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Compétence interculturelle et efficacité de

l'action didactique en classe de langue


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Chaire UNESCO pour l'Afrique centrale en Sciences de l'éducation, Université
Mariem Ngouabi, ENS de Yaoundé - DEA des Sciences de l'éducation 1987
  

INTRODUCTION GENERALE
Face à un monde de plus en plus métissé pour ce qui est des modes de vie, des us et
coutumes des peuples, face à la propension égoïste et naturelle des hommes à afficher leurs
identités spécifiques au détriment des idéaux de paix qui devraient animer l'humanité, tout un
chacun devrait s'interroger. Au moment où la communauté internationale met tout en oeuvre
pour combattre tous les fléaux qui minent les processus de paix et la stabilité du monde, il est
important que l'enseignant qui est un éducateur de profession soit aux avant-postes de toutes
les initiatives opportunes dans ce sens. Il s'agit pour lui d'avoir toutes les capacités
indispensables au développement de la culture de la tolérance à travers la compréhension
internationale ; il s'agit aussi pour lui de communiquer ces capacités à ses apprenants. Ces
objectifs, il ne peut les atteindre que s'il est compétent sur le plan interculturel.

Avoir des aptitudes sur le plan interculturel, c'est connaître, mieux, c'est maîtriser non
seulement les faits de civilisation de plusieurs peuples, mais aussi et surtout leurs faits
culturels, car ce sont les seconds qui, pense Abdallah-Pretceille (1996 :28), « favorisent la
communication, c'est-à-dire la rencontre avec l'Autre.[La] démarche descriptive [...]
rest[ant] extérieure aux individus ». Par conséquent, la capacité à repérer le culturel dans les
échanges langagiers va au-delà de simples connaissances ethnographiques descriptives telles
que la manière de parler, la gestuelle, l'intonation et autres signes physiques ou matériels,
pour cerner la communication dans sa profondeur. Et pour cause, reprécise Abdallah-
Pretceille (1996 : 30),

l'échange langagier ne constitue que la partie immergée de l'iceberg et que l'enjeu de la


communication se situe bien souvent au-delà du verbal qui sert fréquemment de rempart à
d'autres significations.

Il s'agit donc pour l'enseignant d'être capable de comprendre et d'exploiter la dimension


anthropologique des échanges langagiers, de comprendre la variation culturelle qui, au
demeurant, est interculturelle parce qu'elle implique d'importantes interrelations entre
cultures différentes. C'est cette variation interculturelle qui fonde la signification des unités
linguistiques, la compréhension et la communication lors des échanges langagiers. C'est elle
qui est donc à la base de la communication interpersonnelle et même de la communication
entre peuples. Il s'ensuit cette conclusion d'Abdallah-Pretceille (1996: 36) :

C'est à une véritable anthropologie du métissage que nous appelons car le temps n'est plus
aux catalogues, aux nomenclatures mais au passage, à la transgression des frontières
linguistiques et culturelles (cf. « parler bilingue » par rapport au bilinguisme), à la pluralité
des cheminements et à la multiréférentialité. Chaque individu a la possibilité d'appuyer son
expression non seulement sur le code d'appartenance mais aussi sur un ou des codes
de référence et ce de manière d'autant plus variée que son expérience du monde sera plus
vaste.

La description des exigences psychopédagogiques ci-dessus présentée devrait correspondre à


l'enseignant en général et à l'enseignant des langues en particulier. C'est dire qu'un
enseignant qui plus est celui de langue devrait être compétent sur le plan multi-référentiel. Et
si c'est aisé de lui destiner cette capacité autrement appelée compétence interculturelle, on ne
saurait être catégorique sur l'effet qu'elle pourrait avoir sur le rendement pédagogique. Voilà
qui fonde la question suivante au centre de la présente étude : la compétence interculturelle
de l'enseignant a-t-elle un effet significatif sur son efficacité didactique tant théorique que
pratique dans un environnement sociologique de plus en plus métissé sur le plan des modes
de vie, des moeurs, des us et coutumes, et des pratiques langagières?

Au demeurant, telle est la question fondamentale qui pose les bases d'une étude qui se veut
une approche évaluative globale de certains supports didactiques et de la didactique du
français en francophonie. Et la démarche adoptée pour y répondre est trilogique. Dans la
première partie de l'étude, il s'agit de poser la problématique et de procéder à la
circonscription du cadre théorique de l'étude. La deuxième partie de l'étude intitulée cadre
méthodologique est le lieu de définition de la démarche et des procédures suivies dans la
conduite des investigations. Enfin, la troisième partie, le cadre opératoire, correspond au lieu
approprié de présentation des résultats, de vérification des hypothèses et de proposition de
suggestions et recommandations en vue de l'amélioration de la situation étudiée.

PREMIERE PARTIE :

PROBLEMATIQUE ET CADRE
THEORIQUE

CHAPITRE I : LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE

Si définir les concepts de culture et de compétence culturelle n'est pas aisé, définir celui de
compétence interculturelle l'est encore plus. Pourtant, en tant qu'ensemble d'aspects
intellectuels et de formes de comportements qui caractérisent une civilisation tout en
permettant de développer le sens critique, le goût et le jugement, la culture devrait avoir un
impact sérieux sur les autres activités de la vie quotidienne et plus précisément sur
l'enseignement. Bien plus, cet impact devrait être accentué pour ce qui est particulièrement
de l'enseignement de la langue qui en est précisément un aspect, celui de la culture.

Par ailleurs, à cause du caractère essentiellement évolutif de la langue, la culture qui


permettrait de la comprendre est obligatoirement multidimensionnelle, multidirectionnelle et
profonde, surtout quand il est question de traiter de la langue française en usage dans les
pays de l'Afrique francophone subsaharienne. Dès lors, il devient indispensable pour tout
enseignant de français en général et de cette région en particulier de percevoir le lien qui
pourrait exister entre ses aptitudes non plus seulement culturelles, mais aussi interculturelles
et l'efficacité de ses enseignements. Pour pouvoir vérifier la possibilité du lien ci-dessus
évoqué, il faut d'abord justifier le choix du sujet en identifiant clairement le problème qu'il
pose. Ce préalable permet ensuite de déterminer les objectifs et intérêts de l'étude et partant
de circonscrire cette dernière sur les plans thématique et spatio-temporel.

I.1. LE CHOIX DU SUJET

L'enseignement des langues en général et de la langue française en particulier se fait


habituellement à l'aide de corpus sélectionnés dans de textes littéraires, journalistiques et
même scientifiques. Cette option est bien spécifiée dans les instructions officielles du
MINEDUC (1994 :2) en ces termes :

S'agissant des contenus, l'accent est mis sur l'enseignement de la langue française au second
cycle, indissociable de l'enseignement de la littérature...Ainsi, l'enseignement de la langue
vise la maîtrise par l'élève de l'outil linguistique, tant en termes de compréhension (étude de
textes) qu'en termes d'autonomie ( production de textes). Il s'agit d'enraciner l'apprentissage
de la langue française dans le besoin d'échanges et de communication. Des activités
dynamiques et ouvertes, ayant pour point de départ les textes, permettront aux élèves de
s'approprier la langue, de s'initier à la culture qu'elle véhicule, de réagir, de proposer une
réponse personnelle, de réfléchir seul ou en groupe.

Pour concrétiser cette option dans leurs salles de classe, les enseignants opèrent des choix
multiples, tant dans les oeuvres inscrites au programme que dans les journaux pour, comme
le disent encore les instructions officielles du MINEDUC (1995 :12), «  donner aux élèves
une capacité de lecture flexible et plurielle »  . L'attestent fort heureusement les exercices
proposés dans le Cahier de Département - Français langue seconde (Spécial
langue)  (MINEDUC, 2000) de la Sous-section de Français et Lettres Classiques de
l'Inspection Générale de Pédagogie. L'atteste aussi et mieux d'ailleurs le document 30 textes
pour le cours de langue (2001) qui est un corpus et davantage un répertoire de textes au sens
large, littéraires ou non, et bien sûr en français moderne.

Avant que les méthodes d'approche textuelles ne se diversifient et surtout avec la critique
historique, les textes littéraires étudiés en classe étaient pour la plupart des classiques. Par
conséquent, ils permettaient à l'enseignant et à l'apprenant, au regard du caractère homogène
du niveau et de la qualité de la langue, de les comprendre d'une part et d'être sûrs d'autre part
de la transmission et de l'acquisition de la norme linguistique, de la norme standard, de la
norme hexagonale de la langue française. Les classiques africains permettaient aussi
d'atteindre cet objectif. Et si les exigences de la compétence interculturelle n'étaient pas
totalement oubliées, il faut reconnaître qu'elles étaient autant exprimées et ressenties qu'elles
le sont de nos jours.

Aujourd'hui, il n'est plus évident que les textes littéraires francophones contemporains
autrement appelés nouvelles écritures africaines, essentiellement caractérisés par la
« déconstruction » de la langue française, par ce que Nganang dans un entretien accordé à
Mvounda Etoa (2003 :8) appelle le « décentrement » par rapport à la métropole et qui
implique une nouvelle énonciation, soient d'une compréhension facile au point de rendre aisé
l'enseignement et l'acquisition/appropriation de cette langue. A partir d'une telle situation, un
débat diversement exprimé s'est installé au sein de la communauté scientifique avec pour
objet la qualité de langue française enseignée et acquise dans les milieux scolaires de
l'Afrique francophone subsaharienne et même d'ailleurs.

D'aucuns parmi lesquels Zabu cité par Kesteloot (1992 :26) faisaient du problème ci-dessus
soulevé celui de l'« indigénisation » de la langue française. D'autres en font le sujet de
numéros de revues et de colloques. C'est ainsi que cette question est l'un des points inscrits
au programme des Etats généraux de l'enseignement du français en Afrique subsaharienne
francophone tenus à Libreville au Gabon du 17 au 20 mars 2003. La même préoccupation a
constitué le dossier du N°003-Volume II d'octobre 2003 de la revue Langues et
communication sous-titré «  Quel français parlons-nous ?  ». Elle a également été au centre
du Colloque international des 27, 28 et 29 octobre tenu à Yaoundé au cours de la même
année 2003 sur le thème Le français écrit et parlé en Afrique : bilan et perspectives. Elle a
été enfin le sujet du N°159 de la revue Notre Librairie, numéro sous-titré Langues, langages,
inventions(juillet -septembre 2005), avec comme grandes articulations « les métamorphoses
du français », « inventivité de la langue » et « dire et détours ».

Par ailleurs et en marge des problématiques de la norme, cette question d'indigénisation du


français se situe en droite ligne des colloques organisés par l'Association Francophone
Internationale de Recherche Scientifique en Education à Rabat en 1997, sur le
thème « Education : Identité, altération et relations interculturelles » et en 2001 au Brésil, à
Natal, sur le thème «  Hétérogénéité, culture et éducation ». Au centre des travaux de ces
colloques étaient débattues des questions permettant de circonscrire, au-delà des procédés et
autres techniques d'expression, l'interculturel dont la maîtrise serait indispensable pour un
meilleur enseignement/apprentissage des langues en général et de la langue française en
particulier. Voilà qui justifie clairement l'inquiétude de la Fédération Internationale des
Professeurs de Français ( www.francparler.org/dossier/interculturel) qui s'interroge sur la fait
que jusqu'à présent la formation à l'interculturel, socle d'un enseignement /apprentissage
réussi ne fasse pas partie des programmes de formation des enseignants.

De même, une telle inquiétude, déjà posée par Binon et Claes (1995), est reprise par celle-ci
(2003 : 5) dans les termes suivants :

Si l'enseignement des langues étrangères privilégie surtout la composante linguistique, il


néglige souvent les autres composantes et certainement les composantes stratégique,
paralinguistique et surtout sociolinguistique et socioculturelle. Or ces composantes
constituent avant tout la dimension interculturelle de la compétence de communication et
s'avèrent particulièrement importantes dans un monde multiculturel et économiquement
global. Une prise de conscience des différences qui peuvent exister au niveau culturel
devient donc de plus en plus indispensable.

Telles sont les pistes qui ont orienté vers le choix du thème Compétence interculturelle et
efficacité de l'action didactique en classe de langue. Elles guident ainsi vers la recherche de
l'importance de la maîtrise de l'interculturel pour un enseignant de langue et sous-tendent le
problème qui est formulé au coeur de l'étude.
I.2. LA FORMULATION DU PROBLEME

Les rapports entre l'interculturel et l'enseignement/apprentissage de la langue française


constituent une préoccupation assez sérieuse et d'actualité quand on voit comment la langue
française est envahie - tant dans les nouvelles écritures africaines que dans les interactions
langagières quotidiennes des Camerounais- d'emprunts de l'anglais, du pidgin-english et
du camfranglais,  des termes et expressions issus des langues locales. Pour ce qui est
du camfranglais, il est un parler populaire issu du mélange de structures provenant des
langues locales du Cameroun, du français et de l'anglais. Cette réalité linguistique
multicolore, Onguéné Essono (2003 : 57-72) l'a merveilleusement décrite dans un article
intitulé « La norme en éclats pour un français correct au Cameroun ».

Ainsi, la lecture et la compréhension des textes caractéristiques des nouvelles écritures


africaines exigeraient des élèves comme des enseignants une culture riche et diversifiée,
mieux des savoirs correspondant à ce que Abdallah-Pretceille (1996 :33) appelle «
la  culturalité [qui] renvoie au fait que le culture est mouvante, fuyante, « tigrée »,
alvéolaire  ». Cette culturalité devrait permettre aux protagonistes de l'action didactique non
seulement de saisir, mais aussi d'expliquer les phénomènes linguistiques et langagiers variés
présents dans les textes. Une telle situation s'inscrit en droite ligne d'un aspect du phénomène
que Bikoi (2003 :79) dénomme les « problèmes liés au souci d'adaptation de l'enseignement
du français aux réalités contemporaines ». Et il s'agit ici d'une adaptation interculturelle
parce que impliquant, pour les enseignants comme pour les apprenants, la capacité à
appréhender, à comprendre, à expliquer et à justifier les phénomènes sémiologiques variés
tant normaux que marginaux provenant de plusieurs cultures. Cette capacité, autrement
appelée compétence interculturelle, est à la base du problème central de la présente étude,
problème libellé ainsi qu'il suit : la compétence interculturelle de l'enseignant en classe de
langue peut-elle avoir un impact significatif sur son efficacité didactique ? Autrement
dit, l'enseignant compétent interculturel maîtrise-t-il mieux la didactique des langues et
transmet-il mieux les savoirs lors de son enseignement que celui qui ne l'est pas ? Ce qui
implique une préoccupation corollaire : les élèves du premier seraient-ils être plus
performants que ceux du second ?

C'est donc cette question diversement posée qui est abordée ici, question à laquelle l'étude
tente de trouver des réponses. Mais, au lieu de procéder par une démarche qui prenne pour
base le culturel dans son ensemble à travers les langues, les stratégies discursives, les us et
coutumes, les mets, l'habillement, l'art, ..., ou par une démarche qui prenne pour base un
corpus disparate collecté au gré des circonstances de communication et interactions
langagières, nous voulons partir d'extraits de textes qu'on pourrait à raison nommer corpus de
référence pour une telle interrogation. Il s'agit des extraits ou de passages des romans
africains contemporains tels que Temps de chien de Nganang (2001) qui peut être considéré
comme un texte de référence des nouvelles écritures africaines pour avoir été lauréat de
deux prix littéraires, à savoir le Prix francophone Marguerite Yourcenar (2001) et le Grand
prix littéraire de l'Afrique noire (2002). Il s'agit aussi des extraits des textes comme Moi
Taximan de Kuitche Fonkou (2001), Branle-bas en noir et blanc de Mongo Beti (2000), ...,
oeuvres écrites dans le même style et le même ton.

D'emblée, les textes ci-dessus cités peuvent être considérés comme les marques irréfutables
d'une créativité débordante. Pourtant, il faut se rendre à l'évidence du fait qu'ils présentent
des situations où, comme le dit si bien Thomas (2002 :13), « nous constatons que nos mots
sont intraduisibles », des situations où « nous souhaitons expliciter nos stéréotypes pour
dépasser les préjugés », des situations qui impliquent et exigent trois attitudes
indispensables à leur compréhension, à savoir « l'empathie », «  le travail sur les divergences
et les conflits » et la volonté de coopération ».  Pour cela, leurs extraits en particulier et ceux
des nouvelles écritures africaines francophones en général constituent non seulement des
corpus ou des supports didactiques de référence pour l'enseignement de la langue française
en contexte scolaire, mais aussi et surtout le témoignage des mutations observables et
appréciables d'une langue et de pratiques langagières caractéristiques d'une époque : l'époque
contemporaine, la nôtre. Voilà le contexte qui, intégrant des oeuvres configurant des savoirs
pluriels résultant, comme le dit Gourmelin-Berchoud (1996 :52), «  des interactions
entre  culture(s) d'origine(s) et culture mondialisée issue de l'Occident », suscite, suggère
cette étude et en justifie les objectifs.

I.3. LES OBJECTIFS DE L'ETUDE

L'objectif général de cette étude est de mesurer le poids que peut avoir la compétence
interculturelle de l'enseignant sur le processus d'acquisition / appropriation de la langue par
les apprenants. Une telle entreprise permet conséquemment de mesurer la valeur didactique
des nouvelles écritures africaines francophones, prises comme extraits ou oeuvres complètes,
en tant que supports authentiques pour les activités d'enseignement / apprentissage de la
langue française. Il s'agit donc de partir de l'état de langue française contenue dans les
extraits de texte choisis et analysés, et des exigences de la compétence interculturelle
nécessaires à son appréhension pour envisager et proposer, le cas échéant, quelques
perspectives didactiques.

