en attachant une importance réelle à l'aspect
qualitatif et métalinguistique des productions des patients.
Du fait de sa présentation en version informatisée, cette batterie se montre
facile d’utilisation et souple dans la passation des épreuves. Le logiciel traite
immédiatement les résultats bruts et fournit au praticien un profil clair de l'en-
semble des compétences testées en situant l’enfant par rapport aux autres
enfants de sa tranche d’âge (ou d’une autre tranche d’âge). Les compétences
déficitaires peuvent alors être mises en évidence et des axes de remédiation
envisagés dans le cas où une prise en charge orthophonique s’avère nécessaire.
L'intérêt de l'outil informatique a pu être largement démontré dans la
phase d'étalonnage de la batterie, puis dans sa première année d'existence. Cet
intérêt est double : il apporte une aide précieuse au praticien, dans sa présenta-
tion, le calcul des scores, les images animées et il focalise l'intérêt de l'enfant
dans un domaine qui est devenu le sien, celui de l'image et du multimédia. Très
jeunes, les enfants sont en effet « captés » par l'écran. La présentation de cette
batterie permet de proposer plus d'épreuves diverses en un temps volontairement
limité (par les capacités attentionnelles des petits notamment) qu'une batterie au
format plus traditionnel.
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Claude CHEVRIE-MULLER
Directrice de Recherche Émérite
CNRS UMR 7144 MoDyCo
92001 Nanterre
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P
roposer des modalités d’évaluation du langage et plus généralement des
capacités psycholinguistiques du jeune enfant répond à une demande cli-
nique : il nous faut confirmer ou infirmer l’inquiétude, quant au dévelop-
pement du langage et à ses caractéristiques, qui a motivé la consultation, préci-
ser les déficits et les capacités sauvegardées, et ce faisant aider au diagnostic,
orienter la prise en charge, puis suivre les acquisitions dans le temps. Pour que
le bilan de langage ait toute sa valeur, il doit prendre appui sur une méthodolo-
gie rigoureuse, en l’occurrence :
- être fondé sur une modélisation du processus langagier ;
- permettre d’apprécier la dimension pragmatique du langage de l’enfant et
celle du langage qui lui est habituellement adressé ;
- reposer sur des données validées en termes de critères psychométriques ;
- aboutir à un document aisément interprétable et susceptible d’être trans-
mis (l’informatique apporte une aide indéniable - cf. CD-ROM de correc-
tions pour la batterie N-EEL) ;
- instituer un réel dialogue avec l’enfant et avec ceux et celles qui sont res-
ponsables de son développement, seul moyen de replacer la difficulté, la
souffrance, qui ont conduit à la consultation dans le contexte socio-fami-
lial, affectif, culturel et économique de la vie de l’enfant.
On développera certains de ces points avant d’envisager les spécificités
du bilan de langage oral au cours de la période 2 ans 9 mois à 6 ans 6 mois,
bilan pour lequel nous avons, avec l’équipe du « laboratoire de recherche sur le
langage », proposé deux batteries : la Batterie d’évaluation psycholinguis-
tique (BEPL A et BEPL B), pour les enfants de 2 ans 9 mois à 4 ans 3 mois
(Chevrie-Muller et coll., 1988-1997 a et b), et les Nouvelles épreuves pour
l’examen du langage (N-EEL), dont la forme P est destinée à la tranche d’âge
3 ans 7 mois - 6 ans 6 mois ; la forme G étant disponible à partir de 5 ans 7
mois (Chevrie-Muller et Plaza, 2001-2004).
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fournir une première orientation quant au type de difficulté que rencontre l’en-
fant (cf. Tableau 1) et donc quant à la prise en charge souhaitable. L’examen
doit être complété, pour les troubles qui dans le tableau sont classés (2), (3) et
(4), par un examen audiologique, un interrogatoire sur les antécédents person-
nels et familiaux, un examen médical et un bilan psychologique. Dans le cas (1)
la vérification de l’audition est nécessaire, et si celle-ci est normale celle des
gnosies auditivo-phonétiques. Par souci de simplification les insuffisances
d’ordre pragmatique et comportemental n’apparaissent pas sur le schéma du
tableau 1.
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tion du langage, mais bien d’un suivi ! La batterie N-EEL prend à cette période
le relais de la BEPL (le chevauchement des deux batteries à 4 ans autorise un
choix guidé par la gravité annoncée du trouble et par le comportement de l’en-
fant). Une consultation pour difficulté de langage à cette période sera fréquem-
ment l’occasion pour la famille d’exprimer une inquiétude quant à la scolarité
primaire qui va suivre, et ce sera la responsabilité du (de la) thérapeute de pré-
parer l’enfant aux apprentissages qu’il aura à aborder.
Sans entrer dans la discussion (largement développée dans la littérature)
sur le dépistage précoce de difficultés qui laisseraient prévoir d’éventuels
troubles d’apprentissage et sur la prévention de ceux-ci, on peut rappeler que,
d’après des recherches approfondies de type longitudinal, le niveau de certaines
capacités linguistiques et psycholinguistiques à l’âge préscolaire apparaît signi-
ficativement corrélé aux performances ultérieures pour le langage écrit (voir
pour des revues de ces travaux : Dellatolas et Peralta, 2007, p 285-289 ; Che-
vrie-Muller, 2007c, p 366-372 ; Siegel et Le Normand, 2007, p 459-463 et 471-
472). Remarquons que, même si certains auteurs peuvent mettre l’accent sur
une capacité « plus prédictive », ce sont en règle générale les performances
pour un ensemble de capacités qui apparaissent en relation avec les apprentis-
sages scolaires.
La batterie N-EEL autorise l’évaluation de capacités dont le niveau serait
corrélé - si l’on s’en rapporte aux travaux mentionnés ci-dessus - avec les
apprentissages ultérieurs de la lecture et de l’orthographe. On citera, dans la bat-
terie, le subtest appréciant la Conscience Phonologique (cf. Tableau 3 pour le
détail), dont l’administration est prévue dès l’âge d’entrée en Grande Section de
Maternelle. Cette aptitude métaphonologique fait l’objet d’une littérature abon-
dante ; elle apparaît, associée à d’autres capacités (et notamment la connais-
sance des lettres qui interagit avec elle), comme extrêmement utile, voire indis-
pensable à l’acquisition de la lecture, elle a été largement étudiée chez les sujets
dyslexiques (Sprenger-Charolles et coll., 2000 ; Grigorenko, 2001, Castles et
Coltheart, 2004). La qualité de la mémoire auditivo-verbale à court terme, de la
mémoire de travail phonologique, est elle aussi essentielle pour l’apprentissage
de l’écrit ; des déficiences mnésiques ont été mises en évidence chez des dys-
lexiques (Siegel et Ryan, 1989 ; Chiappe et coll., 2000). Cette capacité est
explorée au sein de la N-EEL à travers les subtests : Répétition de chiffres
(mémoire auditivo-verbale), Répétition de mots peu fréquents, non connus des
enfants (mémoire phonologique), Répétition de phrases (mémoire verbale
sémantique). On note que la répétition de phrases est apparue dans certaines
études de la littérature, parmi un ensemble de tests, comme un des plus prédic-
tifs pour l’apprentissage de la lecture (Butler et coll., 1985 ; Catts et coll.,
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Réception
Gnosies auditivo-phonémiques, mots différant par un phonème, désignation
Animaux-Cris, reconnaître le cri d’un animal
Vocabulaire, mots concrets, désignation d’images ; couleurs, désignation
Prépositions, exécution de consignes
Syntaxe - oppositions morphosyntaxiques, épreuve en choix multiple, désignation
Production
Praxies bucco-faciales, sur imitation
Articulation, répétition de syllabes
Phonologie, dénomination d’images, répétition
Vocabulaire, dénomination de couleurs
Morphosyntaxe, oppositions syntaxiques, produire d’après images « il /elle »,
« le /les », « ne…pas »
Mémoire
Répétition de chiffres
Répétition de phrases
Cognitif-Sémantique
Animaux-Images, assembler
Paires d’images, associer par classe sémantique (intrus)
Phrase à compléter, conclusion d’une histoire en images
Cognitif Visuospatial
Dessin du bonhomme
Copie de figures géométriques
Assemblage de jetons, de même couleur
Classement d’éléments discrets, jetons, deux formes, deux couleurs *
Orientation spatiale « Les Pantins », orienter les pantins (vertical, oblique) *
____________
* seulement pour la période 3 ans 9 mois - 4 ans 3 mois
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Expression
Phonologie et articulation, dénomination – répétition
Phonologie et mémoire, répétition de mots peu fréquents, « inconnus » (lon-
gueur et complexité)
Lexique :
- mots pleins (concrets et abstraits), dénomination directe, et après ébauche
phonétique
Morphosyntaxe :
- Flexions du verbe (personne, temps), phrases à compléter d’après modèle *
- Analyse syntaxique du récit sur images « La chute dans la boue »
Capacités métaphonologiques
Sensibilité phonologique, (Forme A) rimes, identifier phonème initial, inversion
syllabique
Traitement métaphonologique (Forme B), élision, ajout et inversion de phonème
Mémoire auditivo-verbale
Reproduction de structures rythmiques *
Répétition de chiffres
Répétition de phrases
Capacités cognitives
Classement en fonction d’un critère discret *
____________
* seulement à partir de 5 ans 7 mois
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La batterie ISADYLE
Bernadette Piérart
Résumé
Isadyle est une batterie de langage construite en appui sur les théories développementales
de la parole, du lexique, de la syntaxe et de la métalinguistique chez l'enfant. Elle comporte
deux parties : la partie A se consacre à une évaluation de première ligne, rapide, du lexique
de la phonologie et de la syntaxe ; la partie B propose un nombre important de sous-
épreuves parmi lesquelles le thérapeute du langage peut faire un choix pour approfondir son
bilan, mesurer les diverses facettes du fonctionnement langagier de son patient : articula-
tion, phonologique, lexique, syntaxe et morpho-syntaxe, métaphonologie et mémoire. Ces
outils sont étalonnés sur le même échantillon de 1200 enfants de 3 à 12 ans (autant de
filles que de garçons). Les normes sont disponibles en percentiles et en notes standards.
Mots clés : ISADYLE, articulation, phonologie, lexique, morphosyntaxe, métaphonologie.
Abstract
ISADYLE is a language battery built upon developmental theories of speech, grammar, syn-
tax and metalinguistics in children. It has two parts: part A is devoted to a rapid first-line
evaluation of vocabulary, phonology and grammar; part B offers numerous sub-tests among
which the language therapist may choose for further assessment, measuring various facets
of his patient’s language functioning: articulation, phonology, lexicon, syntax and morpho-
syntax, meta-phonology and memory. These tools are standardized using the same sample
of 1200 children from 3 to 12 years of age (equal numbers of boys and girls). The norms are
available in percentiles and as standard scores.
Key Words : ISADYLE, pronounciation, phonology, lexicon, morpho-syntax, meta-phonology.
Bernadette PIÉRART
Professeur
Université Catholique de Louvain
Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Éducation
Unité CODE
10, Place du Cardinal Mercier
B. 1348 Louvain-la-Neuve - Belgique
Courriel : bernadette.pierart@uclouvain.be
Q
uoique très habituelle pour l’orthophoniste / logopède, l’évaluation du
langage oral n’est jamais une tâche banale. Son but premier est le dia-
gnostic des troubles, que ceux-ci soient importants ou plus discrets. Ce
diagnostic débouchera sur des mesures thérapeutiques, éducatives voire organi-
sationnelles. Un second objectif sous-jacent à l’évaluation régulière du langage
chez un enfant en rééducation est de mesurer les progrès accomplis. Cette
démarche de contrôle de l’efficacité thérapeutique est promise à un développe-
ment sensible dans les années à venir, d’une part, parce que les thérapeutes pla-
nifient des interventions plus ciblées, en référence aux modèles langagiers dis-
ponibles depuis une petite dizaine d’années et d’autre part, en raison de
l’accroissement des contrôles de la sécurité sociale dans un contexte de maîtrise
des coûts des interventions rééducatives du langage.
