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Mouvement d’un fluide en présence

d’un champ électrique

par Pierre ATTEN


Ingénieur de l’École polytechnique
Docteur ès sciences
Directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

1. Forces électriques.................................................................................... D 2 850 - 2


2. Mécanismes de conduction et charge d’espace ............................. — 3
2.1 Conduction volumique................................................................................ — 3
2.2 Injection d’ions............................................................................................. — 4
2.3 Autres phénomènes de conduction ........................................................... — 4
3. Instabilité électrohydrodynamique en injection unipolaire......... — 5
3.1 Mécanisme d’instabilité .............................................................................. — 5
3.2 Instabilité non linéaire................................................................................. — 6
4. Électroconvection en injection unipolaire........................................ — 6
4.1 Contraste entre liquides et gaz ................................................................... — 6
4.2 Cas de l’injection limitée par charge d’espace.......................................... — 7
4.3 Électroconvection en conditions transitoires ............................................ — 8
4.4 Configuration fil-cylindre coaxiaux ............................................................ — 8
4.5 Panaches chargés ........................................................................................ — 9
5. Électroconvection en présence de gradient thermique................ — 9
5.1 Fluide parfaitement isolant ......................................................................... — 9
5.2 Injection dans un fluide isolant .................................................................. — 10
5.3 Cas d’une conduction « ohmique »............................................................ — 10
6. Conclusions ............................................................................................... — 10
Références bibliographiques ........................................................................ — 11

n sait depuis longtemps qu’un fluide soumis à un champ électrique peut


O être mis en mouvement. La plus ancienne observation est celle du vent élec-
trique décrit par Franklin : une pointe métallique portée à haute tension provo-
que un mouvement de l’air qui peut souffler une bougie. Au siècle dernier,
Faraday fit des observations du même ordre sur un liquide isolant (essence de
térébenthine) et mentionna l’existence de tourbillons très intenses.
Malgré ces observations, les conséquences de la mise en mouvement des flui-
des par un champ électrique ont été complètement ignorées jusqu’à une époque
assez récente. Deux raisons peuvent expliquer cette absence de prise en compte
et d’analyse de la convection sous l’effet du champ électrique. La première est
que, dans les gaz, comme nous allons le voir, la vitesse du fluide est bien plus
petite que celle des ions ; elle peut donc être négligée dans l’analyse conduisant
à la prédiction des distributions de champ, de charge et de densité de courant.
Dans les liquides, par contre, l’agitation peut jouer un rôle majeur. Mais, et c’est
la deuxième raison, la méconnaissance des mécanismes de base responsables
de la conduction électrique des liquides diélectriques utilisés comme isolants

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ainsi que le caractère très peu reproductible et parfois même erratique de cette
conduction ont longtemps masqué l’importance du phénomène de convection.
Ce n’est qu’à partir du moment où l’on a mesuré la distribution du champ élec-
trique et mis en évidence la présence de charges spatiales notables dans les
liquides isolants sous champ continu que l’universalité et l’importance du phé-
nomène d’injection d’ions par les électrodes sont apparues. Dès lors, il était clair
qu’il fallait tenir compte de la force de Coulomb qu’exerce le champ sur ces char-
ges; mais la spécificité de la turbulence engendrée en régime transitoire d’injec-
tion par une électrode et caractérisée par une mobilité hydrodynamique ont
obscurci le problème pendant plusieurs années. Il a fallu attendre le début des
années 1970 pour que se dégage clairement le rôle déterminant joué par l’élec-
troconvection dans la répartition des charges injectées et du champ électrique et
dans le passage du courant dans les liquides isolants.
Une autre catégorie d’études a contribué à faire prendre conscience de
l’importance ainsi que de la vigueur du mouvement des liquides induit par les
forces électriques. Ce sont celles qui visaient à intensifier les échanges thermi-
ques en augmentant l’agitation du liquide et le transfert convectif de la chaleur.
Dans certaines conditions, le phénomène d’injection d’ions joue le rôle prépon-
dérant et l’électroconvection est pratiquement celle existant dans un liquide iso-
therme. Dans deux autres situations, par contre, la convection résulte du
gradient de température. Dans l’une, c’est le gradient de conductivité électrique
induit thermiquement qui génère la charge spatiale. Dans l’autre, il n’y a pas de
charge d’espace et c’est le gradient de permittivité qui est à l’origine du mouve-
ment du fluide.
On pourra consulter pour plus de détails les articles et ouvrages généraux [4] [23] [45] [46]
[47].

1. Forces électriques Dans l’équation (1), le premier terme représente la force de


Coulomb qu’exerce le champ E sur la charge volumique q. Le
second terme, qui peut être appelé force diélectrique, est relié au
gradient de permittivité et constitue une composante de l’action du
L’existence d’une agitation très intense dans un liquide isolant [1] champ sur les dipôles. Le troisième terme est le gradient de la pres-
résulte des forces électriques et il est assez facile d’estimer la vitesse sion d’électrostriction ; dans la pratique, l’électrostriction ne joue
typique d’agitation [2]. De manière générale, les forces s’exerçant aucun rôle moteur dans la mise en mouvement du fluide.
sur un milieu résultent de l’interaction (attraction ou répulsion)
entre charges électriques et dipôles. Pour une charge ponctuelle Il est important de souligner que, dans un fluide isotherme, la
comportant m charges élémentaires e, la force exercée par force diélectrique seule ne peut pas être à l’origine d’un mouvement
l’ensemble des autres charges du système est : permanent. En effet, dans un tel cas, la dissipation visqueuse
toujours présente doit être compensée par un apport d’énergie. En
supposant le ou les milieux parfaitement isolants, il n’y a pas
f = me E d’énergie électrique fournie en permanence au système (courant
I = 0) et il ne peut donc exister qu’un mouvement transitoire.
avec E champ électrique créé par ces charges.
Dans un milieu diélectrique isotrope dont la polarisation est Exemple :
Considérons un condensateur plan où l’on a, au départ, deux cou-
proportionnelle au champ, le vecteur densité de force électrique F e ches de fluides isolants disposées parallèlement aux électrodes. En
peut s’exprimer sous la forme suivante [3] : présence d’un champ électrique, ce système possède une certaine
énergie électrostatique. Il est facile de voir que l’énergie électrostati-
E 2 ∂ε
F e = qE – --- E 2 grad ε + grad ρ --------  ------ 
1 que du système est plus élevée lorsque les deux fluides sont disposés
(1)
2 2 ∂ρ T selon des couches perpendiculaires aux électrodes. L’application d’un
champ électrique va donc provoquer un mouvement mais, une fois que
avec Fe densité volumique de force électrique (N/m3), la réorganisation en couches perpendiculaires aux électrodes est effec-
tuée, le mouvement cesse.
q densité volumique de charge (C/m3),
E intensité du champ électrique (V/m), Un mouvement permanent dans un fluide isotherme ne peut
ε permittivité du milieu (F/m), donc être entretenu que sous l’effet de la force de Coulomb. Dans ce
cas, il y a des porteurs de charge dans le milieu et un courant I
ρ masse volumique (kg/m3), leur est associé. Lorsqu’on travaille à tension continue appliquée
constante, un mouvement s’accompagne d’une augmentation δI du
∂ε 
 -----
- valeur déterminée à température T constante courant qui existerait en l’absence de mouvement ; le supplément
 ∂ρ  T
(F.m2/kg). U δI d’énergie électrique fournie (U : tension appliquée) compense

