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Procédés thermiques de dessalement

à haut rendement
La crise de l’eau potable annoncée pour Usine de dessalement de l’eau
de mer à Jubail (Arabie Saoudite).
les années 2000-2020 relance fortement l’in- Les plus gros producteurs d’eau
térêt de développer rapidement des tech- douce se trouvent aujourd’hui
niques de dessalement moins chères, plus au Moyen-Orient.
simples, plus robustes, plus fiables, si pos-
sible moins consommatrices d’énergie et res-
pectant l’environnement. Grâce aux connais-
sances acquises et à sa capacité à développer
des technologies innovantes, le CEA contribue
activement à relever ce défi technique et éco-
nomique.
Actuellement, 1,4 milliard d’habitants sur
terre ne disposent pas d’une eau propre à la
consommation. Ce chiffre atteindra 2,3 mil-
liards d’ici 25 ans. Les océans (1,34 milliard
de milliards de mètres cubes), qui représen-
tent 97 % de l’eau de la planète, constituent
pourtant une réserve inépuisable d’eau
potable à condition d’en extraire de l’eau
douce. Cette opération est beaucoup plus
simple et moins coûteuse que d’en retirer le
sel bien qu’on parle, improprement, de des-
saler l’eau de mer. Le coût de production
d’eau douce par dessalement, jadis très élevé,
a fortement baissé puisqu’il peut descendre
en dessous de 1 euro/m3 pour des unités de
grosse capacité.
Ch. Vioujard/GAMMA

Les procédés existants Grâce à des cycles plus élaborés qu’une simple mètres cubes par jour à l’aide d’une dizaine
distillation (évaporation “multi-flash”, mul- d’unités fonctionnant en parallèle. Les plus
Le procédé le plus ancien et le plus répandu tiple effet, compression de vapeur), cette gros producteurs d’eau douce sont les pays du
est la distillation. L’eau s’évapore puis est consommation peut passer en dessous de Moyen-Orient, mais des demandes de plus
condensée tandis que le sel, non volatil, reste 100 kWh thermiques par mètre cube et même en plus fortes apparaissent aujourd’hui sur
dans la saumure concentrée. Ce procédé recrée de 10 kWh (électriques) pour les cycles à com- tous les continents. Les zones arides et semi-
le cycle d’évaporation et de condensation de pression de vapeur (encadré). La production arides sont concernées mais également les
l’eau dans la nature. Les premiers appareils d’eau douce est d’ailleurs souvent combinée zones à forte concentration de population,
industriels, apparus il y a plus de deux siècles, à la fourniture d’électricité. d’industrie et de tourisme, là où les ressources
équipent actuellement plus de 60 % des ins- La comparaison des avantages et des locales d’eau potable deviennent insuffisantes 91
tallations terrestres. Les 40 % restants sont inconvénients de chaque procédé permet de ou inconsommables. La demande pressante,
assurés principalement par un procédé de sépa- situer leur domaine d’application. La distil- généralement non satisfaite, devient très pré-
ration membranaire appelé osmose inverse : lation est très bien adaptée aux grosses capa- occupante et, à court terme, elle risque d’en-
sous l’effet d’une pression élevée (plusieurs cités de production bien que la capacité maxi- traîner des catastrophes locales voire des
dizaines de fois la pression atmosphérique), mum des usines par osmose inverse conflits.
les molécules d’eau contenues dans l’eau de augmente sans cesse. Les deux gammes ont
mer traversent une membrane sélective ; les fini par se recouvrir partiellement. En règle Dès les années soixante
ions constituant les sels dissous, plus gros, ne générale un peu plus coûteuse que l’osmose
traversent pas la membrane. Ce procédé inverse, la distillation produit une eau d’une Dès les années 60, la France, par un arrêté
découvert en 1950 s’est développé dans les très grande pureté, indépendante de la qua- ministériel de juin 1966, avait créé un comité
années soixante. Il a pu bénéficier des pro- lité et de la salinité de l’eau initiale. L’os- chargé des problèmes de dessalement réunis-
grès accomplis en particulier dans le domaine mose inverse est beaucoup plus intéressante sant en particulier la Délégation générale à la
des polymères pour la fabrication de mem- dans le cas d’eaux peu salées, comme par recherche scientifique et technique (DGRST),
branes de plus en plus performantes et en exemple les eaux saumâtres. Électricité de France (EDF), le Commissariat
développant des systèmes à récupération Pas moins de 12 500 unités de dessale- à l’énergie atomique (CEA) et le Centre natio-
d’énergie. Le procédé par distillation a lui- ment installées à terre à travers le monde nal pour l’exploitation des océans (Cnexo).
même été amélioré en vue de réduire la quan- produisent aujourd’hui plus de 20 millions Le CEA était chargé de l’exécution des déci-
tité d’énergie consommée initialement pour de mètres cubes d’eau douce par jour : 14 sions prises pour promouvoir et coordonner
évaporer l’eau (environ 700 kWh thermiques millions à partir de l’eau de mer et le reste à l’effort de recherche et développement des
pour évaporer un mètre cube d’eau, soit un partir d’eaux saumâtres. Des usines produi- secteurs privé et public. De 1966 à 1976, ses
coût d’environ 15 euro pour la part énergie). sent jusqu’à plusieurs centaines de milliers de centres de Saclay, Grenoble et Cadarache

