Avec l’entrée en vigueur au sein de l’Union européenne, le 25
mai 2018 du Règlement UE 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données encore connu sous le nom de Règlement Général sur la Protection des Données personnelles (RGPD), les entreprises et les organisations non gouvernementales (ONG) établies en Côte d’Ivoire seront fortement impactées par ses dispositions et ne pourront plus transférer ou échanger des données à moins d’avoir réalisé leur mise en conformité à la loi ivoirienne n°2013-450 du 19 juin 2013 relative à la protection des données à caractère personnel.
En effet, la loi du 19 juin 2013 susvisée est en phase avec le
Règlement européen adopté trois ans plus tard, ayant anticipé sur ses dispositions et articulations.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire dispose d’une législation
complète et moderne en matière de protection des données à caractère personnel, qui donne à ce pays le statut de pays assurant une protection adéquate.
Ainsi, la loi ivoirienne établit le cadre juridique et
institutionnel des traitements des données à caractère personnel en déterminant, d’abord, les régimes juridiques pour chaque type de traitement et pour la circulation des données à caractère personnel, que ces traitements soient mis en œuvre par l’État, les collectivités territoriales, les personnes morales de droit public ou de droit privé.
Ensuite, elle détermine les responsabilités des responsables du
traitement et les droits reconnus aux personnes concernées par lesdits traitements.
Enfin, elle a institué une autorité de protection des données à
caractère personnel et prévoit la fonction de correspondant à la protection des données à caractère personnel.
Ce faisant, la loi ivoirienne est en tout point conforme au
RGPD avec lequel elle partage beaucoup de similitude.
Fortes ressemblances
En effet, ces deux législations poursuivent les mêmes objectifs
à savoir : -renforcer la protection des personnes physiques à l’égard des traitements dont elles peuvent faire l’objet ; -responsabiliser les responsables de traitement et les autres intervenants en matière de traitement des données à caractère personnel ; -crédibiliser la régulation en matière de protection des données à caractère personnel, en prévoyant l’autorégulation et en renforçant la sanction en cas de manquement à la loi.
Ainsi, ces deux législations visent à créer un cadre adapté et
harmonisé de la protection des données qui tient compte des récentes évolutions technologiques, notamment le Big Data, les objets connectés, Intelligence Artificielle et des défis qui accompagnent ces évolutions.
Ces deux lois prévoient les mêmes principes de protection des
données à caractère personnel, à savoir : le principe d’interdiction de traitement des données sensibles ou de catégories particulières, sauf exceptions légales, le principe d’interdiction de transférer des données vers des pays tiers qui n’offrent pas un niveau de protection adéquate, les principes de consentement préalable, de licéité, de légitimité, de loyauté, de transparence, de finalité, de proportionnalité, de minimisation des données, de confidentialité, de sécurité, de conservation limitée des données.
En outre, ces deux lois déterminent également des obligations
pour les responsables de traitement et leurs sous-traitant et reconnaissent des droits aux personnes concernées, notamment le droit d’accès, le droit d’opposition et de refus du profilage, le droit d’effacement et droit à l’oubli numérique, le droit de copie et de portabilité des données.
Enfin, ces deux lois ont prévu des institutions chargées
d’assurer de manière indépendante la protection des personnes concernées à l’égard du traitement de leurs données à caractère personnel, à savoir pour la Côte d’Ivoire une Autorité de Protection et un correspondant à la protection des données à caractère personnel chargé d'assurer en toute indépendance la protection des données à caractère personnel, et pour l’UE, l’Autorité de Contrôle indépendante et le délégué à la Protection des données (Data Protection Officer (DPO)).
Cependant, au-delà de la similarité, il existe des différences de
degré dans les approches légistiques entre ces deux lois.
Différences Majeures
En effet, le RGPD a vocation à harmoniser le droit des Etats
membres de l'UE en matière de protection des données personnelles. Tandis que la loi ivoirienne ne s'applique que sur le territoire de la Côte d'Ivoire.