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les pertes dues au frottement visqueux dans le fluide en mouve-


ment. Par contre, dans un système non isotherme, la force diélec-
trique seule peut induire un mouvement : alors, c’est l’augmen-
tation de l’énergie thermique fournie au système qui maintient les
gradients de température et de permittivité et qui permet l’entretien
du mouvement (cf. § 5.1).
La relation (1) est relative à la densité volumique de force.
Lorsqu’on est en présence de deux fluides immiscibles, il y a des
interfaces et, le plus souvent, les forces électriques sont confinées à
ces interfaces. Pour deux milieux parfaitement isolants ou pour une
tension alternative de fréquence f suffisamment élevée (f >> 1/τ, où
τ est le temps caractéristique de relaxation de la charge d’espace),
seul le saut de permittivité à l’interface fournit une contribution à la
force électrique. Lorsque l’un au moins des deux milieux est très
faiblement conducteur, en tension continue et alternative de basse
fréquence (f << 1/τ) apparaissent une charge superficielle à l’inter-
face et la force de Coulomb qui lui est associée. Les instabilités et les
mouvements convectifs engendrés par les forces électriques locali-
sées aux interfaces ont été bien décrits et analysés par Melcher et
Taylor [4].
Dans la suite, nous ne considérons que les forces s’exerçant dans
le volume de fluides supposés homogènes. Dans la grande majorité
des cas, sous l’effet d’une tension continue, c’est la force de Cou-
lomb q E qui est prépondérante. Cela provient du fait que les
liquides de faible constante diélectrique εr (εr < 10) présentent en
général une très faible conductivité et que, sous l’effet de champs
électriques assez importants (E > 105 V/m), ils n’ont pas un compor-
tement ohmique et l’électroneutralité n’est plus observée. Il existe Figure 1 – Conduction pure dans un liquide de faible conductivité
alors des charges d’espace q, en particulier dues au phénomène
d’injection de charges par l’une au moins des électrodes.

il existe un équilibre entre la dissociation de l’espèce neutre en ions


positifs et négatifs et la recombinaison des ions. Le modèle le plus
simple consiste à considérer une espèce neutre AB donnant des
2. Mécanismes de conduction ions monovalents A+ et B– [5] [9] :
et charge d’espace +
Kr

AB :
& A + B (2)
Kd

Ces mécanismes sont présentés en détail dans l’article Conduc- avec Kd constante de dissociation,
tion électrique dans les liquides de ce traité [5]. Nous en rappelons ici Kr constante de recombinaison.
quelques éléments fondamentaux indispensables. Dans un fluide,
tout porteur de charge électrique se déplace sous l’action de la force En appelant c, n+ et n– les concentrations en espèce neutre et en
que le champ électrique exerce sur lui. Pour décrire la conduction ions positifs et négatifs respectivement, l’équilibre entre dissocia-
électrique, il est donc primordial d’examiner quels sont les porteurs tion et recombinaison se traduit par la relation (loi d’action de
de charge et quelles sont leurs sources. Dans les liquides diélectri- masse) :
ques suffisamment purs, dans la quasi-totalité des cas, les porteurs
de charge sont uniquement des ions car les électrons ont générale- K d c = K r n + n – = K r n 02 (3)
ment une durée de vie très courte ( < 1 ns) et les particules n’appor-
tent qu’une contribution insignifiante à la conduction [5]. Dans les avec n+ = n– = n0, car il y a électroneutralité.
gaz bien dépoussiérés, c’est également le déplacement des ions qui
assure le passage du courant ; cependant, pour les gaz non électro- La conductivité du liquide est :
négatifs très purs, il faut prendre en compte les électrons.
Kd c 1 ⁄ 2
Dans le cas des liquides diélectriques, il subsiste toujours, à l’état σ = µ + e n + + µ – e n – = ( µ + + µ – ) e  ----------  (4)
Kr
de traces, des impuretés électrolytiques qui, en se dissociant, créent
dans le volume des ions positifs et négatifs (première source
avec σ conductivité électrique (S/m),
d’ions). Par ailleurs, l’étude systématique de ces liquides a révélé
l’existence d’un phénomène universel d’injection d’ions par les élec- µ+ , µ– mobilités des ions A+ et B– (m2.V–1.s–1).
trodes [5] [6] [7] [8], qui constitue la deuxième source d’ions.
Sous champ alternatif assez faible de fréquence f > 1/τ (τ = ε /σ ),
le liquide a un comportement ohmique et la densité de courant j est,
à tout instant t :
2.1 Conduction volumique j (t ) = σ E (t ) (5)

Sous champ électrique continu, le comportement est plus


Dans les liquides de constante diélectrique εr inférieure à environ complexe. En conduction pure, c’est-à-dire en l’absence d’injection
10, les espèces électrolytiques n’ont qu’une dissociation partielle, le par les électrodes, il apparaît, au voisinage de chaque électrode, une
plus souvent extrêmement faible. En l’absence de champ électrique, couche d’hétérocharge (figure 1) dont l’épaisseur typique, L± ,

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correspond à la distance parcourue par les ions pendant le temps de


relaxation [5] [9] : 8

Densité de charge adimensionnelle


7
U
L ± = µ ± ----- τ (6) 6
d
5
avec U tension appliquée (V),
4
d distance entre les électrodes (m), 3
τ temps de relaxation du liquide (s) : τ = ε / σ. 2
Dans le cas où les électrodes sont très dissymétriques (par 1
exemple configurations lame-plan, pointe-plan), ces couches de
0
charge sont d’importance très différente et la force de Coulomb
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
(dirigée vers chaque électrode) peut engendrer un écoulement du
liquide. Abscisse adimensionnelle x/d

Lorsque la tension appliquée est suffisamment faible, on a L+ + L– Injection + conduction


<< d et le comportement du système est quasi ohmique. Lorsque, Injection pure
au contraire, la tension est assez élevée pour que L+ + L– > d, le
champ électrique déplace complètement l’équilibre thermodyna- Variations de la densité de charge résultante
mique et la densité de courant tend vers une valeur de saturation (rapportée à la valeur de référence εU/d2)
qui correspond à la quantité d’ions créés par dissociation dans le dans 2 cas : a) injection avec C = 12 et conduc-
volume du liquide pendant une seconde [5]. tion telle que tT = 10 τ ; b) injection avec C = 5
et tT = 0,01 τ.