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L’UTILISATION RATIONNELLE DE L’ÉNERGIE

Le dessalement d’eau de mer


par compression mécanique de vapeur
Le principe du dessalement d’eau de égal à deux : 1 m3 d’eau de mer (35 g/l
mer par compression mécanique de de sel) donnera 500 l d’eau douce et
vapeur (figure) est celui d’une pompe à 500 l de saumure à 70 g/l de sel seront
chaleur ; l’eau de mer est évaporée rejetés à la mer. Ce dispositif permet
après avoir été préchauffée dans un de ne consommer qu’une dizaine de
échangeur récupérateur de chaleur. La kilowattheures électriques au lieu des
vapeur d’eau produite est comprimée 700 kWh thermiques d’une simple dis-
après avoir été débarrassée des gout- tillation.
telettes entraînées par un séparateur. L’Union européenne finance un pro-
Sa pression ayant été élevée, la vapeur gramme sur le dessalement associant
se condense alors à une température un consortium d’industriels et d’orga-
supérieure à celle qui règne dans l’éva- nismes de recherche. Ce projet, mené
porateur ; grâce à la chaleur latente de dans le cadre des procédures Craft,
condensation qui est transférée, le cycle associe des PME en vue de réaliser
d’évaporation et de condensation peut une unité de petite capacité (jusqu’à
ainsi fonctionner. La vapeur condensée 1 t/h) à compression mécanique de
Osmonics – de l’eau douce – est extraite, ainsi que vapeur et en utilisant un maximum de
Exemple de module de membrane la saumure concentrée contenant le sel. matériaux polymères ayant un excel-
d’osmose inverse utilisée pour le À cause des problèmes de corrosion et lent comportement face à la corrosion
dessalement de l’eau.
d’entartrage des composants, un tel et à l’encrassement, y compris pour
dispositif fonctionne généralement à les surfaces d’échange. L’objectif est
une température limitée à environ 60 °C de réduire au maximum le coût de
(l’eau de mer bout sous un vide par- l’installation et ses frais de mainte-
tiel), avec un facteur de concentration nance.
ont été au cœur d’un vaste programme rela-
tif aux études de procédés, de thermohy-
draulique, d’entartrage et de corrosion, de séparateur
caractérisation de matériaux pour les mem- de gouttes
branes d’osmose inverse, d’avant-projets de
grosses unités de dessalement couplées à des vapeur d'eau
réacteurs nucléaires, d’analyses technico-
compresseur moteur
économiques et d’optimisation, de couplage électrique
du dessalement à des sources d’énergies évaporateur/condenseur
renouvelables. La participation du CEA à des
projets ou appels d’offres internationaux avec
des industriels français (Alstom, CGE, Pechi-
ney, Sidem, Kestner, etc.) a été prépondé- saumure
rante et a permis au CEA d’acquérir une R&D
eau douce
de niveau mondial.
92 échangeur récupérateur de chaleur
Une demande accrue
appoint d'eau de mer
Aujourd’hui le Groupement pour la
recherche sur les échangeurs thermiques
(GRETh) au CEA/Grenoble est sollicité pour
des projets de dessalement dans le domaine luants (ions métalliques issus des produits des industriels et à travers des projets euro-
de la distillation thermique pour des unités de de corrosion, produits chimiques contre l’en- péens. En parallèle, et en association avec
production de quelques mètres cubes jusqu’à crassement biologique et l’entartrage). Enfin, un département de la Direction de l’énergie
plusieurs milliers de mètres cubes par jour. le dessalement doit être une activité durable : nucléaire au CEA/Cadarache, des études de
Indépendamment de la relance du marché il faut autant que possible coupler les usines production combinée d’eau douce et d’élec-
due aux besoins d’approvisionnement, les à des sources d’énergies renouvelables ou tricité nucléaire pourraient également
recommandations formulées par les orga- valorisant des rejets thermiques d’autres acti- répondre à la demande massive d’une eau
nismes et les experts internationaux génè- vités telles que l’incinération ou la production de qualité à moindre coût. ●
rent de nouveaux développements, en parti- d’électricité.
culier trois d’entre elles. En premier lieu, Les progrès réalisés dans le domaine des
l’accessibilité à une eau dessalée de qualité matériaux, des transferts de chaleur, des tech- Philippe Bandelier
doit être étendue : il faut donc encore réduire nologies de fabrication, des produits de trai- et Jean-Claude Deronzier
le coût du dessalement, la robustesse et la tement biodégradables sont autant de Groupement pour la recherche
simplicité d’exploitation des installations. réponses pouvant satisfaire ces recomman- sur les échangeurs thermiques (GRETh)
Leur impact environnemental est aussi à dations. Le GRETh a déjà engagé des pro- Direction de la recherche technologique
considérer : il s’agit de réduire les rejets pol- grammes sous forme de collaborations avec CEA/Grenoble

