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Diagnostic biologique de la toxocarose humaine

Article  in  Revue Francophone des Laboratoires · July 2014


DOI: 10.1016/S1773-035X(14)72576-6

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3 authors, including:

Judith Fillaux
Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse
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ZOONOSES

Diagnostic biologique
de la toxocarose humaine
Jean-François Magnavala,b,*, Judith Fillauxc,d, Richard Fabreb,e

RÉSUMÉ SUMMARY
La toxocarose est une helminthozoonose due à la présence dans l’organisme Diagnosis of human toxocariasis in laboratory
humain de larves de Toxocara sp., vers ronds de la famille des Ascaridés. Toxocariasis is a zoonotic helminthiasis due to the
À ce jour, deux espèces seulement, Toxocara canis et Toxocara cati, parasites infection of humans with larvae of Toxocara sp. that are
respectifs du chien et du chat, ont été reconnues comme agents causatifs de ascarid round worms. Only two species, Toxocara canis
la maladie humaine. Le diagnostic biologique des formes généralisées, larva and Toxocara cati, are recognized so far as agents of
migrans viscérale et toxocarose commune, est essentiellement sérologique, the human disease. The laboratory diagnosis of the
et repose sur la méthode ELISA utilisant des antigènes larvaires d’excrétion- generalized forms of toxocariasis, namely visceral
sécrétion. Tout résultat positif ou douteux doit être ensuite vérifié par une larva migrans and covert/common toxocariasis, is
technique de western-blot. La toxocarose commune est une parasitose fré- mostly serological, and relies upon ELISA using Toxo-
quente, mais la plupart du temps bénigne. Une grande majorité des sujets cara canis excretory-secretory larval antigens. Any
atteints est asymptomatique ou n’a que quelques signes cliniques, et reste positive or border-line result should subsequently be
donc sans diagnostic. Cette forme de toxocarose se résout généralement checked by western blotting. Covert/common toxoca-
spontanément, et les patients guéris conservent un résidu d’anticorps spéci- riasis is mostly a benign frequent infection, so a large
fiques (« cicatrice sérologique »), de sorte qu’une séropositivité résiduelle peut majority of infected subjects is asymptomatic or has
être associée à n’importe quelle pathologie, infectieuse ou non. Séparée du very few symptoms, and therefore go undiagnosed.
contexte clinico-biologique, une sérologie positive n’a a priori aucune valeur This form of toxocariasis usually is self-limiting and
diagnostique, et ne peut être prise en considération qu’une fois éliminées les cured patients exhibit residual specific antibodies,
autres étiologies possibles du syndrome présenté par le patient. À l’inverse de so a positive serodiagnosis can be associated with
ce qui peut être réalisé dans d’autres infections, l’ancienneté de la présence any infectious or non-infectious disease. Considered
des IgG spécifiques ne peut être évaluée en dosant les IgM spécifiques. apart from the clinical and laboratory context, such a
Le dosage des autres classes – notamment IgE – ou sous-classes – IgG3/ positive result has no diagnostic value and should be
IgG4 – d’anticorps spécifiques, ou la détection des complexes immuns only taken into account after the possible causes of
circulants se sont avérés inaptes à différencier une parasitose active de la any observed syndrome have been ruled out. Unlike
présence d’anticorps résiduels. À l’heure actuelle, la présence d’une toxo- what can be done for many other infections, the age
carose commune active est affirmée par des arguments indirects, comme of the presence of specific IgG cannot be assessed
l’existence de signes cliniques qui ne peuvent être rattachés à une autre using the level of specific IgM. The detection of other
pathologie, associés à une éosinophilie sanguine et/ou à un taux élevé de classes of immunoglobulins – particularly IgE - or sub-
protéine cationique des éosinophiles. Une telle situation est loin d’être idéale. classes – IgG3 / IgG4 - or circulating Ag was proven
Toxocara sp. – toxocarose humaine – zoonose – diagnostic biologique. to be unable to discriminate between active infections
and the presence of residual antibodies. Currently, the
diagnosis of an active covert toxocariasis relies upon
a Service de parasitologie médicale
indirect arguments, e.g., the presence of otherwise
b CNRS UMR 5288 « Anthropobiologie »
unexplained symptoms along with blood eosinophilia
Université Paul-Sabatier – Faculté de médecine Toulouse-Purpan
and/or elevated levels of eosinophil cationic protein,
37, allées Jules-Guesde – 31000 Toulouse
a situation which is far from ideal.
c Service de parasitologie-mycologie
CHU de Toulouse – Hôpital Purpan
Toxocara sp. – human toxocariasis – zoonosis –
TSA 40031 – 31059 Toulouse cedex 9 laboratory diagnosis.
d IRD UMR 152 « Pharmacochimie et pharmacologie
pour le développement »
Université Paul-Sabatier
31062 Toulouse cedex 9
e Biopole 1. Introduction
52, av. Tolosane – 31520 Ramonville-Saint-Agne
La toxocarose est une zoonose helminthique due à la pré-
* Correspondance sence dans l’organisme humain de larves de Toxocara sp.,
jean-francois.magnaval@univ-tlse3.fr vers ronds de la famille des Ascaridés. À ce jour, deux
espèces seulement, Toxocara canis et Toxocara cati, ont
article
ti l reçu le
l 10 mars, accepté té le
l 14 avril il 2014 été reconnues comme agents causatifs de la maladie
© 2014 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. humaine. Les adultes des deux espèces sont des parasites