Au regard de l'objectif général ci-dessus formulé, les objectifs spécifiques de l'étude


consistent à voir s'il n'y a pas un lien d'une part entre la compétence interculturelle des
enseignants de langue française et leur compétence didactique mesurée en terme de maîtrise
des démarches méthodologiques théoriques, et d'autre part entre la même compétence
interculturelle et la compétence didactique mesurée cette fois en terme de résultats des élèves
aux évaluations de français. Ainsi, il s'agira pratiquement :

- d'évaluer la compétence interculturelle (linguistique, ethnolinguistique, littéraire,


sociolinguistique, ethnoculturelle, scientifique, etc.) des enseignants de français de la
province de l'Ouest du Cameroun à partir des structures linguistiques (forme et sens) de la
langue française des nouvelles écritures africaines francophones,

- de mesurer la compétence didactique (connaissances méthodologiques, résultats des élèves


aux évaluations) des mêmes sujets,

- d'apprécier l'impact que peut avoir la compétence interculturelle des enseignants sur leur
efficacité dans l'action didactique en langue française,

- de justifier le rapport qui peut exister entre la compétence interculturelle et l'efficacité de


l'action didactique en prenant appui sur les besoins langagiers des Camerounais en langue
française, en les liant aux préoccupations d'ordres d'abord linguistique (créativité
linguistique), ensuite culturel (ancrage culturel) et enfin idéologique (problématique post-
colonialiste ),

- de proposer de nouvelles perspectives didactiques dans le choix et l'exploitation des corpus


d'étude et pourquoi pas dans l'élaboration des contenus d'enseignement. Ce sont ces objectifs
qui justifient l'importance de cette étude et partant l'intérêt conséquent.

I.4. L'INTERET DE L'ETUDE

Cette étude est une contribution à l'appréciation et à la consolidation du statut


épistémologique de la langue française enseignée ou à enseigner dans notre système éducatif
en particulier et dans la société camerounaise en général, au regard de « l'éclatement de la
norme  » (Essono Onguéné, 2003 : 57) observée dans les interactions langagières
quotidiennes et catégorisées dans les productions littéraires. Elle est une contribution à
l'effort du système éducatif dans l'élaboration et l'amélioration constante des contenus
d'enseignement et donc des programmes d'étude. Elle s'adresse ainsi aux enseignants et
chercheurs en didactique et évaluation, aux apprenants et aux Inspections Générales en
charge des enseignements dans les Ministères de l'Education de Base, de l'Emploi et de la
Formation Professionnelle, des Enseignements Secondaires et de l'Enseignement Supérieur.
Elle constitue au total un déblayage des pistes de recherche dans la didactique du français à
tous les niveaux du système éducatif.

Pour ce qui est des enseignants et autres chercheurs, ce travail de recherche est comme un
coup d'oeil lancé sur cette discipline qu'est la didactique de la langue française, un autre
regard qui devrait aboutir à des innovations profitables pour ce qui est des contenus
d'enseignement et des pratiques didactiques en salle de classe. De là, les enseignants
capitaliseraient mieux leurs connaissances linguistiques, culturelles et interculturelles pour
les mettre au service des apprenants en en tirant le plus grand plaisir pour eux-mêmes et le
plus grand profit pour l'enseignement.

Ensuite, il s'agit d'une étude qui pourrait aider les élèves à mieux envisager l'apprentissage de
la langue française en ceci qu'elle leur permettrait d'intégrer sans complexe les phénomènes
linguistiques ou littéraires issues de leurs propres milieux culturels ou d'autres cultures dans
le processus normal d'apprentissage et d'appropriation de la langue. A partir de là, ils
approcheraient plusieurs cultures, maîtriseraient mieux la langue française et pourront dès
lors utiliser celle-ci pour mieux parler de celles-là.

Enfin, cette étude s'inscrit en droite ligne des préoccupations des organisations
internationales telles que l'UNESCO, l'AFIDES, l'ADEA , l'UNICEF, l'I.I.E.P., le S.E.A,
dans leur souci permanent d'éducation tout court, d'éducation interculturelle, d'éducation à la
tolérance, de culture de la compréhension internationale et de la coopération en vue de
l'instauration d'une paix durable à travers le monde entier. Seule la poursuite de cet idéal de
paix et la mise en oeuvre de stratégies multiformes pour l'atteindre peut permettre à la
communauté internationale d'évoluer vers un développement durable.

I.5. LA DELIMITATION DE L'ETUDE

Pour qu'une étude se réalise à travers une opérationnalisation aisée des paramètres étudiés,
elle doit être délimitée sur plusieurs plans. Ici, elle le sera sur les plans thématique, spatial et
temporel.

I.5.1. La délimitation thématique

Sur le plan thématique, des précisions doivent être faites au sujet des trois concepts que sont
la compétence interculturelle, l'efficacité de l'action didactique et l'état de langue étudié.
L'étude ne saurait prendre en compte toutes les composantes de l'interculturel telles que
circonscrites par Marmoz (2003 :47) dans son article intitulé « La recherche interculturelle 
exploitation, pédagogie ou co-opération ?  ». Ici, le concept interculturel portera sur le
linguistique, le littéraire, l'ethnolinguistique, le sociologique, l'ethnoculturelle, ... tels qu'ils se
fondent dans le texte romanesque. Cette option se justifie par le fait que le texte littéraire est
un véhicule privilégié des éléments de culture. Ainsi, les investigations, tout en traitant des
interactions culturelles, de la circulation des cultures et de leurs frontières, se limiteront
aux «  pratiques langagières »    écrites (Leray ; 2001 : 148).

Par ailleurs, l'état de langue étudié (pratiques langagières), concerne les nouvelles écritures
africaines de langue française et partant la norme linguistique telle qu'elle y est conçue et
perçue dans ses grandes lignes. Il s'agit ainsi des points sensibles de l'usage linguistique qu'il
faut mettre en exergue et au besoin théoriser afin que la didactique puisse les exploiter, les
extraits de texte ici exploités provenant du genre romanesque qui contient généralement
toutes les spécificités et variétés de la langue écrite et orale.

Enfin, le concept « didactique » dans efficacité de l'action didactique concerne les


connaissances méthodologiques ou pédagogiques de l'enseignant, les interactions et
échanges caractéristiques des activités d'enseignement/apprentissage en salles de classe ainsi
que les résultats qui en découlent. Ces résultats se traduisent concrètement par les notes
obtenues par les élèves aux évaluations au terme d'une séquence pédagogique.

I.4.2. La délimitation spatiale

Si cette étude traite de l'état de la langue française tel qu'il est perçu dans les nouvelles
écritures africaines par l'enseignant de français, elle concerne les enseignants de français du
Cameroun en général et particulièrement ceux de la province de l'Ouest qui compte huit
départements à savoir les Bamboutos, le Haut-Nkam, les Hauts-Plateaux, le Koung-Khi, la
Menoua, la Mifi, le Ndé et le Noun. C'est dans la province de l'Ouest que les investigations
vont être menées pour que des généralisations soient envisagées.

I.4.3. La délimitation temporelle

Cette étude est menée au cours de l'année civile 2005 et les informations qu'elle contient en
terme d'effectifs d'enseignants et de résultats scolaires relèvent des données statistiques de
l'année scolaire 2004/2005 dans la province de l'Ouest.

Tels sont les paramètres qui permettent d'une part de poser la problématique de cette étude,
et d'autre part de la circonscrire dans l'espace et dans le temps afin de rendre non seulement
la compréhension des concepts étudiés plus facile mais aussi et surtout les investigations plus
opérationnelles.

CHAPITRE II : LE CADRE


THEORIQUE DU SUJET
Toute étude a un socle sur lequel elle repose, un socle qui constitue la base théorique de
toute la démarche scientifique mise en place. Il s'agit d'une base théorique qui permet de
situer le problème étudié au coeur du développement de la pensée scientifique pour en
fonder le cheminement exploratoire. Pour ce qui est de la présente étude, elle prend racine
dans les problématiques que suscite la didactique des langues en général et en particulier
celle du français en Afrique francophone subsaharienne aujourd'hui. Pour mieux en saisir la
portée, il faut procéder par la définition des concepts clés qui le libellent, ce qui permet de
cibler les travaux devant faire partie de la revue de la littérature. Cette dernière aide à
dégager l'originalité de l'étude et à formuler les hypothèses de recherche conséquentes.

II.1. LA DEFINITION DES CONCEPTS

Les concepts clés de l'étude sont d'emblée les deux paramètres que le libellé du sujet
voudrait relier. Il s'agit de compétence culturelle et efficacité de l'action didactique, concepts
qui doivent être définis par rapport à celui de langue française.

II.1.1. Le concept de compétence interculturelle

Pour définir ce concept, il faut au préalable expliquer les termes qui le composent à savoir
culture et compétence. Au besoin, on devra même définir la compétence culturelle pour
mieux cerner la compétence interculturelle.

a). La culture et le culturel

Le Dictionnaire actuel de l'éducation (1988) définit la culture comme  un ensemble de


manières de voir, de sentir, de percevoir, de penser, de s'exprimer, de réagir, des modes de
vie, des croyances, un ensemble de connaissances, de réalisations, d'us et de coutumes, de
traditions, d'institutions, de normes, de valeurs, de moeurs, de loisirs et d'aspirations. C'est
dire que, puisqu'elle englobe toutes les activités de la vie humaine, la culture peut être perçue
comme la manière par laquelle nous vivons et résolvons les problèmes auxquels nous
sommes confrontés. Au total et surtout sur le plan anthropologique, la culture est l'ensemble
des traits distinctifs caractérisant le mode de vie d'un groupe humain organisé, d'un peuple
ou d'une société.

Ainsi, la culture est un ensemble de connaissances qui permettent de développer le sens


critique, le goût et le jugement. Ces paramètres sont eux-mêmes caractérisés par trois
éléments clés (Claes, 2003) que sont le temps, l'espace et le contexte de communication et
sont essentiellement liés à des groupes sociaux précis.

Ces approches de définition rejoignent celle de Rocher (1969 : 88) pour qui la culture est

un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui,
étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois
objective et symbolique à constituer ces personnes en une collectivité particulière et
distincte  .

C'est la raison pour laquelle Taylor (1871 :1) en disait déjà que

la culture [...] est cet ensemble complexe qui inclut la connaissance,la croyance, l'art, la
morale, le droit, la coutume et toutes autres capacités et habitudes acquises par l'homme en
tant que membre de la société.

Parce que anthropologique, la conception de Taylor est plus englobante que le sens restreint
ou restrictif qu'Oliviéri (1996 :9) et Morin (1969 :5) donnent à la culture. Si le premier parle
de «  culture cultivée ou majuscule », les seconds parlent de culture « normative-
aristocratisante ».  Pour eux, il s'agit précisément d'un savoir élitiste réduit aux beaux arts et
à la littérature. La définition de Taylor déborde par ailleurs la conception élargie qui confond
la culture à la civilisation en tant que ensemble de caractéristiques sociologiques, politiques,
historiques et autres communes aux vastes sociétés les plus évoluées. En définitive, parce
qu'elle prend en compte les éléments des conceptions restreinte et élargie, c'est-à-dire tout ce
qui permet à l'individu de s'intégrer et de vivre en communauté, l'approche de Taylor
(Oliviéri, 1996 : 9) est

 une conception  globalisante, voire  holistique, qui intègre aux données précédentes les
modes de vie et de pensée, les comportements langagiers, les rites sociaux (les manières de
table au même titre que le rapport aux médias)  .[...] Dans cette optique, le champ culturel
embrasse pratiquement tout ce qui fait de l'individu un être social.

Ainsi, la culture se ramène à un ensemble d'aspects d'une civilisation, à un ensemble


de «  règles de vie ayant acquis un caractère collectif donc social »  , à un ensemble de
formes acquises de comportements formant « un dénominateur commun  » (Rocher, 1969 :
89)    entre les membres d'une société. Elle se constitue des manières de penser, de sentir et
d'agir observables à travers des modèles de comportement, des valeurs et des symboles et qui
intègrent les connaissances, les pensées, les sentiments, les attitudes réelles, les manières
d'être, de s'habiller,... propres à une communauté humaine. Par conséquent, la culture, en tant
que donnée sociale et patrimoine commun,

s'adresse (...) à toute activité humaine, qu'elle soit cognitive, affective ou conative ( c'est-à-
dire qui concerne l'agir au sens strict ) ou même sensori-motrice. Cette expression souligne
que la culture est action, qu'elle est d'abord et avant tout vécue par des personnes (Rocher,
1969 :89).

En définitive, l'adjectif culturel concerne toutes les activités qui particularisent les peuples.
Tel que précisé dans le Dictionnaire Larousse (2000), il concerne  l'ensemble des usages, des
coutumes, des manifestations artistiques religieuses et intellectuelles qui distinguent un
groupe, une société.

Au regard de tous les sens ici donnés, le culturel tel que appréhendé dans ce travail est
largement anthropologique parce qu'il va qualifier prioritairement le linguistique, le
sémiolinguistique, le littéraire, bref le comportement langagier impliquant bien sûr des us et
coutumes, des modes de vie. Il va également concerner les cultures cultivées pour ce qui est
des connaissances méthodologiques ou didactiques. Et comme le comportement langagier
renvoie également à des phénomènes appartenant à plusieurs langues et donc à plusieurs
cultures, ce culturel traduit un vécu culturel intermédiaire, l'interculturel.

b). L'interculturel et le multiculturel

Même si fondamentalement, les deux concepts renvoient à un contexte de civilisation


pluriculturel, ils ont néanmoins des différences réelles. En effet, contrairement au
multiculturel qui traduit la description d'une situation impliquant la reconnaissance des
différences culturelles et la co-existence d'identités culturelles distinctes avec priorité
accordée au groupe d'appartenance, l'interculturel renvoie à une mise en relation et une prise
en considération des interactions entre des groupes, des individus, des identités.

Le pluriculturel et le multiculturel font le constat et additionne les différences pour


déboucher sur «  une conception mosaïque de la société » (Abdallah-Pretceille, 2004), alors
que l'interculturel, globalement caractérisé par une culture hétérogène, complexe, diversifiée
et essentiellement mouvante, implique contact et échanges entre peuples. Il implique
l'apprentissage de la rencontre avec l'autre et non l'apprentissage de la culture de l'autre. C'est
ainsi que, comme le dit et l'explique si bien Demorgon (1989 :225),

le préfixe inter qui suggère des interactions, des échanges, des partages, des
complémentarités, des coopérations, des réciprocités,[...], sert à entretenir, dans le meilleur
des cas, des souhaits, des espoirs, un idéal à atteindre  : celui d'une coexistence pacifique et
solidaire entre les populations.

Apparemment  proche donc des concepts tels que multiculturel, pluriculturel, transculturel,...
l'interculturel implique une réalité située à l'intersection de plusieurs cultures. Il implique par
conséquent le dialogue des cultures. C'est pour cela que tentant de le définir, Marmoz
(2001 :42) l'associe et le renvoie précisément aux

 travaux sur les cultures et leurs frontières, [aux] lignes d'évolution de ces cultures, [à]
l'importation / exportation des biens traditionnellement marchands, [aux] idées ou [aux]
pratiques, [aux] conditions et [aux] effets également de la traduction, qu'il s'agisse du
travail habituel ainsi repéré ou de l'écoute, de la compréhension de ce qui vient d'ailleurs  .

De ce qui précède, il découle que l'interculturel ( Avanzini ; 2001 :17) implique que


« l'accent [soit] de plus en plus mis sur le respect dû aux diversités culturelles »  . Car,
précise Leray (2001 : 147), « la nécessité d'une attitude interculturaliste s'impose par le
pluriculturalisme réel de notre environnement et du type de relations existant entre
les  cultures  »  . Mais alors, si ces postulats sont logiques sur le plan social parce qu'ils
impliquent la tolérance ou la coexistence pacifique entre les hommes, ils présentent
néanmoins des lacunes sur le plan des activités d'enseignement/apprentissage. Ainsi,
l'interculturel impliquerait dès lors que les cultures ne soient pas seulement respectées, mais
qu'elles soient comprises et maîtrisées pour permettre une action efficace.

c). La notion de compétence

Sur le plan juridique, la compétence est une aptitude légalement reconnue à une autorité
publique de poser tel ou tel acte dans des conditions déterminées. Elle découle d'une
connaissance approfondie qui confère le droit de juger, d'agir ou de décider dans le domaine
indiqué.

Sur le plan linguistique et didactique, et en référence à la grammaire générative et


transformationnelle, la compétence est une virtualité de l'actualisation, c'est-à-dire
l'intégration ou l'intériorisation de l'ensemble des règles d'une langue devant permettre à
l'usager de former et de comprendre un nombre indéfini de phrases « grammaticales » ou
d'énoncés dans cette langue. Il s'agit, pensent Galisson et Coste (1976 :105), de
la «  connaissance implicite qu'a de sa langue un locuteur-auditeur». Par conséquent,
l'actualisation de la compétence linguistique est la performance qui se concrétise par la
parole ou par l'écriture. Plus simplement, précisent-ils (1976 : 106),

la mise en oeuvre de la compétence linguistique (quand des énoncés sont effectivement


produits ou compris) constitue la performance. La compétence est sous-jacente et nécessaire
à la performance, mais, n'est pas une théorie de la production des énoncés. La distinction de
Chomsky entre «  compétence » et « performance », recouvre en grande partie celle de
Saussure entre « langue » et « parole », puisqu'elles opposent toutes deux le système à son
actualisation, mais (...) Saussure, surtout sensible au caractère social de la « langue »,
envisage celle-ci comme un dépôt chez chaque locuteur (...), alors que pour Chomsky, la
« compétence » est une notion à la fois plus abstraite et plus dynamique puisqu'elle inclut la
créativité.

En tant que aptitude de créativité et de mobilisation permanente de savoirs fiables et stables


non seulement linguistiques, mais aussi autres conférant une autorité certaine dans un
domaine donné, la compétence tel que conclut Perrenoud (2000 :41), « est la mise en
relation pertinente de connaissances préalables et d'un problème ». Et à ce titre, il est
important - insiste-t-il - de bien noter que

toute compétence est fondamentalement liée à une pratique sociale d'une certaine
complexité. Non pas à un geste précis, mais à l'ensemble des gestes, des postures, des
paroles inscrits dans la pratique qui leur donne sens et continuité [...] Il est donc normal
que toute compétence largement reconnue évoque une pratique professionnelle instituée,
émergente ou virtuelle (2000 :44).