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Les échangeurs thermiques compacts,
une innovation écologique et rentable
L’obligation de réduire les investissements Visualisation de l’ébullition sur un
et d’améliorer l’efficacité énergétique a tube d’échangeur de chaleur à
hautes performances.
conduit à introduire des échangeurs ther-
miques compacts et à hautes performances
dans les procédés industriels, où les échanges
thermiques jouent un rôle essentiel. Fort de
ses compétences acquises dans le nucléaire,
le CEA contribue, avec les entreprises parte-
naires, à leur optimisation.
Un échangeur thermique est destiné à
réchauffer (ou refroidir) un fluide au moyen
d’un autre sans qu’ils se mélangent. Un
échangeur compact est caractérisé par une
surface d’échange importante par unité de
volume (plus de 400 m2/m3) ou de masse,
ce qui implique l’utilisation de canaux de
dimension réduite. Les techniques d’inten-
sification permettent soit d’augmenter la sur- Wieland
face d’échange, soit d’augmenter le trans-
fert de chaleur à la paroi par modification de
la structure de l’écoulement à proximité de la
paroi ou au cœur de l’écoulement. Le projet européen d’échangeur à hautes
Les avancées réalisées ces dernières années
du point de vue de la compréhension des
performances pour les procédés industriels
mécanismes fondamentaux, des méthodes de Dans le cadre d’un projet européen solution n’avait pas été envisagée, il
dimensionnement et des procédés de fabrica- coordonné par le CEA/GRETh regrou- aurait été nécessaire de rajouter une
tion permettent d’envisager une utilisation pant dix partenaires dont sept indus- chaudière à vapeur sur le circuit pour
accrue des échangeurs compacts et des tech- triels, un prototype d’échangeur à réchauffer l’eau avant l’échangeur. Ceci
niques d’intensification dans les industries de hautes performances de 300 m2 et d’une aurait impliqué des frais d’installation
procédés. En outre, l’échangeur thermique, puissance de 5 MW a été installé sur un importants et un coût de fonctionne-
longtemps considéré comme un équipement site de production de polypropylène – ment plus élevé pour prendre en
permettant une utilisation plus rationnelle de matière plastique aux multiples appli- compte la consommation de vapeur
l’énergie, devient actuellement, pour de nom- cations – de la société Targor en Alle- d’eau. Avec ce nouvel échangeur, les
breuses applications, le cœur même du pro- magne. L’échangeur est installé au pied économies d’énergie sont estimées à
cédé. Dans le domaine du traitement des COV d’une colonne de distillation pour la 1,7 tonne/heure de vapeur d’eau (soit
(composés organiques volatils), par exemple, purification du propylène, et le bas de 1 MW), ce qui représente une économie
les procédés par condensation font appel à un colonne est chargé en propane qui est de l’ordre de 150 000 euro par an. 93
échangeur pour la fonction principale. Dans les vaporisé dans l’échangeur. L’industriel L’échangeur a été réalisé par la société
unités de production de gaz naturel, une dis- désirait augmenter la capacité de pro- CIAT (partenaire du GRETh) et incor-