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du tube digestif de leurs hôtes définitifs respectifs, les entrant dans l’alimentation humaine. La littérature rapporte
canidés et les félidés [1]. Par le passé, T. canis était consi- plusieurs cas de toxocarose causés par la consommation
déré comme la seule cause de la toxocarose humaine. de viande ou d’abats crus ou peu cuits venant d’animaux
Bien que ce rôle soit indéniable, il existe aujourd’hui des de boucherie ou de basse-cour (volaille, lapins) [7-9].
preuves substantielles que les larves de T. cati puissent Depuis 1979, de multiples enquêtes séroépidémiologiques
aussi parasiter l’Homme, entraînant une affection au spectre ont démontré que la toxocarose humaine était une des
clinico-biologique proche de celui causé par les larves de helminthiases cosmopolites les plus fréquentes. Dans les
T. canis [2]. pays au mode de vie occidental, tels que ceux du G8, la
Le premier compte rendu de la présence de la présence de séroprévalence va de 2 à 5 % dans les zones urbaines,
larves de T. canis dans d’autres hôtes que les canidés a été de 15 à 20 % dans les zones semi-rurales telles que les
faite par Random et Foster en 1920 [3]. En 1952, Beaver et banlieues résidentielles des grandes villes, et atteint 35 à
al. publièrent trois observations d’enfants présentant une 42 % en milieu rural [10]. Les facteurs positivement cor-
hépatomégalie avec lésions granulomateuses associée à rélés avec le degré de séroprévalence sont un bas niveau
une très importante éosinophilie sanguine [4]. Ils identi- socioéconomique et une hygiène environnementale défec-
fièrent les larves trouvées dans le foie comme appartenant tueuse [11], ceci étant amplifié par la présence d’un climat
à l’espèce T. canis et appelèrent cette nouvelle maladie : chaud et humide [12, 13].
« visceral larva migrans » (VLM, ou LMV en français). Beaver
donna ultérieurement une interprétation restrictive de ce
terme, eu égard au fait que l’Homme joue ici un rôle d’hôte 3. Physiopathologie
paraténique. Selon cette définition, la toxocarose ne peut
pas être considérée comme une « impasse parasitaire » [5]. La toxocarose est le fait d’un parasitisme exclusivement
larvaire, les vers adultes n’étant jamais présents dans l’orga-
2. Épidémiologie nisme humain, notamment le tube digestif. Dans le duodé-
num, les larves provenant de l’éclosion d’œufs embryonnés
ou libérées par la digestion des tissus d’hôtes paraténiques
L’Homme s’infecte principalement en ingérant des œufs
contaminés perforent la paroi intestinale et entament un cycle
embryonnés (figure 1) présents sur le sol de son environ-
dit « somatique », à l’issue duquel elles errent pendant une
nement ou sur la fourrure d’animaux de compagnie [6]. En
durée de temps variable dans l’organisme humain. Lorsque
conséquence, la toxocarose humaine est au premier chef
cette migration prend fin, les larves se retrouvent piégées
une saprozoonose selon la classification OMS de 1979.
À côté de cette origine environnementale des contami- dans des granulomes à éosinophiles au sein desquels elles
nations existe aussi une voie alimentaire qui implique les dégénèrent [14]. Les larves rejettent en permanence, à rai-
larves présentes dans les tissus d’hôtes paraténiques son d’environ 2 ng/larve/jour, des antigènes solubles dits
« d’excrétion-sécrétion » (Ag TES), de nature glycoprotéique.
Ces Ag TES sont pratiquement absents de la mosaïque
Figure 1 – Œuf embryonné de Toxocara cati. antigénique somatique des larves et des adultes [15]. Une
partie de ces Ag TES est d’origine interne, sécrétés par
la glande œsophagienne et la colonne excrétoire, l’autre
provient de la libération dans le milieu des glycoprotéines
de l’enveloppe externe épicuticulaire. Le renouvellement
de cette enveloppe est permanent et très rapide, avec un
turn-over de 50 % en 1 h, et de 80 % en 48 h [16]. Cette
libération permanente d’Ag TES est très certainement à
l’origine de la survie des larves chez l’hôte paraténique, en
« saturant » les défenses immunitaires de ce dernier. Par
ailleurs, le fait que la réponse immunitaire de l’hôte soit
dirigée quasi exclusivement contre ces Ag TES, et non
contre les Ag somatiques qui ne sont exposés que lors
de la destruction larvaire, a été d’une importance cruciale
dans le développement du diagnostic immunologique de
la zoonose. Les Ag TES contiennent une puissante fraction
allergénique [17], ce qui explique la fréquence des manifes-
tations allergiques observées chez les individus infectés [18].
Le fort pouvoir immunogène et allergénique des Ag TES a
fait naître l’hypothèse que la plus grande partie des cas de
toxocarose humaine serait le fait d’inocula de taille très faible.
De fait, en 1959, un volontaire qui avait ingéré 100 œufs
embryonnés de T. canis présenta dans les suites une toux
irritative permanente durant plusieurs mois. Le niveau de
son éosinophilie sanguine était de 13 500 cellules/mm3
au 30e jour suivant l’infestation, et se situait encore à
Cliché Pr A. Valentin, Service de parasitologie, CHU de Toulouse.
6 150 cellules/mm3 quatre mois et demi plus tard [19].

