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Revue théologique de Louvain

Joseph Coppens, Le Messianisme et sa relève prophétique. Les


anticipations vétérotestamentaires. Leur accomplissement en Jésus
(coll. Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium, t.
XXXVIII). 1974
Maurice Gilbert

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Gilbert Maurice. Joseph Coppens, Le Messianisme et sa relève prophétique. Les anticipations vétérotestamentaires. Leur
accomplissement en Jésus (coll. Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium, t. XXXVIII). 1974. In: Revue
théologique de Louvain, 6ᵉ année, fasc. 2, 1975. pp. 225-227;

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jugement de ceux qui l'ont déjà salué comme l'œuvre maîtresse de celui qui
fut à Vatican II la cheville ouvrière de la commission théologique. Sans doute,
l'exposé historique présente des lacunes, et, oubli étonnant, l'information très
vaste de l'auteur néglige par exemple de mentionner deux de ses concitoyens,
à savoir le brugeois Van der Meersch et le gantois Maurice De Baets. Puis
les esprits cartésiens estimeront peut-être que cet « être d'union » auquel
Philips s'arrête en dernier lieu et qui fait éclater les catégories aristotéliciennes,
aurait besoin d'un peu plus de clarification. Mais sans doute notre collègue
nous inviterait à ne pas perdre de vue une de ses observations souvent
reprise : « gardons à la grâce un de ses aspects essentiels, celui de 'mystère'
et évitons de vouloir la conceptualiser au point de la vider de son vrai
contenu, celui que notre raison n'est pas à même d'exprimer adéquatement ».
B - 3000 Louvain, J. Coppens,
Hogeschoolplein 3. Professeur émérite de la K.U.L.

Joseph Coppens, Le Messianisme et sa relève prophétique. Les anticipations


vétérotestamentaires. Leur accomplissement en Jésus (coll. Bibliotheca
Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium, t. XXXVIII). Gembloux,
J. Duculot, 1974. IX-276 p. 24 x 16. FB 700.

Un des ouvrages les plus connus du professeur de la Faculté de théologie


de Louvain abordait de façon critique le problème des sens de l'Écriture et
le titre de ce travail révélait déjà l'intention profonde d'une recherche patiente
et féconde, celle des Harmonies des deux Testaments (1949; cf. Nouvelle Revue
Théologique, 1948-1949). Spécialiste de l'Ancien Testament, Mgr Coppens a
toujours maintenu cette visée qui, en fin de compte, n'atteint son objet total
que dans la personne du Christ tel que nous la révèle le Nouveau Testament.
Parmi les sujets qui allaient retenir son attention, le messianisme fut assurément
celui autour duquel ses nombreuses recherches trouvent leur unité. Ainsi qu'il
le rappelle dans l'Avant-propos du présent ouvrage, deux séries d'articles
permettraient tout d'abord de proposer un bon état des questions; l'une
s'attache aux positions des Pascal, Bentzen, Loisy, de Broglie, Mowinckel et
aux apports de l'exégèse catholique française; l'autre série entreprend l'exégèse
approfondie des principaux textes vétérotestamentaires touchant au
messianisme. Si nous rappelons tout cela, c'est pour souligner que le maître louvaniste
ne s'est pas contenté de proposer une synthèse, si belle soit-elle, mais qu'il
consacra la majeure partie de sa longue carrière académique à poser les
fondements et théologiques et exégétiques d'une œuvre qui s'impose
aujourd'hui par son sérieux et sa connaissance des dossiers. En 1968, il
nouait enfin une première gerbe dans son livre Le Messianisme royal, ses
origines, son développement, son accomplissement (1968; cf. Nouvelle Revue
Théologique, 1968). Mais la moisson était loin d'être achevée. Dès 1971,
Mgr Coppens se remettait au travail; une série d'articles parurent dans les
Ephemerides Theologicae Lovanienses; ils traitaient de la relève prophétique
du messianisme royal. Rassemblés, pratiquement sans grand changement,
ils forment la première partie de ce deuxième ouvrage (p. 3-153). Resterait,
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pour achever l'œuvre, à présenter une synthèse sur la relève apocalyptique,