tillation partielle du fluide peut être obtenue duction de son installation de 20 % sans pore des tubes à surface structurée qui
modifier fondamentalement son pro- permettent d’obtenir en ébullition des
directement dans des échangeurs compacts.
cédé. Il fallait donc pouvoir générer 20 % performances 2 à 3 fois supérieures que
de vapeur de propane en plus tout en celles d’un tube lisse. L’échangeur fonc-
Une spécialité européenne conservant la même source chaude. tionne depuis avril 2000 avec des per-
Cette source chaude provenant du formances supérieures à celles requises
Dans le contexte actuel de mondialisa- refroidissement de deux réacteurs chi- à l’origine.
tion des marchés, l’industrie nationale doit miques, la température et le débit Au cours de ce projet, une collabo-
innover et mettre sur le marché des tech- étaient imposés. Étant donné les écarts ration étroite entre les différents par-
nologies performantes tant sur le plan tech- de température entre la source chaude tenaires a permis de développer et
nique qu’économique. De fait, les échan- (eau) et la source froide (propane), il caractériser la géométrie de base des
geurs de chaleur compacts sont une était nécessaire d’augmenter les per- tubes, d’effectuer des essais sur un petit
“spécialité européenne” et la France compte formances thermiques de l’échangeur pilote (1 m2 de surface d’échange) et
de nombreuses sociétés qui en fabriquent d’au moins 50 % tout en conservant un finalement de réaliser le pilote indus-
et en installent, notamment des PME. encombrement identique pour limiter triel. Une modélisation fine de l’écou-
Actuellement, il n’est pas un secteur qui les travaux de raccordement. La solu- lement diphasique a été réalisée en
n’utilise ce type d’échangeur, mais malgré tion consistait donc à remplacer l’échan- parallèle sur la base des codes de cal-
ses bonnes performances, certains indus- geur existant par un échangeur équipé culs développés par le CEA pour la
triels sont toujours relativement réticents à de tubes à hautes performances. Si cette sûreté nucléaire.
l’employer sur leurs sites de production. Il

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L’UTILISATION RATIONNELLE DE L’ÉNERGIE

leur ne sont que des équipements condition-


nant les fluides avant et après leur traitement.
Toutefois, dans de nombreuses applications,
le coût de fonctionnement des installations de
traitement est relativement élevé et des éco-
nomies substantielles peuvent être obtenues
en utilisant des échangeurs plus efficaces. Par
ailleurs, pour de nombreuses unités de traite-
ment, il importe de réduire la taille et le poids
des installations. Ceci est plus particulière-
ment vrai pour les unités transportables (trai-
tement des sols pollués). L’intégration
d’échangeurs compacts, dans un contexte
environnemental, permet d’une part d’aug-
menter l’efficacité énergétique et d’autre part
de réduire l’encombrement et les coûts. Les
actions à mener dans ces domaines portent
CIAT
Échangeur incorporant des tubes
sur des projets de démonstration et sur une
à hautes performances en cours valider les performances thermiques et caractérisation thermique et hydraulique en
de fabrication par la société CIAT, hydrauliques en conditions industrielles, ce conditions réelles. D’un point de vue techno-
partenaire du CEA/GRETh. qui nécessite des essais sur plate-forme ; logique, les échangeurs utilisés dans les pro-
d’autres, enfin, doivent intégrer l’échan- cédés de traitement opèrent soit à haute tem-
geur dans son contexte productif. pérature (incinération des COV), soit doivent
S’il faut souligner le rôle innovant des être résistants à la corrosion (traitement des
industries européennes dans ce domaine, il solvants et rejets acides) et nécessitent l’uti-
convient surtout de noter l’émergence de ces lisation de matériaux nobles ou innovants dans
technologies aux États-Unis. Cela se traduit la plupart des cas plus chers que des aciers
par le rachat par des entreprises américaines conventionnels. Dans ce contexte, la réduc-
convient donc de prouver que ces équipe- de fabricants européens d’échangeurs com- tion de la surface d’échange permet de réduire
ments offrent de meilleures performances pacts et par un développement considérable l’impact global de l’échangeur qui intègre les
que les échangeurs conventionnels et gar- des programmes de R&D aux États-Unis. phases d’élaboration et de mise en forme des
dent une bonne fiabilité. Il faut pour cela matériaux. ●
mener des projets de recherche et de déve- Des créneaux dans la
loppement à trois niveaux. Des études de protection de l’environnement Bernard Thonon et Pierre Mercier
base doivent permettre de mieux maîtriser Groupement pour la recherche
la physique du transfert de chaleur, ce qui Dans le domaine de la protection de l’en- sur les échangeurs thermiques (GRETh)
permet de proposer de nouvelles structures vironnement, hormis le cas du traitement des Direction de la recherche technologique
et géométries. Des études globales doivent COV par condensation, les échangeurs de cha- CEA/Grenoble