Figure 2 – Injection unipolaire dans les liquides


2.2 Injection d’ions de faible conductivité

Pour les liquides polaires et non polaires bien purifiés, les carac-
téristiques courant-tension I (U ) ne sont pas linéaires. A champ avec q0 densité volumique de charge à l’injecteur (C/m3),
élevé (E > 10 kV/cm), le courant ne tend pas vers une valeur de satu-
ration mais croît proportionnellement à U α avec l’exposant α > 1 C est la valeur sans dimension de q0.
(souvent α > 2 ) [6]. Cela vient du phénomène d’injection d’ions à Une injection faible telle que C << 1 ne provoque qu’une faible
partir de l’une au moins des électrodes. Tant que le champ sur l’élec- distorsion (de l’ordre de C ) du champ électrique harmonique. Une
trode reste inférieur à environ 1 MV/cm, le phénomène d’injection injection forte telle que C > 1 produit, par contre, une forte distor-
ne résulte ni de l’émission froide d’électrons ni de phénomènes de sion du champ électrique qui est très diminué au voisinage de
multiplication d’électrons dans le liquide, mais de réactions électro- l’injecteur et augmenté près de l’électrode collectrice.
chimiques à l’interface métal/liquide (cf. référence [5] pour la
description des principaux mécanismes). L’injection peut avoir lieu
aussi bien sur l’anode que sur la cathode et la réaction qui se produit
dépend de la nature du métal, de celle du liquide et des espèces 2.3 Autres phénomènes de conduction
électrolytiques présentes. Dans la pratique, l’injection par l’une des
deux électrodes est dominante. Cela est évident lorsque les deux
électrodes ont des courbures très différentes (cas des configura-
tions d’électrodes fil-cylindre, lame-plan, pointe-plan, etc.) engen- Dans le modèle de la conduction pure dans les liquides, nous
drant des champs électriques d’intensités très différentes. Dans le avons admis implicitement que Kd = Cte.
cas de deux électrodes planes de même métal, l’espèce ionique En fait, le champ électrique accroît la probabilité de dissociation
injectée par l’une des électrodes se décharge sur l’autre (collecteur), et Kd augmente avec E. Cet effet est d’autant plus marqué que la
ce qui a pour effet le plus souvent d’inhiber une autre réaction élec- constante diélectrique est petite [5]. Cela a deux conséquences :
trochimique possible sur le collecteur. — entre électrodes planes et parallèles, en l’absence d’injection,
Pour une injection par une électrode seulement (injection unipo- on aurait un courant de saturation proportionnel à Kd et donc crois-
laire), on peut également définir la longueur typique caractérisant sant avec U ;
l’épaisseur de la zone chargée par une relation analogue à (6) : — en configuration d’électrodes fortement dissymétrique, le
champ croît fortement lorsqu’on s’approche de l’électrode à faible
Linj = µ (U/d ) τ rayon de courbure (effet de pointe) ; ceci se traduit par un accroisse-
ment encore plus marqué de la dissociation et, par conséquent, par
Lorsque Linj < d (cf. figure 2), l’homocharge est confinée dans une un effet globalement équivalent à une injection par l’électrode acé-
couche près de l’injecteur. Lorsque, par contre, Linj >> d (ou, de rée [10].
manière équivalente, lorsque le temps de relaxation τ est beaucoup Dans les gaz, la conductivité est en général extrêmement faible et
plus grand que le temps de transit tT = d 2/(µU ) des ions d’une élec- le passage de courant électrique est imputable à l’effet couronne qui
trode à l’autre), la charge d’espace occupe tout le volume (figure 2). a lieu au voisinage des électrodes acérées ; des avalanches électro-
Ce dernier cas est souvent rencontré avec des liquides de faible niques se produisent dans un volume très restreint où le champ
conductivité soumis à des tensions importantes et permet de définir électrique est très intense et créent l’équivalent d’une injection.
la situation asymptotique de l’injection unipolaire pure qui corres- Dans les liquides non polaires très bien purifiés, en employant des
pond à l’injection par une seule électrode dans un liquide parfaite- pointes de très petit rayon de courbure (quelques micromètres), on
ment isolant. L’intensité de l’injection est caractérisée par le obtient également des avalanches électroniques en polarité néga-
paramètre C : tive lorsque le champ sur la pointe atteint 3 à 5 MV/cm [11]. Étant
donné la localisation très marquée du phénomène d’avalanches en
q0 d 2 phase liquide, on peut considérer, en première approximation, que
C = --------------
- (7)
εU l’on est en présence d’une injection par la pointe.

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3. Instabilité Collecteur q
électrohydrodynamique q0