Ainsi, l’application du RGPD sera immédiate dans les Etats
membres de l'UE à compter du 25 mai 2018 dans la mesure où aucune transposition ne sera nécessaire, à cet effet. De ce point de vue, il se distingue de l'Acte additionnel de la CEDEAO relatif à la protection des données à caractère personnel dans l'espace de la CEDEAO, qui a été transposée en droit ivoirien à travers la loi du 19juin 2013 relative à la Protection des données à caractère personnel.
Le RGPD sera applicable à partir du 25 mai 2018 dans
l'ensemble des pays de l'UE, mais aussi aux personnes situées hors de l'UE et ayant des liens juridiques avec les pays de l'UE.
Les sanctions prévues par le RGPD sont mille fois supérieures
à celles prévues par la législation ivoirienne. Alors que la loi ivoirienne prévoit une sanction pécuniaire allant jusqu’à 5% du chiffre d’affaire annuel du dernier exercice comptable dans la limite de cinq cent millions (500 000 000) de francs en cas de manquement réitéré, le RGPD prévoit une sanction pécuniaire allant jusqu’à 4% du chiffre d’affaire mondial du groupe d’entreprises concernées.
De ce fait, les entreprises situées en Côte d’Ivoire et ayant des
relations d’affaires ou des liens juridiques avec l’UE seront impactées.
Les entreprises ivoiriennes qui font parties d’un groupe
d’entreprises ou d’établissements dont le siège est établi au sein de l’UE, seront directement soumises aux dispositions du RGPD, notamment aux principes généraux régissant le transfert de données à caractère personnel vers une entreprise située dans un pays tiers.
En tout état de cause, les transferts de données de l’UE à des
entreprises responsables de traitement, sous-traitants ou autres destinataires dans des pays tiers et inversement ne pourront avoir lieu que si ces pays disposent d’une législation prévoyant un niveau approprié de protection des droits fondamentaux des données concernées et si ces entreprises ont entrepris leur mise en conformité à cette législation protectrice.
En outre, le RGPD prévoit que lorsqu’un traitement doit être
effectué pour le compte d’un responsable de traitement situé dans l’UE, celui-ci doit faire uniquement appel à des sous- traitants qui présentent des garanties suffisantes quant à la mise en œuvre des exigences dudit règlement.
Ainsi, une entreprise ivoirienne qui n’est pas en conformité
avec la loi ivoirienne ne sera pas en conformité avec le RGPD. Car ce n’est pas suffisant d’avoir une législation en matière de protection des données à caractère personnel, encore faut-il que les entreprises ou ONG soient elles-mêmes en conformité avec ladite loi, notamment en ayant engagée le processus de mise en conformité et obtenu les autorisations de transfert des données à destinations des pays tiers.
En conclusion
L’entrée en vigueur du RGPD à compter du 25 mai 2018
soulève de nombreuses interrogations quant à son impact sur les entreprises et ONG ivoiriennes.
Cela ne fait l’ombre d’aucun doute que le RGPD aura un
impact significatif sur les entreprises ivoiriennes et les ONG qui n’ont pas encore entrepris leur mise en conformité à la loi ivoirienne ;
D’où l’impérieuse nécessité pour les entreprises qui
commercent avec l'Europe d’anticiper en organisant leur mise en conformité. Concrètement, cela implique de mettre en place une véritable gouvernance des données personnelles. Sur le plan juridique, il convient de souligner que le règlement reprend de façon globale les dispositions de la loi ivoirienne, mais va beaucoup plus loin en prévoyant, notamment la protection des données à caractère personnel dès la conception d'un produit ou d'un service (protection by design ou par défaut).
Cette protection des données à caractère personnel dès la
conception ou dès l’origine du traitement est également prévue par le dernier alinéa de l'article 21 de la loi n°2013-450 relative à la protection des données personnelles.