Alors, puisque la compétence est liée aux pratiques sociales et comme la culture au sein de
laquelle se situe le phénomène linguistique est une donnée essentiellement collective et
sociale, il serait intéressant d'associer les deux termes pour en mesurer la portée en contexte
pédagogique ou didactique.
d). La compétence culturelle

La compétence culturelle est, d'après Abdallah-Pretceille (1996 :32), « la connaissance des


différences culturelles (dimension ethnographique), [...] une analyse en termes de structures
et d'états ».  A ce titre, elle est une simple connaissance des faits et des caractéristiques des
cultures sans un effort de compréhension de leur manipulation réelle en situation de
communication. Mais, critiquant cette première définition, sa génitrice pense que « entendue
comme connaissance de l'Autre, la compétence culturelle, quelle que soit la finesse des
savoirs, reste extérieure à l'acte de communication ».  D'où la nécessité d'évoluer pour une
conception plus pratique. C'est ainsi que pour Porcher (1988 :92),

 la compétence culturelle est la capacité de percevoir les systèmes de classement à l'aide
desquels fonctionne une communauté sociale et, par conséquent, la capacité pour un
étrangerd'anticiper, dans une situation donnée, ce qui va se passer ( c'est-à-dire aussi quels
comportements il convient d'avoir pour entretenir une relation adéquate avec les
protagonistes en situation).

Par rapport à Abdallah-Pretceille, Porcher évolue sensiblement. Pour lui, la compétence


culturelle n'est plus statique, mais elle est envisagée en terme plutôt évolutif, mouvant. Sa
conception de la compétence culturelle (1988 : 92) est ainsi

 une approche en termes de savoir-faire, c'est-à-dire la capacité pour un individu donné de


s'orienter dans la culture de l'Autre à partir d'une démarche compréhensive et non plus
seulement descriptive.

Pourtant et malgré cette évolution, l'inquiétude face aux mutations culturelles de plus en plus
nombreuses et accélérées demeure lancinante et préoccupante. C'est la raison pour laquelle
bien que l'approche de Porcher (1988) soit celle de « la culture en acte par opposition à la
culture objet  », Abdallah-Pretceille (1996) pense que la valeur théorique d'une telle
définition ne permet pas de sortir de l'impasse au plan pédagogique. D'où la nécessité
d'envisager une approche interculturelle.

e). La compétence interculturelle

La compétence interculturelle peut être conçue comme étant la capacité du locuteur-auditeur


à saisir, à comprendre, à expliquer et à exploiter positivement les données pluriculturelles ou
multiculturelles dans une situation de communication donnée. Une telle définition, pense
Abdallah-Pretceille (1996 : 29), n'implique pas une simple connaissance descriptive des
cultures ou une simple connaissance des faits de civilisation, « mais une maîtrise de la
situation de communication dans sa globalité, dans sa complexité et dans ses multiples
dimensions (linguistique, sociologique, psychologique...et culturelle) ».

La compétence interculturelle déborde la compétence culturelle en ceci que

 entre la connaissance des différences culturelles (dimension ethnographique) et la


compréhension de la variation culturelle (dimension anthropologique), il n'y a pas qu'une
simple différence de formulation mais le passage d'une analyse en termes de structures et
d'états à celle de processus, de situations mouvantes, complexes, imprévisibles et aléatoires
compte tenu de  l'hétérogénéisation culturelle croissante au sein même de ce que l'on appelle
traditionnellement les cultures (Abdallah-Pretceille,1996 :32).   

La compétence interculturelle  devrait dès lors permettre au locuteur-auditeur d'acquérir une


capacité de perception et d'anticipation plus complexe. Cette capacité ne doit pas être perçue,
saisie et mise en évidence essentiellement dans des situations classiques de communication,
mais aussi lors des situations d'enseignement où les interactions didactiques impliquent que
l'enseignant communique non seulement avec l'apprenant, mais aussi et surtout avec le texte
- objet de l'enseignement - et les données culturelles qui en constituent le tissu. En effet, il
s'agit pour le locuteur/enseignant de pouvoir réagir efficacement par rapport aux systèmes de
classement à l'aide desquels fonctionnent, non pas une communauté, mais des communautés
sociales et de pouvoir anticiper dans les situations de communication les plus complexes et
les plus diversifiées, que ce soit par rapport au texte ou par rapport aux capacités
d'appréhension des apprenants. Et c'est ici que la compétence interculturelle sinon déborde,
du moins se rapproche de la compétence de communication telle que définie par Hymes.

Cité par Galisson et Coste (1976 : 106), Hymes

désigne sous l'expression de compétence de communication la connaissance (pratique et non


nécessairement explicitée) des règles psychologiques, culturelles et sociales qui
commandent l'utilisation de la parole dans un cadre social.(...) [Elle] suppose la maîtrise de
codes et de variantes sociolinguistiques et des critères de passage d'un code ou d'une
variante à d'autres : elle implique aussi un savoir pragmatique quant aux conventions
énonciatives qui sont d'usage dans la communauté considérée.

Ainsi, la compréhension anthropologique des faits culturels prend le pas sur leur
connaissance ethnographique. L'étude de faits statiques devient une analyse en termes de
phénomènes qui évoluent et d'interactions langagières entre les hommes. Il faut donc
comprendre que dans cette étude, le phénomène culturel est à la fois langagier et
linguistique. Il est langagier parce que toute production textuelle est une communication qui
vise un destinataire prêt à écouter et à interpréter. Ce fait langagier se veut par ailleurs social
parce qu'il implique plusieurs instances de parole. Enfin, le fait culturel est linguistique parce
qu'il se transmet par et à travers le code fait de sons et de sens qu'est la langue.

Il faudrait dès lors pouvoir distinguer dans le langage ce qui relève de la culture sociale et ce
qui relève de la culture individuelle du locuteur, qu'il s'agisse de « culture cultivée » ou de
« culture médiatisée ». C'est dire qu'il faudrait distinguer ce qui relève du fond culturel
collectif (us et coutumes) de ce qui relève de la créativité ou de la fantaisie personnelle du
sujet parlant. Mais au-delà de toutes ces analyses, il faut reconnaître avec Lê Thành Khôi
(1983 :1) qu'en société, l'interculturel est identifiable à travers « le processus d'interaction
verbal ou non verbal entre membres de cultures différentes »  .

Et Camilleri et Vinsonneau (1996 :36) de conclure dès lors que « maintenant, c'est le


contact des cultures qui devient objet de science en tant que tel, la réflexion se polarisant
sur les phénomènes qui en résultent au plan de la relation»  . Ce contact indiscutable est
fondamentalement identifiable dans les interactions langagières verbales dont l'analyse
repose sur la connaissance implicite et explicite de la culture qui se veut pluridimensionnelle.
L'explicite rejoint dès lors la compétence de communication, c'est-à-dire l'usage
pragmatique, effectif et efficient qui est fait des composants culturels en contexte de
communication quotidienne et pourquoi pas en contexte d'enseignement/apprentissage.

II.1.2. L'efficacité de l'action didactique

Définir « efficacité de l'action didactique » revient d'emblée à en saisir les composantes, à


savoir efficacité et action didactique, ce qui permet d'en cerner les paramètres et partant d'en
préciser le sens dans son entièreté.

a). L'action didactique

La didactique correspond à l'ensemble des méthodes, techniques, procédés et stratégies qui


définissent et facilitent l'enseignement/apprentissage dans une salle de classe. C'est ainsi
qu'on peut parler de didactique générale et de didactique des disciplines spécifiques. A ce
titre, Galissson et Coste (1976 : 151) la définissent comme

 une discipline recouvrant l'ensemble des approches scientifiques de l'enseignement des


langues et constituant un lieu de synthèse entre les apports différents de la linguistique, de la
psychologie, de la sociologie, de la pédagogie.

Plus simplement, la didactique se ramène à la science qui étudie les méthodes, techniques et
procédés d'enseignement/apprentissage. Et Tsafak (2001 :231) de conclure que

la didactique est donc la discipline dont l'objet est l'étude des différentes méthodes
d'enseignement en général et que l'on nomme didactique générale et des méthodes
d'enseignement spécifiques à chaque matière et que l'on désigne sous le nom de didactique
spéciale.

Cette définition rejoint celle de Plaisance et Vergnaud (1990) qui, cités par Tsafak (2001 :
232), pensent que

la didactique peut être définie comme l'étude des processus d'apprentissage et


d'enseignement relatifs à un domaine de connaissance particulier  ; d'une discipline ou d'un
métier par exemple. Elle s'appuie sur la pédagogie, la psychologie et bien entendu le corps
de savoir dont l'apprentissage est visé. Mais elle ne s'y réduit pas.

En définitive, la didactique est une discipline théorique et pratique qui part de l'élaboration
de postulats vérifiés et établis par leur expérimentation pour leur application en salle de
classe. Et pour ce qui est de cette étude, elle y distingue trois champs d'action que sont la
langue, la méthode et l'enseignement, trois domaines qui fondent sûrement son efficacité.

b). La notion d'efficacité ou d'efficience

L'efficacité ou l'efficience est le bon rendement, c'est-à-dire le bon résultat à une épreuve,
résultat exprimé par rapport à des normes reconnues ou à des standards définis et clairement
fixés au départ. En psychologie de l'apprentissage, en psychométrie ou en pédagogie,
l'efficacité (Galisson et Coste, 1976 : 468) se présente comme

 le rapport entre la performance observée et la performance théorique ou les normes


préalablement fixées. Le rendement exprime la valeur qualitative et quantitative d'une
performance en fonction de critères variés dont la pertinence dépend des tâches et des
objectifs considérés.

Plusieurs critères objectifs caractérisent la bonne performance. Il y a d'abord le critère


quantitatif qui correspond au temps mis pour la réaliser en tant que comportement attendu.
Ce temps doit être minimum pour la tâche réalisée. Plus le temps est court et la performance
juste, plus l'apprenant est compétent. Il y a ensuite le critère qualitatif qui correspond à
l'exactitude de la performance. C'est-à-dire qu'au cours de la réalisation de la tâche donnée,
l'apprenant doit faire le minimum de fautes ou d'erreurs. Telles sont les qualités objectives
qui devraient caractériser les réactions, bref le comportement de l'apprenant lors des
interactions didactiques réussies.

c). L'efficience ou l'efficacité de l'action didactique

L'efficacité de l'action didactique est le bon résultat réalisé au cours ou au terme des activités
d'enseignement / apprentissage. Elle se mesure en terme de résultats obtenus par les élèves et
de pourcentage de réussite. Ces résultats sont la manifestation de la réussite ou de l'échec de
l'enseignant. A ce titre, ils peuvent être révélateurs du degré d'atteinte des objectifs
pédagogiques et partant du degré de maîtrise de la discipline enseignée et des méthodes
pédagogiques par l'enseignant. Pour le cas d'espèce, les résultats de l'action didactique seront
mesurés à travers les performances des élèves aux évaluations.

II.1.3. Le français en francophonie africaine

On ne peut facilement définir la langue française en francophonie africaine qu'en partant


d'une appréhension assez globale de ce qu'est la langue par rapport à la parole qui en
constitue l'effectivité, la réalisation concrète dans les actes de communication, mais aussi par
rapport à sa norme hexagonale.

a). La langue et la parole

Pour Saussure (Galisson et Coste, 1976 : 306), la langue est un système spécifique de signes
articulés dont le but principal est de permettre la transmission des messages humains. De
nature sociale, poursuit-il, la langue est partagée par une communauté. Par conséquent, il
(Benveniste, 1974 :47-49) la considère, « en tant que système de signes exprimant les
idées  »  ,comme étant « le plus complexe et le plus répandu des systèmes d'expression, [...]
le plus caractéristique de tous ».  S'il se dégage des passages ci-dessus évoqués que Saussure
indique les critères qui permettent de définir la langue, il le fait encore mieux dans la mise en
relief de la traditionnelle opposition langue / parole. Telle que résumée et présentée dans
plusieurs ouvrages, cette opposition fait de la langue l'objet de la linguistique dont la matière
réelle, mieux l'actualisation est la parole. Il s'en dégage, comme l'ont constaté Ducrot et
Todorov (1972 : 156) que :

la langue se définit comme un code, en entendant par là la mise en correspondance entre


des « images auditives » et des «  concepts ».La parole, c'est l'utilisation, la mise en oeuvre
de ce code par les sujets parlants.[...]

Le code linguistique consiste seulement en une multitude de signes isolés (mots,


morphèmes), dont chacun associe un son particulier et un sens particulier.[...]

La langue est un phénomène social alors que la parole est individuelle.

A partir de ces définitions, on peut dégager celle de la langue française.

b). Le français standard : la norme hexagonale de la langue

La langue française est la langue nationale et officielle de la France. Elle est ainsi le code de
communication commun à la communauté française. Il s'agit d'un code fait de sons
particuliers associés à des sens particuliers qu'utilisent les Français pour communiquer. C'est
ici qu'on parle du français comme langue maternelle (des Français) avec sa norme
hexagonale caractéristique, comme le précise Minyono Nkodo (2003 :37), d' « une langue
homogène obéissant aux exigences métropolitaines »,une norme issue de la langue latine.
En tant que norme standard, Onguéné Essono (2003 : 57) la définit comme étant

la prescription linguistique [...] une convention établie par une autorité institutionnelle,
pour uniformiser et harmoniser les usages et les utilisations des activités discursives de la
société qui accepte de s'y conformer .Dans tous les milieux, on s'accommode de la norme.

Cette norme standard est aussi celle qu'utilisent les Français pour communiquer avec d'autres
peuples, même si au-delà du contexte spécifiquement français, d'« autres
langues françaises » existent hors de la France. C'est le cas au Québec qui est une province
du Canada et même en Suisse. On parle alors du français québécois ou de Suisse. C'est
également le cas de l'Afrique en général et plus précisément celui de l'Afrique francophone
subsaharienne où la langue française se crée de plus en plus une identité spécifique.

c). Le français en Afrique francophone subsaharienne

Il est question ici de la langue telle qu'elle est utilisée et parlée dans les communications
quotidiennes dans les pays francophones de l'Afrique au sud du Sahara. Il s'agit d'une langue
française qui respecte globalement la norme standard ou hexagonale surtout dans les
occasions et discours officiels, mais aussi d'une langue peu orthodoxe, métissée ou
« frelatée » quand il faut exprimer dans leur complétude les réalités fondamentalement
africaines.

En Afrique francophone subsaharienne, la langue française a plusieurs dénominations que


reflètent ses multiples statuts. Elle est à la fois langue officielle, langue véhiculaire, langue
vernaculaire, langue des médias, langue de scolarisation, langue de travail, langue seconde,
langue étrangère, langue maternelle même. Tous ces statuts impliquent des évolutions, des
modifications à appréhender par rapport au français standard et à sa norme dite exogène.

Le français de l'Afrique francophone subsaharienne a par conséquent ses caractéristiques et


normes qui sont dites endogènes. Ce français extrêmement hétérogène se caractérise, comme
le dit Nissim (2001 :49-50) parlant de l'oeuvre de Kourouma, par

[des] infractions syntaxiques, la désagrégation des structures, bref, toutes les innovations de
langue et de style, qui, seulement après coup, seront reconnues comme un maniement
exceptionnel de la langue.

Ainsi, si la langue française de Kourouma, prototype de celle(s) de beaucoup d'Africains


s'explique comme le dit Ngalasso (1985 : 13) par le fait que  « à chaque niveau d'analyse
(lexical, sémantique, morphosyntaxique et discursif), on se trouve face à une démarche
résolument volontariste de déconstruction-reconstruction des systèmes établis »,  celle des
autres auteurs ou sujets-parlant peut s'expliquer par un apprentissage imparfait, la non-
maîtrise de la norme et les latitudes langagières qu'offre l'oralité. Toutes ces raisons
débouchent inéluctablement sur la création de normes endogènes internes à l'Afrique.

En effet, les normes endogènes sont une réalité indéniable, une réalité bien différente de la
norme hexagonale standard, ne serait-ce que par les effets de productivité et d'appropriation
linguistiques constatées dans les interactions communicatives quotidiennes en société. Une
telle situation, écrit Manessy (1994 :11-12), est révélatrice du fait que

la langue importée est devenue commune (en droit sinon en fait) à l'ensemble de la
population des pays concernés(...) elle cesse d'être un objet de compétence individuelle pour
devenir un bien de la communauté ; en d'autres termes, elle passe du statut de savoir
spécialisé à celui d'outil langagier et se trouve dès lors incluse dans un réseau diffus de
lignes de force socioculturelles.

Ainsi, l'appropriation du français par les francophones de l'Afrique subsaharienne est passée
de sa phase spécialisée et fonctionnelle permettant « de satisfaire aux exigences d'une
société en mutation socioéconomique et sociopolitique »  (Manessy ;1994 :12) à une
appropriation vernaculaire intégrant outre les premières exigences, les besoins langagiers les
plus naturels de ses utilisateurs et partant les paramètres de l'interculturel. L'évolution vers
une option interculturelle se justifie alors, comme le pense si bien Mendo Ze (1999), par le
fait que le français au fil du temps est devenu une « langue africaine ».  Et pour les tenants de
cette thèse parmi lesquels Manessy (1994 : 11), ce français local à l'africaine ne serait «  ni
sabir, ni créole, ni pidgin mais un français régional, avec ses registres de langues, ses
formes écrites et orales, mais aussi ses néologismes, ses emprunts ».

Voilà totalement décrit le contexte dans lequel « le français langue africaine », le français à
l'africaine, le français africain et plus proche de nous le français camerounais ont vu le jour.
Ce sont les variétés de cette réalité aux multiples facettes qui sont découvertes dans
les nouvelles écritures africaines, réalité dont il faudrait envisager la possibilité de prise en
compte didactique. Il s'agit de la situer au centre des préoccupations pédagogiques et
didactiques fondamentales dont les grands axes demeurent la prise en charge réelle dans les
curricula et les démarches méthodologiques. Une telle démarche permettrait d'en mesurer le
poids au sein de la pensée scientifique.
II.2. LA REVUE DE LA LITTERATURE

Elle consiste à faire le point des travaux de recherche qui se sont intéressés au rapport qui
existerait entre la compétence interculturelle et l'efficacité de l'action didactique. Et comme
une étude associant exactement ces deux paramètres n'a pas pu être trouvée, l'essentiel du
travail dans la revue de la littérature consistera à faire le point des méthodologies, méthodes
et approches didactiques décrivant l'enseignement des langues pour voir dans quelle mesure
elles se sont intéressées à l'interculturel.