ISADYLE est une batterie de langage construite en appui sur les théories
développementales de la parole, du lexique, de la syntaxe et de la métalinguis-
tique chez l’enfant. Ce pseudo-mot aux allures de prénom est formé par la juxta-
position des premières lettres de « Instruments pour le Screening et l’Approfon-
dissement des Dysfonctionnements du Langage chez l’enfant ». La batterie
ISADYLE comporte deux parties complémentaires : une batterie abrégée desti-
née au bilan de première ligne, rapide, du lexique, de la phonologie et de la syn-
taxe ; une batterie extensive consacrée à l’analyse soigneuse des structures et
du fonctionnement des divers modules dont l’intégration permet un exercice
harmonieux du langage. Ces outils sont destinés aux enfants de 3 à 12 ans.
La batterie extensive propose une cinquantaine de sous-épreuves qui se
répartissent dans cinq domaines. Les épreuves de parole permettent d’évaluer
l’articulation et la phonologie, tant en réception qu’en production. Les
épreuves de lexique général estiment la taille du stock lexical, en différenciant
les effets de variables psycholinguistiques, telles la longueur de l’item, sa fré-
quence et sa catégorie grammaticale sur la compréhension, la production et la
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© Bases théoriques
ISADYLE se réfère à deux contextes théoriques. Le développement du
langage oral chez l’enfant, envisagé dans une approche modulaire, constitue le
premier contexte. Les objectifs et niveaux d’évaluation et des procédures à
mettre en place pour la mesure de l’efficacité thérapeutique forment le second
contexte théorique.
Le langage est la résultante de l’intégration de plusieurs sous-systèmes
modulaires. Le niveau phonologique regroupe les sons propres à la langue (pho-
nèmes). Le niveau morpholexical reprend les mots de la langue, dont l’ensemble
est structuré en un lexique mental. Le niveau morphosyntaxique génère les
structures complexes de sens sous la forme de séquences organisées de lexèmes.
Chaque sous-système dispose d’une certaine autonomie comme le montrent les
dissociations observées dans les pathologies du langage, notamment dans les
dysphasies (Piérart, 2004 a). Le calendrier et les itinéraires du développement
varient parfois considérablement selon le module langagier envisagé. Un délai
ou un déficit dans l’organisation ou la construction d’un module se répercute sur
l’ensemble du développement du langage.
Face à un enfant qui ne parle pas ou peu et mal, le clinicien a le choix
entre trois types de démarches évaluatives : l’évaluation descriptive, l’évalua-
tion normative et l’évaluation critériée (Piérart, 2006). L’objectif et le destinataire
du bilan de langage orienteront le choix de l’évaluateur parmi ces démarches
évaluatives, décrites au paragraphe Types et fonctions de l'évaluation.
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Le développement du langage
Les modèles théoriques du développement du langage chez l’enfant sont
présentés en détail dans l’ouvrage « Le langage de l’enfant - comment l’éva-
luer » (Piérart, 2005). Le lecteur y trouvera l’exposé des bases théoriques sur
le développement du lexique (chapitre 2) et sur l’évaluation de lexique dans
ISADYLE (chapitre 3), sur le développement de la syntaxe et de la métasyn-
taxe et leur évaluation (chapitre 4, synthétisé par Comblain), sur le développe-
ment phonologique (chapitre 5, écrit par Maillart, Reybroeck et Alégria), sur
l’évaluation des composantes de la parole depuis l’articulation jusqu’à la pho-
nologie (chapitre 6). Le chapitre 7 du même ouvrage, rédigé par Mousty et
Leybaert (2005) présente le développement des habiletés métaphonologiques,
en relation avec celui du langage écrit. Le manuel de la batterie ISADYLE
(Piérart et al., 2007) reprend la synthèse de ces chapitres, dont les grandes
lignes sont résumées ci-dessous. Le lecteur intéressé par des références sur la
nature et les fonctions des bilans les trouvera dans le chapitre 1 de l’ouvrage
« Les bilans de langage et de voix » de Estienne et Piérart (2006). Cet
ouvrage collectif passe systématiquement en revue les instruments actuels dis-
ponibles pour évaluer les différentes facettes du langage en appui sur les
modèles théoriques sous-jacents au bilan articulatoire et phonologique (cha-
pitre 3, Maillart), au bilan lexical et sémantique (chapitre 4, Bragard et Piérart),
au bilan morphosyntaxique (chapitre 5, Parisse) et au bilan métalinguistique
(chapitre 7, Demont, Gaux et Gombert).
L’enfant construit son système phonologique après avoir acquis le sys-
tème phonétique de sa langue, sur la base des positions articulatoires qu’il peut
réaliser. Ces deux acquisitions se font souvent en appui réciproque. Il y a une
disparité chez l’enfant entre les capacités de perception et de production des
phonèmes constituant les mots de sa langue maternelle. Cette disparité tend à
s’amenuiser au fur et à mesure du rapprochement de la phonologie de l’enfant
de celle du système linguistique auquel il est exposé. Ce constat sous-tend les
modèles phonologiques à deux lexiques. Ces modèles proposent deux types de
représentations pour chaque mot :
- un lexique phonologique d’entrée contenant les informations requises
pour reconnaître le mot, construit sur la base des contrastes dont cet
enfant dispose pour décoder la parole ;
- un lexique phonologique de sortie contenant toutes les informations sen-
sori-motrices découlant des capacités articulatoires nécessaires pour la
production. Le lexique d’entrée est plus riche en contrastes que le
lexique de sortie.
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Entre les deux lexiques, il y aurait des règles d’appariement ainsi que des
processus phonologiques simplificateurs dont l’identification est importante
pour juger de la normalité et du pronostic du langage (Maillart, 2005, 2006). En
préliminaire à la phonologie, les praxies oro-faciales assurent la réalisation de
mouvements des organes phonateurs coordonnés en vue de l’articulation des
sons langagiers (Piérart, sous presse). Les gnosies concernent l’identification
des structures de la langue, en relation avec l’audition et en contraste avec
l’identification de bruits familiers non langagiers (Piérart et al.,1996 ; Piérart à
paraître).
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L’évaluation normative
L’évaluation normative apprécie, à l’aide d’épreuves psychométriques, les
performances de l’enfant, les compare à la norme d’âge et de sexe. Elle fournit
une mesure de l’importance de l’écart de l’enfant par rapport à cette norme et
permet de confirmer la réalité du trouble. Cette mesure apportera la confirma-
tion d’un écart significatif par rapport aux normes d’âge de l’enfant dans les
domaines de la phonologie, du lexique, de la morphosyntaxe. Ce renseignement
est important pour décider de l’opportunité d’une intervention en orthophonie
logopédie et du type d’intervention pertinent, pour ouvrir un dossier administra-
tif. Il est insuffisant pour planifier les modalités de l’intervention remédiatrice.
L’évaluation descriptive
L’évaluation descriptive fournit un descriptif de la sémiologie des
troubles en référence aux connaissances théoriques de l’examinateur, éventuel-
lement en appui sur des grilles qualitatives. Sur la base de tableaux sémiolo-
giques ainsi constitués, l’évaluation descriptive permet de proposer un étique-
tage des troubles voire des hypothèses étiologiques.
L’évaluation critériée
D'une valeur diagnostique et prédictive supérieure à l'évaluation norma-
tive, l'évaluation critériée, appelée aussi cognitive ou neurolinguistique, se pro-
pose de mesurer les performances de l'enfant consultant par rapport à des objec-
tifs hiérarchisés dans un processus de développement ou dans un curriculum
d'apprentissage. Cette démarche implique la référence soit à une théorie du
développement du langage, soit à un descriptif des procédures d’apprentissage.
Idéalement, le modèle de référence décrit les composantes cognitives, leur hié-
rarchie, la chronologie de leur apparition au cours du développement, leurs rela-
tions avec d’autres facettes du développement de l’enfant. La référence au
modèle théorique permet de formuler des hypothèses plus fines et plus précises
sur la nature des dysfonctionnements relevés.
La batterie ISADYLE est un instrument psychométrique permettant des
évaluations normatives et des évaluations critériées.
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viennent dans des scénettes réalisées avec des Playmobils. Les consignes d’ap-
plication et de cotation sont standardisées.
Elle se compose d’une batterie extensive, que nous présenterons briève-
ment dans les rubriques : parole, lexique, morphosyntaxe, métaphonologie et
mémoire. Ces sous-épreuves permettent non seulement une évaluation norma-
tive mais aussi une évaluation critériée.
La batterie abrégée est composée sur base statistique à partir d’une sélec-
tion de sous-épreuves ou de parties de sous-épreuves les plus discriminantes de
la batterie extensive. Le tableau I en décrit la composition. Le seul objectif de la
batterie abrégée est l’évaluation normative de première ligne : situer l’enfant
par rapport aux autres de son âge. Au vu des résultats de cette batterie, l’obser-
vateur peut décider d’arrêter le bilan de langage ou au contraire de le pour-
suivre, en le complétant ou en l’approfondissant par des sous-épreuves plus
larges ou plus ciblées proposées dans la batterie extensive. Les données
recueillies grâce à la batterie abrégée peuvent s’intégrer dans celles de la batte-
rie extensive, ce qui constitue une économie de temps dans les examens, permet
des comparaisons rigoureuses et évite de devoir procéder par recoupements de
données entre les divers bilans comme c’est souvent le cas actuellement dans les
autres épreuves disponibles aujourd’hui.
Épreuves de parole
Cette rubrique offre quatre épreuves : a) praxies articulatoires, b) « gno-
sies auditives », c) production différenciée de contrastes phonologiques et arti-
culatoires, d) cotation phonologique de listes lexicales.
Les épreuves articulatoires, ou praxies articulatoires, requièrent la répéti-
tion de syllabes dépourvues de sens. L’épreuve des praxies d’ISADYLE croise
les paramètres de longueur, d’amorce et de caractéristiques articulatoires, ce qui
génère quatre sous-épreuves, chacune normée séparément, afin d’autoriser les
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comparaisons entre elles. Les données recueillies sur les enfants de 3 à 12 ans
confirment la très haute difficulté du bloc des constrictives « s-ch-z-j ». Pour
cette raison, ce bloc constitue la mini épreuve d’articulation de première ligne
de la batterie abrégée.
Les items de la sous-épreuve « gnosies auditives » sont composés de
trois photos représentant des mots monosyllabiques ou bi-syllabiques, qui ne se
différencient entre eux que par un contraste phonologique. Deux photos illus-
trent le contraste sous étude, la troisième sert de distracteur. La procédure est la
suivante : les trois photos composant l’item sont disposées côte à côte sur une
bande de papier. Après avoir vérifié la connaissance lexicale des trois mots
composant l’item, on demande à l’enfant de désigner un des trois mots. Par
exemple, verre, fer, mer.
Les items « gnosies auditives » peuvent être proposés dans une tâche de
production différenciée des contrastes phonologiques illustrés par des photos.
Les items se consacrent, en suivant les mêmes procédures, à l’analyse des
appuis articulatoires qui sous-tendent la détection de contrastes phonologiques.
Ici, l’enfant est invité à produire le mot illustré par la photo. Inévitablement, les
trois mots sélectionnés en fonction de ces critères ne présentent pas des fré-
quences lexicales identiques. Cette variable, fréquence lexicale des mots, a été
contrôlée autant que faire se peut.