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ZOONOSES

4. Clinique Figure 2 – Uvéite avec hyalite intense.


La flèche indique une bande de traction.
Il convient tout d’abord de souligner que la majorité des
infections est très certainement infra-clinique. Concer-
nant les patients symptomatiques, il y a désormais un
consensus général sur la nosographie de la toxocarose
humaine, qui comprend des formes généralisées et des
formes compartimentées [10, 20-21].
Pour les formes généralisées, l’atteinte majeure est représen-
tée par le syndrome de LMV. Causé par l’ingestion de très
grandes quantités d’œufs embryonnés de Toxocara sp., il est
généralement observé chez des sujets présentant géophagie
ou pica, à savoir des enfants vivant en milieu très défavorisé,
ou des individus souffrant de retard mental ou de troubles
psychiatriques graves. Le tableau clinique associe une alté-
ration plus ou moins marquée de l’état général, avec fièvre
et amaigrissement, une toux asthmatiforme, des sibilances,
des adénopathies multiples, une hépatomégalie et des infil-
trats de Loeffler sur les clichés du thorax [4]. L’existence de
formes moins bruyantes avait été soupçonnée au début des
années 1980, en raison du hiatus existant entre les forts taux Cliché Dr A.-M. Bourdiol, Service d’ophtalmologie, CHU Purpan, Toulouse.
de séroprévalence relevés dans les pays industrialisés et le
petit nombre de cas de LMV rapportés dans la littérature
(970 entre 1952 et 1979). Deux enquêtes réalisées quasi 5. Diagnostic biologique
simultanément en France chez l’adulte [18] et en Irlande chez
l’enfant [22] démontrèrent que la toxocarose humaine n’était 5.1. Biologie non spécifique
pas une rareté, et qu’elle se présentait le plus souvent comme
un syndrome associant asthénie chronique, douleurs diges- 5.1.1. Hémogramme
tives, manifestations allergiques diverses, souvent conjonc- Dans le syndrome de LMV, la FNS retrouve constam-
tivales ou cutanées (éruptions prurigineuses ou prurit isolé), ment une hyperéosinophilie, au minimum franche et
myalgies diffuses, œdèmes angioneurotiques, toux irritative souvent massive, au-delà de 10 000 cellules/mm3 [24].
et, chez l’enfant, troubles du sommeil et du comportement. Au cours de la toxocarose commune, l’éosinophilie est
Cette forme clinique fut dénommée « toxocarose commune » habituellement modérée, autour de 1 500 cellules/mm3
en France et « covert toxocariasis » ou toxocarose cachée [18]. Elle peut même être absente [22], notamment chez
par les Anglo-Saxons. les patients présentant des manifestations chroniques
Les formes compartimentées sont oculaires ou neurolo- d’allergie cutanée [25]. Dans les formes compartimen-
giques. La toxocarose oculaire survient préférentiellement tées, et notamment dans la toxocarose oculaire, l’éosi-
chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte jeune, et elle est quasi nophilie sanguine est en principe dans les limites de la
constamment unilatérale. La présence d’une seule larve normale [26]. Cependant, lorsque l’atteinte oculaire est
dans la paroi oculaire ou à son voisinage immédiat entraîne le fait d’une migration larvaire survenant au cours d’une
une inflammation chronique dont les conséquences sont, toxocarose généralisée, une hyperéosinophilie peut être
soit une uvéite antérieure, soit le plus souvent une uvéite observée [27].
postérieure avec choriorétinite et hyalite. L’opacification
du vitré peut alors s’accompagner de dépôts d’immun- 5.1.2. Cytologie des liquides de ponction
complexes en périphérie de l’œil (« œufs de fourmis ») et de La présence de larves de Toxocara sp. dans le névraxe
la formation de bandes fibreuses de traction conduisant à s’accompagne souvent d’une pléiocytose du LCR, avec
un décollement de la rétine (figure 2). Lorsque la larve est éosinophilie [23]. La découverte d’éosinophiles dans
piégée par la réaction inflammatoire dans les membranes l’humeur aqueuse a été rapportée au cours de la toxoca-
oculaires, un granulome rétinien se développe, souvent au rose oculaire, mais le faible volume de ce type d’échantillon
pôle postérieur. Le signe d’appel le plus courant est une rend cet examen difficilement utilisable.
baisse de la vision dans l’œil atteint, s’amplifiant rapidement
en quelques jours ou au maximum quelques semaines. 5.1.3. Dosage des IgE totales sériques
De nombreuses atteintes sont infra-cliniques, décelées L’augmentation permanente et franche du titre des IgE
seulement lors d’un examen ophtalmologique de rou- totales en liaison avec une helminthiase a été décrite
tine. L’infection du névraxe par les larves de Toxocara sp. pour la première fois en 1968 chez enfants éthiopiens
entraîne une symptomatologie non spécifique, méningite, porteurs d’Ascaris lumbricoides [28]. Cette anoma-
méningo-encéphalite ou myélite transverse, rendant diffi- lie a été retrouvée ensuite dans la plupart des para-
cile l’implication formelle de la toxocarose dans la genèse sitoses vermineuses. Dans la toxocarose commune,
des troubles observés. En 2011, une revue de la littéra- 79 % des patients présentaient une augmentation du
ture ne trouvait qu’une soixantaine de cas publiés [23]. niveau des IgE totales [29], la moyenne étant de 850 kUI/L
Les relations avec l’épilepsie restent controversées. dans une autre série [18].