Qu'il s'agisse de méthodes ou de méthodologies, il est question comme le dit Puren


(1988 :13) de traiter du « discours méthodologique, c'est-à-dire tout ce qui traite
du comment on a enseigné / on enseigne /on doit enseigner les langues vivantes étrangères
(désormais siglées LVE) ».  En effet, pour lui (1988 : 16) comme pour nous, la méthode est
définie comme étant un « ensemble de procédés et de techniques de classe visant à susciter
chez l'élève un comportement ou une activité déterminés»  , tandis qu'une méthodologie,
précise-t-il (1988 : 17), est

un ensemble cohérent de procédés, techniques et méthodes qui s'est révélé capable, sur une
certaine période historique et chez des concepteurs différents, de générer des cours
relativement originaux par rapport aux cours antérieurs et équivalents entre eux quant aux
pratiques d'enseignement /apprentissage induites.

Ainsi, la méthode fait partie de la méthodologie. Et c'est dire, conclut Puren que « parmi les
méthodes, les différentes méthodologies effectuent donc des choix, définissent des
hiérarchisations, organisent des articulations dotées d'une certaine originalité et d'une
certaine cohérence » (1988 :17). Ces ensembles de choix constitués de méthodes spécifiques
vont être examinés à la fois sur les plans diachronique et synchronique.

II.2.1. Les premières méthodologies d'enseignement des langues

Les premières méthodologies d'enseignement des langues sont pour les plus anciennes la
traditionnelle, la directe, l'active et l'audiovisuelle, chacune d'elles étant par ailleurs
constituée de méthodes spécifiques.

a). La méthodologie traditionnelle

Les caractéristiques fondamentales de la méthodologie traditionnelle sont l'apprentissage


des règles de grammaire de la langue étrangère, l'utilisation de la langue maternelle des
apprenants et l'étude des faits de civilisation. A cet effet, le rôle du maîtres est de dicter
les règles que les apprenants devraient répéter et réciter jusqu'à mémorisation complète. Pour
ce qui est de l'utilisation de la langue maternelle des apprenants, elle permettait d'une part
d'expliquer les notions et faits difficiles exprimés en langue étrangère et d'autre part de
procéder à la traduction qui devait se faire soit en terme de thème, soit en celui de version.

Le thème est la transposition en langue étrangère d'un texte écrit ou dit en langue maternelle,
alors que la version était la traduction d'un texte de la langue étrangère vers la langue
maternelle. L'étude des faits de civilisation quant à elle, permettait donc de connaître
l'ensemble des caractères propres aux sociétés ou aux peuples dont la langue était étudiée. A
ce titre, il fallait aborder les faits de civilisation en terme de réalités formant le substrat ou la
répartition de la population en catégories active et non active, les manifestations de cette
civilisation étant vécue à travers les comportements des membres de la collectivité, les
concepts instrumentaux dont ils se servent, leur vision du monde, bref à travers leur culture.

Au total, la méthodologie traditionnelle s'intéressait surtout à la culture étrangère faite de


connaissances ethnographiques pures et non vécues. Par conséquent, la critique
fondamentale qui lui a été faite consistait dans le reproche de l'enseignement des
langues étrangères en langues maternelles, la traduction régulière d'une langue à
l'autre et les explications également données en langue maternelle. A cet effet,
l'apprenant pouvait connaître et réciter beaucoup de notions de la langue étrangère, mais
parlait difficilement ou avec des difficultés réelles la langue même. Ce sont ces difficultés
que les autres méthodologies dont la directe vont essayer de corriger.

b). La méthodologie directe

L'innovation apportée par la méthodologie directe va être le rejet de l'utilisation de la langue


maternelle de l'apprenant et partant l'adoption de l'enseignement de la langue étrangère ou
seconde en langue étrangère ou seconde, sans interférence aucune de la langue
maternelle. Ainsi, la spécificité de la méthodologie directe relève du fait qu'elle utilise la
méthode directe, la méthode orale et la méthode active qui en constituent le noyau
fondamental. Plus simplement et concrètement, ces méthodes (Puren ; 1988 :18)

ne proposent plus que des exercices entièrement en langue étrangère, limitent la partie
grammaticale à des paradigmes proposés en fin de leçons comme résumés de ce que l'élève
est censé avoir lui-même induit à partir des textes de base, lesquels sont eux-mêmes
fabriqués sur des contenus proches de la vie quotidienne des élèves (en commençant par la
salle de classe, la cour de récréation, l'école, la maison paternelle, le village...).

Au regard des postulats ci-dessus énoncés, les méthodes qui constituent la méthodologie
directe ont des points communs que sont l'utilisation intensive de la langue étrangère et la
priorité à la langue orale. Par ailleurs, précise Puren (1988 : 16),

 l'expression de méthode directe y désignera donc tous les procédés et techniques destinés


à éviter le recours à l'intermédiaire de la langue maternelle des élèves, celle de méthode
orale, tous ceux visant à faire pratiquer oralement la langue étrangère en classe.

La méthodologie directe a ainsi la spécificité de parler de la culture étrangère en langue


étrangère et essentiellement de manière théorique. Enfin, même si la méthode active peut
être prise en compte dans la méthodologie directe, ceci parce qu'elle implique l'activité et la
participation de l'élève aux enseignements, il faut reconnaître qu'elle devient prioritaire au
niveau de la méthodologie active.

c). La méthodologie active

La méthodologie active, constituée de l'ensemble des méthodes actives, doit beaucoup aux
enseignements de Piaget. Caractérisée par la mise en application des principes et
enseignements de la pédagogie et de la psychologie modernes, elle est axée, - pour la plupart
des méthodes et approches d'enseignement des langues qui s'inspirent d'elle parmi lesquelles
les méthodes directe, orale, active, interrogative, intuitive, imitative et répétitive -, sur le
montage des réflexes verbaux, bases de l'activité et de la participation des élèves lors des
activités d'enseignement/ apprentissage et plus tard dans les interactions langagières en
communauté.

Par conséquent, la méthode active qui est au centre de la méthodologie active prône


l'adaptation de l'apprentissage à l'enfant, la pédagogie différenciée selon les aptitudes et les
caractères, l'utilisation constante de la motivation et des activités motivantes pour intéresser
et faire travailler au plus haut point les apprenants. Au cours de l'apprentissage, les phases
suivantes au centre desquelles se trouve axée l'activité de l'apprenant sont plus ou moins
suivies : l'observation, la réflexion, l'expérimentation, la déduction des règles à retenir et le
réinvestissement de ces règles dans des exemples qui concernent les centres d'intérêts des
apprenants.

Au total, l'apprentissage se fait par la découverte et l'exploitation du matériel présenté, et


surtout par l'usage d'exercices qui impliquent automatiquement l'activité des sens. Mais on
peut y constater que le culturel est négligé, parce que les réflexes cultivés concernent
prioritairement les segments de phrases constitués d'unités syntaxiques ou
morphosyntaxiques. Le caractère essentiellement grammatical des données apprises révèle
une négligence des éléments culturels que la méthodologie audio-visuelle pourrait corriger.

d). La méthodologie audio-visuelle

La méthodologie audio-visuelle tient son nom des auxiliaires autour desquels elle réalisera
l'intégration didactique. Centrée sur l'acquisition d'une langue pure, homogène et
monolithique, c'est-à-dire en un seul bloc, et ceci par l'éducation de la perception auditive et
de l'expression orale, elle s'appuie sur le matériel sonore et sur l'image pour sa mise en
oeuvre psychopédagogique. Ainsi, basée sur la compréhension et la production de phrases
correctes, elle a pour héritage les méthodes directe, orale, active, interrogative, intuitive,
imitative et répétitive qu'elle prolonge avec les apports de la linguistique structuraliste et du
behaviorisme comme théories de référence. Elle s'opérationnalise en deux méthodes, à
savoir la méthode audio-orale et la méthode audio-visuelle.

d.1). La méthode audio-orale

Développée aux Etats - Unis dès 1950 par Rivers (1964) qui s'inspire des travaux de Brooks
(1960) et de Politzer (1961), et dès 1960 en France, la méthode audio-orale dont les théories
de référence sont le distributionnalisme postbloomfieldien et le conditionnement skinnerien
est une réaction par rapport au flou linguistique des méthodes directes. Comme c'est le cas
pour ces dernières, elle donne, précisent Galisson et Coste (1976 : 56), « la priorité à la
langue orale, mais elle privilégie la notion de « modèle » à imiter, dans des exercices dits
« structuraux » ».  Ces dispositions méthodologiques répondent ainsi aux exigences de la
segmentation distributionnelle de la chaîne parlée en unités définies par leurs positions et par
leurs fonctions et à celles de l'enseignement programmé skinnerien.

En effet, pour Skinner cité par Gaonc'h (1987 :21),


le rôle de l'enseignement est de ménager des contingences de renforcement susceptibles
d'accroître la probabilité d'apparition de réponses adéquates, dans un certain contexte
situationnel, sous le contrôle de renforcements environnementaux.

Parlant toujours de cette méthode, Williams (1990 :40) précise que :

This method emphasizes aural-oral skills. Its original name was in fact the Aural-Oral
Method. As the name implies, listening and speaking are the primary skills. The techniques
of the method rely heavily on the use of dialogue.

The following classroom procedure illustrates the structural aspect of the method. Lexical
units are isolated for practice in carefully controlled structures. The learning material is
introduced in dialogue form, which is then used as a basis for structural drills. Mimicry and
memorization of structural items are typical features of the method. Skills are practised in
the order of listening, speaking, reading, and writing. The control of items is intended to
minimize errors. Correct responses are immediately reinforced.

Au total, la méthode audio-orale stipule que le langage étant un « comportement »,


l'apprentissage de la langue consistera à pratiquer la langue sous sa forme orale. La méthode
induite doit amener l'apprenant à produire des comportements langagiers les plus proches
possible de situations réelles, d'où l'utilisation des dialogues. De même, l'apprentissage de la
langue étant un processus mécanique de formation d'automatismes et bien sûr
d'apprentissage à faire quelque chose et non à connaître quelque chose, l'élève doit être
conduit à produire des réponses exactes et des comportements suivant les modèles à lui
communiqués.

d.2.). La méthode audio-visuelle

Initiée dès les années 1950 à partir des travaux des équipes de recherche de Zagreb et de
Saint-Cloud, la méthode audio-visuelle s'appuie, sur les considérations et principes selon
lesquels le choix et la sélection des contenus d'enseignement d'une langue sont déterminés
par les impératifs de la communication. Et la démarche méthodologique présentée par
Galisson et Coste (1976 : 59) est la suivante :

- présentation graduelle des divers usages sociolinguistiques, priorité - non primauté - étant
donnée à l'oral ;

- importance accordée :

* à la situation et au contexte dans lesquels apparaissent les formes linguistiques ;

* au locuteur et aux relations qu'il entretient avec la situation, l'interlocuteur et son propre
message  ;

- établissement d'une progression fondée sur les caractères structuraux de la langue


enseignée [...]  ;

- Au plan pédagogique :
-Refus de la traduction interlinguale (passage par la langue maternelle)

comme moyen d'accès au sens [...] ;

-Primauté donnée à l'éducation de la perception auditive, à une mise en situation


génératrice de comportement verbal ; à la transposition de plus en plus libre ;

-Accent mis sur une communication véritable (dans la présentation des dialogues, textes et
documents, aussi bien que dans les exercices et activités de classe).

- Au plan technique :

-Utilisation de l'image comme point de départ possible de la compréhension, comme


simulacre d'une certaine réalité culturelle ;

-Utilisation de l'enregistrement sonore comme modèle acoustique invariant et comme réalité


linguistique étrangère qui n'est pas seulement apportée par le maître.

-Utilisation combinée de l'image et du son comme instrument d'une représentation audio-


visuelle qui simule un acte de communication et permet d'en produire de nouveaux.

Au total, la démarche méthodologique dans les méthodes audio-orale et audio-visuelle était


la suivante :

- présentation du dialogue enregistré et/ou des images,

- explication du dialogue ou des images par séquences,

- mémorisation,

- exploitation à partir des images ou des exercices structuraux,

- transposition avec réinvestissement des éléments linguistiques acquis dans les phases
précédentes.

Tels sont les grands axes de la didactique des langues des années où par leur caractère
systématique, les méthodes garantissaient l'acquisition d'une langue française pure,
homogène, correcte et étrangère avec sa norme exogène. Et si l'acquisition mécanique d'une
langue déconnectée de toute réalité culturelle ambiante correspond bien aux premières
heures de l'apprentissage d'une langue étrangère dans un milieu donné, il faut dire
qu'aujourd'hui, elle correspond moins à l'Afrique francophone subsaharienne où le français
est sinon presque une langue maternelle, du moins une langue seconde.

Face donc à l'instabilité du statut du français et au développement des théories de référence


en didactique, face à une évolution des pratiques impliquant la sélection, la gradation et la
description linguistiques avec l'avènement des théories de l'énonciation, de l'analyse du
discours et de la pragmatique, les méthodologies ont évolué. Ainsi, avec les apports de la
sociolinguistique, de la psycholinguistique, de la psychologie de l'apprentissage et de la
pédagogie générale, les nouvelles orientations au centre desquelles se trouvent placés
l'apprenant et son milieu sont constituées d'une part de l'approche communicative et d'autre
part des approches et démarches centrées sur les problématiques prioritairement
interculturelles.

II.2.2. L'approche communicative

Conçue dans la lignée de l'évolution de la didactique des langues, l'approche communicative


a permis de reconsidérer la définition des méthodologies, méthodes et démarches dans le
domaine afin de tenir compte de l'environnement pluriel qui caractérise le monde actuel et de
la culture multiforme qui en découle. Ainsi, dans le cadre des révisions épistémologiques,
Puren (1988 : 17) écrit :

les méthodes constituent des données relativement permanentes parce qu'elles se situent au


niveau des objectifs techniques inhérents à tout enseignement des LVE [langues vivantes
étrangères](faire accéder au sens, faire saisir les régularités, faire répéter, faire imiter,
faire réutiliser...).

Les méthodologies  en revanche sont des formations historiques relativement différentes les
unes des autres, parce qu'elles se situent à un niveau supérieur où sont pris en compte  des
éléments sujets à des variations historiques déterminantes  tels que :

- les objectifs généraux, parmi lesquels dans le cas de l'enseignement scolaire, priorité peut
être donnée à l'objectif pratique, ou au contraire aux objectifs culturels et formatifs  ;

- les contenus linguistiques et culturels, où l'on peut par exemple privilégier la langue
parlée ou la langue écrite, la culture artistique ou la culture au sens anthropologique... ;

- les théories de référence, en particulier les descriptions linguistique et culturelle, la


psychologie de l'apprentissage, la pédagogie générale,qui évoluent au cours de l'histoire ;

- et  les situations d'enseignement : les rythmes scolaires, le nombre d'années de cours,
d'heures d'enseignement par semaine, d'élèves par classe et l'homogénéité de leur niveau,
leur âge, leurs besoins et leurs motivations, la formation des professeurs, etc, qui peuvent
varier considérablement d'une époque à l'autre.

Une approche profonde des éléments ci-dessus cités montre d'une part l'importance de la
maîtrise de la langue en tant que structure ou ensemble de structures et d'autre part
l'intervention du culturel à tous les niveaux. Véhiculé dans les apprentissages en terme
d'objectifs culturels et perçu tant dans les contenus à caractères artistique ou anthropologique
que dans les descriptions linguistiques, psychologiques et pédagogiques, le culturel permet
de relever et de cerner la dimension totale et efficiente du langage humain.

Développée dès 1975, l'approche communicative est une réaction contre le caractère rigide et
irréaliste de la méthodologie audiovisuelle. Trop systématique, elle laissait peu de place à
l'initiative de l'apprenant dont le rôle était tout simplement d'acquérir les notions qui lui
étaient enseignées et par conséquent de produire des énoncés justes et atomisés. De même,
les dialogues proposés aux apprenants étaient bien loin de la réalité et de la communication
normale, « le type de situation présenté [étant] toujours le même : 2 à 4 personnes qui
parlent à leur tour sans chevauchement, sans hésitation, sans reprise, sans bruits de fond,
sans ratés » (Porcher, 1981 : 25). Ce faisant, le texte utilisé était réductif par le fait même de
l'absence du naturel qui caractérise les interactions langagières entre les hommes, effaçant
par la même occasion leur contenu socioculturel.

* Les apports de l'approche communicative

La spécificité de l'approche communicative est ainsi d'avoir recentré la didactique des


langues sur la communication. Dès lors, l'objectif de l'enseignement linguistique devient
faire acquérir la compétence de communication, concept créé par Dell Hymes (1972). Cité
par Bérard (1991 :17),  il définit cette compétence comme étant l'ensemble constitué de
la connaissance des normes grammaticales (compétence linguistique) et de la maîtrise
de leurs normes d'emploi (règles d'usage), définition que certains didacticiens trouvent
trop réductionniste.

Pour Canale et Swain (1980), cette compétence a trois composantes à savoir la compétence
grammaticale (CL), la compétence sociolinguistique (CS) et la compétence stratégique
(CST). La compétence sociolinguistique intègre une composante socioculturelle conçue
comme étant « la connaissance des règles sociales dans un groupe donné » et une
composante discursive qui est « la maîtrise des différentes formes de discours ». Enfin, la
compétence stratégique est entendue comme l'ensemble des stratégies de communication qui
permettent de combler les ratés des échanges entre interlocuteurs en restaurant le naturel qui
caractérise les interactions langagières normales.

Sophie Moirand (1982 :20) quant à elle, identifie quatre éléments qui constituent la
compétence de communication :

· une composante linguistique...