L’épreuve de dénomination du lexique des noms fréquents illustrés en
photos (voir paragraphe « épreuves de lexique ») fait l’objet d’une cotation
lexicale et d’une cotation phonologique. On sait que la précision phonolo-
gique est corrélée à la fréquence lexicale. Limiter l’évaluation phonologique
au lexique des noms fréquents permet de contrôler cette variable. La cotation
phonologique est donnée globalement pour l’item. Les scores ainsi obtenus
forment les assises de l’évaluation normative. La cotation s’assortit d’une
grille descriptive des particularités phonologiques de la production, et de pro-
cessus phonologiques simplificateurs. Le choix des items lexicaux assure un
balayage de tous les phonèmes de la langue française. Deux listes de lon-
gueur variable sont fournies.
Épreuves de lexique
ISADYLE propose deux types d’épreuves lexicales : les épreuves lexi-
cales générales et les épreuves lexicales spécialisées. Dans chaque épreuve,
l’évaluation de deux modalités au moins est indispensable, la production lexi-
cale et la compréhension lexicale. Le nombre de mots compris est en général
supérieur au nombre de mots produits.
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ces champs, trois épreuves de fluence sont proposées : fluence des couleurs,
des parties du corps et fluence numérique. La batterie abrégée porte sur la com-
préhension et la production du lexique des noms.
Épreuves de syntaxe et de métasyntaxe
Pour évaluer la compréhension par l’enfant des divers types de phrases
mentionnées au tableau III, des instructions de manipulation de jouets lui sont
données (exemple : la dame est photographiée par le monsieur). La compréhen-
sion des énoncés est évaluée par une tâche de désignation d’une photo, impliquant
les mêmes jouets, parmi d’autres photos qui servent de distracteurs. Pour certains
items, l’enfant est invité à disposer lui-même les jouets en réponse à la phrase
énoncée par l’examinateur. Dans la tâche de production, c’est l’examinateur qui
réalise des petites scènes avec les jouets et invite les enfants à les décrire.
La sous-épreuve de répétition de phrase porte sur les mêmes structures
que celles qui sont proposées dans les sous-épreuves de compréhension et de
production.
L’épreuve de première ligne porte sur la compréhension et la production de
phases simples, de phrases passives et de flexions temporelles.
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Procédures d’étalonnage
Toutes les épreuves sont étalonnées en référence au même échantillon d’en-
fants dont le développement du langage est sans particularité et dont l’âge est
compris entre trois et douze ans, c’est-à-dire en référence à des enfants qui ont
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Qualités métriques
Les items retenus pour les sous-épreuves de la batterie, à partir des
épreuves pilotes sont le produit de plusieurs analyses psychométriques, comme
le détaille Grégoire (2006). L’analyse des items, dont le but est de sélectionner
les meilleurs items pour la version finale du test a permis de repérer les items
qui devaient être révisés (p.ex., clarification de l’énoncé, modification du maté-
riel…) ou supprimés, et les règles de cotation qui devaient être modifiées (p.ex.,
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gradation des scores, critères de réussite…). L’analyse des items concerne aussi
l’épreuve dans son ensemble. Une information importante est le degré de cohé-
rence de l’épreuve. L’alpha de Cronbach permet d’évaluer le degré de cohérence
de l’ensemble des items (Cronbach, 1951) et nous apporte par la même occasion
une information à propos de la précision des mesures fournies par l’épreuve. Le
terme de fidélité désigne ce degré de précision. La fidélité est souvent évaluée
par la méthode test / retest. La différence entre deux mesures successives récol-
tées à l’aide d’un même test est alors considérée comme un indicateur de préci-
sion de ce test. La méthode test / retest présente toutefois plusieurs inconvé-
nients. Par conséquent, le coefficient alpha lui est souvent préféré car il fournit
une meilleure évaluation de la fidélité sans nécessiter une seconde passation du
test. Les alphas ont été calculés pour chaque sous-épreuve et tous sont d’un
niveau habituellement considéré comme excellent (>.80). Seules quelques sous-
épreuves que nous avons néanmoins maintenues en raison de leur intérêt cli-
nique présentaient un coefficient alpha compris entre .60 et .80.
Les échelles normées sont, par essence, des échelles de mesure relatives.
Elles ne possèdent en effet pas de zéro absolu. Faute de zéro absolu, les échelles
normées sont centrées sur la moyenne du groupe de référence et les différents
échelons se répartissent de part et d’autre de cette moyenne. Or cette moyenne
est toujours relative dans l’espace et le temps. Les normes ne valent dès lors en
principe que pour la population au sein de laquelle a été tiré l’échantillon d’éta-
lonnage. Dans la pratique, il est cependant courant d’utiliser des normes défi-
nies au sein d’une population voisine de celle où le test est appliqué. Par
exemple, les normes déterminées en France sont fréquemment utilisées dans les
régions francophones de Belgique et de Suisse. Les praticiens postulent que les
populations belges et suisses sont suffisamment semblables à la population fran-
çaise pour permettre l’usage des normes françaises.
Conclusion
Construire une batterie de tests de langage constitue une entreprise pas-
sionnante même si établir des normes est un travail coûteux en temps et en éner-
gie. Ce travail ne peut être réalisé que dans le contexte d’une équipe importante 2
et devrait idéalement faire l’objet d’un contrat de recherche appliquée, qui
garantirait la rapidité de réalisation de l’outil.
2. Nous remercions les 75 étudiants qui ont contribué à la prise des données dans le cadre de leur mémoire de
graduat en logopédie
200
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Résumé
La Batterie ÉVALO 2-6 propose au jeune enfant (de 2ans 3 mois à 6 ans 3 mois) des tâches
à réaliser qui constituent autant d’épreuves regroupées par domaines. Celles-ci ont été éla-
borées soit selon une approche structurale (pour mettre en évidence des performances ou
des habiletés dans les domaines linguistique, cognitif, attentionnel, mnésique, practo-gno-
sique, visuo-spatial et graphique ou métalinguistique), soit selon une approche pragmatique
(pour identifier des comportements de jeu ou de communication). Les données de scores
sont complétées par le relevé d’observations cliniques. Chacune des épreuves est normée et
étalonnée.
Les choix méthodologiques réalisés pour l’élaboration de ce nouvel outil ouvrent de nou-
velles perspectives tant pour la démarche d’élaboration du diagnostic orthophonique (par-
cours diagnostiques intradomaine ou interdomaines) que pour l’identification d’indicateurs
(quantitatifs ou qualitatifs) qui permettent d’identifier les sujets porteurs de troubles du lan-
gage.
Mots clés : évaluation, bilan, langage oral, enfant petit (2 à 6 ans), batterie de tests, dia-
gnostic orthophonique, batterie EVALO 2-6.
Nous remercions les 150 orthophonistes et les 230 étudiants qui se sont associés au projet et
ont apporté leur contribution au testing des enfants 1.
Le projet a reçu le soutien du FAQSV URCAM Nord-Pas-de-Calais
1. Pour plus de détails : Dossier de l’orthophoniste - février 2007 : « EVALO 2-6. Genèse et histoire d’un projet ».
J. Roustit, F. Coquet, P. Ferrand
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Françoise COQUET
Orthophoniste
163 rue Saint Albin
59500 Douai
Courriel : francoise.coquet@wanadoo.fr
Jacques ROUSTIT
Orthophoniste
24 boulevard Andrieu
81000 Albi
Courriel : jacques.roustit@wanadoo.fr
Benoît JEUNIER
Docteur en Psychologie du Développement
et Sciences de L’éducation
Directeur de recherche – Ig R1 (Ingénieur
en Méthode de Recherche)
IUFM Midi Pyrénées - Université du Mirail
31- Toulouse
A
u cours d’un bilan de langage oral, l’évaluation s’intéresse à un sujet
formulant une plainte. Ses objectifs structurent la démarche du bilan :
mener une investigation d’ensemble, mettre en exergue les potentialités,
repérer les difficultés, poser un diagnostic, définir des orientations de soin et un
plan de traitement. Elle s’appuie principalement sur des épreuves ciblant un
domaine spécifique, réunies, le plus souvent, en une batterie déterminant un
profil global de compétences. Elle permet le recueil d’informations en vue de
leur analyse selon des critères pertinents à nature qualitative ou quantitative. La
Batterie Evalo 2-6 s’inscrit dans ce contexte.
Après avoir brièvement rappelé les éléments de forme classique sous-ten-
dant l’outil, nous développerons les aspects novateurs, spécifiques à la Batterie
Evalo 2-6. Ceux-ci seront développés selon trois axes : la prise en compte de
l’enfant dans sa globalité, la méthodologie générale de la batterie et la démarche
d’élaboration du diagnostic orthophonique. Les choix méthodologiques effec-
tués pour la construction de l’outil seront, enfin, discutés.
205
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Modalités d’évaluation
La Batterie Evalo 2-6 accorde une large place à l’observation. L’intuition
clinique peut ainsi se formaliser. « L’intuition clinique fait partie de la
démarche clinique, comme elle est partie intégrante de la démarche expérimen-
tale, à titre d’hypothèse de départ et de guide dans l’interprétation des résultats
(…). Elle doit être confrontée avec les données recueillies (…). Il importe
qu’elle soit raisonnée et informée » (Rondal, 1997). La batterie se situe dans la
droite ligne de la démarche clinique en orthophonie dont les principes de base
ont été posés par S. Borel Maisonny (1980), redécrits et confortés par P. Fer-
rand (2004).
Au cours du testing, le sujet est placé dans deux types de situations :
Dans une situation contrainte, d’une part, lors de la passation d’épreuves. « Le
test met le sujet dans un contexte d’effort : l’examinateur souhaite se faire une
idée du potentiel maximum de l’enfant dans le traitement des diverses structures
linguistiques » (Piérart, 2006). Lorsque l’évaluation porte sur la dimension lin-
guistique du langage, ou lorsque la réalisation d’une tâche évalue des habiletés
spécifiques ou d’autres fonctions cognitives, nous avons élaboré des épreuves
dans une perspective structurale. Celles-ci cherchent à apprécier des connais-
sances implicites, explicites ou des procédures que le sujet doit mettre en œuvre.
Dans une situation non contrainte de jeu ou de communication, d’autre
part, des comportements ou des productions spontanés en situation écologique
ou naturelle sont recueillis. Les grilles d’analyse des corpus ont été créées dans
une perspective pragmatique cherchant à apprécier des modalités d’utilisation.
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207
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dans des tâches données est également effectué. Les données de score permet-
tent de situer le sujet par rapport à ses pairs.
Le recueil in extenso, item par item (mot par mot, cellule rythmique par
cellule rythmique, phrase par phrase, par exemple), constitue l’essentiel de la
prise de note. Les manifestations de surface relevées ou les comportements mis
en évidence sont ainsi analysés et appréciés. Le recueil conjoint des éléments de
l’observation clinique complète les données de passation. Celles-ci sont synthé-
tisées dans des tableaux récapitulatifs ou des grilles d’analyse sur critères pour
étudier les stratégies que l’enfant a déployées pour réussir (ou pas).
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centiles. Dans les deux cas, ces échelles supposent que soit fixé un seuil,
épreuve par épreuve, en deçà duquel les performances du sujet sont considérées
comme insuffisantes. Pour la batterie EVALO 2-6, nous avons opéré d’autres
choix.
La cohérence de la structure interne de l’outil a d’abord été déterminée
théoriquement, puis validée statistiquement à l’aide du coefficient de consis-
tance interne – alpha de Cronbach (Jeunier, 1996). Cet indice statistique, variant
entre 0 et 1, permet d'évaluer l'homogénéité (consistance ou cohérence interne)
d'un instrument d'évaluation ou de mesure composé par un ensemble d'items. En
effet, ces items devraient tous contribuer à appréhender un même domaine spé-
cifique. Cet indice traduit un degré d'homogénéité (une consistance interne)
d'autant plus élevé(e) que sa valeur est proche de 1. Dans la pratique, on consi-
dère généralement que l'homogénéité de l'instrument est satisfaisante lorsque la
valeur du coefficient est au moins égale à 0.80.