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Figure 3 – Larve de Toxocara canis. 5.3. Diagnostic immunologique
La nécessité de disposer d’un sérodiagnostic
spécifique a été motivée par la lourdeur et les
incertitudes du diagnostic direct. À la fin des
années 50, dans le cadre du mouvement scienti-
fique qui allait voir appliquer en parasitologie les
techniques immunologiques récemment appa-
rues, une première tentative eut lieu, basée sur
l’utilisation d’extraits d’Ascaris lumbricoides ou
d’A. suum. Cet essai allait être suivi par beau-
coup d’autres, qui employèrent essentiellement
des extraits solubles ou des coupes de T. canis
adultes (antigène homologue) ou d’A. lumbri-
coides ou A. suum (antigènes hétérologues).
Toutes ces méthodes montrèrent un net manque
de spécificité [26], en raison de la complexité
de la mosaïque antigénique des helminthes,
génératrice de réactions croisées entre parasites
parfois taxonomiquement éloignés. De surcroît,
en utilisant d’une part des sérums de macaques
expérimentalement infectés, d’autre part des
extraits solubles d’adultes et d’œufs embryonnés
de T. canis, il fut démontré que les fractions anti-
Cliché J.-P. Duclos, Service de parasitologie, Faculté de médecine Toulouse-Purpan.
géniques contre lesquelles l’organisme infecté
montait une réponse immunitaire étaient absentes du
5.1.4. Marqueurs de l’inflammation panel antigénique des vers adultes. Les techniques dia-
Fréquent dans la LMV, un syndrome inflammatoire est gnostiques utilisant ces antigènes, sous forme soluble ou
inhabituel dans la toxocarose commune/« covert toxo- figurée (immunofluorescence indirecte), manquaient donc
cariasis », où seulement 11 % des patients présentaient à la fois de sensibilité et de spécificité.
cette anomalie biologique [29]. Une première amélioration vint de l’emploi d’extraits du
tractus génital d’Ascaris suum femelles, autrement dit
5.2. Diagnostic direct d’antigènes ovulaires hétérologues. Leur utilisation en
Seule la microscopie permet avec certitude de faire un dia- immunoélectrophorèse (IEP), face à des sérums de sujets
gnostic de toxocarose (« gold standard »). Celui-ci repose hyperéosinophiliques suspects de LMV, montra un arc de
sur l’identification de larves trouvées dans le LCR [30] précipitation caractéristique [33]. Des travaux ultérieurs
ou les milieux intraoculaires [31], ou de sections de larves démontrèrent que la fraction antigénique en cause était
ou de débris larvaires observés à l’examen anatomo- présente également dans les Ag ES de T. canis, mais
pathologique de biopsies ou de fragments d’organes [14]. absente des extraits somatiques de larves ou d’adultes
Intactes, les larves de Toxocara canis, d’aspect trapu de T. canis, ainsi que du liquide cœlomique d’A. suum.
(figure 3), font en moyenne 400 μm de long sur 20 μm Elle donnait cet « arc majeur » (figure 4) avec un sérum
dans leur plus grande largeur [32]. Sur les coupes anatomo- de macaque expérimentalement infecté par les larves de
pathologiques, la cuticule montre deux ailes latérales T. canis, mais ne réagissait pas avec des sérums humains de
caractéristiques [14]. Les larves de Toxocara cati ont une patients porteurs d’helminthiases autres que la toxocarose
morphologie similaire [32]. [34]. Cette méthode avait donc une excellente spécificité,

Figure 4 – Immunoélectrophorèse avec extraits d’organes génitaux femelles d’Ascaris suum.


Présence de l’arc majeur.