en injection unipolaire zone


1
zone
2 q1
qs
q2
La question de l’instabilité hydrodynamique d’un fluide parfaite-
ment isolant soumis à une injection unipolaire se pose dans les trois
géométries d’électrodes de haute symétrie : plaques planes et paral-
Injecteur 0 t1 ts t2 t
lèles, cylindres coaxiaux et sphères concentriques. En effet, en
supposant que la densité de charge injectée qo est uniforme sur
a section droite d'une per- b variations de la densité volumi-
l’injecteur, on voit que le vecteur densité de force q E est, en tout
turbation de vitesse ayant que de charge en fonction du
point, soit perpendiculaire aux électrodes planes, soit radial (cas la forme de rouleau temps pendant lequel s'exerce
cylindrique et sphérique); cette force peut donc être intégralement convectif la répulsion coulombienne
compensée par un gradient de pression [12]. Il existe donc une solu-
tion sans mouvement et la question qui se pose est de savoir dans
Figure 3 – Injection unipolaire de charges dans un liquide
quelles conditions cette solution se déstabilise.
entre électrodes planes et parallèles
Le problème de l’injection unipolaire pure entre électrodes planes
et parallèles présente une analogie avec le problème (dit de
Rayleigh-Bénard) d’une couche horizontale de fluide chauffée par-
un apport d’énergie suffisant. Pour de très faibles tensions appli-
dessous. Dans ce dernier problème, le gradient de densité est
quées, cet apport est trop faible et le fluide reste au repos. Il a été
potentiellement instable car le fluide le plus léger, placé en dessous,
montré que, de façon analogue à ce qui se passe pour le problème
tend à monter et à remplacer le fluide plus dense situé au-dessus de
de Rayleigh-Bénard, l’instabilité se déclenche lorsque l’augmenta-
lui. Un mouvement convectif se déclenche lorsque la différence de
tion de courant δI associée au mouvement est telle que le supplé-
température entre les plaques est suffisamment élevée pour que
ment d’énergie injectée UδI devient au moins égal à l’énergie
l’effet de la poussée d’Archimède puisse compenser les forces de
dissipée par friction visqueuse [16].
frottement visqueux [13]. Nous allons voir que la distribution de
densité de charge injectée est, elle aussi, potentiellement instable. Le paramètre fondamental qui intervient dans le problème
d’instabilité est le nombre adimensionnel 7 qui représente le
rapport de la force de Coulomb et des forces de frottement
visqueux :
3.1 Mécanisme d’instabilité
εU
7 = ------- (9)
µη
A cause de la répulsion coulombienne entre charges de même
signe, la densité volumique de charge q décroît au cours du temps, avec η viscosité dynamique du fluide (Pa.s).
ce qui se traduit par la décroissance de q(x) de l’injecteur vers le
Le paramètre d’instabilité 7 ne dépend pas explicitement de la
collecteur. En effet, en exprimant la loi de conservation de la charge,
distance d entre électrodes. De plus, en tenant compte de la règle de
on aboutit à l’équation [14] :
Walden qui stipule que, pour les ions le produit µη ≅ Cte , on voit
dq µ d ∂ que, pour un liquide donné, 7 est proportionnel à la tension appli-
------- = – --- q 2 avec ------ = ----- + µ E ⋅ grad (8) quée.
dt ε dt ∂t
Dans les trois géométries à haute symétrie, les critères d’instabi-
La dérivée totale par rapport au temps retenue ici signifie que l’on lité ont été déterminés à partir de l’étude linéaire de l’instabilité
accompagne les ions dans leur mouvement. La solution de hydrodynamique du système. Cette technique mathématique
l’équation (8) est : consiste à examiner l’évolution au cours du temps de perturbations
q (t ) = q0 / (1+t / τ0) supposées extrêmement petites (ce qui permet de linéariser le
système d’équations) et à déterminer les conditions critiques pour
avec q0 densité de charge à l’injecteur, lesquelles au moins une perturbation commence à croître au cours
du temps [16] [17]. Les valeurs critiques 7 c du paramètre 7 et kc du
τ0 constante de temps (analogue au temps de
nombre d’onde adimensionnel k dépendent du paramètre C qui
relaxation : τ0 = ε / (µq0).
mesure l’intensité de l’injection.
Examinons l’effet d’un mouvement de vitesse très faible ayant la
forme de rouleaux convectifs (figure 3a). Dans la zone 1 (aller), la ■ Dans le cas de deux électrodes planes parallèles, en présence
vitesse du liquide s’ajoute à celle des ions de sorte que le temps t1, d’une injection très faible, le gradient de densité de charge est pro-
nécessaire aux ions pour atteindre un plan d’abscisse z est inférieur portionnel à C 2 et le critère d’instabilité est [16] :
à celui, ts , dû au seul effet de la vitesse de migration µE. La répul-
sion coulombienne agissant pendant un temps plus court, on a 7 c C 2 = 220, 7
q1 > qs (figure 3b). Dans la zone 2 (retour) où la vitesse du liquide
diminue la vitesse résultante des ions, on a au contraire : q2 < qs. Dans l’autre cas asymptotique d’une injection limitée par charge
Ainsi, ce rouleau convectif crée un couple qui tend à l’accélérer [14]. d’espace ( C → ∞ ) :
Ce couplage positif entre perturbations de vitesse et de densité de 7 c → 161
charge rend la distribution stationnaire de densité de charge q
potentiellement instable. Il est clair d’après la figure 3b que la force On peut trouver dans la référence [16] les valeurs critiques déter-
déstabilisante est proportionnelle au gradient de q [12] [15]. minées pour une injection d’intensité quelconque. Le nombre
Cette instabilité potentielle ne signifie pas que n’importe quelle d’onde critique dépend peu de C et sa valeur est proche de 5 pour
perturbation de vitesse va être amplifiée. En fait, tout mouvement des électrodes rigides, mais l’analyse linéaire ne permet pas de
convectif s’accompagne d’une dissipation due au frottement prédire la forme que prend le mouvement convectif (rouleaux bidi-
visqueux. L’entretien d’un tel mouvement convectif nécessite donc mensionnels, cellules convectives hexagonales ou carrées, etc.).

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Cette vitesse joue un rôle crucial ; en revenant à la figure 3a, on


I (unités arbitraires) voit que, dans la zone de retour du liquide (zone n° 2), les ions sont

m
freinés par le mouvement du liquide. Lorsque la vitesse w du liquide

m
5
excède celle vi des ions (par rapport au liquide), les ions sont

0,
m

=
d m ramenés vers l’injecteur. Dans ce cas, il n’y a pas de charge dans la
65
6 0, zone de retour et le mouvement convectif est entretenu par la force
=
d de Coulomb qui s’applique dans la zone aller (zone n° 1). Une
2
convection stationnaire avec une vitesse typique telle que :
5
w > v i = µU ⁄ d
4
peut exister dans des conditions sous-critiques, c’est-à-dire pour une
m tension appliquée U inférieure à la tension critique Uc. Cela peut se
3 0, 3m
d= comprendre facilement : la différence de densité de charge q1 – q2
(responsable du couple qui entretient le mouvement) devient supé-
1
2 rieure à qs (cf. figure 3b) et est plus importante que celle déterminée
à partir des expressions linéarisées. La borne inférieure de la
1 tension pour laquelle une convection stationnaire d’amplitude
w ⁄ ( µE ) > 1 existe correspond au critère non linéaire d’instabilité
7 nl . Pour une injection faible (C << 1), ce critère est caractérisé par :
(20)2 (30)2 (40)2 (50)2 (60)2 U 2 (V2) 7 nl C = 220
2 2
(Unl) (Uc)
ce qui donne [20] :
Variations du courant I en fonction du carré de la tension appliquée U
pour 3 valeurs de la distance d entre électrodes. Les branches notées 7 nl = 7 c C
1 correspondent au courant limité par charge d'espace en l'absence
de mouvement du liquide tandis que les branches 2 correspondent Quelle que soit l’intensité de l’injection (mesurée par C ), on a
à l'existence de la convection d'amplitude finie. toujours :

7 nl < 7 c
Figure 4 – Injection limitée par charge d’espace dans du pyralène
1460 isolant (électrodes planes et parallèles) (d’après [21])
et pour C → ∞ , 7 nl → 110 [21].
L’étude non linéaire de l’instabilité a montré que dans l’intervalle
entre 7 nl et 7 c , il existe deux solutions pour le mouvement
Les expériences d’injection limitée par charge d’espace ont
convectif, l’une instable (avec w < µU ⁄ d ) et l’autre stable avec
montré qu’au-dessous d’une tension critique Uc le liquide reste au
w > µU ⁄ d [12], [21]. De plus, cette étude a établi que le mouvement
repos et le courant présente une variation quadratique en U
qui se développe s’organise sous la forme d’un réseau régulier de
(figure 4), qui vérifie bien la relation (13) (cf. § 4.2). La tension
cellules convectives hexagonales. Une étude expérimentale effec-
d’instabilité Uc est de l’ordre d’une centaine de volts pour les
tuée avec des liquides visqueux soumis à des injections limitées par
liquides non polaires ( ε r ≅ 2 ) et d’une dizaine de volts pour les
charge d’espace (LCE) a pleinement confirmé ces prédictions. En
liquides polaires. Cela souligne la grande intensité de la force de
particulier, la mesure des courants stationnaires a mis en évidence
Coulomb et l’efficacité du phénomène d’injection pour mettre les
une boucle d’hystérésis (figure 4) ; lorsqu’on augmente la tension
liquides en mouvement.
appliquée par échelons de faible amplitude, on décrit les branches
Nota : dans tout l’article, le signe ≅ veut dire approximativement égal à.
notées 1 tant que U < Uc. Au-delà de Uc, le courant prend une valeur
■ Pour les cylindres coaxiaux et les sphères concentriques, on ren- plus élevée (on obtient les branches 2) et on observe alors l’exis-
contre également les deux cas asymptotiques d’injections très fai- tence d’un mouvement convectif [21]. Lorsque l’on diminue lente-
bles et très fortes. Mais deux faits rendent le problème plus ment U à partir d’une valeur supérieure à Uc, le point (I, U ) ne
complexe que pour des électrodes planes et parallèles : retombe pas sur la branche 1 dès que U < Uc mais seulement pour
U < Unl < Uc (figure 4). La boucle d’hystérésis est associée à des
— il y a un paramètre supplémentaire α qui est le rapport des
discontinuités pour les valeurs stationnaires du courant ainsi que de
rayons intérieur et extérieur ;
la vitesse aux deux tensions, critique Uc et non linéaire Unl [21].
— il faut distinguer deux problèmes selon que c’est l’électrode
Cette figure 4 illustre bien que le mouvement convectif accroît le
intérieure ou extérieure qui injecte les ions.
transport de charge entre les électrodes.
En particulier, en injection forte, pour α > 0,3 on obtient [18] [19] :