Rappelons que déterminer la consistance interne des échelles est absolu-
ment fondamental dans le cadre de l’élaboration de la Batterie EVALO 2-6.
Lorsque l'on élabore un instrument participant à l’évaluation de la santé, dans
son acception la plus large, nous devons nous efforcer d'avoir recours à un
répertoire important d’items distincts dont tous permettent d'appréhender une
même « entité sous-jacente », domaine par domaine. C’est cette caractéristique
de l'instrument qui est précisément désignée par le terme d'homogénéité ou de
consistance interne. Au plan technique, notre choix s’est porté, comme nous
l’avons précisé ci-avant, sur le coefficient alpha de Cronbach qui est un indice
considéré comme le plus robuste par les statisticiens spécialisés en sciences
humaines. Ceci a été évidemment corroboré dans une analyse hiérarchique qui
nous a permis de mettre en exergue chacun des domaines de façon significative-
ment distincte.
Calcul de score d’échelle
Pour chacun des domaines de ce nouvel outil, nous avons créé des scores
d’échelles. Ils ont l’avantage majeur de nous permettre de combiner les données
de score obtenues pour chacune des épreuves, avec des données d’observation
qui sont, par définition, qualitatives. Cette démarche est la seule possible qui
permette de mettre en exergue une performance globale du sujet, généralement
inaccessible dans les démarches plus traditionnelles.
Élaboration de profils de développement ou de performance
Pour certaines épreuves, des profils de performance ont pu être obtenus à
partir d’une analyse en regroupements hiérarchiques portant sur différentes
variables (marqueurs morphosyntaxiques et erreurs morphosyntaxiques à
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Démarche générale
Le document d’accompagnement de la batterie est rédigé selon un plan
qui facilite une démarche d’élaboration du diagnostic.
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© Discussion
La démarche de validation de la Batterie EVALO 2-6 est, en soi, porteuse
de beaucoup d’informations originales qui nous renseignent plus encore sur la
compréhension des troubles du langage chez l’enfant de moins de sept ans.
Nous nous proposons de discuter de ces apports en fonction de certaines carac-
téristiques de notre outil.
Nombre d’épreuves constituant la batterie
Le grand nombre d’épreuves constituant la batterie se justifie à plusieurs égards :
• D’abord au niveau théorique. En effet, durant plusieurs décennies, les prati-
ciens en sciences humaines se sont souvent contentés de tirer des conclu-
sions en utilisant des outils ne faisant référence qu’à l’une des dimensions
concernées (Jeunier, 1995). Pourtant les approches multidimensionnelles,
encore peu développées en sciences humaines si l’on considère les méthodo-
logies spécifiques mises à disposition, montrent qu’il n’est plus possible de
se centrer sur une seule dimension. Ce qui ne veut pas dire, évidemment,
qu’il ne demeure pas fondamental que chacune des dimensions soit étudiée
individuellement avec un haut niveau d’expertise, mais qu’un bilan se doive
de mettre en relation les divers domaines correspondant aux troubles suppu-
tés voire suspectés.
• Au niveau analytique. L’ensemble des analyses effectuées produisent une
brillante démonstration qu’il est nécessaire de tester l’enfant sur chacun des
domaines proposés puisque certaines caractéristiques d’enfants présentant
des troubles apparaissent, justement, dans les interactions entre les domaines
plutôt que dans les scores de chacun des domaines pris séparément.
Prise en compte de données qualitatives
La prise en compte de données qualitatives est, in fine, véritablement une
démarche à retenir. Bien entendu, la démarche qualitative a toujours joué un
rôle important dans l’élaboration cognitive d’un diagnostic par les praticiens.
L’apport de cet outil est que l’évaluation qualitative devient moins subjective et,
surtout, plus systématique. Cette volonté de systématisation est fondamentale
dans la démarche scientifique. En effet, un élément scientifique n’est pas sim-
plement un élément bien nommé, il dépend essentiellement de la rigueur de la
démarche mise en œuvre pour le mettre en exergue d’une part, et de la possibi-
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lité de réplication d’autre part. Dans le cadre de la Batterie EVALO 2-6, chacun
des utilisateurs fera référence aux mêmes éléments, définis avec les mêmes cri-
tères d’évaluation, ce qui rend cette démarche plus universelle, dans l’acception
non dithyrambique de la démarche scientifique.
Réflexions sur la notion de pathologie
Comment définir le seuil de la pathologie ? Il s’agit là d’une question qui
n’a pas trouvé de réponse durant plusieurs siècles, et que Zénon de Citium
posait déjà en 385 avant JC, si l’on en croit les souvenirs de ses déclamations
philosophiques rapportés par Diogène (1999).
Rappelons qu’il n’existe pas de signe pathognomonique permettant
d’identifier clairement un trouble du langage. Sans qu’il y ait de consensus éta-
bli au niveau international, différents critères ont été utilisés pour essayer de
déterminer si l’on se trouve en présence ou pas d’une pathologie du langage.
Ainsi, les systèmes de classification des troubles du langage retiennent la
notion de « décalage significatif entre le développement du langage et des
apprentissages et les progrès attendus sur la base de l’âge et du degré de scolari-
sation en se référant à un âge mental ou QI mesuré » (Maillart, 2006). Cet écart
à la norme qui doit être significatif au regard des normes données par les
échelles de développement est mesuré à l’aide des tests étalonnés. Les seuils de
pathologie varient de (-1), (-1,5) ou (-2) écarts-types (SD, DS) selon les outils.
Les « guidelines » (documents concernant les recommandations pour la
prise en charge des troubles du langage) proposent plutôt des seuils d’alerte à
des âges précis. Par ailleurs, certains auteurs recherchent des marqueurs de
déviance (variables selon les modèles théoriques de référence ou les définitions
des troubles) ou des dissociations entre secteurs ou domaines préservés et sec-
teurs ou domaines déficitaires.
Cependant, à partir des hypothèses de recherche développées dans le
cadre de la création d’un nouvel outil multidimensionnel, EVALO 2-6 propose et
privilégie maintenant une approche innovante qui met en perspective les perfor-
mances entre épreuves d’un même domaine mais aussi entre épreuves de diffé-
rents domaines d’une part, et qui dépasse la simple limite de deux écarts-types
d’autre part.
Cette nouvelle approche est issue de l’analyse de plus de 580 000 don-
nées. Nous avons constaté que la limite de deux écarts-types n’était pas perti-
nente pour certaines variables, lorsque l’on compare les scores des enfants de
l’échantillon « tout-venant » à ceux des enfants « relevant d’une prise en
charge orthophonique ».
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Pour ces variables, il est parfois déroutant de constater que les discrimina-
tions entre les enfants qui ont, versus qui n’ont pas, de troubles du langage oral,
ne se jouent pas en termes de différences significatives de scores, mais davan-
tage de relations différentielles entre les variables elles-mêmes. Ce constat n’est
pas nouveau mais nous ne disposions pas encore, à ce jour, d’outil permettant de
mettre en exergue cette intuition. Sans user de métaphore, rappelons-nous qu’il
n’est pas rare de rencontrer un enfant dont les scores bruts ne permettent pas
d’établir un bilan suggérant une prise en charge orthophonique alors que l’intui-
tion du praticien tendrait à prouver le contraire. C’est dans cette situation du « je
n’arrive pas à mettre le doigt dessus », que ce nouvel outil offre toute sa puis-
sance discriminante, dans l’acception méthodologique du terme.
© Conclusion
La Batterie EVALO 2-6, dans sa conception, prend en compte un modèle
théorique de référence et respecte des critères psychométriques inhérents à
l’usage des tests. Elle propose une évaluation, que l’on peut qualifier de trans-
versale, de la compétence langagière incluant la dimension pragmatique. Elle
couvre une large tranche d’âge qui mène l’enfant de l’émergence du langage
organisé à la porte d’entrée dans les apprentissages de l’écrit.
Sa mise au point s’enracine dans la pratique clinique de ses concepteurs
et auteurs qui ont cherché à allier une démarche clinique « raisonnée » et la
recherche d’une rigueur méthodologique et scientifique. Tout en s’inscrivant
dans une forme classique d’évaluation, elle fait de nouvelles propositions et
ouvre des perspectives.
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Légende :
L’évaluation pour le domaine débute avec la « Tâche 1 - Entretien d’ac-
cueil » qui permet le calcul d’un score et un relevé d’actes de langage. Elle se
poursuit (pour les sujets « grands ») avec la « Tâche 2 – Dessin sur
consignes » et la « Tâche 3 – Sur le banc », épreuves qui permettent, outre les
calculs de score, un relevé d’actes de langage en adaptation à la situation pour
l’une et de procédures d’organisation de l’information pour l’autre. Pour les
sujets « grands » comme pour les sujets « petits », les habiletés pragmatiques
sont observées transversalement aux autres épreuves selon 4 axes : intentionna-
lité / fonctions du langage, régie de l’échange, adaptation et organisation de l’in-
formation. Pour les sujets « petits », une attention particulière est portée à cette
habileté, en particulier à l’emploi des modalités non verbales, lors du « Jeu
libre » et du « Jeu partagé ».
Les performances à la « Tâche 3 » peuvent être mises en perspectives
avec les performances à d’autres épreuves (« Compréhension de marqueurs
topologiques », « Complexité Morphosyntaxique sur images », « Mémoire
récit » envisagées sous l’angle linguistique.
Un échec à l'épreuve ou de nombreuses mauvaises réalisations conduisent à un
questionnement :
• Le sujet présente-t-il des difficultés d’entrée en relation ? : observation du
comportement de communication ;
• Le sujet a-t-il des difficultés linguistiques en compréhension ou en produc-
tion, au niveau lexical ou à celui de la morphosyntaxe ? (La cotation des
épreuves tient compte à la fois de la dimension pragmatique et du niveau
d’organisation linguistique) : épreuves de « Dénomination » « Désigna-
tion » « Compréhension morphosyntaxique » « Programmation morpho-
syntaxique ».
Des habiletés comme des difficultés de nature pragmatique sont éven-
tuellement mises en évidence. Leur repérage et leur identification partici-
pent à l’élaboration du diagnostic orthophonique.
223
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Résumé
L’approche pluridisciplinaire des troubles spécifique du langage ou des apprentissages pose
la question de la place de chaque membre de l’équipe aux moments de l’évaluation et de la
prise en charge. Lors du bilan diagnostic, il s’agit de confronter les diverses observations
pour construire un modèle de compréhension qui respecte la globalité de l’enfant en évitant
le morcellement. La connaissance et la reconnaissance des pratiques et des outils de cha-
cun sont un préalable. Les réponses thérapeutiques définies en équipe ne se résument pas
à l’accumulation d’interventions répondant chacune à un symptôme particulier, il s’agit
d’une réponse globale faisant interagir les différents moyens mis en œuvre par chacun. Ces
interactions peuvent avoir lieu dans le temps même des séances par des interventions
conjointes. Cette pratique pluridisciplinaire nécessite des bases de connaissances com-
munes qui doivent rester un cadre de réflexion enrichissant et se nourrissant des pratiques
de chacun. L’élaboration d’une réponse commune est alors transdisciplinaire.
Mots clés : pluridisciplinarité, transdisciplinarité, évaluation, troubles spécifiques des
apprentissages.