94
Le refroidissement électronique :
problème et solutions
Le contrôle thermique est un point clef de puce électronique en dessous d’un seuil cri-
la conception des équipements élec- tique afin de réduire l’agitation thermique
troniques, car la qualité dans le réseau du semiconducteur. La tem-
et la fiabilité de leurs pérature de jonction du composant, qui
composants dépendent représente l’image du niveau thermique
fortement de la tempé- moyen de la puce à son régime nominal, se
rature. La miniaturi- situe en effet autour de 125 °C pour le sili-
sation n’a fait que cium. Une bonne homogénéité de la tem-
rendre plus délicate pérature dans le volume du composant per-
la dissipation de la met par ailleurs de limiter les contraintes
chaleur. C’est pour- thermomécaniques.
quoi le CEA, en colla- L’architecture d’un composant classique
boration avec l’Institut (figure) montre le cheminement thermique
polytechnique de Grenoble, et les modes de dissipation des calories de
Microprocesseur étudie des solutions aux diffé- l’élément de base, la puce en matériau semi-
aux performances gie
s
rents problèmes posés par l’utilisation conducteur où réside la fonction électrique,
nolo
améliorées surmonté de Tech
en rationnelle de l’énergie dans ce domaine. vers la carte ou vers le circuit imprimé via le
son système d'évacuation vergre
E
de la chaleur. Il convient de limiter la température d’une substrat. Ce dernier, formé de plusieurs

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Figure. Architecture et chemine-
liaisons puce ment thermique dans un compo-
conductrices sant électronique.

liaison
enrobage

substrat

rayonnement
conduction

convection

conduction convection carte, circuit imprimé

couches de matériaux différents, assure la élevées et avec des densités de flux pouvant
tenue mécanique, l’isolation électrique entre atteindre 400 W/cm2 Les diodes laser dis-
la puce et le boîtier et la transmission des sipent 500 W/cm2 et plus.
signaux électriques vers l’extérieur. L’en-
semble puce/substrat, constituant le boîtier, Les technologies nouvelles
est en général enrobé dans une résine pro- à mettre en œuvre
tectrice. En électronique de puissance (voir
Vers une électronique de puissance basse Il existe ainsi un besoin réel d’innovation
tension, économe en énergie et à faible coût), dans le domaine du montage, de la connec-
il n’y a pas de carte et le boîtier est relié de tique et du refroidissement des composants.
manière filaire aux autres éléments. Ces dernières années, des études sur des
micro-échangeurs en cuivre intégrés sous la
Un problème de plus semelle des composants de puissance, fonc-
en plus ardu tionnant en convection forcée avec un fluide
de refroidissement liquide en régime d’écou-
Les applications de l’électronique sont par- lement laminaire ou sous forme diphasique
tout et ont gagné le grand public. Dans tous les (phases liquide et vapeur en présence), ont Photographie infrarouge mon-
trant le réseau de microcanaux,
domaines – militaire, spatial, industriel et été réalisées. Elles ont montré l’efficacité les deux collecteurs et les deux
domestique – elles exigent un accroissement de tels modes de refroidissement puisque trous d'alimentation en fluide
de la vitesse de réponse des dispositifs, une les densités de flux évacuées atteignent d'un micro-échangeur gravé dans
le silicium.
réduction de la taille, des fonctionnalités plus 400 W/cm2 avec de l’eau. Cependant, ces
complexes et une meilleure fiabilité. La loi systèmes présentent plusieurs défauts, notam-
de Moore, qui prédit que les performances ment le manque d’isolation électrique lorsque
des semiconducteurs doublent tous les dix- l’eau est utilisée et le vieillissement ther- 95
huit mois, continue de se vérifier depuis le momécanique de l’ensemble lorsqu’une céra-
début des années 1970 pour l’ensemble des mique isolante est insérée entre la puce et
composants : microprocesseurs, mémoires, l’échangeur.
circuits logiques, composants de puissance. Une autre solution consiste à concevoir
Le problème d’évacuation de la chaleur des micro-refroidisseurs en silicium mettant
se pose maintenant au niveau même du com- en œuvre les techniques de gravure profonde
posant, à cause de la forte augmentation de (canaux rectangulaires et hexagonaux de dia-
la densité de flux résultant de la miniaturi- mètre hydraulique interne de l’ordre de
sation et de l’augmentation des fréquences 250 mm) et d’autosoudage de plaques de sili-
de fonctionnement. Des densités de flux de cium, techniques bien connues du Labora-
50 W/cm2 deviennent la règle pour les nou- toire d’électronique et de technologie de l’in-
velles générations de microprocesseurs. formation (Leti) du CEA . Dans une telle
Quant aux convertisseurs d’électronique de structure, qui fait alors office de support et de
puissance utilisés pour la traction électrique boîtier, le refroidissement s’effectue en
sur rails et les futurs véhicules hybrides, convection forcée laminaire avec un fluide
leur volume s’est réduit de manière impres- monophasique. Il intéresse les applications
sionnante (plusieurs ordres de grandeur). Les dans lesquelles le composant dissipe une
IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor), puissance supérieure à 100 W. L’isolation
avec une surface d’encombrement de l’ordre électrique est réalisée grâce à l’insertion
du cm2, commutent des tensions et des cou- d’une couche d’oxyde de silicium de faible
rants importants, travaillent à des fréquences épaisseur réduisant à deux le nombre d’in-
CEA