7 c int < 7 c plan < 7 c ext (10)

Les inégalités sont de sens opposé dans le cas d’injections très


faibles. A cause de la courbure des électrodes, l’analyse linéaire
4. Électroconvection
permet de déterminer la forme selon laquelle s’organise le mouve-
ment convectif [18] [19].
en injection unipolaire

3.2 Instabilité non linéaire 4.1 Contraste entre liquides et gaz

L’analogie avec le problème de Rayleigh-Bénard n’est pas Nous venons de voir que le couplage positif entre perturbations
complète, car le mécanisme de conduction est différent en l’absence de vitesse et de densité de charge dans un milieu fluide soumis à
de convection : la conduction de la chaleur se fait par diffusion alors une injection unipolaire mène à l’instabilité hydrodynamique du
que les ions migrent avec une vitesse finie : vi = µE. système. Comme l’illustre la figure 4, le mouvement produit une

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augmentation du courant qui existerait en son absence et ce de très grande intensité (C >> 1), le courant est limité par charge
comportement souligne l’analogie avec le problème de Rayleigh- d’espace (en abrégé LCE) :
Bénard car le transport convectif de charge ou de chaleur peut
devenir prépondérant. Cependant, en injection unipolaire, une 9 U2
j LCE = --- µε --------
- (13)
augmentation significative du courant ne peut avoir lieu que pour 8 d3
les liquides. Pour le comprendre, il suffit de comparer la vitesse de
migration des ions à la vitesse du mouvement convectif. En régime avec jLCE densité de courant LCE (A/m2).
turbulent, l’ordre de grandeur de cette vitesse convective typique Au-dessus de la tension critique Uc , il faut distinguer deux
est obtenu en égalant les densités volumiques d’énergie cinétique régimes de convection qui ont un effet différent sur le transport de
et d’énergie électrostatique : charge [22]. Dans le premier régime, le courant varie comme
U 5/2/d 3 ; au-delà d’une tension de transition Utr , on a de nouveau
1 1 ε une variation en U 2/d 3 mais la mobilité apparente µapp (définie par
--- ρ w ′ 2 ∼ --- ε E 2 ⇒ w ′ ∼ --- E (11)
2 2 ρ la relation j = (9/8) µapp ε U 2/d 3) est supérieure à la mobilité µ des
ions injectés. Pour caractériser la convection, on utilise le nombre
avec w ’ vitesse typique du fluide (m/s). de Reynolds Re :
Nota : le signe ∼ est employé dans tout l’article avec la signification : « de l’ordre de
grandeur de ». w ′d
Re = ----------- (14)
La mobilité hydrodynamique ε ⁄ ρ (cf. référence [20]) permet de ν
définir le nombre adimensionnel M :
avec ν viscosité cinématique (ν = η/ρ ) (m2/s).
1 ε Dans le premier régime, Re prend des valeurs limitées
M = --- --- (12)
µ ρ ( Re < Re tr ≅ 10 ) et les effets visqueux l’emportent sur les effets iner-
tiels. Les tourbillons qui dissipent l’énergie cinétique par friction
qui compare la vitesse d’agitation w ’ du fluide à la vitesse de migra- visqueuse ont une échelle proche de la distance entre électrodes d.
tion des ions. La mobilité hydrodynamique dans les liquides est de La vitesse typique w ’ varie quadratiquement avec la tension appli-
quelques10–7 m2.V–1.s–1 alors que les mobilités ioniques sont telles quée U [21] :
que µ < 10 –8 m2.V–1.s–1, ce qui fait que, sauf dans des couches
limites près des électrodes, les effets convectifs sont dominants. Le U U
contraste est très marqué avec les gaz jusqu’à des pressions w ′ = µ ----- ------- (15)
d Uc
moyennes (quelques dizaines de bars). En effet, la mobilité hydro-
dynamique vaut quelques 10–6 m2.V–1.s–1 à pression atmosphé- En définissant le nombre de Nusselt électrique Nue comme le
rique tandis que µ est à peu près égal à 10–4 m2.V–1.s–1 ; alors rapport des densités de courant j et jLCE, on a :
M << 1 et le mouvement convectif ne perturbe que de manière insi-
7 1⁄2 U 1⁄2
Nu e = ---------- ≅  -------- =  --------
gnifiante les trajectoires des ions qui se confondent pratiquement j
(16)
avec les lignes de force. C’est ainsi que le vent électrique produit par j LCE 7c  Uc 
effet couronne dans l’air ( w ′ ≈ 1 m/s) n’influe pas sur le passage du
courant. Le tableau 1 montre que, pour les liquides, en revanche, M qui indique que le courant ne croît pas proportionnellement à w ’
> 1 et le mouvement bouleverse la distribution de la charge spatiale. [22].
Pour des tensions U > Utr, on a Re > Re tr ≅ 10 , ce qui signifie que
les effets inertiels sont dominants. La convection est turbulente et il
Tableau 1 – Valeurs du paramètre de mobilité M existe des tourbillons dont l’échelle caractéristique peut être beau-
pour différents liquides à température ambiante coup plus petite que d ; les propriétés de mélange et de transport de
(mobilité moyenne pour des petits ions) la charge sont alors différentes. En particulier, comme on l’a vu au
paragraphe 4.1, la vitesse typique d’agitation w ’ est proportionnelle
Liquide/ion er M à U ; les expériences montrent que :

1 ε 1⁄2U 1 ε 1⁄2
w ′ ≅ ---  ---  ----- = µ ehd ----- avec µ ehd = ---  -----
U
Cyclohexane 2,02 7 (17)
3 ρ d d 3 ρ
Huile minérale fluide 2,1 9
Le nombre de Nusselt électrique prend une valeur indépendante
Huile minérale visqueuse 2,2 45
de U (figure 5) mais dépendant de la nature du liquide et des ions
Chlorobenzène 6,0 5 injectés [22] :
Pyralène 1460/Cl– 5,9 60 M 1⁄2
Nu e = ---------- ≅  ----- 
j
(18)
Pyralène 1500/Cl– 6,4 290 j LCE 3
Éthanol/Cl– 25 27
En combinant les relations (13) et (18), on voit que la mobilité
Méthanol/H+ 33,5 4,1 apparente en régime turbulent s’écrit :
Nitrobenzène/Cl– 36 22 µ app = ( µ µ ehd ) 1 ⁄ 2
Carbonate de propylène/Cl– 69 51
Cela montre que, plus la viscosité du liquide est élevée (et plus les
mobilités ioniques sont faibles car µη ≅ Cte ), plus l’électroconvec-
tion va augmenter le courant qui existerait en l’absence de mouve-
ment. Mentionnons par ailleurs que la turbulence rend la densité
4.2 Cas de l’injection limitée moyenne de charge constante dans le cœur du liquide (en dehors
par charge d’espace des couches limites sur les deux électrodes) [22].
En égalant les expressions (16) et (18) de Nue, on obtient la valeur
Re tr ≅ 10 qui caractérise la transition entre les deux régimes de
Ce problème d’électroconvection entre électrodes planes et paral- convection. Cette valeur de transition est la même que pour la ther-
lèles a été le plus étudié. Rappelons d’abord que, pour une injection moconvection (problème de Rayleigh-Bénard) [22].