Didier ROCH
Orthophoniste
SESSD APF
1, route de l’île Barbière
94380 Bonneuil sur Marne
IME Franchemont Val de Marne
25 rue de la Prévoyance
94500 Champigny sur Marne
Courriel : diroch@wanadoo.fr
I
l y a quelques années, la revue « Contraste » titrait un de ses numéros :
« Enfant singulier, Equipe plurielle » ; on pourrait reprendre cet intitulé
sous la forme : « enfant singulier, singularités de l’équipe plurielle ». Il
sera en effet question dans cet article de la façon dont chaque équipe se donne
les moyens de répondre à la singularité et la complexité de chaque situation. On
pourrait prétendre, en d’autres termes que chaque équipe se renouvelle au
contact de chaque patient particulier et qu’interviennent alors les particularités
de chacun, de sa formation initiale, de son parcours professionnel, des liens qui
se sont créés au sein de l’équipe ou du réseau.
Il est depuis longtemps acquis que la pluralité des regards est nécessaire
dans beaucoup de situations, mais face à des troubles complexes la réponse doit-
elle être multiple, au risque de la complication (emploi du temps du patient,
cohérence des stratégies rééducatives ou adaptatives proposées, enjeux de
savoir, implication du patient, de sa famille…).
La première question est celle de l’évaluation diagnostique et des diffé-
rents intervenants qui y sont engagés, la mise en place d’une réponse à certains
troubles ne peut attendre l’exhaustivité de l’évaluation, les questions peuvent se
poser au fur et à mesure de la rencontre avec le patient et sa famille lors de la
rééducation.
La place de chacun des intervenants se définit évidemment par la
demande du patient, de sa pathologie, des évaluations réalisées et des interven-
tions qu’on sait (ou suppose) nécessaires. Mais la prudence s’impose quant à la
multiplicité des interventions, l’équipe pluridisciplinaire est confrontée à envisa-
ger des priorités dont il faut définir les critères. La complémentarité des diffé-
rentes professions de soins peut permettre un accompagnement sans interven-
tion directe, l’objectif étant alors défini par le mieux être du patient dans sa
globalité. Le risque de cette proposition est la confusion des rôles qui débouche
bien souvent sur des confusions de sens. La richesse de l’approche pluridiscipli-
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naire réside en effet dans la clarté du rôle de chacun auprès de l’enfant dans le
cadre de son expertise professionnelle.
Mon expérience professionnelle au sein d’équipes pluridisciplinaires (de
présupposés théoriques fort éloignés) m’a fait comprendre que la mise en com-
mun des pratiques ne pouvait être fructueuse que par la compréhension d’autres
façons de faire, d’autres langages, d’autres points de vue épistémologiques.
Lorsqu’on parle d’enfants qui présentent des troubles du développement, la dif-
ficulté est de croiser les regards sans exclusive, sans occulter le débat sémiolo-
gique (nourri des connaissances récentes dans chacun des champs intéressés)
mais sans que celui-ci ne vienne contrarier la mise en place de réponses adap-
tées. Comme l’énonçait S. Leibovici la transdisciplinarité impose de « savoir
sortir de son terrain familier pour se transporter en terrain inconnu, tout en pré-
servant son identité propre » (Golse 2000).
Face aux patients atteints de troubles du langage, la place de l’orthopho-
niste est prépondérante au sein de l’équipe. B. Roy (2004) nous en rappelle les
différentes facettes dans l’intervention auprès d’enfants présentant des troubles
d’apprentissage :
• Le rôle d’observateur : c’est le temps de l’évaluation et de l’observation
dans les premiers temps de la prise en charge permettant le diagnostic et le
projet thérapeutique orthophonique.
• Le rôle d’information pour l’enfant, ses parents, les autres professionnels.
B. Roy insiste sur le rôle de médiateur de l’orthophoniste dans le but d’un
meilleur ajustement des différents partenaires du projet.
• Le rôle de thérapeute ; par la rééducation, les adaptations, l’accompagne-
ment centré sur le langage et la communication.
© L’évaluation
Diagnostic différentiel
Les définitions disponibles pour les troubles spécifiques du langage et
plus largement des apprentissages sont avant tout des définitions par exclusion.
La première étape est celle du diagnostic différentiel. Celui-ci réclame l’inter-
vention de différents professionnels au sein d’une équipe pluridisciplinaire ou
d’un réseau. L’exhaustivité de l’évaluation n’est souvent pas nécessaire en pre-
mière intention. On peut affirmer que le rôle de l’orthophoniste est de prendre
en charge, sur prescription médicale, un enfant qui présente un trouble du lan-
gage ou de la communication quand bien même le diagnostic précis ne serait
pas possible à affirmer d’emblée. Cette affirmation prend sa source dans la
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L’examen médical
Le déroulement de cet examen dépend de la spécialité du médecin rece-
vant l’enfant et de ses connaissances dans le domaine des troubles des appren-
tissages, s’il est en position de dépistage ou de diagnostic. L’examen diagnostic
comprend une anamnèse, une étude des antécédents personnels et familiaux, un
examen clinique, sensoriel, neurologique, neuromoteur et psychomoteur. Cet
examen est suivi de la demande de bilans complémentaires et d’éventuels exa-
mens paracliniques (Gonzalez 2007).
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L’examen psychologique
Pratiqué par un psychologue, ou un pédopsychiatre, il permet le diagnos-
tic différentiel avec les troubles envahissant du développement ; l’étude des
interactions entre la sphère psychoaffective et la sphère cognitive, la place que
prend le trouble dans l’histoire de l’enfant. Il permet aussi de juger des réper-
cussions du trouble des apprentissages sur le comportement et le développement
psychoaffectif de l’enfant.
Le bilan psychomoteur
Les psychomotriciens s’attachent à l’évaluation des fonctions non ver-
bales et corporelles de l’enfant. Ce bilan comprend un examen de la motricité
globale, de la motricité fine, du schéma corporel, des praxies, des coordinations,
du geste graphique. Il peut également aborder les aspects sensorimoteurs du
développement.
Le bilan en ergothérapie
Dans le cadre des troubles des apprentissages, le bilan ergothérapeutique
apporte des informations sur les praxies, les gnosies visuelles et tactiles, les stra-
tégies de regard, le graphisme, les compétences visuo-constructives. Il étudie
l’indépendance fonctionnelle de l’enfant et les adaptations permettant de pallier
les difficultés éventuelles.
Le bilan scolaire
Il est riche d’informations quant aux possibilités d’apprentissage en situa-
tion. L’appréciation des compétences scolaires ne se limite pas aux répercus-
sions des troubles tels que décrits par les autres bilans. Elle est conditionnée par
la place qu’occupe l’enfant dans la classe, son investissement des apprentissages
malgré les troubles, la synergie du groupe, les aides et adaptations qui lui sont
proposées.
Une perspective développementale
Parmi les fondements théoriques sur lesquels se basent les différentes
évaluations de l’enfant, les éléments apportés par la psychologie du développe-
ment permettent une mise en perspective. Le bilan sensorimoteur pratiqué par
certains professionnels (médecins, psychomotriciens…) est un mode d’observa-
tion privilégié de la façon dont l’enfant s’approprie le monde environnant. A.
Bullinger, en présentation de ce bilan rappelle que « cette approche dynamique
de la compréhension d’autrui présuppose des choix épistémologiques
différents :
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- Un entretien avec les parents puis le bilan proprement dit avec l’enfant
(généralement en plusieurs séances) ;
- Un nouvel entretien de la psychologue avec les parents ;
- Le compte-rendu en équipe pour prendre connaissance des réponses
apportées par le bilan, des nouvelles questions qu’il pose, de la pertinence
d’un nouvelle orientation du projet thérapeutique et de l’accompagne-
ment.
Connaître les outils
Connaître les façons de faire des autres, c’est pouvoir suivre leur ana-
lyse mais aussi connaître leurs outils. Au-delà des connaissances communes
sur une pathologie en particulier, les différents membres de l’équipe doivent
pouvoir trouver un langage commun. Au SESSD, nous avons mené un travail
de mise en commun entre orthophonistes, psychomotriciennes et ergothéra-
peutes (nous n’y avons pas associé la psychologue qui fait passer les bilans
pour une question de disponibilité). Ce travail avait pour but de rendre expli-
cite à chacun, nos modalités d’évaluation, les différentes fonctions étudiées,
les questions auxquelles chacun pouvait essayer de répondre. Les uns et les
autres travaillions depuis quelques années ensemble et avions pratiqué dans
d’autres institutions ou en libéral, avions suivi quelques formations en com-
mun ; pourtant tout n’était pas si clair ! Concrètement, nous avons détaillé
chacun des bilans en faisant référence aux données théoriques qui les sous-
tendaient et tenté de définir les zones de recoupement (surtout entre ergothéra-
peutes et psychomotriciennes), puis nous avons considéré les grandes fonc-
tions cognitives et le regard que chacun pouvait poser dessus, enfin, nous
avons jugé de l’importance des compétences que recrutait implicitement
chaque bilan (langagières pour les consignes des bilans praxiques, visuelles
pour les bilans de langage…).
Les grilles d’observation
Dans le travail avec les jeunes enfants, nous avons pris l’habitude de tra-
vailler avec des grilles de développement. Nous les utilisons pour l’évaluation et
pour l’accompagnement familial. Depuis quelques années, nous utilisons des
grilles de compétences pragmatiques. Si on considère que l’intervention langa-
gière doit porter autant sur les interactions de l’enfant que sur la forme de son
langage, il est naturel de s’adresser, en premier lieu aux parents mais aussi aux
autres partenaires conversationnels habituels de l’enfant. Pour plusieurs enfants,
dont la communication posait problème, j’ai ainsi demandé aux autres interve-
nants de la prise en charge, en particulier les enseignants, de remplir ce genre de
grille (par exemple, Bishop, Maillart 2003). Cela permet de juger des fluctua-
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© La prise en charge
Pluralité des symptômes, pluralité des réponses thérapeutiques
Face à des enfants présentant des troubles complexes des apprentissages,
il est possible dans une équipe de proposer une réponse à toutes les difficultés,
chaque intervenant apportant une réponse thérapeutique à un symptôme particu-
lier. Le risque de ces réponses parallèles est de perdre de vue la globalité du
développement de l’enfant. Si la prise en charge n’est pas suffisamment concer-
tée, on risque le cloisonnement. C’est à l’enfant dans cette situation qu’on
demande de faire les liens. Ces prises en charge multiples prennent aussi sou-
vent difficilement place dans l’emploi du temps de l’enfant ou, pour le moins,
lui demandent l’investissement de multiples personnes et la disponibilité néces-
saire à chaque thérapie.
La hiérarchisation des besoins à un moment particulier de la prise en
charge, définie en synthèse, et le projet thérapeutique permettent l’articulation
des différentes interventions.
La difficulté réside dans le choix des critères qui permettent cette défini-
tion. Ces critères sont multiples :
- Symptomatologie ;
- Age de l’enfant : quand l’enfant est jeune, les prises en charges sont sou-
vent plus globales (ce qui ne veut pas dire aspécifiques) ;
- Étapes du développement normal ou modes d’apprentissage particulier ;
- Scolarisation ; demandes des enseignants, accompagnement des appren-
tissages ou prévention de certaines difficultés, adaptations possibles ;
- Besoin ponctuel ;
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sées, des préparations et des retours des consultations avec le médecin, des
réunions ponctuelles selon les besoins, mais c’est aussi dans les moments infor-
mels que l’information peut passer en continu, permettant les ajustements.
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fait que le travail d’une équipe dépasse celle de la simple cohabitation de ses
membres. « Le travail en équipe permet de ne pas tomber dans les pièges de
l’autoréférence et offre la possibilité d’élaboration de nouveaux modèles théo-
riques et thérapeutiques » (Golse 2000).