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ZOONOSES

mais une faible sensibilité, l’IEP à visée diagnostique étant 5.3.2. Méthodes de routine
connue pour exiger de fortes concentrations d’anticorps et stratégies diagnostiques
spécifiques pour se positiver. L’ELISA détectant les anticorps de classe IgG dirigés contre
Au milieu des années 1970 fut publiée la description d’un les Ag ES (ELISA-TES IgG) s’est imposée comme l’immu-
test qui associait l’ELISA, méthode apparue en 1971, avec nodiagnostic de référence. À l’heure actuelle, une quinzaine
l’emploi d’extraits d’œufs embryonnés de T. canis [35]. de firmes commercialisent des trousses revendiquant des
Pour éviter tout problème de réaction croisée, les sérums performances relativement similaires d’un produit à l’autre.
à tester étaient adsorbés au préalable sur un extrait pulvé- En 1991, une des premières trousses apparues sur le mar-
rulent d’A. suum adultes. Une évaluation ultérieure trouva ché avait fait l’objet d’une évaluation qui reste à ce jour
une sensibilité de 78 % et une spécificité de 92,3 % [26]. la seule effectuée sur ce type de réactifs. Les investiga-
Cependant, l’étape d’adsorption des teurs avaient trouvé une sensibilité de
sérums rendait la pratique du test 91 % et une spécificité de 86 % |38].
incommode et décapitait probable- Figure 5 – Western-blot Ils signalaient cependant des réac-
ment les faibles infestations, comme avec Ag TES. Profil tions croisées avec les sérums de
le suggérait le niveau assez bas de caractéristique à 7 bandes. sujets atteints de strongyloïdose ou
sensibilité. Un progrès décisif allait de trichinellose. Ce problème de
être effectué en 1976, avec la publi- spécificité avait déjà été soulevé par
cation d’une technique de main- Lynch et al. qui, ayant mis au point en
tien en survie in vitro des larves de 1988 un test ELISA « maison », avaient
T. canis [36]. Les Ag TES pouvaient démontré en zone tropicale que les
donc être produits à un niveau per- sérums de sujets atteints d’ascari-
mettant leur emploi dans une tech- diose induisaient de fortes réactions
nique ELISA (ELISA-TES) [37], faisant croisées [39].
ainsi entrer l’immunodiagnostic de En vue de renforcer la spécificité
la toxocarose dans l’ère moderne. de l’ELISA-TES IgG, et par analo-
gie avec ce qui venait d’être effectué
5.3.1. Production des Ag TES en 1985 dans le cadre du sérodia-
Les laboratoires qui effectuent la gnostic de l’infection à VIH, un test
« culture » des larves de T. canis de confirmation par western-blot
utilisent tous des variantes de la détectant également les IgG spéci-
méthode initiale de De Savigny [36]. fiques des Ag TES (WB) fut mis au
Dans notre service, les vers femelles point à la fin des années 1980 [40].
sont lavés à l’eau du robinet, puis Testés par WB, les sérums de patients
disséqués. Les organes génitaux atteints de toxocarose et d’un lapin
sont soumis à une digestion arti- expérimentalement infecté montraient
ficielle contrôlée dans un mélange un profil caractéristique (figure 5),
pepsine-HCl, afin d’éliminer les tis- fait d’un groupe de 4 bandes de bas
sus d’enveloppe. Les œufs recueillis poids moléculaire (BPM) de 24, 28,
sont distribués dans des tubes à 30 et 35 kDa, et d’un groupe de 3
culture contenant du formol à 1 % bandes de haut poids moléculaire
dans de l’eau physiologique. Ils vont (HPM) de 132, 147 et 200 kDa. Les
incuber pendant 2 à 3 semaines à sérums de patients atteints d’asca-
37 °C dans un bain-marie agité. ridiose, d’hydatidose, d’oxyurose,
Périodiquement, des contrôles de strongyloïdose ou de téniasis à
microscopiques sont effectués pour T. saginata ne donnaient – éventuel-
évaluer le degré d’embryonnement. Lorsqu’il atteint 50 %, lement – qu’un profil incomplet qui ne comprenait que
les œufs sont décortiqués dans un broyeur de Potter, les bandes de HPM. L’analyse statistique confirmait que
puis les larves sont séparées des débris ovulaires par seules les réactions concernant les fractions de BPM
une technique dérivée de celle de Baermann pour le dia- étaient spécifiques de la toxocarose. Les études ulté-
gnostic coprologique de la strongyloïdose (anguillulose). rieures, réalisées dans d’autres pays tant chez l’animal,
Elles sont réparties ensuite dans des flacons plats pour lapin ou souris, que chez l’Homme, confirmèrent ces
cultures virologiques contenant du RPMI 1640 enrichi en constatations initiales, à savoir la présence de 2 groupes
glutamine, à la concentration d’environ 1 000 larves/ml. de bandes correspondant aux fractions de BPM et HPM,
Ces flacons sont incubés à 37 °C en atmosphère à 5 % et la spécificité des bandes de BPM. Il fut également
de CO2. Toutes les semaines, les tubes sont inclinés et, démontré que les bandes observées dans la zone de 55
une fois les larves sédimentées, le surnageant contenant à 65 kDa avec certaines trousses commerciales de WB
les Ag TES est décanté. Ce produit brut est ultracentri- ne correspondaient pas à des fractions spécifiques [41].
fugé, puis dialysé contre de l’eau distillée. Après titration Par ailleurs, les essais comparatifs avec l’ELISA mirent
des protéines, il est lyophilisé sous atmosphère inerte en en évidence une sensibilité du WB très significativement
flacons de 5 ml. Entreposés ensuite à - 80 °C, les Ag TES supérieure, d’environ 55 %, à celle des trousses com-
ont une durée de conservation dépassant les 15 ans. merciales d’ELISA-TES IgG [42].