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Nue

q+ = q –

X q– q+
10 IX

VIII q+ q–

5 VII
VI
V
IV
a zones d'électroconvection b densité des ions de chaque
2 III signe
II
I Le cœur immobile est électriquement neutre et injecte des ions dans les
1 deux zones unipolaires qui sont le siège d'une électroconvection intense.

1 10 102 103 7/7c exp


Figure 6 – Épuration ionique (appelée « électrodialyse ») d’un liquide
exp : expérimental contenant initialement un sel complètement dissocié

I méthanol / H+
II chlorobenzène / Cl –
III éthanol / H+ Signalons un autre problème rencontré lors de l’épuration
IV nitrobenzène / Cl – ionique, par champ électrique, de liquides polaires contenant un
V éthanol / Cl – électrolyte complètement dissocié. En supposant qu’il n’y a pas
VI carbonate de propylène / Cl – d’injection par les électrodes, peu après l’application de la tension
VII pyralène 1460 / Cl – on peut distinguer une région centrale électriquement neutre de
VIII pyralène 1500 / Cl – , (35°C) deux couches adjacentes aux électrodes et renfermant des charges
IX pyralène 1500 / Cl – , (20°C)
du signe opposé (figure 6). Le cœur central qui n’est soumis à
X pyralène 1499 / Cl –
aucune force et qui se trouve au repos injecte des ions dans les deux
couches qui sont le siège d’une électroconvection. Les deux fronts
Figure 5 – Injection limitée par charge d’espace. séparant le cœur des couches en convection se déplacent avec la
Nombre de Nusselt électrique Nue en fonction du paramètre vitesse µ ± E cœur (t ) , le champ électrique dans le cœur étant déter-
7 ⁄ 7 c exp pour divers couples liquides/ions d’après [22] miné par la conductivité initiale σ du milieu et par la densité de
courant j (t ) = σ Ecœur (t ). L’épuration ionique du liquide est
terminée peu après que les deux fronts se sont rejoints.
4.3 Électroconvection en conditions
transitoires
4.4 Configuration fil-cylindre coaxiaux
Les divers problèmes examinés jusqu’ici concernent des états
permanents. Les phénomènes sont différents lorsqu’on applique un En plaçant un fil fin (de rayon Rfil) le long de l’axe d’un cylindre (de
échelon de tension. Ainsi, pour une injection unipolaire entre élec- rayon Rcyl), on obtient une configuration à haute symétrie pour
trodes planes parallèles, durant les premiers instants, les ions s’éloi- laquelle il existe une solution sans mouvement du problème d’injec-
gnent de l’injecteur avec leur vitesse de migration µE(x,t ). Puis, tion unipolaire. Nous avons vu que le problème d’instabilité hydro-
lorsque la différence de potentiel à travers la couche envahie par les dynamique est alors qualitativement très semblable à ce qu’il est
ions dépasse une certaine valeur (< Uc, cf. référence [23]), une insta- pour la couche de fluide entre électrodes planes et parallèles.
bilité se déclenche et provoque la mise en mouvement de cette
couche chargée. Le front séparant la zone chargée et en convection Avec des fils de petit diamètre (< 100 µm environ), le champ élec-
de la zone immobile et non encore envahie par les ions progresse trique sur le fil est élevé et conduit à des injections d’ions qui
avec une vitesse d’abord croissante puis qui devient constante peuvent être très intenses. Cependant, on ne rencontre pas, en
lorsque la tension appliquée est supérieure à la tension de transition pratique, le cas asymptotique de l’injection limitée par charge
Utr. Dans des conditions d’injection forte et pour U > Utr, cette d’espace. En effet, une telle limitation suppose que la densité volu-
vitesse est sensiblement égale à la vitesse typique d’agitation turbu- mique de charges à l’injecteur q0 devient infiniment grande
lente µehdU /d. La turbulence en amont du front est cependant diffé- ( q 0 → ∞ ) et donc que E fil → 0 . Or, une injection de forte intensité ne
rente de celle existant en régime permanent. En effet, en régime peut se produire que pour de fortes valeurs du champ sur le fil
transitoire, l’essentiel de l’énergie électrique injectée sert à la mise ( E fil >> U ⁄ d avec d = Rcyl – Rfil), ce qui implique des valeurs finies
en mouvement du liquide et la dissipation visqueuse est peu impor- pour q0.
tante comparée à celle existant en régime turbulent établi. Le En utilisant des fils de petit diamètre ( R fil < 50 µm), plusieurs
mélange turbulent n’ayant pas eu le temps d’opérer suffisamment, régimes ont été mis en évidence à partir des caractéristiques
on peut donner l’image du mouvement du liquide s’organisant en courant-tension I(U ). Par exemple, dans de l’huile minérale, on
boucles allongées avec des canaux « aller » bien chargés et des observe un régime ohmique jusqu’à U ∼ 1 kV dû à la conductivité
canaux « retour » vides de charge ; en régime turbulent établi, la résiduelle du liquide du fait de la valeur importante de R cyl ≈ 1 cm.
différence de charge entre canaux « aller » et « retour » est beau- Ensuite, comme dans le cas plan, le courant croît comme U α avec
coup plus faible et cela explique que le courant transitoire qui passe 2, 2 < α < 2, 8 , puis, au-delà d’une tension de transition Utr, on a
par un maximum au moment où le front turbulent atteint l’électrode I ∝ U 2 [25] [26]. Comme entre électrodes planes, ce troisième
collectrice, prend des valeurs nettement plus importantes qu’en régime est associé à une agitation pleinement turbulente ; mais,
régime permanent [24]. pour la configuration fil-cylindre, les vitesses d’agitation sont plus

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élevées et des mesures en régime transitoire d’injection ont donné


µ ehd ≅ ( ε ⁄ ρ ) 1 ⁄ 2 en bon accord avec l’estimation [25] :

1⁄2
R cyl ε 1⁄2U
u ′ ≅ --- 2 ln  -----------  ----
1
- ----- (19)
3 R fil ρ  d

avec u ’ valeur typique de la composante radiale de la vitesse (m/s).