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Résumé
Le bilan de langage oral doit poursuivre au minimum trois finalités : administrative, descrip-
tive et explicative. Pour remplir ces différents objectifs, nous proposons de compléter l'éva-
luation du langage par une évaluation des contraintes qui modèlent son acquisition. Elaborer
un bilan de langage nécessite par ailleurs le choix des épreuves pertinentes pour la tranche
d'âge considérée. Nous discuterons du fait que si période charnière il y a, elle se situe, du
fait des spécificités du développement linguistique et de ses relations avec la scolarisation,
plutôt autour de cinq que de six ans. Pour illustrer ces différents points, nous présenterons
de nouveaux outils, Bilan Informatisé du Langage Oral et Evaluation des Contraintes (Khomsi
& al., 2007a ; Khomsi & al., 2007b), qui serviront de support à une analyse de cas.
Mots clés : langage oral, contraintes, niveaux d'interprétation, hétérogénéité fonctionnelle.
Frédéric PASQUET
Orthophoniste
Doctorant au Laboratoire Langage et
Handicap, J.E. 2321
Université François Rabelais
37000 Tours
Abdelhamid KHOMSI
Professeur de Linguistique
Département des Sciences du Langage
Université François Rabelais
37000 Tours
Correspondance :
Frédéric Pasquet
9 rue des Capucins
22200 Guingamp
Courriel : fpasquet@wanadoo.fr
L
e bilan de langage cristallise un certain nombre d'enjeux pour les prati-
ciens qu'il semble important d'expliciter pour réaliser, en connaissance de
cause, les choix nécessaires. Il doit en premier lieu permettre de répondre
aux critères administratifs qui président à la caractérisation d'un dysfonctionne-
ment ou d'une pathologie. Cet objectif, bien que nécessaire, est largement insuf-
fisant dans la perspective d'élaboration de stratégies de remédiation. Les outils
d'évaluation utilisés doivent, certes remplir les conditions de validité psychomé-
trique, mais aussi disposer d'une sensibilité clinique permettant la formulation
d'hypothèses sur le fonctionnement linguistique de l'enfant. Ce sont ces hypo-
thèses qui permettront, au delà du diagnostic, la mise en oeuvre de stratégies
d'aide individualisées.
Il faut par ailleurs rester vigilant à ce qu'une démarche d'objectivation de
zones de fragilité ne conduise à une prise en charge uniquement symptomatique.
Les connaissances dont nous disposons à propos des dysfonctionnements du lan-
gage indiquent que ce type d'interprétation est tout à fait insuffisant pour répondre
à la dynamique de développement du langage : un fonctionnement donné est un
équilibre entre contraintes persistantes et compensations (Baltes, 1999).
Le bilan engage par ailleurs des choix théoriques. En effet, les outils
d'évaluation reposent, de façon plus ou moins explicite, sur différentes théories
explicatives du développement linguistique normal et pathologique. Sans être
exhaustif, plusieurs approches donnent lieux à des outils qui diffèrent au moins
sur le fond : la neuropsychologie, la psycholinguistique, la psychologie cogni-
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tive ou encore la pédagogie. On admettra que les outils inspirés d'une concep-
tion pédagogique des acquisitions n'intègrent pas le cadre d'une pratique de pro-
fessionnels de santé. Cette dérive est cependant moins susceptible de survenir
dans le cadre de l'analyse du langage oral que dans celui du langage écrit. En
tout état de cause, il semble important d'avoir connaissance de la théorie qui, au
travers des outils, guide l'analyse du fonctionnement linguistique de l'enfant, ici
encore pour prévenir la mise en oeuvre d'actions de soin qui se contenteraient de
l'approche symptomatique évoquée.
Après avoir évoqué les différentes finalités d'un bilan de langage oral,
nous insisterons sur le fait que les modalités d'interprétation des performances
doivent se centrer sur l'agenda de l'enfant, c'est à dire se placer du point de vue
du l'enfant qui acquiert. Nous proposerons ensuite, après avoir succinctement
décrit les outils utilisés, d'illustrer la mise en oeuvre des principes présentés au
moyen d'une étude de cas.
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considérée. Nous reviendrons par la suite sur cette question car elle est détermi-
nante pour l'élaboration du projet de remédiation au regard de la théorie de réfé-
rence. Rappelons que l'observation porte sur des comportements et que c'est à
partir de la variabilité des comportements que l'on réalise des hypothèses sur le
fonctionnement linguistique de l'enfant. La performance à un item ou une
épreuve est un comportement contextualisé, c'est pour cette raison que la
connaissance de l'outil et de ses fondements théoriques est primordiale. On doit
ainsi pouvoir, dans ce cadre descriptif, qualifier l’homogénéité ou l’hétérogé-
néité du fonctionnement de chaque enfant. Il s'agit de décrire les dissociations
qui surviennent alors que l'on sait qu'un développement linguistique non
contraint tend vers une homogénéité des performances (Khomsi & al., 2007a).
Pour décrire le dysfonctionnement d'un enfant, il faut identifier ses zones de fra-
gilité et mais aussi ses zones de ressources disponibles, autrement dit ses défi-
cits et ses compensations. En ce sens, un profil linguistique hétérogène est un
indicateur de dysfonctionnement développemental. Un retard important et
homogène traduit, quant à lui, la non-réussite de stratégies de compensation.
Notons que les adaptations compensatoires d'un enfant s'appuient potentielle-
ment, non seulement sur ses ressources internes mais aussi sur les ressources
externes mises à sa disposition par son environnement, familial en particulier.
Le bilan doit aussi avoir une finalité explicative, étiologique. Il s'agit de la
démarche interprétative la plus délicate parce qu'elle est principalement hypo-
thétique. En effet, le ou les déficits initiaux, en étant plus ou moins masqués ou
compensés, ont été mis à distance par rapport au fonctionnement actuel de l'en-
fant (Jackson & Coltheart, 2001, 2002). La description du fonctionnement lin-
guistique doit cependant être complétée par la recherche des contraintes spéci-
fiques à chaque enfant. Les facteurs de causalité des troubles du langage sont de
plus en plus précisément recensés. On admet que les contraintes internes à l'in-
dividu, qu'elles concernent par exemple l'équipement génétique, les perceptions
ou la motricité, peuvent être cumulées à des conditions externes particulières.
En tout état de cause, il semble important de compléter le bilan de langage par
une identification des contraintes, soit pour tenter de les neutraliser au cours des
séquences d'acquisition de la prise en charge, soit, plus simplement, pour orien-
ter vers des investigations ou traitements complémentaires. C'est dans cette
optique que nous avons élaboré une batterie qui complète le bilan de langage
oral par un système d'évaluation des contraintes (Khomsi, & al., 2007).
Le bilan de langage ne s'arrête pas nécessairement à l'évaluation initiale.
On doit pouvoir disposer, au moins à moyen terme, d'indications pronostiques
permettant notamment de moduler les demandes environnementales. Il s’agit
d'aménager un cadre d'observation dédié à la vérification des hypothèses spéci-
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mentarité de ces deux batteries repose sur l'analyse de certaines des contraintes
pesant sur le développement du langage oral et l'entrée future dans l'écrit. A titre
d'indication nous travaillons à l'élaboration d'un bilan de langage au cycle I qui
permettra d'opérationnaliser, en amont, les principes jusqu'à présent décrits.
L'informatisation des outils permet, outre la standardisation des condi-
tions de passation et le traitement automatique des données, le recueil des temps
de décision des enfants pour les épreuves qui nécessitent un choix. Cette der-
nière variable est importante après le début du cycle II. Pour indication, les
temps de traitement sont à la fois indices de performance selon que l’enfant est
intrinsèquement lent ou rapide, mais ils peuvent être aussi un indice de systèmes
compensatoires mis en place par des enfants en difficulté qui ont besoin de plus
de temps pour répondre efficacement à la demande. Ils peuvent être, enfin, un
indice de difficulté dans le traitement de certaines variables spécifiques. Cepen-
dant, les temps de réponse ne seront pas pris en compte pour les enfants de
cycle I, compte tenu de l'importante variabilité, à cet âge, de la maîtrise de la
souris.
La batterie d'évaluation du langage oral est composée de sept épreuves.
Cinq évaluent des fonctionnements linguistiques en réception et en production,
deux fournissent des indicateurs d'entrée dans l'écrit. Les différents aspects de la
compétence linguistique évalués sont : Compréhension Orale (CO), Lexique en
Réception (LexR), Répétition de Mots (RépM), Lexique en Production, noms et
verbes (LexP) et Production d'Enoncés (ProdE). Les deux dernières épreuves
explorent les aptitudes de segmentation des mots à l'oral et la capacité d'assem-
blage (Chimères) et les premières connaissances sur l'écrit (Lecture pour
Apprentis Lecteurs).
La batterie d'évaluation des contraintes comporte sept épreuves. Rap-
pelons que les contraintes sont considérées comme des habiletés intriquées à
la compétence linguistique qui peuvent jouer un rôle facilitateur ou inhibi-
teur. Les contraintes retenues peuvent être externes ou internes, liées au
contexte ou internes à l’enfant. Pour ces dernières, elles relèvent des
domaines perceptif, moteur, mnésique et de raisonnement analogique. Les
sept épreuves sont : Chaîne Numérique Connue (CNC) qui évalue la capacité
générale d'apprentissage verbal, Identification du Mot Oral (IMO), Dénomi-
nation Rapide (DR), Mémoire des Mots (MM), Attention Visuelle (Attvis),
Praxies bucco-faciales (Prax) et Résolution de Problèmes (RP). Nous ne jus-
tifierons pas ici les liens qui unissent ces différentes contraintes au dévelop-
pement du langage mais tenterons de les illustrer au moyen de l'analyse du
cas de Léa.
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© Le cas de Léa
Informations générales et données administratives
L'objectif de cette analyse de cas est de montrer qu'il est possible d'opéra-
tionnaliser les principes précédemment évoqués en pratique clinique courante.
Léa fait l'objet d'un bilan orthophonique alors qu'elle débute une Grande
Section de Maternelle. Elle est âgée de 5 ans 3 mois et consulte pour des diffi-
cultés persistantes de maîtrise du langage oral. Le cas de Léa a été choisi car il
correspond à une situation de bilan de langage relativement classique en ortho-
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kées. Une anecdote pourrait éclairer ce constat : Léa est membre d'une fra-
trie nombreuse et s'exprime généralement peu. Il est dès lors possible que,
dans ce contexte, et en dehors de toute suspicion de troubles perceptifs
auditifs, l'input soit massivement externe, et donc correctement produit du
point de vue phonologique.
Nous avons déjà souligné que les deux épreuves engageant des processus
à faible teneur linguistique (AttVis et RP) apparaissaient comparativement
mieux réussies.
Il est envisagé que la performance de bon niveau en Compréhension
Orale est obtenue moyennant le recours à des stratégies compensatoires. En
effet, même si le vocabulaire compris semble indemne, le défaut d'élaboration
de la morphosyntaxe, mais aussi les difficultés de maintien en mémoire à
court terme ont nécessairement des incidences en situation de compréhension
d'énoncés parfois longs et/ou complexes. La question est, dès lors, d'identifier
les zones de ressources compensatoires. La tâche de compréhension rend
possible l'engagement, compensatoire et atypique, de procédures de raisonne-
ment : il est possible que Léa procède de la sorte. L'absence de recueil des
temps de traitement ne permet pas de confirmer cette hypothèse. Nous souli-
gnerons que cela aurait été possible dans le cas contraire car la mise en oeuvre
de comportements compensatoires et stratégiques nécessite plus de temps.
Cette tâche de compréhension peut aussi être réalisée en sur-investissant des
connaissances pragmatiques. Cette piste peut aussi être évoquée compte tenu
du contexte socioculturel de Léa. En tout état de cause, elle parvient à com-
penser en situation de compréhension contextualisée, comme c'est le cas ici. Il
est cependant probable que ces stratégies atypiques ne résistent pas à des
situations de compréhension qui deviendront de moins en moins contextuali-
sées, au cours de sa scolarité à venir.