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET/AOÛT 2014 - N°464 // 65


Le diagnostic immunologique des formes généralisées de la 6. Perspectives diagnostiques
zoonose, LMV et toxocarose commune ou « covert toxoca-
riasis », repose sur l’utilisation séquentielle de l’ELISA-TES
6.1. Détection des infections actives
IgG, puis du WB pour contrôler les positivités ELISA. Cette
À l’inverse de ce qui existe pour certaines infections
stratégie est d’ailleurs inscrite à la NABM. Il est souhaitable
bactériennes, virales ou à protozoaires (toxoplasmose),
de contrôler aussi les sérums donnant des densités optiques il n’est pas possible dans la toxocarose d’évaluer le
situées dans la « zone grise », entre le seuil qui en constitue caractère récent d’une séropositivité IgG par le dosage
la limite supérieure et la limite inférieure, définies toutes deux concomitant des IgM spécifiques, ces dernières étant
par le fabricant de la trousse ELISA. L’usage combiné de ces présentes tout au long de l’infection. Des méthodes
deux méthodes assure grâce à l’ELISA-TES IgG un rendu donnant des arguments indirects sont donc utilisées ou
rapide et peu coûteux des résultats négatifs et garantit avec en cours d’évaluation.
le WB la spécificité des positivités détectées.
Le problème majeur réside dans la valeur diagnostique d’un 6.2.1. Dosage de la protéine cationique
résultat positif, en raison de la présence généralisée de des éosinophiles (ECP)
forts taux de séroprévalence. La toxocarose commune est Les polynucléaires éosinophiles s’accumulant préféren-
dans la grande majorité des cas une helminthiase bénigne, tiellement dans les tissus, l’hypothèse fut émise qu’une
qui va souvent ne pas être diagnostiquée et qui va guérir absence d’éosinophilie sanguine pouvait ne pas corres-
spontanément en laissant des séropositivités résiduelles. pondre à une absence d’éosinophilie tissulaire. L’ECP
Dans ce cas de figure, une positivité de l’ELISA-TES IgG et les autres protéines cationiques contenues dans les
perdurerait en moyenne 2,7 ans et le WB mettrait plus de granulations éosinophiles sont libérées quand ce type
5 ans à se négativer [10]. En conséquence une positivité de polynucléaires est activé, notamment en présence
sérologique, correspondant à la présence d’anticorps de parasites vermineux vivants. Le dosage de l’ECP est
résiduels sans signification pathologique, peut se retrou- donc utilisé depuis treize ans dans notre service pour
ver fortuitement associée à n’importe quelle entité mor- suspecter la présence d’une toxocarose active chez les
bide, infectieuse ou non. Prise isolément et détachée du patients normoéosinophiliques [45].
contexte clinico-biologique, elle n’a donc aucune valeur
diagnostique. Ce n’est qu’après avoir éliminé les étiolo- 6.2.2. Quantification de l’avidité des IgG spécifiques
gies possibles du syndrome observé, notamment celles Cette méthode a démontré son utilité dans l’exploration
des hyperéosinophilies, qu’un résultat positif peut être des conversions de la sérologie toxoplasmose survenant
pris en considération. Une demande de sérologie de la chez la femme enceinte. Appliquée au suivi sérologique
toxocarose doit donc toujours être incluse dans un panel sur 6 à 12 mois de 11 enfants polonais atteints de toxo-
d’immunodiagnostics dont la composition est établie en carose, elle a révélé une augmentation significative de
fonction des renseignements épidémiologiques et cliniques. l’avidité chez 10 d’entre eux [46], soit un très intéressant
La présence d’une augmentation nette du taux des IgE premier résultat qui demande à être confirmé par des
totales qui oriente vers une helminthiase, associée à la études ultérieures.
négativité des examens parasitologiques des selles, voire du
sang et des urines, représente alors un argument important. 6.2. Amélioration de la spécificité
Le diagnostic sérologique des formes compartimen-
tées, oculaires et neurologiques, pose un problème ardu. 6.2.1. Détection des sous-classes d’IgG
Du fait d’une charge parasitaire souvent minime, voire réduite spécifiques des Ag TES
à une larve, l’immunodiagnostic effectué sur sérum est le La recherche par ELISA des IgG3 [47] ou des IgG4 [48]
plus souvent négatif. S’il est positif, on retrouve à nouveau s’est avérée plus spécifique mais moins sensible que
le problème sus-décrit posé par la prévalence élevée d’anti- l’ELISA-TES conventionnelle, et n’a pas reçu d’applica-
corps résiduels. Pour la toxocarose oculaire, la solution est tion en routine.
venue de la généralisation de la pratique de la ponction de
chambre antérieure (PCA) qui a rendu possible l’immunodia- 6.2.2. Utilisation d’Ag recombinants
gnostic sur l’humeur aqueuse (HA) par ELISA-TES IgG [43] Bien que les performances du couple ELISA-TES IgG/WB
ou par WB [27]. Pour la toxocarose neurologique, les immu- soient satisfaisantes en termes de sensibilité et de spé-
nodiagnostics se font sur le LCR [30, 44]. Le diagnostic cificité, ce processus diagnostique est coûteux en cas
immunologique sur liquides de ponction doit être systé- d’utilisation de réactifs commerciaux, et parfois malaisé
matiquement couplé avec un test sur sérum. En cas de à mettre en œuvre. À partir de 1995, plusieurs études
positivité dissociée – HA ou LCR positif, sérum négatif – ont évalué l’intérêt diagnostique d’Ag recombinants de
l’existence d’une synthèse intraoculaire ou intrathécale d’IgG 26 à 30 kDa. Les meilleurs résultats furent une sensibilité
spécifiques est établie avec certitude. Si sérum et liquide de 92,3 % et une spécificité de 89,6 %, mais sur seu-
de ponction sont simultanément positifs, une production lement 26 patients toxocariens [49]. Il est souhaitable
locale éventuelle sera calculée par la formule de Reiber. de voir se poursuivre les travaux sur cette thématique,
Le suivi post-thérapeutique n’est pas possible par les tech- car l’utilisation d’Ag recombinants pallierait la difficulté
niques détectant les IgG, ELISA-TES et WB, la cinétique croissante à trouver des vers adultes, tout en combinant
de cette classe d’immunoglobulines ne variant que très à terme, dans un simple DOT-ELISA, un bas coût avec
lentement, même après un traitement efficace. la spécificité du WB.