Le régime où I varie en U α ne correspond pas strictement à une
convection où les effets visqueux sont dominants. La tension de
transition apparente Utr est au moins 10 fois plus élevée que dans la Gaz Liquide
configuration plane. Pour comprendre ce qui se produit alors, il faut
se rendre compte qu’une cellule convective typique a une section Dans un gaz, les ions suivent les lignes de force et sont insensibles au
droite qui occupe un secteur de la couronne entre les 2 cercles de vent électrique. Dans un liquide isolant, la charge est entraînée et confinée
rayons Rfil et Rcyl. Le mouvement dans cette cellule a une échelle par l'écoulement du liquide qu'elle produit (panache chargé laminaire).
locale qui varie beaucoup lorsqu’on passe du fil au cylindre [25].
Cela fait que les effets visqueux peuvent être dominants dans une Figure 7 – Configuration pointe-plan. Section par un plan méridien
zone « interne » près du fil (faibles valeurs de Re) tandis que les montrant schématiquement la répartition de la charge injectée
effets inertiels sont prépondérants dans la zone « externe » près du
cylindre (fortes valeurs de Re). La transition du régime pour lequel
les effets visqueux sont dominants vers le régime pleinement turbu- Pour le panache 3D (configuration pointe-plan), on a [28] [29]
lent est alors étalée sur une plage très importante de la tension [30] :
appliquée [25].
1⁄2 2π ρν 3 1⁄4
w 0 ( z ) =  --------------  , δ ( z ) =  ------------------
IE
z1 ⁄ 2 (21)
2π ρν IE

4.5 Panaches chargés avec I courant total dans le panache (A).


Exemple : dans de l’huile minérale dont la masse volumique est
ρ = 870 kg/m3 et la viscosité cinématique ν = 2 × 10 –5 m2/s (à 20 °C)
Dans un certain nombre de configurations (lame-plan, fil-plan, avec I = 10–7 A, E = 10 kV/cm et z ∼ 1 cm, on obtient w 0 ∼ 1 m/s,
pointe-plan, fil entre 2 plans parallèles, etc.) l’une des électrodes a δ ∼ 0, 5 mm et la zone contenant la charge a un rayon inférieur à
un faible rayon de courbure (sur une partie au moins) et le champ 0,1 mm [31]. Cela illustre bien la finesse du panache de charge tant
électrique prend des valeurs très élevées au voisinage immédiat des qu’il reste laminaire et le confinement très marqué de la charge.
parties d’électrodes à forte courbure (effet de pointe). Dans les gaz,
ces zones sont le siège de l’effet couronne et dans les liquides se
produit en général une injection. A la différence des configurations
à haute symétrie, la force de Coulomb ne peut pas être compensée
intégralement par le gradient de la pression, ce qui signifie qu’il 5. Électroconvection
existe un mouvement du liquide dès qu’apparaît une charge
injectée [12].
en présence de gradient
Les deux paramètres fondamentaux pour ces écoulements sont thermique
les nombres 7 et M et le contraste entre liquides et gaz est encore
plus spectaculaire que pour les problèmes à haute symétrie, comme
l’illustre la figure 7.
Les effets combinés d’un champ électrique et d’un gradient ther-
Pour un gaz, M << 1 et le vent électrique n’a qu’une influence insi- mique ont principalement été étudiés dans la perspective
gnifiante sur les trajectoires des ions (dans l’air atmosphérique, d’augmenter les transferts thermiques. Mais il existe des situations
w ′ ∼ 1 m/s tandis que v i ∼ 100 m/s). où les effets dus aux dégagements de chaleur viennent se super-
poser à ceux résultant du champ seul (comme dans les transforma-
Pour un liquide, par contre, M > 1 et w ’ > vi ; les ions sont alors teurs, par exemple). En produisant des gradients de permittivité et
entraînés par le mouvement qu’ils induisent. En configurations de conductivité ainsi que des variations de masse volumique, de
lame-plan et pointe-plan, le mouvement du liquide provoque un viscosité et, par conséquent, de mobilité des ions, de tels gradients
confinement de la charge dans une zone mince, le panache de de température peuvent produire des phénomènes très imbriqués.
charge (figure 7). En effet, la densité de force extrêmement intense Nous présentons brièvement trois situations particulières.
près de l’électrode acérée provoque une accélération très forte de la
zone chargée du liquide qui est étirée en quittant le voisinage immé-
diat de l’injecteur (la colonne de fumée s’élevant au-dessus de
l’extrémité d’une cigarette fournit une illustration de ce processus 5.1 Fluide parfaitement isolant
d’amincissement initial du panache laminaire).
Assez loin des électrodes, on peut déterminer des solutions
asymptotiques pour les panaches laminaires. Le panache chargé La force diélectrique associée au gradient de permittivité :
bidimensionnel (2D) obtenu, par exemple, en configuration lame- dε
plan peut être caractérisé par sa demi-largeur δ et la vitesse w0 dans grad ε = ------- grad T = – ε e 1 grad T (22)
dT
le plan de symétrie qui sont, pour un champ uniforme [27] [28] [29] :
avec T température du fluide (K),
4J 2 E 2  1 ⁄ 5 1 ⁄ 5 16 ρν 3 1⁄5
w 0 ( z ) =  -------------------
- z , δ ( z ) =  ------------------ z2⁄ 5 (20) 1 dε
ρ2 ν  JE e 1 = – --- -------
ε dT
variation relative de permittivité par degré
(K–1),
avec J courant total par unité de longueur (A/m). est la seule à intervenir en l’absence d’injection dans deux cas :

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— pour un fluide parfaitement isolant soumis à un champ 5.3 Cas d’une conduction « ohmique »
continu ;
— pour un liquide légèrement conducteur soumis à un champ
alternatif f >> 1/τ. Pour les liquides dont la conductivité n’est pas négligeable, le
Cette force définit une situation potentiellement instable [32] [33]. régime ohmique est observé tant que le temps de relaxation (τ = ε/σ)
On le voit aisément en remarquant que, dans une couche plane, la reste nettement plus petit que le temps de transit (tT = d 2/(µU )) des
conservation de l’induction électrique donne εE = Cte. Ainsi le ions d’une électrode à l’autre. En conditions isothermes existent
fluide le plus froid, qui a la permittivité la plus élevée mais le champ près des électrodes deux couches d’hétérocharges dont l’épaisseur
le plus faible, tend à se déplacer vers l’électrode chaude au voisi- est donnée par la relation (6). Un gradient de température
nage de laquelle le champ est plus élevé car cela aurait comme s’accompagne d’un gradient de conductivité qui fournit la contribu-
conséquence d’augmenter l’énergie électrostatique du système. tion essentielle à l’apparition d’une charge d’espace q dans le
Dans le cas où les effets de la poussée d’Archimède sont négli- liquide. En exprimant la conservation de la charge compte tenu de
gea-bles comparés à ceux de la force électrique, le critère d’insta- l’équation de Poisson, il est facile d’obtenir l’expression suivante,
bilité de la couche est défini par le rapport de la force diélectrique relative à l’état stationnaire (temps >> τ ) dans un liquide au repos :
– (E 2/2) grad ε = (εE 2/2) e1 grad T aux forces visqueuses. Le
critère prend la forme : q = – ( e 1 + s 1 ) ε E ⋅ grad T (25)
7 c e 1 ∆ T = Cte (23) 1 dσ
avec s 1 = --- --------- variation relative de conductivité par degré (K–1).
σ dT
avec ∆T différence de température entre les 2 électrodes (K), Dès que la différence des conductivités du liquide au voisinage
ce qui donne une tension appliquée critique inversement propor- des 2 électrodes est notable, la différence de champ est marquée
tionnelle à la différence de température [32] [33]. (car j = Cte = σE ) et correspond à une densité de charge de l’ordre
La convection obtenue pour U > Uc n’a pas fait l’objet d’études de εU /d 2 similaire à celle obtenue en injection unipolaire modérée
poussées. On peut cependant obtenir des indications qualitatives à forte dans un liquide isolant.
dans le cas d’un régime turbulent (Re >> 1). Alors le gradient de Dans ce problème, il est facile de montrer qu’il y a un couplage
température est confiné dans 2 couches limites sur les électrodes. positif entre perturbations de vitesse et de densité de charge par
En supposant que la poussée d’Archimède est négligeable et en l’intermédiaire de la perturbation de température. C’est donc une
admettant que l’énergie cinétique d’un élément fluide est engen- situation potentiellement instable [36] [37] et on peut s’attendre à
drée par le travail de la force électrique à travers la couche limite, on une agitation intense du liquide, avec des régimes et des valeurs
peut estimer l’ordre de grandeur de la vitesse typique d’agitation typiques de vitesse comparables à ceux obtenus en injection unipo-
turbulente : laire.