· une composante discursive, c'est-à-dire la connaissance et l'appropriation des différents


types de discours et de leur organisation en fonction des paramètres de la situation de
communication dans laquelle ils sont produits et interprétés ;

· une composante référentielle, c'est-à-dire la connaissance des domaines d'expérience et


des objets du monde et de leur relation  ;

· une composante socioculturelle, c'est-à-dire la connaissance et l'appropriation des règles


sociales et des normes d'interaction entre les individus et les institutions, la connaissance de
l'histoire culturelle et des relations entre les objets sociaux. 

La définition de Moirand est plus complète. Elle reconnaît par ailleurs que la compétence
stratégique ne se réalise qu'au moment de l'actualisation des autres compétences à travers les
phénomènes de compensation qui relèvent de « stratégies individuelles de communication ».

Un autre apport de l'approche communicative est constitué des actes de parole qui relèvent


des recherches d'Austin (1970) et Searle (1972) sur l'approche pragmatique du
langage,approche qui considère le langage comme action, comme moyen d'action sur l'autre.
Pour Austin (1970), ces actes dont la catégorisation part de la réflexion sur les verbes
performatifs(l'énonciation réalise l'action qu'ils expriment : je te baptise, je te déclare, ...) par
opposition aux verbes constatifs, sont :

- les actes locutoires, caractérisés par l'articulation et la combinaison de sons, et la liaison


syntaxique des mots ;

- les actes illocutoires, actes dont l'énonciation constitue en elle même un acte qui
transforme les rapports entre les interlocuteurs ;

- les actes perlocutoires, actes dont l'énonciation produit des effets plus ou moins lointains
sur les interlocuteurs (convaincre, rassurer, étonner, embarrasser, contrarier,
impressionner, ...).

Pour Searle, les actes de langage peuvent être classés en cinq grands types :

- les représentatifs (assertion, information, description d'un état de fait, ...) ;

- les directifs (ordre, requête, question, permission, l'obligation de l'interlocuteur de réaliser


une action future, ...) ;

- les commissifs (promesse, offre, obligation contractée par le locuteur...,) ;

- les expressifs (félicitations, excuses, salutations : exprimer un état psychologique) ;

- les déclaratifs (déclaration, condamnation, baptême,...pour leur effectivité). 

Le dernier apport de l'approche communicative (Moirand, 1982) est la prise en compte des
sciences du langage, c'est-à-dire de la sociolinguistique (Labov, 1976 ; Hymes, 1964 ;
Berstein, 1975), de la sémantique (Fillmore, 1975) et de la pragmatique (Austin,
1970 ; Searle, 1972) dans l'analyse du discours à partir de documents authentiques et à des
fins d'hétérogénéité théorique des outils descriptifs de référence.

* Les principes méthodologiques

Partant de l'analyse des besoins langagiers pour définir les contenus d'enseignement,


l'approche communicative retient les principes ci-dessous cités :

- Enseigner la compétence de communication ( compétence linguistique ou connaissance


minimale de la langue comme système et observation des marques linguistiques
(Charaudeau, 1980 :7) ; compétence sociolinguistique ou maîtrise des règles sociales pour
une utilisation adéquate des énoncés en situation ; compétence discursive ou maîtrise des
différents types de discours (récit, lettre, poème,...) ; compétence référentielle ou
connaissance d'éléments de l'environnement et enfin compétence stratégique). Charaudeau
intègre la dernière dans la compétence discursive dont le rôle est de combler les manques au
niveau des autres compétences.

- Travailler les composantes de la compétence de communication de manière


simultanée ;

- Travailler sur le discours pour prendre en compte plusieurs niveaux d'analyse et plusieurs


composantes de la compétence de communication ;

- Privilégier le sens dans la mise en relation du sens et de la syntaxe ;

- Enseigner la langue dans sa dimension sociale à travers la prise en compte de toute la


richesse des variétés qui la constituent dans son fonctionnement effectif.

Voilà les principes qui, participant d'un mouvement de centration de l'apprentissage sur
l'apprenant et procédant par une progression cumulative (acquisition progressive des
structures avec rajout de structures les unes sur les autres), ou en spirale (avec des avancées
et des retours sur des structures déjà présentées), définissent la démarche méthodologique de
l'approche communicative.

* La méthodologie

Elle est constituée d'étapes suivantes :

- La compréhension (négociation);

- L'acquisition de la pratique de la langue par la communication, la phonétique, la


grammaire, le lexique ;

- L'expression guidée ;

- L'expression libre (évaluation / négociation).

Les deuxième et troisième étapes de cette méthodologie pourraient permettre d'apprécier la


compétence culturelle et interculturelle des interlocuteurs et des apprenants. Pourtant, une
telle démarche ne correspondrait pas de manière systématique à l'enseignement de la langue
française en francophonie africaine. Et c'est la raison pour laquelle Coste (1980 :244) relève
qu' 

en gros, le constat sera que dans ses développements récents, la didactique s'est révélée plus
sensible à ce que pouvait lui apporter l'étude des actes de parole qu'au parti à tirer de
l'analyse du discours.

De ce constat, il dégage la dichotomie qui montre que

- l'approche communicative correspond à un public de débutants, donne la priorité à l'oral


et traite l'aspect communicatif de la langue à travers les actes de parole  ;

- Pour un public d'apprenants avancés, le travail sera surtout centré sur l'écrit, et on aura
recours à l'analyse de discours (Bérard, 1991 : 30).

Voilà les raisons fondamentales qui orientent les recherches en didactique des langues
(linguistique appliquée d'avant) vers les problématiques interculturelles.
II.2.3. La pédagogie interculturelle d'Abdelwaheb Allouche

Introduisant le 30 octobre 1929 une série d'articles sur la crise du français à Genève, Robert
de Traz (Bronckart, 1984 :6) constate, parlant du langage des enfants, qu' « ils parlent un
effroyable charabia, mêlé d'argot genevois, d'argot parisien, de termes impropres, de termes
fabriqués par eux-mêmes ». Pour lui comme pour Abdelwaheb Allouche (1984), les
difficultés d'expression des enfants couvent deux faits fondamentalement liés. D'une part, il
s'agit du malaise de l'enseignement du français qui doit prendre en compte une trop grande
diversité de finalités à la fois vagues et parfois contradictoires parmi lesquelles l'acquisition
de la grammaire traditionnelle, le maintien et la reproduction d'une langue littéraire
stabilisée, le développement du raisonnement logique et l'unification des parlers vers un seul
système orthographique, et d'autre part, le désarroi des locuteurs face à une langue fermée
sur les modèles édictés par la société française.

Ainsi, tout en se demandant «  Et si la grammaire était inutile ? », De Traz (Bronckart,


1984 : 14) constate que « dans sa forme traditionnelle en effet, la grammaire ne peut
constituer un bon instrument au service de la pensée, ni dans ses aspects cognitifs, ni dans
ses aspects culturels ». Et pour cause, elle animerait « l'utopie de la langue française, une,
éternelle, idéale et donc soustraite aux lois du changement » (Bronckart, 1984 : 9). C'est
donc au terme d'une étude menée sur les enfants d'immigrés maghrébins à Paris et dans le
but de définir une démarche de conciliation prenant effectivement en compte les différences
culturelles des élèves étrangers qui ne doivent plus être considérés comme des corps
étrangers souvent refoulés de la société française que Abdelwaheb Allouche propose la
pédagogie interculturelle.

Pour poser «  La problématique de l'enseignement des langues et des cultures d'origine aux
enfants d'immigrés maghrébins : l'exemple de la banlieue parisienne », Abdelwaheb
Allouche part du constat selon lequel

pour que l'idéologie de l'égalité des chances joue sans l'ombre d'un doute, l'école a fait
comme si la seule famille est le système scolaire et que le chronomètre s'est mis à marcher
lorsque l'enfant a porté son tablier ou a pris le chemin de l'école. Les influences
extrascolaires et l'identité première - surtout la langue maternelle - sont mises au vestiaire
car elles sont considérées comme sources d'interférence (1984 : 45)  .

Conçue dans l'optique d'un processus qui « essaie de prendre en considération les situations
linguistiques provoquées par la transplantation, et de valoriser les cultures d'origine des
enfants immigrés » (p. 43), la pédagogie interculturelle remet en cause l'une des missions
fondamentales de l'école, la finalité constituée de ses visées uniformisantes. Orientée
vers « la conciliation recherchée avec la socialisation première de l'enfant par la
réappropriation de la langue maternelle et la valorisation identitaire» (p.46),  cette visée axe
son action dans deux directions :

- l'apprentissage des langues d'origine dans le cadre d'un cours intégré à l'enseignement
habituel,

- une animation socioculturelle basée sur la découverte ou la redécouverte des pays


d'origine des immigrés (Abdelwaheb Allouche, 1984 :44).

Telle que décrite, la pédagogie interculturelle, parce que appliquée ou réservée aux seuls
immigrés portugais et arabes, valorise essentiellement les langues d'origine ou maternelles
qui jouent d'après l'expression de Bouton (Abdelwaheb Allouche, 1984 : 49) le rôle de « lieu
géométrique »[...] de toute les conduites verbales, [ permettant] de corriger les erreurs en
rendant transparentes les interférences ».  A partir de là, l'enfant peut facilement distinguer
les codes à travers une pédagogie de la différence et se corriger immédiatement lorsqu'il y a
confusion dans les codes ou des codes.

Par ailleurs, l'animation culturelle dans l'optique de la pédagogie interculturelle n'est pas


constituée d'enseignements systématiques en salles de classe. De même, elle n'est pas
réservée essentiellement aux seuls enfants d'immigrés. Et Abdelwaheb Allouche le précise
d'ailleurs clairement quand il indique que

contrairement à l'enseignement des langues d'origine qui ne s'adresse qu'aux enfants des
migrants, les activités d'animation ont le mérite de valoriser les cultures différentes aux yeux
de tous les enfants. Elles consistent à leur offrir des possibilités d'expression verbale et
corporelle. Les classes éclatent en ateliers de contes, théâtre, marionnettes. Il ne s'agit pas
d'apporter de nouvelles connaissances, mais de mieux se connaître mutuellement par un
travail de simulation (1984 :49).

Au total, la pédagogie interculturelle d'Abdelwaheb Allouche propose une piste de travail


appréciable en ceci qu `elle permet non seulement de rapprocher les communautés entre
elles, mais aussi et surtout en ce qu'elle crée le dialogue entre les populations afin qu'elles
s'acceptent les unes les autres. Mais il faut noter qu'elle est réservée, peu connue et sa
réussite reste encore tributaire de la volonté des municipalités. D'où la nécessité de
prospecter en direction de la sémio-didactique.

II.2.4. La sémio-didactique de Gourmelin-Berchoud

Proposée dans le cadre d'une pédagogie d'intégration culturelle pour la didactique des
langues, la sémio-didactique de Gourmelin-Berchoud (1996 :152) se situe à contre courant
des préoccupations des tenants de l'utilisation mécanique des méthodes d'enseignement des
langues. Egalement opposée aux préoccupations des spécialistes des démarches
pédagogiques ethno/ego-centristes naturelles, la sémio-didactique est

une didactique qui se forge à partir de la découverte de l'ensemble signifiant qu'est le


contexte culturel et institutionnel dans lequel elle intervient. [...] Cette sémio-didactique se
forge, ou plutôt elle est forgée par l'enseignant et ses élèves. Plaçons-nous dans l'ici-
maintenant d'une classe de façon à faire que ce contexte soit un, ait l'unité qui lui fait défaut
de par (selon les cas) la variété des origines des élèves ou le brouillage culturel résultant
des interactions entre culture(s) d'origine et culture mondialisée issue de l'Occident.

Ainsi définie, la sémio-didactique considère l'enseignant, fortement impliqué dans la


démarche méthodologique qui n'est pas une démarche mécanique, comme un analyste-
concepteur-adaptateur dont le rôle est d'analyser la situation d'enseignement/apprentissage,
les savoirs à acquérir et les éventuels difficultés des apprenants afin de concevoir les
contenus d'enseignement pour leur adapter les méthodes et manuels appropriés. Le processus
d'apprentissage de la langue étrangère qui s'origine au contact de l'enseignant avec les
apprenants, leurs milieux culturels et institutionnels, devient, comme le pensent Bautier et
Hébrard (1980) cités par Gourmelin- Berchoud (1996 : 153), « pour une part, rejouer son
rapport au monde et au langage, ré-expérimenter ses stratégies relationnelles et cognitives
originelles».

Au total, la démarche sémio-didactique s'établit en trois phases ou temps :

- le temps de la reconnaissance des identités respectives,

- le temps de la négociation explicite et implicite du cadre et des positions respectives,

- le temps de l'appréciation des contraintes et enjeux et de l'accommodation au


contexte.

Le premier temps est celui qui permet de négocier et de reconnaître les identités


individuelles et collectives décrites à travers la peinture de lieux, la symbolisation de
l'espace, de petites histoires racontées, les us et coutumes, bref la culture dite, mimée et jouée
à laquelle on donne une ampleur plus réelle. Le deuxième temps est celui qui permet de
déterminer ou de limiter l'espace scolaire, l'espace matériel et immatériel de la négociation
qui est un espace interculturel, et le réseau de positions, de significations et des ressentis.
Enfin, le troisième temps est celui qui permet d'apprécier les contraintes liées aux fractures
et complexités de la réalité sociale dans le groupe classe et à celles de l'institution, ainsi que
les enjeux socio-politico-économiques et intellectuels personnels et collectifs de
l'apprentissage. Avec l'association réussie de ces trois temps agencées dans la singularité de
chaque classe de langue, Gourmelin-Berchoud (1996:158) pense que « s'envole l'illusion de
la classe-type et l'espoir d'une didactique univoque », donnant ainsi
aux «  interactants » langagiers la capacité à « assumer la complexité du vivant ».

Le fait que la sémio-didactique de Gourmelin-Berchoud embrasse et interroge le signe dans


toute sa complexité et ceci en rapport avec les identités de toutes les composantes du groupe
classe est largement positif pour matérialiser l'aspect sémiologique de la démarche. Pourtant,
on ne saurait afficher un triomphalisme exagéré, les raisons de cette hésitation provenant du
fait que même si les procédures adoptées créent l'espoir d'une méthode totale, elles rendent
en même temps les leçons un peu trop abstraites. En effet, la reconnaissance des identités ne
peut en aucun cas se faire tous les jours ou au début de toutes les leçons, et encore moins
toute l'année. Prioritairement, elle pourrait être une phase de leçon pour débutants, mais
difficilement pour des apprenants ayant un niveau avancé, ce qui rend difficile sa
systématisation.

Par ailleurs, aucune insistance n'est faite sur les contenus d'enseignement, ce qui rend les
leçons à la fois superficielles et autrement aléatoires. Toutes ces lacunes peuvent peut-être se
justifier par le fait que Gourmelin-Berchoud n'a dessiné que des pistes pour une démarche à
affiner et à parfaire plus tard. Peut-être que de telles lacunes pourraient être comblées dans la
démarche plus systématique que propose Amor Séoud.
II.2.5. La démarche interculturelle d'Amor Séoud

Axée sur l'analyse et l'exploitation du texte littéraire en particulier et du discours en général,


la démarche interculturelle est une réflexion que Séoud (1997) présente dans son ouvrage
intitulé Pour une didactique du texte littéraire et qu'il partage avec plusieurs didacticiens
parmi lesquels Collès (1992) et Charaudeau (1987). Cette démarche qu'il nomme par
ailleurs pédagogie interculturelle s'inscrit dans l'optique d'une méthodologie éclectique dont
la nécessité se justifie par le fait que (1997:137)

le plaisir n'est pas le seul enjeu de la reconnaissance-découverte de soi en lecture : la


conscience d'une identité aussi. C'est pourquoi il importe d'inscrire dans notre perspective
didactique, aussi bien en F.L.E. qu'en FLM, un passage par ce qui s'appelle aujourd'hui
l'interculturel. Mais on se doute bien que, en réalité, il s'agira là rien moins que
d'un  passage obligé.

La démarche interculturelle est ainsi un passage obligé pour la didactique du texte littéraire
ou du discours à cause de la dimension anthropologique des textes. Cette dernière constitue
une voie d'accès privilégié aux modèles culturels. Une telle démarche concerne à la fois le
fond et la forme des textes et évoque la fonction sociale de la littérature, fonction qui
figure sa dimension représentative des références culturelles d'une communauté et
partant son important rôle intégratif et identitaire. Par ailleurs, Séoud pense que la
complexité des problèmes identitaires au lieu d'entamer l'intérêt didactique qui leur est porté
aujourd'hui, permet plutôt d'établir un lien étroit entre l'école et la vie, un lien qui se joue
dans la réalité. C'est pour cette raison qu'

il faut avoir déjà conscience que l'interculturel est un passage obligé parce qu'aussi, à y
regarder de plus près, tout rapport avec le texte est dans son essence interculturel, en F.L.E.
mais également en F.L.M, compte tenu évidemment de la « pluralité » culturelle, de la
multiplicité des croisements culturels, caractéristiques de la civilisation d'aujourd'hui et
même, par-delà cette pluralité et cette multiplicité (Séoud, 1997 :137).

D'aucuns pourraient ainsi croire que la démarche interculturelle relève essentiellement de


l'actualité au regard des exigences vitales que crée en nous la mondialisation et ses
contingences. Que non ! Elle est une nécessité millénaire, car le rapport de l'homme au
texte existe et a existé depuis l'aube des temps, dès que l'homme a commencé à
communiquer avec ses semblables. Dans ce sens et parce qu'elle aide à cerner l'altérité,
c'est-à-dire les manières par lesquelles les interlocuteurs expriment leurs pensées, leurs
émotions, bref leur vision du monde,  l'analyse textuelle

est par définition interculturelle, puisque même si l'on reste dans une culture de départ, elle
nous invite à rendre visible une mémoire et une identité, enfouies sous l'éphémère identité du
présent (Bertrand , 1993 :53) .

La démarche interculturelle fait de l'Autre un miroir pour soi et de soi un miroir pour
l'Autre. En effet, grâce à sa position d'extériorité (Bakhtine, 1984) que Todorov (1989)
traduit par exotopie, seul l'Autre peut nous voir dans notre totalité, seul l'Autre peut nous
permettre de nous voir dans notre totalité. De la même façon, c'est cette position qui permet
de voir l'Autre dans sa totalité. Ainsi, la culture étrangère a besoin de la culture maternelle
pour s'élucider et vice-versa. Et Bakhtine (1984 : 140) de préciser que

dans le domaine de la culture, l'exotopie est le moteur le plus puissant de la compréhension.