que l'étonnant exégète, presque octogénaire, étudie depuis plus de vingt ans
dans une série d'articles consacrés surtout au Fils de l'homme, articles dont
il rappelle d'ailleurs les titres dans la Postface du présent ouvrage (p. 255).
Celui-ci se divise en deux parties, ainsi que le sous-titre l'indique clairement.
Les anticipations vétéro testamentaires, quelles sont-elles? On observe, d'une
part, que les déceptions suscitées par les difficultés et les échecs de la dynastie
davidique ont progressivement mis en valeur la royauté de Yahvé, déjà
affirmée très anciennement, certes, dès l'époque des Juges, semble-t-il, mais
dont on attend de plus en plus l'avènement; ainsi Mgr Coppens consacre-t-il
son premier chapitre à cette question; il prend alors appui sur l'ouvrage
d'É. Lipihski, mais n'hésite pas à marquer ses distances vis-à-vis de plusieurs
de ses thèses. D'autre part, - et l'on entre ici dans le vif du sujet -, des textes
de l'Ancien Testament mettent leur espoir dans la venue d'un prophète; en
particulier Dt 18, 15.18 annonce un nouveau Moïse; mais le sens collectif ou
distributif de l'expression semble le plus fondé. C'est principalement le
Serviteur de Yahvé évoqué par le deutéro-Isaïe qui peut apparaître comme
le prophète de l'avenir; la difficulté bien connue de ce qu'on appelle les
«chants du Serviteur» exigeait une étude beaucoup plus attentive; c'est
pourquoi Mgr Coppens leur consacre plus de soixante-dix pages (p. 41-113).
Les conclusions critiques auxquelles il s'arrête sont les suivantes. Au moment
de leur insertion dans l'œuvre deutéro-isaïenne, les chants en question se
limitaient aux versets 42,1-7; 49,l-8a; 50,4-9a; 52,13-53,12 (Notons
immédiatement que Mgr Coppens avait achevé son étude quand parut le commentaire
de P.-É. Bonnard, Le second haïe, Paris, 1972, qui refuse, quant à lui, d'isoler
les chants du Serviteur; cf. RTL, t. 4 [1973], p. 377-378). Cependant
originairement les chants du Serviteur n'étaient qu'au nombre de trois, 42,5-7
visant primitivement Cyrus, 49,8-9a.7 concernant à l'origine Israël et 50,4-9a
se rapportant au deutéro-Isaïe lui-même; les limites des trois chants primitifs
seraient : 42,1-4; 49,1-6; 52,13-53,12. En outre, le dernier de ceux-ci,
52,13-53,12, serait antérieur aux deux autres. Le Serviteur, selon ces trois
chants primitifs, serait Israël lui-même; Mgr Coppens opte donc, après de
longues discussions, pour le sens collectif. Pour mieux cerner alors la mission
du Serviteur, il relit 42,1-4 : cette mission consisterait surtout dans la
proclamation du mispat, c.-à-d. d'une « intervention divine dans le cours des
événements historiques de façon à les infléchir et à les diriger vers le salut
que Dieu veut réaliser à l'avantage de son peuple» (p. 90). Relevons au
passage la traduction proposée pour 42,3 : « Roseau ployé, il ne sera pas
brisé. Mèche qui faiblit, il ne s'éteindra pas » (p. 94). Enfin la figure du
Serviteur est prophétique, plutôt que royale, et sa mission se situe pour une
large mesure dans l'avenir. Mgr Coppens conclut cette étude en confrontant
ses conclusions à celles du Père M.-J. Lagrange (1931) et du Père N. Fiiglister
(1970); l'originalité des positions proposées par le disciple d'A. Van Hoonacker
n'en prend que plus de relief : la mission salvatrice passe de la maison de
David au peuple régénéré par l'épreuve de l'exil; ce peuple aurait à témoigner
en faveur de Yahvé à la face des nations qui pourraient bénéficier elles aussi
du salut de ce Dieu qui réalisait de tels hauts faits en faveur d'Israël. Après
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l'exil, le judaïsme allait s'arrêter surtout à deux figures de prophète de