∆T e1 ∆ T  1 ⁄ 2  ε  1 ⁄ 2 U
--- ρw ′ 2 ∼ --- εE 2 e 1 ------- ⇒ w ′ ∼  -------------
1 1
- ----- ----- (24)
2 2 2  2  ρ d

On obtient de nouveau une vitesse typique proportionnelle au 6. Conclusions


champ moyen appliqué, mais dont la valeur est clairement plus
faible que dans le cas d’une injection unipolaire forte car les valeurs
de e1 sont comprises entre 10–3 et 10–2 pour les liquides (pour Il n’y a pas vraiment d’applications technologiques à l’électro-
e1 = 10–3 et ∆T = 20 K on aurait une vitesse d’agitation environ convection. L’intérêt principal relève du domaine des connaissances
10 fois plus faible qu’en injection LCE). et de l’interprétation de certains phénomènes et observations. Ainsi,
il apparaît que l’électroconvection amenuise le gain que l’on pour-
rait escompter du remplacement d’un liquide isolant soumis à un
champ électrique important par un liquide de plus forte viscosité : la
5.2 Injection dans un fluide isolant convection augmente notablement le courant dû à une injection
forte et le courant ne diminue que dans le rapport de la racine carrée
des viscosités. Cependant, en électrotechnique, l’isolement par
La superposition d’un gradient thermique à une injection unipo- liquide pratiqué depuis un siècle s’accompagne le plus souvent de
laire d’ions dans un liquide ajoute les forces diélectrique et gravita- l’interposition de solides isolants entre les électrodes ; de ce fait, les
tionnelle à la force de Coulomb. En outre, un effet important courants injectés sont insignifiants et l’électroconvection est très
provient de la variation de mobilité des ions (corrélée à la variation réduite.
de viscosité : µη ≅ Cte ) qui influe sur la décroissance de la densité Il est un domaine où l’influence des forces électriques joue un rôle
de charge. non négligeable sur le mouvement du fluide, c’est celui des précipi-
En injection faible (C << 1), la variation de mobilité peut même tateurs électrostatiques utilisés pour dépoussiérer les gaz. Le prin-
rendre la distribution de q dans le liquide au repos croissante de cipe consiste à charger les particules (en utilisant des décharges
l’injecteur vers le collecteur; alors une perturbation de vitesse couronne) afin de les collecter sur les parois métalliques [38]. Les
produit une force de rappel. L’étude linéaire de l’instabilité hydro- particules chargées ont en général une vitesse (par rapport au gaz)
dynamique a révélé une très grande richesse de situations et de sous l’effet du champ électrique nettement plus faible que les
phénomènes [34]. En injection forte (C >> 1), l’effet du gradient de vitesses fluctuantes caractéristiques de l’agitation turbulente du
température sur la déstabilisation du liquide est beaucoup plus gaz, agitation générée par l’écoulement, par les décharges
limité [35]. couronne et les distributions de particules chargées [39]. Il est alors
Les expériences n’ont révélé qu’une influence minime du gradient nécessaire de prendre en compte les forces électriques pour déter-
de température sur les régimes d’électroconvection en injection miner les propriétés de l’écoulement aérodynamique [40].
forte dans les liquides [26]. Cela s’explique par le fait que la poussée Lorsqu’un liquide isolant s’écoule entre deux électrodes
d’Archimède et la force diélectrique sont alors d’intensité beaucoup (2 plaques planes ou 2 cylindres coaxiaux, par exemple), la perte de
plus faible que la force de Coulomb. Par ailleurs, dans les deux charge augmente presque toujours sous l’effet d’un champ
régimes convectifs, les perturbations de charge qui sont assez bien appliqué. Cet effet n’est pas dû à des changements de structure à
corrélées avec les perturbations de vitesse ont une amplitude finie l’échelle moléculaire ou à la génération d’une légère anisotropie du
qui n’est pratiquement pas affectée par les variations de mobilité et liquide, mais résulte de l’électroconvection provoquée par les injec-
de viscosité. tions d’ions qui se produisent sous champ élevé [41]. Cette convec-

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tion forcée électriquement brasse le liquide et augmente les tion turbulente générée électriquement [43]. Une augmentation par
frottements sur les électrodes et, par conséquent, augmente la perte un facteur 10 du transfert de chaleur est assez facilement obtenue
de charge (avec un processus d’injection bien maîtrisé, on pourrait dans le cas d’injections d’ions dans un liquide isolant par une élec-
envisager de contrôler la perte de charge d’un liquide isolant en trode plane ou un fil [26] [44]. D’autres situations ou configurations
écoulement). conduisant à une agitation turbulente ont également été étudiées
Une application plusieurs fois proposée est la pompe EHD qui mais, comme pour le pompage, il existe de nombreux procédés
met à profit l’électroconvection [42]. Mais, si le dispositif est très plus efficaces pour augmenter les transferts de chaleur.
simple, les pressions générées, qui sont environ égales à εU 2/d 2, L’intérêt majeur de l’électroconvection est probablement de
restent modestes car le champ électrique doit rester inférieur au fournir un cas nouveau de transport convectif et d’agitation turbu-
champ de claquage (∆p ~ 103 Pa pour E ~ 100 kV/cm). De plus, le lente très anisotrope qui, de plus, se prête à un contrôle des paramè-
passage du courant conduit en général à une lente dégradation du tres, maniable et s’étendant sur une vaste plage. En particulier le
liquide et de ses performances. problème de l’injection unipolaire dans un liquide isolant représente
Le domaine d’application possible qui a été le plus exploré un modèle très intéressant pour l’étude de la turbulence, de certains
concerne l’accroissement des échanges thermiques par la convec- aspects de la convection atmosphérique, etc.

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