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ZOONOSES

6.3. IgE spécifiques des Ag-TES 7. Impasses actuelles


et suivi-post-thérapeutique
La présence d’IgE spécifiques dans le sérum de patients Dans le but notamment de diagnostiquer les toxocaroses
atteints de toxocarose avait été établie au cours des actives, des ELISA sandwich destinés à détecter les
années 1980, sans qu’une application diagnostique de Ag TES circulants ont été proposés. En raison proba-
routine en ait découlé [50]. Au début des années 1990, blement du bas niveau de la charge parasitaire chez la
un test immunoenzymatique détectant les IgE dirigées plupart des patients et de l’inclusion des larves dans des
contre les Ag-TES (ELISA-TES IgE) fut développé, éva- granulomes, notamment hépatiques, ce type de test a
lué et enfin appliqué en routine sur une grande échelle affiché une sensibilité décevante, associé à un manque
(environ 2 500 tests par an) dans le service de parasi- flagrant de spécificité [55]. Cet axe de recherche semble
tologie du CHU de Toulouse [51]. Les performances de pour l’heure abandonné.
cette technique diffèrent nettement de celle de l’ELISA-
TES IgG. Environ 20 % des patients toxocariens n’ont
pas d’IgE anti-Ag TES à un niveau ⩾ 5 unités Toxocara 8. Thérapeutique
(UT)/L. À l’inverse, des titres significatifs d’IgE anti-Ag
TES ne sont trouvés que chez des patients présentant Quelle que soit la forme clinique de toxocarose rencontrée,
un terrain atopique, objectivé par une histoire clinique ou l’option thérapeutique choisie, traitement ou abstention,
évocatrice et la positivité des tests immunologiques de une prophylaxie adaptée visant à éviter toute réinfection
dépistage. Le titre des IgE anti-Ag TES décroît rapide- est la première mesure à prendre. Un interrogatoire soi-
ment après traitement anthelminthique spécifique, ce gneux du patient et éventuellement de son entourage doit
qui fait que l’ELISA-TES IgE est utilisé en routine dans être effectué pour identifier les facteurs de risque ainsi
notre service pour la surveillance post-thérapeutique des que les sources probables d’œufs de Toxocara sp. dans
patients toxocariens avec terrain atopique associé [52]. l’environnement.
Par ailleurs, ces IgE spécifiques ont été retrouvées dans Au niveau du traitement étiologique, peu de médica-
l’HA de patients suspects de toxocarose oculaire à des ments ayant une efficacité prouvée sont disponibles, ce
titres supérieurs à ceux décelés dans le sérum, argument qui est souvent le cas pour les helminthiases humaines.
en faveur d’une synthèse locale et donc d’une atteinte Le thiabendazole (Mintezol®) n’est plus disponible, et
oculaire [27]. avait une mauvaise efficacité doublée d’un taux élevé
d’effets secondaires, parfois majeurs. Le fluoromében-
6.4. Diagnostic des infections à T. cati dazole (Fluvermal®), qui n’est pas absorbé par le tube
Différentes techniques expérimentales destinées au dia- digestif, doit être écarté, ainsi que l’ivermectine, qui a
gnostic sérologique de la toxocarose à T. cati ont été fait preuve d’une efficacité très modérée. La diéthyl-
publiées, mais aucune n’a été évaluée en pratique. Bien carbamazine (Notézine®) est certainement la molécule
que certains travaux aient montré une grande similitude la plus active, avec une efficacité autour de 93 % chez
entre les Ag ES de T. canis et de T. cati, l’existence de frac- les patients atteints de toxocarose commune, mais son
tions propres à la deuxième espèce a été prouvée, ce qui emploi s’accompagne d’un taux élevé d’effets secon-
pourrait conduire à la mise au point d’un test spécifique. daires causés par l’action sur les larves (réaction de
Dans l’attente, il faut signaler que le WB utilisant les Ag ES lyse parasitaire) ou liés à la molécule (effets centraux
de T. canis est de toute évidence incapable de différen- et digestifs). L’albendazole (Zentel ®, Eskazole ®), à la
cier les deux types d’infection. Utilisé sur des sérums de posologie de 10 mg/kg/jour, sans dépasser 800 mg/j
patients présentant des preuves circonstanciées d’infection (2 comprimés) est l’anthelminthique le plus fréquem-