Une culture étrangère ne se révèle dans sa complétude et dans sa profondeur qu'au regard
d'une autre culture (et elle ne se livre pas dans toute sa plénitude car d'autres cultures
viendront qui verront et comprendront davantage encore). Un sens se révèle dans sa
profondeur pour avoir rencontré et s'être frotté à un autre sens, à un sens étranger : entre
les deux s'instaure comme un dialogue qui a raison du caractère clos et univoque, inhérent
au sens et à la culture pris isolément.

Cette démarche théorique montre à suffisance qu'une situation sociale de métissage culturel
ou une situation sociale multiculturelle entraîne automatiquement une méthodologie
interculturelle. Et Séoud conclut qu' « ainsi la question, sociale, du multiculturel, entraîne la
question, pédagogique de l'interculturel» (1997 :149). Cette méthodologie, au regard de la
civilisation mondiale, mondialisée ou transfrontalière qu `elle implique, permet bien
d'aborder les nouvelles écritures africaines quel que soit leur degré de polyculturalité,
demulticulturalité, de métissage culturel ou de pluralité culturelle.

Pratiquement, la pédagogie interculturelle de Séoud a trois étapes :

- la comparaison à travers un croisement de regards et une combinaison de possibles


multipliés à souhait,

- la distanciation ou décentrement ou encore décentration à travers une attitude objective


qui implique critique pour la découverte des valeurs de cultures autres,

- la compréhension empathique qui permet de comprendre l'autre en se mettant au besoin à


sa place.

Telles sont les grandes lignes de la pédagogie interculturelle, démarche

rendue possible grâce à la confrontation, à la comparaison avec d'autres sujets, d'autres


cultures. Ainsi l'éducation interculturelle est faite de va-et-vient entre l'autre et soi,
d'un  « jeu alterné ou cumulé d'identification ou de distanciation », [...]  , d'un jeu,
finalement,où le « je » est un autre, tout en étant mieux que jamais soi-
même (Séoud,1997 :148).

Tout en étant définie pour enseigner la littérature, la démarche interculturelle semble


négliger un tout petit peu le texte en lui-même, bien que Séoud parle d'une pédagogie axée à
la fois sur la forme et le fond du texte. Comment confronter les faits sans accorder au
préalable une place à la lecture et à l'analyse formelle et profonde des textes ? La focalisation
sur la comparaison des données culturelles qui sont pour la plupart du domaine du
symbolique, avec croisements de regards, ne peut se faire de manière objective que si elle
prend appui sur les faits de langue, ces derniers constituant sinon la voie royale, du moins un
des moyens primordiaux par lesquels la culture est véhiculée. La découverte objective des
propriétés culturelles ne saurait d'emblée être le fruit de l'impressionnisme. De même, la
place et les aptitudes de l'enseignant ne sont pas clairement définies. Autant de lacunes qui
pourraient être corrigées par d'autres démarches parmi lesquelles la méthodologie
interculturelle de Rittau.

II.2.6. La méthodologie interculturelle de Rittau

Dans le cadre d'une thèse de doctorat soutenue en sciences de langage à l'Université de


Strasbourg 2, Rittau (2001) explore les multiples manifestations de la diversité culturelle et
analyse leur impact sur l'acquisition d'une compétence interculturelle par l'apprenant. Ce
faisant, elle axe son étude sur les contenus de l'approche culturelle de l'enseignement
universitaire, privilégiant à cet effet dix-sept rubriques appartenant au socioculturel à savoir
le repas, le vin et la bière, l'aménagement intérieur, les rues, l'emballage, la publicité, la
voiture, la télévision, le journal, le livre, la peinture, la musique, le symbole, la région, le
paysage, l'Europe, l'eau.

A partir d'une méthodologie interculturelle et donc sémiologique à angles de vue


multiples, les différentes rubriques sont analysées de trois points de vue : littéraire par
l'intermédiaire de courts extraits, visuel (représentation photographique) et actuel à base de
publications récentes et articles pris dans les médias. Toutes les présentations sont réalisées
en double face allemande et française. Rittau a appliqué son étude au champ franco-allemand
et a ainsi le mérite de l'avoir menée sur les trois plans fondamentaux que sont le littéraire, le
visuel et l'actualité. C'est sûrement sur la base de tels travaux que Marmoz a fait le point de
la recherche interculturelle.

II.2.7. La recherche interculturelle d'après Marmoz

Dans l'ouvrage L'interculturel en questions. L'autre, la culture et l'éducation, dont il


coordonne la publication avec Derrij, ouvrage qu'ils conçoivent à la fois comme étant une
suite au Colloque de l'AFIRSE (Rabat 1997) qui portait sur le thème «  Education  : Identité,
altération et relations interculturelles  » et une introduction à celui de Natal (2001) dont le
thème était« Hétérogénéité, culture et éducation », Marmoz (2001: 41) livre sa pensée dans
un article intitulé «La recherche interculturelle : exploitation, pédagogie ou coopération ?».

Dans un premier temps, l'ouvrage met en exergue l'importance de la puissance des uns et des
autres et la complexité des relations culturelles qu'on ne saurait réduire à la langue de
communication ou aux réalités pédagogiques en faisant fi de leur dimension politique. Puis,
il définit les grandes lignes de la recherche interculturelle dont les champs de prédilection
sont clairs : les cultures et leurs frontières, leurs lignes d'évolution, l'importation/exportation
de biens marchands, les idées et pratiques de traduction, la reconnaissance, les rencontres
entre porteurs de codes culturels, ...

Au regard de la synthèse des études menées dans le cadre du Conseil de l'Europe en vue de
définir une citoyenneté européenne et des résultats des travaux menés dans le cadre de la
coopération interuniversitaire France-Portugal et France-Brésil au niveau des programmes
d'échanges, Marmoz conclut que l'interculturel est un marché, ceci à cause des principes
régulateurs de son fonctionnement. Il cite à propos Abdallah-Pretceille (1996 :26) qui dit
que «  l'interculturel, c'est la circulation, le partage, l'enrichissement par les
différences  »  , c'est-à-dire un cadre d'échange caractérisé par des rapports de force et de
domination. Cette idée, Ladmirail et Lipiansky la renforcent quand ils disent que ce
marché, « volontariste dans un monde inégalitaire », régulé par le respect et le droit à la
différence, «  définit moins un champ comparatif [...] qu'un champ interactif, où l'on
s'interroge sur les relations qui s'instaurent entre groupes culturellement
identifiés » (1989 :10), un lieu naturel d'échanges où le commerce, mieux la communication
entre partenaires est évidente. Et Camilleri et Vinsonneau de conclure que « l'interculturel
désigne alors une attitude générale : veiller à ce que la différence culturelle, partout où elle
se rencontre, ouvre à la communication au lieu de se convertir en barrière » (1996 :78)

Ensuite, Marmoz (2001) établit dès lors que pour que la communication, l'échange,
l'interaction, la compréhension comme fins du langage et du partage interculturel soient réels
et opérationnels, ils doivent se définir par trois pistes qui constituent simultanément les
lignes forces de l'interrogation de la quête ou de la recherche interculturelle à savoir la
pédagogie, l'exploitation et la co-opération.

La pédagogie dans le cadre de la recherche interculturelle est faite du désir de se former et


de celui de former l'autre, désir conçu comme un a priori pédagogique en dehors de toute
neutralisation ou péjoration évidentes de la différence. En effet, il s'agit d'une rationalisation
de l'hétérogénéité culturelle qui, dans un contexte de pluralisme culturel, favorise la
formation et l'assimilation des minorités à la culture dominante (Furter, 1983). Seulement,
les contradictions, les déchirements et autres réactions qui caractérisent une société dont
l'hétéroculture est une situation de dualisme culturel fondé sur deux sources antagonistes que
sont les cultures autochtone ou allochtone sont à déplorer. Face à cette situation et à l'échec,
des mécanismes intégrateurs en vue d'assimiler la nouveauté comme la tentative de
« nationalisation culturelle » (Poirier, 1978) sont développés. Bien à propos, l'africanisation
des anthroponymes et des toponymes est citée en exemple. Cette nationalisation pourrait
aussi expliquer pour une part le français langue africaine dont une justification toute aussi
culturelle ou interculturelle est l'impossibilité pour le français de permettre une traduction
fidèle de certaines réalités africaines.

Pour ce qui est de l'exploitation de l'autre en situation d'hétéroculture ou de métissage


culturel, elle relève du fait que l'interculturel étant un marché, les partenaires sont à tout
moment en situation de négociation et de transaction. Par conséquent, la connaissance de
l'autre et l'altérité deviennent des prétextes pour obtenir de lui ce qu'on n'a pas et de valoriser
ce qu'on a et qu'il n'a pas. Une telle négociation, aussi complexe qu'elle soit, ne peut
fonctionner à merveille que si certains préalables sont remplis. Et Abdallah-Pretceille et
Porcher (1996 :26) de préciser que

 la capacité de négociation suppose que l'on considère l'Autre comme un partenaire, c'est-à-
dire comme un égal, un prestataire de services. La transaction est devenue la conduite
quotidienne ordinaire, qui va de soi.

Malheureusement, l'égalité n'étant que pure fiction, la culture dominante prendra toujours le
pas sur la culture dominée, ce qui crée évidemment une situation d'exploitation. Car, comme
le dit si bien Demorgon,

l'idéalisme de la différence enrichissante n'est que l'envers du réalisme de la différence qui


me distingue avantageusement de l'autre. L'envers en apparence seulement. En effet, dans le
premier cas, la différence propre à l'autre m'intéresse, mais c'est pour me l'ajouter et me
revaloriser grâce à cet acquis. Dans le second cas, la différence qui m'est propre me
valorise contre l'autre dans la mesure où elle est quelque chose qui lui manque. Ainsi, en
fait, dans les deux cas, je suis gagnant, c'est toujours ma supériorité qui
s'affirme (1989 :82).

Enfin, la co-opération dans le domaine interculturel signifie que les cultures sont


considérées sur le même pied d'égalité. Par conséquent, co-opération devient construction
ensemble, travail en partenariat dans de projets communs où les identités propres des peuples
sont respectées et sauvegardées, même si les transformations et les mutations sont
inévitables. Tels sont les grands axes de la pensée de Marmoz qui s'intéresse à la recherche
interculturelle en général, sans insistance particulière sur les pratiques didactiques en salle de
classe. Seuls les grands projets de coopération et d'échange interuniversitaires entre pays ont
retenu son attention. Pourtant, en guise de conclusion à l'ouvrage collectif qui contient sa
pensée qui est ci-dessus résumée (Marmoz et Derrij, 2001), Mialaret propose une démarche
pédagogique de l'interculturel.

II.2.8. La pédagogie interculturelle de Mialaret

Dans un article titré « La multiculturalité et l'éducation au XXIè siècle  », Mialaret (2001)


part des résultats d'analyses statistiques portant sur des élèves, enfants de parents immigrés,
pour proposer une démarche un peu plus personnelle et réaliste de la pédagogie
interculturelle qu'il résume ainsi :

- collaboration du sujet à sa propre éducation,

- appel à l'expérience de l'enfant ...,

- reconstruction personnelle du savoir,

- formation complète de la personnalité,

- assurance de la cohésion à travers un minimum de formation commune...

Par ailleurs, il définit sur le plan des grands principes pédagogiques, les concepts
de monoculturalisme et d'assimilationnisme qui correspondent à l'idée qu'il existe une
« culture universelle » qui serait sûrement la culture dominante. Il définit ensuite
le multiculturalisme qui correspond à une situation où chaque groupe culturel affirme son
identité et se cramponne à sa culture qu'il croit différente et irréductible. Dès lors, conclut
Mialaret (2001 :267), « le paysage culturel se présente, dans ce cas, sous l'aspect d'une
mosaïque de cultures aux délimitations nettement dessinées ».

Enfin, il définit l'interculturalisme qui correspond à la mise en évidence des différences


dans la tolérance et l'enrichissement. Aux questions de savoir « vers quelle forme de culture
l'éducateur doit conduire ses élèves  ? Et comment élaborer, si cela est possible, une ou de
nouvelles formes de culture ? », Mialaret (2001 :269) propose plusieurs alternatives
possibles. Il peut s'agir de cultiver une « mosaïque du minimum », c'est-à-dire ce qui est
commun aux cultures. Il peut aussi s'agir de mettre sur pied un « cocktail de
l'excellence ».A terme, il conclut (2001 :271) qu' « une attitude authentiquement
interculturelle n'est pas négation mais, au contraire, affirmation de sa propre culture dans
ses relations avec les autres cultures  ».

Au regard de toutes les analyses ci-dessus faites, il faut d'emblée louer le caractère presque
encyclopédique de l'ouvrage de Marmoz et Derrij (2001). Néanmoins, il faut reconnaître que
les rapports entre les cultures et les peuples focalisent beaucoup plus l'attention de ses
auteurs. De même, les seuls projets initiés et évoqués sont beaucoup plus inscrits dans le
cadre des programmes d'échanges d'étudiants. Pourtant, au terme de l'analyse des démarches,
pédagogies et méthodologies ici présentées, il serait intéressant de faire une synthèse à
retenir et à expérimenter en situations didactiques. Si une telle tentative ne peut pas se faire
en terme d'étapes pratiques de leçon à mettre en oeuvre, elle peut tout au moins se faire en
termes de principes à adapter au gré des situations pédagogiques.

II.2.9. Les principes de la démarche interculturelle

Les principes de la démarche interculturelle telles que envisagées dans la fiche de lecture de
Clément (2001) sont au nombre de quatre, à savoir se décentrer, se mettre à la place des
autres, coopérer et Comprendre comment l'autre perçoit la réalité et comment l'autre me
perçoit. Ces principes sont ci-dessous explicités.

Se décentrer signifie jeter sur soi et sur son groupe un regard extérieur. L'objectif est
d'apprendre à objectiver son propre système de références, à s'en distancier (sans pour autant
le récuser) et donc à admettre l'existence d'autres perspectives.

Se mettre à la place des autres, c'est développer des capacités empathiques : se mettre à la
place des autres, se projeter dans une autre perspective. Appréhender une culture, c'est
dépasser une vision parcellaire et ne pas la réduire à une énumération de faits et de
caractéristiques culturels, ne pas classer, ne pas généraliser.

Coopérer signifie dépasser les préjugés, faire la démarche d'essayer de comprendre l'autre.

Comprendre comment l'autre perçoit la réalité et comment l'autre me perçoit implique


apprendre à décoder correctement les messages émis. Pour cela, il est nécessaire de connaître
un certain nombre de données quant à la grille de comportement de son interlocuteur.

Tels sont les principes de la démarche interculturelle que nous vivons déjà quotidiennement,
et cela le plus souvent malgré nous, dans des interactions linguistiques, culturels ou tout
simplement humaines qui nous frustrent, nous aliènent, provoquent des rejets ou des replis
sur soi ou dan le meilleur des cas nous valorisent, mais toujours au détriment d'un autre. Dès
lors, pour tirer le meilleur profit des contacts et échanges interculturels, il serait mieux non
seulement de les circonscrire dans leurs lieux d'incrustation, mais aussi et surtout d'envisager
leur gestion dans les milieux sociaux où ils sont autrement récurrents tels que la classe de
langue. C'est la justesse de ce cadre qui est en effet un des lieux privilégiés d'exploration,
d'expérimentation et d'application de la démarche interculturelle qui fonde les hypothèses
sous-tendant la présente étude.

II.3. LES HYPOTHESES DE L'ETUDE


Cette étude pose une question centrale à laquelle répondent des hypothèses qui sont des
affirmations provisoires dont l'acceptation ou le rejet dépend de leur vérification.

II.3.1. L'hypothèse générale

En tant que principale réponse du chercheur à la question centrale de l'étude, l'hypothèse


générale de l'étude est libellée en ces termes :

La compétence interculturelle de l'enseignant a un impact significatif sur son efficacité


didactique en classe de langue.

C'est cette hypothèse générale qui éclate en hypothèses de recherche.

II.3.2. Les hypothèses de recherche

De l'hypothèse générale de cette étude découlent les hypothèses secondaires.

a) L'hypothèse de recherche n°01 

Plus un enseignant est compétent sur le plan interculturel, plus il l'est aussi sur le plan
de la didactique théorique de la langue (c'est-à-dire en ce qui concerne la maîtrise des
connaissances méthodologiques).

b). L'hypothèse de recherche n°02

Plus un enseignant est compétent sur le plan interculturel, plus il est efficace sur le plan
de la didactique pratique en classe de langue (c'est-à-dire en ce qui concerne la
transmission des connaissances en situation d'enseignement).

C'est des hypothèses de recherche que découlent les variables de recherche.

II.4. LES VARIABLES DE RECHERCHE

Les variables de cette étude sont bien sûr de deux ordres, à savoir la variable indépendante
qui est la compétence interculturelle et la variable dépendante qui est l'efficacité
didactique en classe de langue. Pour une meilleure compréhension des paramètres de
l'étude, les variables doivent être présentées en termes d'indicateurs mesurables avec des
modalités claires pour la faisabilité et l'opérationnalité des enquêtes.

II.4.1. La variable indépendante

Elle est la compétence interculturelle de l'enseignant. Elle a trois modalités :

- Grande compétence (plus de 06 réponses justes sur 12) ;

- Compétence moyenne (entre 05 et 06 réponses justes sur 12) ;


- Compétence insuffisante (moins de 05 réponses justes sur 12).

Ces réponses correspondent à la première partie de questions de l'instrument de recherche,


celle qui contient les questions 5 à 16 et qui mesure la richesse, le niveau, la valeur ou la
qualité de la culture de l'enseignant.

II.4.2. La variable dépendante

Elle est l'efficacité de l'action didactique. Elle a deux formes selon qu'il s'agisse de


l'hypothèse de recherche n°01 ou de l'hypothèse de recherche n°02.

a) La variable dépendante de l'hypothèse de recherche n°01

Elle est l'efficacité sur le plan théorique ou plan de la maîtrise des connaissances
méthodologiques avec trois modalités :

- Grande maîtrise (plus de 06 réponses justes sur 09) ;

- Maîtrise moyenne (entre 05 et 06 réponses justes sur 09) ;

- Maîtrise insuffisante (moins de 05 réponses justes sur 09).