Au total, on proposera que le trouble phonologique pourrait avoir été
induit par un déficit praxique et qu'il a disséminé sur l'ensemble des autres com-
posantes linguistiques, notamment lexicales et morphosyntaxiques. Ce trouble
phonologique serait ainsi plutôt d'ordre moteur que perceptif. Le dysfonctionne-
ment du langage a des incidences sur les capacités d'apprentissage verbal de Léa
mais peut être, dans une certaine mesure, compensé. Les zones de ressources
semblent être liées à l'environnement familial et scolaire, et le pronostic peut
être amélioré par le fait que sa phonologie en réception ne semble que peu voire
pas affectée. Les observations cliniques en situation de production indiquent
qu'au delà de la phonologie, on constate une difficulté importante qui concerne
la construction de la morphologie lexicale.
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© Conclusion
Nous avons tenté de montrer, au moyen de cette étude de cas, comment
opérationnaliser les principes précédemment développés. En tout état de cause,
il faut considérer que la démarche esquissée peut tout à fait intégrer une pra-
tique clinique courante. Elle n'est pas coûteuse en temps. Seules une articulation
entre maîtrise des outils et connaissances théoriques à propos des dysfonction-
nements linguistiques, et une expérience permettant d'établir des régularités,
sont nécessaires.
Deux points principaux sont susceptibles d'étayer les pratiques : l'inter-
prétation hiérarchisée des données du bilan initial et l'apport de l'évaluation des
contraintes. L'accent est mis sur la nécessité, certes de fournir des indications
administratives précises et chiffrées, mais surtout de dépasser une approche
purement descriptive. Individualiser les stratégies de remédiation nécessite la
recherche des pistes de causalité que permet l'analyse des contraintes modelant
le développement du langage. Cette analyse repose fondamentalement sur l'in-
terprétation des dissociations intra-individuelles qui surviennent dans le cadre
des dysfonctionnements. En effet, les tentatives de compensation sont des phé-
nomènes adaptatifs constitutifs du développement. Il est important de considérer
cet aspect car il conditionne la nature des stratégies de remédiation ainsi que ses
objectifs : dans quelle mesure doivent-ils viser une normalisation ou une optimi-
sation des stratégies de compensation?
La question des objectifs reste complexe car ceux-ci dépendent de nom-
breux facteurs comme la sévérité du dysfonctionnement linguistique, la nature
des contraintes persistantes, la disponibilité éventuelle des ressources internes
et/ou externes mais aussi l'âge des enfants, c'est à dire la plasticité linguistique
disponible. Une des pistes pour poursuivre la réflexion à propos du bilan de lan-
gage est d'envisager les modalités d'un bilan dynamique, complémentaire à
l'évaluation initiale, qui permettrait d'apporter des éléments de réponse à la
question centrale du pronostic.
252
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Résumé
Différents travaux rappellent combien le développement des premiers mots est lié au déve-
loppement de la structuration de l’objet (indépendance objet - contexte - identité de l’objet),
ainsi qu’à la capacité cognitive de mettre en relation. Aussi l’auteur interroge les difficultés
de langage présentées par des enfants âgés de 4 à 5 ans comme liées à des difficultés de
construire des expérimentés - élaboration de certitudes par et au-delà des mains - c'est-à-
dire des difficultés dans la construction de liens dans la pensée. Cette approche clinique
permet de compléter les données issues des évaluations standardisées.
Le lecteur est invité à entendre les mots de ces enfants comme expression de leur relation
au monde au travers de leur activité ludique.
Mots clés : abstraire, construire des liens, signifier, troubles du langage oral.
Several studies emphasize how much the development of the first words is linked to the
development of object structuring (object independence – context - object identity), as well
as to the cognitive ability to observe relationships. Thus, the author looks at the language
difficulties shown by 4 to 5 year old children as related to difficulties in structuring expe-
rience – the working out of certainties by and beyond the hands – that is, difficulties in buil-
ding links between ideas. This clinical approach supplements data from standard evalua-
tions. The reader is invited to listen to the words of these children as an expression of their
relationship with the world through their play activity.
Lydie MOREL
Orthophoniste
Membre de Cogi’Act (www.cogi-act.com)
Chargée d’enseignement et de mémoire
École d’Orthophonie de Nancy
1 rue Faubourg St Phlin
54510 Art sur Meurthe
Courriel : morel.lydie@wanadoo.fr
C
et article est organisé en trois parties. Après avoir présenté très rapide-
ment des arguments cliniques et théoriques, une grille de référence pour
l’analyse des données d’observation sera présentée et préparera à la lec-
ture des vignettes rapportant des moments de jeu de quatre enfants. La troisième
partie exposera l’investigation du contenu des actions et des énoncés mobilisés
par ces enfants et permettra d’appréhender où ils en sont dans leur activité
cognitive et dans leur nécessité d’exprimer ce qu’ils comprennent du monde.
Que nous racontent-ils par le jeu de leurs mains et le choix de leurs mots ?
Aline agit et parle comme happée par une reconnaissance de paquets : « objet-
fonction » ou « objet-geste » ou « objet-mot ». Pierre organise ses actions et
s’accroche à des signifiants qui véhiculent ce qu’il a compris (ses expérimen-
tés). Filipe coordonne des actions et choisit un énoncé qui installe et crée une
situation fictive. Enfin Morgane laisse entendre et voir comment l’activité de
mettre en relation s’exprime sur le plan linguistique et cognitif. La conclusion
ouvrira à une réflexion sur la place à accorder à ces observations des conduites
ludiques dans un bilan orthophonique.
© Arguments et problématique
Les travaux menés en psychopathologie portés par des auteurs comme
Welniarz, Boulbil, entre autres et avant eux Ajuriaguerra, Borel, Diatkine, souli-
gnent que le jeu symbolique est quasiment absent chez les enfants présentant
des troubles du développement du langage oral.
Les orthophonistes accueillant ces enfants en grandes difficultés de lan-
gage peuvent observer qu’ils développent des conduites ludiques en décalage
avec leur âge. Lorsque leur est laissée la possibilité de jouer en spontané, les
enfants aiment appuyer sur un bouton pour déclencher un effet, faire tomber des
objets, les sortir d’une boîte, les y remettre ou les poser, faire rouler des voi-
tures. Ils sortent des personnages d’une boîte et ne les installent pas dans des
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saynettes. Ils ne peuvent jouer à faire semblant. Toutes ces conduites sont en
général répétées avec plaisir et peuvent provoquer une gêne chez l’adulte qui les
observe ; elles sont régulièrement qualifiées de régressives, bizarres, de signe
de désintérêt, de non adaptées, d’immaturité affective voire dans certains cas
conduisent à confirmer un diagnostic de troubles de l’attention ou de compré-
hension des consignes.
Par ailleurs très souvent ces enfants parlent sans être dans une interlocu-
tion véritable et leur langage est du type descriptif : le mot est lié à l’objet, les
énoncés sont comme prisonniers de contextes. « La parole du sujet ne fait
qu’illustrer au plus près son action, elle n’implique aucune élaboration ; le sujet
reste consciemment au ras de ses gestes, son mode de pensée colle étroitement à
la matérialité des faits et à l’ustensibilité des objets, il est enlisé dans l’actualité
et, s’il lui arrive de se projeter dans l’avenir ou de revenir sur le passé, c’est en
les transformant en morceaux de présent, où tout est dominé par la succession
des faits. La pensée est pseudo-opératoire puisqu’elle n’opère pas de liaison, pas
de mise en relation » (Marty cité par Bernardi, 1998).
A la suite de Bernardi (1998), je considère que « les échecs, les
retards graves de la conquête et de l’application du système des lois régis-
sant la réalité linguistique ont un rapport avec la conquête et l’application
des lois régissant la réalité physique. Les difficultés d’abstraire les lois
régissant la réalité physique résultent d’un défaut de constitution des inva-
riants fondamentaux et de mises en relation des objets les uns avec les
autres ». Ainsi, considérer les troubles du langage comme révélant des diffi-
cultés dans la construction de liens dans la pensée, c’est accorder une fonc-
tion essentielle à la capacité de construire des activités signifiantes au sens
de coordinations entre actions en tenant compte des propriétés des objets ou
de situations sur lesquels portent ces actions. Autrement dit, c’est analyser
les conduites de l’enfant sous l’angle de son activité de sémiotisation ; cette
étape, apparaissant entre 18 et 26 mois, est fondamentale pour l’évolution de
la pensée. Elle est annoncée par les conduites suivantes : l’enfant est
capable de détourner le statut de ses actions pour les utiliser autrement dans
d’autres liens. La fonction d’un objet est dissociée de l’objet, il peut l’utili-
ser dans un tout autre contexte. Il devient créateur de situations originales. Il
utilise des objets en outil. L’enfant signe ainsi sa capacité à créer des nou-
veaux événements, à signifier autrement sa relation au monde, il invente et
peut jouer à faire semblant. Ce n’est plus l’objet ou l’action qui le guide
mais ce vers quoi il veut aller car il a construit des liens causaux et tempo-
rels. Utilisant le cadre théorique de la psychologie génétique constructiviste,
je vais analyser les conduites ludiques sous l’angle des actions et de leurs
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L’activité cognitive
L’activité cognitive est décryptée à partir des travaux sur le développe-
ment protologique et présymbolique.
[Les prénoms attachés à certains points renvoient aux vignettes ci- après]
Traduire les conduites spontanées des enfants sous l’angle d’un fonction-
nement sensori-moteur, c’est les examiner en termes : d’actions simples, d’ac-
tions réitérées (Aline) ; de juxtapositions d’actions (Aline) ; de différenciations
d’actions selon les objets (Aline) ; de différenciations d’objets en fonction
d’anticipation de résultats (Pierre) ; d’itérations de mêmes actions sans ou avec
recherche d’un effet, du même effet ; d’expérimentations d’actions sur plu-
sieurs objets (Pierre) ; de coordinations d’actions différenciées ; d’inventions
de relations entre objets, d’utilisation d’actions intermédiaires ou d’objets en
outil ; d’explorations de relations endroit/envers avec faire/défaire et avec alter-
nance de fonction actif/passif de certains objets ; d’apparition d’organisations
d’actions sur des objets produisant des mises en relation simultanées ou succes-
sives (Pierre) ; d’imitation différée (Aline) ; de jeu de faire semblant (Filipe) ;
de jeu de faire semblant constitué de coordinations d’actions, de substitut d’ob-
jets, de relations causales ou physiques et temporelles (Morgane).
Il sera examiné également comment ces différents types d’actions s’insè-
rent dans des séquences. En effet, en m’inspirant des travaux sur l’analyse
microgénétique développée par Saada-Robert (1991), le découpage en
séquences des données permet une analyse de leur enchaînement et renseigne
sur la construction de l’objet (au sens large du terme, à savoir le réel) comme
objet à propos duquel on peut penser et signifier. Ce qui conduit à faire des
hypothèses sur le fonctionnement cognitif et sur la capacité de sémiotiser de
l’enfant.
L’activité linguistique
L’activité linguistique est dans ce travail circonscrit à la fonction noé-
tique. Cette dimension du langage nous permet de signifier ce que nous avons
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1. Cette séquence d’actes ludiques est extraite d’observations filmées recueillies par A. Mertz et C. Godier.
Mémoire pour l’obtention du certificat en orthophonie, 2006. Président : Prof. Sibertin-Blanc ; Directrice de
mémoire : L.Morel : « Exploration des capacités de jeu symbolique chez des enfants présentant un retard
de langage. »
2. Extraits de séances de travail dans le groupe « jeu et pensée » au SESSAD de Thionville- Moselle-
(Y. Feurer, orthophoniste).
3. Mémoire cité.
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Aline
L’enfant agit les objets puis les « met dans ». Elle a choisi de toucher tous les
objets.