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L’UTILISATION RATIONNELLE DE L’ÉNERGIE

Prototype de refroidisseur double


phase de quatre IGBT4
(dimensions 50 x 50 mm).

emplacement des
connecteurs de
source (amenées
de courant sur les
arrivée transistors)
du fluide

sortie
du fluide

emplacements
des puces

emplacement des connecteurs


de source (amenées de courant
sur les transistors)

CEA
terfaces entre les matériaux de dilatabilité sif, fonctionnant en double phase, de type
Module IGBT (Insulated Gate voisine (silicium et oxyde de silicium). Sa caloduc intégré au silicium, est très promet-
Bipolar Transistor) avec ses canaux faible masse volumique permet par ailleurs teur, avec une densité de flux potentielle de
d’arrivée et de sortie de fluide. d’obtenir un micro-refroidisseur plus com- 100 W/cm2. Il fait l’objet de travaux dans de
pact et plus léger. Les densités de flux mesu- nombreux laboratoires de recherche, dont
rées vont de 200 à 400 W/cm2 (suivant la ceux du CEA. ●
géométrie du canal) avec un écart de 40 °C
entre le fluide d’extraction et la paroi des Alain Bricard
canaux. Les refroidisseurs à canaux hexa- Groupement pour la recherche
gonaux sont moins performants mais plus sur les échangeurs thermiques (GRETh)
aisés et moins chers à réaliser. Direction de la recherche technologique
Pour les applications de plus faible puis- CEA/Grenoble
sance, inférieure à la centaine de watts, il et Christian Schaeffer
s’agit non plus de mettre en place dans le Laboratoire d’électrotechnique de Grenoble
silicium une structure à forte évacuation ther- École nationale supérieure
mique mais une structure à fort pouvoir de d’ingénieurs électriciens de Grenoble
diffusion. Le principe d’un échangeur pas- Institut polytechnique de Grenoble
CEA/LETI

96

Vers une électronique de puissance basse


tension, économe en énergie et à faible coût
Les énergies nouvelles et renouvelables magnétique). Il s’agit de technologies de Les domaines de puissance vont du watt au
lancent de nouveaux défis à l’électronique découpage qui permettent de réaliser des sys- mégawatt, de circuits de quelques centimètres
de puissance, domaine de la transformation tèmes de conversion de l’énergie électriques cubes à des installations de très grande taille.
de l’énergie électrique grâce à des compo- avec de faibles pertes et dans des volumes Il existe une synergie entre les progrès des
sants électroniques à base de semiconduc- réduits. Parmi les principales applications de microprocesseurs et ceux de l’électronique
teurs, fonctionnant comme des interrupteurs l’électronique de puissance figurent les com- de puissance : les composants récents ont
qui se ferment et s’ouvrent alternativement et mandes de moteurs des trains (en particulier une structure de surface semblable à celle
à haute fréquence. des tramways et des TGV), les alimentations des microprocesseurs et des mémoires, où
Ces composants transfèrent l’énergie entre à découpage des ordinateurs individuels (pro- des centaines de milliers de cellules de tran-
des condensateurs (stockage d’énergie sous bablement le marché le plus important) et sistors MOSFET (pour Metal-Oxide-Semi-
forme électrostatique) et des bobinages les régulateurs (ballasts) haute fréquence des conductor Field Effect Transistor) sont reliées
(inductances : stockage d’énergie sous forme lampes basse consommation. en parallèle. Depuis dix ans, les progrès des

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Interrupteur de puissance et sa
commande intégrée sur la même
puce réalisé au CEA/Leti.