par les larves de T. cati, le WB n’a jamais montré de profil ment utilisé. Son efficacité est d’environ 74 % avec des
de positivité différent de celui initialement décrit dans la effets secondaires quasiment aussi fréquents qu’avec
toxocarose à T. canis [40]. la diéthylcarbamazine, mais mineurs.
La décision de traiter ou non un patient porteur d’une
6.5. Diagnostic moléculaire toxocarose dépend du type de syndrome présenté. Enfants
Les techniques moléculaires sont handicapées par plu- et adultes avec une LMV sont justiciables d’une thérapeu-
sieurs facteurs qui ont rendu jusqu’ici problématique la tique étiologique. Les sujets présentant une toxocarose
recherche d’ADN de Toxocara sp. Dans la plupart des commune ou « covert toxocariasis » avec hyperéosino-
cas de toxocarose humaine, la charge parasitaire est très philie sanguine ne doivent pas nécessairement recevoir
faible et la probabilité d’avoir une larve dans un échantil- des anthelminthiques, car cette forme de la maladie guérit
lon de tissu semble donc minime. De plus, il s’agit là de souvent spontanément. Un traitement antiparasitaire ne
méthodes invasives et inacceptables d’un point de vue doit être envisagé que chez des sujets dont la maladie
éthique et technique, la toxocarose étant habituellement évolue depuis plus d’un mois et, en tout état de cause,
une affection bénigne. Leur seul intérêt serait l’identifica- après que les seules mesures prophylactiques se soient
tion de structures larvaires trouvées dans des biopsies avérées insuffisantes. Les patients asymptomatiques avec
ou des fragments d’organes venant de la chirurgie ou hyperéosinophilie chronique ne requièrent aucune thé-
d’autopsies [53]. Le futur pourrait résider dans la détection rapeutique spécifique, mais seulement la mise en place
de l’ADN parasitaire soluble [54], un concept prometteur d’une prophylaxie adaptée.
mais qui demande à être validé par des évaluations portant La toxocarose oculaire étant rare et souvent grave, aucun
sur de plus grandes séries. essai thérapeutique randomisé et contrôlé n’a été publié.

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À partir des résultats provenant de cas isolés ou de petites 9. Conclusion
séries les corticoïdes peuvent être recommandés locale-
ment et/ou per os (1 mg/kg/jour pendant 1 mois) comme Actuellement, le diagnostic biologique de la toxocarose
traitement initial. S’ils s’avèrent inefficaces, l’ajout d’un
humaine repose quasi exclusivement sur l’association de
anthelminthique doit être envisagé.
l’ELISA-TES IgG et du WB qui est optimale au regard de
Dans les formes généralisées de la zoonose, le suivi post-
la sensibilité et de la spécificité. Cependant, l’interprétation
thérapeutique s’effectue par le biais de consultations de
d’un résultat positif reste délicate, eu égard à la prévalence
contrôle, dont la première ne doit pas intervenir avant un
minimum de 4 semaines suivant la fin du traitement. L’effi- importante dans la population générale d’anticorps résiduels
cacité du traitement s’apprécie sur l’évolution clinique et sur témoins d’infections spontanément guéries. La recherche
les paramètres biologiques non spécifiques (éosinophilie, titre des IgM spécifiques n’est d’aucun intérêt dans le cadre des
des IgE totales et éventuellement de l’ECP) et spécifiques helminthiases, et aucune autre technique sérologique n’a fait
(titre des IgE anti-Ag ES, s’il était élevé avant traitement). la preuve de son efficacité en routine. L’affirmation de l’activité
Le suivi des formes compartimentées, oculaires et neu- d’une toxocarose commune continue donc à reposer sur des
rologiques, relève de la pratique de ces deux spécialités, arguments indirects, une situation qui est loin d’être idéale.
et va se baser essentiellement l’évolution des troubles
fonctionnels, des anomalies décelées à l’examen ophtal- Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
mologique, et des données de l’imagerie médicale [52]. conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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