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Fonctionnement cognitif
Le fait de mobiliser des actions simples envers tous les objets signifie
qu’Aline est dans un rapport au monde du type immédiateté. Elle est centrée sur
le moment de l’effectuation de l’action. Causalité et temporalité ne sont pas dis-
sociées de ces moments d’actions. Les réitérations de [mettre dans] signifient sa
nécessité de produire du [ même] sur les objets à sa disposition. On peut noter
que chaque objet aura été dénommé en quelque sorte par ce geste de [mettre
dans]. Ils sont devenus [mêmes] par cette gestuelle répétée. Ainsi les préoccu-
pations cognitives de la fillette sont constituées par une quête de permanence
d’une propriété de ses actions à savoir la retrouvabilité. Cette fillette a construit
des relations de contiguïté entre les objets et les événements. Elle n’a sur le plan
cognitif aucun besoin de s’accrocher à des signifiants de son environnement qui
objectiveraient des signifiés puisqu’elle n’en a pas construits. Le langage dans
sa fonction de « nous libérer des contraintes du réel » (Sadek-Khalil) ne peut
faire écho chez cette fillette. Sa connaissance du monde pour l’instant peut s’ex-
primer sous forme d’onomatopées, de mots descriptifs. Seraient-ils plus fré-
quents mais énoncés dans les mêmes conditions d’accroche au jeu des mains
que leur statut serait analysé de la même façon.
Pierre
Deux séquences où on le voit à quelques mois d’intervalle se poser des
problèmes différents avec les mêmes objets.
Séquence 1 : Le jeu de « oh le voilà, oh on le voit plus » orchestré par les
mains et doublé par des énoncés
Observations de l’activité ludique
Pierre choisit trois tuyaux, les enfile l’un sur l’autre et à un moment l’un
d’eux est caché entre deux. Il recommence plusieurs fois l’expérience dont l’ef-
fet est pointé par l’orthophoniste qui donne sens à cette situation fortuite, par
oh ! on le voit plus ! ; oh le voilà ! A chaque réitération de cette activité dis-
parition – réapparition du tuyau, Pierre réclame les mots en appelant l’orthopho-
niste par son prénom ou en disant gade. Son plaisir est manifeste, lorsqu’il
énonce en anticipation oh l’est où ? ; Oh l’est là. Puis il ne garde que deux
tuyaux et enfile un jouet clown qui lui aussi disparaît momentanément et réap-
parait lorsque l’un des tuyaux est enlevé. Il énonce et demande les mêmes for-
mules en regardant ou appelant l’orthophoniste. Il pointe en disant là là adressé
à elle, lorsque celle-ci lui demande où il est le clown ? Il s’empare de la boîte à
couvercle tiroir, l’ouvre et installe un tube verticalement, y enfile le clown, puis
plusieurs bobines, interpelle l’orthophoniste où il est ?, tous deux recherchent
les objets dans la boîte, ils sont là ! Il sort les objets de la boite, y met un tuyau
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aut, aut ; puis caché. Presque aussitôt, il questionne chez maman ? en s’adres-
sant à l’orthophoniste qui lui répond oui, après tu iras chez ta maman. En pre-
nant un bouchon, il dit bouchon, l’approche du tuyau et dit non ! car celui-ci
n’entre pas dans le tuyau, puis repart à mettre les bobines restantes en disant
aut, aut, à la dernière il dit fini. Il pose un bouchon sur le tuyau et avant que
celui-ci ne tombe, il porte une main devant sa bouche en souriant.
Analyse des actions et énoncés mobilisés
Le fait de remplir une boîte de bobines avant de jouer à une activité qu’il
connaît bien marque que Pierre est entré dans les coordinations d’actions. Ses
émissions oui / non qui auparavant étaient en appui des effets de la relation
bobine - tuyau, sont maintenant en anticipation et informent de sa connaissance
des effets. Et il se met en nécessité de nommer l’action suivante non plus par
encore ou dedans mais par aut, signalant par là qu’il est centré sur les transfor-
mations à opérer sur les objets. Il attribue à toutes les bobines la qualité de pou-
voir être mises dans, il peut donc les qualifier dans leur rapport de similarité. On
peut parler de pré-collection. Il dit caché et non plus l’est pas là, il signifie l’ef-
fet produit concernant la relation entre bobine et tuyau. Se profile ici un expéri-
menté qui se doit d’être signifié. L’absence est signifiée voire re-présentée par
caché, il dit aussi chez maman. Il nomme un événement à venir, absent de la
séance. Ses mots lui permettent de faire co-exister deux événements. Le choix
du terme « fini » marque bien également la fin de cette séquence envisagée
dans son ensemble : passage de toutes les bobines dans le tuyau. Il n’est plus
dans l’expérience de la réitération du [mettre dans] mais il est centré sur le
groupe bobines à faire passer, l’emploi de aut est une notation temporelle 4, agie
par cette successivité des bobines mises dans le tuyau et l’emploi du fini marque
la clôture de cette successivité 5.
Durant cette période, l’orthophoniste constate un accroissement du voca-
bulaire sur les mots traduisant des transformations (verbes), une demande de
connaissance sur les noms des choses ou les noms des personnes. Il pointe et
dit qu’est c’est ? Un jeu de faire semblant apparaît : Pierre a nourri une poupée
avec un biberon jouet, l’adulte lui propose « il est tout mouillé » en touchant la
chemise de la poupée. Pierre cherche une serviette dans une boîte, n’en trouve
pas, il joue alors porter une bavette en mimant avec ses mains, puis a fait sem-
blant de l’attacher au cou de la poupée et l’essuie.
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Fonctionnement cognitif
Pierre signifie avec des mots sa mise en ordre du réel. Il s’est définitive-
ment installé dans une temporalité non seulement traduite par une organisation
de ses actions mais également traduite par des mots. Le présent et le futur
deviennent contemporains du moment présent. L’absence est nommable. Des
signifiants sont choisis pour représenter l’absence [caché] - [chez maman ?].
Cette séquence conclut le cheminement cognitif de cet enfant au long de
ces deux années. Pierre tout comme Aline, a pendant de longues séances
construit sa capacité à extraire des invariants et durant cette dernière séquence, il
laisse entrevoir sa capacité à RE-Présenter ; ce qui va lui permettre d’élargir sa
compréhension du monde ; les choses pouvant être mises en ordre par lui-
même, et sont nécessairement installées dans des relations de causalité et de
temporalité et doivent être nommées à présent. Comme le signale Barblan
(2004), « le fait de procéder par re-présentation constitue un processus nour-
rissant la curiosité : un fait peut être présenté autrement que par sa nature
même, il peut être synthétisé ou amplifié par le jeu de la représentation... La
porte de la curiosité s’ouvre d’autant plus qu’intervient le droit au symbolique, à
cette forme de secondarisation qu’est la représentation (…). Cela modifie fon-
damentalement le classement fonctionnel dans le réel ».
C’est ce qui va être joué par Filipe.
Filipe
L’enfant est créateur de fiction. Il a choisi un tube flexible long de 60 cm.
Observation de l’activité ludique
Ainsi quelque temps après, Filipe s’empare d’un tube flexible. Il place
autour du cou ce tube flexible et dit teur teur. L’adulte comprend d’abord peur
et répond non j’ai pas peur, l’enfant insiste teur teur, elle propose alors tu joues
au docteur et il renchérit content teur teur ! A une autre séance il approche ce
tube des cheveux de l’adulte et cette fois, c’est un bruitage qui permet de propo-
ser tu me sèches les cheveux, je suis chez le coiffeur. Filipe confirme oui feur
feur reveux.
Analyse des actions et énoncés mobilisés lors de deux courtes séquences qui
mettent en scène la capacité d’utiliser un même objet comme substitut d’un
accessoire.
Il s’agit d’un stéthoscope puis d’un sèche-cheveux dont le sens est porté
par une verbalisation teur teur et feur feur créative et objectivant la situation
qu’il a souhaité jouer. On note que les coordinations d’actions, l’invention de
moyens pour atteindre un but et une verbalisation, même si elle est sommaire,
sont apparues chez cet enfant.
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Fonctionnement cognitif
L’enfant a investi le langage dans sa valeur informative selon Veneziano
(2002) : « La verbalisation guide et enrichit l’interprétation de la signification
symbolique de l’activité de fiction et continue de manière décisive à sa compré-
hension ».
Morgane
La fillette organise le matériel et commente en liant des connaissances
Observations de l’activité ludique
Morgane regarde l’ensemble du matériel, ramasse les billes plates et les
aligne, 1,3, 5, 7, y en a beaucoup. Elle prend le fer ça marche pas, y en a qui
marche mais pas celui-là, elle ramasse les couverts et ça, et ça et ça et ça et fait
un tas. Elle prend la scie, l’agit sur le sol en sciant c’est pas une vraie, reprend
les couverts et les montre à l’adulte ça c’est des couverts et les met dans la
boîte. Elle saisit des billes plates et les aligne avec les autres. Elle met de côté la
scie, le marteau, le tournevis ça c’est une scie, un marteau, un tournevis et tout
le monde savait y avait pas ça dans les jouets. Elle prend les cubes, fait une tour
on peut faire une tour, elle prend trois rouleaux. Adulte : ça sert à quoi ? M :
on peut mettre du sopalin… elle prend les bâtons et les pose à coté des tuyaux.
Elle appuie sur la pince à linge c’est pour accrocher du linge, la pose tout le
monde savait y avait pas ça dans les jouets !
Elle prend le téléphone encore un téléphone. Adulte : encore ? M. oui y
en au autre en désignant un sac à main. (celui de l’adulte) il marche plus en le
montrant à l’adulte. A : ah bon ? M : il a plus de piles… elles sont usées, les
piles. Elle prend la ficelle ça c’est pas un jouet, on peut accrocher avec la ficelle
en saisissant deux baguettes, elle entoure la ficelle autour des baguettes ça fait
des spaghettis ! Elle prend un verre voit une bille plate, l’aligne puis met les
billes dans le verre c’est normal … faut pas les perdre, pour ça on les met dans
le verre.
Analyse des actions et énoncés mobilisés
Les actions simples pointer, aligner, ramasser, mettre dans, mettre de
côté, enrouler, montrer, sont déclinées en organisations d’actions et en coordina-
tions d’actions dans le but d’organiser le matériel - prendre, poser les billes, les
aligner et pointer en verbalisant une comptine numérique-. Le regard qu’elle a à
plusieurs reprises sur les objets avant d’agir renseigne sur la mobilisation de sa
capacité d’anticipation. Les objets sont mis en relation spatialement selon une
caractéristique commune [c’est des outils] ou selon une appréciation verbale qui
les rend dissemblables aux autres [tout le monde savait y avait pas ça dans les
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jouets]. Elle dissocie par là les objets à fonction symbolique des objets non
symboliques.
Elle choisit des termes qui objectivent ce qu’elle connaît : encore un télé-
phone, le terme encore porte l’information qu’elle possède sur la présence d’un
autre téléphone. Elle exprime des relations du type [état – conséquence] et
[état – cause]. Elle fabrique des objets.
Fonctionnement cognitif
La fillette regarde le monde en mobilisant du semblable et du dissem-
blable, ses propos sont explicites, elle construit des connaissances en catégori-
sant ce qu’elle perçoit, elle comprend les choses en les reliant nécessairement –
au sens logique - à du [même] et du (pas même]. Les objets sont entrevus sous
leur signification instrumentale : détournés et pouvant être utilisés comme
intermédiaires. Toute chose se trouve liée à une autre, tout événement lié à un
autre. Temporalité et causalité sont objectivées chez Morgane, ce qui lui permet
de conduire des raisonnements. Ses expérimentés sont des formes de catégorisa-
tion qu’elle a élaborées mentalement, elle a besoin de signifiants pour les expri-
mer. Parvenue à ce niveau de développement de pensée, elle peut s’accrocher
aux modalités de symbolisation que son environnement lui propose.
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