Ces réponses correspondent à la deuxième partie de l'instrument de recherche qui va des


questions 17 à 25 et qui permet de mesurer le niveau de culture de l'enseignant sur le plan de
la didactique théorique.

b) La variable dépendante de l'hypothèse de recherche n°02

Elle est l'efficacité sur le plan de la didactique pratique, l'efficience perçue dans le


rendement pédagogique mesuré en terme de résultats scolaires. Elle a trois modalités : 

- Grande efficacité (bons résultats : pourcentages de réussite supérieurs à 46 %) ;

- Efficacité moyenne (résultats moyens : pourcentages de réussite supérieurs à 30 % et


inférieurs ou égaux à 46 %) ;

- Efficacité insuffisante (mauvais résultats : inférieurs ou égaux à 30 %).

Ces résultats sont obtenus à partir de la troisième partie du questionnaire intitulée « Les


résultats des élèves » et essentiellement constituée de la question 26. Le découpage des
données y répond à un souci d'équilibre devant faciliter leur comparaison. Toutes ces
données sont synthétisées dans le tableau ci-dessous.

Tableau n°01 : Synopsis des hypothèses, variables, indicateurs et modalités

Hypothèses Variables Indicateurs Modalités


Hypothèse de recherche
générale
La Plus un Variable Les Grande compétence
compétence enseignant indépendante performances
interculturelle est compétent obtenues au (07 à 12 réponses
de l'enseignant sur le plan Compétence questionnaire justes)
a un impact interculturel, interculturelle de recherche Compétence
significatif sur plus il l'est moyenne(05 et 06
son efficacité aussi sur le réponses justes)
didactique en plan de la
Compétence
classe de
langue
didactique
théorique de Mesure insuffisante (00 à 04
la langue réponses justes)

(12 questions :

Q 05-Q16)
Variable dépendante Les Grande maîtrise
performances
Efficacité en obtenues au (07 à 09 réponses
didactique théorique questionnaire justes)
de recherche Maîtrise

Moyenne ( 05 et 06
Mesure réponses justes)
Maîtrise insuffisante

(09 questions : (00 à 03 réponses


justes)
Q17-Q25)
Plus un Variable Les Grande compétence
enseignant indépendante performances
est compétent obtenues au (09 à 12 réponses
sur le plan Compétence questionnaire justes)
interculturel, interculturelle de recherche Compétence
plus il est moyenne(05 à 08
efficace sur le réponses justes)
plan de la
Compétence
didactique
pratique en Mesure insuffisante (00 à 04
classe de réponses justes)
langue
(12 questions :

Q 05-Q16)
Variable dépendante Les Grande efficacité
performances
Efficacité en obtenues en (Bons résultats :
didactique pratique classe en fin supérieurs à 46 %)
(résultats des élèves) d'année à la Efficacité moyenne
(Résultats moyens :
supérieurs à 30% et
inférieurs ou égaux à
46 %)
dernière Efficacité
séquence insuffisante(Mauvais
résultats :
Mesure inférieurs ou égaux à
30 %)
Ce sont ces hypothèses qui orientent
(01laquestion :
définitionQ26)
de la démarche méthodologique adoptée
pour l'étude.

DEUXIEME PARTIE :

LE CADRE METHODOLOGIQUE

CHAPITRE III : LA METHODOLOGIE DE L'ETUDE

D'emblée, la recherche sur le rapport pouvant exister entre la compétence interculturelle et


l'efficacité de l'action didactique en classe de langue peut être considérée comme une étude
empirique qualitative. Pourtant, après avoir défini les paramètres qui permettent d'en mesurer
les variables, du moins pour ce qui est des indicateurs, l'étude se révèle être une recherche
empirique quantitative. Dès lors, pour la mener sur le terrain, il faut décrire toute la
démarche qui indique le type et le modèle de recherche adoptés, la population et l'échantillon
de l'étude, l'instrument de collecte des données, la procédure de collecte de données et la
méthode par laquelle elles seront analysées.

III.1. LE TYPE ET LE MODELE DE RECHERCHE

Cette étude est une recherche de type appliqué fondée sur le modèle exploratoire. En effet,
elle explore les voies de résolution d'un problème réel en classe de langue aujourd'hui, celui
de la compétence interculturelle de l'enseignant par rapport à son efficacité didactique. Un tel
problème est bien d'actualité au regard de l`hétérogénéité identitaire, de « l'hétéroculture »
( Marmoz et Derrij, 2001:49) ou métissage culturel, du multiculturalisme et de la
mondialisation qui caractérisent les textes littéraires francophones contemporains.

III.1.1. Une recherche appliquée

Cette recherche est de type appliqué parce qu'il ne s'agit pas d'une simple curiosité. Le
chercheur ne voudrait pas juste savoir pour savoir, mais il cherche des solutions à un
problème concret. Il s'agit de voir si la compétence interculturelle de l'enseignant de langue
française a un impact sur sa capacité à exploiter de manière efficiente les textes trop métissés
sur le plan culturel, exploitation devant permettre une meilleure conduite des activités
d'enseignement/apprentissage d'une part et d'autre part une meilleure acquisition
/appropriation des savoirs linguistiques et partant de la langue.

III.1.2. Le modèle exploratoire

Ce travail de recherche suit le modèle exploratoire ou « ex-post-facto », parce que les


enseignants qui en sont les sujets n'y sont pas impliqués dans un processus expérimental. Ils
ne sont pas engagés dans une expérimentation. Seul un questionnaire conçu en partie comme
épreuve et en partie comme grille de collecte des pourcentages de réussite permet de mener
les investigations sur le terrain, et donc de collecter auprès des sujets retenus au sein de la
population de l'étude les informations nécessaires à la vérification des hypothèses.

III.2. POPULATION ET ECHANTILLON DE RECHERCHE

III.2.1.La population de recherche

La population de recherche est constituée de tous les enseignants de français exerçant dans la
province de l'Ouest, soit approximativement 410 enseignants recensés dans les secteurs
public et privé.

Tableau N° 02 : La population de l'étude

Contractuels I.E.G. IPEG Diplômés PCEG PLEG Total


Grade Département
(Bacheliers,...) Ens. Sup. PENIA PENI
Bamboutos 04 09 02 06 08 27 56
Haut-Nkam 04 08 03 05 06 23 49
Hauts-Plateaux 04 04 02 05 08 14 37
Koung-Khi 02 07 01 03 04 14 31
Menoua 01 12 04 10 17 41 85
Mifi 02 06 03 12 12 35 70
Ndé 07 05 03 04 11 18 48
Noun 04 04 03 04 03 16 34
Total 28 55 21 49 69 188 410

Légende :

Contractuels : il s'agit généralement des bacheliers et autres titulaires de licences


d'enseignement exerçant dans le secteur public et n'ayant pas encore l'ancienneté requise
pour être intégré dans un corps. On peut penser aux 1700 Diplômés de l'enseignement
supérieur qui ont été recrutés il y a de cela quelques temps. Leur trait caractéristique est
qu'ils n'ont pas été dans une école normale. Ils sont donc proches de ceux du privé.

I.E.G.  : Instituteur de l'Enseignement Général

IPEG  : Instituteur Principal de l'Enseignement Général

Dipômés Ens. Sup. : Diplômés de l'Enseignement Supérieur (Enseignants du Secondaire


privé).

PCEG : Professeur des Collèges d'Enseignement Général

PENIA  : Professeur d' Ecole Normale d'Instituteurs-Adjoints, (aujourd'hui appelé PAENI)

PLEG  : Professeur des Lycées d'Enseignement Général

PENI  : Professeur d'Ecole Normale d'Instituteurs

Si les effectifs des enseignants sont clairement arrêtés dans les établissements scolaires du
secteur public, ce n'est pas le cas pour le privé où les choses sont parfois moins précises, à
cause de la suspicion constante qui règne entre les promoteurs et leurs employés pour ce qui
est de leurs droits sociaux. Il s'agit d'un aspect du problème qui concerne prioritairement les
diplômés de l'enseignement supérieur. Néanmoins, au bout du compte, nous avons considéré
les chiffres qui nous ont été donnés.

III.2.2.L'échantillon de recherche

L'échantillon de recherche, partie de la population sur laquelle les enquêtes ont été
effectivement menées, est constitué de 205 sujets, soit la moitié des enseignants de français
exerçant dans la province de l'Ouest. Cet échantillon constitue en effectif les 50 % de la
population. Il est par conséquent assez représentatif des catégories d'enseignants existant au
sein de la population. Ainsi, les Contractuels, les I.E.G., les IPEG, les professeurs diplômés
de l'enseignement supérieur (licenciés, maîtrisards, ...), les PCEG/PENIA (PAENI) et les
PLEG/PENI y sont largement représentés. Il en est de même, pour les huit départements de
la province.

Pour obtenir cet échantillon, un quota a été défini par département, à savoir 35 sujets pour le
départements ayant au moins 50 enseignants et 20 pour ceux des départements ayant moins.
Il s'est agi d'un échantillonnage orienté, démarche que Grawitz (2001 :535)
appelle méthode de sondage par « choix raisonné », des quotas ayant été définis dès le
départ par département afin que la représentativité des diverses catégories au sein de la
population soit effectivement assurée. En effet, précise-t-elle,

le choix dont il est question ne met en jeu qu'un raisonnement empirique,sans aucune
rigueur scientifique.[...] On choisira les individus de l'échantillon de façon à ce que celui-ci
reproduise les caractéristiques de la population totale.

Afin de respecter ces exigences et dans le but d'atteindre effectivement les quotas définis au
départ, la descente dans les centres d'examen a été d'une très grande utilité, même si l'accès
aux correcteurs n'était pas toujours facile. Enfin, au sein des sous-échantillons que
constituent les quotas par département, le choix des sujets a été accidentel. En effet, seule
la présence de l'enseignant dans le centre de correction des examens du secondaire justifiait
qu'il soit retenu dans l'échantillon de l'étude. Et ainsi, dès que le nombre de questionnaires
correspondant au quota défini pour un département était atteint, le choix des sujets s'arrêtait.
Mais, le souhait constant restait d'atteindre le maximum d'enseignants possible. Telle est la
démarche qui a permis de définir l'échantillon de l'étude qui se présente ainsi que nous le
voyons ci-dessous.

Tableau N° 03 : L'échantillon de recherche

Contractuels I.E.G. IPEG Diplômés PCEG PLEG Total


Grade Département
Ens. Sup. PENIA PENI
1. Bamboutos 03 06 02 02 07 15 35
2. Haut-Nkam 02 02 03 02 02 09 20
3. Hauts-Plateaux 02 01 02 02 03 10 20
4. Koung-Khi 01 06 01 02 02 08 20
5. Menoua 01 06 04 02 06 16 35
6. Mifi 02 05 02 03 08 15 35
7. Ndé 04 02 03 01 03 08 20
8. Noun 04 02 03 01 02 05 20
Total 19 31 21 15 33 86 205

C'est à cet échantillon que l'instrument de recherche a été passé.

III.3. L'INSTRUMENT DE COLLECTE DE DONNEES

La conception de l'instrument de collecte de données dans le cadre de cette étude suit deux
phases principales dont la première est l'élaboration du questionnaire et la seconde sa
validation.

III.3.1. L'élaboration du questionnaire

Pour ce qui est de l'instrument, il consiste en une batterie de 26 questions pour la plupart


fermées et divisées en deux grandes parties dont la première porte sur l'identité des
répondants et la seconde sur les questions proprement dites.

A. L'identité du répondant

La première partie, à savoir l'identité du répondant, est constituée de 04 questions fermées


concernant le sexe, le niveau académique, le niveau professionnel et l'ancienneté des
répondants dans l'exercice de la fonction enseignante.
B. Les questions

Cette partie du questionnaire est constituée de trois groupes de questions correspondant à des
paramètres précis recherchés. Elles sont réparties ainsi qu'il suit :

- 12 portent sur les connaissances sémiolinguistiques du répondant avec des colorations


littéraire (05, 06, 07 et 16), socioculturelle ou anthropologique (09, 13 et 15) et linguistique
(10, 11,12 et 14). Elles permettent de mesurer la compétence interculturelle des répondants.

- 09 portent sur les connaissances méthodologiques (17, 18, 22, 24 et 25) et critiques (19, 20,
21 et 23) du répondant. Elles permettent de mesurer la compétence des répondants en
didactique théorique.

- et 01 (26) porte sur les performances (les résultats de) des élèves et donc sur la compétence
des répondants en didactique pratique.

Ces groupes de questions permettent ainsi d'apprécier de manière assez précise la


compétence interculturelle des répondants ainsi que leur efficacité en didactique pratique.
Par ailleurs, sans être une évaluation systématique des programmes scolaires, cette batterie
de questions est conçue selon les principales exigences du modèle d'évaluation des
programmes scolaires de Provus (1971) ci-dessous synthétisé (Nadeau, 1981).

Tableau N°4 : Synthèse du modèle d'évaluation de Provus

Définition But Insistance Evaluateur Types Construits


Auteur
majeure d'évaluation proposés
Provus Comparer Pour Identifier (Membre 1. Projet 1. Concept de
la perfor- déterminer si des écarts de l'équipe) l'écart
mance à on doit entre les 2.
des améliorer, standards Installation 2. Rétroaction
standards maintenir, ou en utilisant et révision des
terminer un l'approche 3. Processus objectifs et /
programme par équipe ou des
éducatif 4. Produit programmes

(5. Coût)
NB : Les données mises entre parenthèses sont celles qui ne correspondent pas de manière
exacte aux visées de la présente étude ou évaluation et encore moins à sa démarche
exploratoire. Par conséquent, le questionnaire de recherche ici utilisé, en tant que instrument
de collecte de données, prend en compte les données mises en gras.

III.3.2. La validation du questionnaire

Au départ constitué de questions ouvertes, les réponses à la première mouture du


questionnaire distribué à une dizaine d'enseignants ont permis de cibler et de sélectionner les
réponses possibles au niveau de chaque question. A partir de là, les questions ont été
reformulées en questions fermées et la validation de l'instrument de recherche, après contrôle
des directeurs de recherche, a consisté en une pré-enquête qui a permis de cibler les lacunes à
la fois de forme et de fond à corriger avant la collecte définitive des données. Cette pré-
enquête a concerné 58 enseignants exerçant dans le département des Bamboutos. Elle a
permis de codifier les réponses afin de faciliter leur traitement.

Après la reformulation des questions en questions fermées, la deuxième tâche au cours de


laquelle nos directeurs de recherche nous ont assisté et nous ont apporté bien de conseils
judicieux et des réaménagements, surtout en ce qui concerne la disposition et la
numérotation des questions, a consisté en la codification de tout le questionnaire, ceci
toujours pour en faciliter le traitement.

III.3.3. La collecte des données

La collecte des données a eu lieu pendant la correction des examens officiels. En effet, les
centres de correction des examens étant des lieux de regroupement d'enseignants, les
contacter devenait plus facile, même si la récupération ne l'était pas autant. Tous les centres
de correction des chefs lieux des huit départements de la Province de l'Ouest ont été
parcourus presque toutes les semaines au cours des mois de Juin et Juillet 2005.

Au niveau de chaque centre de correction d'examens, des personnes relais sûres ont été
contactées pour rester collecter les exemplaires de questionnaire remplis par les répondants.
Généralement, il s'agissait de responsables peu impliqués dans les examens officiels et par
conséquent plus disponibles ou d'enseignants régulièrement présents dans les centres
d'examens sans être trop occupés.

Les enseignants étant aujourd'hui des personnes naturellement difficiles et peu disponibles, il
fallait soit être après eux tous les jours pour leur rappeler qu'ils devaient remettre les
questionnaires remplis, soit mettre des collègues derrière eux pour les récupérer. Seule cette
témérité a permis la récupération de 168 questionnaires plus ou moins bien remplis sur les
205 distribués et dont le mode de traitement est ci-dessous présenté.

III.4. METHODE DE TRAITEMENT ET D'ANALYSE DES


DONNEES

III.4.1. La méthode de traitement de données.

Pour des besoins de précision, le traitement des données a été confié à un informaticien
statisticien. Ce dernier a soigneusement fait ce travail au moyen d'un programme de
traitement indiqué à cet effet. Il s'agit du SPSS, c'est-à-dire le Statistical Package for Social
Sciences. Pour ce faire, les données ont d'abord été saisies de manière brute avec un total de
168 sujets sur les 205 qui constituaient l'échantillon de l'étude, soit un pourcentage de
récupération de 81,95 %. Ces données ont été analysées toujours au moyen du même
programme S.P.S.S.

Afin de les analyser, les données ont été re-codifiés. Les questions ont alors subi une
nouvelle organisation permettant d'attribuer des codes chiffrés tant aux réponses justes
qu'aux réponses fausses. Il en découle que les réponses justes sont codifiées par le chiffre 1
et les réponses fausses par le chiffre 0 pour ce qui est des questions qui décrivent les
compétences interculturelle et didactique. Il en découle aussi que pour les questions 5, 7, 13
à 15, 17 à 24, la réponse 3 correspond à 1 et les réponses 1, 2, 4 correspondent à 0. Par
ailleurs, pour les questions 6, 8 et 16, la réponse 4 correspond à 1 et les réponses 1, 2 et 3 à 0.
De même, pour les questions 8, 9, 10 et 25, la réponse 2 correspond à 1 et les réponses 1, 3 et
4 à 0. Enfin, pour la question 11, la réponse 1 correspond à 1 et les réponses 2, 3 et 4
correspondent à 0.