CEA/LETI

premiers sont directement liés à ceux des résistance à l’état passant augmentait très annonces de composants commerciaux SiC
techniques de micro-lithographie mises au rapidement en fonction de la tenue en ten- commencent à apparaître et vont s’accélérer.
point pour les seconds. sion (loi en V2,4) due à des compromis tech- Une équipe d’une quinzaine de personnes
nologiques, la maîtrise de la gravure en pro- développe cette nouvelle filière au CEA/Leti.
Les ruptures technologiques fondeur dans le silicium et de la croissance de Jusqu’alors réservée aux circuits de traite-
réalisées dépôts successifs permet aujourd’hui de réa- ment de l’information, l’intégration de plu-
liser des transistors présentant une résistance sieurs composants de puissance (transistors et
Des composants qui étaient considérés à l’état passant cinq fois plus faible que celle composants passifs) et de leur commande asso-
comme irréalisables hier existent aujourd’hui. que prévoyait la loi (figure). ciée sur une même puce commence à poindre
Les technologies de gravure de plus en plus L’apparition de nouveaux semiconducteurs pour les petites puissances. Elle répond essen-
fines ont permis l’apparition de transistors à large bande interdite comme le SiC (car- tiellement à un besoin de réduction des coûts
MOSFET très basse tension (30 à 50 volts) bure de silicium) permet d’obtenir des com- d’une même fonction. Le CEA/Leti, en colla-
présentant une résistance parasite à l’état pas- posants avec des résistances à l’état passant et boration avec ST Microelectronics, a déve-
sant (résistance résiduelle de l’interrupteur des vitesses de commutation très notablement loppé plusieurs approches pour cette intégration.
lorsqu’il ferme le circuit ; Ron) de quelques améliorées par rapport à celles de leur corres- Jusqu’à présent, la règle générale commu-
milliohms, nécessaires pour la gestion de pondant silicium. Les composants SiC, contrai- nément admise était que la tension maximale
l’énergie dans les ordinateurs portables et rement aux composants silicium, peuvent tra- d’un composant ne devait jamais être atteinte
pour les tensions d’alimentation de plus en vailler à des températures très élevées (jusqu’à tout au long de la vie du produit, sous peine de
plus basses des microprocesseurs. Alors que 600 °C), ce qui simplifie notablement la pro- destruction. Certains composants acceptent
pour les MOSFET de plus haute tension, la blématique du refroidissement. Les premières maintenant d’atteindre cette tension, à laquelle
97
résistance à l'état passant × surface de la puce (⍀mm2)

MOSFET 500 V
20
état de l'art
16

12

limite technologique
8

4
MOS de nouvelle
2 génération

Figure. Illustration de la percée


0 technologique réalisée dans
les transistors MOS et la chute
spectaculaire du produit
1980 1990 2000 de la résistance à l’état passant
par la surface.

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L’UTILISATION RATIONNELLE DE L’ÉNERGIE

Micro-transformateur intégré sur


silicium réalisé au CEA/Leti.

CEA/LETI

ils écrêtent en laissant passer le courant (fonc- volume, sont compactes et fournissent des
tionnement “en avalanche”). Ils permettent basses tensions. Mais leurs puissances sont
une optimisation du dimensionnement du pro- limitées à quelques centaines de watts.
duit avec des gains en performance, en coût et Les commandes de moteurs et autres appli-
en fiabilité. Les travaux du CEA sur la carac- cations de forte puissance, qui fonctionnent sur
térisation et le fonctionnement de tels com- des tensions réseau de plusieurs centaines de
posants constituent une référence pour les spé- volts, ne sont pas extrapolables directement à
cialistes. De plus faibles valeurs de résistance des tensions plus basses. Leurs technologies
à l’état passant se traduisent par une énergie de réalisation sont aujourd’hui beaucoup trop
perdue par effet Joule (et donc à évacuer sous coûteuses. Le défi à relever est donc la créa-
forme thermique) bien inférieure. Outre les tion d’une électronique de puissance de basse
économies d’énergie, cela permet des tech- tension, de forte puissance avec des modes de
nologies de réalisation moins chères. réalisation permettant des coûts faibles dans
des fabrications en grande série. Pour les appli-
Le défi des énergies nouvelles cations mobiles et automobiles, il faut, de plus,
gagner un facteur cinq sur la compacité. Il sera
La transformation de l’énergie électrique possible, pour ce faire, de s’appuyer sur les pro-
issue des énergies nouvelles (en particulier grès des composants récents de l’électronique
dans les piles à combustible) et les énergies de puissance qui permettent notamment de faire
Banc de caractérisation renouvelables (photovoltaïque, éolien, petite chuter de manière notable l’énergie perdue et
98 de composants en avalanche
hydraulique) entraîne de nouveaux besoins qui dissipée dans les équipements. La dérégulation
jusqu’à 1 000 ampères.
sont autant de défis à relever. En effet, dans de l’énergie et le couplage de nombreuses
ce type d’énergie, l’énergie électrique est four- sources délocalisées entraîneront la nécessité
nie ou stockée dans des éléments de très basse d’étages de conversion de transformation de
tension unitaire : 0,8 volt pour les éléments de l’énergie électrique à base d’électronique de
pile à combustible et les cellules photovol- puissance. Là encore il faudra répondre à des
taïques, 1,2 à 3 volts pour les batteries et défis technologiques mal relevés à ce jour :
2,5 volts pour les super-condensateurs. De leur composants avec des tenues en tension très éle-
côté, le générateur et les systèmes de stockage vées, commandes optiques, minimisation des
sont de forte puissance : quelques kilowatts coûts et des pertes associées, minimisation des
pour les scooters, par exemple, et les généra- éléments de stockage de l’énergie sous forme
teurs fixes individuels, cinquante à quelques électrostatique ou magnétique. ●
centaines de kilowatts pour les véhicules auto-
mobiles et les générateurs fixes collectifs. Les Daniel Chatroux
nouvelles technologies ne pourront donc se Direction de l’énergie nucléaire
développer que si les coûts sont compétitifs CEA/Valrhô-Pierrelatte
par rapport aux solutions concurrentes.
Les deux grandes technologies existantes et Jean-Pierre Joly
ne peuvent pas répondre directement au Laboratoire d’électronique et
besoin. Les alimentations à découpage ont de technologie de l’information
des coûts faibles du fait de leur mode de réa- Direction de la recherche technologique
lisation et des fabrications en très grand CEA/Grenoble
CEA

CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001


Maîtrise de l’énergie dans le bâtiment :
les vitrages électrochromes

CEA
Démonstrateur de vitrage électro-
Exemple d’une technologie combinant recherches sur des vitrages électrochromes chrome polymère conducteur
maîtrise de l’énergie et souci du bien-être, monolithiques sur substrat souple. Ils sont polyaniline/oxyde de tungstène
les vitrages électrochromes illustrent l’ap- constitués d’un empilement multicouche ana- (PANI/WO3 ) développé au CEA, vu
en modes coloré et transparent.
port de développements scientifiques, logue à celui des micro-batteries et sont fabri-
conduits entre autres au CEA, à l’utilisation qués par des techniques de dépôt sous vide
rationnelle de l’énergie dans le secteur du telles que la pulvérisation cathodique. Les
bâtiment. couches électrochromes à coloration catho- Elles sont déposées sur un conducteur élec-
L’utilisation croissante de baies vitrées et dique(1), telles que le trioxyde de tungstène tronique transparent qui sert de collecteur de
la nécessité de maîtriser les dépenses éner- WO3 et à coloration anodique(2), la couche courant et sont séparées par un conducteur
gétiques dans le bâtiment ont accéléré le électrochrome n° 2 (CE2), telles que l’oxyde ionique de protons (H+) ou d’ions lithium
développement de fenêtres “intelligentes”, d’iridium IrO2 ou LiNiO2, se colorent et se (Li+) qui est isolant électrique. Lors de l’ap-
qui s’adaptent aux circonstances. Les vitrages décolorent simultanément, comme l’illustre plication d’une tension négative sur le tri-
électrochromes qui les caractérisent trouvent la coupe du vitrage (figure). oxyde de tungstène, l’injection simultanée
aussi des applications dans les secteurs spa- d’électrons et d’ions H+ provoque une réduc- 99
tial et militaire et l’industrie automobile, par tion du tungstène qui se traduit par l’appa-
exemple dans des rétroviseurs anti-éblouis- rition d’un centre coloré avec une coloration
sement. Il s’agit de systèmes dont les pro- bleue intense. La réaction électrochimique
priétés optiques peuvent être modulées par correspondante est :
l’application d’une tension de quelques volts couche de protection
+ WO3 + xH+ + xe- → HxWO3
en fonction des conditions climatiques. Ainsi,
conducteur transparent
en été, ces vitrages absorbent la lumière et Simultanément, l’oxydation (potentiel
la chaleur (état coloré) tout en maintenant e- CE2 positif) de la seconde couche électrochrome
une certaine luminosité dans la pièce tandis Li+ conducteur ionique donne lieu à une coloration. Ainsi, pour un
qu’ils les transmettent en hiver (état trans- couple WO3/IrO2, la réaction totale s’écrit :
parent). Le contrôle judicieux de l’énergie e- WO3 (CE1)
- WO3 + yHx/yIrO2 = HxWO3 + yIrO2
solaire (dans le visible et le proche infra- conducteur transparent
transparent coloré (gris-bleu)
rouge) transmise à travers un double vitrage substrat
permet de réduire jusqu’à 50 % les dépenses Sur ce principe peuvent être imaginés des
énergétiques liées au chauffage et à la cli- vitrages alliant la nécessité des économies
matisation. Ces dispositifs ont atteint un stade (1) Coloration cathodique : coloration lors d’une d’énergie et le confort d’une ambiance modi-
de développement avancé puisque fin 1999, réduction du matériau par application d’un fiable à volonté. ●
des prototypes ont été installés par Pilking- potentiel négatif.
ton sur la façade de la Stadtsparkasse de (2) Coloration anodique : coloration lors d’une Patrice Topart
Dresde (Allemagne). En collaboration avec oxydation du matériau par application d’un Direction des applications militaires
potentiel positif.
l’Ademe, le CEA conduit pour sa part des CEA/Le Ripault

CLEFS CEA - N° 44 - HIVER 2000-2001

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