l'avenir : le prophète erschatologique de Mal 3,1 et le prophète à venir pareil
à Moïse, nouveau Moïse ou Élie redivivus, cependant que Jr 31,31-34
annonce entre Yahvé et son peuple une alliance nouvelle, distincte de
l'alliance davidique, et qu'Is 61,1-3 brosse le portrait du prophète idéal dont
la communauté du retour de l'exil espère la venue. Bref, toute l'enquête
conduit à penser que seules les figures du prophète pareil à Moïse et du
Serviteur deutéro-isaïen (pour ne rien dire ici du Fils de l'homme daniélique)
ont pu être considérées comme capables d'assumer la relève du Messie royal.
L'accomplissement en Jésus fait l'objet de la seconde partie de l'ouvrage
(p. 155-253). Se référant à Mgr L. Cerfaux, qui fut son collègue, Mgr Coppens
rappelle les règles à respecter dans l'exégèse néo-testamentaire quand on tente
d'y atteindre le message originel et la personne même du Maître. Les évangiles
affirment qu'aux yeux des foules, Jésus était prophète; Jésus lui-même se
considérait-il tel? Dodd l'a pensé, avec raison, semble-t-il. Par contre, c'est
à la prédication apostolique dans les milieux judéo-chrétiens que l'on doit
l'utilisation de Dt 18,15-19 en christologie. Quant à la figure du Serviteur,
il est possible qu'elle ait retenu l'attention de Jésus, mais le portrait d'Is
6 1,1 -2b «s'ouvrait mieux à Lui pour une relecture» (p. 194) que les textes
d'Is 42,1-7; 49,1-9; 50,4-9. Le Serviteur souffrant d'Is 52-53 ne retint pas
seulement l'attention des premiers prédicateurs chrétiens, de Paul en
particulier, mais aussi, si l'on en croit les seuls évangiles synoptiques, l'attention de
Jésus en personne : il semble avoir prévu son destin tragique et l'avoir accepté
à la lumière du chant du Serviteur souffrant (avec raison, Mgr Coppens
observe, p. 208, 213-215, que Sg 2,10-22 n'a pu lui apporter cette lumière; de
plus, il n'est pas prouvé que Sg 2 dépende d'Is 52-53, ainsi que le proposait
encore M. J. Suggs dans Journal of Biblical Literature, en 1957); les textes
probants ou apportant des indices sont peu nombreux : Le 22,37; Me 10,45;
les expressions vnèp ttoAJjcDv et els âfecnv â/xapTicov du récit de la Cène. Dans
un dernier chapitre, Mgr Coppens retient l'essentiel du message de Jésus
prophète messianique et serviteur de Dieu : « la notion de nouvelle alliance
pouvait facilement venir à l'esprit de Jésus quand il cherchait à désigner
l'économie du Nouveau Testament » (p. 230), surtout la veille de sa mort;
quant aux biens du Royaume, ils sont exprimés par les évangiles synoptiques
« dans une terminologie qui ne porte pas encore l'empreinte d'une théologie
fortement évoluée » (p. 231); Mgr Coppens en discerne surtout trois : la
rémission des péchés (cf. Jr 31,34), le don de l'Esprit (cf. Ez 36,27) et la vie
éternelle (la formule, caractéristique de l'évangile de Jean, est associée dans
les synoptiques à celle de Royaume de Dieu); en octroyant ces biens, Jésus
réalisait la relève prophétique du messianisme. Enfin, dans ses conclusions
générales, Mgr Coppens montre pour quelles raisons Jésus se distança du
messianisme classique, sans toutefois y renoncer totalement, en particulier
en raison des perspectives terrestres et nationales de ce messianisme classique
(mais, p. 248, « Un mouvement de résistance armée au temps de Jésus? »;
J. Giblet répond négativement dans la RTL, t. 5, 1974, p. 409-426).
B-3O3O Heverlee, M. Gilbert,
Sint-Jansbergsteenweg 95. Chargé de cours à V Université Catholique
de Louvain.

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