Pour ce qui est des compétences, elles ont été codifiées CIC pour la compétence
interculturelle (Questions n°5 à n°16) et CME pour la compétence méthodologique ou
didactique (Questions n°17 à n°25). Enfin, pour ce qui est de l'efficacité en didactique
pratique, c'est-à-dire les résultats des élèves, le regroupement en trois groupes a été effectué,
à savoir jusqu'à 30 % pour les enseignants les moins efficaces, de 30.01 % à 46 % pour les
moyennement efficaces et à partir de 46.01 % pour les plus compétents. Les compétences
interculturelle et méthodologique ont donc été mesurées selon les dispositions clairement
définies. Toutes les données traitées proviennent des 168 exemplaires de questionnaire
récupérés auprès des sujets de l'échantillon. Autant de données qui devraient être analysées
au moyen d'un outil statistique approprié.

II.4.2. L'outil statistique

L'outil statistique choisi pour cette étude est constitué d'une part des pourcentages et d'autre
part du test de khi-deux qui permet de voir si le rapport qui existe entre les variables
constituant les hypothèses est significatif, c'est-à-dire plus simplement de vérifier le degré
d'indépendance qui existerait entre les variables explicatives (indépendantes) et les variables
expliquées (dépendantes). La formule de calcul de ce test d'hypothèse est la suivante :

X² = (fo- fe)² / fe

X² = Khi-deux

= somme

fo = fréquence observée

fe = fréquence théorique

Sur la base des valeurs du Khi-deux calculées et lues sur la table conventionnelle par rapport
à un seuil de signification choisi, les conclusions suivantes peuvent être tirées :

- si la valeur calculée du x² est inférieure à sa valeur lue, alors la variable indépendante n'a
pas un effet significatif sur la variable dépendante. Par conséquent, l'hypothèse nulle est
acceptée et l'hypothèse de recherche rejetée.

- si la valeur calculée du x² est supérieure à sa valeur lue, alors la variable indépendante a un


effet significatif sur la variable dépendante. Par conséquent, l'hypothèse nulle est rejetée et
l'hypothèse de recherche acceptée.

Les données collectées ont été traitées suivant trois grilles de lecture, à savoir celle de
Pearson, le « Likelihood Ratio » et le « Mantel-Haenszel test for linear association ». Nous
avons prioritairement opté pour celle de Pearson, la première dans l'ordre de présentation des
résultats par le SPSS. Telle est la démarche méthodologique qui permet de synthétiser et de
présenter de manière succincte les résultats des investigations menées sur le terrain.

TROISIEME PARTIE :

LES RESULTATS DE L'ETUDE


CHAPITRE IV : LA PRESENTATION
DESCRIPTIVE DES DONNEES
Au terme du traitement et de l'analyse des données au moyen du SPSS et lues à travers trois
grilles qui donnaient sensiblement les mêmes résultats, à savoir la grille de Pearson, le
« Likelihood Ratio » et le « Mantel-Haenszel test for linear association », seuls 168
questionnaires ont été récupérés sur les 205 distribués, soit un pourcentage de récupération
de 81.95 %. Il s'agit à présent de les répartir dans des tableaux de fréquences suivant les
items qui constituaient les questions, puis de les commenter. Mais avant la répartition et
l'analyse qui seront faites dans l'optique de la grille de Pearson, il convient de décrire
préalablement les sujets qui ont effectivement répondu au questionnaire.

IV.1. LES CARACTERISTIQUES DES SUJETS

Les caractéristiques des sujets sont de quatre ordres, à savoir le sexe, le niveau académique,
le niveau professionnel et l'ancienneté dans l'exercice de la profession. Chaque
caractéristique a été analysée séparément au regard de l'effectif des sujets ayant répondu au
questionnaire.

IV.1.1. Le sexe

Pour ce qui est du sexe des répondants, la configuration se présente telle que nous le voyons
dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 05 : Répartition des répondants selon le sexe

Effectif Pourcentage
Sexe / Fréquence
Masculin 127 77
Féminin 38 23
Total 165 100
Sur les 168 sujets qui ont effectivement répondu au questionnaire, 03 n'ont pas donné leur
sexe. Sur les 165 qui l'ont fait, 127 sont de sexe masculin et 38 de sexe féminin. La
population de l'étude est donc en majorité masculine.

IV.1.2. Le niveau académique

Pour ce qui est du niveau académique des répondants, seul le niveau de formation
académique permet de le définir. Au regard des critères choisis, la distribution des sujets se
présente telle que nous le voyons dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 06 : Répartition des répondants selon le niveau académique

Effectif Pourcentage
Niveau académique / Fréquence
Moins de la licence 36 22.8
Licence et plus 122 77.2
Total 158 100.0

Sur un total de 168 sujets ayant effectivement répondu au questionnaire, 10 sujets n'ont pas
donné leur niveau académique. Sur les 158 qui l'ont fait, 36 ont moins de la licence et 122
ont au moins la licence.

IV.1.3. Le niveau professionnel

La répartition des sujets selon leur niveau professionnel se présente ainsi que nous le voyons
dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 07 : Répartition des répondants selon leur niveau professionnel

Effectif Pourcentage
Niveau professionnel / Fréquence
CAPI ou équivalent 42 28.6
DIPES I et II ou équivalent 105 71.4
Total 147 100.0

Sur un total de 168 sujets ayant effectivement répondu au questionnaire, 21 sujets n'ont pas
donné leur niveau professionnel. Sur les 147 qui l'ont fait, 42 ont le CAPI ou son équivalent
et 105 ont le DIPES I et II ou leur équivalent (DIPEN I / DIPEN II).

IV.1.4. L'ancienneté au service

La répartition des sujets selon leur ancienneté au service se présente ainsi que nous le voyons
dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 08 : Répartition des répondants selon l'ancienneté au service


Effectif Pourcentage
ancienneté professionnelle / Fréquence
Moins de 10 ans 58 35.4
10 ans et plus 106 64.6
Total 164 100.0

Sur un total de 168 sujets ayant effectivement répondu au questionnaire, 04 sujets n'ont pas
donné leur ancienneté professionnelle. Sur les 164 qui l'ont fait, 58 ont moins de 10 ans de
service et 106 ont au moins 10 ans de service, c'est-à-dire 10 ans et plus.

IV.2. LA COMPETENCE INTERCULTURELLE

La compétence interculturelle a été mesurée à partir des 12 questions qui constituaient la


première rubrique du questionnaire, hormis les questions sur l'identité des répondants. Les
résultats obtenus peuvent être présentés de deux manières, à savoir d'après le nombre de
réponses justes et d'après le regroupement selon les niveaux de compétence définis dès le
départ.

IV.2.1. La répartition des sujets d'après le nombre de réponses justes obtenues

La répartition des sujets se fait suivant le nombre de réponses justes obtenues.

Tableau n° 09 : Répartition des sujets d'après le nombre de réponses justes obtenues

Effectif Pourcentage Pourcentage


Fréquence
cumulé
Niveau de compétence ou

nombre de réponses justes


00 01 0.6 0.6
01 02 1.2 1.8
02 11 6.5 8.3
03 13 7.7 16.1
04 23 13.7 29.8
05 35 20.8 50.6
06 21 12.5 63.1
07 25 14.9 78.0
08 12 7.1 85.1
09 17 10.1 95.2
10 08 4.8 100.0
11 00 0.0 /
12 00 0.0 /
Total 168 100.0 100.0

A l'analyse du tableau n°09, on constate qu'un seul sujet n'a absolument rien trouvé, qu'aucun
sujet n'a obtenu 11 ou 12 réponses justes 03 et que les sujets sont beaucoup plus concentrés
entre 04 et 07 réponses justes.

IV.2.2. Le regroupement des sujets d'après les niveaux de compétence

interculturelle

Les sujets ont été regroupés en trois groupes distincts pour figurer les niveaux de
compétence : les enseignants à la compétence insuffisante, ceux qui ont une compétence
moyenne et ceux qui ont une grande compétence.

Tableau n° 10 : Regroupement des sujets d'après les niveaux de compétence interculturelle

Effectif Pourcentage
Fréquence

Nombre de réponses justes

ou Niveaux de compétence
00 à 04 50 29.8

(Compétence insuffisante)
05 à 06 56 33.3

(Compétence moyenne)
07 à 12 62 36.9

(Grande compétence)
Total 168 100.0

A l'analyse du tableau n°10, on constate que dans le regroupement, le programme statistique


a reconnu les 168 sujets. Par ailleurs, les peu compétents sont au nombre 50, soit 29.8 %, les
moyennement compétents au nombre de 56, soit 33.3 % et les très compétents au nombre de
62, soit 36.9 %.

IV.3. LA COMPETENCE METHODOLOGIQUE

La compétence méthodologique a été mesurée à partir des 09 questions qui constituaient la


deuxième rubrique du questionnaire, hormis les questions sur l'identité des répondants. Les
résultats obtenus sont présentés de deux manières, à savoir d'après le nombre de réponses
justes et d'après le regroupement selon les niveaux de compétence.

IV.3.1. La répartition des sujets d'après le nombre de réponses justes obtenues


La répartition des sujets se fait suivant le nombre de réponses justes obtenues par chacun
d'eux. Le regroupement statistique permet de mettre ensemble ceux qui ont le même nombre
de réponses justes.

Tableau n° 11 : Répartition des sujets d'après le nombre de réponses justes obtenues

Effectif Pourcentage Pourcentage


Fréquence
cumulé
Niveau de compétence ou

Nombre de réponses justes


00 00 0.0 0.0
01 03 1.8 1.8
02 17 10.1 11.9
03 22 13.1 25.0
04 31 18.5 43.5
05 28 16.7 60.1
06 27 16.1 76.2
07 22 13.1 89.3
80 16 9.5 98.8
09 02 1.2 100.0
Total 168 100.0 100.0

A l'analyse du tableau n°11, on constate qu'aucun sujet n'a obtenu zéro réponse juste, que
trois sujets ont obtenu une seule réponse juste, que les sujets sont beaucoup plus concentrés
entre 02 et 08 réponses justes et 02 sujets ont obtenu 09 réponses justes sur 09.

IV.3.2. Le regroupement des sujets d'après les niveaux de maîtrise des

connaissances méthodologiques

Les sujets ont été regroupés en trois catégories distinctes pour figurer les niveaux de
compétence méthodologique, à savoir la grande maîtrise, la maîtrise moyenne et la maîtrise
insuffisante des connaissances. Le programme statistique a d'ailleurs procédé à une re-
codification des données pour les équilibrer dans les regroupements.

Tableau n° 12 : Regroupement d'après la maîtrise des connaissances méthodologiques

Effectif Pourcentage
Fréquence

Nombre de réponses justes ou (Niveaux de compétence)


00 à 04 73 43.5
(Maîtrise insuffisante)
05 à 06 55 32.7

(Maîtrise moyenne)
07 à 09 40 23.8

(Grande maîtrise)
Total 168 100.0

A l'analyse du tableau n°12, on constate que dans le regroupement, le programme statistique


a reconnu les 168 sujets. Par ailleurs, les peu compétents (maîtrise insuffisante) sont au
nombre de 73, soit 43.5 %, les moyennement compétents (maîtrise moyenne) au nombre de
55, soit 32.7 % et les très compétents (grande maîtrise) au nombre de 40, soit 23.8 %. La
compétence méthodologique correspond ainsi à la maîtrise de la didactique théorique, par
opposition à la didactique pratique qui se mesure à travers les résultats des élèves aux
évaluations de fin d'année.

IV.4. LES RESULTATS SCOLAIRES

Les résultats des élèves qui sont révélateurs du niveau d'acquisition des connaissances par les
élèves peuvent impliquer un certain degré d'efficacité de l'enseignant dans la transmission
des connaissances. Ces résultats vont d'abord être décrits et présentés de manière brute. Puis,
des regroupements vont être opérés à partir des niveaux d'efficacité.

IV.4.1. La description des résultats

Obtenus à partir du traitement de la question 26, les résultats des élèves correspondent aux
pourcentages de réussite obtenus par les enseignants dans une classe de leur choix au cours
de l'examen de sixième séquence de l'année scolaire 2004/2005. Le choix de cette séquence
relève du fait qu'elle correspond à l'évaluation de fin d'année, donc à l'évaluation sommative
annuelle.

IV.4.2. Le regroupement d'après les niveaux d'efficacité

Le regroupement se fait par rapport aux niveaux d'efficacité. C'est dire que les enseignants
qui ont les mêmes résultats se retrouvent dans la même catégorie.

Tableau n° 13 : Regroupement des sujets d'après les niveaux d'efficacité

Effectif Pourcentage
Niveaux d'efficacité / Fréquence
Efficacité insuffisante (Résultats inférieurs ou égaux à 30 %) 57 34.5
Efficacité moyenne (Résultats supérieurs à 30 % et égaux à 46 %) 50 30.3
Grande efficacité 50 35.2
(Résultats supérieurs à 46 %)
Total 165 100.0

Au regard des données du tableau n°13, on peut constater que le programme statistique a
équilibré les effectifs des cases pour une bonne vérification des hypothèses et une meilleure
interprétation des résultats. Néanmoins, on devrait observer que les 64.8 % des résultats,
constituant la somme des données des deux premières cases (efficacité insuffisante et
moyenne), sont inférieurs ou égaux à 46 %. Il s'agit des résultats des élèves de plus de la
moitié des sujets. Une telle situation donne à réfléchir d'une part sur le niveau des élèves et
d'autre part sur les rapports qui pourraient exister entre leurs performances et la capacité des
enseignants à leur transmettre les connaissances de manière efficace. On ne peut en avoir une
idée claire qu'en procédant à la vérification des hypothèses de recherche.

CHAPITRE V : LA VERIFICATION DES HYPOTHESES

ET L'INTERPRETATION DES RESULTATS

La vérification des hypothèses de recherche est le processus par lequel ces dernières,
préalablement formulées au niveau du cadre théorique de l'étude, sont confirmées ou
infirmées. Ici, ces hypothèses qui découlent de l'hypothèse générale selon laquelle « La
compétence interculturelle de l'enseignant a un impact significatif sur son efficacité
didactique en classe de langue » vont être vérifiées au moyen des différents calculs
statistiques faits dans le même programme statistique qui a permis de traiter les données, à
savoir le statistical package for social sciences. A la suite de la vérification des hypothèses,
les implications des résultats vont être dégagées, les limites et les perspectives de l'étude
relevées et des suggestions et recommandations faites dans le but de résoudre le problème
posé par l'étude et par conséquent d'améliorer la situation étudiée.

V.1. LA VERIFICATION DES HYPOTHESES

Les deux hypothèses de recherche vont être vérifiées au moyen d'un test d'hypothèse
approprié aux associations linéaires, à savoir le khi-carré de Pearson. Ce dernier a été choisi
même comme la vérification a été également faite avec le test de Mantel-Haenszel et le
Likelihood ratio. A cet effet, le seuil de signification choisi est de 0.00000 et le nombre de
degrés de liberté de 4. Voilà les paramètres qui vont nous permettre de procéder à
l'association des variables et puis à l'interprétation des résultats obtenus au niveau de chaque
hypothèse.

V.1.1. Compétence interculturelle et compétence méthodologique

L'hypothèse de recherche N°01 est la suivante : Plus un enseignant est compétent sur le


plan interculturel, plus il l'est aussi sur le plan de la didactique théorique de la langue
(c'est-à-dire en ce qui concerne la maîtrise des connaissances méthodologiques).

L'hypothèse alternative N°01est la suivante : Il existe une relation significative entre la


V.2.1. Au niveau des caractéristiques des sujets
V.2.2. Au niveau de la compétence interculturelle
V.2.3. Au niveau de la compétence méthodologique
V.2.4. Au niveau des résultats des élèves
V.3. Les limites et les perspectives
V.3.1. La conception générale de l'étude
V.3.2. La conduite des enquêtes
V.3.3. Une meilleure saisie de la compétence interculturelle
V.3.4. Une mesure plus réelle de la compétence interculturelle
V.4. Les suggestions et recommandations
V.4.1. La multiplication des moyens d'acquisition de la compétence interculturelle
V.4.2. La formation des enseignants à l'interculturel
V.4.3. La mise en oeuvre effective de la compétence interculturelle en classe
V.4.4. La sémio-didactique revue
V.4.5. La compétence interculturelle au service de l'éducation

CONCLUSION GENERALE

BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

Le Maroc demeure un pays de la diversité, de l’ouverture et de l’interculturel. Le champ de la production


symbolique est marqué par une pluralité de codes linguistiques et culturels qui se sont succédé depuis
l’antiquité. La stabilité assurée par l’héritage des dynasties, la prééminence de la diplomatie et l’essor du
commerce favorisent cette interculturalité. Ce champ culturel est irrigué par des affluents multiples :
l’amazighité, l’arabité, l’islamité, l’africanité et de l’occidentalité. En outre, « l’interculturalité va généralement
de pair avec l’interlingualité » (Boukous ,1995 : 176)
   Dans le cadre de l’enseignement/apprentissage du FLE au Maroc, nous soulignons que Le MEN
(1987,1994, 2005,2007,2008), favorise l’ouverture sur d’autres langues et d’autres cultures. Ces documents
officiels ont constamment manifesté leur volonté de suivre l’évolution de la recherche en didactologie
/didactique des langues et des cultures étrangères. Cette communication vise la possibilité d’enseigner la
compétence interculturelle au Maroc. Partant de la situation linguistique et culturelle qui caractérise le pays,
les chercheurs explorent la dimension plurilinguistique et pluriculturelle. En dépit de cette hétérogénéité,
l’ouverture sur d’autres langues et d’autres cultures demeurent capitales.
   Dans un premier temps, nous abordons la problématique qui gravite autour de l’appropriation de la
langue, de la culture et de l’identité. Dans un second temps, l’accent est mis sur l’optimisation de la
compétence interculturelle dans le cadre de l’enseignement/apprentissage des langues étrangères. Dans
un premier temps, nous abordons la problématique qui gravite autour de l’appropriation de la langue, de la
culture et de l’identité. Dans un second temps, l’accent est mis sur l’optimisation de la compétence
interculturelle dans le cadre de l’enseignement / apprentissage des langues étrangères.
Notice biographique:
   My. Mohamed TARNAOUI, enseignant de français au lycée qualifiant. Doctorant en didactique du FLE,
laboratoire LARLANCO, Université Ibn Zohr, Agadir. Titulaire d’un Diplôme des Eudes Supérieures (D.E.S)
en didactique du F.L.E de l’Université Hassan II, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines,

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